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Super Docteur - médecine

2/2 Médecin au bout du monde: vivre et soigner aux Kerguelen

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19min |23/10/2025
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2/2 Médecin au bout du monde: vivre et soigner aux Kerguelen

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19min |23/10/2025
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Description

Aujourd’hui, je vous emmène dans un lieu mythique, oublié des cartes, balayé par les vents, où la médecine prend un tout autre visage. Bienvenue aux îles Kerguelen, dans les Terres australes françaises.


👉 Abonnez-vous à la newsletter Super Récap’ pour recevoir un mail à lire en 1mn récapitulant les grands points des épisodes de la semaine (c'est gratuit et sans spam!): https://superdocteur.substack.com/


C’est là, à plus de 3 000 kilomètres de toute terre habitée, que la Dr Marie Rimbaud, alors interne en médecine générale, a choisi de partir exercer pendant plusieurs mois.
Une mission hors norme, dans un environnement extrême, sans hôpital, sans spécialiste, sans moyen d’évacuation rapide, où elle devait tout assumer : les soins, l’imprévu, la logistique, la prévention, la formation…

Dans cette double interview exceptionnelle, Marie nous livre un témoignage rare, à la fois concret, puissant et profondément humain.
Elle nous raconte son départ, ses démarches, le voyage jusqu’aux Kerguelen, son arrivée sur l’île…
Mais aussi les multiples facettes de son rôle : médecin, formatrice, logisticienne, soutien psychologique, membre actif d’une micro-société isolée où chacun doit être capable de tout.

Vous découvrirez les coulisses d’un poste de soignant en milieu extrême, avec ses contraintes, ses joies, ses doutes et ses ressources inattendues.

  • Comment vit-on dans un territoire aussi isolé ?

  • Comment soigne-t-on sans équipe, avec des ressources limitées ?

  • Quel impact humain une telle expérience peut-elle avoir sur un jeune médecin ?

  • Et pourquoi, au fond, choisir de partir si loin ?

Marie partage avec sincérité les moments de beauté brute, les instants de solitude, les cas cliniques marquants, et les liens tissés au fil des jours.
Elle évoque aussi la préparation nécessaire, les formations spécifiques (médecine de montagne, anesthésie, dentisterie, urgence), et ses conseils pour celles et ceux qui aimeraient, eux aussi, soigner au bout du monde.

Cet épisode s’adresse à tous les soignants curieux de sortir des sentiers battus, à ceux qui rêvent d’ailleurs, et à tous ceux qui veulent redonner du sens à leur pratique.

Médecine générale, médecine isolée, médecine humaine : ici, les trois ne font plus qu’un.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


Le site de la SOFRAMMI, société française de médecine en milieu isolé: https://www.soframmi.fr/


Les propos tenus dans ce podcast ne constituent en aucun cas une recommandation médicale ou une incitation à la prescription. Les auditeurs sont invités à se référer aux recommandations officielles en vigueur et à compléter leur formation par les sources professionnelles reconnues.


Instagram:

https://www.instagram.com/dr.matthieu.cantet


Youtube:

https://www.youtube.com/channel/UCbZG3thgg8pWjhv-1Ksh1AA


Linkedin:

https://www.linkedin.com/in/matthieu-cantet-4a5591294/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des soignants qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux et différemment. Aujourd'hui, on poursuit notre voyage au bout du monde avec Marie Rimbaud, médecin généraliste, qui a exercé pendant plusieurs mois sur les îles Kerguelen, dans les terres australes françaises. Dans cette seconde partie, elle nous partage son quotidien dans cet environnement isolé. Les conditions de vie, la gestion de la solitude, les situations médicales inattendues et les leçons qu'elle en a tirées. Un récit sincère et inspirant que je vous invite à écouter. Salut Marie, on va poursuivre notre discussion. Est-ce que tu peux me rappeler quelles étaient tes ressources médicales sur place ? Est-ce que tu avais du médicament, du matériel ? Qu'est-ce que tu avais à disposition s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Alors sur les ressources, on était plutôt extrêmement bien doté. Donc on avait un bureau médical déjà pour recevoir les gens en consultation, une salle de consultation dédiée, un cabinet dentaire avec un carte dentaire comme chez le dentiste au grand complet, deux chambres d'hospitalisation. Une pharmacie complète avec beaucoup de matériel de traumatologie pour de l'immobilisation, des drogues pour s'il y a besoin de faire une anesthésie générale ou un bloc opératoire, des antibiotiques, enfin vraiment une petite pharmacie hospitalière complète, un appareil de radiographie, un bloc opératoire avec une table de blocs, l'installation, notre année on a installé la télémédecine, donc aussi l'installation d'une caméra qui permet d'avoir en direct quelqu'un si on a une chirurgie à faire. mais aussi du matériel d'entraînement, où on gardait le matériel qui devenait périmé pour faire des entraînements avec nos collègues. Et on a aussi en ressources, ce qui n'est pas négligeable, on a une salle de pause où on pouvait recevoir les gens des fois pour des consultations, pas forcément formelles, mais passer voir. Alors c'est un petit peu la blague dans les taffes de dire, bon, il y a des comptes rendus de chefs de district qui mettent, les médecins ne font rien et c'est très bien ainsi. Et donc, il y avait un peu le côté où l'hôpital, ça peut des fois être un peu associé à l'endroit où on va boire le café, parce que c'est aussi un endroit où on peut discuter. Donc, on a une salle de pause qui est assez importante. Et on a aussi une particularité, c'est qu'on a la seule baignoire de la base. Et donc, le jour de l'anniversaire des gens, c'est une tradition qui a été faite à l'hôpital. On propose une séance de soins et un bain aromatisé aux gens qui le souhaitent, que ce soit en plein été ou en plein hiver. Donc, c'est quand même du soin global. Voilà. Et donc, la baignoire fait vraiment partie des ressources. non négligeable de la base.

  • Speaker #0

    Excellent, je vois que ça t'a marqué. Est-ce que tu as été confrontée à des situations où tu as dû improviser ou vraiment tu as dû sortir de ta zone de confort durant ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des situations qui vont être très classiques la plupart du temps et qui sont exactement comme on le ferait à l'hôpital ou en cabinet de façon normale. Une fois, on a dû improviser un petit peu. Alors, le patient dont je parle en question est d'accord pour... pour qu'on parle de son cas. On a eu un appel pour un marin pêcheur qui s'était cassé la jambe sur un bateau, qui est arrivé 48 heures après, avec comme immobilisation de fortune, réalisé une attelle aircaste avec une bande de contention autour, avec une atteinte cutanée et une fracture fibula, spiroïde déplacée avec une atteinte cutanée. Et là, en déballant ça 48 heures après, on s'est fait, ça va être un petit peu sportif. Par rapport à ça, je voulais faire un petit point dont on n'a pas parlé dans le premier épisode sur les formations qu'on a avant de partir. Les médecins-chefs qui partent avant ont souvent la possibilité de prendre 5 à 6 mois de formation. On complète nos formations en fonction de notre bagage clinique. On a des semaines type qu'on fait dans le cadre des formations avec l'Étaf. On a une semaine de médecine de montagne qu'on fait pour l'instant. à Chamonix avec le PGHM et avec l'équipe d'urgentistes de Salange qui viennent nous faire des cours sur la médecine de montagne où on apprend toutes les manœuvres de secourisme en situation réelle sur le terrain. Donc c'est très intéressant d'avoir des collègues qui sont super expérimentés, qui nous partagent leur expérience là-dessus. On a une semaine de chirurgie qu'on fait en laboratoire d'anatomie avec la faculté de Caen. Et on a aussi à ce moment-là des jours de formation sur vraiment apprendre la base, comment est-ce que ça se passe. sur des questions de comment on gère la qualité de l'eau, comment on gère les poubelles, plein de choses qui vont faire partie de la médecine à la fois loin et à la fois proche, avec lesquelles on doit être familier avant d'arriver sur base. Et ensuite, c'est libre à nous d'organiser, avec des partenaires du service médical des taffes, notre formation dans différents endroits et de l'accès en fonction de nos besoins et des profils. Voilà. Donc, par exemple... Moi, je vois, étant médecin généraliste, j'ai eu le temps pendant l'internat, vu que c'était pendant le Covid, d'aller faire du SAMU, faire de l'anesthésie, d'aller au bloc, parce que de toute façon, on ne pouvait pas sortir. Donc, autant travailler, autant mettre toutes les chances de son côté de se former sur ce genre de choses. Et après, moi, je vois sur la formation dédiée, j'ai vraiment passé du temps au service dentaire et avec des manips radios et avec des kinés pour apprendre, parce qu'on va faire aussi la rééducation, par exemple, quand il y a de la traumato. Et donc, pour me former à ça, à l'hôpital militaire. Voilà, avant de partir.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Du coup, qu'est-ce que tu as fait de ton marin pêcheur ?

  • Speaker #1

    Alors, notre marin pêcheur, on a réussi. Donc, on a fait un peu l'état des lieux. Parallèlement à ça, moi, mon collègue faisait les radios avec des personnes qui avaient été formées. Moi, j'étais en train de m'occuper d'un autre collègue de ce marin qui avait besoin d'avoir enlevé une dent qui était très infectée. Donc, on... On a géré ça un peu de concours et après, quand on a vu la radio, on s'est dit, ouh là là, il va falloir réduire, voir. La question, ça pouvait être de poser un fixateur externe, enfin, pas dans un premier temps, mais c'était la question d'après, si jamais ça n'allait pas mieux au niveau de la teinte cutanée. Et pour le coup, on a donc pris avis auprès du... Nous, on est en lien pour les avis avec le CHU de La Réunion. Et donc, en fonction des spécialités, c'est Saint-Denis, Saint-Pierre, ça change. Et donc, on a un chirurgien qui a supervisé notre prise en charge pendant... Le marin est resté hospitalisé chez nous pendant un mois. Et donc, on a eu des échanges toutes les 48 heures avec le chirurgien orthopédique. Pour le coup, on a pu faire tenir le plâtre. On a pu faire un plâtre chiroprédieux et maintenir, après réduction, la fracture comme ça. Mais après, il y a tous les aléas de la vraie vie et de... Par exemple, ce monsieur-là, il est arrivé, il fumait. C'est un monsieur qui fumait. Donc, on s'était dit, comment est-ce qu'on fait ? Parce qu'on ne peut pas faire un sevrage. Là, ça faisait trop de choses pour lui. Donc, on s'est dit, OK, le tabac, de toute façon, on ne va pas interdire et faire un sevrage, ça va être trop compliqué. Donc, OK pour le tabac, mais il faut être alité complètement. Donc, il y a un peu, on va dire, tout un tas de choses sur lesquelles... on a aussi ce côté humain où au final, on est quatre dans un hôpital, enfin quatre dans un hôpital, je veux dire, en termes de prise en soins, on a vraiment cette proximité et aussi ce côté de se dire qu'on doit aussi s'adapter à la personne qu'on a en face de nous. Alors, comme on le fait dans un service hospitalier classique, sauf que dans un service hospitalier classique, il y a peut-être des choses sur lesquelles on va être un peu plus, je ne sais pas si ferme, mais on va être un peu... Peut-être un peu moins ouvert à se dire qu'on peut faire les choses différemment, alors que là, il y a aussi le côté de se dire, psychologiquement, un halitement total pour quelqu'un qui est hyperactif, qui fait un métier où il bosse énormément, où il se mobilise tout le temps, c'est très compliqué. Donc, on a dû trouver un peu des façons de faire. Et au final, ça a tenu avec le plâtre. Il n'a pas eu besoin d'être réopéré derrière, ce qui était une petite victoire à la fois pour lui de ne pas avoir besoin de ça. C'est le chirurgien qui l'a refait en consultation, qui avait suivi toute la prise en soins pendant l'hospitalisation. Et donc,

  • Speaker #0

    il y a eu un soutien aussi.

  • Speaker #1

    Par exemple, les gens de la base venaient lui apporter des plateaux repas quand il était alité avant qu'il prenne les béquilles. Ils jouaient beaucoup aux dames et ils nous défonçaient aux dames totalement. Donc, on jouait aux dames avec les super souvent. Ils disaient, allez, venez les médecins, que je vous mette une mine. Et donc, il y a vraiment eu ce côté où ça a été un super lien. Et au final, il faut aussi se lever. Là, vu qu'il y avait un alitement complet, il y a tout le côté d'être aide-soignant aussi. Il faut s'occuper du brossage de dents. Il faut s'occuper de quand la personne, elle, va aller aux toilettes. il y a toute cette logistique là à penser et sur lequel on a pu être aussi épaulé de collègues qui sont venus prendre leur lait, notamment pour amener à manger ou des choses comme ça. Voilà.

