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32. Cinema, Femmes et Pouvoir avec Caroline Safir cover
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Toutes Puissantes !

32. Cinema, Femmes et Pouvoir avec Caroline Safir

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40min |19/09/2025
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Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes !


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Caroline Saphir à mon micro !


Caroline est experte du cinéma depuis près de 20 ans. À la tête de Commune Image en Seine-Saint-Denis, elle œuvre à démocratiser l’accès au cinéma et à faire émerger de nouveaux récits.

Sa conviction ? Changer les récits, c’est changer les places : briser les stéréotypes et faire du cinéma un levier de transformation sociale.

Sur YouTube et LinkedIn, elle analyse les films pour montrer comment les représentations influencent nos croyances.


Mais alors:


Comment le cinéma façonne-t-il notre rapport au pouvoir, et en particulier, notre vision des femmes puissantes


  • 👑 Pourquoi les femmes puissantes à l’écran sont-elles souvent perçues comme froides, manipulatrices ou menaçantes ?

  • ⚡ Peut-on rêver de puissance autrement ? Et surtout, créer des récits qui élèvent plutôt que d’enfermer ?


Nous verrons ensemble les mécanismes invisibles qui conditionnent nos représentations et nos ambitions – surtout quand on est une femme.

Un épisode à ne pas manquer pour toutes celles qui veulent s’autoriser à occuper toute la scène. Sans compromis. Sans caricature.


🎧 Bonne écoute !


Retrouvez Caroline ici:


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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🎬 Agence de podcasts : Into The Wave studio

📷 Visuel : Astrid Amadieu


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du Club de Pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre à un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes 8 Tempes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Caroline Saphir. Bonjour Caroline.

  • Speaker #1

    Bonjour Kaouta.

  • Speaker #0

    Alors, laissez-moi vous en dire plus sur Caroline Saphir. Caroline est experte du cinéma et de ses coulisses. Depuis près de 20 ans, elle met son expertise au service d'un objectif clair, décoder le cinéma sans jargon et montrer comment il façonne nos imaginaires et nos sociétés. En scène dirigeante de Communimage, lieu emblématique du cinéma en Seine-Saint-Denis, elle a accompagné des dizaines de talents et porté des projets ambitieux pour transmettre et démocratiser le 7e art. Aujourd'hui suivie par plus de 10 000 personnes sur LinkedIn et YouTube, elle crée des contenus où elle décrypte les films qui ont marqué le cinéma et influencé nos façons de penser. Derrière chaque analyse, une conviction. Changer les récits, c'est aussi changer les places. Sans combat, briser le plafond de verre du secteur et défendre une représentation plus juste devant, comme derrière la caméra. Alors Caroline, aujourd'hui, on est ensemble pour aborder un sujet qui, moi, m'a toujours interpellée. Et comme je suis une de tes fans sur YouTube et sur LinkedIn, je me suis dit que tu étais la personne la mieux placée pour nous aider à comprendre justement cette problématique qui est comment le cinéma façonne notre manière de voir les choses et en particulier notre représentation de la relation que les femmes entretiennent avec le pouvoir. Alors, avant d'arriver aux femmes et au pouvoir dans le cinéma, j'aimerais qu'on remette un petit peu de contexte et que tu nous expliques, Caroline, quel est le lien entre le cinéma et notre façon de nous projeter dans le monde.

  • Speaker #1

    Un vaste sujet. En fait, je pense qu'il y a dans le cinéma, et encore une fois, quand on parle de cinéma, on va parler vraiment de la salle de cinéma aujourd'hui et des films qui sont projetés en salle, même si on peut élargir aux séries, etc., qui ont aussi une influence sur notre façon de voir les choses, mais là, on va parler vraiment purement de cinéma. Et quand on parle de cinéma, on parle souvent d'expérience collective. Et c'est vrai que la particularité, pour moi, du cinéma, c'est que c'est à la fois un miroir et un projecteur. C'est-à-dire qu'en fait, on va tous dans une salle, on va tous regarder dans la même direction ou vers l'écran, mais on ne va pas tous sortir avec la même expérience, avec le même ressenti, avec le même retour sur l'expérience qu'on vient de vivre. Parce qu'on vit cette expérience collective dont je parlais et en même temps, un moment de réflexion qui est très intime en fait. Parce qu'on n'est pas dans un échange avec la personne qui est à côté de soi quand on regarde le film, on vit son expérience intimement, on peut la partager a posteriori, et en même temps, on est dans cet espace collectif. Et je pense que c'est cette particularité-là qui fait du cinéma un vecteur d'influence qui est assez profond dans notre façon de nous projeter, en fait, dans la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, si je comprends bien, ce que tu nous dis, c'est qu'il y a cette expérience collective qu'on va venir mélanger avec notre vécu intime. Et du coup, ça fait que chacun individuellement va se projeter dans ce qu'on voit au cinéma. Mais... à travers notre prisme individuel.

  • Speaker #1

    Et de cette opposition-là naît la nécessité d'un dialogue. C'est-à-dire que tu es face à une œuvre dont tu vas avoir absolument l'envie de partager en sortant ce que tu en as ressenti puisque tu l'as vu en même temps que l'autre. Mais tu te rends compte qu'en fait, ton point de vue n'est pas exactement le même que la personne qui était à côté de toi. Et c'est un moment assez rare, au final. Dans la vie, même dans l'expérience collective, tu vois un match de foot, tu vois un match de foot. tu vois les mêmes actions sur le terrain, etc. Et il y a l'expérience collective qui joue aussi. Dans l'appréciation d'une œuvre plastique, etc., tu es dans une réflexion qui t'est propre, tu n'es pas dans une expérience collective concomitante, c'est-à-dire que les gens ne regardent pas en même temps la même œuvre systématiquement. Tu vois ce que je veux dire Donc dans la salle, il y a ce moment un peu suspendu qui fait qu'en sortant, tu dis Ah mais attends, j'ai besoin d'en parler Et c'est ça qui est assez unique, au final.

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. Mais du coup, si on va un petit peu plus loin, il y a quand même un truc en plus, j'ai l'impression, avec le cinéma, qui est l'impact que ça va avoir sur nos mentalités individuelles, mais aussi à plus grande échelle sur notre société. Comment tu l'expliques

  • Speaker #1

    Il y a la partie immersive. On raconte souvent l'histoire de la projection du premier film des Frères Lumière, le train entrant en salle de... en gare de la Ausha, on disait que c'était la première fois qu'ils ont projeté le film. Les gens ont été terrorisés, ils ont cru vraiment qu'ils allaient se faire écraser par le temps et qu'ils rentraient en gare. Aujourd'hui, on a beaucoup plus de recul sur l'aspect immersif du cinéma, mais en fait, ça reste un espace où on interagit avec l'ensemble de nos sens. Dans le cas, je les exclue et je m'en excuse des personnes en situation de handicap parce qu'effectivement, quand on est malentendant ou malvoyant, on n'a pas forcément la même expérience et on essaye de travailler de plus en plus aujourd'hui au fait que ce soit justement le plus immersif possible pour ces personnes-là. Mais sur le cinéma tel qu'on l'entend pour les personnes qui ne sont pas en situation de handicap, il y a une dimension très, très immersive qui touche à l'ensemble de tes sens. Donc, tu as vu, on n'a pas encore l'odorat, mais il y en a qui y travaillent. Et je pense que ça nous plonge, en fait. Il y a une dimension de plonger dans l'histoire, mais aussi, au-delà de plonger dans l'histoire par les sens, une quasi-obligation de se transposer dans l'histoire à la place d'un ou de plusieurs personnages en fonction des scènes. Et c'est là que la question des représentations est hyper centrale, parce que c'est dans quelle mesure je peux me projeter et sur qui je vais me projeter dans l'histoire. Et quand on ne se voit pas à l'écran, quand on est en incapacité de se voir à l'écran, souvent on se désintéresse du film en lui-même, il y a moins d'attrait. Et c'est en ça que je dis que l'enjeu de la représentation est aussi un enjeu industriel pour le secteur, parce qu'en fait, on se rend compte aujourd'hui qu'il y a un désintérêt progressif des jeunes pour les contenus cinématographiques. Et je... pense, moi mon avis profond c'est que c'est en partie lié au fait que les jeunes ne se retrouvent pas dans les personnages qui leur sont proposés. Et quand ils s'y retrouvent, en revanche, ils y vont à fond les ballons. Donc c'est ça qui est intéressant et c'est ça qu'il faudrait creuser. Et je pense qu'aussi il y a cet aspect rêve du cinéma qui fait que quand tu te projettes dans un personnage, ça nourrit aussi tes rêves, ça nourrit tes ambitions, ça nourrit ce que tu peux espérer pour le futur. On parle encore de la jeunesse. Et donc, je pense qu'on a une responsabilité, nous, en tant que créateurs, à proposer des contenus qui permettent à ces générations-là de se projeter dans des vies qui sont positives. Et c'est là qu'on peut avoir un impact sur la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, il y a d'une part, nous, qui nous projetons dans ce qu'on voit, ce qui nous est proposé. Et ça va résonner plus ou moins fortement avec un ou plusieurs des personnages. Et puis, du coup, par le fait qu'on se projette, on se nourrit. Et donc le cinéma vient projeter dans notre inconscient de trajectoires, de possibles, d'idées, de pensées, de choix, c'est ça

  • Speaker #1

    Exactement, c'est l'influence du récit sur ta propre trajectoire de vie. Et ça c'est au niveau micro, mais on peut évidemment le transposer au niveau macro, au niveau d'une société, parce qu'on peut, et je reviens sur la question du dialogue après, on peut soulever des faits de société. à travers cette oeuvre-là, qui peuvent permettre de renouer le dialogue sur des thématiques qui sont extrêmement complexes. C'est des choses que j'ai eu la chance de voir sur le terrain en concret, notamment en travaillant avec des jeunes du territoire de Seine-Saint-Denis, autour de films qui traitaient par exemple des rapports filles-garçons, à travers, je me souviens notamment d'un film qui s'appelait La belle équipe de Mohamed Hashimi, qui est un film qui parle d'une équipe de foot féminine. Et qu'on se rend compte qu'on arrive à tirer le fil sur justement le rapport filles-garçons dans les quartiers, au-delà du sport typiquement féminin. C'est-à-dire que tu peux tirer le fil et pour renouer un dialogue sur des thématiques qui sont en général assez complexes et qui créent un peu la polémique et qui peuvent devenir conflictuelles. Et à travers l'œuvre, on arrive à renouer un dialogue. Et c'est ça qui est passionnant en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc on en arrive justement à notre thématique. Donc maintenant qu'on a... que tu nous as expliqué quel impact le cinéma peut avoir sur nos trajectoires de vie, ce qu'on pense possible pour nous, les modèles qu'on a, les idées, les pensées, les croyances qu'on va nourrir. On va revenir justement à la thématique des femmes et du pouvoir. Et j'aimerais avoir ton analyse d'experte sur ces représentations des femmes et du pouvoir dans les films. Comment ça se traduit justement sur notre société

  • Speaker #1

    Alors, il y a des faits très concrets. J'ai des petites notes, je balance à tout le monde des petites notes parce qu'il y a des chiffres et que je veux donner les vrais chiffres. Je sais à quel point parfois il y a des gens qui reviennent sur un petit détail pour ne pas entendre l'aspect macro de la chose. Mais il y a un aspect qui est très concret, en fait. Il ne faut jamais oublier que le cinéma, c'est un art, mais c'est aussi une industrie. Et qu'en fait, la problématique de base sur la thématique qu'on va aborder aujourd'hui, c'est que... En fait, encore aujourd'hui, malgré ce qu'on croit, la majorité des récits, ils sont écrits et produits. par des hommes. Et donc, le pouvoir dans notre industrie, il est logiquement auprès de ceux qui financent et de ceux qui décident. Et aujourd'hui, ce sont encore majoritairement des hommes. Donc, je te donne des petits exemples, mais par exemple, aux États-Unis, donc à Hollywood, il y a seulement 12% des réalisateurs des plus gros succès en 2023 qui étaient des femmes. 12%, pas grand-chose. En France, aujourd'hui, le budget moyen d'un film qui est réalisé par une femme, il est 21% inférieur à celui réalisé par un homme. Donc, Tu t'es expliqué que déjà

  • Speaker #0

    Tu veux dire quoi C'est 21%. C'est fou. C'est à peu près le même ordre de grandeur que l'écart de salaire moyen entre hommes et femmes en France, qui est de 24-25%. C'est dingue qu'il y ait vraiment ce même rapport de force, entre guillemets, et ce rapport d'argent entre les salaires, mais aussi les budgets alloués aux films de femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est fou. D'ailleurs, plus... Et donc, ça se traduit aussi dans le fait que plus tu as des films à budget conséquent, moins tu retrouves de femmes. C'est un peu comme le nombre de femmes au top management du CAC 40. C'est exactement la même chose. On est dans le même rapport. Les trois films qui ont coûté le plus cher en 2023, c'était Le Comte de Monte Cristo, il y avait un biopic sur De Gaulle, et L'Amour Ouf, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, donc c'est au-delà de 30 millions, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, est quasi exclusivement produit par des hommes. Je crois qu'il y a une femme qui est coproduite sur l'amour. Je ne dis pas de bêtise, mais ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Et les rôles principaux sont attribués à des hommes.

