- Speaker #0
Bonjour à tous et bienvenue sur Superdocteur. Aujourd'hui, nous plongeons dans le concept fascinant de l'open science, une révolution dans la façon dont la recherche scientifique et ses données sont produites et partagées. L'open science s'appuie notamment sur des pratiques collaboratives pour démocratiser l'accès au savoir et rendre la recherche accessible à tous. Elle remet en question les méthodes traditionnelles de diffusion des connaissances. Dans cet épisode, Bastien Jeunet et moi-même allons explorer comment l'open science influence la recherche en épidémiologie et son impact sur notre pratique médicale quotidienne. Bonjour Bastien !
- Speaker #1
Hello !
- Speaker #0
Bastien, je le rappelle, tu es chef de clinique en santé publique, doctorant en épidémiologie clinique et docteur en gériatrie. Alors, avant d'aborder le sujet de l'open science, est-ce que tu peux m'expliquer comment s'organise la presse scientifique classique ?
- Speaker #1
Tout un chantier ! En fait, la presse scientifique, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'elle est organisée par des journaux scientifiques. Les journaux scientifiques, c'est les noms que vous connaissez, le Nature, le Lancet, le JAMA, plein d'autres journaux un peu moins connus, mais c'est surtout ça. Et en fait, ces journaux, généralement, ils sont gérés par des sociétés savantes. Donc, c'est typiquement les sociétés savantes de neuro, les sociétés savantes de médecine interne, de toutes les spécialités qui peuvent exister. et ces journaux, ils sont édités et publiés, donc en termes de gestion pure de journal, comme vous pouvez avoir des maisons d'édition qui publient des bouquins, par des maisons comme par exemple Springer ou Elsevier. Vous avez déjà dû voir quand vous voulez accéder aux articles sur Internet, vous regardez ces petites lignes, ça vient d'où ? C'est parce que c'est les éditeurs des journaux. Et donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que généralement, les journaux, pour la plupart aujourd'hui, ils font payer les auteurs pour publier. dans un but initial qui était de rendre l'accès à tous gratuit. Et pour compenser cet accès gratuit, parce qu'il n'y avait pas de gens qui s'abonnaient du coup. C'était le but initial. On y reviendra après, ça a bien changé. Et l'idée, c'est que ces journaux, ils sont donc gérés par des sociétés savantes qui ont des comités éditoriaux. Et généralement, qui c'est là-dedans ? C'est les professeurs des spécialités en question. Et ça marche comme ça partout dans le monde. Et donc, quand vous soumettez un journal, un article à un journal, il y a différentes étapes. Il y a différentes étapes. La première, c'est vous déposez votre article sur le bureau, vous l'envoyez par mail, entre guillemets. Et là, c'est l'éditeur en chef qui va lire un petit peu rapidement votre article. Et puis là, il va se dire, bon, soit je garde, soit je ne garde pas, en gros. Et donc, ce qu'il faut vous dire, c'est que dans des journaux, comme je vous ai cité précédemment, qui sont assez prestigieux, il y a 90% des articles qui ne passent pas cette... cette barrière-là. C'est quand même assez sélectif. Après, à ce moment-là, votre papier s'appelle un préprint et donc, il vous appartient encore. Vous avez encore la propriété intellectuelle de votre article. C'est quand même une chose qu'il faut bien retenir et qui est intéressante. Une fois qu'il est accepté, bien joué, vous êtes dans les 10 %, c'est quand même pas mal. Et ensuite, qu'est-ce qui se passe ? Il y a un processus qu'on appelle le reviewing. En fait, on va demander à des experts, entre guillemets, qui ne sont pas dans le journal, qui peuvent être suggérés par les auteurs, mais qui peuvent être aussi choisis, entre guillemets, un peu au hasard, parmi un pool qu'ils ont, un stock qu'ils ont de reviewers, et qui vont relire l'article en disant, moi, ça me paraît cohérent en termes de scientificité, en termes de sujet, moi, c'est ce que je connais aussi, c'est ce que je constate dans ma recherche, mais aussi en termes de méthodologie, idéalement. D'accord ? Et donc, c'est basé sur relecture par les pairs, c'est-à-dire que c'est bienveillant, que normalement les gens lisent, font des commentaires constructifs. constructifs, savent relire et sont honnêtes. Et le problème, c'est que les gens qui font de la review ne sont pas payés. Alors, le problème ou l'avantage, c'est ce qu'on pourrait dire, ils sont payés, ils ne sont pas indépendants, mais bon. Et ils ne sont