- Speaker #0
La Sportive Outdoor,
- Speaker #1
le podcast.
- Speaker #0
Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Sophie Planque, aventurière, réalisatrice, photographe, exploratrice, membre de la Société des Explorateurs Français. Sophie va nous parler de son parcours, de son premier voyage bien musclé à vélo et de son récent voyage à vélo en solo en Pologne. Je suis vraiment ravie de te recevoir, bienvenue Sophie !
- Speaker #1
Bonjour Lorraine, merci, merci pour l'invitation.
- Speaker #0
Est-ce que tu veux bien te présenter pour celles qui ne te connaîtraient pas ?
- Speaker #1
Oui, alors j'ai 36 ans, j'habite maintenant en Bretagne. Je suis une grande passionnée de géographie, d'histoire, d'exploration. Et je suis aussi journaliste réalisatrice depuis 15 ans maintenant pour la télévision française. Donc à travers et mon métier et ma passion pour la géographie, je rapporte des histoires, je réalise des expéditions, j'écris aussi des livres. Je donne des conférences, je fais des photos. J'ai un petit peu plein de casquettes pour être capable de vivre de cette grande passion de l'extérieur, de la rencontre. Et c'est ça qui m'anime et qui me fait voyager beaucoup sous différentes formes.
- Speaker #0
Et comment ça t'est venu ça ? Est-ce que depuis toute petite, tu sentais qu'il y avait vraiment cette envie d'aller découvrir le monde et partager des histoires ? Ou c'est venu plus tard ?
- Speaker #1
Je pense que c'est venu assez vite dans ma vie, dans le sens où moi j'ai... on va dire deux origines très très fortes du côté de mon papa c'est la Bretagne, du côté de ma maman c'est la Pologne et régulièrement pour Noël on prenait la voiture et on faisait deux jours de route pour aller fêter les fêtes de Noël en Pologne et ces souvenirs on va dire d'enfance de traverser des frontières de découvrir un monde qui est complètement nouveau. Enfin, je veux dire, la Pologne des années 90, c'est pas du tout la même chose que la France. Donc, quand on a des yeux d'enfant, tout est magique, en fait, y compris l'hiver. On connecte à des températures assez froides. ma famille habitait dans un endroit assez reculé en Pologne et j'ai encore cette image de la campagne blanche avec énormément de neige la culture est très différente et donc forcément Moi, ça m'a appelée, ça m'a intriguée et je me suis dit « Waouh, c'est tellement simple de partir. C'est tellement simple d'aller ailleurs et de rencontrer quelque chose de différent, qui est inspirant et qui nourrit, que ça, ça a vraiment germé en moi toutes ces années-là. J'ai commencé à voyager d'abord avec mon sport de prédilection qui est le roller. Je faisais beaucoup de compétitions en France et à l'international. exactement de la même manière, je me suis dit mais c'est tellement simple de rencontrer des gens, de découvrir et de vivre des expériences transcendantes en bougeant que tout simplement après j'ai continué un petit peu dans ces gammes là en alliant vraiment cette passion et cet intérêt pour la géographie en me disant mais Sophie il faut que tu marches, donc j'ai commencé beaucoup à marcher j'ai traversé la Laponie finlandaise à pied toute seule pas mal de GR en France et en Europe. J'ai traversé le Svalbard à Ski Poulka en totale autonomie, par moins 30 degrés, c'était une expérience vraiment transcendante. Et puis, au fur et à mesure, je suis arrivée au Vélo.
- Speaker #0
Incroyable, ça fait déjà tellement d'expériences folles. Chacune mériterait un épisode de podcast, en fait. Et pour ce premier voyage à vélo, tu es allée d'Alaska en Patagonie, rien que ça. Comment c'est né cette idée déjà de vouloir te mettre au vélo ? Parce que tu disais que tu marchais beaucoup, pourquoi le vélo ? Et puis la raison pour laquelle tu t'es dit, tiens, Alaska-Patagonie, quelle bonne idée !
- Speaker #1
Alors ça, c'est un projet que j'ai mûri avec mon conjoint de l'époque, Jérémy Vaujoie. Ça faisait à l'époque trois ans qu'on était ensemble, et on était tous les deux de grands, grands passionnés de géographie, de traverser tout simplement, c'est ce qu'on appelle les marées à marées. partir d'un point d'une côte pour traverser une géographie et aller de l'autre côté sur une autre côte. On parlait du GR20 qu'on avait tous les deux traversé, etc. Et en fait, c'est venu assez naturellement, cette idée, cette envie de se dire « Waouh ! Qu'est-ce qu'on peut faire d'incroyable ensemble et de grand, de conséquent ? » Et sur un planisphère, on a vu l'Amérique du Sud. Et on s'est dit « Tiens ! » C'est un endroit où ni toi ni moi n'avons mis les pieds, chiche on y va. Et puis en regardant, en observant un petit peu de plus près la géographie, on s'est dit mais attends mais... Ça n'a pas de sens de faire juste l'Amérique du Sud pour nous. Regarde ce qu'il y a juste au-dessus. Il faut qu'on parte de tout là-haut pour aller tout en bas. Et ça, ça nous paraissait, on va dire, un défi à la hauteur de notre motivation. Et donc, on a mûri ce projet-là. On l'a gambergé. On a commencé à en parler, à étudier les cartes. Et puis, on s'est dit qu'à pied, ce serait un peu long et qu'on n'avait pas envie de faire que ça de notre vie. Et donc... Donc notre choix s'est porté sur le vélo pour ce côté un petit peu plus rapide que la marche à pied, mais tout aussi immersif et transcendant dans le sens où on scanne toujours une géographie avec son propre corps, qu'on soit à vélo ou à pied, on ressent les choses, on voit les choses, on peut décider d'être plus lent si on a envie ou un petit peu plus rapide. En tout cas, ça permettait une grande liberté de mouvement et de choix d'itinéraire. Moi, c'est vrai qu'à l'époque, je n'avais jamais fait de vélo. J'avais une petite bicyclette pour aller chercher le pain. Je n'ai jamais eu de vraie VTT dans ma vie. Je ne savais pas ce que c'était des suspensions, le braquet. Aucune idée de ce que ça voulait dire. Je disais guidon, pas cintre. J'avais zéro culture vélo. Le Tour de France, je déteste ça. Donc, il y a un vrai... On va dire qu'il y avait un... une vraie dichotomie en fait dans l'idée de vouloir faire un voyage à vélo alors que j'y connaissais rien. Mais j'ai toujours vu et je le vois encore toujours mon vélo comme un outil de déplacement. C'est mon allié qui me permet de vivre quelque chose, d'aller vers, d'aller quelque part. Et donc je n'ai pas du tout eu peur de me lancer dans une grande traversée comme ça. À l'époque, on s'imaginait un an et demi de voyage pour 25 000 kilomètres. Et en fait, ça a été deux ans et demi de voyage pour... 30 000 kilomètres. Je me suis juste dit, en fait, c'est juste un petit peu de technique, un petit peu de matos à apprendre et puis après, ça va faire. C'est ce qui s'est passé.