  • Speaker #1

    Et voilà, et en fait, c'est justement ça. C'est que cet écart de pouvoir économique, il se traduit à l'écran. Parce que les femmes, elles sont sous-représentées dans les rôles principaux. Comme tu viens de le dire, je crois qu'il y a seulement 30 des 100 films les plus rentables de 2023 avaient des héroïnes principales féminines. 50% de la population, 30% des rôles principaux. déjà il y a un écart qui est quand même pas mal et quand elles sont présentes elles sont souvent cantonnées à des rôles qui restéréotypés et là on va en venir au pouvoir mais qui sont la muse, la victime, la compagne la méchante, vénale parce que quand on parle de pouvoir on parle pas de pouvoir au sens conceptuel mais souvent au concept de l'argent mais je pense que ça on va y revenir un peu plus tard mais ce qui est intéressant si on parle alors Si on parle de cinéma, il y a plusieurs cinémas, et on va me dire qu'il y a des films d'auteurs, les rapports ont évolué, etc. C'est vrai. Mais déjà, si on parle du cinéma purement mainstream, donc des blockbusters, etc., on se rend compte qu'il y a une... Tout le monde le sait, c'est qu'il y a une forme de manichéisme dans ces gros blockbusters. Je parle des Disney, des Marvel, etc. Donc, tu as les gentils, les méchants. Et que quand le personnage est féminin et a du pouvoir, il est quasi systématiquement placé du côté des méchants. Je te parle de Cruella, de Maléfique, de la sorcière, en fait. Celle qui a les pouvoirs. Je te parle de pouvoirs, pouvoirs magiques, mais tu vois, de pouvoirs. Alors évidemment, tu as Wonder Woman et tu as une ou deux super-héroïnes en plus, mais la notion de pouvoir, elle est très souvent ramenée au fait qu'il y a... une forme de transgression, de capacité à la manipulation. Tu vois, il y a quelque chose de... Et ça, ça remonte aux histoires, aux contes, etc. Mais le pouvoir et les femmes, c'est souvent quelque chose d'assez... Ouais, transgressif. On est du côté obscur de la force.

  • Speaker #0

    D'accord, donc si je comprends bien ce que tu es en train de nous dire, c'est qu'on va se cantonner aux films qui ont le plus de succès, donc ça va être les blockbusters, etc. Parce que... C'est comme tu dis, dès qu'on commence à parler de ces sujets, on va avoir les classiques. Oui, mais vous n'allez pas voir les bons films, etc. On va parler des films qui ont le plus de succès parce que c'est ceux qui sont le plus vus. Et sur ces films-là, ce que tu expliques, c'est qu'il y a ce manichéisme, le bien contre le mal, les gentils contre les méchants. Et quand on regarde et qu'on analyse au sein des rôles où se placent sur ce curseur de bien et de mal les rôles... de femmes qui ont un pouvoir, c'est généralement du côté du mal. Donc, t'as pris l'exemple de Cruella ou des Marvel, moi, ça me fait tout de suite penser au Diable s'habille en Prada. C'est pareil, c'est la femme qui a du pouvoir, et bam, elle est chez les méchants.

  • Speaker #1

    Le Diable s'habille en Prada, c'est un exemple parfait de la façon dont on représente l'accession au pouvoir pour les femmes dans le cinéma moderne. C'est-à-dire qu'en fait, déjà, il y en a peu, donc tu peux me sortir Diable s'habille en Prada, mais à chaque fois que je parle de cette thématique, globalement, il y a... très très peu d'exemples jusqu'à ces races-là. Et deuxièmement, quand une femme accède au pouvoir, on se rend compte qu'assez souvent, on la dépeint comme acariâtre, difficile. Elle est seule aussi dans son atmosphère générale, donc c'est ce fameux syndrome de la schtroumpfesse, c'est-à-dire quand une femme arrive en haut de la pyramide, forcément c'est qu'elle a écrasé toutes les autres avant, donc il ne reste qu'elle. Mais aussi, on se rend compte qu'il y a une forme d'abandon du reste des aspects de sa vie, c'est-à-dire qu'en fait, elle a choisi... le succès à défaut du bonheur, de l'amour, d'un rôle de mère, etc. Et donc Miranda, c'est une super représentation de ça. C'est-à-dire qu'en fait, elle est seule, elle est dure, et dans le fil de l'histoire, on se rend compte qu'elle a des difficultés avec son mari, qu'il la quitte, etc. Désolée pour le spoiler. Et qu'elle a peu d'amis. Les gens se rendent compte qu'il y a cette nécessité de laisser tomber tous les autres pans de son existence.

  • Speaker #0

    D'accord, donc là, on touche à deux choses. D'une part, une femme qui a le pouvoir. c'est globalement une méchante. Et d'autre part, une femme qui a le pouvoir aujourd'hui ou une femme qui souhaite arriver au pouvoir va devoir sacrifier tous les autres pans de sa vie. Elle ne peut pas avoir comme un homme à la fois la super carrière et la femme, les enfants, et rentrer le soir et être acclamée et avoir le repas déjà tout prêt.

  • Speaker #1

    Le pouvoir, ça coûte très cher. En gros, c'est ça le message.

  • Speaker #0

    Aux femmes.

  • Speaker #1

    Aux femmes, tout à fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et tout à l'heure, tu m'as dit que dès qu'on commençait à toucher au pouvoir, on touchait aussi à l'argent. Est-ce que tu peux nous parler aussi du rapport des femmes et de l'argent dans le cinéma

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est un sujet qui est assez passionnant à regarder parce que je pense que c'est très très visible pour peu qu'on y porte un peu d'attention. Les femmes, elles sont ostensiblement très peu montrées comme en gestion de l'argent dans le cinéma moderne. Et c'est d'autant plus visible. On étudie des films qui traitent, à proprement parler, d'argent. Je parle de Wall Street, les deux volets de Wall Street, du lot de Wall Street, etc. Là, elles sont représentées, jamais en maîtrise du cash, comme un centre de coût, comme une preuve de richesse, comme une figure décorative. C'est ça qui est assez affligeant quand on y prête un peu attention. Parce que quand on parle d'un pouvoirment féminin, La dimension financière, elle est très, très puissante. Et on se rend compte qu'il y a très peu de femmes, de plus en plus aujourd'hui, mais qui sont formées à la question de la gestion de leur propre patrimoine, etc. Je ne sais plus quelle est la date où les femmes françaises ont le droit d'avoir leur propre compte en banque, mais je pense que c'est assez puissant.

  • Speaker #0

    Les années 60, c'est récent. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est très bien représenté, en fait. Dans le cinéma, on en prend très, très vite conscience. C'est-à-dire que la gestion financière, c'est un sujet masculin.

  • Speaker #0

    C'est même pire, là, j'ai l'impression. Non seulement... La gestion financière, c'est un sujet masculin. Mais en plus, l'argent permet d'objectifier les femmes en prix, en petites statuettes en or. C'est elle, finalement, le gros mot de l'argent. Ou au contraire, en coût et en gouffre financier qui va prendre la carte bleue et aller dépenser l'argent gagné à la sueur du front de monsieur.

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est ça qui est... Très inquiétant sur cette dynamique financière. Et si j'extrapole la dynamique financière au fait de faire une carrière, la façon dont on projette la carrière, les évolutions professionnelles des femmes à l'écran, on se rend compte aussi que c'est assez peu ou quasiment jamais le sujet principal d'un récit. C'est-à-dire, s'il y a une évolution professionnelle pour une femme, et il y a un exemple qui est très parlant pour ça, c'est un film qui s'appelle Working Girl qui est sorti dans les années 20. de 1988, et qui traite, c'est le pitch initial du film, c'est l'évolution, l'évolution de carrière de Tess McGill, qui est une jeune femme qui commence secrétaire, mais qui a des ambitions, qui veut évoluer dans le Merger and Acquisition à Manhattan à la fin des années 80. Et au lieu de suivre son évolution de carrière comme le propos du film, en fait, le sujet va devenir la rivalité avec la seule autre femme. qui est dans le prisme du film, et non seulement une rivalité pour un job, mais qui devient une rivalité pour un mec. Et donc, on voit assez peu des femmes avoir une stratégie de projection pour piloter leur propre carrière. En gros, quand elles y arrivent, c'est soit un coup de bol, soit parce qu'elles ont écrasé notre nana, soit parce qu'il y a un homme dans l'histoire et qu'il y a une intrigue amoureuse.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser tout de suite, moi, à Bridget Jones. où selon le numéro du film, on la voit au début, pareil, c'est un peu la secrétaire, je ne sais plus si c'est les secrétaires, mais on sent qu'elle est un peu au bas de l'échelle. Et au fur et à mesure des volets du film, donc le 2, le 3, machin chose, elle gagne en pouvoir d'achat, elle gagne en galon, elle devient présentatrice, machin chose. Mais à nouveau, c'est jamais le centre de l'intrigue. Le centre de l'intrigue, c'est est-ce qu'elle va trouver l'âme sœur Finalement, son boulot, c'est vraiment là par hasard. On a l'impression qu'elle a été promue grâce à son chéri d'abord, ou grâce à ses charmes, ou vraiment par hasard, et qu'elle n'a pas du tout les compétences pour le job. Voilà.

  • Speaker #1

    Soit elle est arrivée au bon endroit au bon moment, elle a eu un coup de bol, soit il y a l'intervention d'un homme derrière, ce qui fait que... elle a évolué, il n'est pas question de ses compétences spécifiques, moi notre cas particulier de Bridget Jones c'est juste qu'en fait tout le monde l'aime bien c'est le tout côté affectif mais on est en empathie avec elle mais il y a assez peu l'idée de poser ses propres jalons d'évolution de carrière. Alors là on a quand même parlé, je te parlais de Working Girl tout à l'heure c'est un film de la fin des années 80 et même si Bridget Jones, il y a un volet assez récent qui est sorti ça reste des films pas totalement récents Donc déjà, il faut mettre un petit bémol, c'est que c'est... Enfin, c'est pas un bémol d'ailleurs, c'est une évolution positive, au contraire. Il y a de plus en plus de films qui disruptent un peu ce modèle-là. Et c'est pour ça que Anatomie d'une chute par exemple, est un film, pour moi, qui a une grande importance sur cette question de dynamique de pouvoir, des déséquilibres de dynamique de pouvoir. Parce que, pour la première fois, on traite en filigrane de la façon dont la société réagit à une femme qui est plus successful que son compagnon masculin. qui est autonome, qui gagne sa vie, qui a réussi par elle-même, pour elle-même. Et on a un vrai regard honnête sur la façon dont la société réagit à ça.

  • Speaker #0

    Alors, et encore, c'est en filigrane, parce que je pense que comme on ne sait pas comment ça se finit, si je me souviens bien, sans spoiler personne non plus, il me semble que... Et on revient à ce que tu as dit très justement au tout début du film, c'est que ce film en particulier, quand on le finit, on a besoin d'en parler. Et donc forcément, il y a ces conversations de, à ton avis, comment tu as perçu les différents personnages. Et moi, je me souviens quand on en a parlé dans mon entourage, mais beaucoup de gens détestaient le personnage principal féminin dans ce film, qu'elle est vue comme acariâtre. On revient exactement à ce manichéisme où elle est vue comme quelqu'un un peu odieux, qui n'est pas aimable. aimable dans le sens digne d'être aimé.

  • Speaker #1

    Je pense que déjà, en fonction du genre et en fonction de la tranche d'âge, l'avis sur la fin du film diffère énormément. Mais tu as raison, effectivement. Moi, de mon propre point de vue, il n'y a rien de détestable dans ce personnage. Et c'est vrai que le travail de la nuance est tellement fort dans ce film que ça laisse la possibilité, et on en revient à l'expérience collective et à l'intime, d'avoir un avis très différent sur... sur ce qui a pu se passer en réalité.

  • Speaker #0

    Et un autre point que tu as soulevé, sur lequel j'aimerais revenir, tu as parlé de, ça c'est des films anciens et les choses sont en train d'évoluer. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il y a des films un peu générationnels. Tu vois, quand j'ai parlé de Bridget Jones, je pense qu'il y a toute une génération des, alors je ne me souviens plus le nom, Millenials ou X ou Z, mais... Tous ceux qui ont grandi dans les débuts des années 2000, qui avaient à peu près 18 ans, 20 ans, au début des années 2000, ont vu ces films et ça a construit la façon dont elles, pour les femmes, allaient se projeter dans leur carrière. Et pareil pour Working Girls dans les années 80, ça a façonné la façon dont les femmes se sont projetées et les possibles qu'elles se sont mis en tête et les limites. et les barrières qu'elles se sont mises en tête aussi. Donc, est-ce qu'il n'y a pas aussi cette notion de décalage C'est-à-dire que les jeunes qui ont 18-20 ans aujourd'hui et qui regardent des films aujourd'hui vont se construire un univers de possible en fonction des films qu'ils et elles vont regarder aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Si, moi je suis complètement d'accord avec toi. C'est d'ailleurs toute la question de la responsabilité qu'on porte nous en tant que professionnels du secteur à proposer des projections qui sont structurantes. pour l'avenir de cette jeunesse-là qui va rentrer, là, on parle du monde du travail, mais sur d'autres dynamiques aussi sociétales. Moi, je pense que, enfin, il y a eu d'autres personnages féminins, là, on parle de carrière, on parle de réalisme extérieur, il y a eu d'autres personnages féminins qui ont eu leur importance pour notre génération et puis la génération précédente, tu vois, des personnages comme Sarah Connor dans Terminator, comme Ellen Ripley dans Alien, d'ailleurs, Ridley Scott, il faut citer Ridley Scott comme un... Un réalisateur masculin qui a fait énormément pour la représentation des femmes à l'écran, et tu vois, dans des films d'action pure et dure qu'on pensait orienter pour les mecs, mais c'est les premières représentations féminines de nanas qui ne sont pas là pour être dans la séduction, pour être dans une hyper-sexualisation, et qui sont au contraire partie prenante de l'intrigue pour la première fois, alors qu'il n'y en avait pas tant que ça. Et évidemment, Thelma et Louise, on en parle parce que nous, on en a parlé longuement. mais qui sont les premières représentations des femmes qui reprennent en main leur propre parcours de vie. Donc il y en avait. à l'époque, et il y en a de plus en plus. Et il y en a de plus en plus qui représentent tout type de femmes aussi. Des femmes racisées, des femmes en situation de handicap, des femmes... Donc, avec ce souci de la juste représentation qui fait que les jeunes filles, aujourd'hui, elles peuvent se transposer dans ces parcours de vie-là et dans des parcours où elles reprennent la main, où elles ne sont pas tributaires du choix des autres, mais où elles sont empouvoirées à. Et d'ailleurs... Si on parle de pouvoir et qu'on déconstruit complètement, il y a un sujet, on en parle souvent du female gaze, du male gaze, du female gaze. Et une des problématiques du male gaze, c'est la façon dont un homme qui tourne un film regarde le corps de la femme. Une des problématiques du male gaze, c'est la déconstruction du corps féminin. C'est-à-dire qu'on présente la femme en tranches. Les scènes de sexe, on voit ses seins, ses fesses, etc. Ça arrive très peu fréquemment pour un homme. Et donc, on représente la femme à travers son corps qu'on a saucissonné comme ça. Et qu'est-ce que c'est de saucissonner un être humain, enfin de découper un être humain, si ce n'est lui ôter sa capacité à agir, devient objet et pas sujet, tu vois Et donc, je pense que c'est aussi au cœur du sujet aujourd'hui, c'est le fait qu'il y a de plus en plus de femmes qui commencent à raconter des histoires. Elles sont encore trop peu nombreuses, mais qui commencent à raconter des histoires, à tourner des films, à financer des films, etc. qui fait qu'aujourd'hui, on a des femmes qui représentent la réalité de ce que les jeunes ont envie de voir.

