- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins.
- Speaker #1
Bonjour à tous ! Dans les deux premiers épisodes de cet entretien avec Philippe Imbert, vous avez pu découvrir mon invité qui a pu se présenter. Il nous a partagé de nombreux points de méthodologie et nous avons pu parler notamment de son activité actuelle de médecin libéral, le véritable Dr House, qui reçoit des patients en errance diagnostique. Dans ce troisième épisode, je vous propose de lui demander comment il cote ses examens en tant que médecin libéral. Comment fait-il pour passer autant de temps de qualité et se rétribuer en conséquence ? Il va aussi nous transmettre... plein de conseils, notamment pour les jeunes confrères généralistes. Je vous souhaite une excellente écoute. Comme toujours, abonnez-vous, mettez-moi un petit avis et une note de 5 étoiles, ça m'aide énormément. Je vous souhaite une excellente écoute.
- Speaker #2
Très bien. Alors, il y a une question que j'aimerais vous poser. Les auditeurs du podcast sont beaucoup généralistes, beaucoup en secteur 1. Et est-ce que je peux vous demander comment faites-vous pour vous rémunérer quand vous avez des consultations aussi longues, aussi complexes ? au cours de laquelle vous prenez le temps de prendre connaissance d'intégralité du dossier, des examens paracliniques, de refaire une anamnèse hyper complète, un examen physique. Tout ça, ça prend beaucoup de temps. Est-ce que je peux me permettre de vous demander comment vous vous rémunérez pour vous rétribuer à la juste valeur de votre consultation ?
- Speaker #3
Vous avez raison, le problème de la rétribution est essentiel parce que c'est la base de la qualité de la médecine. combien la consultation du médecin est payée. C'est honteux. Vraiment, il n'y a nulle part, même au Maroc, les consultations médicales, c'est le double de celle de la France. Et pourtant, le salaire moyen, c'est le tiers du salaire du SMIC français. Donc, les médecins sont beaucoup mieux rémunérés. Et là, ce n'est pas acceptable. Et donc, je comprends que les médecins, s'ils veulent indécemment vivre, avec quoi l'équivalent d'un SMIC et demi, me disait un jeune confrère que j'ai vu brillant. qui m'a examiné, qui m'a interrogé parce que j'avais besoin d'un certificat médical pour piloter un petit avion le week-end, eh bien, je lui dis, mais vous avez des compétences énormes, combien vous gagnez ? Et il me dit, je gagne un smic et demi. Donc, c'est terrible. Alors moi, effectivement, il faut faire attention, il y a des gens qui n'ont pas les moyens. Donc, moi, je suis en secteur 2. La consultation moyenne, c'est 100 euros. Il arrive que je puisse demander 150 euros avec... pour base de remboursement, souvent 70. Pourquoi ? Parce que vous savez que la consultation de dépression, c'est coté 69,12. Donc, il faut déjà mettre ce code. Et il faut que les médecins sachent aller regarder les codes. Parce que si vous mettez CS, vous vous faites avoir. Vous faites un geste technique, vous curetez des dizaines de virus hémorragiques. Le code, c'est QZ, DFA, etc. C'est au moins 70 ou 90 euros. C'est déjà plus important. Et donc, il ne faut pas en rester à la petite consulte à 25. Ce n'est pas possible. Donc, il faut bien connaître les codes. Moi, j'ai une liste de ceux que je vais utiliser en étant respectueux. Alors, quand on peut faire un dépassement, ce commercial, cadre, qui a des moyens, il ne va même pas poser de questions. Parce qu'il sait qu'il y a la consultation et que la deuxième consultation virtuelle, elle va être gratuite parce que je vais lui envoyer les ordonnances après le résultat de la biologie. Comme je ne vais pas le revoir, il n'y a pas de consultation à payer. Par contre, j'aurais pu aussi choisir de lui dire, OK, vous payez 70 euros et la prochaine, vous payez, au moment des résultats, vous payez un autre. Bon, on fait tout en une consultation. Donc, il m'arrive de faire les plus chers, c'est 150 euros, mais ça concerne, par exemple, des actes techniques qui cotent 130 euros. Donc, il y a 20 euros de dépassement. Mais le patient qui a une CMU, le patient qui est au chômage, le patient qui a un confrère, qui est une infirmière, etc., ils n'ont pas un centime de dépassement. C'est le tarif strict de sécurité sociale. Parce que je pense que c'est important que le chômeur puisse se soigner aussi bien que le cas. Donc voilà, j'essaie d'être juste. Et je crois que les patients l'ont vu et ils me remercient. Et d'ailleurs, ils payent parfois le petit déplacement de 20 ou 30 euros et ils reviennent à la consultation d'après avec une bouteille de vin rouge ou de vin blanc ou des choses. Donc ils ne sont pas choqués.
