- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des soignants qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux et différemment. Aujourd'hui, je vous emmène littéralement au bout du monde, aux îles Kerguelen, un archipel perdu dans les terres australes françaises, balayé par les vents, isolé de toute civilisation, où seule une poignée de scientifiques et de militaires vivent chaque année. C'est là que Marie Rimbaud, une consoeur médecin, a choisi d'exercer pendant plusieurs mois. Un choix radical, presque fou. Quitter la métropole pour travailler dans un environnement hostile, sans hôpital, sans spécialiste, et avec pour seule ressource son savoir-faire, quelques caisses de matériel et un réseau de télémédecine fragile. Dans cet épisode, Marie va nous raconter son départ, sa préparation, ses conditions de vie et de travail dans ce décor hors normes. Mais aussi ce que cela change au fond d'être médecin dans un lieu où on est à la fois indispensable, seul et confronté à ses limites. Un témoignage précieux qui nous rappelle que soigner peut aussi être une aventure humaine au sens le plus fort du terme. Salut Marie ! Salut ! Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation Marie. Est-ce que tu peux me dire Marie, qu'est-ce que c'est et c'est où Kerguelen s'il te plaît ?
- Speaker #1
Alors Kerguelen c'est un archipel d'îles, c'est-à-dire qu'il y a la Grande Terre qui est l'île principale et il y a environ 300 petits îlots autour, ça fait à peu près la superficie de la Corse et c'est un territoire français... qui a une partie en réserve intégrale protégée pour la faune et la flore, avec des aires qui sont totalement conservées où on ne va pas en tant qu'être humain, et toute une partie qui est dédiée à des suivis scientifiques, que ce soit au niveau ornithologique, botanique, et pour lesquels ça fait partie de ce qu'on appelle les TAF, c'est les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Dans les Terres Australes, il y a trois archipels où on peut aller, il y a Crozet, Amsterdam... et Kerguelen. Et il y a des bases aussi en Antarctique qui font partie des taffes. Voilà.
- Speaker #0
Incroyable. Donc, en fait, quand on regarde sur Google Maps, c'est vraiment près du pôle sud, c'est ça ? C'est vraiment isolé au milieu des...
- Speaker #1
C'est près du pôle sud. Donc, il va y avoir... Il faut regarder. Ça peut être intéressant de mettre une petite photo. On va avoir un Crozet qui est un petit peu plus au nord, Kerguelen qui est un peu plus au sud et Amsterdam qui est encore plus à l'est. Et pour le coup, la station Antarctique n'est pas tout à fait en dessous. Mais oui, effectivement, on est assez proche de l'Antarctique.
- Speaker #0
Incroyable. Et dis-moi, ça t'est venu comment, cette idée de partir littéralement à l'autre bout du monde ? Comment t'est née cette idée un peu folle de partir là-bas ?
- Speaker #1
L'idée de partir, c'était d'avoir lu le Sphinx des Glaces de Jules Verne. Le premier chapitre, c'est les îles Kerguelen. Et de m'être demandé si ça existait vraiment ou pas, ce que je ne savais pas. Et c'est comme ça que je suis tombée dessus. Et c'était pendant la dernière année. et vu que cocher des cases pour le CN, ça ne m'intéressait pas. pas trop cliniquement, je me disais qu'est-ce qui pourrait être sympa pour se motiver et se projeter dans un futur de soignant autre que de noircir des cases sur un iPad. Et donc, ça a été un peu le combo de ces deux idées-là qui ont fait que j'ai découvert, que je me suis renseignée et qu'ensuite, j'ai candidaté pour aller là-bas.
- Speaker #0
Incroyable. Et donc, raconte-moi, tu l'as fait à quelle période de ta carrière, de tes études ?