  • Speaker #0

    Tu as parlé de différence entre la façon dont les corps des hommes et des femmes sont représentés à l'écran. Si on revient justement à ces représentations et aux différences entre les hommes et les femmes, en quoi elle est différente la représentation des hommes au pouvoir par rapport à celle des femmes

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, un homme au pouvoir à l'écran, son pouvoir, il est presque toujours légitimé. Il n'y a pas de remise en question, en fait, de l'accession au pouvoir d'un homme au cinéma futur. Quand on parle du parrain, la puissance masculine, elle est centrale avec des personnages qui sont complexes, qui sont souvent violents, mais qui sont toujours respectés dans leur pouvoir. Et à l'inverse, comme on le disait, les femmes, elles sont soit absentes du pouvoir, soit diabolisées dans le pouvoir, soit punies dans le pouvoir, parce que si elles l'ont eue, on l'a dit tout à l'heure, elles l'ont payée cher parce qu'elles ont... perdu autre chose. Et quand elles existent, tu vois, elles sont extrêmement seules. On parlait du diable Sabine Amprada, mais dans le film de Chantal Ackermann, Jeanne Dillemant, qui a été élu, je ne sais plus, film le plus important de l'histoire du cinéma il n'y a pas très très longtemps.

  • Speaker #0

    Il y a, dans l'autoréalisation de cette femme, cette femme qui guide sa vie comme elle, les choix qu'elle fait pour elle-même, elle est dans une solitude absolue. Ce n'est pas le cas des hommes au pouvoir. Tu vois, le parrain, il est entouré de plein de gens. Je pense à They will be blood aussi. C'est des rapports qui sont toxiques, etc. Parce qu'il n'y en a pas de cinéma, il y a quand même une histoire autour. Mais il n'y a pas de remise en question de cette accession au pouvoir, en fait. Elle est là.

  • Speaker #1

    Ce que tu nous dis, c'est qu'il n'y a pas de remise en question, que le film peut être complètement centré sur ce pouvoir masculin. Quand on parle du parrain, c'est grosso modo ça. On parle de l'accession, de l'exercice de ce pouvoir d'homme. Et l'homme est complètement entouré, choyé d'hommes et de femmes.

  • Speaker #0

    En fait, le pouvoir masculin, c'est un point de départ du film. C'est un élément du film. Alors que le pouvoir féminin, c'est un problème à résoudre. Elle est là, la distance entre les deux.

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Merci, mais c'est passionnant. C'est génial de voir justement ces petits éléments qui finalement vont s'imprimer dans l'inconscient de la société et qui font qu'on va remettre en question, sans s'en rendre compte, la légitimité d'une femme au pouvoir alors qu'on va l'accepter quand elle vient d'un homme. C'est un peu la poulet. Je pense qu'il y a... Il y a de la poule et il y a de l'œuf. Tu disais tout à l'heure que le cinéma, c'était à la fois un projecteur et un miroir. Donc, c'est un miroir de notre société qui vient reprojeter une nouvelle image dans nos têtes. Donc, ça vient perpétuer aussi les biais qui sont déjà là. Mais alors, du coup, la question à un million, Caroline, comment on fait pour sortir de ce cercle qui peut être soit vicieux, soit vertueux, selon le cas Comment on fait pour développer un autre imaginaire en tant que société À travers le cinéma, j'espère.

  • Speaker #0

    En fait, c'est assez logiquement avoir à cœur de changer qui sont les personnes qui racontent les histoires. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une prise de conscience de l'importance d'avoir une représentation de toute la société sur l'ensemble de la chaîne de production. Un tournage, c'est une entreprise collective et elle doit représenter la société qu'il est aussi, en fait. et on parlait de female gaze, de male gaze tout à l'heure, il faut qu'il y ait plus de femmes pour raconter plus d'histoires de femmes. Ça paraît logique. Il faut des gens en situation de handicap pour traiter du handicap dans la façon dont les personnes en situation de handicap le vivent. Le travail de fond de Artus sur un petit truc en plus, et ce qui a touché la société, les millions de personnes qui sont allées voir le film en salle, c'est le fait qu'il ait travaillé avec des personnes en réelle situation de handicap. en adaptant sa façon de travailler à des personnes en réelle situation de handicap. Je ne sais pas si je recommande aux gens qui nous écoutent d'aller regarder sur YouTube des séquences de travail de Artus avec certains des comédiens. C'est extrêmement touchant à voir, mais on voit qu'on ne travaille pas de la même manière où on travaillerait avec un comédien ou une comédienne pas en situation de handicap. Il y a une façon de s'adapter, mais c'est le modèle de production qui doit évoluer en ce sens-là. Et de la même manière, On doit parler de... On doit représenter des personnes racisées. Il faut que ce soit des personnes racisées avec les histoires qui portent en eux, qui racontent ces histoires-là. Parce que la justesse, la façon de... On parlait tout à l'heure de la façon dont on peut se projeter dans un personnage, c'est lié à la justesse de ce que tu vois en face de toi. Nous, on n'avait pas le choix. Je pense que les femmes, fin des années 80, quand elles voyaient Rock Working Girl, elles disaient, enfin, une nana qui... Et... qui travaillent déjà, juste une amas qui travaille à l'écran, tu vois ce que je veux dire. Mais combien ne se sont pas senties représentées dans le personnage pour plein de raisons. Donc aujourd'hui, c'est la finesse et la nuance et la façon dont on arrive à travailler, à traiter ces sujets-là, c'est lié exclusivement à la typologie de personnes à qui on ouvre le secteur. Et c'est pour ça que tu parlais de plafond de verre et de mon engagement contre le plafond de verre dans le secteur aujourd'hui, c'est que l'entre-soi cinématographique, français ou ailleurs, il ne permet que de produire des contenus qui sont fidèles à cet entre-soi. Et c'est à la fois un enjeu sociétal, comme on vient d'en parler, mais un enjeu industriel aussi, parce que je le disais, si les gens ne se voient pas représenter correctement l'écran, ils n'iront plus voir les films. Donc c'est Rebecca Zlotowski, la réalisatrice, qui disait qu'on est en train de payer le fait d'avoir fait des films entre nous et pour nous. Et c'est tout l'enjeu, en fait, aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous recommander des films qui permettent justement d'ouvrir ce champ des possibles

  • Speaker #0

    J'ai déjà du mal à faire des top 10, on me demande tout le temps des top 10, des top 50, des top sur une certaine... sur plein de dynamiques. C'est-à-dire qu'à chaque époque, il y a eu des films qui ont fait bouger des lignes et même dans des films qui ne sont pas des films hyper importants, il y a des personnages qui ont en fait fait bouger des lignes, etc. Je disais tout à l'heure, Ridley Scott et James Cameron, c'est deux réalisateurs hommes qui ont beaucoup fait dans le cinéma d'action et le cinéma mainstream pour créer des personnages féminins qui sont maîtres de leur propre destinée. Et du coup, j'aime beaucoup Ridley Scott et James Cameron pour ça. je suis une grande fan de Almodovar et ce que j'apprécie dans son cinéma et encore une fois on parle là de réalisateur masculin mais c'est juste pour le citer en premier il y a un traitement de la femme qui est intéressant pas tant dans le réalisme de ce en quoi on peut se projeter mais en fait dans la multitude des personnages qui sont traités par Almodovar il y a, en rassemblant l'ensemble des personnages, on crée une femme entière c'est comme ça qu'on doit regarder le film Et c'est ça qui est assez joyeux. C'est à quel point il a eu à cœur d'essayer de comprendre lui en tant qu'homme ce qu'est une femme. Donc, ce n'est pas réaliste, mais il y a une forme d'amour pour le féminin qui est très jolie à voir. Et après, il faut consciemment aller voir des films qui ont été faits par des femmes parce que c'est là qu'on voit qu'on a un traitement qui est très différent. Donc, il y a... effectivement les gros films qui ont fait parler de, enfin tu vois, les grosses réalisatrices, les Greta Gerwig, les Chloé Zalao, etc., qui sont des réalisatrices récentes de cette génération qui est la nôtre en fait, qui a envie de bouger les codes et qui a fait des gros films hollywoodiens, qui ont fait des gros films hollywoodiens qui sont hyper intéressants. Il y a les réalisatrices françaises qui sont primées aujourd'hui, donc on parlait de Justine Trié tout à l'heure, il y a Audrey D. Wan, il y a Coralie Fargeac, allez voir The Substance par exemple. un des films qui a été nommé aux Oscars, qui était un grand film, il faut consciemment essayer de voir s'il y a des films qui ont été faits par des femmes, parce que ça change drastiquement la façon dont les personnages sont présentés. Et en fonction des thématiques, il faut se dire, tiens, comment il a travaillé Est-ce qu'il a vraiment fait appel, je disais tout à l'heure, à des personnes en situation de handicap Est-ce que, ben voilà, si c'est un réalisateur noir, comment il a traité de la question des personnages noirs à l'écran Quand on veut parler du film, d'une communauté Est-ce qu'il y a des personnes de cette communauté qui ont travaillé à la rédaction C'est ça qui est intéressant à crever. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre, comme quand on découvre l'histoire de l'art. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre. Il y a les hommes et les femmes qui sont derrière l'œuvre, qui jouent. Après, j'ai des petites chouchous de personnages féminins qui m'ont transcendée depuis que je suis gamine. Je te dirais qu'effectivement, je le disais tout à l'heure, Hélène Ripley, Sarah Connor, Thelma et Louise, des personnages qui m'ont... qui m'ont versé des films indépendants américains parce que moi c'est mon goût personnel je pense à Juno par exemple et là encore c'est une scénariste femme qui a créé ce personnage, Diablo Cody elle s'appelle, donc Diablo Cody c'est une scénariste qui était strip-teaseuse avant de devenir scénariste un personnage complètement fou Diablo Cody Juno c'est un personnage, c'est un apprentissage de l'adolescence qui est très chouette. On a à peu près le même âge qu'Elliot Page, donc je me suis vachement transposée dans ce personnage-là. Ou pour les enfants, il faut attendre encore un petit peu, mais pour les pré-ados, je dirais Little Miss Sunshine, le personnage qui est joué par Abigail Breslin dans Little Miss Sunshine. Ben oui, c'est un peu une façon de s'affranchir des codes de ce que c'est d'être un enfant et de revenir au pur de ce qu'est un enfant, en fait. Moi, j'adore ce personnage féminin-là. Il est fou.

  • Speaker #1

    J'adore. Dès que tu as dit Little Miss Sunshine, tout mon visage s'est illuminé.

  • Speaker #0

    C'est un de mes films préférés au monde.

  • Speaker #1

    Je prendrai une liste et on la mettra dans les notes de cet épisode, parce que ça permet quand même de savoir ce qu'on cherche après, quand on cherche un film à regarder le soir, le samedi soir. Le mot de la fin, Caroline, ce serait quoi

  • Speaker #0

    J'entends souvent, on me les dit souvent, parce que le fait d'être présente sur les réseaux, ça te confronte aussi à des personnes avec lesquelles tu ne débattrais pas forcément dans la vie en général. Et j'entends très souvent, de façon incurrente, avec tout ce qui se passe dans le monde, les conflits géopolitiques, le réchauffement climatique, le combat pour une juste représentation à l'écran, tu m'excuseras, mais ce n'est pas prioritaire. Ce n'est pas le sujet de fond. Le nombre de fois où j'ai eu des ouais, vous feriez mieux de… au lieu de vous préoccuper de vos sujets de bobos parisiens, etc. Et en fait, pour moi, c'est une grossière erreur parce que comme on boucle la boucle, mais c'est ce qu'on disait au début, les récits, ça forge les identités. Ça forge les projections et ça crée les citoyens de demain, les votants de demain et donc les sociétés de demain. Et si on ne fait pas attention, en plus avec le flux des réseaux sociaux et les images dont on abreuve l'ensemble des populations, on propose des histoires et des récits qui vont créer cette société qu'on n'a pas très envie de voir demain. Donc pour moi, c'est au contraire au cœur de nos sujets sociétaux d'aujourd'hui. Quelles histoires on raconte pour les adultes de demain

  • Speaker #1

    J'adore, je suis complètement d'accord. Moi, je pense que le cinéma, et c'est pour ça aussi que j'avais envie de te recevoir au plateau de Toute Puissante, au micro de Toute Puissante. Je pense que comprendre l'impact de ce que nous, on a vu au cinéma sur nos propres représentations et nos propres croyances, notre propre rapport au pouvoir, ça nous permet déjà de déconstruire des croyances, de lever certains blocages. Et après, en plus, de se dire, bon, maintenant qu'on sait cet impact, comment on peut changer les choses pour les générations futures, ce que tu nous as expliqué. Ah, c'était passionnant. J'ai adoré cet échange, Caroline. J'espère que les personnes qui nous écoutent aussi. Et je te remercie pour ton temps. Je sais que tu fais plein, plein, plein de choses. Et donc, c'est encore plus précieux. Merci du temps que tu nous as accordé.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir écoutée et j'espère que j'ai motivé plein de gens à aller au cinéma, en salle, voir des films. C'est important d'aller en salle voir des films.

  • Speaker #1

    Ça me donne envie, en tout cas. Ça me donne envie d'y aller ce week-end.

  • Speaker #0

    Quelle est la prochaine séance Allez, allez au ciné tout de suite.

  • Speaker #1

    Mais surtout qu'il y a un super film. Bon, on en parlera après. Parce que je pense que l'épisode sera publié dans un moment où ce film ne sera plus à l'antenne, enfin ne sera plus au cinéma. Et voilà, c'est déjà la fin de cet épisode. merci d'avoir écouté. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et à très bientôt pour un nouvel épisode. Plante puissance Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissance. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. À très bientôt. pour un nouvel épisode plein de puissance.

Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes !


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Caroline Saphir à mon micro !