pas tous formés à la méthodologie. Et donc, ce qu'il faut être conscient aujourd'hui, c'est que, globalement, le pool de reviewers actuels, il est en crise. Il y a des journaux qui n'ont pas de reviewers parce que les gens n'ont plus le temps de le faire. Il y a trop d'articles et il y a trop de travail en clinique, donc les gens n'ont pas le temps de le faire. C'est vraiment ça qu'il faut comprendre. Et donc l'idée, c'est que ces deux personnes-là, elles vont relire votre papier et puis elles vont dire, soit on accepte comme ça, nickel, rien à faire. Est-ce qu'il y a des révisions à faire sur votre article qui sont mineures ou qui sont majeures ? Mineure, généralement, c'est de la forme. Majeure, c'est du fond. Et ils vont vous renvoyer l'article en disant, revoyez votre copie. Et donc là, à ce moment-là, votre papier vous appartient encore et il est en... « under review » , qui vous appartient encore. Une fois que vous répondez aux questions qu'on vous a posées, aux remarques, etc., vous le renvoyez au journal. Bon, ça peut faire des allers-retours comme ça. Et puis finalement, ça peut se terminer par Non désolé, on n'en veut pas ou on l'accepte. Et une fois qu'il est accepté, là, votre papier, donc il est accepté, il va bientôt être imprimé, mais il vous appartient encore. Vous pouvez encore le soumettre ailleurs. Maintenant, il est publié. Là, ce n'est plus votre boulot. C'est ce qu'on appelle du coup, dans ce cas-là, un print. Et donc, ça veut dire que votre papier ne vous appartient plus. Il appartient au journal. Donc, en termes de droit d'auteur, ce n'est plus votre propriété intellectuelle. Et donc, votre journal, votre article, il est publié en ligne et il est identifié par un identifiant qu'on appelle soit un DOI, soit un PMID pour identifiant PubMed. En gros, c'est quand vous êtes publié sur PubMed. Et donc là, à ce moment-là, vous n'aurez plus le droit d'utiliser votre article sans le citer parce qu'il ne vous appartient plus. Et ça, c'est quelque chose d'important à comprendre. Voilà.
- Speaker #0
Très bien. On a du mal à s'y retrouver parmi tous les différents types de revues. Est-ce que tu peux me les détailler et les décrire rapidement ?
- Speaker #1
Alors ouais, on va essayer d'être concis. Les différents types de revues qui existent, il y a globalement les revues entre guillemets classiques, qui sont des revues payantes, où on doit payer pour publier. Et ça, comme je vous disais tout à l'heure, initialement, c'était mis en sorte pour dire « Oui, mais ne vous inquiétez pas, on va mettre en accès libre nos articles, c'est pour ça que vous devez payer, parce que les gens ne s'abonnent pas, puisqu'ils ne payent plus pour utiliser les articles. » Donc, c'est les revues classiques, c'est ce qu'on appelle la voie classique, et c'est le Lancet, le Nature, toutes les grandes revues que vous connaissez. Ensuite, il y a un autre type de revue qu'on appelle les revues open access, où là, l'idée, c'est qu'on peut payer ou pas, en fonction des journaux, mais quoi qu'il arrive, votre article, il est en libre accès. Il n'y a pas de décision ensuite du journal. C'est vous payez, et après, tout le monde peut y accéder, ou vous payez pas, tout le monde peut y accéder. donc l'idée c'est que vraiment tout le monde peut y accéder Après, il y a d'autres revues qui sont nées grâce à ce truc d'open access, puisque malheureusement, dès qu'il y a des bonnes idées, il y a toujours des gens malveillants qui arrivent quand même pour avoir des mauvaises idées là-dessus. C'est ce qu'on appelle les revues prédatrices. Ça, c'est quelque chose qui est de plus en plus important et qui a posé problème à certains professeurs il n'y a pas très longtemps non plus parce qu'on s'est rendu compte qu'ils avaient publié dans des revues qui n'en étaient pas en fait des vraies. Ça a posé vraiment problème en termes d'intégrité scientifique. Et comment ça marche ? En fait, c'est très simple. L'open access, on dit aux gens, vous payez pour publier et du coup, c'est cool, tout le monde peut accéder à votre article. Sur le papier, c'est trop bien, c'est génial. Et donc, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a des petits malins qui se sont dit, ce qu'on va faire, c'est qu'on va créer un journal, un pseudo journal, où les gens vont pouvoir envoyer leur article et ils vont payer et puis ça va être accédé à tout le monde. Le problème, c'est que quand je vais créer mon pseudo journal, il n'y a personne qui va relire l'article. Envoyer, accepter. Donc