Antoine LacouturiĂšre Bonjour, soyez les bienvenus sur Toucher du Doigt la SantĂ©, le podcast autour des soins, du bien-ĂȘtre et de la santĂ©. Je vous retrouve aujourd'hui pour la sĂ©rie Le Soin vu d'ailleurs, rencontre aux USA, et je vous invite Ă explorer ensemble le thĂšme l'argent et les soignants. Quelle drĂŽle d'association de mots, l'argent et les soignants, peut-ĂȘtre mĂȘme la richesse. L'idĂ©e derriĂšre, c'est parler de la valorisation des soins, de la proportion entre l'attention donnĂ©e, l'intentionnalitĂ©, les compĂ©tences, le temps et la rĂ©munĂ©ration. C'est quelque chose qui occupe une partie du quotidien des soignants. Pour ĂȘtre honnĂȘte, les patients, sachez-le, l'argent, ça fait partie du quotidien des soignants. J'aimerais attirer votre attention, aujourd'hui je prends une posture Ă la fois de patient en tant que moi-mĂȘme, en tant que papa, en tant que fils d'eux, en tant qu'accompagnant de proches qui parfois traversent des maladies. Et je prends aussi cette posture de soignant avec le titre professionnel de la santĂ© et ce double mĂ©tier, ostĂ©o-sophro. Quelque part... Je m'interroge sur les prix actuels des sĂ©ances. Et il va y avoir diffĂ©rentes notions, diffĂ©rents registres. A la fois les prix pratiquĂ©s par les professionnels de santĂ©, et donc le lien avec l'assurance maladie, la sĂ©curitĂ© sociale, et les conventions, les actes. Et puis les dĂ©passements d'honoraires, ou les honoraires libres dans les mĂ©tiers du soin et du bien-ĂȘtre, par exemple. La question que je me pose, c'est est-ce que nous sommes rĂ©munĂ©rĂ©s Ă la hauteur de nos capacitĂ©s, Ă la hauteur de nos compĂ©tences, Ă la hauteur des soins qu'on propose ? C'est une question de fond. Quand je regarde certains mĂ©tiers, comme notaire, comme avocat, comme agent immobilier, comme assureur. Je m'interroge sur le mode de rĂ©munĂ©ration. J'ai des amis respectifs dans les mĂ©tiers citĂ©s et je les respecte et je les admire mĂȘme pour certains. L'idĂ©e, ce n'est pas de critiquer vers le bas en disant qu'ils devraient gagner moins ou diffĂ©remment. C'est plutĂŽt de proposer une rĂ©flexion sur la rĂ©munĂ©ration des soignants. Je donne un exemple, un agent immobilier qui va prendre un pourcentage sur une vente, c'est aussi le cas des notaires, un avocat qui a des honoraires sur un tarif horaire, un assureur, un banquier qui ont leur mode de rĂ©munĂ©ration, qui sont admis par la majoritĂ© de la population, peuvent gagner des sommes importantes. avec la mĂȘme action. Et tant mieux pour eux. Nous en avons besoin de ces mĂ©tiers-lĂ . Nous avons aussi besoin des soignants. Et je m'interroge aujourd'hui sur la justesse d'un acte, par exemple un firmier cotĂ© qui, sans les kilomĂštres, va ĂȘtre difficile Ă valoriser vĂ©ritablement. Je m'interroge sur les 16,13⏠des actes de nos amis, ma sĆur, kinesithĂ©rapeutes. Je m'interroge sur les mĂ©tiers de la rĂ©Ă©ducation au sens large. Comment est-ce que c'est possible d'ĂȘtre aussi peu rĂ©munĂ©rĂ© pour intĂ©grer les diffĂ©rentes dimensions de l'ĂȘtre humain dont on parlait ? C'est une des questions que je me pose. Comment est-ce que des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes, qui ont la vie des gens littĂ©ralement entre leurs mains, peuvent ? Donner leur maximum avec un temps