- Speaker #0
C'est incroyable quand même. Déjà, j'adore votre logique de l'Amérique du Sud, finalement, non, mais on va allonger un peu, regardons ce qu'il y a un petit peu au-dessus. C'est devenu vraiment bien au-dessus. Et puis, ouais, d'oser se lancer en se disant, en fait, ça va le faire. On verra bien et de toute façon, on a envie. C'est vraiment fascinant. Et qu'est-ce que ça t'a apporté, alors, cette première très grande expédition à vélo, quand même ? C'est rare de commencer un voyage à vélo par 30 000 kilomètres.
- Speaker #1
Oui, alors, ça apporte beaucoup de choses. Et, tu vois, on est partis, c'était 2017. On est rentrés fin 2019, juste avant le grand confinement que tout le monde a vécu il y a 5 ans. Ça s'est arrivé à un moment dans ma vie, ce voyage, très important. J'avais 27 ans quand on est partis. J'en avais 30 quand on est rentrés. donc ça forge et ça contribue à forger un caractère à un moment donné où on se construit personnellement très fortement. Donc ça confirme beaucoup de choix de vie, ça confirme un état d'esprit, une philosophie, une manière de voir les choses. Ça donne des exemples, ça donne tout simplement du concret sur lequel s'appuyer pour vivre tous les défis qu'on peut vivre dans une vie. C'est un voyage durant lequel moi j'ai eu deux accidents majeurs. où j'ai failli mourir. Donc ça a scellé aussi quelque part le destin de ce voyage-là que de tomber assez tôt dans l'expédition. J'ai eu un mauvais accident avec un camion. J'ai eu un deuxième accident dans des cactus, dans des falaises au Pérou qui n'a pas été simple non plus à gérer. Donc ces épreuves personnelles, elles renforcent la personne que je suis littéralement. Et puis, c'est aussi beaucoup de rencontres, beaucoup d'apprentissages. C'est se donner le temps de réfléchir. Parce que quand on est à vélo, tu t'imagines bien, dans un voyage aussi long, on a le temps de penser. Le vélo, il permet ça aussi. Tu sais, cette rythmique, cette respiration, cette introspection. Il y a quelque chose de transcendant dans le fait de traverser une géographie avec son vélo. Et donc, ça nourrit, ça grandit. et ça... ça m'a fait surtout comprendre que tout est possible et que ça peut faire mal ça peut prendre du temps ça peut devoir se transformer et ne plus correspondre à ce que l'on s'était imaginé mais c'est surtout aussi accepter que tout sera pas comme on l'avait imaginé je crois que c'est ça aussi c'est vraiment pour moi une belle philosophie de vie que de voyager avec un vélo On prend les choses comme elles viennent, on n'a pas le choix. On fait avec. Et on verra bien où ça nous mènera.
- Speaker #0
C'est vrai. Et suite à ce voyage, donc t'en as fait d'autres à vélo, enfin t'as fait plein d'autres choses, mais à vélo, quels ont été tes autres voyages ? Et est-ce que c'était... Enfin, facile, enfin facile, je ne sais pas si c'est le bon mot, mais en tout cas, après une telle aventure, du coup aussi longue, et tu le dis, qui aide autant aussi à se construire, est-ce que repartir pour autre chose, en fait, c'était quelque chose qui était naturel ou en fait, finalement, pas évident ?
- Speaker #1
Alors, quand je suis rentrée en France, j'ai réalisé beaucoup de petits voyages à vélo, donc des grandes traversées VTT, en fait, de massifs, le Vercors, l'Ardèche. Sans parler de massifs, il y a aussi la grande traversée de la Creuse qui était super. À chaque fois, c'était des petits voyages d'une semaine pour reconnecter tout simplement au plaisir de l'itinérance à vélo, de manière un petit peu plus sportive aussi. Et puis encore une fois, on était dans une période post-Covid où on ne pouvait pas faire grand-chose. Et donc, redécouvrir ces petits massifs, ça faisait du bien à vélo du coup. Ce que moi, j'avais fait à pied, mais jamais à vélo. Donc ça faisait beaucoup de bien. Et puis ensuite, il y a eu un autre projet qui est né, qui a un peu découlé de Alaska-Patagonie. C'était un voyage autour de la mer Baltique en plein hiver, à vélo. Donc 5000 kilomètres pendant cinq mois, pour aller témoigner des cultures ancestrales baltes, en Estonie, Lettonie, Lituanie. Mais le voyage en question, c'était partir des côtes de la mer Baltique en Allemagne. Langer les côtes polonaises, remonter les trois pays baltes, Lituanie, Lettonie et Estonie. Ensuite, terminer la boucle en passant par la Finlande et la Suède et revenir avec un petit bateau. Et donc, tout ça, on l'a fait à nouveau avec Jérémy, mon ancien conjoint, par moins 30 degrés, dans des conditions assez compliquées, mais avec les mêmes vélos qu'à l'Escape Patagonie. Et là, je t'avoue que... Le redépart, il a été un peu compliqué parce qu'en fait, il y a eu un mélange d'expérience et de naïveté. C'est-à-dire que je savais très bien dans quoi on allait encore s'engager. Ce n'est pas anodin de faire du vélo par moins 30, par moins 20 degrés. Ça peut être un peu dangereux, il faut faire attention. Donc, il y a cette notion de j'ai déjà eu deux accidents, je sais ce que ça fait que de souffrir. tout ce que ça remet en cause dans une vie que d'avoir un accident j'espère qu'il n'y en aura pas d'autres et en même temps il y a cette naïveté de quelqu'un qui crée quelque chose de nouveau qui ne sait pas trop vers quoi ça va mener mais elle y va quand même et donc tu vois il y a ce petit mélange entre l'appréhension et en même temps la joie de se relancer, ce nouveau coup de pédale et ça c'est un petit temps d'adaptation Et je pense que c'est une étape importante qu'on doit traverser pour se poser les bonnes questions. Pourquoi je fais ça ? Quel est l'intérêt ? Et donc ça renforce. Et c'est une petite semaine où on est à tâtons et puis après ça roule, ça file.
- Speaker #0
Incroyable. C'est vrai que le moins trans, j'ai du mal à l'imaginer. Et les images que tu as faites sont vraiment incroyables. Elles sont très très belles. Mais on est plongé, vraiment immergé dans tout ce blanc. J'imagine que c'était quand même compliqué de résister au froid comme ça. Vous étiez hyper bien équipée et du coup, ça passait à peu près ou ça restait quand même vraiment difficile ?