Caroline est experte du cinéma depuis près de 20 ans. À la tête de Commune Image en Seine-Saint-Denis, elle œuvre à démocratiser l’accès au cinéma et à faire émerger de nouveaux récits.

Sa conviction ? Changer les récits, c’est changer les places : briser les stéréotypes et faire du cinéma un levier de transformation sociale.

Sur YouTube et LinkedIn, elle analyse les films pour montrer comment les représentations influencent nos croyances.


Mais alors:


Comment le cinéma façonne-t-il notre rapport au pouvoir, et en particulier, notre vision des femmes puissantes


  • 👑 Pourquoi les femmes puissantes à l’écran sont-elles souvent perçues comme froides, manipulatrices ou menaçantes ?

  • ⚡ Peut-on rêver de puissance autrement ? Et surtout, créer des récits qui élèvent plutôt que d’enfermer ?


Nous verrons ensemble les mécanismes invisibles qui conditionnent nos représentations et nos ambitions – surtout quand on est une femme.

Un épisode à ne pas manquer pour toutes celles qui veulent s’autoriser à occuper toute la scène. Sans compromis. Sans caricature.


🎧 Bonne écoute !


Retrouvez Caroline ici:


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du Club de Pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre à un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes 8 Tempes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Caroline Saphir. Bonjour Caroline.

  • Speaker #1

    Bonjour Kaouta.

  • Speaker #0

    Alors, laissez-moi vous en dire plus sur Caroline Saphir. Caroline est experte du cinéma et de ses coulisses. Depuis près de 20 ans, elle met son expertise au service d'un objectif clair, décoder le cinéma sans jargon et montrer comment il façonne nos imaginaires et nos sociétés. En scène dirigeante de Communimage, lieu emblématique du cinéma en Seine-Saint-Denis, elle a accompagné des dizaines de talents et porté des projets ambitieux pour transmettre et démocratiser le 7e art. Aujourd'hui suivie par plus de 10 000 personnes sur LinkedIn et YouTube, elle crée des contenus où elle décrypte les films qui ont marqué le cinéma et influencé nos façons de penser. Derrière chaque analyse, une conviction. Changer les récits, c'est aussi changer les places. Sans combat, briser le plafond de verre du secteur et défendre une représentation plus juste devant, comme derrière la caméra. Alors Caroline, aujourd'hui, on est ensemble pour aborder un sujet qui, moi, m'a toujours interpellée. Et comme je suis une de tes fans sur YouTube et sur LinkedIn, je me suis dit que tu étais la personne la mieux placée pour nous aider à comprendre justement cette problématique qui est comment le cinéma façonne notre manière de voir les choses et en particulier notre représentation de la relation que les femmes entretiennent avec le pouvoir. Alors, avant d'arriver aux femmes et au pouvoir dans le cinéma, j'aimerais qu'on remette un petit peu de contexte et que tu nous expliques, Caroline, quel est le lien entre le cinéma et notre façon de nous projeter dans le monde.

  • Speaker #1

    Un vaste sujet. En fait, je pense qu'il y a dans le cinéma, et encore une fois, quand on parle de cinéma, on va parler vraiment de la salle de cinéma aujourd'hui et des films qui sont projetés en salle, même si on peut élargir aux séries, etc., qui ont aussi une influence sur notre façon de voir les choses, mais là, on va parler vraiment purement de cinéma. Et quand on parle de cinéma, on parle souvent d'expérience collective. Et c'est vrai que la particularité, pour moi, du cinéma, c'est que c'est à la fois un miroir et un projecteur. C'est-à-dire qu'en fait, on va tous dans une salle, on va tous regarder dans la même direction ou vers l'écran, mais on ne va pas tous sortir avec la même expérience, avec le même ressenti, avec le même retour sur l'expérience qu'on vient de vivre. Parce qu'on vit cette expérience collective dont je parlais et en même temps, un moment de réflexion qui est très intime en fait. Parce qu'on n'est pas dans un échange avec la personne qui est à côté de soi quand on regarde le film, on vit son expérience intimement, on peut la partager a posteriori, et en même temps, on est dans cet espace collectif. Et je pense que c'est cette particularité-là qui fait du cinéma un vecteur d'influence qui est assez profond dans notre façon de nous projeter, en fait, dans la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, si je comprends bien, ce que tu nous dis, c'est qu'il y a cette expérience collective qu'on va venir mélanger avec notre vécu intime. Et du coup, ça fait que chacun individuellement va se projeter dans ce qu'on voit au cinéma. Mais... à travers notre prisme individuel.

  • Speaker #1

    Et de cette opposition-là naît la nécessité d'un dialogue. C'est-à-dire que tu es face à une œuvre dont tu vas avoir absolument l'envie de partager en sortant ce que tu en as ressenti puisque tu l'as vu en même temps que l'autre. Mais tu te rends compte qu'en fait, ton point de vue n'est pas exactement le même que la personne qui était à côté de toi. Et c'est un moment assez rare, au final. Dans la vie, même dans l'expérience collective, tu vois un match de foot, tu vois un match de foot. tu vois les mêmes actions sur le terrain, etc. Et il y a l'expérience collective qui joue aussi. Dans l'appréciation d'une œuvre plastique, etc., tu es dans une réflexion qui t'est propre, tu n'es pas dans une expérience collective concomitante, c'est-à-dire que les gens ne regardent pas en même temps la même œuvre systématiquement. Tu vois ce que je veux dire Donc dans la salle, il y a ce moment un peu suspendu qui fait qu'en sortant, tu dis Ah mais attends, j'ai besoin d'en parler Et c'est ça qui est assez unique, au final.

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. Mais du coup, si on va un petit peu plus loin, il y a quand même un truc en plus, j'ai l'impression, avec le cinéma, qui est l'impact que ça va avoir sur nos mentalités individuelles, mais aussi à plus grande échelle sur notre société. Comment tu l'expliques

  • Speaker #1

    Il y a la partie immersive. On raconte souvent l'histoire de la projection du premier film des Frères Lumière, le train entrant en salle de... en gare de la Ausha, on disait que c'était la première fois qu'ils ont projeté le film. Les gens ont été terrorisés, ils ont cru vraiment qu'ils allaient se faire écraser par le temps et qu'ils rentraient en gare. Aujourd'hui, on a beaucoup plus de recul sur l'aspect immersif du cinéma, mais en fait, ça reste un espace où on interagit avec l'ensemble de nos sens. Dans le cas, je les exclue et je m'en excuse des personnes en situation de handicap parce qu'effectivement, quand on est malentendant ou malvoyant, on n'a pas forcément la même expérience et on essaye de travailler de plus en plus aujourd'hui au fait que ce soit justement le plus immersif possible pour ces personnes-là. Mais sur le cinéma tel qu'on l'entend pour les personnes qui ne sont pas en situation de handicap, il y a une dimension très, très immersive qui touche à l'ensemble de tes sens. Donc, tu as vu, on n'a pas encore l'odorat, mais il y en a qui y travaillent. Et je pense que ça nous plonge, en fait. Il y a une dimension de plonger dans l'histoire, mais aussi, au-delà de plonger dans l'histoire par les sens, une quasi-obligation de se transposer dans l'histoire à la place d'un ou de plusieurs personnages en fonction des scènes. Et c'est là que la question des représentations est hyper centrale, parce que c'est dans quelle mesure je peux me projeter et sur qui je vais me projeter dans l'histoire. Et quand on ne se voit pas à l'écran, quand on est en incapacité de se voir à l'écran, souvent on se désintéresse du film en lui-même, il y a moins d'attrait. Et c'est en ça que je dis que l'enjeu de la représentation est aussi un enjeu industriel pour le secteur, parce qu'en fait, on se rend compte aujourd'hui qu'il y a un désintérêt progressif des jeunes pour les contenus cinématographiques. Et je... pense, moi mon avis profond c'est que c'est en partie lié au fait que les jeunes ne se retrouvent pas dans les personnages qui leur sont proposés. Et quand ils s'y retrouvent, en revanche, ils y vont à fond les ballons. Donc c'est ça qui est intéressant et c'est ça qu'il faudrait creuser. Et je pense qu'aussi il y a cet aspect rêve du cinéma qui fait que quand tu te projettes dans un personnage, ça nourrit aussi tes rêves, ça nourrit tes ambitions, ça nourrit ce que tu peux espérer pour le futur. On parle encore de la jeunesse. Et donc, je pense qu'on a une responsabilité, nous, en tant que créateurs, à proposer des contenus qui permettent à ces générations-là de se projeter dans des vies qui sont positives. Et c'est là qu'on peut avoir un impact sur la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, il y a d'une part, nous, qui nous projetons dans ce qu'on voit, ce qui nous est proposé. Et ça va résonner plus ou moins fortement avec un ou plusieurs des personnages. Et puis, du coup, par le fait qu'on se projette, on se nourrit. Et donc le cinéma vient projeter dans notre inconscient de trajectoires, de possibles, d'idées, de pensées, de choix, c'est ça

  • Speaker #1

    Exactement, c'est l'influence du récit sur ta propre trajectoire de vie. Et ça c'est au niveau micro, mais on peut évidemment le transposer au niveau macro, au niveau d'une société, parce qu'on peut, et je reviens sur la question du dialogue après, on peut soulever des faits de société. à travers cette oeuvre-là, qui peuvent permettre de renouer le dialogue sur des thématiques qui sont extrêmement complexes. C'est des choses que j'ai eu la chance de voir sur le terrain en concret, notamment en travaillant avec des jeunes du territoire de Seine-Saint-Denis, autour de films qui traitaient par exemple des rapports filles-garçons, à travers, je me souviens notamment d'un film qui s'appelait La belle équipe de Mohamed Hashimi, qui est un film qui parle d'une équipe de foot féminine. Et qu'on se rend compte qu'on arrive à tirer le fil sur justement le rapport filles-garçons dans les quartiers, au-delà du sport typiquement féminin. C'est-à-dire que tu peux tirer le fil et pour renouer un dialogue sur des thématiques qui sont en général assez complexes et qui créent un peu la polémique et qui peuvent devenir conflictuelles. Et à travers l'œuvre, on arrive à renouer un dialogue. Et c'est ça qui est passionnant en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc on en arrive justement à notre thématique. Donc maintenant qu'on a... que tu nous as expliqué quel impact le cinéma peut avoir sur nos trajectoires de vie, ce qu'on pense possible pour nous, les modèles qu'on a, les idées, les pensées, les croyances qu'on va nourrir. On va revenir justement à la thématique des femmes et du pouvoir. Et j'aimerais avoir ton analyse d'experte sur ces représentations des femmes et du pouvoir dans les films. Comment ça se traduit justement sur notre société

  • Speaker #1

    Alors, il y a des faits très concrets. J'ai des petites notes, je balance à tout le monde des petites notes parce qu'il y a des chiffres et que je veux donner les vrais chiffres. Je sais à quel point parfois il y a des gens qui reviennent sur un petit détail pour ne pas entendre l'aspect macro de la chose. Mais il y a un aspect qui est très concret, en fait. Il ne faut jamais oublier que le cinéma, c'est un art, mais c'est aussi une industrie. Et qu'en fait, la problématique de base sur la thématique qu'on va aborder aujourd'hui, c'est que... En fait, encore aujourd'hui, malgré ce qu'on croit, la majorité des récits, ils sont écrits et produits. par des hommes. Et donc, le pouvoir dans notre industrie, il est logiquement auprès de ceux qui financent et de ceux qui décident. Et aujourd'hui, ce sont encore majoritairement des hommes. Donc, je te donne des petits exemples, mais par exemple, aux États-Unis, donc à Hollywood, il y a seulement 12% des réalisateurs des plus gros succès en 2023 qui étaient des femmes. 12%, pas grand-chose. En France, aujourd'hui, le budget moyen d'un film qui est réalisé par une femme, il est 21% inférieur à celui réalisé par un homme. Donc, Tu t'es expliqué que déjà

  • Speaker #0

    Tu veux dire quoi C'est 21%. C'est fou. C'est à peu près le même ordre de grandeur que l'écart de salaire moyen entre hommes et femmes en France, qui est de 24-25%. C'est dingue qu'il y ait vraiment ce même rapport de force, entre guillemets, et ce rapport d'argent entre les salaires, mais aussi les budgets alloués aux films de femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est fou. D'ailleurs, plus... Et donc, ça se traduit aussi dans le fait que plus tu as des films à budget conséquent, moins tu retrouves de femmes. C'est un peu comme le nombre de femmes au top management du CAC 40. C'est exactement la même chose. On est dans le même rapport. Les trois films qui ont coûté le plus cher en 2023, c'était Le Comte de Monte Cristo, il y avait un biopic sur De Gaulle, et L'Amour Ouf, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, donc c'est au-delà de 30 millions, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, est quasi exclusivement produit par des hommes. Je crois qu'il y a une femme qui est coproduite sur l'amour. Je ne dis pas de bêtise, mais ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Et les rôles principaux sont attribués à des hommes.

  • Speaker #1

    Et voilà, et en fait, c'est justement ça. C'est que cet écart de pouvoir économique, il se traduit à l'écran. Parce que les femmes, elles sont sous-représentées dans les rôles principaux. Comme tu viens de le dire, je crois qu'il y a seulement 30 des 100 films les plus rentables de 2023 avaient des héroïnes principales féminines. 50% de la population, 30% des rôles principaux. déjà il y a un écart qui est quand même pas mal et quand elles sont présentes elles sont souvent cantonnées à des rôles qui restéréotypés et là on va en venir au pouvoir mais qui sont la muse, la victime, la compagne la méchante, vénale parce que quand on parle de pouvoir on parle pas de pouvoir au sens conceptuel mais souvent au concept de l'argent mais je pense que ça on va y revenir un peu plus tard mais ce qui est intéressant si on parle alors Si on parle de cinéma, il y a plusieurs cinémas, et on va me dire qu'il y a des films d'auteurs, les rapports ont évolué, etc. C'est vrai. Mais déjà, si on parle du cinéma purement mainstream, donc des blockbusters, etc., on se rend compte qu'il y a une... Tout le monde le sait, c'est qu'il y a une forme de manichéisme dans ces gros blockbusters. Je parle des Disney, des Marvel, etc. Donc, tu as les gentils, les méchants. Et que quand le personnage est féminin et a du pouvoir, il est quasi systématiquement placé du côté des méchants. Je te parle de Cruella, de Maléfique, de la sorcière, en fait. Celle qui a les pouvoirs. Je te parle de pouvoirs, pouvoirs magiques, mais tu vois, de pouvoirs. Alors évidemment, tu as Wonder Woman et tu as une ou deux super-héroïnes en plus, mais la notion de pouvoir, elle est très souvent ramenée au fait qu'il y a... une forme de transgression, de capacité à la manipulation. Tu vois, il y a quelque chose de... Et ça, ça remonte aux histoires, aux contes, etc. Mais le pouvoir et les femmes, c'est souvent quelque chose d'assez... Ouais, transgressif. On est du côté obscur de la force.