de consultation pour intĂ©grer l'ensemble des paramĂštres. A la fois dans la partie professionnelle de santĂ©, mais aussi dans la partie Ă©volutive. Donc le constat, il est pour moi aujourd'hui de ne pas tirer vers le bas, encore une fois. C'est pas aux autres professions de diminuer leur revenu, c'est plutĂŽt Ă nous de prendre conscience de l'importance. d'amener des revalorisations dans les soignants. Pourquoi ? Pourquoi ? Parce qu'en fait, on n'a que deux options pour gagner plus d'argent en tant que soignant. Ă de rares exceptions prĂšs, c'est soit de diminuer le temps de consultation, et lĂ je m'adresse aux patients, est-ce que vous aimeriez que les soignants s'occupent de vous avec des temps de consultation plus courts, toujours plus courts ? La rĂ©ponse, elle est non, c'est Ă©vident. Soit d'augmenter les prix, soit d'augmenter significativement les prix. Parce que oui, Un mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste qui a fait dix ans d'Ă©tudes pour prendre des dĂ©cisions aussi complexes sur un temps donnĂ© si court et qui rentre Ă la maison le soir avec l'analyse des rĂ©sultats Avec les coups de fil au confrĂšre, avec le rĂ©assurage, la rĂ©assurance au patient, qu'il pratique bĂ©nĂ©volement. Et les petits messages, vous savez, de ah mais docteur ou ah mais mon ostĂ©opathe ou ah mais mon infirmier c'est qu'une petite minute que je vous ai laissĂ© sur le rĂ©pondeur. Oui, mais 10 patients plus tard, ça fait 10 minutes. Et parfois, c'est pas 10, mais c'est 20 ou 30. Comment est-ce que ce temps-lĂ , il peut ĂȘtre valorisĂ© ? Je me pose la question avant de partir aux Etats-Unis, je pense Ă la Suisse notamment, oĂč certains actes de correspondance sont facturĂ©s, certains actes de temps passĂ© Ă Ă©tudier un dossier sont facturĂ©s, certains actes tĂ©lĂ©phoniques sont facturĂ©s. Et je trouve ça quelque part inspirant, inspirant de dire que le temps des soignants, ce n'est pas que du don. Oui, bien sĂ»r, la majoritĂ© des ĂȘtres qui font le choix des mĂ©tiers de la santĂ© sont dĂ©vouĂ©s, sont passionnĂ©s. Aujourd'hui, je crois que l'Ă©tat global des diffĂ©rentes professions, elle nous amĂšne quand mĂȘme Ă chercher une revalorisation. Et pour moi, l'argent, c'est une maniĂšre de le faire. Alors au moment oĂč je dis ça, je suis en train de perdre des auditeurs, des auditrices. Je suis peut-ĂȘtre mĂȘme en train de perdre des patients, des amis, j'espĂšre pas. Mais le fait de parler de l'argent et de dire que les actes mĂ©ritent d'ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s Ă la hauteur de l'investissement, ça va choquer un certain nombre. Ăa illustre pour moi une certaine mentalitĂ© sur ce qu'on attend des gens qui prennent soin de notre santĂ©. On a vu Ă quel point la santĂ© c'Ă©tait complexe. Les dimensions de l'ĂȘtre humain, les ressources, la capacitĂ© Ă interagir sur l'ensemble de ses facettes, c'est quelque chose de complexe. C'est la premiĂšre partie de la rĂ©flexion. La seconde, c'est l'Ă©volution. Je prends l'exemple de l'ostĂ©opathie aujourd'hui, oĂč les tarifs varient entre 50 euros et 70, 80, 90, 100, et quelques exceptions au-delĂ des 100 euros dans les grandes villes ou dans des aboutissements de soins spĂ©cialistes. Mis Ă part quelques exceptions prĂšs, nous sommes dans