- Speaker #1
Non, ça reste compliqué. Alors, on en a fait un film, c'est vrai, qui s'appelle Au pays des brumes, qui a été diffusé sur Arte, sur Ushuaïa TV. Un livre aussi du même nom, où vous pouvez voir justement un petit peu les photographies de à quoi ça ressemble de faire du vélo en plein hiver. On a constamment froid, en fait. parce qu'évidemment on dort dehors, on vit dehors, de temps en temps on va à l'hôtel une fois tous les dix jours et ça nous arrive d'être hébergé chez l'habitant, mais de manière générale on est quand même soumis à l'extérieur constamment, et donc forcément c'est pas simple à gérer, parce que quand bien même on a la doudoune qu'il faut, les gants de guidon qui vont bien, ça n'empêche qu'on vit en extérieur, et donc au bout d'un moment le le corps est fatigué. Et très souvent, ce sont les pieds qui sont les plus douloureux parce qu'il y a la pression sur la pédale et puis il y a le manque tout simplement de circulation. Donc il faut parfois descendre du vélo et marcher avec son vélo pour redérouler le pied justement et faire en sorte que le sang circule à nouveau. Donc on est nécessairement beaucoup plus lent. Et c'est, je pense, la plus grande difficulté d'un tel voyage en hiver, c'est d'accepter d'être lent. On fait entre 20 et 30 kilomètres par jour maximum. en moyenne. Oui, d'accord. Parce qu'à Patia-Grand-Denis, on fait entre 70 et 90, même dans les montagnes. Au Pérou, on faisait entre 40 et 50. Ça dépendait des jours. Et ouais, c'est accepté que tout prend beaucoup plus de temps. Montage de tentes, démontage de tentes, on n'a pas trop la possibilité de faire des erreurs. Sinon, on risque de se mettre en danger. Donc, il faut réfléchir beaucoup plus et tout ça, ça prend du temps, mais ça vaut le coup.
- Speaker #0
Ça fait une expérience hors du commun, une nouvelle fois. Et plus récemment, tu es partie seule à vélo en Pologne, donc voyage un peu différent des précédents. Pourquoi est-ce que tu as choisi cette destination ?
- Speaker #1
Ce voyage polonais, c'était un voyage de reconnexion, on va dire, à mes racines. Comme je le disais tout à l'heure, ma mère est polonaise et donc tous les hivers, on partait en Pologne quasiment pour les fêtes de Noël. et puis la vie a fait que les familles se sont un petit peu peu divisé et moi j'ai eu envie et besoin de reconnecter tout simplement à toutes ces personnes-là de ma famille mais j'avais pas envie de juste y aller pour aller dire bonjour, j'avais besoin de cheminer dans ce projet-là et de reconnecter à une Pologne que j'avais pas vu depuis 20 ans quand même, ça faisait un petit bout et encore une fois j'ai vu le vélo comme un excellent moyen de redécouvrir la Pologne parce que quand je voyage avec mon vélo, je rencontre des gens, je découvre des géographies, des lieux, de la nature, et donc j'arrive à m'immerger, à comprendre un petit peu mieux l'environnement dans lequel les gens vivent, et ça me donne, on va dire, un surplomb global d'un endroit. Et moi, j'aime bien parce que ça me donne à sentir vraiment en fond quelqu'un ou quelque chose, et c'était rassurant aussi. que d'utiliser à nouveau mon vélo. Je suis partie en train de France. Je suis arrivée à Varsovie avec mon vélo. Et puis, j'ai commencé à pédaler de la capitale pour aller dans les zones les plus sauvages, on va dire, de Pologne. Aller vers la forêt de Białowieża, qui est la dernière forêt primaire d'Europe, où il y a encore des bisons sauvages. Aller dans les grands marais, ensuite la région des lacs polonaises, et ensuite redescendre dans un arc de cercle en direction de... de la région de ma famille autour de Poznan. Et là, tu vas rire, mais je crois que j'ai eu plus peur de me lancer dans ce voyage-là que dans la traversée des Amériques à vélo.
- Speaker #0
Est-ce que c'était le fait d'être en solo ? Est-ce que c'était le fait de partir aussi peut-être sur la trace de tes origines où il y a un côté émotion ? Est-ce que tu arrives à identifier pourquoi tu avais cette appréhension ?
- Speaker #1
Je pense que c'était un petit peu des deux. Je pense que ça faisait longtemps que je ne m'étais pas retrouvée seule à voyager, alors que j'adore ça. Et j'avais besoin de reconnecter justement à ce que je vaux, tout simplement, à ce dont je suis capable de faire. Quand je pars, j'ai 35 ans et j'ai envie de ressentir un petit peu à nouveau la solitude et l'appréciation de ces moments seuls. Et puis c'est aussi une Pologne qui a énormément changé en 20 ans. Et ce que ça va me plaire, tout simplement, il y a aussi cette... question là de qu'est ce que je vais aller voir et est ce que ça va bien se passer est ce que est ce que je vais apprécier en fait cette démarche là de découvrir la pologne à vélo il faut savoir aussi qu'à l'époque moi je vivais en montagne en savoie et là je m'engage dans un itinéraire qui est relativement plat quand même la partie nord et est de la pologne elle est elle est assez plate. Donc, je ne vais pas dans le sud où il y a les montagnes. Donc c'est plein d'interrogations. Et puis oui, je crois qu'il y a aussi ce côté très émotion à toucher et aller vraiment en profondeur dans une thématique très personnelle, familiale. Et donc il y avait toutes ces interrogations-là à un moment de ma vie où je me dis « Allez Sophie, bouge-toi les fesses et sors-toi un petit peu à nouveau de tes gonds. » je crois que c'est plus facile de... traverser un hiver autour de la Baltique par moins de 30 degrés que d'aller puiser dans des fonds un peu intimes.
- Speaker #0
C'est intéressant, effectivement. Et je trouve ça... Donc, tu partages aussi certaines choses sur ton compte Instagram. Et c'était quelque chose qui me frappait, en fait, en lisant tes posts. Je trouve ça chouette que tu partages aussi ce genre de choses, en fait, ce genre d'appréhension que tu peux avoir. Parce que, enfin, pour quelqu'un de plus lambda, tu vois, qui fait pas des aventures comme toi, aussi incroyables, on a toujours tendance à se dire « Ah, c'est pas normal que j'ai peur, etc. » se dire que quelqu'un comme toi a aussi ses moments d'appréhension et de doute, déjà franchement je trouve ça très rassurant, donc merci de partager ça. Et est-ce que une fois que tu es parti, l'appréhension est vite partie en fait ?