- Speaker #2
C'est parfois un casse-tête de se faire rétribuer. Et donc, j'entends bien votre précieux conseil qui est de bien prendre connaissance des quotations déjà existantes pour essayer de valoriser ces actes et puis de valoriser le temps qu'on passe en consultation.
- Speaker #3
Prenez l'exemple, une tumeur de la paupière, une petite tumeur de la paupière, c'est précautionneux, il faut faire une anesthésie dans la paupière, il va y avoir peut-être un œil au beurre noir, il y a une petite responsabilité. C'est un geste, vous ne pouvez pas coter ça à 25 euros. Il y a un chiffre, je crois que ce n'est pas loin des 100 ou 120 euros. C'est coté correctement. Et en fait, je crois que le médecin doit connaître ces codes, absolument.
- Speaker #2
Bien sûr. Je ferai un épisode là-dessus sur les codes qui sont très importants. Oui,
- Speaker #3
très important.
- Speaker #2
Philippe, est-ce que vous pourriez donner d'éventuels conseils aux médecins afin de progresser dans leur carrière, notamment aux médecins généralistes ?
- Speaker #3
Oui, alors je vais vous dire une chose, parce qu'on me l'a dit, je les inviterais à lire mon livre « Avez-vous un beau médecin ? » . Je crois que vous avez commencé par ça et après je les inviterais à lire le vôtre, bien sûr, parce qu'il est également très passionnant. Mais j'ai plusieurs confrères qui ont lu mon livre et qui se sont réveillés en disant « bon sang, ça a été un choc pour moi » . Et le lendemain matin, je suis allé à mon cabinet, mais ravi, heureux. C'est-à-dire que l'ulcère de jambes qui me révulsait, c'est devenu passionnant. Les petites verrues, quand on lit Philippe Imbert et qu'on s'aperçoit qu'il y a des facteurs favorisants de ces verrues et qu'on va les trouver dans l'intestin et que ça peut mener à pas mal de choses, c'est passionnant. Donc, lire ce livre. Et puis lire le vôtre, parce que le vôtre, il est rationnel, il est... par moins dans tous les sens que le mien, les choses sont bien présentées. Et avec ces deux documents, je crois que les gens peuvent se ressourcer et partir vraiment sur le bon pied.
- Speaker #2
C'est gentil, merci beaucoup Philippe. Le vôtre, effectivement, ce qui m'a énormément plu quand je l'ai lu, c'est le fait de ne jamais se satisfaire d'un diagnostic, de toujours aller regarder derrière, encore et toujours, pour essayer toujours plus en profondeur, de comprendre les choses. Parce qu'il y a toujours quelque chose à comprendre. Et c'est vraiment ce changement de posture qui est super intéressant dans votre ouvrage parce que ça amène à une toute nouvelle curiosité. Ça amène à regarder des symptômes qu'on pense connaître, des maladies qu'on pense savoir, de les regarder sous un autre angle et de les regarder toujours derrière pour savoir comment ça fonctionne.
- Speaker #3
C'est raison, la cause de la cause. Prenez ce petit gamin qui a une lénurésie, qui fait pipi au lit, il a 7 ans. Eh bien... Il y a parfois les vers, puisqu'on va rester dans les trucs simples, les oxyures qui sont au niveau de l'anus. Donc ça, c'est intéressant et on va trouver les oxyures. En traitant les oxyures, on va peut-être traiter les neurésies. Alors que si on avait traité que les neurésies, on n'avait pas de résultat. Puis s'il y a des vers, on va s'intéresser à son intestin et on va s'apercevoir qu'il régurgitait, qu'il avait des colites du nourrisson quelque temps avant. Mais bon sang, il a une entéropathie aux protéines de lait de vache. on va arrêter les protéines de lait de vache et l'enfant va aller bien Il ne va plus se réveiller la nuit, il ne fait plus pipi au lit et il ne se gratte plus le derrière. Et tout a commencé par l'inurésie, les verres et l'entéropathie. Voilà, tout ça, c'est très important de faire cette succession de choses, ne pas s'arrêter à un diagnostic.
