Speaker #0Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram, où j'aborde tous ces sujets au quotidien, sur flavie.mtca. Très belle écoute. Contente de vous retrouver pour ce nouvel épisode de podcast, dans lequel j'ai envie d'aborder un sujet pas facile, pas... commun. C'est même presque bizarre que je dise ça. En fait, j'ai l'impression que c'est pas commun. Et que je me dis que moi non plus, j'en parle pas assez. Que j'ai vraiment une responsabilité dans le fait qu'on puisse davantage parler de ça. J'ai envie de vous parler des violences sexuelles. Et de leur impact, en fait, j'allais dire. Mais en fait, j'ai envie de vous parler du lien qu'il y a entre troubles des conduites alimentaires et violences sexuelles. Pourquoi parler de ça ? C'est un énorme tabou quand même, alors que le lien entre les deux est plus que présent, il n'est plus approuvé. Effectivement, il faut savoir que chez les personnes victimes d'agressions sexuelles, 30% disent avoir des TCA. On peut imaginer que le chiffre est intéressant, il est représentatif de quelque chose, mais on peut imaginer que... que la réalité, elle est un peu au-dessus, parce que c'est particulièrement honteux de souffrir de troubles des conduites alimentaires. C'est beaucoup plus difficile de parler de ça que de parler de troubles du sommeil, par exemple. Et on sait aussi que chez les personnes qui souffrent de troubles des conduites alimentaires, 70% ont subi des violences. Alors ici, ça intègre aussi les violences subies dans l'enfance, pas que les violences sexuelles. Et donc là, c'est pareil, on peut imaginer que le chiffre reste très intéressant, parce qu'en plus, il est quand même assez énorme, mais qu'on peut imaginer que ça puisse être encore au-dessus, étant donné que c'est aussi très honteux de parler des violences sexuelles qu'on a subies, malheureusement, et je vais y revenir sur cette question-là, parce que ça ne devrait clairement pas être le cas, mais c'est quand même très souvent le cas. Et puis, il y a aussi des phénomènes d'amnésie traumatique. qui sont bien plus fréquents qu'on ne l'imagine, qui font que les victimes ne se souviennent pas de ce qui s'est passé, ou pas complètement, ou il y a des réminiscences, mais qui vont venir qu'au travers de cauchemars, et qui ne vont pas forcément être identifiées comme des vraies violences. Toujours est-il que c'est très présent, et c'est très présent dans les TCA. C'est pourquoi... je me dis que c'est important que j'en parle et que j'en re-reparle et que j'ouvre le dialogue là-dessus mon idée c'est vraiment de démocratiser l'information autour des troubles alimentaires parce que mais il y en a partout en fait. Il y a beaucoup trop de personnes qui sont concernées ou au moins par l'alimentation troublée, mais c'est la même chose avec les violences sexuelles. Quand on regarde un peu autour de soi, on voit qu'il y a énormément énormément de victimes et donc aussi nécessairement énormément d'agresseurs. J'ai envie de commencer par vous redonner quelques chiffres qui peuvent un peu donner le vertige, mais qui me semblent importants pour ancrer mon propos aussi dans une certaine réalité. C'est qu'une femme sur deux vivra, vit une agression sexuelle au cours de sa vie. C'est que toutes les 2 minutes 30, il y a un viol ou une tentative de viol en France. Je précise, ce n'est pas dans le monde, c'est en France. Que dans 91% des cas, la victime connaît. son agresseur et qu'on est loin du cliché de l'agression par un parfait inconnu dans un parking la nuit. Et puis pour parler d'un sujet aussi très important, à mon sens à évoquer, qui est l'inceste, c'est que trois enfants par classe sont victimes d'inceste. Ces chiffres-là, ça me semble super important de les rappeler parce que ça permet de prendre conscience de l'ampleur du phénomène qui nous entoure. Et du fait qu'il est urgent d'en parler davantage, que le fait de parler de ça permet aussi à des victimes de se sentir le droit d'en parler, de se sentir reconnue dans cette place-là de victime, et peut-être se sentir le droit d'aller vers du soin et de pouvoir aller mieux. Et que, voilà, je vais le rappeler à un autre moment parce qu'on va y venir, mais les troubles des conduites alimentaires sont quand même