- Speaker #1
Alors justement, c'est un petit peu particulier. J'ai eu un poste, il y a plusieurs, il y a différentes... postes de médecins dans les taffes, il y a même des postes d'infirmiers dans des petits îlots. Ça peut être intéressant, des postes d'infirmiers dans des petits îlots qui sont beaucoup plus proches de la Réunion, mais où la médicalisation est assurée par un infirmier. Donc pour les collègues que ça peut intéresser, c'est aussi une expérience sympa. Et donc moi, je suis partie en fait sur ma deuxième année d'internat. Donc j'avais le poste qui s'appelle le poste de bibou, c'est-à-dire que dans les taffes, le bib, comme le tout bib, le bib c'est le médecin, chef, et à Kerguelen, vu que c'est la p... plus grande île et que c'est aussi l'île où on a le plus d'assistance sanitaire, il y a un deuxième médecin. À une époque, ça a été infirmier et là, récemment, depuis une dizaine d'années, c'est des internes. Et donc, c'est le seul poste d'interne qu'il y a. Donc, quand on candidate interne pour aller dans les taffes, on est sûr qu'on va à Kerkellen. Et donc, on a le poste qu'on appelle du bibou. Voilà. Et donc, moi, j'ai fait ça sur ma... Et ça remonte à il y a quand même quelques années. J'ai fait ma première année d'internat pendant le Covid. et donc en gros moi je suis partie c'était encore le Covid en métropole je suis partie sur la deuxième année
- Speaker #0
Donc, tu étais interne en médecine générale ?
- Speaker #1
Tout à fait. Voilà, interne en médecine générale. Et les postes qui sont ouverts, il y a des exceptions pour certains profils particuliers, mais sinon, globalement, c'est ouvert à des profils médecins généralistes, anesthésistes, réanimateurs et urgentistes. Voilà, donc c'est les trois profils, mais il y a quelques exceptions où il y a quelques personnes d'autres spécialités qui sont déjà parties, on va dire si on reprend tout l'historique, mais c'est majoritairement ceux-là.
- Speaker #0
Et du coup, tu en es où dans ton parcours maintenant ?
- Speaker #1
Dans mon parcours, je viens de finir. J'ai fait un internat assez long où j'ai fait un an et demi de recherche. En revenant de Kerguelen, j'ai pris une année recherche où j'ai travaillé sur l'activité physique dans les milieux isolés avec tout l'enjeu médical que ça peut avoir et en prenant notamment l'exemple des bases des taffes. Et j'ai refait six mois à l'Agence spatiale européenne avec l'équipe de médecine spatiale. Donc encore une fois sur la question de la médecine en milieu isolé. Et là, moi, tout ça, ça m'intéressait parce que maintenant, je travaille, je prends un nouveau poste dans très peu de temps pour faire de la médecine isolée, mais plus quand on a des difficultés d'accès de moyens. Et là, je bosse en psychiatrie en tant que médecin généraliste. Et donc, moi, c'était un peu d'avoir toutes ces expériences dans des milieux isolés pour aussi se dire comment on peut améliorer les soins quand on a des difficultés d'accès, mais pour des raisons plus sociales ou de territoire ou d'enjeux comme ça. Donc, ça, c'est un peu le but. J'ai fait ma thèse là-dessus. C'est un peu le... Toutes ces expériences-là, elles sont bien sûres parce que j'aime bien découvrir des nouvelles choses. J'aime bien, à Kerguelen, la nature, voir des choses un peu hors normes. Mais il y avait aussi cet enjeu de se dire comment ça peut aider la réflexion, de voir comment est-ce qu'on fait quand on est tout seul, comment on fait quand on n'a pas de paramède, comment on fait quand on est loin. Et donc, d'avoir cette espèce de gymnastique. Et je trouve que pour le coup, de l'avoir eu assez jeune dans le parcours, ça fait aussi qu'on se rend compte qu'en étant un bon technicien, sans avoir la prétention de pouvoir la... faire la profession de quelqu'un d'autre ou quoi que ce soit, on peut faire des choses si on est très conscient de ses limites et si on est très humble avec ce qu'on sait faire ou pas. C'est pas dire que les gens qui partent là-bas ce ne sont pas des surhommes, ce ne sont pas des gens qui sont forcément... Bien sûr qu'il faut être très compétent sur plein de choses, mais il y a vraiment cet enjeu aussi de savoir se dire tel geste, un spécialiste va m'indiquer de le faire, moi l'enjeu ça va être de bien le faire et je sais que j'ai de l'aide de personnes externes justement pour pouvoir... poser des indications de choses que je ne ferai pas parce que je ne fais pas ça dans mon exercice courant.