du coup, qu'est-ce qui se passe ? Les gens envoient leur article, acceptez quoi qu'il arrive. Super, ça marche vachement bien ce journal. Attends, je vais en parler à mon copain, comme ça il va pouvoir publier. Mon copain, qu'est-ce qu'il fait ? Il soumet son truc, ça marche. Ah bah tiens, je vais citer mon copain aussi. Donc du coup, il s'auto-cite. Et donc du coup, qu'est-ce qui se passe ? Par l'effet d'impact factor qu'on a expliqué dans un précédent épisode, les nombres de citations augmentent. Donc le journal devient de plus en plus prestigieux parce qu'il y a un impact factor qui monte. Et donc, du coup, les gens publient de plus en plus. Et donc, le journal se fait de plus en plus d'argent. Sauf que les articles ne sont pas relus. Et il y a des auteurs qui se sont amusés à publier des faux articles dans ces revues où il y avait écrit littéralement n'importe quoi dedans. Et ça a fonctionné. Ça a fonctionné.
- Speaker #0
Incroyable.
- Speaker #1
C'est le principe de revue prédatrice. Alors, vous n'en faites pas. Il y a des institutions qui ont essayé de travailler là-dessus pour justement éviter qu'on soit piégé. Et notamment Sorbonne Université qui a publié en ligne quelque chose qui est accessible par tout le monde. qui s'appelle les revues supposées non prédatrices, puisqu'il y a un bibliothécaire qui s'est amusé à un endroit du monde à faire la liste des revues prédatrices, et ça s'est très mal fini parce que sa famille a été menacée et qu'il a failli se faire brûler sa maison. Donc, a été pris l'option de ne parler des revues qui étaient bien et pas celles qui étaient mal.
- Speaker #0
Et du coup, parmi tout ça, parmi les revues payantes, les revues en open access et les revues prédatrices, l'open access a plutôt l'air pas mal, mais j'ai l'impression qu'il y a pas mal de pièges sous cette appellation, c'est ça ?
- Speaker #1
Oui, en fait, comme vous voyez, il y a déjà des gens qui ont triché et qui ont créé des faux journaux, mais il y a aussi de l'open access qui n'est pas vraiment de l'open access, où les journaux disent qu'ils sont open access parce que ça marche super bien, l'open science est très à la mode, donc ils le disent. En fait, ils ne le sont pas vraiment. Et en fait, dans les journaux open access, il y a différents types. Il y a ce qu'on appelle les golden open access, où c'est, vous devez payer, et on met ensuite l'article en libre accès. sous une licence qui s'appelle CCBI, donc c'est une licence Creative Commons. C'est une licence qui permet de reciter les articles et de les modifier, en théorie. Donc Golden Open Access, pourquoi ? Parce qu'on paye des frais pour publier. Ensuite, il y a ce qu'on appelle le Bronze Open Access, où là, c'est en libre accès. mais soit il y a des frais de publication, soit il y a en fait une réutilisation qui n'est pas vraiment une réutilisation open access, du genre on laisse six mois notre article disponible et puis après vous payez, ou vous payez au début, puis au bout d'un moment c'est classé et vous ne payez plus. Il y a ensuite les diamond open access, où là c'est le meilleur, c'est pas de frais pour publier, un vrai open access, et c'est géré par des institutions, pas par des boîtes d'édition. Ça c'est le meilleur du meilleur, et c'est le moins réprochable on va dire. Puis après, il y a le Green Open Access, ça c'est encore mieux, ce qu'on appelle de l'auto-archivage. Donc c'est l'idée qu'on met les versions pré-print, donc en gros avant qu'elles ne vous appartiennent plus. Quoi qu'il arrive après, si elles sont publiées, on les met quand même dans cette base de données et de toute façon, elles seront dedans, puisque ce script-là, sous cette forme-là, n'a pas été édité et donc du coup, vous appartient encore. Donc ça, ça se fait de plus en plus. Il y a certaines facs qui font des archivages comme ça. où tous les articles sont disponibles dans leur version préprint, même s'ils sont acceptés après et qu'ils n'appartiennent plus à l'auteur. Et donc, c'est du génie parce que ça marche très bien. Et en fait, les gens, ils soumettent. Donc, ça devient obligatoire pour certains chercheurs de soumettre dans ces systèmes d'archives. Et puis, il y a des hybrides qui trichent un peu. Et puis après, il y a ce que vous connaissez, comme par exemple l'accès pirate, pour ne citer que lui, SciHub, où vous mettez l'identifiant de votre article et puis vous le retrouvez de manière illégale. les gens se font l'opinion qu'ils veulent dessus
- Speaker #0
Ça, c'est illégal.