- Speaker #1
Elle a mis du temps à partir l'appréhension et je crois vraiment que c'est un processus important à vivre parce qu'il est essentiel, je trouve, dans le ressenti en voyage. Si on essaye de l'occulter, d'aller contre, je pense qu'on passe à côté d'une partie de son voyage. C'est essentiel d'avoir peur, c'est essentiel de se poser toutes ces questions-là et de se demander pourquoi. Pourquoi je fais ça en fait ? Pourquoi je me mets dans cette situation d'inconfort ? Et puis comment est-ce que je peux me rassurer toute seule ? Ça c'est important. Où est-ce que je vais puiser comme force pour trouver de l'apaisement ? Même si je sais que les premières nuits elles ne vont pas être simples, c'est normal. C'est de la réadaptation constante que de voyager seule quelque part. Donc c'est changer ses habitudes, c'est se rappeler. Ah oui tiens c'est vrai j'ai oublié, il faut que je fasse ça. Quand bien même on est habitué et qu'on fait souvent des expéditions, il y a les petits automatismes qu'il faut récupérer et il faut être indulgent avec soi-même et accepter que oui on va refaire des petites erreurs au début et puis après on va les corriger au fur et à mesure. Et moi une des manières que j'ai trouvées de me rassurer, c'est de ne prendre avec moi dans mon vélo qu'un hamac pour dormir. C'était mon choix. Tous les précédents voyages que j'ai fait à vélo, on était en tente. Ou même tous les voyages que j'ai fait à pied, c'était dodo en tente. Là, j'avais envie de rompre avec ça et de dormir en hamac. D'une, parce que c'est un peu plus léger. Et puis surtout, ça m'oblige à trouver un coin arboré pour camper et bivouaquer. Et donc, ça m'oblige à aller en forêt et à me cacher. Et moi, c'était mon astuce pour me dire, OK, Sophie, tu vas te mettre dans un endroit où il n'y a personne qui passe. Tu es sûre qu'en dehors, peut-être un loup, un chevreuil ou un sanglier, tu seras tranquille, il n'y aura pas d'humain. Parce que j'avais plus, entre guillemets, peur de rencontrer un humain qu'un sanglier dans la forêt.
- Speaker #0
C'est souvent ça, en fait. Effectivement. J'adore la technique du hamac.
- Speaker #1
Oui, et c'est...
- Speaker #0
Et est-ce que...
- Speaker #1
De dormir en hamac, en forêt, tout seul, on est invisible.
- Speaker #0
Ça doit être une expérience vraiment particulière, je ne l'ai jamais fait, mais tu dois ressentir vraiment toute l'atmosphère de la forêt en direct.
- Speaker #1
C'est complètement ça, tu te réveilles le matin et les animaux ne te voient pas non plus. Parfois j'ai vu des petites fouines ou des belettes passer sous mon hamac. parce qu'en fait je faisais pas de bruit le hamac en fait tu sais pas s'il y a quelqu'un dedans tant que la personne bouge pas et donc du coup il y a quelque chose d'assez joli à se retrouver là et même je me suis dit si jamais il y a des sangliers je monte un petit peu mon hamac et comme ça ils vont pas m'embêter c'était un petit peu l'astuce mais c'est ouais moi j'aime beaucoup le hamac pour ça, on est bercé aussi un petit peu par le vent C'est de la technique, il faut dormir pas tout droit mais un petit peu en biais pour être sûr d'être à peu près droit au niveau du dos. Mais je me sens un petit peu, tu vois, enlacée, bercée par les arbres.
- Speaker #0
Ça doit être agréable, ça donne envie de tester. Une fois que tu as trouvé justement la bonne technique, quelles ont été tes plus grandes surprises ou tes plus grandes émotions lors de ce voyage ?
- Speaker #1
Je pense déjà c'était de... Le premier coup de pédale, j'avoue, j'ai pleuré. parce que j'étais fière et heureuse de me relancer dans un projet comme celui-ci. Donc, je partais pour faire un mois de vélo. J'ai fait 1500 kilomètres à peu près. Et j'étais heureuse de me dire que j'étais capable de me mettre ce petit coup de pied, déjà, pour faire ce petit projet-là. Et je ne m'y attendais pas du tout à cette émotion du premier coup de pédale. C'était assez libérateur, ça faisait du bien. C'était un peu de fierté aussi, donc c'est quelque chose qui fait beaucoup de bien. Ensuite, tout le temps que j'ai passé dans la forêt de Biaowéja, donc tout à l'est de la Pologne, à la frontière biélorusse, ça a été des moments extrêmement transcendants. J'ai vu beaucoup de bisons sauvages, j'ai vu trois loups. Un matin, des loups blancs incroyables qui ne m'avaient pas vus, et puis j'ai surpris avec mon vélo. beaucoup de très très belles observations animalières et des rencontres assez marquantes aussi avec les locaux à un moment donné où en fait quand je suis arrivé dans la forêt de Biaowéja j'ai été prise au piège entre guillemets par par une situation complexe parce qu'il y a un douanier, un militaire polonais qui a été tué sur la frontière biélorusse au niveau du mur qui a été construit et qui coupe maintenant la forêt primaire en deux, un énorme mur qui a été finalisé en 2022, pour lutter contre l'immigration clandestine. Et c'est une zone qui du coup est très sensible. à bien des égards, politiquement, militairement. C'est une zone qui divise énormément la Pologne et l'Europe. Il y a les pros, il y a les antis. Et puis, il y a beaucoup de militaires. Et avec la guerre en Ukraine, c'est une zone particulièrement sensible en ce moment. Et quand moi j'arrive avec mon vélo par la forêt, par les petits chemins, je ne suis pas au courant qu'on vient d'établir une zone tampon. Et donc, c'est une zone où... plus personne peut rentrer ou plus personne peut sortir jusqu'à nouvel ordre. Et donc moi, j'arrive là, je rentre dans le petit village, il y a à peine 2000 habitants, si je dis pas de bêtises, en Bia-Oveja, et puis les gens me disent « Mais comment t'as fait pour rentrer ? » J'ai dit « Bah, c'est par les chemins de forêt. » Et c'est là qu'on m'annonce qu'il y a une zone tampon et qu'officiellement, les étrangers n'ont pas le droit d'être là. Encore moins les journalistes. Moi, j'ai un petit peu la double casquette. Donc je suis hébergée par une femme qui me laisse une chambre pendant 4-5 jours, le temps que la situation se calme un petit peu. Et c'est 4-5 jours durant lesquels j'aurai le temps de vraiment connecter à beaucoup de locaux. Et puis surtout de faire mes journées et mes matinées en forêt pour aller m'immerger et m'imprégner un petit peu de cette forêt primaire qui est un joyau chez nous en Europe. C'est la dernière forêt. qui n'a pas été touchée par l'homme depuis au moins 700-800 ans. C'est comme ça qu'on peut définir qu'une forêt est primaire. Et en même temps connectée à cette réalité politique qui n'est pas simple. Et donc voilà, moi c'est ce que j'aime aussi dans un voyage, c'est être capable d'aller au-delà, de juste prendre mon petit vélo, mais aller comprendre un petit peu tout ce qui se passe. Et ça, ça a été assez dur à vivre, je crois. parce que tu rencontres des personnes qui sont pro-murs, pour qui c'est important que le mur soit là, tu rencontres des personnes qui sont dans la défense de l'environnement, qui voudraient que le mur soit tombé, et tu témoignes aussi de la complexité de la Pologne d'aujourd'hui, et en ça c'est assez intéressant.
- Speaker #0
C'est super intéressant comme rencontre, mais c'est sûr que ce n'est pas simple d'écouter du coup. tout ce monde-là, sans être non plus trop dans le jugement, parce que toi, tu ne vis pas là. Mais c'est intéressant d'arriver à s'immerger vraiment dans la vie du lieu et de rencontrer des personnes. C'est vrai que ça, on n'arrive pas toujours à le faire. Toi, tu y arrives vraiment bien. Comment tu fais, une fois que tu arrives comme ça, quelque part ? Est-ce que spontanément, tu commences à discuter avec des gens ? Après, ça se fait un peu naturellement. Tu vois, par exemple, le fait d'aller dormir chez cette femme, comment ça s'est fait ?