  • Speaker #0

    Avant de poursuivre cet épisode, je voulais prendre une minute pour vous parler d'une application médicale que j'ai découvert récemment et dont je voulais absolument vous parler, c'est MediStory. C'est un logiciel qu'on suit en natif pour l'univers Apple et croyez-moi, ça change tout parce que ça marche. C'est fluide et c'est super intuitif. Ce que je trouve notamment génial chez eux, c'est leur outil appelé Loki. C'est une IA vocale intégrée qui retranscrit automatiquement soit ce qu'on lui dicte, soit les propos qu'on a échangés avec son patient pendant la consultation. Et en fait, il les intègre directement dans le dossier patient et il propose même de générer des documents. Donc ici, et avec cette solution, on parle de gagner du temps sur la saisie pour recentrer notre consultation sur l'essentiel qui est quand même notre patient. C'est vraiment top, l'interface est épurée, elle est vraiment pensée pour s'adapter à la pratique du médecin et pas l'inverse. Et en plus derrière, cerise sur le gâteau, c'est une équipe française avec un vrai engagement sur la sécurité des données qui sont hébergées en France. Bref, c'est du solide, je vous invite vraiment à le tester. Alors si vous êtes en train de vous installer ou si vous avez envie de changer d'outil et que vous êtes sur Apple, je vous encourage vraiment à y jeter un oeil. Je vous mets comme d'habitude le lien en description dans les notes de cet épisode et je vous laisse tout de suite pour la suite de cet épisode. Et bien disons, quelle histoire ! Du coup, je comprends que tu travailles, donc tu m'as expliqué que tu t'occupais de la logistique, tu avais un travail clinique, beaucoup de formation, tu veilles aussi à la santé psychologique de toute la base. En dehors de ton travail, est-ce que tu avais des choses, des loisirs ? Comment tu fais ? Est-ce que tu peux te balader ? Est-ce que tu as des loisirs ? Est-ce que tu peux faire du sport ? Qu'est-ce que tu fais à Cargaylen ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes d'occupation autre, c'est assez important pour le bien-être psychique d'avoir des occupations et de pouvoir s'occuper. On a la chance d'avoir une salle de musique et notre année d'avoir eu énormément de musiciens où, en anticipant, j'avais envoyé un message aux gens sans les connaître en disant « prenez les instruments » , on s'est retrouvés à être cinq saxophonistes en même temps. Donc, on a vraiment eu, nous, une activité pour une partie des gens de ma mission, très orientée sur la musique, où ça nous occupait beaucoup de temps. Il y a des instruments de musique sur place. aussi. Il y a une salle commune avec des baby-foot, des billards, des jeux de société. Il y a une salle de sport. Il y a la possibilité de courir dehors. Alors après, il y a tout un tas de périmètres dans lesquels on peut être avec ou sans radio, où il faut prévenir si on va un petit peu plus loin. Après, c'est qu'il y a énormément de vent à Cargillen. Il y en a certains qui font un peu de vélo, mais c'est vraiment une toute petite minorité parce qu'il y a beaucoup de vent et que c'est souvent assez compliqué. Donc voilà, il y a quand même un choix d'activités possibles. Et puis après, il y a toutes les activités personnelles, si on aime lire, si on aime faire des choses comme ça. Mais c'est vrai que c'est quelque chose qu'il faut un peu anticiper parce qu'on a quand même du temps, il y a quand même du temps disponible pour faire ça et aussi parce que c'est très ressourçant et que ça permet aussi de mieux se mobiliser, je pense, dans le cadre de l'activité professionnelle quand on a justement ces instants-là qui sont des instants ressources et des façons de faire du lien aussi qui sont différentes.

  • Speaker #0

    Et justement, tu parles de le faire du lien, est-ce que c'est difficile d'être sukerguélène ? Est-ce que tu te sens seule ? Est-ce que tes proches te manquent ? Est-ce que c'est difficile d'être isolée à ce point-là ? Ou ce n'est pas le cas parce qu'il y a déjà du monde et tu es déjà entourée ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question, je pense, qui est très personnelle et où personne ne fera la même réponse. Il faut savoir déjà qu'il y a des temps de mission différents. Il y a les missions les plus courtes, ça peut être... Enfin, mission, c'est vraiment presque un passage. Ça peut être de un mois à 14 à 15 mois. les plus longues, donc ce n'est pas du tout les mêmes durées de mission. Nous, le poste de médecin, c'est un an. Et donc après, moi, je ne vais parler qu'en mon nom parce que c'est vraiment très différent en fonction des gens. J'ai l'impression que le fait d'avoir de cette préparée psychologiquement à partir, ça fait que il n'y a pas forcément... Il y a aussi le côté qu'au bout d'un moment, quand on est isolé, le monde extérieur, même si on sait qu'il existe, ça devient assez... Alors, abstrait, c'est peut-être un peu excessif, mais ça ne devient plus forcément trop la priorité. On est content d'avoir des nouvelles des proches, tout ça, mais c'est vrai que l'année après nous, il y a Internet qui a été mis sur la base avec la possibilité d'avoir WhatsApp dans la salle commune. Par exemple, nous, notre année, on n'avait pas ça. Donc, on avait aussi un truc où on était vraiment beaucoup plus coupé et que les nouvelles, ça allait être par des mails ou par des appels, mais où ça lag quand même pas mal et les mails où il fallait du temps avant que ta boîte mail le charge. Donc, c'était vraiment un peu différent. Ça serait intéressant d'avoir le point de vue des nouveaux là-dessus. Je dirais que je pense que ça dépend beaucoup de sa préparation, beaucoup de comment on vit et qu'après, il y a quand même des moments. Tout le monde a un moment de creux, un moment qui peut être en lien avec de la fatigue, qui peut être en lien avec une forme de lassitude aussi, d'être confronté ou d'être avec tout le temps les mêmes personnes. Ce qui arrive dans n'importe quel endroit où on est en situation de promiscuité avec plein de gens et qui puissait parfois des gens qu'on n'a pas choisis. C'est plus que dans un cercle social classique. En dehors du cadre de travail, souvent, on choisit quand même les gens avec qui on est. Alors que là, il y a le côté qu'on côtoie des gens avec qui on peut avoir des différents, mais comme dans n'importe quelle situation de la vie, des choses. Sauf que là, on se voit matin, midi et soir, au petit-déj, au midi. Donc, il y a vraiment cet enjeu-là, je dirais, et qui va vraiment dépendre des années, des groupes. Nous, on a hiverné une année avec vraiment un groupe excessivement sympathique et joyeux. Donc, on a tous eu nos petits coups de mou, mais ça a été quand même vraiment une super expérience.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu m'as raconté l'histoire du marin-pêcheur qui s'est fait la fracture dont tu t'es occupé pendant un mois. Est-ce que tu as eu un autre passion ou une situation ou une image qui restera gravée dans ta mémoire, dans ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, je sais pas. Là, c'est peut-être le moment où j'allais dire que c'est pas un truc médical qui me vient forcément en idée. Donc, je sais pas si c'est... Vas-y. Franchement, je sais pas. Il y en a vraiment... Là, c'est dur d'en choisir une. C'est impossible. Je réfléchis. Parce que j'ai envie de dire, il y en a tellement, dans les moments médicaux, on va dire, qui ont été très touchants. On a accueilli un marin pêcheur pour une assistance sanitaire d'un monsieur qui ne parlait ni anglais ni français, qui était indonésien et qui venait pour... Ok, pour que je parle de son histoire aussi. Il s'était arraché toute la peau au-dessus du pouce. Et donc, il était... C'était fin de nuit, début de matin. Et donc, on finit de faire le parage, tout ça. On lui fait son pansement, tout va bien. On lui a préparé son petit repas, il va pouvoir les manger. Et je me mets à parler dans un langage des signes en disant « Bon, alors, comment ça va ? » en montrant comme ça. Et je fais comme ça, spontanément. Et le monsieur, qui avait énormément d'humour et que tout le monde adorait sur le bateau, il nous dit « C'est notre bout en train. » Il me prend son pouce avec son gros pansement, pas très bien fait, et nous fait comme ça. Et donc, là, vraiment, on a explosé de rire. Et c'était… génial d'essayer de communiquer avec lui, où il me demandait si j'étais mariée avec mon collègue, qu'est-ce qu'on faisait ici. Il y avait quand même un côté où, avec le traducteur, on a vraiment eu un échange qui était super marrant et super sympa d'avoir ce truc au milieu de la nuit. Et après, non, dans les moments, c'est assez exceptionnel, comme la nature là-bas, les paysages, c'est vraiment dingue. Et il y a quand même quelques endroits où on est face à des... Je ne saurais même pas comment dire, mais des montagnes où il y a quelques animaux, que ce soit les manchots, les éléphants de mer qui sont là, qui sont paisibles, qui n'ont pas peur de l'homme. On se dit, mais c'est... Moi, je me dis que probablement, je ne suis pas croyante, mais que si le paradis existe, ça doit ressembler à Carrie Ellen, vraiment, d'une certaine façon. Il y a vraiment des endroits qui sont d'une beauté. Et ça, c'est assez intéressant d'avoir une expérience sensible. Je pense que c'est quelque chose qui aide à vivre aussi la vie là-bas. Le fait de pouvoir avoir des expériences sensibles et d'être vraiment touché par juste la beauté du lieu, peut-être aussi de voir, c'est très marqué par l'homme sur certains aspects, ce n'est pas du tout totalement neutre. Il y a des plantes qui se sont mises à des endroits où elles ne devraient pas, etc. On a importé des animaux qui ne devraient pas être là et donc ça a des retentissements au niveau écosystème. Donc ce n'est pas du tout sans impact de l'homme, mais il y a vraiment une beauté, un truc un peu magique. là-bas qui est quand même assez dingue. Et il y a toujours, si, peut-être un petit truc marrant, le bateau. En fait, on voit le bateau arriver au fond du golfe le soir, la veille qu'il soit au mouillage devant. Et en fait, à chaque fois qu'il y a le bateau qui arrive et qu'il y a la nouvelle opération portuaire, on se dit, ah, celui-là, c'est pour un tel. Et il y a le jour où on voit le bateau qui fait un petit clignotement au bout et qu'on se dit, ah bah demain, c'est pour moi et je pars. Et le fait de se dire, je pars de cet endroit qui a vraiment été ma maison et c'est très probable que je n'y retourne jamais, ça c'est un espèce de sentiment qui paraît pas trop réel, alors qu'en fait, c'est quand même assez peu probable qu'on y retourne. C'est possible, il y a des gens qui ont fait deux hivernages là-bas, mais ça a un côté magique en même temps.

  • Speaker #0

    Fabuleux. Du coup, est-ce que tu voudrais nous donner des conseils à quelqu'un, un médecin qui veut tenter cette expérience ?

  • Speaker #1

    Eh bien, dans les conseils, ça serait déjà de se renseigner. Je suis quelqu'un d'assez pragmatique et pratico-pratique. Donc déjà, de se renseigner sur la page du service médical des taffes où il y a les fiches de poste, il y a un petit peu d'infos. De demander, ils ont toujours plein de contacts des anciens. Donc de demander et puis on se refile les numéros, tout ça pour avoir des gens au téléphone pour expliquer comment ça se passe. Il y a en ressources intéressantes, il y a la SOFRAMI, c'est la Société Française de Médecine Isolée qui s'est montée. C'est pas mal avec des anciens des taffes, mais pas que. Donc c'est tous les gens qui sont intéressés par des modes d'exercice en situation d'isolement, que ça soit un peu plus insulaire, bateau, base, dispensaire. C'est vraiment très, très varié. Et donc, on a monté un DEU de médecine isolée, qui n'est pas obligatoire pour partir à Kerguelen, mais qui est une ressource qui peut être intéressante s'il y a des gens qui s'intéressent à l'exercice en médecine isolée sans parler des taffes spécifiquement. Voilà, bien se poser des questions, mais ça, je pense qu'on a les gens au téléphone. Ce n'est pas une expérience qui est toute rose non plus. Il y a quand même des choses sur lesquelles il faut se dire Merci. On est loin, il faut pouvoir se préparer personnellement en fonction de comment est-ce qu'on en est dans sa vie. Est-ce qu'on a des proches qui sont malades ? Est-ce qu'on a des choses qu'on se dit ? Il faut pouvoir se dire qu'on revient, que exceptionnellement s'il y a un gros coup dur, les gens peuvent rentrer, mais que ça va quand même être extrêmement complexe, encore plus en étant dans une position de médecin. Donc il y a quand même des choses à anticiper et réfléchir pour être assez au clair avec soi-même et au-delà que c'est important pour la mission, vraiment d'avoir une forme de... de travail sur soi et de se dire de quoi je me sens, de quoi je ne me sens pas et de pouvoir être assez au clair. Et de se dire aussi qu'il faut, que même si c'est une expérience qui est exceptionnelle sous plein d'aspects et qui est très intéressante, très enrichissante humainement, il y a aussi des situations où les problématiques qu'on a dans notre vie quotidienne, on les a aussi à Kerguelen. Et des fois, on les a vu que des fois, on ne choisit pas de ne pas pouvoir côtoyer les gens. On peut les avoir encore plus présents. Donc il faut vraiment pouvoir être à l'aise et avoir cette... cette réflexion avant le départ, je pense.