- Speaker #0
Passionnant. Marie, excuse-moi, est-ce que tu peux essayer de stabiliser l'écran ? Oui,
- Speaker #1
c'est parce qu'en fait, j'ai posé sur une couette et je bouge mes jambes parce que je... C'est tout bon, j'arrête de bouger.
- Speaker #0
T'inquiète, j'ai compris ça. Est-ce que tu peux me raconter quelle démarche concrète tu as dû faire pour partir ? Je comprends que tu as choisi un poste d'interne. Est-ce qu'il y a des papiers particuliers, des contraintes administrative. des choses matérielles à prévoir pour partir au cargélène ?
- Speaker #1
Tout à fait. Pour les démarches, il y a déjà de base, avant de candidater, quand on est interne, l'avantage, c'est que pour les médecins qui candidatent, ils sont quand même un peu maîtres de leur emploi du temps et du fait de faire le choix d'une démission ou pas d'un poste. Quand on est interne, il faut intégrer ça dans la maquette. Il y a la question de pouvoir faire passer en stage validant. C'est extrêmement complexe à faire. En vrai, ça peut s'anticiper, mais souvent, c'est très compliqué. Sinon, il faut poser des disponibilités. Donc, il faut anticiper le fait qu'il faudra minimum deux dispos d'affilée. Donc, il faut négocier ça avec son coordonnateur de DES, avec la direction des affaires médicales. Il y a quand même des étapes à anticiper. Parce que quand on est six mois là-bas, on ne peut pas dire au bout de six mois « en fait, je n'ai pas ma deuxième dispo, je dois rentrer » . Donc, ça, c'est quand même des choses de base. Et après, il y a toutes les candidatures. On candidate en décembre pour partir en décembre de l'année d'après. Fin novembre de l'année d'après. Donc, il y a vraiment cet enjeu où c'est quelque chose qu'on prévoit un an à l'avance. Et en gros, une fois qu'on a envoyé notre dossier, donc c'est une lettre de motivation et un CV, on a des entretiens avec les personnes qui sélectionnent au niveau des taffes et des tests médicaux psychologiques. Et ensuite, en fonction de ça, ils choisissent une personne.
- Speaker #0
Très bien, donc ça s'anticipe quoi ? Et ça s'anticipe plus d'un an en avance ? Voilà,
- Speaker #1
plus d'un an en avance et ensuite il y a toute la logistique de comment on gère les bagages, tout ça, mais ça c'est vraiment une fois qu'on est sélectionné, donc c'est pas dans la démarche avant. Mais dans la démarche avant, souvent quand on est interne, c'est tout ce qu'il faut anticiper avec les coordinateurs et les gens qui nous encadrent d'être sûr qu'au niveau de la fac il n'y ait pas de blocage, parce que c'est aussi ça, si on arrive à l'entretien en disant au niveau de la fac j'ai tout anticipé, c'est aussi une garantie qui est rassurante pour les gens qui nous sélectionnent
- Speaker #0
Carrément, tu me parlais de tes bagages du coup est-ce que tu peux me raconter le trajet pour aller aux îles Kerguelen c'est vraiment au bout du monde, il faut prendre des avions, des bateaux,
- Speaker #1
raconte-nous Alors en gros pour aller aux Kerguelen, ce qui se passe c'est qu'en fait on part, alors quand on est basé en métropole parce qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent à la Réunion, qui partent dans les taffes parce qu'on part de la Réunion donc il faut partir de métropole, de là où on est pour ensuite aller à la Réunion et une fois qu'on est à la Réunion, on a en fonction, donc le bateau fait ce qu'on appelle une rotation C'est-à-dire que le bateau passe quatre fois dans l'étape. En novembre, en décembre, en avril et en août. Donc il y a quatre rotations où à chaque fois, ils vont poser des gens qui commencent leur mission et ramener des gens qui finissent leur mission. Donc le bateau, il y a en gros... Alors là, les données, il y a environ cinq jours de mer jusqu'à Crozet. Ça dépend toujours de la mer, toujours de... Est-ce qu'il y a des urgences, ceci, cela. Donc on va à Crozet, ensuite on va à Kerguelen. ensuite on va à Amsterdam et ensuite on rentre à la Réunion et le tour se fait sauf exception toujours dans ce sens là et donc pour aller à Kerguelen sachant qu'on passe à Crozet avant où il faut déposer des gens, déposer à manger etc souvent il y a un petit peu moins de 15 jours de mer pour arriver à Kerguelen Ah ouais c'est énorme 15 jours donc depuis la Réunion mais c'est parce qu'aussi on fait une pause à Crozet où on reste pendant un petit moment devant Crozet au mouillage quoi