très souvent des conséquences psychosomatiques des violences sexuelles. Pas cœur, attention, ça me semble important de... Mesurer aussi mes propos par rapport à ça, je ne suis pas en train de vous dire que vous devriez chercher et qu'il y a forcément eu des trucs comme ça dans votre vie si vous avez des TCA, pas du tout. Il y a plein de raisons, les raisons sont souvent multiples, qui nous mènent vers les troubles alimentaires. Et il n'y a pas nécessairement le trauma sexuel, il n'y a même pas nécessairement de trauma à proprement parler. Voilà, ceci étant dit, c'était quand même une longue introduction déjà je trouve. J'aimerais aller vers le sujet que j'avais envie d'aborder aujourd'hui, à savoir quel est le lien entre troubles des conduites alimentaires et violences sexuelles. La première chose qui me semble importante à comprendre, c'est que le corps, dans ces cas-là, est objet de l'autre. Ça permet un peu de comprendre en quoi on peut sombrer dans des troubles alimentaires quand on a vécu des violences sexuelles. Dans ces cas-là, un agresseur qui va donc agresser une personne, la majorité des cas ce sont des filles ou des femmes, mais il y a aussi des garçons et des hommes bien sûr, l'agresseur prend l'autre comme un objet, un objet de satisfaction, de son plaisir, de sa pulsion de violence, etc. Ça me semble aussi important du coup au détour de ce propos de rappeler ou préciser pour les personnes pour qui ce serait pas clair que... Dans les questions de viol ou d'agression sexuelle, en fait on parle plus de domination que de désir sexuel. On n'est pas dans une sexualité normale, on n'est pas dans une pulsion qu'il serait impossible de réfréner parce que, oh mon dieu, oui les hommes ont des besoins. Non, en fait on est juste dans un mécanisme de domination, de soumission et de violence. On n'est pas dans de la sexualité et ça, ça me semble important de le rappeler. Et donc voilà, l'agresseur... prend l'autre comme objet. Et donc soi-même, quand on a été victime d'une agression sexuelle, on a notre corps qui a été complètement objectifié. On est privé de notre qualité de sujet dans ces cas-là, parce qu'en fait, on n'a pas le choix, on devient quelque chose qui est utilisé pour l'autre. Et en ça, ça peut être difficile de redonner une place de sujet à soi-même, mais aussi à son corps, en fait. de soi-même ne plus considérer ce corps comme un objet. Ce corps qui a été utilisé par l'autre, et bien en fait dans le cadre des troubles alimentaires, on sent qu'il y a comme une continuité où je viens traiter mon corps comme un objet que je pourrais dompter, dominer, que je pourrais modeler, à qui je pourrais faire subir tout un tas de trucs. Ça n'est plus une partie de moi, ça n'est plus moi en tant que sujet, c'est un objet. Ce lien me semble intéressant à faire, de corps-objet dans l'agression et de corps-objet dans les troubles alimentaires. Je ne l'ai pas précisé au début du podcast, mais l'idée c'est d'amener mes réflexions autour de ça. Alors il y a aussi tout un tas de choses qui vont être issues de la science, de la psychologie. Là je vais y venir, notamment autour du syndrome de stress post-traumatique. Mais l'idée c'est d'amener des pistes aussi quand même de réflexion et de compréhension. Si quelque chose ne vous parle pas, ça ne vous parle pas. Je ne vous amène pas les choses comme des vérités absolues, on est bien d'accord. Donc justement, le deuxième point pour vous permettre de faire le lien entre votre TCA ou le TCA de gens proches, ou en tout cas vous permettre de faire le lien globalement entre les TCA et les violences sexuelles, ça m'amène à parler du syndrome de stress post-traumatique. Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ? En fait, c'est ce qu'on appelle le psychotrauma, c'est-à-dire qu'il y a le traumatisme, Donc cet événement qui fait effraction dans le corps, le psychisme de la personne, et en fait qui va avoir des conséquences psychologiques, et donc on va nommer ça le psychotraumatisme. Ça va être toutes les conséquences qui vont arriver suite à cette agression. Les conséquences sont multiples, vraiment. Ça c'est important d'avoir en tête que ça va toucher toutes les sphères de la vie. Parce qu'en fait, les conséquences de ce type de psychotrauma, elles vont être, j'en ai parlé tout à l'heure du côté du sommeil, avec des troubles du sommeil, avec des troubles de l'humeur, il va y avoir des troubles de la relation à l'autre, des troubles de la relation sexuelle, des troubles de l'image de soi, il peut y avoir des difficultés émotionnelles vraiment très envahissantes, il peut y avoir des troubles des conduites alimentaires, des conduites à risque, des conduites addictives. Et il faut bien imaginer que quand il y a cet événement qui arrive, en fait, malheureusement... Il y a quand même dans plein de cas pas de prise en charge parce que c'est difficile d'en parler, parce qu'on n'est quand même pas trop soutenu du côté légal par rapport à tout ça, même si des choses bougent, il y a encore beaucoup à faire. Et donc bref, beaucoup trop de victimes se construisent autour de ce psychotrauma aussi. Et donc il faut bien imaginer les conséquences à long terme de tout ça, parce que là je vais parler de troubles du sommeil et tout, ah oui bon ok, après une agression sexuelle on a du mal à dormir. Oui, non d'accord, ça peut être vraiment longtemps, toute la vie, ça peut être des cauchemars qui sont présents, le sommeil qui est durablement impacté, et puis selon le moment où ça arrive, ça va peut-être jouer sur la scolarité, sur la façon de se faire des amis. sur la façon de pouvoir travailler ou non. Et du coup, les conséquences, elles sont aussi économiques, financières, avec la difficulté peut-être de mener les études qu'on aurait voulu, de décrocher le job qu'on aurait voulu, et donc d'avoir une situation financière qui sera peut-être plus précaire que d'autres. Donc les conséquences sont vraiment multiples. Et parmi elles, je vous l'ai dit, il y a les troubles des conduites alimentaires qui débarquent. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'on a ce rapport à l'alimentation qui devient troublé ? J'avais envie de vous parler de deux choses importantes qui sont pour moi les majeures explications qu'on peut trouver par rapport à ce syndrome de stress post-traumatique et des TCA. Déjà, je vais vous parler de dissociation. Je vous invite d'ailleurs à aller écouter l'épisode de podcast que j'avais enregistré avec Lydie Thiry, qui est psychologue spécialisée à la fois dans le trauma et dans les TCA. Et du coup, elle explique très très bien tous ces mécanismes-là. Donc je vais expliquer un peu ce que c'est, mais je ne vais pas revenir dans le détail. Donc je mettrai le lien de l'épisode en description pour que vous puissiez aller l'écouter. En gros, la dissociation... C'est une disjonction du système émotionnel qui est protectrice, qui fait que c'est tellement terrible ce qui est en train de nous arriver dans le cadre du trauma, qu'il y a une décharge de cortisol qui est bien trop élevée et qui pourrait nous faire mourir. Donc le corps est bien conçu et c'est un peu comme sur le tableau électrique, ça va disjoncter. Donc on est dissocié. Donc à ce moment-là, quand on est dans la dissociation, il n'y a plus de ressenti émotionnel. Ça devient le vide émotionnel. Il y a des victimes qui racontent même s'être vues en dehors de leur corps à ce moment-là. Ça explique aussi pourquoi on peut se retrouver complètement figé. Ça, c'est très fréquent quand même d'être figé dans une agression. Et la dissociation va aussi empêcher de pouvoir se mettre en mouvement. On n'est plus vraiment là dans son corps. Et en fait... Quand je vous disais que parmi les conséquences dans le psychotrauma, il y avait des conduites à risque, des addictions, tout ça, eh bien, les comportements alimentaires peuvent aussi servir à se dissocier, en fait. Les comportements alimentaires, notamment les crises de boulimie, sont des moments, si vous en vivez, vous savez très bien de quoi je parle, où, clac, en fait, il y a un espèce de vide émotionnel qui est relativement court, en fait, qui est passager. Mais en tout cas, à un moment donné, on arrive au vide émotionnel. ... Et du coup, les troubles alimentaires peuvent avoir cette fonction-là, après des violences sexuelles, de pouvoir aller recréer cette dissociation qui vient soulager une mémoire traumatique qui est beaucoup trop lourde à porter. Mais il y a aussi autre chose, c'est