cette fourchette-lĂ , 60, 70, 80 euros. Je m'interroge, pour notre mĂ©tier particuliĂšrement, mais pour d'autres, sur le juste prix. Est-ce qu'un Ă©tudiant qui sort de l'Ă©cole mĂ©rite de gagner la mĂȘme chose qu'un ostĂ©opathe qui a 20 ans d'expĂ©rience ? Je fais partie des gens qui considĂšrent que le temps n'est pas nĂ©cessairement un justificatif Ă une valeur ajoutĂ©e. Certains Ă©tudiants sortant de l'Ă©cole sont passionnĂ©s. Certains Ă©tudiants, certains Ă©tudiantes, en sortant, sont plus compĂ©tents que des gens avec 20 ans d'expĂ©rience. LĂ aussi, je vais peut-ĂȘtre perdre quelques auditeurs et quelques auditrices. C'est pourtant ma conviction aujourd'hui. L'implication dans les Ă©tudes, l'implication dans les formations, dans les lectures, dans le dĂ©veloppement personnel, dans son propre dĂ©veloppement d'ĂȘtre humain, ça va impacter significativement nos soins. Aujourd'hui, je vois la profession et un certain nombre de collĂšgues dont je fais partie qui peinent Ă augmenter les tarifs. Parce que nous ne souhaitons pas rĂ©duire la qualitĂ© des soins et la temporalitĂ©, le crĂ©neau, la durĂ©e du soin pour rester sur de la qualitĂ©. Et qui, en augmentant les tarifs, amĂšnerait une image nĂ©gative en disant, ben voilĂ , je suis devenu ambitieux, je suis devenu prĂ©tentieux, je suis devenu Ă©goĂŻste. Je m'interroge lĂ -dessus aujourd'hui. Certains d'entre nous ont dĂ©passĂ© cette apprĂ©hension. Je trouve ça inspirant. En tout cas, je sais que nous sommes un grand nombre, dans les formations que j'ai pu faire, les quelques dizaines, dans les congrĂšs, dans les sĂ©minaires, dans les Ă©changes, Ă se poser la question du juste prix. C'est Ă la fois un partage pour les soignants, les amis ostĂ©os, sophrologues, sur est-ce que... Quelqu'un qui fait des formations qui s'investit ou non, une diffĂ©rence de prix est justifiable ? Est-ce que quelqu'un qui est douĂ© en sortant de l'Ă©cole ou non est justifiable ? Est-ce que quelqu'un qui se remet en question ou non c'est justifiable ? Est-ce que quelqu'un qui utilise son rĂ©seau, qui crĂ©e un rĂ©seau, qui travaille en pluridisciplinaritĂ©, ça peut justifier une augmentation des prix ? Ou alors est-ce que c'est simplement un dĂ» ? pour les patients, d'attendre le meilleur possible, au prix le plus bas possible. L'idĂ©e de cet Ă©pisode un petit peu authentique, sans prĂ©paration, vous l'entendez et dans ma voix et dans la structure du rĂ©cit, avec peu de prĂ©paration, sans prĂ©paration c'est exagĂ©rĂ©, c'est d'amener cette prise de conscience-lĂ , de dire il y a un certain nombre d'Ă©lĂ©ments qui font partie de nos vies. Les formations sur les week-ends. et l'absence de vie familiale sur ces moments-lĂ , par exemple. Les lectures gratuites qui ne seront pas rĂ©percutĂ©es dans le prix de la consultation, la formation continue, le dĂ©veloppement personnel qui impacte la qualitĂ© des soins, la capacitĂ© d'Ă©coute, qui viennent s'ajouter Ă cette empathie, Ă cette disposition nĂ©cessaire d'attention tournĂ©e vers l'autre. VoilĂ , j'avais envie de partager ça ici. puis de recueillir vos idĂ©es, vos sensations, vos expĂ©riences sur le juste prix d'une consultation. J'ai l'impression qu'aux Etats-Unis, l'argent est vu diffĂ©remment. C'est une impression, peut-ĂȘtre que c'est