- Speaker #2
Est-ce que vous auriez un conseil pour affiner le sens clinique, la capacité de diagnostic des jeunes médecins ?
- Speaker #3
Oui, alors la chose à savoir, c'est qu'il ne faut pas se fier à ce qu'on nous a enseigné en faculté. Quand on vous fait une maladie, on vous dit, voilà, il y a de la fièvre, il y a des frissons, il y a de la diarrhée, il y a mal aux articulations. Mais ça, c'est jamais au même moment. Les poussées de fièvre, c'était il y a 5 ans. La diarrhée, ça a duré 3 mois, il y a 7 ans. Les autres choses sont arrivées au cours de la vie. Et puis là, vous voyez le monsieur pour une plaie chronique, avec des petites pustules. Bon sang ! Si vous n'y pensez pas, vous avez questionné avant, vous avez des douleurs digestives et vous dites, ça y est. C'est un pyoderma gangrénosum en relation avec une maladie celiaque. Oh, incroyable ! Mais oui, si vous n'avez pas relevé la diarrhée il y a 5 ans, si vous n'avez pas relevé les carences de l'enfance, il manquait de fer tout le temps, on m'a donné du fer docteur, etc. Vous n'avez pas le diagnostic. Donc, toujours ne pas se réciter les maladies comme on nous les a apprises. Après, formation, lire bien sûr, lire des bouquins. les revues, mais encore, puis surtout, je crois que comme disait Osler, qui est le père des nodules d'Osler, vous savez, de l'endocardie, il disait écoutez le malade, il vous donne le diagnostic. Donc, il faut le temps, le temps d'écouter le malade, le laisser parler. Et petit à petit, vous allez voir que vous allez apprendre sans arrêt du malade. C'est lui qui, petit à petit, va tout vous amener sur la table des diagnostics. À vous de les réunir et de mettre un nom, quoi.
- Speaker #2
C'est ça. Et une fois qu'on a bien regardé ce qui se passe sous nos yeux, qu'on a bien écouté, qu'on a bien examiné, encore faut-il avoir la connaissance déjà dans notre tête. donc pour ça donc il faut alors là je
- Speaker #3
Là, j'ai un truc fantastique. Vous savez, tout à l'heure, qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai dit à ma secrétaire, relevez cette belle ordonnance. Une superbe ordonnance qui a été faite par un médecin spécialiste pour traiter je ne sais plus quoi, peut-être un trouble du rythme et tout. Et je me dis, mais si mes confrères généralistes lisaient avec détail mes courriers, mais ils en sauraient plus que moi, comment se fait-il que ce confrère très sympathique m'envoie pour la dixième fois un malade identique aux neuf précédents ? Alors qu'il avait la solution dans tous les neuf courriers. C'est qu'il n'a pas lu mes courriers. Et donc, si les courriers des spécialistes étaient lus, prendre des notes, faire des ordonnances type du cardiologue, l'ordonnance type du gynéco, l'ordonnance type du gastro, et bon sang, vous faites une super médecine, vous avez tout sous les yeux.
- Speaker #2
C'est la fameuse méthode essai-erreur, d'apprendre à la fois de ses erreurs, évidemment, et puis d'apprendre des sources, des différents spécialistes, des différents courriers. Des cas concrets dont il faut suivre l'histoire, suivre les imageries, suivre les biologies, les histologies, suivre le devenir pour savoir si l'intuition qu'on avait en était bonne, pour savoir si on s'était trompé, etc.
- Speaker #3
Exactement. C'est comme ça qu'on apprend, je pense, de nos confrères, de nos pères.