- Speaker #0
Avant de poursuivre cet épisode, je voulais prendre une minute pour vous parler d'une application médicale que j'ai découvert récemment et dont je voulais absolument vous parler, c'est MediStory. C'est un logiciel conçu en natif pour l'univers Apple et croyez-moi, ça change tout parce que ça marche, c'est fluide et c'est super intuitif. Ce que je trouve notamment génial chez eux, c'est leur outil appelé Loki, c'est une IA vocale intégrée qui retranscrit automatiquement soit ce qu'on lui dicte, soit les propos qu'on a échangé avec son patient pendant la consultation. Et en fait, il les intègre directement dans le dossier patient et il propose même de générer des documents. Donc ici, et avec cette solution, on parle de gagner du temps sur la saisie pour recentrer notre consultation sur l'essentiel qui est quand même notre patient. C'est vraiment top, l'interface est épurée, elle est vraiment pensée pour s'adapter à la pratique du médecin et pas l'inverse. Et en plus derrière, cerise sur le gâteau, c'est une équipe française avec un vrai engagement sur la sécurité des données qui sont hébergées en France. Bref, c'est du solide. Je vous invite vraiment à le tester. Alors, si vous êtes en train de vous installer ou si vous avez envie de changer d'outil et que vous êtes sur Apple, je vous encourage vraiment à y jeter un oeil. Je vous mets, comme d'habitude, le lien en description dans les notes de cet épisode et je vous laisse tout de suite pour la suite de cet épisode. Incroyable. Ok. Est-ce que tu peux me raconter, donc, tu as préparé ton voyage plus d'un an en avance, tu as prévu ton emploi du temps, tu as vu les affaires médicales, puis tu as pris ton avion, tu as atterri à la Réunion, tu as fait tes jours de bateau. Tu arrives enfin à Kerguelen. Est-ce que tu peux me raconter ton premier ressenti quand tu as posé le pied sur cette île ? Ça ressemble à quoi ? Qu'est-ce que tu as ressenti ?
- Speaker #1
Alors, ça ressemble à quoi ? Nous, c'est surtout, en fait, on a vu les côtes de Kerguelen. Alors, Kerguelen, il faut savoir qu'historiquement, il y a des livres et des gens qui les appellent les îles de la désolation. Donc, c'est vraiment vu comme il y a énormément de vent, comme un territoire assez hostile. Et nous, le soir, on est arrivé à Kerguelen, on a vu, pour le coup, la côte sud de Kerguelen avec vraiment des falaises bien déchiquées. qui tombaient dans la mer avec nous. Il y avait un temps d'orage qui n'avait pas encore éclaté avec vraiment les falaises noires. Je pourrais donner des photos pour mettre en juin. Et c'était vraiment fou, cette ambiance en arrivant. Donc ça, c'était avant d'arriver sur la terre ferme, mais juste de se coucher en se disant, bon, demain matin, on va y être. Et pour le coup, le temps était beaucoup plus clément et c'était assez ensoleillé quand on est arrivés. Et pour le coup, il y avait les gens de la base qui nous ont accueillis, qui avaient fait des crêpes, il y avait de la musique. C'était vraiment quelque chose de très sympa. Et moi, c'est le petit détail où j'aurais voulu le faire, je ne l'aurais pas fait. Je suis arrivée le jour de mon anniversaire à Kerguelen et donc j'ai passé ma 27e année. Du premier jour au dernier jour, je suis repartie après. Donc, c'était un peu, moi, c'était vraiment un double moment spécial où quand on arrive, on se fait visiter au Meurs local, dans la salle commune, il y a une cloche. Et la cloche, c'est quand on a quelque chose à dire et il y a quelqu'un qui a entendu ça et qui a sonné la cloche, qui a dit bon, c'est l'anniversaire de Marie. Donc, tu arrives, tu ne connais personne et là, tu as 80 personnes qui commencent à chanter joyeux anniversaire faut faire un discours ça met dans l'ambiance du groupe tout de suite
- Speaker #0
donc quelque chose d'assez joyeux et alors c'est qui ces 80 personnes qui sont à Kerguelen et qu'est-ce qu'ils font là ?