  • Speaker #0

    D'accord, donc si je comprends bien ce que tu es en train de nous dire, c'est qu'on va se cantonner aux films qui ont le plus de succès, donc ça va être les blockbusters, etc. Parce que... C'est comme tu dis, dès qu'on commence à parler de ces sujets, on va avoir les classiques. Oui, mais vous n'allez pas voir les bons films, etc. On va parler des films qui ont le plus de succès parce que c'est ceux qui sont le plus vus. Et sur ces films-là, ce que tu expliques, c'est qu'il y a ce manichéisme, le bien contre le mal, les gentils contre les méchants. Et quand on regarde et qu'on analyse au sein des rôles où se placent sur ce curseur de bien et de mal les rôles... de femmes qui ont un pouvoir, c'est généralement du côté du mal. Donc, t'as pris l'exemple de Cruella ou des Marvel, moi, ça me fait tout de suite penser au Diable s'habille en Prada. C'est pareil, c'est la femme qui a du pouvoir, et bam, elle est chez les méchants.

  • Speaker #1

    Le Diable s'habille en Prada, c'est un exemple parfait de la façon dont on représente l'accession au pouvoir pour les femmes dans le cinéma moderne. C'est-à-dire qu'en fait, déjà, il y en a peu, donc tu peux me sortir Diable s'habille en Prada, mais à chaque fois que je parle de cette thématique, globalement, il y a... très très peu d'exemples jusqu'à ces races-là. Et deuxièmement, quand une femme accède au pouvoir, on se rend compte qu'assez souvent, on la dépeint comme acariâtre, difficile. Elle est seule aussi dans son atmosphère générale, donc c'est ce fameux syndrome de la schtroumpfesse, c'est-à-dire quand une femme arrive en haut de la pyramide, forcément c'est qu'elle a écrasé toutes les autres avant, donc il ne reste qu'elle. Mais aussi, on se rend compte qu'il y a une forme d'abandon du reste des aspects de sa vie, c'est-à-dire qu'en fait, elle a choisi... le succès à défaut du bonheur, de l'amour, d'un rôle de mère, etc. Et donc Miranda, c'est une super représentation de ça. C'est-à-dire qu'en fait, elle est seule, elle est dure, et dans le fil de l'histoire, on se rend compte qu'elle a des difficultés avec son mari, qu'il la quitte, etc. Désolée pour le spoiler. Et qu'elle a peu d'amis. Les gens se rendent compte qu'il y a cette nécessité de laisser tomber tous les autres pans de son existence.

  • Speaker #0

    D'accord, donc là, on touche à deux choses. D'une part, une femme qui a le pouvoir. c'est globalement une méchante. Et d'autre part, une femme qui a le pouvoir aujourd'hui ou une femme qui souhaite arriver au pouvoir va devoir sacrifier tous les autres pans de sa vie. Elle ne peut pas avoir comme un homme à la fois la super carrière et la femme, les enfants, et rentrer le soir et être acclamée et avoir le repas déjà tout prêt.

  • Speaker #1

    Le pouvoir, ça coûte très cher. En gros, c'est ça le message.

  • Speaker #0

    Aux femmes.

  • Speaker #1

    Aux femmes, tout à fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et tout à l'heure, tu m'as dit que dès qu'on commençait à toucher au pouvoir, on touchait aussi à l'argent. Est-ce que tu peux nous parler aussi du rapport des femmes et de l'argent dans le cinéma

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est un sujet qui est assez passionnant à regarder parce que je pense que c'est très très visible pour peu qu'on y porte un peu d'attention. Les femmes, elles sont ostensiblement très peu montrées comme en gestion de l'argent dans le cinéma moderne. Et c'est d'autant plus visible. On étudie des films qui traitent, à proprement parler, d'argent. Je parle de Wall Street, les deux volets de Wall Street, du lot de Wall Street, etc. Là, elles sont représentées, jamais en maîtrise du cash, comme un centre de coût, comme une preuve de richesse, comme une figure décorative. C'est ça qui est assez affligeant quand on y prête un peu attention. Parce que quand on parle d'un pouvoirment féminin, La dimension financière, elle est très, très puissante. Et on se rend compte qu'il y a très peu de femmes, de plus en plus aujourd'hui, mais qui sont formées à la question de la gestion de leur propre patrimoine, etc. Je ne sais plus quelle est la date où les femmes françaises ont le droit d'avoir leur propre compte en banque, mais je pense que c'est assez puissant.

  • Speaker #0

    Les années 60, c'est récent. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est très bien représenté, en fait. Dans le cinéma, on en prend très, très vite conscience. C'est-à-dire que la gestion financière, c'est un sujet masculin.

  • Speaker #0

    C'est même pire, là, j'ai l'impression. Non seulement... La gestion financière, c'est un sujet masculin. Mais en plus, l'argent permet d'objectifier les femmes en prix, en petites statuettes en or. C'est elle, finalement, le gros mot de l'argent. Ou au contraire, en coût et en gouffre financier qui va prendre la carte bleue et aller dépenser l'argent gagné à la sueur du front de monsieur.

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est ça qui est... Très inquiétant sur cette dynamique financière. Et si j'extrapole la dynamique financière au fait de faire une carrière, la façon dont on projette la carrière, les évolutions professionnelles des femmes à l'écran, on se rend compte aussi que c'est assez peu ou quasiment jamais le sujet principal d'un récit. C'est-à-dire, s'il y a une évolution professionnelle pour une femme, et il y a un exemple qui est très parlant pour ça, c'est un film qui s'appelle Working Girl qui est sorti dans les années 20. de 1988, et qui traite, c'est le pitch initial du film, c'est l'évolution, l'évolution de carrière de Tess McGill, qui est une jeune femme qui commence secrétaire, mais qui a des ambitions, qui veut évoluer dans le Merger and Acquisition à Manhattan à la fin des années 80. Et au lieu de suivre son évolution de carrière comme le propos du film, en fait, le sujet va devenir la rivalité avec la seule autre femme. qui est dans le prisme du film, et non seulement une rivalité pour un job, mais qui devient une rivalité pour un mec. Et donc, on voit assez peu des femmes avoir une stratégie de projection pour piloter leur propre carrière. En gros, quand elles y arrivent, c'est soit un coup de bol, soit parce qu'elles ont écrasé notre nana, soit parce qu'il y a un homme dans l'histoire et qu'il y a une intrigue amoureuse.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser tout de suite, moi, à Bridget Jones. où selon le numéro du film, on la voit au début, pareil, c'est un peu la secrétaire, je ne sais plus si c'est les secrétaires, mais on sent qu'elle est un peu au bas de l'échelle. Et au fur et à mesure des volets du film, donc le 2, le 3, machin chose, elle gagne en pouvoir d'achat, elle gagne en galon, elle devient présentatrice, machin chose. Mais à nouveau, c'est jamais le centre de l'intrigue. Le centre de l'intrigue, c'est est-ce qu'elle va trouver l'âme sœur Finalement, son boulot, c'est vraiment là par hasard. On a l'impression qu'elle a été promue grâce à son chéri d'abord, ou grâce à ses charmes, ou vraiment par hasard, et qu'elle n'a pas du tout les compétences pour le job. Voilà.

  • Speaker #1

    Soit elle est arrivée au bon endroit au bon moment, elle a eu un coup de bol, soit il y a l'intervention d'un homme derrière, ce qui fait que... elle a évolué, il n'est pas question de ses compétences spécifiques, moi notre cas particulier de Bridget Jones c'est juste qu'en fait tout le monde l'aime bien c'est le tout côté affectif mais on est en empathie avec elle mais il y a assez peu l'idée de poser ses propres jalons d'évolution de carrière. Alors là on a quand même parlé, je te parlais de Working Girl tout à l'heure c'est un film de la fin des années 80 et même si Bridget Jones, il y a un volet assez récent qui est sorti ça reste des films pas totalement récents Donc déjà, il faut mettre un petit bémol, c'est que c'est... Enfin, c'est pas un bémol d'ailleurs, c'est une évolution positive, au contraire. Il y a de plus en plus de films qui disruptent un peu ce modèle-là. Et c'est pour ça que Anatomie d'une chute par exemple, est un film, pour moi, qui a une grande importance sur cette question de dynamique de pouvoir, des déséquilibres de dynamique de pouvoir. Parce que, pour la première fois, on traite en filigrane de la façon dont la société réagit à une femme qui est plus successful que son compagnon masculin. qui est autonome, qui gagne sa vie, qui a réussi par elle-même, pour elle-même. Et on a un vrai regard honnête sur la façon dont la société réagit à ça.

  • Speaker #0

    Alors, et encore, c'est en filigrane, parce que je pense que comme on ne sait pas comment ça se finit, si je me souviens bien, sans spoiler personne non plus, il me semble que... Et on revient à ce que tu as dit très justement au tout début du film, c'est que ce film en particulier, quand on le finit, on a besoin d'en parler. Et donc forcément, il y a ces conversations de, à ton avis, comment tu as perçu les différents personnages. Et moi, je me souviens quand on en a parlé dans mon entourage, mais beaucoup de gens détestaient le personnage principal féminin dans ce film, qu'elle est vue comme acariâtre. On revient exactement à ce manichéisme où elle est vue comme quelqu'un un peu odieux, qui n'est pas aimable. aimable dans le sens digne d'être aimé.

  • Speaker #1

    Je pense que déjà, en fonction du genre et en fonction de la tranche d'âge, l'avis sur la fin du film diffère énormément. Mais tu as raison, effectivement. Moi, de mon propre point de vue, il n'y a rien de détestable dans ce personnage. Et c'est vrai que le travail de la nuance est tellement fort dans ce film que ça laisse la possibilité, et on en revient à l'expérience collective et à l'intime, d'avoir un avis très différent sur... sur ce qui a pu se passer en réalité.

  • Speaker #0

    Et un autre point que tu as soulevé, sur lequel j'aimerais revenir, tu as parlé de, ça c'est des films anciens et les choses sont en train d'évoluer. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il y a des films un peu générationnels. Tu vois, quand j'ai parlé de Bridget Jones, je pense qu'il y a toute une génération des, alors je ne me souviens plus le nom, Millenials ou X ou Z, mais... Tous ceux qui ont grandi dans les débuts des années 2000, qui avaient à peu près 18 ans, 20 ans, au début des années 2000, ont vu ces films et ça a construit la façon dont elles, pour les femmes, allaient se projeter dans leur carrière. Et pareil pour Working Girls dans les années 80, ça a façonné la façon dont les femmes se sont projetées et les possibles qu'elles se sont mis en tête et les limites. et les barrières qu'elles se sont mises en tête aussi. Donc, est-ce qu'il n'y a pas aussi cette notion de décalage C'est-à-dire que les jeunes qui ont 18-20 ans aujourd'hui et qui regardent des films aujourd'hui vont se construire un univers de possible en fonction des films qu'ils et elles vont regarder aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Si, moi je suis complètement d'accord avec toi. C'est d'ailleurs toute la question de la responsabilité qu'on porte nous en tant que professionnels du secteur à proposer des projections qui sont structurantes. pour l'avenir de cette jeunesse-là qui va rentrer, là, on parle du monde du travail, mais sur d'autres dynamiques aussi sociétales. Moi, je pense que, enfin, il y a eu d'autres personnages féminins, là, on parle de carrière, on parle de réalisme extérieur, il y a eu d'autres personnages féminins qui ont eu leur importance pour notre génération et puis la génération précédente, tu vois, des personnages comme Sarah Connor dans Terminator, comme Ellen Ripley dans Alien, d'ailleurs, Ridley Scott, il faut citer Ridley Scott comme un... Un réalisateur masculin qui a fait énormément pour la représentation des femmes à l'écran, et tu vois, dans des films d'action pure et dure qu'on pensait orienter pour les mecs, mais c'est les premières représentations féminines de nanas qui ne sont pas là pour être dans la séduction, pour être dans une hyper-sexualisation, et qui sont au contraire partie prenante de l'intrigue pour la première fois, alors qu'il n'y en avait pas tant que ça. Et évidemment, Thelma et Louise, on en parle parce que nous, on en a parlé longuement. mais qui sont les premières représentations des femmes qui reprennent en main leur propre parcours de vie. Donc il y en avait. à l'époque, et il y en a de plus en plus. Et il y en a de plus en plus qui représentent tout type de femmes aussi. Des femmes racisées, des femmes en situation de handicap, des femmes... Donc, avec ce souci de la juste représentation qui fait que les jeunes filles, aujourd'hui, elles peuvent se transposer dans ces parcours de vie-là et dans des parcours où elles reprennent la main, où elles ne sont pas tributaires du choix des autres, mais où elles sont empouvoirées à. Et d'ailleurs... Si on parle de pouvoir et qu'on déconstruit complètement, il y a un sujet, on en parle souvent du female gaze, du male gaze, du female gaze. Et une des problématiques du male gaze, c'est la façon dont un homme qui tourne un film regarde le corps de la femme. Une des problématiques du male gaze, c'est la déconstruction du corps féminin. C'est-à-dire qu'on présente la femme en tranches. Les scènes de sexe, on voit ses seins, ses fesses, etc. Ça arrive très peu fréquemment pour un homme. Et donc, on représente la femme à travers son corps qu'on a saucissonné comme ça. Et qu'est-ce que c'est de saucissonner un être humain, enfin de découper un être humain, si ce n'est lui ôter sa capacité à agir, devient objet et pas sujet, tu vois Et donc, je pense que c'est aussi au cœur du sujet aujourd'hui, c'est le fait qu'il y a de plus en plus de femmes qui commencent à raconter des histoires. Elles sont encore trop peu nombreuses, mais qui commencent à raconter des histoires, à tourner des films, à financer des films, etc. qui fait qu'aujourd'hui, on a des femmes qui représentent la réalité de ce que les jeunes ont envie de voir.