  • Speaker #0

    Très bien, très bien. Merci, merci infiniment Marie, c'était vraiment passionnant. Merci beaucoup pour ton récit profondément humain. Merci pour nous avoir ouvert une fenêtre rare sur ce que signifie soigner au bout du monde, littéralement. Cet épisode nous rappelle à quel point notre métier peut nous emmener loin, géographiquement, mais aussi intérieurement, loin du confort, loin du cadre habituel, et parfois au plus près de l'essentiel. Si cet épisode vous a inspiré, c'est que vous faites déjà partie de ceux qui veulent soigner autrement. Je vous invite à nous donner vos réactions dans les commentaires YouTube de cette vidéo ou sur vos plateformes d'écoute. Et évidemment, pensez à vous abonner à ce podcast pour ne rater aucun épisode. Continuez à chercher, à apprendre, restez libre. Je te remercie une nouvelle fois infiniment. Et puis, je te dis à bientôt. Salut ! À bientôt,

  • Speaker #1

    salut !

Description

Aujourd’hui, je vous emmène dans un lieu mythique, oublié des cartes, balayé par les vents, où la médecine prend un tout autre visage. Bienvenue aux îles Kerguelen, dans les Terres australes françaises.


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C’est là, à plus de 3 000 kilomètres de toute terre habitée, que la Dr Marie Rimbaud, alors interne en médecine générale, a choisi de partir exercer pendant plusieurs mois.
Une mission hors norme, dans un environnement extrême, sans hôpital, sans spécialiste, sans moyen d’évacuation rapide, où elle devait tout assumer : les soins, l’imprévu, la logistique, la prévention, la formation…

Dans cette double interview exceptionnelle, Marie nous livre un témoignage rare, à la fois concret, puissant et profondément humain.
Elle nous raconte son départ, ses démarches, le voyage jusqu’aux Kerguelen, son arrivée sur l’île…
Mais aussi les multiples facettes de son rôle : médecin, formatrice, logisticienne, soutien psychologique, membre actif d’une micro-société isolée où chacun doit être capable de tout.

Vous découvrirez les coulisses d’un poste de soignant en milieu extrême, avec ses contraintes, ses joies, ses doutes et ses ressources inattendues.

  • Comment vit-on dans un territoire aussi isolé ?

  • Comment soigne-t-on sans équipe, avec des ressources limitées ?

  • Quel impact humain une telle expérience peut-elle avoir sur un jeune médecin ?

  • Et pourquoi, au fond, choisir de partir si loin ?

Marie partage avec sincérité les moments de beauté brute, les instants de solitude, les cas cliniques marquants, et les liens tissés au fil des jours.
Elle évoque aussi la préparation nécessaire, les formations spécifiques (médecine de montagne, anesthésie, dentisterie, urgence), et ses conseils pour celles et ceux qui aimeraient, eux aussi, soigner au bout du monde.

Cet épisode s’adresse à tous les soignants curieux de sortir des sentiers battus, à ceux qui rêvent d’ailleurs, et à tous ceux qui veulent redonner du sens à leur pratique.

Médecine générale, médecine isolée, médecine humaine : ici, les trois ne font plus qu’un.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


Le site de la SOFRAMMI, société française de médecine en milieu isolé: https://www.soframmi.fr/


Les propos tenus dans ce podcast ne constituent en aucun cas une recommandation médicale ou une incitation à la prescription. Les auditeurs sont invités à se référer aux recommandations officielles en vigueur et à compléter leur formation par les sources professionnelles reconnues.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des soignants qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux et différemment. Aujourd'hui, on poursuit notre voyage au bout du monde avec Marie Rimbaud, médecin généraliste, qui a exercé pendant plusieurs mois sur les îles Kerguelen, dans les terres australes françaises. Dans cette seconde partie, elle nous partage son quotidien dans cet environnement isolé. Les conditions de vie, la gestion de la solitude, les situations médicales inattendues et les leçons qu'elle en a tirées. Un récit sincère et inspirant que je vous invite à écouter. Salut Marie, on va poursuivre notre discussion. Est-ce que tu peux me rappeler quelles étaient tes ressources médicales sur place ? Est-ce que tu avais du médicament, du matériel ? Qu'est-ce que tu avais à disposition s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Alors sur les ressources, on était plutôt extrêmement bien doté. Donc on avait un bureau médical déjà pour recevoir les gens en consultation, une salle de consultation dédiée, un cabinet dentaire avec un carte dentaire comme chez le dentiste au grand complet, deux chambres d'hospitalisation. Une pharmacie complète avec beaucoup de matériel de traumatologie pour de l'immobilisation, des drogues pour s'il y a besoin de faire une anesthésie générale ou un bloc opératoire, des antibiotiques, enfin vraiment une petite pharmacie hospitalière complète, un appareil de radiographie, un bloc opératoire avec une table de blocs, l'installation, notre année on a installé la télémédecine, donc aussi l'installation d'une caméra qui permet d'avoir en direct quelqu'un si on a une chirurgie à faire. mais aussi du matériel d'entraînement, où on gardait le matériel qui devenait périmé pour faire des entraînements avec nos collègues. Et on a aussi en ressources, ce qui n'est pas négligeable, on a une salle de pause où on pouvait recevoir les gens des fois pour des consultations, pas forcément formelles, mais passer voir. Alors c'est un petit peu la blague dans les taffes de dire, bon, il y a des comptes rendus de chefs de district qui mettent, les médecins ne font rien et c'est très bien ainsi. Et donc, il y avait un peu le côté où l'hôpital, ça peut des fois être un peu associé à l'endroit où on va boire le café, parce que c'est aussi un endroit où on peut discuter. Donc, on a une salle de pause qui est assez importante. Et on a aussi une particularité, c'est qu'on a la seule baignoire de la base. Et donc, le jour de l'anniversaire des gens, c'est une tradition qui a été faite à l'hôpital. On propose une séance de soins et un bain aromatisé aux gens qui le souhaitent, que ce soit en plein été ou en plein hiver. Donc, c'est quand même du soin global. Voilà. Et donc, la baignoire fait vraiment partie des ressources. non négligeable de la base.

  • Speaker #0

    Excellent, je vois que ça t'a marqué. Est-ce que tu as été confrontée à des situations où tu as dû improviser ou vraiment tu as dû sortir de ta zone de confort durant ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des situations qui vont être très classiques la plupart du temps et qui sont exactement comme on le ferait à l'hôpital ou en cabinet de façon normale. Une fois, on a dû improviser un petit peu. Alors, le patient dont je parle en question est d'accord pour... pour qu'on parle de son cas. On a eu un appel pour un marin pêcheur qui s'était cassé la jambe sur un bateau, qui est arrivé 48 heures après, avec comme immobilisation de fortune, réalisé une attelle aircaste avec une bande de contention autour, avec une atteinte cutanée et une fracture fibula, spiroïde déplacée avec une atteinte cutanée. Et là, en déballant ça 48 heures après, on s'est fait, ça va être un petit peu sportif. Par rapport à ça, je voulais faire un petit point dont on n'a pas parlé dans le premier épisode sur les formations qu'on a avant de partir. Les médecins-chefs qui partent avant ont souvent la possibilité de prendre 5 à 6 mois de formation. On complète nos formations en fonction de notre bagage clinique. On a des semaines type qu'on fait dans le cadre des formations avec l'Étaf. On a une semaine de médecine de montagne qu'on fait pour l'instant. à Chamonix avec le PGHM et avec l'équipe d'urgentistes de Salange qui viennent nous faire des cours sur la médecine de montagne où on apprend toutes les manœuvres de secourisme en situation réelle sur le terrain. Donc c'est très intéressant d'avoir des collègues qui sont super expérimentés, qui nous partagent leur expérience là-dessus. On a une semaine de chirurgie qu'on fait en laboratoire d'anatomie avec la faculté de Caen. Et on a aussi à ce moment-là des jours de formation sur vraiment apprendre la base, comment est-ce que ça se passe. sur des questions de comment on gère la qualité de l'eau, comment on gère les poubelles, plein de choses qui vont faire partie de la médecine à la fois loin et à la fois proche, avec lesquelles on doit être familier avant d'arriver sur base. Et ensuite, c'est libre à nous d'organiser, avec des partenaires du service médical des taffes, notre formation dans différents endroits et de l'accès en fonction de nos besoins et des profils. Voilà. Donc, par exemple... Moi, je vois, étant médecin généraliste, j'ai eu le temps pendant l'internat, vu que c'était pendant le Covid, d'aller faire du SAMU, faire de l'anesthésie, d'aller au bloc, parce que de toute façon, on ne pouvait pas sortir. Donc, autant travailler, autant mettre toutes les chances de son côté de se former sur ce genre de choses. Et après, moi, je vois sur la formation dédiée, j'ai vraiment passé du temps au service dentaire et avec des manips radios et avec des kinés pour apprendre, parce qu'on va faire aussi la rééducation, par exemple, quand il y a de la traumato. Et donc, pour me former à ça, à l'hôpital militaire. Voilà, avant de partir.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Du coup, qu'est-ce que tu as fait de ton marin pêcheur ?

  • Speaker #1

    Alors, notre marin pêcheur, on a réussi. Donc, on a fait un peu l'état des lieux. Parallèlement à ça, moi, mon collègue faisait les radios avec des personnes qui avaient été formées. Moi, j'étais en train de m'occuper d'un autre collègue de ce marin qui avait besoin d'avoir enlevé une dent qui était très infectée. Donc, on... On a géré ça un peu de concours et après, quand on a vu la radio, on s'est dit, ouh là là, il va falloir réduire, voir. La question, ça pouvait être de poser un fixateur externe, enfin, pas dans un premier temps, mais c'était la question d'après, si jamais ça n'allait pas mieux au niveau de la teinte cutanée. Et pour le coup, on a donc pris avis auprès du... Nous, on est en lien pour les avis avec le CHU de La Réunion. Et donc, en fonction des spécialités, c'est Saint-Denis, Saint-Pierre, ça change. Et donc, on a un chirurgien qui a supervisé notre prise en charge pendant... Le marin est resté hospitalisé chez nous pendant un mois. Et donc, on a eu des échanges toutes les 48 heures avec le chirurgien orthopédique. Pour le coup, on a pu faire tenir le plâtre. On a pu faire un plâtre chiroprédieux et maintenir, après réduction, la fracture comme ça. Mais après, il y a tous les aléas de la vraie vie et de... Par exemple, ce monsieur-là, il est arrivé, il fumait. C'est un monsieur qui fumait. Donc, on s'était dit, comment est-ce qu'on fait ? Parce qu'on ne peut pas faire un sevrage. Là, ça faisait trop de choses pour lui. Donc, on s'est dit, OK, le tabac, de toute façon, on ne va pas interdire et faire un sevrage, ça va être trop compliqué. Donc, OK pour le tabac, mais il faut être alité complètement. Donc, il y a un peu, on va dire, tout un tas de choses sur lesquelles... on a aussi ce côté humain où au final, on est quatre dans un hôpital, enfin quatre dans un hôpital, je veux dire, en termes de prise en soins, on a vraiment cette proximité et aussi ce côté de se dire qu'on doit aussi s'adapter à la personne qu'on a en face de nous. Alors, comme on le fait dans un service hospitalier classique, sauf que dans un service hospitalier classique, il y a peut-être des choses sur lesquelles on va être un peu plus, je ne sais pas si ferme, mais on va être un peu... Peut-être un peu moins ouvert à se dire qu'on peut faire les choses différemment, alors que là, il y a aussi le côté de se dire, psychologiquement, un halitement total pour quelqu'un qui est hyperactif, qui fait un métier où il bosse énormément, où il se mobilise tout le temps, c'est très compliqué. Donc, on a dû trouver un peu des façons de faire. Et au final, ça a tenu avec le plâtre. Il n'a pas eu besoin d'être réopéré derrière, ce qui était une petite victoire à la fois pour lui de ne pas avoir besoin de ça. C'est le chirurgien qui l'a refait en consultation, qui avait suivi toute la prise en soins pendant l'hospitalisation. Et donc,

  • Speaker #0

    il y a eu un soutien aussi.

  • Speaker #1

    Par exemple, les gens de la base venaient lui apporter des plateaux repas quand il était alité avant qu'il prenne les béquilles. Ils jouaient beaucoup aux dames et ils nous défonçaient aux dames totalement. Donc, on jouait aux dames avec les super souvent. Ils disaient, allez, venez les médecins, que je vous mette une mine. Et donc, il y a vraiment eu ce côté où ça a été un super lien. Et au final, il faut aussi se lever. Là, vu qu'il y avait un alitement complet, il y a tout le côté d'être aide-soignant aussi. Il faut s'occuper du brossage de dents. Il faut s'occuper de quand la personne, elle, va aller aux toilettes. il y a toute cette logistique là à penser et sur lequel on a pu être aussi épaulé de collègues qui sont venus prendre leur lait, notamment pour amener à manger ou des choses comme ça. Voilà.