naĂŻf. J'ai en tout cas le sentiment que les soins sont valorisĂ©s diffĂ©remment. L'idĂ©e de l'Ă©pisode n'est pas de remettre en question nos acquis concernant cette sĂ©curitĂ©, cette sĂ©curitĂ© sociale qui porte bien son nom, cette assurance maladie. Simplement, je crois que la situation ne peut pas continuer comme ça aujourd'hui en France. RĂ©duire le temps des consultations pour les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes, c'est dramatique. Ăa veut dire, quelle est la qualitĂ© de la prise en charge derriĂšre ? Si c'est le cas pour les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes, Je pense que c'est le cas pour un grand nombre de professions. Bien sĂ»r, il y a des exceptions. Je pense aux ultra-spĂ©cialistes avec des dĂ©passements d'honoraires Ă©normes. Mon intĂ©rĂȘt, mon envie, mon idĂ©e n'est pas de juger ça aujourd'hui. C'est plutĂŽt d'amener une rĂ©flexion sur oui au dĂ©vouement, oui au bĂ©nĂ©volat, oui Ă l'empathie. Oui Ă cette capacitĂ© de l'ĂȘtre humain Ă se mettre Ă la hauteur des autres et Ă donner le meilleur de nous-mĂȘmes simplement pour amĂ©liorer l'humanitĂ©, oui. Et aussi d'ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© Ă la hauteur, proportionnellement, au bien-ĂȘtre qu'on impulse. Pourquoi pas des consultations avec des prix variables, en fonction des salaires des gens, ou alors en fonction de l'amĂ©lioration ? certains instituts de bien-ĂȘtre facture des massages Ă des prix importants ils sont pleins ils sont pleins c'est Ă dire que aller chercher du bien-ĂȘtre c'est admis par la majoritĂ© des citoyens des citoyennes le payer c'est ok alors pourquoi est ce qu'on se permet de rater des rendez-vous avec un professionnel de santĂ© sans excuses, sans proposition de paiement. Alors pourquoi est-ce qu'on fait de moins en moins de cadeaux ? Ăa c'est ce qui est vraiment racontĂ© par les vieux professionnels de santĂ© qui nous disent Ă la campagne et en ville Il y a 20 ans, il y a 30 ans, j'avais des cadeaux au quotidien, j'avais des cadeaux pour les fĂȘtes. Aujourd'hui c'est un dĂ». Pourquoi est-ce qu'on ne prend plus le temps de remercier nos professionnels de soins de santĂ©, de bien-ĂȘtre, quand la maladie disparaĂźt, quand il y a un pas d'avancĂ©e ? Ce n'est pas une gĂ©nĂ©ralitĂ©, bien sĂ»r qu'il y a des patients extraordinaires, bien sĂ»r qu'il y a des patients conscients de tout ça. Bien sĂ»r. J'espĂšre qu'il y en aura de plus en plus. J'espĂšre aussi que les soignants, nous allons trouver les capacitĂ©s, les appuis, les ressources pour, d'une maniĂšre ou d'une autre, ne pas arriver Ă diminuer les temps de consultation, ne pas arriver Ă faire passer tout le temps les autres avant nous, et Ă trouver des solutions pour ensemble Ă©quilibrer ces besoins. ses valorisations, ses reconnaissances et Ă prendre soin les uns des autres. Avec ces mots, je vous souhaite de prendre soin des patients, de continuer Ă aimer nos mĂ©tiers et j'invite aussi les patients qui ont Ă©coutĂ© l'Ă©pisode jusqu'ici Ă prendre soin de leurs soignants, Ă prendre soin avec des petites attentions simples. des soins donnĂ©s, des prĂ©sences accordĂ©es, des actions mises en place. Je vous souhaite une trĂšs belle fin de journĂ©e, soirĂ©e, nuit, annĂ©e, c'est l'Ă©poque. Et je vous dis Ă bientĂŽt.