  • Speaker #0

    Tu as parlé de différence entre la façon dont les corps des hommes et des femmes sont représentés à l'écran. Si on revient justement à ces représentations et aux différences entre les hommes et les femmes, en quoi elle est différente la représentation des hommes au pouvoir par rapport à celle des femmes

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, un homme au pouvoir à l'écran, son pouvoir, il est presque toujours légitimé. Il n'y a pas de remise en question, en fait, de l'accession au pouvoir d'un homme au cinéma futur. Quand on parle du parrain, la puissance masculine, elle est centrale avec des personnages qui sont complexes, qui sont souvent violents, mais qui sont toujours respectés dans leur pouvoir. Et à l'inverse, comme on le disait, les femmes, elles sont soit absentes du pouvoir, soit diabolisées dans le pouvoir, soit punies dans le pouvoir, parce que si elles l'ont eue, on l'a dit tout à l'heure, elles l'ont payée cher parce qu'elles ont... perdu autre chose. Et quand elles existent, tu vois, elles sont extrêmement seules. On parlait du diable Sabine Amprada, mais dans le film de Chantal Ackermann, Jeanne Dillemant, qui a été élu, je ne sais plus, film le plus important de l'histoire du cinéma il n'y a pas très très longtemps.

  • Speaker #0

    Il y a, dans l'autoréalisation de cette femme, cette femme qui guide sa vie comme elle, les choix qu'elle fait pour elle-même, elle est dans une solitude absolue. Ce n'est pas le cas des hommes au pouvoir. Tu vois, le parrain, il est entouré de plein de gens. Je pense à They will be blood aussi. C'est des rapports qui sont toxiques, etc. Parce qu'il n'y en a pas de cinéma, il y a quand même une histoire autour. Mais il n'y a pas de remise en question de cette accession au pouvoir, en fait. Elle est là.

  • Speaker #1

    Ce que tu nous dis, c'est qu'il n'y a pas de remise en question, que le film peut être complètement centré sur ce pouvoir masculin. Quand on parle du parrain, c'est grosso modo ça. On parle de l'accession, de l'exercice de ce pouvoir d'homme. Et l'homme est complètement entouré, choyé d'hommes et de femmes.

  • Speaker #0

    En fait, le pouvoir masculin, c'est un point de départ du film. C'est un élément du film. Alors que le pouvoir féminin, c'est un problème à résoudre. Elle est là, la distance entre les deux.

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Merci, mais c'est passionnant. C'est génial de voir justement ces petits éléments qui finalement vont s'imprimer dans l'inconscient de la société et qui font qu'on va remettre en question, sans s'en rendre compte, la légitimité d'une femme au pouvoir alors qu'on va l'accepter quand elle vient d'un homme. C'est un peu la poulet. Je pense qu'il y a... Il y a de la poule et il y a de l'œuf. Tu disais tout à l'heure que le cinéma, c'était à la fois un projecteur et un miroir. Donc, c'est un miroir de notre société qui vient reprojeter une nouvelle image dans nos têtes. Donc, ça vient perpétuer aussi les biais qui sont déjà là. Mais alors, du coup, la question à un million, Caroline, comment on fait pour sortir de ce cercle qui peut être soit vicieux, soit vertueux, selon le cas Comment on fait pour développer un autre imaginaire en tant que société À travers le cinéma, j'espère.

  • Speaker #0

    En fait, c'est assez logiquement avoir à cœur de changer qui sont les personnes qui racontent les histoires. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une prise de conscience de l'importance d'avoir une représentation de toute la société sur l'ensemble de la chaîne de production. Un tournage, c'est une entreprise collective et elle doit représenter la société qu'il est aussi, en fait. et on parlait de female gaze, de male gaze tout à l'heure, il faut qu'il y ait plus de femmes pour raconter plus d'histoires de femmes. Ça paraît logique. Il faut des gens en situation de handicap pour traiter du handicap dans la façon dont les personnes en situation de handicap le vivent. Le travail de fond de Artus sur un petit truc en plus, et ce qui a touché la société, les millions de personnes qui sont allées voir le film en salle, c'est le fait qu'il ait travaillé avec des personnes en réelle situation de handicap. en adaptant sa façon de travailler à des personnes en réelle situation de handicap. Je ne sais pas si je recommande aux gens qui nous écoutent d'aller regarder sur YouTube des séquences de travail de Artus avec certains des comédiens. C'est extrêmement touchant à voir, mais on voit qu'on ne travaille pas de la même manière où on travaillerait avec un comédien ou une comédienne pas en situation de handicap. Il y a une façon de s'adapter, mais c'est le modèle de production qui doit évoluer en ce sens-là. Et de la même manière, On doit parler de... On doit représenter des personnes racisées. Il faut que ce soit des personnes racisées avec les histoires qui portent en eux, qui racontent ces histoires-là. Parce que la justesse, la façon de... On parlait tout à l'heure de la façon dont on peut se projeter dans un personnage, c'est lié à la justesse de ce que tu vois en face de toi. Nous, on n'avait pas le choix. Je pense que les femmes, fin des années 80, quand elles voyaient Rock Working Girl, elles disaient, enfin, une nana qui... Et... qui travaillent déjà, juste une amas qui travaille à l'écran, tu vois ce que je veux dire. Mais combien ne se sont pas senties représentées dans le personnage pour plein de raisons. Donc aujourd'hui, c'est la finesse et la nuance et la façon dont on arrive à travailler, à traiter ces sujets-là, c'est lié exclusivement à la typologie de personnes à qui on ouvre le secteur. Et c'est pour ça que tu parlais de plafond de verre et de mon engagement contre le plafond de verre dans le secteur aujourd'hui, c'est que l'entre-soi cinématographique, français ou ailleurs, il ne permet que de produire des contenus qui sont fidèles à cet entre-soi. Et c'est à la fois un enjeu sociétal, comme on vient d'en parler, mais un enjeu industriel aussi, parce que je le disais, si les gens ne se voient pas représenter correctement l'écran, ils n'iront plus voir les films. Donc c'est Rebecca Zlotowski, la réalisatrice, qui disait qu'on est en train de payer le fait d'avoir fait des films entre nous et pour nous. Et c'est tout l'enjeu, en fait, aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous recommander des films qui permettent justement d'ouvrir ce champ des possibles

  • Speaker #0

    J'ai déjà du mal à faire des top 10, on me demande tout le temps des top 10, des top 50, des top sur une certaine... sur plein de dynamiques. C'est-à-dire qu'à chaque époque, il y a eu des films qui ont fait bouger des lignes et même dans des films qui ne sont pas des films hyper importants, il y a des personnages qui ont en fait fait bouger des lignes, etc. Je disais tout à l'heure, Ridley Scott et James Cameron, c'est deux réalisateurs hommes qui ont beaucoup fait dans le cinéma d'action et le cinéma mainstream pour créer des personnages féminins qui sont maîtres de leur propre destinée. Et du coup, j'aime beaucoup Ridley Scott et James Cameron pour ça. je suis une grande fan de Almodovar et ce que j'apprécie dans son cinéma et encore une fois on parle là de réalisateur masculin mais c'est juste pour le citer en premier il y a un traitement de la femme qui est intéressant pas tant dans le réalisme de ce en quoi on peut se projeter mais en fait dans la multitude des personnages qui sont traités par Almodovar il y a, en rassemblant l'ensemble des personnages, on crée une femme entière c'est comme ça qu'on doit regarder le film Et c'est ça qui est assez joyeux. C'est à quel point il a eu à cœur d'essayer de comprendre lui en tant qu'homme ce qu'est une femme. Donc, ce n'est pas réaliste, mais il y a une forme d'amour pour le féminin qui est très jolie à voir. Et après, il faut consciemment aller voir des films qui ont été faits par des femmes parce que c'est là qu'on voit qu'on a un traitement qui est très différent. Donc, il y a... effectivement les gros films qui ont fait parler de, enfin tu vois, les grosses réalisatrices, les Greta Gerwig, les Chloé Zalao, etc., qui sont des réalisatrices récentes de cette génération qui est la nôtre en fait, qui a envie de bouger les codes et qui a fait des gros films hollywoodiens, qui ont fait des gros films hollywoodiens qui sont hyper intéressants. Il y a les réalisatrices françaises qui sont primées aujourd'hui, donc on parlait de Justine Trié tout à l'heure, il y a Audrey D. Wan, il y a Coralie Fargeac, allez voir The Substance par exemple. un des films qui a été nommé aux Oscars, qui était un grand film, il faut consciemment essayer de voir s'il y a des films qui ont été faits par des femmes, parce que ça change drastiquement la façon dont les personnages sont présentés. Et en fonction des thématiques, il faut se dire, tiens, comment il a travaillé Est-ce qu'il a vraiment fait appel, je disais tout à l'heure, à des personnes en situation de handicap Est-ce que, ben voilà, si c'est un réalisateur noir, comment il a traité de la question des personnages noirs à l'écran Quand on veut parler du film, d'une communauté Est-ce qu'il y a des personnes de cette communauté qui ont travaillé à la rédaction C'est ça qui est intéressant à crever. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre, comme quand on découvre l'histoire de l'art. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre. Il y a les hommes et les femmes qui sont derrière l'œuvre, qui jouent. Après, j'ai des petites chouchous de personnages féminins qui m'ont transcendée depuis que je suis gamine. Je te dirais qu'effectivement, je le disais tout à l'heure, Hélène Ripley, Sarah Connor, Thelma et Louise, des personnages qui m'ont... qui m'ont versé des films indépendants américains parce que moi c'est mon goût personnel je pense à Juno par exemple et là encore c'est une scénariste femme qui a créé ce personnage, Diablo Cody elle s'appelle, donc Diablo Cody c'est une scénariste qui était strip-teaseuse avant de devenir scénariste un personnage complètement fou Diablo Cody Juno c'est un personnage, c'est un apprentissage de l'adolescence qui est très chouette. On a à peu près le même âge qu'Elliot Page, donc je me suis vachement transposée dans ce personnage-là. Ou pour les enfants, il faut attendre encore un petit peu, mais pour les pré-ados, je dirais Little Miss Sunshine, le personnage qui est joué par Abigail Breslin dans Little Miss Sunshine. Ben oui, c'est un peu une façon de s'affranchir des codes de ce que c'est d'être un enfant et de revenir au pur de ce qu'est un enfant, en fait. Moi, j'adore ce personnage féminin-là. Il est fou.

  • Speaker #1

    J'adore. Dès que tu as dit Little Miss Sunshine, tout mon visage s'est illuminé.

  • Speaker #0

    C'est un de mes films préférés au monde.

  • Speaker #1

    Je prendrai une liste et on la mettra dans les notes de cet épisode, parce que ça permet quand même de savoir ce qu'on cherche après, quand on cherche un film à regarder le soir, le samedi soir. Le mot de la fin, Caroline, ce serait quoi

  • Speaker #0

    J'entends souvent, on me les dit souvent, parce que le fait d'être présente sur les réseaux, ça te confronte aussi à des personnes avec lesquelles tu ne débattrais pas forcément dans la vie en général. Et j'entends très souvent, de façon incurrente, avec tout ce qui se passe dans le monde, les conflits géopolitiques, le réchauffement climatique, le combat pour une juste représentation à l'écran, tu m'excuseras, mais ce n'est pas prioritaire. Ce n'est pas le sujet de fond. Le nombre de fois où j'ai eu des ouais, vous feriez mieux de… au lieu de vous préoccuper de vos sujets de bobos parisiens, etc. Et en fait, pour moi, c'est une grossière erreur parce que comme on boucle la boucle, mais c'est ce qu'on disait au début, les récits, ça forge les identités. Ça forge les projections et ça crée les citoyens de demain, les votants de demain et donc les sociétés de demain. Et si on ne fait pas attention, en plus avec le flux des réseaux sociaux et les images dont on abreuve l'ensemble des populations, on propose des histoires et des récits qui vont créer cette société qu'on n'a pas très envie de voir demain. Donc pour moi, c'est au contraire au cœur de nos sujets sociétaux d'aujourd'hui. Quelles histoires on raconte pour les adultes de demain

  • Speaker #1

    J'adore, je suis complètement d'accord. Moi, je pense que le cinéma, et c'est pour ça aussi que j'avais envie de te recevoir au plateau de Toute Puissante, au micro de Toute Puissante. Je pense que comprendre l'impact de ce que nous, on a vu au cinéma sur nos propres représentations et nos propres croyances, notre propre rapport au pouvoir, ça nous permet déjà de déconstruire des croyances, de lever certains blocages. Et après, en plus, de se dire, bon, maintenant qu'on sait cet impact, comment on peut changer les choses pour les générations futures, ce que tu nous as expliqué. Ah, c'était passionnant. J'ai adoré cet échange, Caroline. J'espère que les personnes qui nous écoutent aussi. Et je te remercie pour ton temps. Je sais que tu fais plein, plein, plein de choses. Et donc, c'est encore plus précieux. Merci du temps que tu nous as accordé.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir écoutée et j'espère que j'ai motivé plein de gens à aller au cinéma, en salle, voir des films. C'est important d'aller en salle voir des films.

  • Speaker #1

    Ça me donne envie, en tout cas. Ça me donne envie d'y aller ce week-end.

  • Speaker #0

    Quelle est la prochaine séance Allez, allez au ciné tout de suite.

  • Speaker #1

    Mais surtout qu'il y a un super film. Bon, on en parlera après. Parce que je pense que l'épisode sera publié dans un moment où ce film ne sera plus à l'antenne, enfin ne sera plus au cinéma. Et voilà, c'est déjà la fin de cet épisode. merci d'avoir écouté. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et à très bientôt pour un nouvel épisode. Plante puissance Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissance. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. À très bientôt. pour un nouvel épisode plein de puissance.

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Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes !


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Caroline Saphir à mon micro !


Caroline est experte du cinéma depuis près de 20 ans. À la tête de Commune Image en Seine-Saint-Denis, elle œuvre à démocratiser l’accès au cinéma et à faire émerger de nouveaux récits.

Sa conviction ? Changer les récits, c’est changer les places : briser les stéréotypes et faire du cinéma un levier de transformation sociale.