  • Speaker #0

    Avant de poursuivre cet épisode, je voulais prendre une minute pour vous parler d'une application médicale que j'ai découvert récemment et dont je voulais absolument vous parler, c'est MediStory. C'est un logiciel qu'on suit en natif pour l'univers Apple et croyez-moi, ça change tout parce que ça marche. C'est fluide et c'est super intuitif. Ce que je trouve notamment génial chez eux, c'est leur outil appelé Loki. C'est une IA vocale intégrée qui retranscrit automatiquement soit ce qu'on lui dicte, soit les propos qu'on a échangés avec son patient pendant la consultation. Et en fait, il les intègre directement dans le dossier patient et il propose même de générer des documents. Donc ici, et avec cette solution, on parle de gagner du temps sur la saisie pour recentrer notre consultation sur l'essentiel qui est quand même notre patient. C'est vraiment top, l'interface est épurée, elle est vraiment pensée pour s'adapter à la pratique du médecin et pas l'inverse. Et en plus derrière, cerise sur le gâteau, c'est une équipe française avec un vrai engagement sur la sécurité des données qui sont hébergées en France. Bref, c'est du solide, je vous invite vraiment à le tester. Alors si vous êtes en train de vous installer ou si vous avez envie de changer d'outil et que vous êtes sur Apple, je vous encourage vraiment à y jeter un oeil. Je vous mets comme d'habitude le lien en description dans les notes de cet épisode et je vous laisse tout de suite pour la suite de cet épisode. Et bien disons, quelle histoire ! Du coup, je comprends que tu travailles, donc tu m'as expliqué que tu t'occupais de la logistique, tu avais un travail clinique, beaucoup de formation, tu veilles aussi à la santé psychologique de toute la base. En dehors de ton travail, est-ce que tu avais des choses, des loisirs ? Comment tu fais ? Est-ce que tu peux te balader ? Est-ce que tu as des loisirs ? Est-ce que tu peux faire du sport ? Qu'est-ce que tu fais à Cargaylen ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes d'occupation autre, c'est assez important pour le bien-être psychique d'avoir des occupations et de pouvoir s'occuper. On a la chance d'avoir une salle de musique et notre année d'avoir eu énormément de musiciens où, en anticipant, j'avais envoyé un message aux gens sans les connaître en disant « prenez les instruments » , on s'est retrouvés à être cinq saxophonistes en même temps. Donc, on a vraiment eu, nous, une activité pour une partie des gens de ma mission, très orientée sur la musique, où ça nous occupait beaucoup de temps. Il y a des instruments de musique sur place. aussi. Il y a une salle commune avec des baby-foot, des billards, des jeux de société. Il y a une salle de sport. Il y a la possibilité de courir dehors. Alors après, il y a tout un tas de périmètres dans lesquels on peut être avec ou sans radio, où il faut prévenir si on va un petit peu plus loin. Après, c'est qu'il y a énormément de vent à Cargillen. Il y en a certains qui font un peu de vélo, mais c'est vraiment une toute petite minorité parce qu'il y a beaucoup de vent et que c'est souvent assez compliqué. Donc voilà, il y a quand même un choix d'activités possibles. Et puis après, il y a toutes les activités personnelles, si on aime lire, si on aime faire des choses comme ça. Mais c'est vrai que c'est quelque chose qu'il faut un peu anticiper parce qu'on a quand même du temps, il y a quand même du temps disponible pour faire ça et aussi parce que c'est très ressourçant et que ça permet aussi de mieux se mobiliser, je pense, dans le cadre de l'activité professionnelle quand on a justement ces instants-là qui sont des instants ressources et des façons de faire du lien aussi qui sont différentes.

  • Speaker #0

    Et justement, tu parles de le faire du lien, est-ce que c'est difficile d'être sukerguélène ? Est-ce que tu te sens seule ? Est-ce que tes proches te manquent ? Est-ce que c'est difficile d'être isolée à ce point-là ? Ou ce n'est pas le cas parce qu'il y a déjà du monde et tu es déjà entourée ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question, je pense, qui est très personnelle et où personne ne fera la même réponse. Il faut savoir déjà qu'il y a des temps de mission différents. Il y a les missions les plus courtes, ça peut être... Enfin, mission, c'est vraiment presque un passage. Ça peut être de un mois à 14 à 15 mois. les plus longues, donc ce n'est pas du tout les mêmes durées de mission. Nous, le poste de médecin, c'est un an. Et donc après, moi, je ne vais parler qu'en mon nom parce que c'est vraiment très différent en fonction des gens. J'ai l'impression que le fait d'avoir de cette préparée psychologiquement à partir, ça fait que il n'y a pas forcément... Il y a aussi le côté qu'au bout d'un moment, quand on est isolé, le monde extérieur, même si on sait qu'il existe, ça devient assez... Alors, abstrait, c'est peut-être un peu excessif, mais ça ne devient plus forcément trop la priorité. On est content d'avoir des nouvelles des proches, tout ça, mais c'est vrai que l'année après nous, il y a Internet qui a été mis sur la base avec la possibilité d'avoir WhatsApp dans la salle commune. Par exemple, nous, notre année, on n'avait pas ça. Donc, on avait aussi un truc où on était vraiment beaucoup plus coupé et que les nouvelles, ça allait être par des mails ou par des appels, mais où ça lag quand même pas mal et les mails où il fallait du temps avant que ta boîte mail le charge. Donc, c'était vraiment un peu différent. Ça serait intéressant d'avoir le point de vue des nouveaux là-dessus. Je dirais que je pense que ça dépend beaucoup de sa préparation, beaucoup de comment on vit et qu'après, il y a quand même des moments. Tout le monde a un moment de creux, un moment qui peut être en lien avec de la fatigue, qui peut être en lien avec une forme de lassitude aussi, d'être confronté ou d'être avec tout le temps les mêmes personnes. Ce qui arrive dans n'importe quel endroit où on est en situation de promiscuité avec plein de gens et qui puissait parfois des gens qu'on n'a pas choisis. C'est plus que dans un cercle social classique. En dehors du cadre de travail, souvent, on choisit quand même les gens avec qui on est. Alors que là, il y a le côté qu'on côtoie des gens avec qui on peut avoir des différents, mais comme dans n'importe quelle situation de la vie, des choses. Sauf que là, on se voit matin, midi et soir, au petit-déj, au midi. Donc, il y a vraiment cet enjeu-là, je dirais, et qui va vraiment dépendre des années, des groupes. Nous, on a hiverné une année avec vraiment un groupe excessivement sympathique et joyeux. Donc, on a tous eu nos petits coups de mou, mais ça a été quand même vraiment une super expérience.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu m'as raconté l'histoire du marin-pêcheur qui s'est fait la fracture dont tu t'es occupé pendant un mois. Est-ce que tu as eu un autre passion ou une situation ou une image qui restera gravée dans ta mémoire, dans ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, je sais pas. Là, c'est peut-être le moment où j'allais dire que c'est pas un truc médical qui me vient forcément en idée. Donc, je sais pas si c'est... Vas-y. Franchement, je sais pas. Il y en a vraiment... Là, c'est dur d'en choisir une. C'est impossible. Je réfléchis. Parce que j'ai envie de dire, il y en a tellement, dans les moments médicaux, on va dire, qui ont été très touchants. On a accueilli un marin pêcheur pour une assistance sanitaire d'un monsieur qui ne parlait ni anglais ni français, qui était indonésien et qui venait pour... Ok, pour que je parle de son histoire aussi. Il s'était arraché toute la peau au-dessus du pouce. Et donc, il était... C'était fin de nuit, début de matin. Et donc, on finit de faire le parage, tout ça. On lui fait son pansement, tout va bien. On lui a préparé son petit repas, il va pouvoir les manger. Et je me mets à parler dans un langage des signes en disant « Bon, alors, comment ça va ? » en montrant comme ça. Et je fais comme ça, spontanément. Et le monsieur, qui avait énormément d'humour et que tout le monde adorait sur le bateau, il nous dit « C'est notre bout en train. » Il me prend son pouce avec son gros pansement, pas très bien fait, et nous fait comme ça. Et donc, là, vraiment, on a explosé de rire. Et c'était… génial d'essayer de communiquer avec lui, où il me demandait si j'étais mariée avec mon collègue, qu'est-ce qu'on faisait ici. Il y avait quand même un côté où, avec le traducteur, on a vraiment eu un échange qui était super marrant et super sympa d'avoir ce truc au milieu de la nuit. Et après, non, dans les moments, c'est assez exceptionnel, comme la nature là-bas, les paysages, c'est vraiment dingue. Et il y a quand même quelques endroits où on est face à des... Je ne saurais même pas comment dire, mais des montagnes où il y a quelques animaux, que ce soit les manchots, les éléphants de mer qui sont là, qui sont paisibles, qui n'ont pas peur de l'homme. On se dit, mais c'est... Moi, je me dis que probablement, je ne suis pas croyante, mais que si le paradis existe, ça doit ressembler à Carrie Ellen, vraiment, d'une certaine façon. Il y a vraiment des endroits qui sont d'une beauté. Et ça, c'est assez intéressant d'avoir une expérience sensible. Je pense que c'est quelque chose qui aide à vivre aussi la vie là-bas. Le fait de pouvoir avoir des expériences sensibles et d'être vraiment touché par juste la beauté du lieu, peut-être aussi de voir, c'est très marqué par l'homme sur certains aspects, ce n'est pas du tout totalement neutre. Il y a des plantes qui se sont mises à des endroits où elles ne devraient pas, etc. On a importé des animaux qui ne devraient pas être là et donc ça a des retentissements au niveau écosystème. Donc ce n'est pas du tout sans impact de l'homme, mais il y a vraiment une beauté, un truc un peu magique. là-bas qui est quand même assez dingue. Et il y a toujours, si, peut-être un petit truc marrant, le bateau. En fait, on voit le bateau arriver au fond du golfe le soir, la veille qu'il soit au mouillage devant. Et en fait, à chaque fois qu'il y a le bateau qui arrive et qu'il y a la nouvelle opération portuaire, on se dit, ah, celui-là, c'est pour un tel. Et il y a le jour où on voit le bateau qui fait un petit clignotement au bout et qu'on se dit, ah bah demain, c'est pour moi et je pars. Et le fait de se dire, je pars de cet endroit qui a vraiment été ma maison et c'est très probable que je n'y retourne jamais, ça c'est un espèce de sentiment qui paraît pas trop réel, alors qu'en fait, c'est quand même assez peu probable qu'on y retourne. C'est possible, il y a des gens qui ont fait deux hivernages là-bas, mais ça a un côté magique en même temps.

  • Speaker #0

    Fabuleux. Du coup, est-ce que tu voudrais nous donner des conseils à quelqu'un, un médecin qui veut tenter cette expérience ?

  • Speaker #1

    Eh bien, dans les conseils, ça serait déjà de se renseigner. Je suis quelqu'un d'assez pragmatique et pratico-pratique. Donc déjà, de se renseigner sur la page du service médical des taffes où il y a les fiches de poste, il y a un petit peu d'infos. De demander, ils ont toujours plein de contacts des anciens. Donc de demander et puis on se refile les numéros, tout ça pour avoir des gens au téléphone pour expliquer comment ça se passe. Il y a en ressources intéressantes, il y a la SOFRAMI, c'est la Société Française de Médecine Isolée qui s'est montée. C'est pas mal avec des anciens des taffes, mais pas que. Donc c'est tous les gens qui sont intéressés par des modes d'exercice en situation d'isolement, que ça soit un peu plus insulaire, bateau, base, dispensaire. C'est vraiment très, très varié. Et donc, on a monté un DEU de médecine isolée, qui n'est pas obligatoire pour partir à Kerguelen, mais qui est une ressource qui peut être intéressante s'il y a des gens qui s'intéressent à l'exercice en médecine isolée sans parler des taffes spécifiquement. Voilà, bien se poser des questions, mais ça, je pense qu'on a les gens au téléphone. Ce n'est pas une expérience qui est toute rose non plus. Il y a quand même des choses sur lesquelles il faut se dire Merci. On est loin, il faut pouvoir se préparer personnellement en fonction de comment est-ce qu'on en est dans sa vie. Est-ce qu'on a des proches qui sont malades ? Est-ce qu'on a des choses qu'on se dit ? Il faut pouvoir se dire qu'on revient, que exceptionnellement s'il y a un gros coup dur, les gens peuvent rentrer, mais que ça va quand même être extrêmement complexe, encore plus en étant dans une position de médecin. Donc il y a quand même des choses à anticiper et réfléchir pour être assez au clair avec soi-même et au-delà que c'est important pour la mission, vraiment d'avoir une forme de... de travail sur soi et de se dire de quoi je me sens, de quoi je ne me sens pas et de pouvoir être assez au clair. Et de se dire aussi qu'il faut, que même si c'est une expérience qui est exceptionnelle sous plein d'aspects et qui est très intéressante, très enrichissante humainement, il y a aussi des situations où les problématiques qu'on a dans notre vie quotidienne, on les a aussi à Kerguelen. Et des fois, on les a vu que des fois, on ne choisit pas de ne pas pouvoir côtoyer les gens. On peut les avoir encore plus présents. Donc il faut vraiment pouvoir être à l'aise et avoir cette... cette réflexion avant le départ, je pense.

  • Speaker #0

    Très bien, très bien. Merci, merci infiniment Marie, c'était vraiment passionnant. Merci beaucoup pour ton récit profondément humain. Merci pour nous avoir ouvert une fenêtre rare sur ce que signifie soigner au bout du monde, littéralement. Cet épisode nous rappelle à quel point notre métier peut nous emmener loin, géographiquement, mais aussi intérieurement, loin du confort, loin du cadre habituel, et parfois au plus près de l'essentiel. Si cet épisode vous a inspiré, c'est que vous faites déjà partie de ceux qui veulent soigner autrement. Je vous invite à nous donner vos réactions dans les commentaires YouTube de cette vidéo ou sur vos plateformes d'écoute. Et évidemment, pensez à vous abonner à ce podcast pour ne rater aucun épisode. Continuez à chercher, à apprendre, restez libre. Je te remercie une nouvelle fois infiniment. Et puis, je te dis à bientôt. Salut ! À bientôt,

  • Speaker #1

    salut !