- Speaker #1
Alors, le fait de dormir chez quelqu'un, c'est juste parce que j'étais dans l'embarras, parce que tout était fermé déjà à peu près. Le seul hôtel qui était ouvert, c'était un hôtel un peu de luxe dans lequel d'ailleurs étaient logés tous les militaires. Et la nuit, c'était un truc comme 200 euros. Et là, je me dis, non, mais ce n'est pas mon budget, c'est hors de question. Je ne peux pas mettre 200 euros par nuit. Je ne sais pas combien de temps. Tu vois, ce n'était pas possible. Et donc, c'est tout bête. Mais je vais vers les gens, je leur demande. Je leur dis, est-ce que vous savez, est-ce qu'il n'y aurait pas peut-être une petite auberge ou quelque chose de plus bon marché, etc. Les gens me disent non, non, non. Je bredouille un peu le polonais. Je ne parle pas bien le polonais. C'est ce que ma mère ne m'a pas appris. Mais j'ai quelques phrases, quelques notions. Et mon oreille... par contre, est bien faite aux Polonais. Donc, c'est entre guillemets facile de comprendre. Pas trop de parler, mais... Mais, en fait, une dame me renvoie vers une dame qui me renvoie vers une dame qui me renvoie vers une dame qui dit, bon, allez, viens chez moi. C'est comme ça que ça s'est fait. Et le deal, c'était que je lui payais, entre guillemets, les petits déjeuners. Et comme ça, elle était contente et moi, j'étais contente aussi. Et c'est comme ça que ça s'est fait. Mais je crois que...
- Speaker #0
Le vélo, c'est un beau vecteur social déjà, parce qu'en fait, il donne du sens et un intérêt à une démarche, à une traversée. Le fait de le faire à vélo, c'est aussi vrai à pied. Mais je trouve que le vélo, il a ce caractère assez universel, où tout le monde a eu un vélo dans sa vie, où a appris à faire du vélo, c'est un déplacement pour les populations pauvres, c'est un déplacement, entre guillemets, aussi un peu bobo aujourd'hui. Donc en fait, ça mélange, ça lie tout le monde. Et tout de suite, il y a un intérêt. Ah tiens, ton vélo, il est comme ça. Ah oui, tu as autant de vitesse. Ah, il est telle couleur. Et puis ça, c'est Sarah Kwa, etc. Donc il y a tout de suite, je trouve, de la curiosité autour du vélo. Et donc du coup, ça déporte la curiosité qu'on pourrait avoir sur soi. Et donc c'est intéressant. Moi, j'aime bien cette Ausha. Ça permet aussi de parler des chemins, des sentiers. de pourquoi par ici, pourquoi par là, ou de dire bah tiens je suis passée par tel village pour arriver chez toi, ah bah tiens là il y a ma sœur et machin et truc et bidule et donc en fait ça élève un petit peu le propos je trouve et ça permet d'aller au-delà de juste moi, toi, ça englobe tout et moi je trouve que c'est ma manière à moi d'aborder les gens, de mélanger tout ça et de créer du lien. Après, je suis une grande humaniste et moi, j'aime aller vers les gens. J'aime apprendre des gens. Et donc, je n'ai absolument aucune réticence à aller vers des gens que je ne connais pas, même des gens qui pourraient paraître louches au premier abord.
- Speaker #1
Est-ce que tu... C'est bien comme démarche, mais c'est vrai que le vélo, je trouve que ça va être toujours un peu plus facile. Parce qu'effectivement, comme tu dis, il y a déjà un sujet qui va servir d'introduction et après... c'est plus simple de continuer la discussion une fois qu'elle est enclenchée. Est-ce que tu peux nous parler d'une ou plusieurs personnes qui t'ont marquée en cours de route ?
- Speaker #0
Oui, par exemple à Bia Ausha, j'ai rencontré un guide biologiste qui vient du Portugal et qui est installé à Bia Ausha depuis plusieurs années maintenant. et on a passé une journée ensemble il m'a emmenée en forêt en fait dans un coin assez spécifique de la forêt qui s'appelle la réserve stricte en fait j'ai enjoint un groupe qui partait pour découvrir cette partie là de la forêt quand on dit réserve stricte c'est une réserve vraiment intouchée où on il ne se passe rien, les arbres se décomposent jusqu'au dernier stade de la décomposition tout est laissé et l'homme n'a absolument le droit de rien faire dans cette partie-là du parc national qui est réparti entre la Pologne et la Biélorussie et donc il m'invite à rejoindre ce groupe pour aller découvrir un petit peu la forêt et ensuite on passera la journée ensemble à papoter, à discuter et aller très loin dans la notion d'écologie, d'impact et de poumons, de centres un petit peu que représente Bia Ausha en Europe. Et c'est vrai que quand tu regardes sur la géographie, c'est une forêt qui est vraiment centrale. Et c'est vraiment la dernière qui existe en plaine. Je ne parle pas des montagnes, mais en termes de plaine, c'est vraiment notre dernier petit bijou de biodiversité. Et ça magnétise beaucoup. Et il y a beaucoup de personnes qui se sentent attirées par cette forêt-là. Et notamment cet homme qui vit là, qui est marié maintenant à une Polonaise, qui a refait sa vie ici. Et tu vois, c'est juste des personnes qui vont impacter ton jour, ton quotidien, avec qui tu vas avoir des discussions transcendantes. Mais ça va donner le ton aussi d'un voyage. Parfois, ça se résume à ça. C'est une personne qui va te dire quelque chose et qui va te faire gamberger toute la journée et ça va impacter le reste du projet. Et il m'a dit de très belles choses sur la relation entre un voyage pour renouer avec sa famille et un voyage au cœur, on va dire, des racines les plus profondes de l'Europe, tu vois. C'était assez poétique et assez joli. Et puis, je peux penser à un autre monsieur qui s'appelle Christophe, que j'ai croisé. Il sortait d'une forêt. Et c'est drôle, c'était en plein milieu d'une zone très marécageuse de Pologne, Narodowe ça s'appelle, et il y avait des panneaux partout qui indiquaient « attention, il y a des élans qui peuvent sortir de la forêt, etc. » Et ça me fait marrer parce qu'à ce moment-là, je vois quelque chose bouger entre les arbres, et c'est Christophe ! C'est pas du tout un élan, c'est un monsieur ! mais qui pour le coup a une tête un peu d'animal sauvage. C'est quelqu'un qui vit en forêt, il est d'ailleurs considéré par les locaux comme le roi, la forêt de Narodove. Il a quitté la capitale de Varsovie quand il était jeune, et il s'est installé vraiment, il a fabriqué sa maison, et aujourd'hui c'est un homme des bois littéralement, qui a une odeur très particulière, et cette odeur elle est restée dans mon nez pendant trois jours. C'était assez particulier. Mais c'est un monsieur, pareil, tu sais, très brut, nature, qui n'a pas de code. Et avec qui tu vas pouvoir discuter très en profondeur de beaucoup de sujets. Et moi, j'aime beaucoup ces rencontres qui sont éphémères où tu te dis au revoir. En fait, tu te dis adieu. Mais quelqu'un dont tu vas te sentir très proche. Donc tu vas sentir une certaine filiation. Et ça, c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup, d'avoir tout de suite énormément d'empathie, de liens, d'amitié pour quelqu'un qu'on ne connaît pas. Je ne sais pas ce qu'il a fait dans sa vie, je ne sais pas pourquoi il s'est retrouvé en forêt, mais je sais juste qu'à l'instant T, la relation que l'on a, elle est belle et elle fait du bien. Et elle est utile. Donc c'est ce genre de... de rencontres qui nourrissent et qui font beaucoup de bien.