qu'on peut aisément comprendre qu'il y a une forme d'obsession qui peut se mettre autour du corps, et notamment un besoin de contrôler qui va être immense. En fait, dans le cadre d'une agression sexuelle, on est complètement, je le disais tout à l'heure, dépossédé. Le corps est un objet, on est dépossédé de notre propre corps, de notre consentement, de notre qualité d'humain et de sujet qui a le droit de dire oui ou qui a le droit de dire non. Et du coup, le fait de chercher à mettre un contrôle absolu sur ce que l'on mange et la forme de son corps va aussi servir à soulager. Tout ce stress lié à l'après-trauma, en fait. Je reprends le contrôle sur quelque chose dans ma vie. Et puis, quand je suis dans un contrôle absolu de ce que je mange et de mon corps, peut-être que je suis moins envahie par d'autres choses, par des réminiscences, des violences, par des pensées autour de ça. Peut-être que ça me donne l'impression de sortir de ce corps-objet, alors qu'en vrai, quand on y pense, on fait l'inverse, mais peut-être à ce moment-là, ça me donne l'impression de sortir de ce corps-objet, que de pouvoir... reprendre complètement la main dessus et d'avoir moi le choix en fait de ce que va être mon corps. Il y a autre chose encore, c'est qu'on sait aussi que chercher à maigrir à outrance ou bien grossir énormément, ça peut pour certaines victimes avoir un facteur de protection. L'idée qu'on se rend indésirable. On cherche à effacer son corps, on cherche notamment par exemple avec la maigreur. à effacer le côté sexualisé du corps, parce qu'en fait on retombe dans une minceur, maigreur enfantine, en balayant, en gommant un peu les formes du corps féminin. Et donc quelque chose d'un peu asexué peut être recherché de manière inconsciente. Attention, je ne suis pas en train de vous dire qu'on se dit dans sa tête, tiens, je vais arrêter de manger et je vais devenir maigre, et comme ça je ne pourrai pas me refaire agresser. Généralement c'est complètement inconscient tout ça. Et avec le surpoids, c'est aussi quelque chose qui peut s'observer. L'impression d'être moins une proie par le fait de grossir. En fait, ce n'est pas le cas. Ça me semble important quand même de le préciser là. Si vous écoutez, vous êtes un peu perdu par rapport à tout ça. Encore une fois, je le redis, il ne s'agit pas d'une vraie sexualité et d'un vrai désir sexuel. C'est-à-dire que... Les femmes très grosses ou très maigres ne sont pas moins agressées que les autres. Et que dans le cas des dominations, malheureusement, plus une personne paraîtra fragile, on va dire ça comme ça, plus elle aura de chances d'être agressée. Et c'est terrible en fait, mais c'est un peu comme ça, c'est carrément comme ça que ça fonctionne. Et qu'un agresseur a une tendance à repérer les côtés fragiles des personnes. Et c'est ce qui explique aussi qu'une... une victime, notamment si ça a lieu jeune, aura plus de risques que d'autres d'être à nouveau victime de nouveaux agresseurs dans sa vie. C'est pas très gai tout ça, je sais pas si ça s'entend à ma voix, mais je sais pas, j'ai envie de vous partager le fait que c'est pas non plus facile à enregistrer comme épisode de podcast. Je trouve ça très dur. Toutes ces choses-là dont j'ai pleinement conscience, qui sont aussi ma vie, qui ont aussi une place dans ma vie perso, qui ont aussi une place dans ma vie professionnelle, puisque je vous l'ai déjà dit à d'autres moments, je suis bénévole dans une association aussi par ailleurs, où on accompagne les victimes de violences sexuelles. Et puis, dans les personnes que j'accompagne avec les troubles alimentaires, beaucoup ont quand même été victimes également. Donc voilà, ce sont des sujets qui sont... lourd, mais encore une fois, très important à aborder. Donc, let's go, je continue. Donc, voilà ce que je pouvais vous dire par rapport au syndrome de stress post-traumatique et d'essayer de vous expliquer, de détricoter avec vous pourquoi les troubles alimentaires, quoi. C'est quoi le lien avec tout ça ? Et puis, le quatrième point que je voulais aborder, c'est la question de l'inversion de la culpabilité et de la honte. Alors ça... Ouf, c'est hyper présent et c'est révoltant en fait, mais c'est quelque chose moi que j'observe tout le