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Description

Aujourd’hui, je vous emmène dans un lieu mythique, oublié des cartes, balayé par les vents, où la médecine prend un tout autre visage. Bienvenue aux îles Kerguelen, dans les Terres australes françaises.


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C’est là, à plus de 3 000 kilomètres de toute terre habitée, que la Dr Marie Rimbaud, alors interne en médecine générale, a choisi de partir exercer pendant plusieurs mois.
Une mission hors norme, dans un environnement extrême, sans hôpital, sans spécialiste, sans moyen d’évacuation rapide, où elle devait tout assumer : les soins, l’imprévu, la logistique, la prévention, la formation…

Dans cette double interview exceptionnelle, Marie nous livre un témoignage rare, à la fois concret, puissant et profondément humain.
Elle nous raconte son départ, ses démarches, le voyage jusqu’aux Kerguelen, son arrivée sur l’île…
Mais aussi les multiples facettes de son rôle : médecin, formatrice, logisticienne, soutien psychologique, membre actif d’une micro-société isolée où chacun doit être capable de tout.

Vous découvrirez les coulisses d’un poste de soignant en milieu extrême, avec ses contraintes, ses joies, ses doutes et ses ressources inattendues.

  • Comment vit-on dans un territoire aussi isolé ?

  • Comment soigne-t-on sans équipe, avec des ressources limitées ?

  • Quel impact humain une telle expérience peut-elle avoir sur un jeune médecin ?

  • Et pourquoi, au fond, choisir de partir si loin ?

Marie partage avec sincérité les moments de beauté brute, les instants de solitude, les cas cliniques marquants, et les liens tissés au fil des jours.
Elle évoque aussi la préparation nécessaire, les formations spécifiques (médecine de montagne, anesthésie, dentisterie, urgence), et ses conseils pour celles et ceux qui aimeraient, eux aussi, soigner au bout du monde.

Cet épisode s’adresse à tous les soignants curieux de sortir des sentiers battus, à ceux qui rêvent d’ailleurs, et à tous ceux qui veulent redonner du sens à leur pratique.

Médecine générale, médecine isolée, médecine humaine : ici, les trois ne font plus qu’un.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


Le site de la SOFRAMMI, société française de médecine en milieu isolé: https://www.soframmi.fr/


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Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des soignants qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux et différemment. Aujourd'hui, on poursuit notre voyage au bout du monde avec Marie Rimbaud, médecin généraliste, qui a exercé pendant plusieurs mois sur les îles Kerguelen, dans les terres australes françaises. Dans cette seconde partie, elle nous partage son quotidien dans cet environnement isolé. Les conditions de vie, la gestion de la solitude, les situations médicales inattendues et les leçons qu'elle en a tirées. Un récit sincère et inspirant que je vous invite à écouter. Salut Marie, on va poursuivre notre discussion. Est-ce que tu peux me rappeler quelles étaient tes ressources médicales sur place ? Est-ce que tu avais du médicament, du matériel ? Qu'est-ce que tu avais à disposition s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Alors sur les ressources, on était plutôt extrêmement bien doté. Donc on avait un bureau médical déjà pour recevoir les gens en consultation, une salle de consultation dédiée, un cabinet dentaire avec un carte dentaire comme chez le dentiste au grand complet, deux chambres d'hospitalisation. Une pharmacie complète avec beaucoup de matériel de traumatologie pour de l'immobilisation, des drogues pour s'il y a besoin de faire une anesthésie générale ou un bloc opératoire, des antibiotiques, enfin vraiment une petite pharmacie hospitalière complète, un appareil de radiographie, un bloc opératoire avec une table de blocs, l'installation, notre année on a installé la télémédecine, donc aussi l'installation d'une caméra qui permet d'avoir en direct quelqu'un si on a une chirurgie à faire. mais aussi du matériel d'entraînement, où on gardait le matériel qui devenait périmé pour faire des entraînements avec nos collègues. Et on a aussi en ressources, ce qui n'est pas négligeable, on a une salle de pause où on pouvait recevoir les gens des fois pour des consultations, pas forcément formelles, mais passer voir. Alors c'est un petit peu la blague dans les taffes de dire, bon, il y a des comptes rendus de chefs de district qui mettent, les médecins ne font rien et c'est très bien ainsi. Et donc, il y avait un peu le côté où l'hôpital, ça peut des fois être un peu associé à l'endroit où on va boire le café, parce que c'est aussi un endroit où on peut discuter. Donc, on a une salle de pause qui est assez importante. Et on a aussi une particularité, c'est qu'on a la seule baignoire de la base. Et donc, le jour de l'anniversaire des gens, c'est une tradition qui a été faite à l'hôpital. On propose une séance de soins et un bain aromatisé aux gens qui le souhaitent, que ce soit en plein été ou en plein hiver. Donc, c'est quand même du soin global. Voilà. Et donc, la baignoire fait vraiment partie des ressources. non négligeable de la base.

  • Speaker #0

    Excellent, je vois que ça t'a marqué. Est-ce que tu as été confrontée à des situations où tu as dû improviser ou vraiment tu as dû sortir de ta zone de confort durant ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des situations qui vont être très classiques la plupart du temps et qui sont exactement comme on le ferait à l'hôpital ou en cabinet de façon normale. Une fois, on a dû improviser un petit peu. Alors, le patient dont je parle en question est d'accord pour... pour qu'on parle de son cas. On a eu un appel pour un marin pêcheur qui s'était cassé la jambe sur un bateau, qui est arrivé 48 heures après, avec comme immobilisation de fortune, réalisé une attelle aircaste avec une bande de contention autour, avec une atteinte cutanée et une fracture fibula, spiroïde déplacée avec une atteinte cutanée. Et là, en déballant ça 48 heures après, on s'est fait, ça va être un petit peu sportif. Par rapport à ça, je voulais faire un petit point dont on n'a pas parlé dans le premier épisode sur les formations qu'on a avant de partir. Les médecins-chefs qui partent avant ont souvent la possibilité de prendre 5 à 6 mois de formation. On complète nos formations en fonction de notre bagage clinique. On a des semaines type qu'on fait dans le cadre des formations avec l'Étaf. On a une semaine de médecine de montagne qu'on fait pour l'instant. à Chamonix avec le PGHM et avec l'équipe d'urgentistes de Salange qui viennent nous faire des cours sur la médecine de montagne où on apprend toutes les manœuvres de secourisme en situation réelle sur le terrain. Donc c'est très intéressant d'avoir des collègues qui sont super expérimentés, qui nous partagent leur expérience là-dessus. On a une semaine de chirurgie qu'on fait en laboratoire d'anatomie avec la faculté de Caen. Et on a aussi à ce moment-là des jours de formation sur vraiment apprendre la base, comment est-ce que ça se passe. sur des questions de comment on gère la qualité de l'eau, comment on gère les poubelles, plein de choses qui vont faire partie de la médecine à la fois loin et à la fois proche, avec lesquelles on doit être familier avant d'arriver sur base. Et ensuite, c'est libre à nous d'organiser, avec des partenaires du service médical des taffes, notre formation dans différents endroits et de l'accès en fonction de nos besoins et des profils. Voilà. Donc, par exemple... Moi, je vois, étant médecin généraliste, j'ai eu le temps pendant l'internat, vu que c'était pendant le Covid, d'aller faire du SAMU, faire de l'anesthésie, d'aller au bloc, parce que de toute façon, on ne pouvait pas sortir. Donc, autant travailler, autant mettre toutes les chances de son côté de se former sur ce genre de choses. Et après, moi, je vois sur la formation dédiée, j'ai vraiment passé du temps au service dentaire et avec des manips radios et avec des kinés pour apprendre, parce qu'on va faire aussi la rééducation, par exemple, quand il y a de la traumato. Et donc, pour me former à ça, à l'hôpital militaire. Voilà, avant de partir.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Du coup, qu'est-ce que tu as fait de ton marin pêcheur ?

  • Speaker #1

    Alors, notre marin pêcheur, on a réussi. Donc, on a fait un peu l'état des lieux. Parallèlement à ça, moi, mon collègue faisait les radios avec des personnes qui avaient été formées. Moi, j'étais en train de m'occuper d'un autre collègue de ce marin qui avait besoin d'avoir enlevé une dent qui était très infectée. Donc, on... On a géré ça un peu de concours et après, quand on a vu la radio, on s'est dit, ouh là là, il va falloir réduire, voir. La question, ça pouvait être de poser un fixateur externe, enfin, pas dans un premier temps, mais c'était la question d'après, si jamais ça n'allait pas mieux au niveau de la teinte cutanée. Et pour le coup, on a donc pris avis auprès du... Nous, on est en lien pour les avis avec le CHU de La Réunion. Et donc, en fonction des spécialités, c'est Saint-Denis, Saint-Pierre, ça change. Et donc, on a un chirurgien qui a supervisé notre prise en charge pendant... Le marin est resté hospitalisé chez nous pendant un mois. Et donc, on a eu des échanges toutes les 48 heures avec le chirurgien orthopédique. Pour le coup, on a pu faire tenir le plâtre. On a pu faire un plâtre chiroprédieux et maintenir, après réduction, la fracture comme ça. Mais après, il y a tous les aléas de la vraie vie et de... Par exemple, ce monsieur-là, il est arrivé, il fumait. C'est un monsieur qui fumait. Donc, on s'était dit, comment est-ce qu'on fait ? Parce qu'on ne peut pas faire un sevrage. Là, ça faisait trop de choses pour lui. Donc, on s'est dit, OK, le tabac, de toute façon, on ne va pas interdire et faire un sevrage, ça va être trop compliqué. Donc, OK pour le tabac, mais il faut être alité complètement. Donc, il y a un peu, on va dire, tout un tas de choses sur lesquelles... on a aussi ce côté humain où au final, on est quatre dans un hôpital, enfin quatre dans un hôpital, je veux dire, en termes de prise en soins, on a vraiment cette proximité et aussi ce côté de se dire qu'on doit aussi s'adapter à la personne qu'on a en face de nous. Alors, comme on le fait dans un service hospitalier classique, sauf que dans un service hospitalier classique, il y a peut-être des choses sur lesquelles on va être un peu plus, je ne sais pas si ferme, mais on va être un peu... Peut-être un peu moins ouvert à se dire qu'on peut faire les choses différemment, alors que là, il y a aussi le côté de se dire, psychologiquement, un halitement total pour quelqu'un qui est hyperactif, qui fait un métier où il bosse énormément, où il se mobilise tout le temps, c'est très compliqué. Donc, on a dû trouver un peu des façons de faire. Et au final, ça a tenu avec le plâtre. Il n'a pas eu besoin d'être réopéré derrière, ce qui était une petite victoire à la fois pour lui de ne pas avoir besoin de ça. C'est le chirurgien qui l'a refait en consultation, qui avait suivi toute la prise en soins pendant l'hospitalisation. Et donc,

  • Speaker #0

    il y a eu un soutien aussi.

  • Speaker #1

    Par exemple, les gens de la base venaient lui apporter des plateaux repas quand il était alité avant qu'il prenne les béquilles. Ils jouaient beaucoup aux dames et ils nous défonçaient aux dames totalement. Donc, on jouait aux dames avec les super souvent. Ils disaient, allez, venez les médecins, que je vous mette une mine. Et donc, il y a vraiment eu ce côté où ça a été un super lien. Et au final, il faut aussi se lever. Là, vu qu'il y avait un alitement complet, il y a tout le côté d'être aide-soignant aussi. Il faut s'occuper du brossage de dents. Il faut s'occuper de quand la personne, elle, va aller aux toilettes. il y a toute cette logistique là à penser et sur lequel on a pu être aussi épaulé de collègues qui sont venus prendre leur lait, notamment pour amener à manger ou des choses comme ça. Voilà.