- Speaker #1
C'est vraiment précieux, ce genre de moments et de rencontres. Et est-ce que tu as eu des moments où ça a été... Alors, tu as parlé du coup déjà de la... Quand tu t'es retrouvée en zone tampon, j'imagine que c'était un moment difficile, forcément. Est-ce que tu as eu d'autres moments où vraiment c'était plus compliqué dans ce voyage ou est-ce que globalement, ça a quand même été... À part du coup, ce passage en zone où tu n'étais pas censée être ?
- Speaker #0
Alors, il y a eu deux... Deux facteurs, on va dire, compliqués à gérer. Le premier, c'était que je suis partie en juin. Et en juin, c'est la saison des orages en Pologne. Et on va dire, dans cette espèce de climat semi-continental où je me trouve, c'est des orages qui sont assez violents et qui font assez peur. Pour rappel, je dors en forêt avec mon hamac. Et donc, je... Quand je pars, je sais, on va dire, que la grande majorité des orages dans le continent vont se passer en journée et pas forcément en soirée. Donc c'était un peu mon pari en partant que de me dire que normalement les orages vont se déclarer soit le matin, soit l'après-midi. Et ensuite ça va s'éclaircir pour le soir. Je vais pouvoir dormir tranquille dans mes arbres et ensuite repartir le lendemain et puis me cacher quand il faudra me cacher. Ça s'est révélé juste dans 90% des cas. Donc j'avais le temps, on va dire, le matin, de me réveiller vers 5h, parce que c'est un moment en juin où il fait jour jusqu'à tard, et le soleil se lève très tôt et se couche très tard. Donc je peux faire une bonne partie de ma journée le matin, jusqu'à les 10h du matin, et après à 10h ça commence déjà à se charger. s'il n'y a pas déjà un terrible orage en face qui va m'alerter. Ce qui était compliqué, dans ce fait-là d'évoluer en forêt notamment essentiellement, c'est qu'on ne voit pas le ciel. Et donc du coup, on ne voit pas les nuages. Et donc pour moi, c'était très compliqué de deviner quand est-ce que ça allait tourner vinaigre pour moi. Parce que parfois, l'orage, il va se déclencher en quelques minutes. Du fait de ces présences d'arbres et donc de fort taux d'humidité, les orages peuvent littéralement, les cellules peuvent se fabriquer et monter directement juste au-dessus de votre tête et péter sec. Et donc là, c'est très dangereux. Moi, à plusieurs reprises, j'ai eu la foudre qui est tombée vraiment pas loin de moi, avec des chutes de grêle vraiment terribles qui ne sont pas simples à gérer. Et donc là, dans ces moments-là... Je quitte la forêt, je me rapproche des villages pour trouver justement un abri et puis attendre que ça passe. Il y a une fois où j'ai eu une alerte sur mon téléphone qui m'indiquait que... il allait y avoir un orage de nuit et donc là j'ai été voir un camping j'ai posé mon hamac mais j'ai passé la nuit dans les toilettes parce qu'il y avait beaucoup trop de vent et beaucoup de chutes de branches et donc du coup là on fait j'ai pas fait la maligne j'ai été me réfugier dans les toilettes et j'ai évidemment pas dormi mais c'est pas grave et puis l'autre l'autre moment un petit peu compliqué ça a été On va dire le seul soir où j'ai dérogé à ma règle de dormir en forêt. Je m'étais dit, Sophie, pour être tranquille, pour être sécure, pour rencontrer personne, tu te mets en forêt, comme ça tu es sûre de ne pas faire de mauvaises rencontres. Et puis le lendemain, en fait, de ce terrible orage, j'avoue, j'étais très fatiguée. Je n'ai pas fait beaucoup de kilomètres, j'ai dû en faire 50, 60. Et j'ai vu sur carte un lac. Et je me suis dit, tiens, je vais aller voir si je ne peux pas me poser au lac, me baigner, et puis dormir par là-bas, histoire de décompresser un petit peu. Et c'était en bordure de village. Je vais voir les gens du village, je leur demande si c'est OK, est-ce que c'est sécure, est-ce que c'est possible de dormir. au bord du lac, etc. Les gens me disent, oui, absolument, il y a souvent des gens qui font ça. Aucun problème, vas-y. Et puis, il y a même des locaux qui m'ont invité au petit déjeuner le lendemain. Ils m'ont dit, tu peux dormir à la maison si tu veux, mais sinon, si tu as envie, on se retrouve demain matin et on sort le petit-déj. Et moi, je leur ai dit, avec plaisir, pour le petit-déjeuner, j'avais vraiment envie de dormir au bord du lac. C'était vraiment une journée magnifique, pour le coup, qui allait être calme. et j'avais envie de voir ce coucher de soleil au bord du lac et de passer du temps au lac. Et donc il y avait deux arbres sur lesquels j'ai pu mettre mon hamac. Et vers 2h du matin, je me suis faite réveiller par un groupe de quatre jeunes garçons qui étaient complètement alcoolisés et qui sont arrivés, qui se sont mis au bord de l'eau. Ils ont vu qu'il y avait quelqu'un dans un hamac et donc ils ont commencé à... m'embêter un petit peu. À ce moment-là, j'ai pas envie de manifester par la voix, parce que j'ai pas envie qu'ils sachent que je suis une femme. Donc, je ne dis rien. Sauf qu'évidemment, ils sont éméchés. Donc, ils commencent à balancer tout simplement des déchets sur mon hamac, tout ce qu'ils ont et qui traînent. Je m'imagine, à ce moment-là... qu'ils doivent se dire que je suis une migrante, j'en sais rien, que j'ai rien à faire là. Je sens l'animosité monter un petit peu. Pour autant, je n'ai pas envie de sortir de mon hamac parce que je ne sais pas ce qui va se passer. Ils sont quatre garçons, un peu éméchés, je suis seule, je suis une femme. Finalement, j'allume ma lampe, je la projette sur eux, comme ça je vois à quoi ils ressemblent. Moi, je suis assez cachée parce que j'ai ma moustiquaire qui entoure mon hamac. et je suis dans mon duvet donc on voit pas trop mon visage et donc je pointe la lampe sur eux et donc du coup ça les effraie un petit peu ils s'éloignent ils vont jusqu'à leur voiture et là ils prennent des mortiers des feux d'artifice quoi mais assez conséquents et ils les allument et ils les envoient sur mon hamac et là je hurle pour le coup et là ils s'en vont heureusement ils ont mal tiré Donc, c'est passé à côté. Et puis surtout, comme il n'avait plus la veille, c'était très humide. Et donc, du coup, ça n'a pas pris feu au sol, en fait. Ça a fait pite, quoi, directement. Mais si c'était tombé sur mon duvet ou sur ma moustiquaire ou quoi que ce soit, potentiellement, ça aurait pris feu. Donc là, ça a été un moment assez difficile. Parce que moi, c'est ce que j'appelle une agression, littéralement.