- Speaker #2
Et donc, en gros, c'est les diplômes universitaires, les revues, les livres, revenir aux fondamentaux, l'histologie, la physiologie, l'anatomie, etc. Consulter PubMed. Si on a des difficultés,
- Speaker #3
être convaincu. Systématiquement, systématiquement, éthiologie des prurites. Vous retapez et là, vous ne pouvez pas oublier. Vous mettez pruritus, éthiologie et là, vous avez des articles, vous lisez les résumés et puis vous cherchez l'article si vous voulez.
- Speaker #2
Très bien. Philippe, est-ce que vous auriez remarqué une erreur chez vos confrères, notamment les médecins généralistes, que vous ne souhaitez plus constater ?
- Speaker #3
Oui, ce que je voudrais plus, c'est qu'ils disent aux malades, c'est dans votre tête. Vous n'avez rien ou ne vous inquiétez pas, ça va passer. Non, on doit avoir un diagnostic. Le, c'est dans sa tête, ça n'existe pas. Tous les malades sont des vrais malades, ceux qui ont mal au ventre. Alors, qu'est-ce qui est terrible pour les gens qui ont mal au ventre ? C'est qu'ils ont tout pour être guéris. Mais simplement, comme la coloscopie est normale, on leur dit, vous ne pouvez pas avoir de Crohn. Mais d'où tient-on cette information ? Est-ce qu'on a écrit quelque chose qui disait que le Crohn, on doit... toujours avoir quelque chose dans la colonne. Non, 50% des Crohn ont une coloscopie normale. Je ne le savais pas il y a 3 ans. Mais je portais moi-même le diagnostic de Crohn chez des gens qui avaient des coloscopies normales. Je les traitais avec du pentazal, ils guérissaient. Alors, qu'est-ce que je n'entendais pas ? Non, je ne vais pas vous renouveler ça. Vous n'avez pas fait de colo, votre colo est normal. Ce n'est pas possible. Comment ça se fait qu'ils vous donnent ce médicament ? Mais, bon sang, on a une symptomatologie de Crohn. On a une B12 qui a effondré. Donc ça veut dire que c'est l'iléon qui ne travaille pas bien. Qu'est-ce qu'on a de mieux que ça pour dire qu'il y a un Crohn ? Il y a les glaires, etc. Il y a tous les signes du Crohn, sauf la coloscopie. On s'en fiche de la coloscopie. Même les entéro-IRM sont normales dans 40% des cas. Donc on fait un test thérapeutique, comme vous l'avez dit tout à l'heure, et on voit comment va le malade. Et tous ces malades à qui on a dit « c'est dans votre tête, vous avez un colon irritable, vous n'avez rien » , Et bien ils finissent par y rire et ne plus avoir mal.
- Speaker #2
Donc,
- Speaker #3
se détacher des... On disait, le Crohn, c'est que la diarrhée. Mais c'est faux. Le Crohn, c'est des constipés aussi. Et surtout, j'allais dire, surtout des constipés. Mais comme, quand ils arrivent en gastro, on leur dit, ils disent, je suis constipé. Ah ben, vous êtes tranquille, vous n'avez pas de Crohn. Et donc, on va leur donner des trucs pour la constipation. Alors qu'en fait, la constipation va guérir avec le Micky Cort. Vous voyez ? Ou le méthodrexate.
- Speaker #2
Bien sûr. OK, donc les phrases à plus employer, notamment, c'est dans votre tête. Et ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'image qu'il n'y a pas de pathologie.
- Speaker #3
Regardez, les arthralgies inflammatoires, faites une radio, il n'y a rien du tout. Est-ce que vous allez dire aux malades, vous n'avez pas mal ? Non, on sait que c'est une polyarthrite rhumatoïde qui se présente avec des radios normales. Eh bien, des crônes avec des coloscopies normales, c'est à longueur de journée.
- Speaker #0
J'espère que cet épisode t'a plu. Si c'est le cas, pense à t'abonner pour ne rater... aucun épisode. Si tu veux me laisser une note de 5 étoiles sur ton application, ça m'aiderait aussi beaucoup. Tu peux également rejoindre la newsletter afin de recevoir une fois par mois un mail dans lequel je te transmets plein de contenus pour la médecine générale. Enfin, tu peux participer financièrement sur la cagnotte Tipeee. Toutes les ressources sont dans les notes de cet épisode. A bientôt !