  • Speaker #0

    Avant de poursuivre cet épisode, je voulais prendre une minute pour vous parler d'une application médicale que j'ai découvert récemment et dont je voulais absolument vous parler, c'est MediStory. C'est un logiciel qu'on suit en natif pour l'univers Apple et croyez-moi, ça change tout parce que ça marche. C'est fluide et c'est super intuitif. Ce que je trouve notamment génial chez eux, c'est leur outil appelé Loki. C'est une IA vocale intégrée qui retranscrit automatiquement soit ce qu'on lui dicte, soit les propos qu'on a échangés avec son patient pendant la consultation. Et en fait, il les intègre directement dans le dossier patient et il propose même de générer des documents. Donc ici, et avec cette solution, on parle de gagner du temps sur la saisie pour recentrer notre consultation sur l'essentiel qui est quand même notre patient. C'est vraiment top, l'interface est épurée, elle est vraiment pensée pour s'adapter à la pratique du médecin et pas l'inverse. Et en plus derrière, cerise sur le gâteau, c'est une équipe française avec un vrai engagement sur la sécurité des données qui sont hébergées en France. Bref, c'est du solide, je vous invite vraiment à le tester. Alors si vous êtes en train de vous installer ou si vous avez envie de changer d'outil et que vous êtes sur Apple, je vous encourage vraiment à y jeter un oeil. Je vous mets comme d'habitude le lien en description dans les notes de cet épisode et je vous laisse tout de suite pour la suite de cet épisode. Et bien disons, quelle histoire ! Du coup, je comprends que tu travailles, donc tu m'as expliqué que tu t'occupais de la logistique, tu avais un travail clinique, beaucoup de formation, tu veilles aussi à la santé psychologique de toute la base. En dehors de ton travail, est-ce que tu avais des choses, des loisirs ? Comment tu fais ? Est-ce que tu peux te balader ? Est-ce que tu as des loisirs ? Est-ce que tu peux faire du sport ? Qu'est-ce que tu fais à Cargaylen ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes d'occupation autre, c'est assez important pour le bien-être psychique d'avoir des occupations et de pouvoir s'occuper. On a la chance d'avoir une salle de musique et notre année d'avoir eu énormément de musiciens où, en anticipant, j'avais envoyé un message aux gens sans les connaître en disant « prenez les instruments » , on s'est retrouvés à être cinq saxophonistes en même temps. Donc, on a vraiment eu, nous, une activité pour une partie des gens de ma mission, très orientée sur la musique, où ça nous occupait beaucoup de temps. Il y a des instruments de musique sur place. aussi. Il y a une salle commune avec des baby-foot, des billards, des jeux de société. Il y a une salle de sport. Il y a la possibilité de courir dehors. Alors après, il y a tout un tas de périmètres dans lesquels on peut être avec ou sans radio, où il faut prévenir si on va un petit peu plus loin. Après, c'est qu'il y a énormément de vent à Cargillen. Il y en a certains qui font un peu de vélo, mais c'est vraiment une toute petite minorité parce qu'il y a beaucoup de vent et que c'est souvent assez compliqué. Donc voilà, il y a quand même un choix d'activités possibles. Et puis après, il y a toutes les activités personnelles, si on aime lire, si on aime faire des choses comme ça. Mais c'est vrai que c'est quelque chose qu'il faut un peu anticiper parce qu'on a quand même du temps, il y a quand même du temps disponible pour faire ça et aussi parce que c'est très ressourçant et que ça permet aussi de mieux se mobiliser, je pense, dans le cadre de l'activité professionnelle quand on a justement ces instants-là qui sont des instants ressources et des façons de faire du lien aussi qui sont différentes.

  • Speaker #0

    Et justement, tu parles de le faire du lien, est-ce que c'est difficile d'être sukerguélène ? Est-ce que tu te sens seule ? Est-ce que tes proches te manquent ? Est-ce que c'est difficile d'être isolée à ce point-là ? Ou ce n'est pas le cas parce qu'il y a déjà du monde et tu es déjà entourée ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question, je pense, qui est très personnelle et où personne ne fera la même réponse. Il faut savoir déjà qu'il y a des temps de mission différents. Il y a les missions les plus courtes, ça peut être... Enfin, mission, c'est vraiment presque un passage. Ça peut être de un mois à 14 à 15 mois. les plus longues, donc ce n'est pas du tout les mêmes durées de mission. Nous, le poste de médecin, c'est un an. Et donc après, moi, je ne vais parler qu'en mon nom parce que c'est vraiment très différent en fonction des gens. J'ai l'impression que le fait d'avoir de cette préparée psychologiquement à partir, ça fait que il n'y a pas forcément... Il y a aussi le côté qu'au bout d'un moment, quand on est isolé, le monde extérieur, même si on sait qu'il existe, ça devient assez... Alors, abstrait, c'est peut-être un peu excessif, mais ça ne devient plus forcément trop la priorité. On est content d'avoir des nouvelles des proches, tout ça, mais c'est vrai que l'année après nous, il y a Internet qui a été mis sur la base avec la possibilité d'avoir WhatsApp dans la salle commune. Par exemple, nous, notre année, on n'avait pas ça. Donc, on avait aussi un truc où on était vraiment beaucoup plus coupé et que les nouvelles, ça allait être par des mails ou par des appels, mais où ça lag quand même pas mal et les mails où il fallait du temps avant que ta boîte mail le charge. Donc, c'était vraiment un peu différent. Ça serait intéressant d'avoir le point de vue des nouveaux là-dessus. Je dirais que je pense que ça dépend beaucoup de sa préparation, beaucoup de comment on vit et qu'après, il y a quand même des moments. Tout le monde a un moment de creux, un moment qui peut être en lien avec de la fatigue, qui peut être en lien avec une forme de lassitude aussi, d'être confronté ou d'être avec tout le temps les mêmes personnes. Ce qui arrive dans n'importe quel endroit où on est en situation de promiscuité avec plein de gens et qui puissait parfois des gens qu'on n'a pas choisis. C'est plus que dans un cercle social classique. En dehors du cadre de travail, souvent, on choisit quand même les gens avec qui on est. Alors que là, il y a le côté qu'on côtoie des gens avec qui on peut avoir des différents, mais comme dans n'importe quelle situation de la vie, des choses. Sauf que là, on se voit matin, midi et soir, au petit-déj, au midi. Donc, il y a vraiment cet enjeu-là, je dirais, et qui va vraiment dépendre des années, des groupes. Nous, on a hiverné une année avec vraiment un groupe excessivement sympathique et joyeux. Donc, on a tous eu nos petits coups de mou, mais ça a été quand même vraiment une super expérience.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu m'as raconté l'histoire du marin-pêcheur qui s'est fait la fracture dont tu t'es occupé pendant un mois. Est-ce que tu as eu un autre passion ou une situation ou une image qui restera gravée dans ta mémoire, dans ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, je sais pas. Là, c'est peut-être le moment où j'allais dire que c'est pas un truc médical qui me vient forcément en idée. Donc, je sais pas si c'est... Vas-y. Franchement, je sais pas. Il y en a vraiment... Là, c'est dur d'en choisir une. C'est impossible. Je réfléchis. Parce que j'ai envie de dire, il y en a tellement, dans les moments médicaux, on va dire, qui ont été très touchants. On a accueilli un marin pêcheur pour une assistance sanitaire d'un monsieur qui ne parlait ni anglais ni français, qui était indonésien et qui venait pour... Ok, pour que je parle de son histoire aussi. Il s'était arraché toute la peau au-dessus du pouce. Et donc, il était... C'était fin de nuit, début de matin. Et donc, on finit de faire le parage, tout ça. On lui fait son pansement, tout va bien. On lui a préparé son petit repas, il va pouvoir les manger. Et je me mets à parler dans un langage des signes en disant « Bon, alors, comment ça va ? » en montrant comme ça. Et je fais comme ça, spontanément. Et le monsieur, qui avait énormément d'humour et que tout le monde adorait sur le bateau, il nous dit « C'est notre bout en train. » Il me prend son pouce avec son gros pansement, pas très bien fait, et nous fait comme ça. Et donc, là, vraiment, on a explosé de rire. Et c'était… génial d'essayer de communiquer avec lui, où il me demandait si j'étais mariée avec mon collègue, qu'est-ce qu'on faisait ici. Il y avait quand même un côté où, avec le traducteur, on a vraiment eu un échange qui était super marrant et super sympa d'avoir ce truc au milieu de la nuit. Et après, non, dans les moments, c'est assez exceptionnel, comme la nature là-bas, les paysages, c'est vraiment dingue. Et il y a quand même quelques endroits où on est face à des... Je ne saurais même pas comment dire, mais des montagnes où il y a quelques animaux, que ce soit les manchots, les éléphants de mer qui sont là, qui sont paisibles, qui n'ont pas peur de l'homme. On se dit, mais c'est... Moi, je me dis que probablement, je ne suis pas croyante, mais que si le paradis existe, ça doit ressembler à Carrie Ellen, vraiment, d'une certaine façon. Il y a vraiment des endroits qui sont d'une beauté. Et ça, c'est assez intéressant d'avoir une expérience sensible. Je pense que c'est quelque chose qui aide à vivre aussi la vie là-bas. Le fait de pouvoir avoir des expériences sensibles et d'être vraiment touché par juste la beauté du lieu, peut-être aussi de voir, c'est très marqué par l'homme sur certains aspects, ce n'est pas du tout totalement neutre. Il y a des plantes qui se sont mises à des endroits où elles ne devraient pas, etc. On a importé des animaux qui ne devraient pas être là et donc ça a des retentissements au niveau écosystème. Donc ce n'est pas du tout sans impact de l'homme, mais il y a vraiment une beauté, un truc un peu magique. là-bas qui est quand même assez dingue. Et il y a toujours, si, peut-être un petit truc marrant, le bateau. En fait, on voit le bateau arriver au fond du golfe le soir, la veille qu'il soit au mouillage devant. Et en fait, à chaque fois qu'il y a le bateau qui arrive et qu'il y a la nouvelle opération portuaire, on se dit, ah, celui-là, c'est pour un tel. Et il y a le jour où on voit le bateau qui fait un petit clignotement au bout et qu'on se dit, ah bah demain, c'est pour moi et je pars. Et le fait de se dire, je pars de cet endroit qui a vraiment été ma maison et c'est très probable que je n'y retourne jamais, ça c'est un espèce de sentiment qui paraît pas trop réel, alors qu'en fait, c'est quand même assez peu probable qu'on y retourne. C'est possible, il y a des gens qui ont fait deux hivernages là-bas, mais ça a un côté magique en même temps.

  • Speaker #0

    Fabuleux. Du coup, est-ce que tu voudrais nous donner des conseils à quelqu'un, un médecin qui veut tenter cette expérience ?

  • Speaker #1

    Eh bien, dans les conseils, ça serait déjà de se renseigner. Je suis quelqu'un d'assez pragmatique et pratico-pratique. Donc déjà, de se renseigner sur la page du service médical des taffes où il y a les fiches de poste, il y a un petit peu d'infos. De demander, ils ont toujours plein de contacts des anciens. Donc de demander et puis on se refile les numéros, tout ça pour avoir des gens au téléphone pour expliquer comment ça se passe. Il y a en ressources intéressantes, il y a la SOFRAMI, c'est la Société Française de Médecine Isolée qui s'est montée. C'est pas mal avec des anciens des taffes, mais pas que. Donc c'est tous les gens qui sont intéressés par des modes d'exercice en situation d'isolement, que ça soit un peu plus insulaire, bateau, base, dispensaire. C'est vraiment très, très varié. Et donc, on a monté un DEU de médecine isolée, qui n'est pas obligatoire pour partir à Kerguelen, mais qui est une ressource qui peut être intéressante s'il y a des gens qui s'intéressent à l'exercice en médecine isolée sans parler des taffes spécifiquement. Voilà, bien se poser des questions, mais ça, je pense qu'on a les gens au téléphone. Ce n'est pas une expérience qui est toute rose non plus. Il y a quand même des choses sur lesquelles il faut se dire Merci. On est loin, il faut pouvoir se préparer personnellement en fonction de comment est-ce qu'on en est dans sa vie. Est-ce qu'on a des proches qui sont malades ? Est-ce qu'on a des choses qu'on se dit ? Il faut pouvoir se dire qu'on revient, que exceptionnellement s'il y a un gros coup dur, les gens peuvent rentrer, mais que ça va quand même être extrêmement complexe, encore plus en étant dans une position de médecin. Donc il y a quand même des choses à anticiper et réfléchir pour être assez au clair avec soi-même et au-delà que c'est important pour la mission, vraiment d'avoir une forme de... de travail sur soi et de se dire de quoi je me sens, de quoi je ne me sens pas et de pouvoir être assez au clair. Et de se dire aussi qu'il faut, que même si c'est une expérience qui est exceptionnelle sous plein d'aspects et qui est très intéressante, très enrichissante humainement, il y a aussi des situations où les problématiques qu'on a dans notre vie quotidienne, on les a aussi à Kerguelen. Et des fois, on les a vu que des fois, on ne choisit pas de ne pas pouvoir côtoyer les gens. On peut les avoir encore plus présents. Donc il faut vraiment pouvoir être à l'aise et avoir cette... cette réflexion avant le départ, je pense.

  • Speaker #0

    Très bien, très bien. Merci, merci infiniment Marie, c'était vraiment passionnant. Merci beaucoup pour ton récit profondément humain. Merci pour nous avoir ouvert une fenêtre rare sur ce que signifie soigner au bout du monde, littéralement. Cet épisode nous rappelle à quel point notre métier peut nous emmener loin, géographiquement, mais aussi intérieurement, loin du confort, loin du cadre habituel, et parfois au plus près de l'essentiel. Si cet épisode vous a inspiré, c'est que vous faites déjà partie de ceux qui veulent soigner autrement. Je vous invite à nous donner vos réactions dans les commentaires YouTube de cette vidéo ou sur vos plateformes d'écoute. Et évidemment, pensez à vous abonner à ce podcast pour ne rater aucun épisode. Continuez à chercher, à apprendre, restez libre. Je te remercie une nouvelle fois infiniment. Et puis, je te dis à bientôt. Salut ! À bientôt,

  • Speaker #1

    salut !