- Speaker #1
alors j'exagère un peu, on était plutôt 70 que c'était pendant le Covid donc c'était en gros Kerguelen on est répartis il y a différents types de professions il faut se dire que il y a à la fois une mission, la raison principale c'est la mission scientifique donc pour la mission scientifique on va avoir des volontariats en service civique donc qui vont être qui vont être globalement des gens qui ont un niveau master la plupart du temps, qui vont faire de l'ornithologie, de la bota, il y a quelques vétérinaires, il y a des études sur les éléphants de mer, il y a parfois quelques équipes de géologues, mais ce n'est pas courant. Et il y a aussi des gens qui bossent sur les mesures géophysiques. Et jusqu'à présent, avant, il y avait une antenne du CNES, mais maintenant qui est fermée, on avait une antenne. Donc il y avait deux personnels du CNES, moi et mon année par exemple, qui s'occupaient pour tous les lancements de satellites. de tout ça. Et ensuite, on a un tiers à peu près de militaires qui s'occupent des fonctions. Donc, différentes fonctions de la base. On a un petit garage. Donc, il y a un garagiste. Il y a des gens en charge des télécommunications. C'est des postes militaires. Le plombier, le chauffe-froid, comme on dit, c'est les gens qui s'occupent des frigos sur base. C'est des postes militaires. Et après, on a une partie de civils. Donc, ça va être les gens qui sont là en soutien. Donc, il va y avoir des gens qui font du BTP. donc qui s'occupe de la santé de restaurer les bâtiments, que ce soit les cabanes sur le terrain ou que ce soit les cabanes sur base, les médecins, les cuisiniers, les gens en charge du service. Et le chef de district peut être militaire ou ancien militaire ou est civil. En gros, il y a à peu près un tiers de personnes, on va dire entre 23 et 30 ans, qui sont en charge des missions scientifiques sur le terrain. Et ensuite, un tiers de militaires. pour différents postes et un tiers de civils pour différents postes. Voilà.
- Speaker #0
Incroyable. Et donc, toi, tu arrives en tant qu'interne là-bas. Est-ce que tu peux me dire quel est ton travail à Kerguelen ?