Sur YouTube et LinkedIn, elle analyse les films pour montrer comment les représentations influencent nos croyances.


Mais alors:


Comment le cinéma façonne-t-il notre rapport au pouvoir, et en particulier, notre vision des femmes puissantes


  • 👑 Pourquoi les femmes puissantes à l’écran sont-elles souvent perçues comme froides, manipulatrices ou menaçantes ?

  • ⚡ Peut-on rêver de puissance autrement ? Et surtout, créer des récits qui élèvent plutôt que d’enfermer ?


Nous verrons ensemble les mécanismes invisibles qui conditionnent nos représentations et nos ambitions – surtout quand on est une femme.

Un épisode à ne pas manquer pour toutes celles qui veulent s’autoriser à occuper toute la scène. Sans compromis. Sans caricature.


🎧 Bonne écoute !


Retrouvez Caroline ici:


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du Club de Pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre à un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes 8 Tempes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Caroline Saphir. Bonjour Caroline.

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    Bonjour Kaouta.

  • Speaker #0

    Alors, laissez-moi vous en dire plus sur Caroline Saphir. Caroline est experte du cinéma et de ses coulisses. Depuis près de 20 ans, elle met son expertise au service d'un objectif clair, décoder le cinéma sans jargon et montrer comment il façonne nos imaginaires et nos sociétés. En scène dirigeante de Communimage, lieu emblématique du cinéma en Seine-Saint-Denis, elle a accompagné des dizaines de talents et porté des projets ambitieux pour transmettre et démocratiser le 7e art. Aujourd'hui suivie par plus de 10 000 personnes sur LinkedIn et YouTube, elle crée des contenus où elle décrypte les films qui ont marqué le cinéma et influencé nos façons de penser. Derrière chaque analyse, une conviction. Changer les récits, c'est aussi changer les places. Sans combat, briser le plafond de verre du secteur et défendre une représentation plus juste devant, comme derrière la caméra. Alors Caroline, aujourd'hui, on est ensemble pour aborder un sujet qui, moi, m'a toujours interpellée. Et comme je suis une de tes fans sur YouTube et sur LinkedIn, je me suis dit que tu étais la personne la mieux placée pour nous aider à comprendre justement cette problématique qui est comment le cinéma façonne notre manière de voir les choses et en particulier notre représentation de la relation que les femmes entretiennent avec le pouvoir. Alors, avant d'arriver aux femmes et au pouvoir dans le cinéma, j'aimerais qu'on remette un petit peu de contexte et que tu nous expliques, Caroline, quel est le lien entre le cinéma et notre façon de nous projeter dans le monde.

  • Speaker #1

    Un vaste sujet. En fait, je pense qu'il y a dans le cinéma, et encore une fois, quand on parle de cinéma, on va parler vraiment de la salle de cinéma aujourd'hui et des films qui sont projetés en salle, même si on peut élargir aux séries, etc., qui ont aussi une influence sur notre façon de voir les choses, mais là, on va parler vraiment purement de cinéma. Et quand on parle de cinéma, on parle souvent d'expérience collective. Et c'est vrai que la particularité, pour moi, du cinéma, c'est que c'est à la fois un miroir et un projecteur. C'est-à-dire qu'en fait, on va tous dans une salle, on va tous regarder dans la même direction ou vers l'écran, mais on ne va pas tous sortir avec la même expérience, avec le même ressenti, avec le même retour sur l'expérience qu'on vient de vivre. Parce qu'on vit cette expérience collective dont je parlais et en même temps, un moment de réflexion qui est très intime en fait. Parce qu'on n'est pas dans un échange avec la personne qui est à côté de soi quand on regarde le film, on vit son expérience intimement, on peut la partager a posteriori, et en même temps, on est dans cet espace collectif. Et je pense que c'est cette particularité-là qui fait du cinéma un vecteur d'influence qui est assez profond dans notre façon de nous projeter, en fait, dans la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, si je comprends bien, ce que tu nous dis, c'est qu'il y a cette expérience collective qu'on va venir mélanger avec notre vécu intime. Et du coup, ça fait que chacun individuellement va se projeter dans ce qu'on voit au cinéma. Mais... à travers notre prisme individuel.

  • Speaker #1

    Et de cette opposition-là naît la nécessité d'un dialogue. C'est-à-dire que tu es face à une œuvre dont tu vas avoir absolument l'envie de partager en sortant ce que tu en as ressenti puisque tu l'as vu en même temps que l'autre. Mais tu te rends compte qu'en fait, ton point de vue n'est pas exactement le même que la personne qui était à côté de toi. Et c'est un moment assez rare, au final. Dans la vie, même dans l'expérience collective, tu vois un match de foot, tu vois un match de foot. tu vois les mêmes actions sur le terrain, etc. Et il y a l'expérience collective qui joue aussi. Dans l'appréciation d'une œuvre plastique, etc., tu es dans une réflexion qui t'est propre, tu n'es pas dans une expérience collective concomitante, c'est-à-dire que les gens ne regardent pas en même temps la même œuvre systématiquement. Tu vois ce que je veux dire Donc dans la salle, il y a ce moment un peu suspendu qui fait qu'en sortant, tu dis Ah mais attends, j'ai besoin d'en parler Et c'est ça qui est assez unique, au final.

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. Mais du coup, si on va un petit peu plus loin, il y a quand même un truc en plus, j'ai l'impression, avec le cinéma, qui est l'impact que ça va avoir sur nos mentalités individuelles, mais aussi à plus grande échelle sur notre société. Comment tu l'expliques

  • Speaker #1

    Il y a la partie immersive. On raconte souvent l'histoire de la projection du premier film des Frères Lumière, le train entrant en salle de... en gare de la Ausha, on disait que c'était la première fois qu'ils ont projeté le film. Les gens ont été terrorisés, ils ont cru vraiment qu'ils allaient se faire écraser par le temps et qu'ils rentraient en gare. Aujourd'hui, on a beaucoup plus de recul sur l'aspect immersif du cinéma, mais en fait, ça reste un espace où on interagit avec l'ensemble de nos sens. Dans le cas, je les exclue et je m'en excuse des personnes en situation de handicap parce qu'effectivement, quand on est malentendant ou malvoyant, on n'a pas forcément la même expérience et on essaye de travailler de plus en plus aujourd'hui au fait que ce soit justement le plus immersif possible pour ces personnes-là. Mais sur le cinéma tel qu'on l'entend pour les personnes qui ne sont pas en situation de handicap, il y a une dimension très, très immersive qui touche à l'ensemble de tes sens. Donc, tu as vu, on n'a pas encore l'odorat, mais il y en a qui y travaillent. Et je pense que ça nous plonge, en fait. Il y a une dimension de plonger dans l'histoire, mais aussi, au-delà de plonger dans l'histoire par les sens, une quasi-obligation de se transposer dans l'histoire à la place d'un ou de plusieurs personnages en fonction des scènes. Et c'est là que la question des représentations est hyper centrale, parce que c'est dans quelle mesure je peux me projeter et sur qui je vais me projeter dans l'histoire. Et quand on ne se voit pas à l'écran, quand on est en incapacité de se voir à l'écran, souvent on se désintéresse du film en lui-même, il y a moins d'attrait. Et c'est en ça que je dis que l'enjeu de la représentation est aussi un enjeu industriel pour le secteur, parce qu'en fait, on se rend compte aujourd'hui qu'il y a un désintérêt progressif des jeunes pour les contenus cinématographiques. Et je... pense, moi mon avis profond c'est que c'est en partie lié au fait que les jeunes ne se retrouvent pas dans les personnages qui leur sont proposés. Et quand ils s'y retrouvent, en revanche, ils y vont à fond les ballons. Donc c'est ça qui est intéressant et c'est ça qu'il faudrait creuser. Et je pense qu'aussi il y a cet aspect rêve du cinéma qui fait que quand tu te projettes dans un personnage, ça nourrit aussi tes rêves, ça nourrit tes ambitions, ça nourrit ce que tu peux espérer pour le futur. On parle encore de la jeunesse. Et donc, je pense qu'on a une responsabilité, nous, en tant que créateurs, à proposer des contenus qui permettent à ces générations-là de se projeter dans des vies qui sont positives. Et c'est là qu'on peut avoir un impact sur la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, il y a d'une part, nous, qui nous projetons dans ce qu'on voit, ce qui nous est proposé. Et ça va résonner plus ou moins fortement avec un ou plusieurs des personnages. Et puis, du coup, par le fait qu'on se projette, on se nourrit. Et donc le cinéma vient projeter dans notre inconscient de trajectoires, de possibles, d'idées, de pensées, de choix, c'est ça

  • Speaker #1

    Exactement, c'est l'influence du récit sur ta propre trajectoire de vie. Et ça c'est au niveau micro, mais on peut évidemment le transposer au niveau macro, au niveau d'une société, parce qu'on peut, et je reviens sur la question du dialogue après, on peut soulever des faits de société. à travers cette oeuvre-là, qui peuvent permettre de renouer le dialogue sur des thématiques qui sont extrêmement complexes. C'est des choses que j'ai eu la chance de voir sur le terrain en concret, notamment en travaillant avec des jeunes du territoire de Seine-Saint-Denis, autour de films qui traitaient par exemple des rapports filles-garçons, à travers, je me souviens notamment d'un film qui s'appelait La belle équipe de Mohamed Hashimi, qui est un film qui parle d'une équipe de foot féminine. Et qu'on se rend compte qu'on arrive à tirer le fil sur justement le rapport filles-garçons dans les quartiers, au-delà du sport typiquement féminin. C'est-à-dire que tu peux tirer le fil et pour renouer un dialogue sur des thématiques qui sont en général assez complexes et qui créent un peu la polémique et qui peuvent devenir conflictuelles. Et à travers l'œuvre, on arrive à renouer un dialogue. Et c'est ça qui est passionnant en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc on en arrive justement à notre thématique. Donc maintenant qu'on a... que tu nous as expliqué quel impact le cinéma peut avoir sur nos trajectoires de vie, ce qu'on pense possible pour nous, les modèles qu'on a, les idées, les pensées, les croyances qu'on va nourrir. On va revenir justement à la thématique des femmes et du pouvoir. Et j'aimerais avoir ton analyse d'experte sur ces représentations des femmes et du pouvoir dans les films. Comment ça se traduit justement sur notre société

  • Speaker #1

    Alors, il y a des faits très concrets. J'ai des petites notes, je balance à tout le monde des petites notes parce qu'il y a des chiffres et que je veux donner les vrais chiffres. Je sais à quel point parfois il y a des gens qui reviennent sur un petit détail pour ne pas entendre l'aspect macro de la chose. Mais il y a un aspect qui est très concret, en fait. Il ne faut jamais oublier que le cinéma, c'est un art, mais c'est aussi une industrie. Et qu'en fait, la problématique de base sur la thématique qu'on va aborder aujourd'hui, c'est que... En fait, encore aujourd'hui, malgré ce qu'on croit, la majorité des récits, ils sont écrits et produits. par des hommes. Et donc, le pouvoir dans notre industrie, il est logiquement auprès de ceux qui financent et de ceux qui décident. Et aujourd'hui, ce sont encore majoritairement des hommes. Donc, je te donne des petits exemples, mais par exemple, aux États-Unis, donc à Hollywood, il y a seulement 12% des réalisateurs des plus gros succès en 2023 qui étaient des femmes. 12%, pas grand-chose. En France, aujourd'hui, le budget moyen d'un film qui est réalisé par une femme, il est 21% inférieur à celui réalisé par un homme. Donc, Tu t'es expliqué que déjà

  • Speaker #0

    Tu veux dire quoi C'est 21%. C'est fou. C'est à peu près le même ordre de grandeur que l'écart de salaire moyen entre hommes et femmes en France, qui est de 24-25%. C'est dingue qu'il y ait vraiment ce même rapport de force, entre guillemets, et ce rapport d'argent entre les salaires, mais aussi les budgets alloués aux films de femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est fou. D'ailleurs, plus... Et donc, ça se traduit aussi dans le fait que plus tu as des films à budget conséquent, moins tu retrouves de femmes. C'est un peu comme le nombre de femmes au top management du CAC 40. C'est exactement la même chose. On est dans le même rapport. Les trois films qui ont coûté le plus cher en 2023, c'était Le Comte de Monte Cristo, il y avait un biopic sur De Gaulle, et L'Amour Ouf, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, donc c'est au-delà de 30 millions, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, est quasi exclusivement produit par des hommes. Je crois qu'il y a une femme qui est coproduite sur l'amour. Je ne dis pas de bêtise, mais ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Et les rôles principaux sont attribués à des hommes.

  • Speaker #1

    Et voilà, et en fait, c'est justement ça. C'est que cet écart de pouvoir économique, il se traduit à l'écran. Parce que les femmes, elles sont sous-représentées dans les rôles principaux. Comme tu viens de le dire, je crois qu'il y a seulement 30 des 100 films les plus rentables de 2023 avaient des héroïnes principales féminines. 50% de la population, 30% des rôles principaux. déjà il y a un écart qui est quand même pas mal et quand elles sont présentes elles sont souvent cantonnées à des rôles qui restéréotypés et là on va en venir au pouvoir mais qui sont la muse, la victime, la compagne la méchante, vénale parce que quand on parle de pouvoir on parle pas de pouvoir au sens conceptuel mais souvent au concept de l'argent mais je pense que ça on va y revenir un peu plus tard mais ce qui est intéressant si on parle alors Si on parle de cinéma, il y a plusieurs cinémas, et on va me dire qu'il y a des films d'auteurs, les rapports ont évolué, etc. C'est vrai. Mais déjà, si on parle du cinéma purement mainstream, donc des blockbusters, etc., on se rend compte qu'il y a une... Tout le monde le sait, c'est qu'il y a une forme de manichéisme dans ces gros blockbusters. Je parle des Disney, des Marvel, etc. Donc, tu as les gentils, les méchants. Et que quand le personnage est féminin et a du pouvoir, il est quasi systématiquement placé du côté des méchants. Je te parle de Cruella, de Maléfique, de la sorcière, en fait. Celle qui a les pouvoirs. Je te parle de pouvoirs, pouvoirs magiques, mais tu vois, de pouvoirs. Alors évidemment, tu as Wonder Woman et tu as une ou deux super-héroïnes en plus, mais la notion de pouvoir, elle est très souvent ramenée au fait qu'il y a... une forme de transgression, de capacité à la manipulation. Tu vois, il y a quelque chose de... Et ça, ça remonte aux histoires, aux contes, etc. Mais le pouvoir et les femmes, c'est souvent quelque chose d'assez... Ouais, transgressif. On est du côté obscur de la force.