Description

Aujourd’hui, je vous emmène dans un lieu mythique, oublié des cartes, balayé par les vents, où la médecine prend un tout autre visage. Bienvenue aux îles Kerguelen, dans les Terres australes françaises.


👉 Abonnez-vous à la newsletter Super Récap’ pour recevoir un mail à lire en 1mn récapitulant les grands points des épisodes de la semaine (c'est gratuit et sans spam!): https://superdocteur.substack.com/


C’est là, à plus de 3 000 kilomètres de toute terre habitée, que la Dr Marie Rimbaud, alors interne en médecine générale, a choisi de partir exercer pendant plusieurs mois.
Une mission hors norme, dans un environnement extrême, sans hôpital, sans spécialiste, sans moyen d’évacuation rapide, où elle devait tout assumer : les soins, l’imprévu, la logistique, la prévention, la formation…

Dans cette double interview exceptionnelle, Marie nous livre un témoignage rare, à la fois concret, puissant et profondément humain.
Elle nous raconte son départ, ses démarches, le voyage jusqu’aux Kerguelen, son arrivée sur l’île…
Mais aussi les multiples facettes de son rôle : médecin, formatrice, logisticienne, soutien psychologique, membre actif d’une micro-société isolée où chacun doit être capable de tout.

Vous découvrirez les coulisses d’un poste de soignant en milieu extrême, avec ses contraintes, ses joies, ses doutes et ses ressources inattendues.

  • Comment vit-on dans un territoire aussi isolé ?

  • Comment soigne-t-on sans équipe, avec des ressources limitées ?

  • Quel impact humain une telle expérience peut-elle avoir sur un jeune médecin ?

  • Et pourquoi, au fond, choisir de partir si loin ?

Marie partage avec sincérité les moments de beauté brute, les instants de solitude, les cas cliniques marquants, et les liens tissés au fil des jours.
Elle évoque aussi la préparation nécessaire, les formations spécifiques (médecine de montagne, anesthésie, dentisterie, urgence), et ses conseils pour celles et ceux qui aimeraient, eux aussi, soigner au bout du monde.

Cet épisode s’adresse à tous les soignants curieux de sortir des sentiers battus, à ceux qui rêvent d’ailleurs, et à tous ceux qui veulent redonner du sens à leur pratique.

Médecine générale, médecine isolée, médecine humaine : ici, les trois ne font plus qu’un.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


Le site de la SOFRAMMI, société française de médecine en milieu isolé: https://www.soframmi.fr/


Les propos tenus dans ce podcast ne constituent en aucun cas une recommandation médicale ou une incitation à la prescription. Les auditeurs sont invités à se référer aux recommandations officielles en vigueur et à compléter leur formation par les sources professionnelles reconnues.


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Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des soignants qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux et différemment. Aujourd'hui, on poursuit notre voyage au bout du monde avec Marie Rimbaud, médecin généraliste, qui a exercé pendant plusieurs mois sur les îles Kerguelen, dans les terres australes françaises. Dans cette seconde partie, elle nous partage son quotidien dans cet environnement isolé. Les conditions de vie, la gestion de la solitude, les situations médicales inattendues et les leçons qu'elle en a tirées. Un récit sincère et inspirant que je vous invite à écouter. Salut Marie, on va poursuivre notre discussion. Est-ce que tu peux me rappeler quelles étaient tes ressources médicales sur place ? Est-ce que tu avais du médicament, du matériel ? Qu'est-ce que tu avais à disposition s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Alors sur les ressources, on était plutôt extrêmement bien doté. Donc on avait un bureau médical déjà pour recevoir les gens en consultation, une salle de consultation dédiée, un cabinet dentaire avec un carte dentaire comme chez le dentiste au grand complet, deux chambres d'hospitalisation. Une pharmacie complète avec beaucoup de matériel de traumatologie pour de l'immobilisation, des drogues pour s'il y a besoin de faire une anesthésie générale ou un bloc opératoire, des antibiotiques, enfin vraiment une petite pharmacie hospitalière complète, un appareil de radiographie, un bloc opératoire avec une table de blocs, l'installation, notre année on a installé la télémédecine, donc aussi l'installation d'une caméra qui permet d'avoir en direct quelqu'un si on a une chirurgie à faire. mais aussi du matériel d'entraînement, où on gardait le matériel qui devenait périmé pour faire des entraînements avec nos collègues. Et on a aussi en ressources, ce qui n'est pas négligeable, on a une salle de pause où on pouvait recevoir les gens des fois pour des consultations, pas forcément formelles, mais passer voir. Alors c'est un petit peu la blague dans les taffes de dire, bon, il y a des comptes rendus de chefs de district qui mettent, les médecins ne font rien et c'est très bien ainsi. Et donc, il y avait un peu le côté où l'hôpital, ça peut des fois être un peu associé à l'endroit où on va boire le café, parce que c'est aussi un endroit où on peut discuter. Donc, on a une salle de pause qui est assez importante. Et on a aussi une particularité, c'est qu'on a la seule baignoire de la base. Et donc, le jour de l'anniversaire des gens, c'est une tradition qui a été faite à l'hôpital. On propose une séance de soins et un bain aromatisé aux gens qui le souhaitent, que ce soit en plein été ou en plein hiver. Donc, c'est quand même du soin global. Voilà. Et donc, la baignoire fait vraiment partie des ressources. non négligeable de la base.

  • Speaker #0

    Excellent, je vois que ça t'a marqué. Est-ce que tu as été confrontée à des situations où tu as dû improviser ou vraiment tu as dû sortir de ta zone de confort durant ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, on a des situations qui vont être très classiques la plupart du temps et qui sont exactement comme on le ferait à l'hôpital ou en cabinet de façon normale. Une fois, on a dû improviser un petit peu. Alors, le patient dont je parle en question est d'accord pour... pour qu'on parle de son cas. On a eu un appel pour un marin pêcheur qui s'était cassé la jambe sur un bateau, qui est arrivé 48 heures après, avec comme immobilisation de fortune, réalisé une attelle aircaste avec une bande de contention autour, avec une atteinte cutanée et une fracture fibula, spiroïde déplacée avec une atteinte cutanée. Et là, en déballant ça 48 heures après, on s'est fait, ça va être un petit peu sportif. Par rapport à ça, je voulais faire un petit point dont on n'a pas parlé dans le premier épisode sur les formations qu'on a avant de partir. Les médecins-chefs qui partent avant ont souvent la possibilité de prendre 5 à 6 mois de formation. On complète nos formations en fonction de notre bagage clinique. On a des semaines type qu'on fait dans le cadre des formations avec l'Étaf. On a une semaine de médecine de montagne qu'on fait pour l'instant. à Chamonix avec le PGHM et avec l'équipe d'urgentistes de Salange qui viennent nous faire des cours sur la médecine de montagne où on apprend toutes les manœuvres de secourisme en situation réelle sur le terrain. Donc c'est très intéressant d'avoir des collègues qui sont super expérimentés, qui nous partagent leur expérience là-dessus. On a une semaine de chirurgie qu'on fait en laboratoire d'anatomie avec la faculté de Caen. Et on a aussi à ce moment-là des jours de formation sur vraiment apprendre la base, comment est-ce que ça se passe. sur des questions de comment on gère la qualité de l'eau, comment on gère les poubelles, plein de choses qui vont faire partie de la médecine à la fois loin et à la fois proche, avec lesquelles on doit être familier avant d'arriver sur base. Et ensuite, c'est libre à nous d'organiser, avec des partenaires du service médical des taffes, notre formation dans différents endroits et de l'accès en fonction de nos besoins et des profils. Voilà. Donc, par exemple... Moi, je vois, étant médecin généraliste, j'ai eu le temps pendant l'internat, vu que c'était pendant le Covid, d'aller faire du SAMU, faire de l'anesthésie, d'aller au bloc, parce que de toute façon, on ne pouvait pas sortir. Donc, autant travailler, autant mettre toutes les chances de son côté de se former sur ce genre de choses. Et après, moi, je vois sur la formation dédiée, j'ai vraiment passé du temps au service dentaire et avec des manips radios et avec des kinés pour apprendre, parce qu'on va faire aussi la rééducation, par exemple, quand il y a de la traumato. Et donc, pour me former à ça, à l'hôpital militaire. Voilà, avant de partir.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Du coup, qu'est-ce que tu as fait de ton marin pêcheur ?

  • Speaker #1

    Alors, notre marin pêcheur, on a réussi. Donc, on a fait un peu l'état des lieux. Parallèlement à ça, moi, mon collègue faisait les radios avec des personnes qui avaient été formées. Moi, j'étais en train de m'occuper d'un autre collègue de ce marin qui avait besoin d'avoir enlevé une dent qui était très infectée. Donc, on... On a géré ça un peu de concours et après, quand on a vu la radio, on s'est dit, ouh là là, il va falloir réduire, voir. La question, ça pouvait être de poser un fixateur externe, enfin, pas dans un premier temps, mais c'était la question d'après, si jamais ça n'allait pas mieux au niveau de la teinte cutanée. Et pour le coup, on a donc pris avis auprès du... Nous, on est en lien pour les avis avec le CHU de La Réunion. Et donc, en fonction des spécialités, c'est Saint-Denis, Saint-Pierre, ça change. Et donc, on a un chirurgien qui a supervisé notre prise en charge pendant... Le marin est resté hospitalisé chez nous pendant un mois. Et donc, on a eu des échanges toutes les 48 heures avec le chirurgien orthopédique. Pour le coup, on a pu faire tenir le plâtre. On a pu faire un plâtre chiroprédieux et maintenir, après réduction, la fracture comme ça. Mais après, il y a tous les aléas de la vraie vie et de... Par exemple, ce monsieur-là, il est arrivé, il fumait. C'est un monsieur qui fumait. Donc, on s'était dit, comment est-ce qu'on fait ? Parce qu'on ne peut pas faire un sevrage. Là, ça faisait trop de choses pour lui. Donc, on s'est dit, OK, le tabac, de toute façon, on ne va pas interdire et faire un sevrage, ça va être trop compliqué. Donc, OK pour le tabac, mais il faut être alité complètement. Donc, il y a un peu, on va dire, tout un tas de choses sur lesquelles... on a aussi ce côté humain où au final, on est quatre dans un hôpital, enfin quatre dans un hôpital, je veux dire, en termes de prise en soins, on a vraiment cette proximité et aussi ce côté de se dire qu'on doit aussi s'adapter à la personne qu'on a en face de nous. Alors, comme on le fait dans un service hospitalier classique, sauf que dans un service hospitalier classique, il y a peut-être des choses sur lesquelles on va être un peu plus, je ne sais pas si ferme, mais on va être un peu... Peut-être un peu moins ouvert à se dire qu'on peut faire les choses différemment, alors que là, il y a aussi le côté de se dire, psychologiquement, un halitement total pour quelqu'un qui est hyperactif, qui fait un métier où il bosse énormément, où il se mobilise tout le temps, c'est très compliqué. Donc, on a dû trouver un peu des façons de faire. Et au final, ça a tenu avec le plâtre. Il n'a pas eu besoin d'être réopéré derrière, ce qui était une petite victoire à la fois pour lui de ne pas avoir besoin de ça. C'est le chirurgien qui l'a refait en consultation, qui avait suivi toute la prise en soins pendant l'hospitalisation. Et donc,

  • Speaker #0

    il y a eu un soutien aussi.

  • Speaker #1

    Par exemple, les gens de la base venaient lui apporter des plateaux repas quand il était alité avant qu'il prenne les béquilles. Ils jouaient beaucoup aux dames et ils nous défonçaient aux dames totalement. Donc, on jouait aux dames avec les super souvent. Ils disaient, allez, venez les médecins, que je vous mette une mine. Et donc, il y a vraiment eu ce côté où ça a été un super lien. Et au final, il faut aussi se lever. Là, vu qu'il y avait un alitement complet, il y a tout le côté d'être aide-soignant aussi. Il faut s'occuper du brossage de dents. Il faut s'occuper de quand la personne, elle, va aller aux toilettes. il y a toute cette logistique là à penser et sur lequel on a pu être aussi épaulé de collègues qui sont venus prendre leur lait, notamment pour amener à manger ou des choses comme ça. Voilà.