temps, c'est-à-dire que les personnes qui sont victimes ressentent beaucoup de culpabilité et énormément de honte d'avoir été victime. En fait, il y a une forme d'inversion de la culpabilité. La personne victime va porter ce truc-là, va porter ce fardeau. En fait, c'est la double, c'est même la triple peine, parce que si vous voulez, vous êtes victime à un moment donné dans votre vie d'agression sexuelle. Et donc derrière, vous allez vous porter... le fardeau du fait que vous vous en voulez, comme si c'était de votre faute quelque part. Mais bon, ça, on va y revenir. Il y a quand même un impact sociétal important à ce niveau-là. Mais vous allez porter de la culpabilité, de la honte d'avoir vécu ce truc-là. vraiment une honte profonde vous allez développer tout un tas de problématiques et donc potentiellement des troubles alimentaires avec aussi de la honte, du dégoût de votre corps et puis si jamais vous osez prendre la parole à un moment donné on risque de vous renvoyer à la figure que peut-être vous mentez, que peut-être vous faites ça pour l'argent, que peut-être et si vous avez le courage d'aller jusqu'à porter plainte et bien On sait que 1% des agresseurs sont condamnés, en réalité. Donc il y a une double, triple, quadruple peine qui est posée sur les victimes. Et donc moi, ça me semblait important de parler de cette inversion de culpabilité et de honte, et de vous permettre de faire le lien avec les troubles alimentaires. Parce que quand on ressent cette honte si forte d'avoir vécu ça, il y a une forme de dégoût qui est associée, et en fait qui va se poser sur le corps. Puisque c'était le corps qui était... objet de l'agression qui était objet de l'autre, c'est comme si le corps était en partie responsable de ce qui s'était passé. Et d'ailleurs, quand un peu plus tôt, je vous disais qu'il y avait une recherche, dans certains cas, de maigreur ou de surpoids, en tout cas de modification corporelle, pour se protéger d'une possible agression, on voit bien là qu'il y a une forme de responsabilisation du corps. En fait, Si on se dit ça, on tient son corps pour responsable. Si on se dit qu'en étant plus maigre ou plus grosse, on sera moins sujette à se faire agresser, on part bien du principe que le problème dans l'agression, bien sûr, c'est l'agresseur, mais c'est quand même notre corps. Et donc, on voit bien les conséquences que ça peut avoir, du coup, sur la façon dont on va se nourrir, sur la façon dont on va percevoir son corps. Parce qu'une fois l'agression passée, il faut cohabiter avec ce corps. Il faut continuer de vivre avec ce corps. Comment est-ce qu'on pourrait prendre soin de son corps si on considère qu'on a vécu ce trauma, ce truc horrible, à cause de son corps ? Comment le nourrir ? Comment le respecter ? Comment prendre soin de ce corps-là ? Et là, on voit bien aussi toute la responsabilité sociétale autour de tout ça. Alors, autour de l'obsession de nos corps, de toute façon, globalement, mais... Aussi sur la question des violences sexuelles et sur la façon dont on appréhende les choses, il y a encore quand même des chiffres qui font froid dans le dos, comme par exemple le fait que, selon une étude menée tout récemment en 2024, 27% des hommes âgés de 25 à 34 ans, donc c'est important en plus cette précision d'âge, c'est-à-dire qu'on n'est pas sur les vieux de la vieille qui sont dans des anciennes croyances, on est sur de jeunes hommes très ancrés dans notre société actuelle. ... 27% des hommes âgés de 25 à 34 ans, donc plus d'un quart d'entre eux, pensent qu'une femme agressée sexuellement peut en partie en être responsable. C'est quand même un peu de sa faute. Donc finalement, ces vieilles idées de « bah oui, mais comment t'étais habillée ? » « bah oui, mais est-ce que tu avais bu ? » D'ailleurs, parlons-en de ça, je sais pas pourquoi, je me dis que c'est peut-être intéressant que je vous en parle. Sachez une chose, c'est que le fait d'avoir... consommer de l'alcool et de se faire agresser sexuellement, dans la tête de plein de gens, ça signifie que c'est quand même un peu de sa faute à elle, alors que dans la réalité, pénalement, ça peut être considéré comme une circonstance aggravante du côté de l'agresseur. Mais oui, en fait, la personne n'est