- Speaker #1
Alors, justement, donc... Le travail, donc moi j'ai écrit le travail du poste de médecin, ça dépend un petit peu des années parce qu'en gros on est en binôme, donc ça dépend l'alchimie, comment est-ce qu'on se répartit le boulot, nous on s'était réparti le boulot exactement de la même façon, peu importe d'être chef ou d'être interne. En fait c'est qu'en termes de consultation, sachant que les gens ont des aptitudes avant, on a certes du travail sur le plan médical mais on a une à deux consultations par jour, en moyenne, voire il y a des jours il n'y en a pas, des jours il y en a plus, ça va dépendre un peu de ce qui se passe. mais donc il y a de la clinique, mais ce n'est pas le cœur de notre activité. Il n'y a pas que ça. En gros, ça va se répartir entre plusieurs missions. Tout d'abord, la gestion de l'hôpital. C'est-à-dire qu'il faut gérer les stocks de médicaments, il faut gérer les maintenances de matériel, il faut entretenir le matériel. Si quelque chose est cassé, il faut le réparer. Il faut anticiper les commandes. Donc ça, c'est vraiment le côté logisticien auquel, quand on est en cabinet, si on est dans un gros cabinet... ou qu'on délègue pas aux collègues, on peut être un peu confronté à ça, mais là, c'est vraiment avec une pharmacie hospitalière, donc c'est quand même un autre enjeu. Et aussi, dans toutes les petites cabanes qu'il y a sur l'île pour aller faire les recherches scientifiques auprès des animaux ou des plantes, il y a des petites pharmacies qu'on doit constituer. Donc ça, on appelle ça les touques. C'est dans des gros bidons comme on a sur les kayaks, et donc on a une touque médicale à chaque fois où il y a tout un tas de petits matériels. Donc il y a cette partie-là de gestion logistique qui est assez importante. La partie clinique que j'ai un peu évoquée, où on a aussi les assistances sanitaires, c'est-à-dire qu'on peut être réquisitionné, d'avoir un appel. Donc il y a des structures en très résumé. Si un bateau est en difficulté en mer et qu'il est proche de Kerguelen, on va dire si c'est un bateau étranger, il peut y avoir des appels de communication qui vont rentrer en contact avec le CROSS et le CCMM. Le CROSS, c'est ceux qui récupèrent les appels et qui doivent gérer la logistique de où est-ce qu'on réadresse. et le CCMM, c'est le centre de consultation maritime, c'est basé à Toulouse. Eux, ils ont les appels en mode, c'est le SAMU maritime et donc ils doivent trouver une façon de gérer la consultation. Et donc nous, on a eu plusieurs fois pendant la mission des bateaux qui demandent assistance et donc qui vont venir à Kerguelen pour avoir accès à une consultation avec un médecin ou plus si besoin. Donc ça, c'est la partie clinique. Ensuite, il y a la partie, il faut former des équipes parce qu'en fait, on a de quoi faire. On a un petit bloc opératoire, on peut être confronté à Plein de situations, ce n'est pas accessible en avion Kerguelen. C'est-à-dire que s'il y a une mer d'huile, ce qui n'est pas trop le cas, et qu'il y a un bateau de dispo, on a minimum 7 jours de mer pour rentrer à La Réunion. Minimum, c'est quasiment impossible qu'il y ait 7 jours de mer. Donc il faut se dire que les évacuations, tout ça, c'est possible, mais il y a toujours un délai. Donc il faut pouvoir gérer pas mal de choses sur place, avec les moyens du bord et avec les moyens des gens qui sont en poste. Et donc on forme des équipes de gens sur base pour nous aider. Donc il y a une équipe d'aide anesthésie, une équipe d'aide CHIR. une équipe qui apprend à utiliser les machines du labo, une équipe, nous notre année, on a eu pas mal de problématiques dentaires, donc on avait formé quelques personnes à faire assistante dentaire pour nous filer un coup de main aussi. Donc il y a toute cette partie de formation, comment on prend des constances, comment on fait un ECG, comment on fait une prise de sang, où il faut entraîner les équipes. Donc il y a tout un circuit de formation à faire, ça va être un peu dépendant en fonction des gens de chaque année. Et pour le coup, nous notre année, on a eu quelques cas où on a eu besoin de l'équipe au grand complet et c'est très précieux. et on est impressionné de voir que des collègues dont ce n'est absolument pas le métier peuvent être extrêmement compétents pour nous détendre, nous, mais détendre aussi