  • Speaker #0

    Avant de poursuivre cet épisode, je voulais prendre une minute pour vous parler d'une application médicale que j'ai découvert récemment et dont je voulais absolument vous parler, c'est MediStory. C'est un logiciel qu'on suit en natif pour l'univers Apple et croyez-moi, ça change tout parce que ça marche. C'est fluide et c'est super intuitif. Ce que je trouve notamment génial chez eux, c'est leur outil appelé Loki. C'est une IA vocale intégrée qui retranscrit automatiquement soit ce qu'on lui dicte, soit les propos qu'on a échangés avec son patient pendant la consultation. Et en fait, il les intègre directement dans le dossier patient et il propose même de générer des documents. Donc ici, et avec cette solution, on parle de gagner du temps sur la saisie pour recentrer notre consultation sur l'essentiel qui est quand même notre patient. C'est vraiment top, l'interface est épurée, elle est vraiment pensée pour s'adapter à la pratique du médecin et pas l'inverse. Et en plus derrière, cerise sur le gâteau, c'est une équipe française avec un vrai engagement sur la sécurité des données qui sont hébergées en France. Bref, c'est du solide, je vous invite vraiment à le tester. Alors si vous êtes en train de vous installer ou si vous avez envie de changer d'outil et que vous êtes sur Apple, je vous encourage vraiment à y jeter un oeil. Je vous mets comme d'habitude le lien en description dans les notes de cet épisode et je vous laisse tout de suite pour la suite de cet épisode. Et bien disons, quelle histoire ! Du coup, je comprends que tu travailles, donc tu m'as expliqué que tu t'occupais de la logistique, tu avais un travail clinique, beaucoup de formation, tu veilles aussi à la santé psychologique de toute la base. En dehors de ton travail, est-ce que tu avais des choses, des loisirs ? Comment tu fais ? Est-ce que tu peux te balader ? Est-ce que tu as des loisirs ? Est-ce que tu peux faire du sport ? Qu'est-ce que tu fais à Cargaylen ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes d'occupation autre, c'est assez important pour le bien-être psychique d'avoir des occupations et de pouvoir s'occuper. On a la chance d'avoir une salle de musique et notre année d'avoir eu énormément de musiciens où, en anticipant, j'avais envoyé un message aux gens sans les connaître en disant « prenez les instruments » , on s'est retrouvés à être cinq saxophonistes en même temps. Donc, on a vraiment eu, nous, une activité pour une partie des gens de ma mission, très orientée sur la musique, où ça nous occupait beaucoup de temps. Il y a des instruments de musique sur place. aussi. Il y a une salle commune avec des baby-foot, des billards, des jeux de société. Il y a une salle de sport. Il y a la possibilité de courir dehors. Alors après, il y a tout un tas de périmètres dans lesquels on peut être avec ou sans radio, où il faut prévenir si on va un petit peu plus loin. Après, c'est qu'il y a énormément de vent à Cargillen. Il y en a certains qui font un peu de vélo, mais c'est vraiment une toute petite minorité parce qu'il y a beaucoup de vent et que c'est souvent assez compliqué. Donc voilà, il y a quand même un choix d'activités possibles. Et puis après, il y a toutes les activités personnelles, si on aime lire, si on aime faire des choses comme ça. Mais c'est vrai que c'est quelque chose qu'il faut un peu anticiper parce qu'on a quand même du temps, il y a quand même du temps disponible pour faire ça et aussi parce que c'est très ressourçant et que ça permet aussi de mieux se mobiliser, je pense, dans le cadre de l'activité professionnelle quand on a justement ces instants-là qui sont des instants ressources et des façons de faire du lien aussi qui sont différentes.

  • Speaker #0

    Et justement, tu parles de le faire du lien, est-ce que c'est difficile d'être sukerguélène ? Est-ce que tu te sens seule ? Est-ce que tes proches te manquent ? Est-ce que c'est difficile d'être isolée à ce point-là ? Ou ce n'est pas le cas parce qu'il y a déjà du monde et tu es déjà entourée ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question, je pense, qui est très personnelle et où personne ne fera la même réponse. Il faut savoir déjà qu'il y a des temps de mission différents. Il y a les missions les plus courtes, ça peut être... Enfin, mission, c'est vraiment presque un passage. Ça peut être de un mois à 14 à 15 mois. les plus longues, donc ce n'est pas du tout les mêmes durées de mission. Nous, le poste de médecin, c'est un an. Et donc après, moi, je ne vais parler qu'en mon nom parce que c'est vraiment très différent en fonction des gens. J'ai l'impression que le fait d'avoir de cette préparée psychologiquement à partir, ça fait que il n'y a pas forcément... Il y a aussi le côté qu'au bout d'un moment, quand on est isolé, le monde extérieur, même si on sait qu'il existe, ça devient assez... Alors, abstrait, c'est peut-être un peu excessif, mais ça ne devient plus forcément trop la priorité. On est content d'avoir des nouvelles des proches, tout ça, mais c'est vrai que l'année après nous, il y a Internet qui a été mis sur la base avec la possibilité d'avoir WhatsApp dans la salle commune. Par exemple, nous, notre année, on n'avait pas ça. Donc, on avait aussi un truc où on était vraiment beaucoup plus coupé et que les nouvelles, ça allait être par des mails ou par des appels, mais où ça lag quand même pas mal et les mails où il fallait du temps avant que ta boîte mail le charge. Donc, c'était vraiment un peu différent. Ça serait intéressant d'avoir le point de vue des nouveaux là-dessus. Je dirais que je pense que ça dépend beaucoup de sa préparation, beaucoup de comment on vit et qu'après, il y a quand même des moments. Tout le monde a un moment de creux, un moment qui peut être en lien avec de la fatigue, qui peut être en lien avec une forme de lassitude aussi, d'être confronté ou d'être avec tout le temps les mêmes personnes. Ce qui arrive dans n'importe quel endroit où on est en situation de promiscuité avec plein de gens et qui puissait parfois des gens qu'on n'a pas choisis. C'est plus que dans un cercle social classique. En dehors du cadre de travail, souvent, on choisit quand même les gens avec qui on est. Alors que là, il y a le côté qu'on côtoie des gens avec qui on peut avoir des différents, mais comme dans n'importe quelle situation de la vie, des choses. Sauf que là, on se voit matin, midi et soir, au petit-déj, au midi. Donc, il y a vraiment cet enjeu-là, je dirais, et qui va vraiment dépendre des années, des groupes. Nous, on a hiverné une année avec vraiment un groupe excessivement sympathique et joyeux. Donc, on a tous eu nos petits coups de mou, mais ça a été quand même vraiment une super expérience.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu m'as raconté l'histoire du marin-pêcheur qui s'est fait la fracture dont tu t'es occupé pendant un mois. Est-ce que tu as eu un autre passion ou une situation ou une image qui restera gravée dans ta mémoire, dans ton séjour à Kerguelen ?

  • Speaker #1

    Alors, je sais pas. Là, c'est peut-être le moment où j'allais dire que c'est pas un truc médical qui me vient forcément en idée. Donc, je sais pas si c'est... Vas-y. Franchement, je sais pas. Il y en a vraiment... Là, c'est dur d'en choisir une. C'est impossible. Je réfléchis. Parce que j'ai envie de dire, il y en a tellement, dans les moments médicaux, on va dire, qui ont été très touchants. On a accueilli un marin pêcheur pour une assistance sanitaire d'un monsieur qui ne parlait ni anglais ni français, qui était indonésien et qui venait pour... Ok, pour que je parle de son histoire aussi. Il s'était arraché toute la peau au-dessus du pouce. Et donc, il était... C'était fin de nuit, début de matin. Et donc, on finit de faire le parage, tout ça. On lui fait son pansement, tout va bien. On lui a préparé son petit repas, il va pouvoir les manger. Et je me mets à parler dans un langage des signes en disant « Bon, alors, comment ça va ? » en montrant comme ça. Et je fais comme ça, spontanément. Et le monsieur, qui avait énormément d'humour et que tout le monde adorait sur le bateau, il nous dit « C'est notre bout en train. » Il me prend son pouce avec son gros pansement, pas très bien fait, et nous fait comme ça. Et donc, là, vraiment, on a explosé de rire. Et c'était… génial d'essayer de communiquer avec lui, où il me demandait si j'étais mariée avec mon collègue, qu'est-ce qu'on faisait ici. Il y avait quand même un côté où, avec le traducteur, on a vraiment eu un échange qui était super marrant et super sympa d'avoir ce truc au milieu de la nuit. Et après, non, dans les moments, c'est assez exceptionnel, comme la nature là-bas, les paysages, c'est vraiment dingue. Et il y a quand même quelques endroits où on est face à des... Je ne saurais même pas comment dire, mais des montagnes où il y a quelques animaux, que ce soit les manchots, les éléphants de mer qui sont là, qui sont paisibles, qui n'ont pas peur de l'homme. On se dit, mais c'est... Moi, je me dis que probablement, je ne suis pas croyante, mais que si le paradis existe, ça doit ressembler à Carrie Ellen, vraiment, d'une certaine façon. Il y a vraiment des endroits qui sont d'une beauté. Et ça, c'est assez intéressant d'avoir une expérience sensible. Je pense que c'est quelque chose qui aide à vivre aussi la vie là-bas. Le fait de pouvoir avoir des expériences sensibles et d'être vraiment touché par juste la beauté du lieu, peut-être aussi de voir, c'est très marqué par l'homme sur certains aspects, ce n'est pas du tout totalement neutre. Il y a des plantes qui se sont mises à des endroits où elles ne devraient pas, etc. On a importé des animaux qui ne devraient pas être là et donc ça a des retentissements au niveau écosystème. Donc ce n'est pas du tout sans impact de l'homme, mais il y a vraiment une beauté, un truc un peu magique. là-bas qui est quand même assez dingue. Et il y a toujours, si, peut-être un petit truc marrant, le bateau. En fait, on voit le bateau arriver au fond du golfe le soir, la veille qu'il soit au mouillage devant. Et en fait, à chaque fois qu'il y a le bateau qui arrive et qu'il y a la nouvelle opération portuaire, on se dit, ah, celui-là, c'est pour un tel. Et il y a le jour où on voit le bateau qui fait un petit clignotement au bout et qu'on se dit, ah bah demain, c'est pour moi et je pars. Et le fait de se dire, je pars de cet endroit qui a vraiment été ma maison et c'est très probable que je n'y retourne jamais, ça c'est un espèce de sentiment qui paraît pas trop réel, alors qu'en fait, c'est quand même assez peu probable qu'on y retourne. C'est possible, il y a des gens qui ont fait deux hivernages là-bas, mais ça a un côté magique en même temps.

  • Speaker #0

    Fabuleux. Du coup, est-ce que tu voudrais nous donner des conseils à quelqu'un, un médecin qui veut tenter cette expérience ?

  • Speaker #1

    Eh bien, dans les conseils, ça serait déjà de se renseigner. Je suis quelqu'un d'assez pragmatique et pratico-pratique. Donc déjà, de se renseigner sur la page du service médical des taffes où il y a les fiches de poste, il y a un petit peu d'infos. De demander, ils ont toujours plein de contacts des anciens. Donc de demander et puis on se refile les numéros, tout ça pour avoir des gens au téléphone pour expliquer comment ça se passe. Il y a en ressources intéressantes, il y a la SOFRAMI, c'est la Société Française de Médecine Isolée qui s'est montée. C'est pas mal avec des anciens des taffes, mais pas que. Donc c'est tous les gens qui sont intéressés par des modes d'exercice en situation d'isolement, que ça soit un peu plus insulaire, bateau, base, dispensaire. C'est vraiment très, très varié. Et donc, on a monté un DEU de médecine isolée, qui n'est pas obligatoire pour partir à Kerguelen, mais qui est une ressource qui peut être intéressante s'il y a des gens qui s'intéressent à l'exercice en médecine isolée sans parler des taffes spécifiquement. Voilà, bien se poser des questions, mais ça, je pense qu'on a les gens au téléphone. Ce n'est pas une expérience qui est toute rose non plus. Il y a quand même des choses sur lesquelles il faut se dire Merci. On est loin, il faut pouvoir se préparer personnellement en fonction de comment est-ce qu'on en est dans sa vie. Est-ce qu'on a des proches qui sont malades ? Est-ce qu'on a des choses qu'on se dit ? Il faut pouvoir se dire qu'on revient, que exceptionnellement s'il y a un gros coup dur, les gens peuvent rentrer, mais que ça va quand même être extrêmement complexe, encore plus en étant dans une position de médecin. Donc il y a quand même des choses à anticiper et réfléchir pour être assez au clair avec soi-même et au-delà que c'est important pour la mission, vraiment d'avoir une forme de... de travail sur soi et de se dire de quoi je me sens, de quoi je ne me sens pas et de pouvoir être assez au clair. Et de se dire aussi qu'il faut, que même si c'est une expérience qui est exceptionnelle sous plein d'aspects et qui est très intéressante, très enrichissante humainement, il y a aussi des situations où les problématiques qu'on a dans notre vie quotidienne, on les a aussi à Kerguelen. Et des fois, on les a vu que des fois, on ne choisit pas de ne pas pouvoir côtoyer les gens. On peut les avoir encore plus présents. Donc il faut vraiment pouvoir être à l'aise et avoir cette... cette réflexion avant le départ, je pense.

  • Speaker #0

    Très bien, très bien. Merci, merci infiniment Marie, c'était vraiment passionnant. Merci beaucoup pour ton récit profondément humain. Merci pour nous avoir ouvert une fenêtre rare sur ce que signifie soigner au bout du monde, littéralement. Cet épisode nous rappelle à quel point notre métier peut nous emmener loin, géographiquement, mais aussi intérieurement, loin du confort, loin du cadre habituel, et parfois au plus près de l'essentiel. Si cet épisode vous a inspiré, c'est que vous faites déjà partie de ceux qui veulent soigner autrement. Je vous invite à nous donner vos réactions dans les commentaires YouTube de cette vidéo ou sur vos plateformes d'écoute. Et évidemment, pensez à vous abonner à ce podcast pour ne rater aucun épisode. Continuez à chercher, à apprendre, restez libre. Je te remercie une nouvelle fois infiniment. Et puis, je te dis à bientôt. Salut ! À bientôt,

  • Speaker #1

    salut !

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