pas dans son état normal, et on le voit bien, et l'agresseur le voyait bien. Donc non, il n'y a pas de facteur qui pourrait laisser penser que quand même, la personne l'a un peu cherché, a bien cherché à se faire agresser sexuellement. Non, ça c'est no way, jamais, plus jamais je voudrais entendre ce genre de choses. Dernièrement, j'ai eu des échanges avec plusieurs d'entre vous, que ce soit sur des enregistrements de podcast, en DM, dans des questions sur des lives Instagram. J'ai eu le sentiment que ça revenait beaucoup, en fait, la question du dégoût du corps, du rejet vraiment du corps, avec tout un vocabulaire tourné autour de... de la honte et du dégoût. Quand c'est votre cas, jamais je ne vous dirai c'est sûr, il y a quelque chose de cet ordre-là. Je pense que les personnes qui m'écoutent depuis un moment me connaissent et l'idée c'est de ne pas être dans des choses binaires et absolues. Néanmoins, je vous invite à vous poser cette question. Je vois aussi beaucoup de femmes qui ont vécu des violences sexuelles et qui en sont conscientes, qui le savent, qui s'en souviennent mais qui n'ont jamais vu le rapport avec leur trouble des conduites alimentaires. Le lien, il est complètement direct. Et potentiellement, il y a aussi tout un tas de personnes qui ont un souvenir diffus ou ne se souviennent même peut-être de rien du tout, mais qui ont toute une symptomatologie autour de la violence sexuelle. En fait, vous pouvez, pour revenir sur cette question d'amnésie traumatique, ayez en tête que... Votre corps, lui, il se souvient et que l'amnésie, elle est protectrice. C'est que vous vous êtes vous-même protégé en oubliant ces faits-là. Néanmoins, le trauma, il a existé. Et du coup, il y a tout un tas de symptômes en lien avec du stress post-traumatique qui a quand même pris place dans votre vie, mais qui ne sont pas faciles à identifier comme tels parce que peut-être vous vous trouvez plein d'autres explications. Ah oui, mais je suis comme ci, je suis comme ça. D'ailleurs, souvent, les personnes qui ont été victimes sont quand même très très dures avec elles-mêmes, avec beaucoup de dévalorisations, voilà. Et donc, sans doute que vous trouvez tout un tas d'explications pour venir dire que vous fonctionnez comme ça, comme ça. Et donc, parfois, quand on découvre ou qu'on remet au grand jour le fait qu'il y a eu un ou plusieurs traumas sexuels, et que ça explique l'arrivée des TCA, que ça explique l'anxiété généralisée, que ça explique... le peu d'estime de soi, le dégoût, etc. Ben oui, il y a quelque chose d'une forme d'un soulagement quand même. Et puis surtout, j'ai envie de vous dire qu'il y a une vie après tout ça. Et d'ailleurs, si vous êtes en train de m'écouter, c'est qu'a priori, vous êtes en vie. Et en fait, que vous ayez vécu ou non des agressions sexuelles, ben, vous êtes en vie. avec, a priori, sans doute, si vous m'écoutez, des problématiques d'alimentation qui sont hyper difficiles à vivre. Donc, en fait, vous avez beaucoup de ressources et de forces, souvent insoupçonnées même. Et, en fait, vous pouvez aussi aller toquer à la porte de psychologues ou diverses thérapeutes pour vous permettre d'aller les déterrer, ces ressources-là, les regarder avec un peu plus de lucidité et les mettre à profit dans votre vie de tous les jours. Bref, ce que je veux vous dire, pour le dire un peu plus simplement, c'est qu'on s'en sort des troubles alimentaires, on s'en sort des traumas aussi, du psychotrauma sexuel, et que je vous conseille vivement de traiter les deux, ensemble ou séparément. Il y a des personnes qui vont avoir cette double casquette spécialisée comme Lydie Thiry dont je vous parlais tout à l'heure. c'est trop chouette, c'est quand même relativement rare. Et puis sinon, ce n'est pas grave, on peut aller voir plusieurs thérapeutes et c'est même très chouette d'aller voir plusieurs thérapeutes. Et voilà, ce que je veux vous dire, c'est que si vous arrivez vers moi avec un gros trauma autour de la question des violences sexuelles qui n'a jamais été mis au travail, on va pouvoir bosser ensemble sur le comportement alimentaire. Mais à un moment donné, vous aurez certainement, très, très, très, très certainement besoin d'aller bosser sur ce trauma-là. Ça me