- Speaker #1
Ça l'est, oui.
- Speaker #0
Voilà. Et donc... Donc, j'ai évidemment pas dormi. J'avais peur qu'il revienne. J'étais toute seule, bien entendu. Et donc, le lendemain matin, je suis allée voir ce villageois qui m'avait invité à petit déjeuner. Je lui ai tout raconté. Je lui ai raconté en allemand parce que lui, il parlait pas anglais. Et je parlais pas assez bien polonais pour expliquer. Et je parle de manière correcte allemande. Donc, il m'a consolée en allemand. Et c'est... Ça m'a fait rire de la situation parce qu'au final, c'était drôle après coup. Sur le coup, c'était compliqué à gérer émotionnellement. J'ai fait ce que j'avais à faire. Ce sont des choses qui peuvent arriver en voyage à tout le monde, que ce soit fille ou garçon. donc c'est des choses je me suis juste dit zut j'ai dérogé à ma règle et ça t'apprendra Sophie mais encore une fois c'est pas le fait d'avoir dérogé à ma règle qui m'a conduit à cette situation c'est ces garçons là qui auraient pas dû faire ça et qui ont fait ça totalement t'es pas la responsable de ça non non bien sûr mais voilà ça m'a vachement atteint sur le coup Merci. ça m'a beaucoup fragilisé la nuit d'après je suis allée à l'hôtel le surlendemain aussi et j'ai mis deux jours avant de rebivoquer mais je me suis surtout dit que le monde est fait de belles personnes et qu'il faut que je me rappelle de ça comme de ce monsieur qui m'a accueillie au petit déjeuner qui m'a fait des super beaux câlins de papa comme à sa fille pour... Voilà, pour me calmer, etc. Et voilà, moi, je m'accroche à ça aussi. Et au final, ces petites difficultés-là, c'est juste le monde, dans sa plus grande imperfection, qui s'est montré à moi.
- Speaker #1
T'as raison et t'as beaucoup de recul. C'est juste que tu dis, mais c'est vrai que ça devait être tellement effrayant que j'imagine que ce n'est pas évident d'arriver à prendre ce recul-là et même de recommencer à bivouaquer deux jours après. Je suis impressionnée honnêtement. Tu as tellement d'agressivité là.
- Speaker #0
Ça aurait créé un gros traumatisme. Et j'avais envie de le gérer tout de suite mon trauma. Parce que j'étais toute seule, parce que j'étais loin. Et j'avais encore des choses à faire. Il fallait que j'aille voir ma famille, etc. Et c'était important de conscientiser les choses tout de suite. comprendre ce qui s'est passé, et puis tout simplement, surtout me dire que ces personnes-là ne sont pas importantes, en fait. Ce qui est important, c'est ce que je fais, c'est le cœur que je mets dans cette démarche-là, et c'est juste une difficulté dans le voyage, voilà. Et ce n'est pas insurmontable, il faut... Après, ça dépend de sa sensibilité, bien sûr, il y a des personnes qui auraient peut-être besoin de plus de temps. d'autres moins, d'autres qui auraient complètement arrêté de faire du vélo. Enfin, tu vois, chacun réagit avec ses propres moyens et ses bagages. Moi, je pense que le fait d'avoir eu des accidents auparavant m'ont donné beaucoup d'outils pour structurer mon esprit. Parce que quand on vit un traumatisme, et ça, c'est une réaction normale psychologique, c'est que le puzzle, il est en désordre. Et il faut remettre les choses dans l'ordre. en fait, chronologiquement. Et moi, c'est quelque chose que j'ai fait tout de suite, mais avec beaucoup de difficultés. J'ai eu beaucoup de mal à pédaler, mais vraiment beaucoup de mal. Faire 50 kilomètres ce jour-là, ça m'a beaucoup coûté. Et j'ai même pris un petit train pour faire 50 bornes pour arriver dans une ville dans laquelle je pouvais trouver un hôtel. Parce qu'il n'y avait pas d'hôtel là où j'étais. Il n'y avait rien. Donc ça m'a quand même un peu fait tanguer, c'est normal. Mais c'était important de rebivouaquer, même si c'était très dur. J'ai passé la soirée au téléphone avec mon conjoint de l'époque et puis des amis. Et ça a été ma manière à moi de reconnecter à nouveau au bivouac. Mais ça m'a fait le plus grand bien. Le lendemain matin, quand je me suis réveillée, j'étais... J'étais en paix.
- Speaker #1
Et bien, ce voyage, ça semblait riche de plein de choses différentes. Si tu dois résumer un peu ce voyage, qu'est-ce que t'en retires à titre personnel et émotionnel, du coup, aussi dans le fait d'avoir été sur les traces de tes origines ?
- Speaker #0
C'est un voyage qui m'a fait vivre des choses assez puissantes et fortes. Je n'ai même pas parlé du solstice d'été, mais j'ai vécu deux célébrations de solstice d'été assez belles. en Pologne, et ça c'était juste avant de reconnecter à ma famille là-bas en Pologne on fête encore ce que nous on appelle la Saint-Jean mais qui s'est transformée aujourd'hui en fête de la musique on le fête encore de manière assez traditionnelle qu'on habite en ville ou à la campagne on se retrouve dans un environnement naturel, on fabrique des couronnes de fleurs et puis on danse autour du feu, etc il y a des concerts, etc Mais... On célèbre vraiment ce jour le plus long de l'année. Et ça donne lieu à des rencontres très belles pour le coup avec des femmes. Et puis surtout, il y a quelque chose autour de la fleur, moi, qui m'a absolument transcendée. Et en ça, ça mélangeait un petit peu tout. Ça mélangeait mes racines. Ça mélangeait ce projet que j'étais en train de réaliser au mois de juin, où il y avait des fleurs absolument partout autour de moi, tout au long du voyage, j'ai vu des fleurs. C'est ma mère qui m'a transmis cette passion aussi pour le végétal et pour les fleurs. Et donc, pour moi, c'est connecté à la Pologne. Donc, il y avait vraiment beaucoup de choses qui étaient en train d'éclore sans faire de mauvais jeu de mots. et ces célébrations Autour des fleurs, ça m'a rappelé le pouvoir et l'importance des fleurs dans nos vies. Et moi, je vois ça un peu comme de la poésie. Une fleur, c'est de la poésie. C'est délicat. Ça peut pousser dans des endroits où on ne l'attend pas. Ça peut nous surprendre par sa couleur, par son odeur, par sa forme, par son esthétique, par le souvenir que ça va nous faire ressortir. Ça peut nous faire pleurer aussi. donc il y a beaucoup de choses autour de la fleur qui m'ont beaucoup qui m'a vraiment impactée et j'ai vu la fleur comme quelque chose de tellement important, tellement précieux et c'est un peu une allégorie de tout ce qui est fragile et qui doit être protégé et qui est complètement éphémère et qui ne dure pas et en ça c'est célébration du solstice à mon nom elles m'ont rappelé à ça parce que quand on fabrique une couronne de fleurs l'objectif c'est de la jeter c'est à dire qu'on la fabrique pas, on met pas deux heures à fabriquer une couronne de fleurs pour la garder la faire sécher, la ramener chez soi non, la tradition c'est qu'on la porte sur sa tête toute la journée et puis ensuite au moment venu, le soir on la jette à l'eau il y a quelque chose de du lâcher prise qui est très beau dans ce geste-là. Il y a quelque chose de l'ordre de l'intention qu'on met dans la couronne de fleurs et qu'ensuite on la laisse un petit peu sur les flots et puis on va voir où ça l'amène. Et normalement, les hommes qui sont amoureux de la femme qui a jeté la couronne doivent aller à l'eau et récupérer la couronne. Et s'ils arrivent à retrouver la bonne couronne, ils obtiennent le cœur de la femme. Ça, c'est... J'ai vu que deux mecs aller à l'eau. C'est tout.