- Speaker #1
C'est illégal. C'est des sites qui ne sont pas hébergés en France, qui sont chassés, ils doivent changer d'adresse. Alors, si jamais, petit aparté, vous n'arrivez pas à accéder à un article parce qu'il est payant, il y a plein d'autres méthodes. N'hésitez pas à vous rapprocher de votre fac parce que les facs s'abonnent à des journaux quand même. Donc, par l'intermédiaire de la connexion de votre fac, vous pouvez accéder aux journaux. Et il y a aussi des systèmes comme par exemple Google Scholar qui permet d'accéder à des articles qui ne serait pas accessible. Parfois, ça arrive. N'hésitez pas à essayer parce que ça fonctionne parfois.
- Speaker #0
Très bien. Alors maintenant, est-ce que tu peux, s'il te plaît, m'expliquer la notion de science participative ?
- Speaker #1
Alors, comment ça se passe, la science participative ? C'est un peu inspiré de l'open science et du coup de ces journaux ouverts où là, on pousse encore plus le truc en disant maintenant, on n'est plus dans l'open access, c'est-à-dire la recherche et la création d'une publication qu'on met en libre accès. C'est, on met en libre accès... la recherche. Donc, c'est carrément le must du must et c'est le mieux du mieux. C'est du début à la fin. Tout le monde est au courant de ce que je fais. Et donc, la science participative, c'est très intéressant. L'Open Science, du coup, là-dedans, c'est très intéressant parce que ça permet, en fait, d'anticiper les éventuels problèmes d'intégrité scientifique dès le début puisqu'il y a des gens extérieurs qui vont donner leur avis. Et ça permet aussi de passer outre ce truc de payer. puisque quand vous allez publier, les gens vont déjà être au courant de votre travail. Donc, en fait, ça va être compliqué que les gens n'aient pas accès une fois qu'ils ont participé. Et donc, l'idée, c'est en fait, dans les sciences participatives, de faire participer les patients et la population et même d'autres scientifiques qui viennent d'ailleurs. D'accord ? Donc, par exemple, pour les scientifiques, c'est ce qu'on appelle les communautés peer-in. Les peer-community-in, c'est l'idée qu'on demande à des chercheurs. d'être dans une communauté où vous publiez votre travail en cours et les gens donnent leur avis. Alors, c'est organisé par des matériaux, etc., mais voilà. Par exemple, pour les scientifiques, la vie des scientifiques, ça se passe comme ça.
- Speaker #0
C'est-à-dire qu'on rend transparent toutes les phases de la rédaction d'un article.
- Speaker #1
Tout. Et en plus de rendre transparent, on implique les gens dedans. Les patients, les accompagnants, des gens qui sont pas du tout dans le domaine. Et on dit, bah voilà. Moi, ce que je fais, c'est ça. Regardez.
- Speaker #0
dites ce que vous en pensez est-ce que tu veux nous dire où est-ce qu'on peut te retrouver Bastien ?
- Speaker #1
ah ben où est-ce qu'on peut me retrouver on peut me retrouver à la pitié salpétrière dans le service de santé publique mais pas que là on peut me trouver aussi sur Insta si vous voulez critique ton article donc comme ça se prononce mais avec des tirés du 8 entre les mots et là-dessus on parle gériatrie on parle LCA on parle intégrité on parle test de médecine voilà et on se régale tous ensemble
- Speaker #0
Parfait. Comme toujours, je recommande chaudement à tout le monde ton travail. Merci infiniment, Bastien.
- Speaker #1
De rien. Salut. Ciao.
- Speaker #2
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