le patient si jamais on a des gestes à faire. Ou par exemple, un exemple, vu qu'il y avait les protocoles Covid et qu'à Cargillen, il n'y avait pas de Covid, un jour, on a une assistance sanitaire sur un bateau, on a fait un gaz du sang, on l'a renvoyé en Zodiac parce que nous, on était les deux sur le bateau pour faire l'examen médical. Et donc, c'est un collègue à nous qui était ornithologue, qui a analysé le gaz du sang. tout seul avec la machine au labo et qui a renvoyé le petit papier. Et notre collègue nous l'a ramené en Zodiac sur le bateau parce que nous, on était en mode cosmonaute parce qu'il y avait une suspicion que ça soit un Covid. Donc voilà, c'est pour donner un ordre d'idée. Et on forme aussi une équipe de secours sur le terrain. Donc si jamais il faut aller chercher quelqu'un qui est tombé d'une falaise, si jamais il faut brancarder quelqu'un sur 20 kilomètres, on a aussi toute une équipe qui doit être formée à utiliser des cordes, savoir faire du mouflage, savoir remonter quelqu'un en barquette. Donc voilà, toute cette partie-là. Donc, ça fait quand même pas mal de choses en termes de formation. Tout le monde sur base doit avoir une formation de secourisme. Donc aussi, dès que les nouveaux personnels arrivent sur base, nous, pendant l'OP, OP c'est opération portuaire, quand il y a le bateau qui arrive avec de nouvelles personnes, on a une mission de faire des formations de secourisme pour tout le monde. Donc, c'est-à-dire comment je réagis sur un arrêt cardiaque, comment je passe un bilan à la radio, on communique par radio. Donc, on fait des choses qui sont, enfin, ce que font nos collègues urgentistes, enfin, par exemple. Donc, passer le bilan avec l'ABCDE, qui est quelque chose qui est très connu, très facile et sur lequel on peut s'entraîner assez facilement avec des équipes qui ne connaissent pas initialement. Donc, on a cette mission-là. Et après, il y a la mission aussi où le médecin, on a aussi le côté, il faut un peu avoir un œil, c'est sans être intrusif, mais c'est voir un petit peu comment va la base, comment vont les gens. Donc, il faut avoir aussi cette disponibilité psychique. d'aller boire un café au garage, d'aller se renseigner à la menuiserie, d'aller voir comment ça va, de regarder un peu le côté médecine du travail. Est-ce qu'il y a des choses dangereuses ? Est-ce qu'il y a des choses qui ne sont pas respectées ? Ou des choses qu'on nous fait remonter, sur lesquelles nous, on doit faire un peu pression pour dire qu'un tel, ils ont des sacs qui ne sont pas adaptés par rapport au travail qu'ils font, il faudrait modifier les sacs. Donc, il y a un peu tout ce champ d'étendue des possibles. Et je me pose la question, est-ce que j'en oublie ? Mais non. Et bien sûr aussi, on participe à aller aider nos collègues sur le terrain. Et donc, on a aussi cette expérience qui est très sympa et où, par exemple, s'il y a besoin de gestes, on va dire, par exemple, nos collègues vétérinaires, si on a besoin d'aide pour faire une détention de plaies ou quoi que ce soit, ils savent très bien faire. Ils ont les mêmes codes et nous, inversement, sur le terrain, on va pouvoir aussi avoir des gestes qu'on sait faire, qu'on peut mettre en commun. Voilà, donc ça fait un grand champ très étendu, mais on n'est pas que médecin, clinicien. Et ça, c'est intéressant aussi de se rendre compte que c'est un peu plus compliqué que ça.
- Speaker #0
C'est incroyablement dépaysant, c'est passionnant. Tu m'as parlé de la nécessité de la logistique, puis de ton travail clinique, le travail de formation, et puis d'analyse un petit peu des équipes, notamment du travail et de l'analyse psychologique. Je te remercie beaucoup, c'est vraiment hyper intéressant. Je vous remercie beaucoup d'avoir écouté cette première partie de notre conversation avec Marie, médecin, partie exercée aux confins du monde dans les îles Kerguelen. Si cet épisode vous a plu, je vous invite à le partager, à laisser un commentaire ou une note sur votre plateforme d'écoute. et surtout à vous abonner au podcast pour ne pas manquer la suite. Dans le prochain épisode, Marie va nous raconter ses conditions de vie au quotidien, la solitude, les imprévus médicaux et ce que cette expérience hors normes lui a appris sur elle-même et sur la médecine. Salut Marie et à très vite pour la suite ! Salut !