- Speaker #1
Motivés.
- Speaker #0
Mais j'ai surtout vu la beauté, la puissance des fleurs et puis la puissance du féminin aussi. Ça m'a beaucoup plu. C'est vrai que les Polonaises sont des femmes... Bon, les femmes de l'Est, en général, elles ont du caractère. Mais avec tout ce qu'elles traversent vis-à-vis de... des droits des femmes bafouées, de l'avortement qui est interdit en Pologne, etc. J'ai vu des femmes combattantes, j'ai vu des femmes inspirantes, et ça, ça m'a fait beaucoup de bien. Dans un pays qui est vraiment divisé politiquement, culturellement, religieusement, de voir des femmes très modernes qui utilisent la tradition pour défendre des droits qui sont résolument modernes, j'ai trouvé ça... vraiment beau, ça m'a fait du bien de connecter à cette Pologne-là, qui, je trouve, me ressemble, du moins, je ressemble, moi, à cette Pologne-là, et ça m'a fait du bien.
- Speaker #1
Cette tradition, c'est vrai que je connais, du coup, d'images et de films, mais je n'ai jamais vu, mais ça a l'air très fort, et tes images, à nouveau, je parle de ton compte Instagram, mais du coup, j'ai vu les images sur ton compte, sont très belles, c'est vrai qu'on est vraiment, enfin, on sent toute cette tradition, et ces femmes, en fait, vraiment très jolies. Est-ce que tu as prévu de faire un livre ou un film de cette aventure ou est-ce que c'est quelque chose que tu gardes pour toi ?
- Speaker #0
Alors j'ai beaucoup écrit et j'ai beaucoup pris du son pendant ce projet-là. Je n'avais pas forcément envie de filmer, j'avais vraiment envie de me concentrer sur le ressenti. Mais je crois avoir envie d'écrire sur ce projet et montrer de quelle manière ce voyage à vélo-là à travers les coins les plus sauvages de Pologne, permet de parler justement de sujets comme la transmission, en dehors de l'aspect voyage, dont je parlerai aussi, mais vraiment de cette logique de toutes ces personnes qui... En fait, on est beaucoup en France et partout autour de la planète à être impactées par des histoires familiales d'immigration, de coupures, de transmission de culture, etc. De ne pas pouvoir parler la langue, etc. Donc moi j'ai envie de parler un petit peu de ça, de fleurs aussi, beaucoup, t'as compris, et d'utiliser le voyage comme... comme manière de raconter des sujets un petit peu plus profonds en lien avec la Pologne, etc. Donc, oui, ça fait partie des projets en cours, mais il y en a 12 000 et je ne sais pas si j'ai une vie assez longue pour tout réaliser, mais en tout cas, il y a cette envie-là et j'ai déjà commencé à griffonner sur mes carnets et sur un dossier que j'ai appelé manuscrit. Donc, ça va germer, tout doux.
- Speaker #1
Ça commence quand même ! Le projet arrivera peut-être à terme. En tout cas, il est démarré. On suivra avec plaisir. Et pour terminer, on arrive au bout de l'interview. J'ai toujours une petite question traditionnelle. Quel conseil est-ce que tu donnerais à une femme qui souhaiterait se lancer dans ce type d'aventure ?
- Speaker #0
Je pense que le premier conseil, c'est de discuter avec un maximum de personnes différentes, hommes et femmes, pour travailler son propre projet. pas se contenter d'un seul avis ou d'une manière de faire ou d'un retour d'expérience, toujours essayer de mélanger au maximum pour être capable de se faire son propre avis et ses propres choix en fonction de son état d'esprit et de ce qu'on recherche nous, sans forcément vouloir copier ou faire de manière identique aux autres parce qu'on ne peut qu'être déçu si on cherche à copier et si on n'essaye pas de... d'appliquer à soi quelque chose qui a peut-être fonctionné chez les autres. Que ce soit en termes de matériel, en termes de trajet, et en termes même de philosophie de voyage. C'est important de piocher à droite à gauche pour fabriquer son propre propos à soi. Et ça permet vraiment de se poser les bonnes questions. Tiens, lui il a fait ça, et elle elle a fait ça. Moi mon projet c'est ça. En fait je vais prendre un petit peu de lui, un petit peu d'elle, et ça va fonctionner comme ça. Ça c'est le premier conseil. Et puis le deuxième, c'est de ne pas avoir peur de subir quelque part. Je sais que quand on a envie de partir, que ce soit pour une semaine, dix jours ou plus, on n'a pas forcément envie, dépendamment de ce qu'on vit au quotidien, de souffrir. Si on a envie de partir, c'est pour se faire plaisir, pour se faire du bien et se changer les idées. Mais je trouve qu'il ne faut pas occulter justement ce petit laps de temps qui ne va pas être simple, parce qu'il est nécessaire et il va faire du bien après. Donc il ne faut pas avoir peur de ça, il ne faut pas avoir peur de se dire je vais en chier, je vais mal vivre le fait d'être seule, je pense que ça ne peut qu'être utile.
- Speaker #1
intéressant, merci beaucoup merci pour tout ton récit c'était ultra intéressant de comprendre ce voyage ce qui t'a mené là, de voir aussi comment t'abordes les choses, justement ce point en fait oui c'est ok il va y avoir des moments difficiles mais j'y vais quand même toute la sensibilité aussi, la poésie qu'on voit que tu mets dans tes voyages, les rencontres c'était riche vraiment cet échange donc un grand merci Sophie et on va continuer à suivre tes prochaines aventures dans les prochains temps. On te souhaite plein de bonnes choses.
- Speaker #0
Merci beaucoup.
- Speaker #1
À très bientôt.
- Speaker #0
Ciao.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.