semble compliqué en fait de ne pas y aller. Je pense même qu'on peut se retrouver sur notre travail hyper bloqué, par exemple dans le rapport à votre corps, et sur cette question de dégoût, de rejet, de... Voilà, il peut y avoir des choses. Par exemple, ça peut être hyper compliqué d'aller travailler sur ses sensations alimentaires, parce que ça demande d'être dans l'interoception, donc de ressentir son corps de l'intérieur, et pour certaines, pas pour toutes, mais pour certaines victimes de violences sexuelles, ça peut être très très compliqué. Et puis de l'autre côté, peut-être que vous avez bossé vos traumas d'ordre sexuel ou divers traumas avec des thérapeutes spécialisés et que pour autant vous avez toujours votre TCA qui est là. Parce que oui, ça peut être le cas. Parce que le TCA, c'est vraiment installé comme maladie, pathologie à part entière et pas juste un symptôme d'un trauma et qu'il y a quelque chose qui s'auto-nourrit chez cette pathologie et qui fait qu'elle peut être très ancrée. Et donc, ça va être intéressant de venir bosser sur... un peu plus profondément sur votre rapport au corps, sur votre rapport à l'alimentation, et puis voilà, sur votre comportement alimentaire pur et dur. Et donc moi, dans ces cas-là, évidemment, je peux être la personne, il me semble que je ne fais pas trop mal mon job en tout cas, c'est vraiment le sujet sur lequel j'ai pas mal de connaissances et où je peux accompagner. J'espère que cet épisode vous a apporté des pistes de compréhension, que ce soit pour vous, pour des proches, pour la société d'une manière générale dans laquelle on vit, parce que c'est des sujets hyper présents, violences sexuelles et troubles alimentaires. Voilà, si je devais vous repasser par les quatre grands points dont je vous ai parlé, il y a la question du corps-objet de l'autre, objet de la domination, objet du plaisir de l'autre, objet de la violence de l'autre, qui fait que c'est quand même hyper compliqué d'avoir une autre relation que ça avec son propre corps. Ça peut expliquer que... Soi-même, on vient utiliser son propre corps comme un objet. Il y a tout ce qui est autour du syndrome de stress post-traumatique. Donc avec la dissociation qui va être recréée, notamment par le biais des compulsions alimentaires, le besoin de contrôler son corps, de contrôler son environnement. Tout à l'heure, je n'ai pas parlé de ça, d'hypervigilance. Ce besoin d'avoir une vigilance accrue sur tout l'environnement, tout ce qui nous entoure, parce qu'on se sent dans une insécurité. liées à ces agressions-là. Et donc, le trouble alimentaire peut permettre de répondre à ce besoin de contrôle. Il y a le fait aussi que... Changer son apparence physique par de la maigreur, de la grosseur, en tout cas par des grandes pertes ou prises de poids peut donner l'idée, l'impression qu'on sera potentiellement moins victime, chercher à se protéger, à ne plus être une proie. Et le dernier point dont je parlais, c'est l'inversion de la culpabilité et de la honte qui fait qu'on tient son corps en partie pour responsable de cette agression-là et que c'est donc très compliqué d'avoir une relation. de confiance avec son corps, avec les capacités de régulation de son corps, avec l'autonomie que peut avoir son corps aussi sur la façon de manger, et que prendre soin de soi après ce type de violence, ça peut s'avérer être quelque chose de très très compliqué. Dans tous les cas, je vous invite à consulter si vous en ressentez le besoin, et puis à vous autoriser à consulter plusieurs professionnels. Si besoin, c'est-à-dire que pas vous arrêter à la ou au premier professionnel que vous aurez consulté si vous sentez que ça passe pas, si vous vous sentez jugé d'une quelconque manière, si vous ne vous sentez pas à l'aise pour aborder tous ces sujets. Le ou la thérapeute que vous allez choisir, je trouve que c'est censé être quelqu'un avec qui vous vous sentez libre de tout aborder. Même cette honte que vous ressentez au fond de votre ventre qui est hyper compliquée. Le ou la thérapeute que vous allez choisir doit pouvoir être la personne auprès de laquelle vous allez vous libérer de tout ça. Donc des fois ça demande un peu de tests, de recherches et de tests. Ne perdez pas espoir, surtout.