  • Speaker #0

    D'accord, donc si je comprends bien ce que tu es en train de nous dire, c'est qu'on va se cantonner aux films qui ont le plus de succès, donc ça va être les blockbusters, etc. Parce que... C'est comme tu dis, dès qu'on commence à parler de ces sujets, on va avoir les classiques. Oui, mais vous n'allez pas voir les bons films, etc. On va parler des films qui ont le plus de succès parce que c'est ceux qui sont le plus vus. Et sur ces films-là, ce que tu expliques, c'est qu'il y a ce manichéisme, le bien contre le mal, les gentils contre les méchants. Et quand on regarde et qu'on analyse au sein des rôles où se placent sur ce curseur de bien et de mal les rôles... de femmes qui ont un pouvoir, c'est généralement du côté du mal. Donc, t'as pris l'exemple de Cruella ou des Marvel, moi, ça me fait tout de suite penser au Diable s'habille en Prada. C'est pareil, c'est la femme qui a du pouvoir, et bam, elle est chez les méchants.

  • Speaker #1

    Le Diable s'habille en Prada, c'est un exemple parfait de la façon dont on représente l'accession au pouvoir pour les femmes dans le cinéma moderne. C'est-à-dire qu'en fait, déjà, il y en a peu, donc tu peux me sortir Diable s'habille en Prada, mais à chaque fois que je parle de cette thématique, globalement, il y a... très très peu d'exemples jusqu'à ces races-là. Et deuxièmement, quand une femme accède au pouvoir, on se rend compte qu'assez souvent, on la dépeint comme acariâtre, difficile. Elle est seule aussi dans son atmosphère générale, donc c'est ce fameux syndrome de la schtroumpfesse, c'est-à-dire quand une femme arrive en haut de la pyramide, forcément c'est qu'elle a écrasé toutes les autres avant, donc il ne reste qu'elle. Mais aussi, on se rend compte qu'il y a une forme d'abandon du reste des aspects de sa vie, c'est-à-dire qu'en fait, elle a choisi... le succès à défaut du bonheur, de l'amour, d'un rôle de mère, etc. Et donc Miranda, c'est une super représentation de ça. C'est-à-dire qu'en fait, elle est seule, elle est dure, et dans le fil de l'histoire, on se rend compte qu'elle a des difficultés avec son mari, qu'il la quitte, etc. Désolée pour le spoiler. Et qu'elle a peu d'amis. Les gens se rendent compte qu'il y a cette nécessité de laisser tomber tous les autres pans de son existence.

  • Speaker #0

    D'accord, donc là, on touche à deux choses. D'une part, une femme qui a le pouvoir. c'est globalement une méchante. Et d'autre part, une femme qui a le pouvoir aujourd'hui ou une femme qui souhaite arriver au pouvoir va devoir sacrifier tous les autres pans de sa vie. Elle ne peut pas avoir comme un homme à la fois la super carrière et la femme, les enfants, et rentrer le soir et être acclamée et avoir le repas déjà tout prêt.

  • Speaker #1

    Le pouvoir, ça coûte très cher. En gros, c'est ça le message.

  • Speaker #0

    Aux femmes.

  • Speaker #1

    Aux femmes, tout à fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et tout à l'heure, tu m'as dit que dès qu'on commençait à toucher au pouvoir, on touchait aussi à l'argent. Est-ce que tu peux nous parler aussi du rapport des femmes et de l'argent dans le cinéma

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est un sujet qui est assez passionnant à regarder parce que je pense que c'est très très visible pour peu qu'on y porte un peu d'attention. Les femmes, elles sont ostensiblement très peu montrées comme en gestion de l'argent dans le cinéma moderne. Et c'est d'autant plus visible. On étudie des films qui traitent, à proprement parler, d'argent. Je parle de Wall Street, les deux volets de Wall Street, du lot de Wall Street, etc. Là, elles sont représentées, jamais en maîtrise du cash, comme un centre de coût, comme une preuve de richesse, comme une figure décorative. C'est ça qui est assez affligeant quand on y prête un peu attention. Parce que quand on parle d'un pouvoirment féminin, La dimension financière, elle est très, très puissante. Et on se rend compte qu'il y a très peu de femmes, de plus en plus aujourd'hui, mais qui sont formées à la question de la gestion de leur propre patrimoine, etc. Je ne sais plus quelle est la date où les femmes françaises ont le droit d'avoir leur propre compte en banque, mais je pense que c'est assez puissant.

  • Speaker #0

    Les années 60, c'est récent. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est très bien représenté, en fait. Dans le cinéma, on en prend très, très vite conscience. C'est-à-dire que la gestion financière, c'est un sujet masculin.

  • Speaker #0

    C'est même pire, là, j'ai l'impression. Non seulement... La gestion financière, c'est un sujet masculin. Mais en plus, l'argent permet d'objectifier les femmes en prix, en petites statuettes en or. C'est elle, finalement, le gros mot de l'argent. Ou au contraire, en coût et en gouffre financier qui va prendre la carte bleue et aller dépenser l'argent gagné à la sueur du front de monsieur.

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est ça qui est... Très inquiétant sur cette dynamique financière. Et si j'extrapole la dynamique financière au fait de faire une carrière, la façon dont on projette la carrière, les évolutions professionnelles des femmes à l'écran, on se rend compte aussi que c'est assez peu ou quasiment jamais le sujet principal d'un récit. C'est-à-dire, s'il y a une évolution professionnelle pour une femme, et il y a un exemple qui est très parlant pour ça, c'est un film qui s'appelle Working Girl qui est sorti dans les années 20. de 1988, et qui traite, c'est le pitch initial du film, c'est l'évolution, l'évolution de carrière de Tess McGill, qui est une jeune femme qui commence secrétaire, mais qui a des ambitions, qui veut évoluer dans le Merger and Acquisition à Manhattan à la fin des années 80. Et au lieu de suivre son évolution de carrière comme le propos du film, en fait, le sujet va devenir la rivalité avec la seule autre femme. qui est dans le prisme du film, et non seulement une rivalité pour un job, mais qui devient une rivalité pour un mec. Et donc, on voit assez peu des femmes avoir une stratégie de projection pour piloter leur propre carrière. En gros, quand elles y arrivent, c'est soit un coup de bol, soit parce qu'elles ont écrasé notre nana, soit parce qu'il y a un homme dans l'histoire et qu'il y a une intrigue amoureuse.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser tout de suite, moi, à Bridget Jones. où selon le numéro du film, on la voit au début, pareil, c'est un peu la secrétaire, je ne sais plus si c'est les secrétaires, mais on sent qu'elle est un peu au bas de l'échelle. Et au fur et à mesure des volets du film, donc le 2, le 3, machin chose, elle gagne en pouvoir d'achat, elle gagne en galon, elle devient présentatrice, machin chose. Mais à nouveau, c'est jamais le centre de l'intrigue. Le centre de l'intrigue, c'est est-ce qu'elle va trouver l'âme sœur Finalement, son boulot, c'est vraiment là par hasard. On a l'impression qu'elle a été promue grâce à son chéri d'abord, ou grâce à ses charmes, ou vraiment par hasard, et qu'elle n'a pas du tout les compétences pour le job. Voilà.

  • Speaker #1

    Soit elle est arrivée au bon endroit au bon moment, elle a eu un coup de bol, soit il y a l'intervention d'un homme derrière, ce qui fait que... elle a évolué, il n'est pas question de ses compétences spécifiques, moi notre cas particulier de Bridget Jones c'est juste qu'en fait tout le monde l'aime bien c'est le tout côté affectif mais on est en empathie avec elle mais il y a assez peu l'idée de poser ses propres jalons d'évolution de carrière. Alors là on a quand même parlé, je te parlais de Working Girl tout à l'heure c'est un film de la fin des années 80 et même si Bridget Jones, il y a un volet assez récent qui est sorti ça reste des films pas totalement récents Donc déjà, il faut mettre un petit bémol, c'est que c'est... Enfin, c'est pas un bémol d'ailleurs, c'est une évolution positive, au contraire. Il y a de plus en plus de films qui disruptent un peu ce modèle-là. Et c'est pour ça que Anatomie d'une chute par exemple, est un film, pour moi, qui a une grande importance sur cette question de dynamique de pouvoir, des déséquilibres de dynamique de pouvoir. Parce que, pour la première fois, on traite en filigrane de la façon dont la société réagit à une femme qui est plus successful que son compagnon masculin. qui est autonome, qui gagne sa vie, qui a réussi par elle-même, pour elle-même. Et on a un vrai regard honnête sur la façon dont la société réagit à ça.

  • Speaker #0

    Alors, et encore, c'est en filigrane, parce que je pense que comme on ne sait pas comment ça se finit, si je me souviens bien, sans spoiler personne non plus, il me semble que... Et on revient à ce que tu as dit très justement au tout début du film, c'est que ce film en particulier, quand on le finit, on a besoin d'en parler. Et donc forcément, il y a ces conversations de, à ton avis, comment tu as perçu les différents personnages. Et moi, je me souviens quand on en a parlé dans mon entourage, mais beaucoup de gens détestaient le personnage principal féminin dans ce film, qu'elle est vue comme acariâtre. On revient exactement à ce manichéisme où elle est vue comme quelqu'un un peu odieux, qui n'est pas aimable. aimable dans le sens digne d'être aimé.

  • Speaker #1

    Je pense que déjà, en fonction du genre et en fonction de la tranche d'âge, l'avis sur la fin du film diffère énormément. Mais tu as raison, effectivement. Moi, de mon propre point de vue, il n'y a rien de détestable dans ce personnage. Et c'est vrai que le travail de la nuance est tellement fort dans ce film que ça laisse la possibilité, et on en revient à l'expérience collective et à l'intime, d'avoir un avis très différent sur... sur ce qui a pu se passer en réalité.

  • Speaker #0

    Et un autre point que tu as soulevé, sur lequel j'aimerais revenir, tu as parlé de, ça c'est des films anciens et les choses sont en train d'évoluer. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il y a des films un peu générationnels. Tu vois, quand j'ai parlé de Bridget Jones, je pense qu'il y a toute une génération des, alors je ne me souviens plus le nom, Millenials ou X ou Z, mais... Tous ceux qui ont grandi dans les débuts des années 2000, qui avaient à peu près 18 ans, 20 ans, au début des années 2000, ont vu ces films et ça a construit la façon dont elles, pour les femmes, allaient se projeter dans leur carrière. Et pareil pour Working Girls dans les années 80, ça a façonné la façon dont les femmes se sont projetées et les possibles qu'elles se sont mis en tête et les limites. et les barrières qu'elles se sont mises en tête aussi. Donc, est-ce qu'il n'y a pas aussi cette notion de décalage C'est-à-dire que les jeunes qui ont 18-20 ans aujourd'hui et qui regardent des films aujourd'hui vont se construire un univers de possible en fonction des films qu'ils et elles vont regarder aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Si, moi je suis complètement d'accord avec toi. C'est d'ailleurs toute la question de la responsabilité qu'on porte nous en tant que professionnels du secteur à proposer des projections qui sont structurantes. pour l'avenir de cette jeunesse-là qui va rentrer, là, on parle du monde du travail, mais sur d'autres dynamiques aussi sociétales. Moi, je pense que, enfin, il y a eu d'autres personnages féminins, là, on parle de carrière, on parle de réalisme extérieur, il y a eu d'autres personnages féminins qui ont eu leur importance pour notre génération et puis la génération précédente, tu vois, des personnages comme Sarah Connor dans Terminator, comme Ellen Ripley dans Alien, d'ailleurs, Ridley Scott, il faut citer Ridley Scott comme un... Un réalisateur masculin qui a fait énormément pour la représentation des femmes à l'écran, et tu vois, dans des films d'action pure et dure qu'on pensait orienter pour les mecs, mais c'est les premières représentations féminines de nanas qui ne sont pas là pour être dans la séduction, pour être dans une hyper-sexualisation, et qui sont au contraire partie prenante de l'intrigue pour la première fois, alors qu'il n'y en avait pas tant que ça. Et évidemment, Thelma et Louise, on en parle parce que nous, on en a parlé longuement. mais qui sont les premières représentations des femmes qui reprennent en main leur propre parcours de vie. Donc il y en avait. à l'époque, et il y en a de plus en plus. Et il y en a de plus en plus qui représentent tout type de femmes aussi. Des femmes racisées, des femmes en situation de handicap, des femmes... Donc, avec ce souci de la juste représentation qui fait que les jeunes filles, aujourd'hui, elles peuvent se transposer dans ces parcours de vie-là et dans des parcours où elles reprennent la main, où elles ne sont pas tributaires du choix des autres, mais où elles sont empouvoirées à. Et d'ailleurs... Si on parle de pouvoir et qu'on déconstruit complètement, il y a un sujet, on en parle souvent du female gaze, du male gaze, du female gaze. Et une des problématiques du male gaze, c'est la façon dont un homme qui tourne un film regarde le corps de la femme. Une des problématiques du male gaze, c'est la déconstruction du corps féminin. C'est-à-dire qu'on présente la femme en tranches. Les scènes de sexe, on voit ses seins, ses fesses, etc. Ça arrive très peu fréquemment pour un homme. Et donc, on représente la femme à travers son corps qu'on a saucissonné comme ça. Et qu'est-ce que c'est de saucissonner un être humain, enfin de découper un être humain, si ce n'est lui ôter sa capacité à agir, devient objet et pas sujet, tu vois Et donc, je pense que c'est aussi au cœur du sujet aujourd'hui, c'est le fait qu'il y a de plus en plus de femmes qui commencent à raconter des histoires. Elles sont encore trop peu nombreuses, mais qui commencent à raconter des histoires, à tourner des films, à financer des films, etc. qui fait qu'aujourd'hui, on a des femmes qui représentent la réalité de ce que les jeunes ont envie de voir.

  • Speaker #0

    Tu as parlé de différence entre la façon dont les corps des hommes et des femmes sont représentés à l'écran. Si on revient justement à ces représentations et aux différences entre les hommes et les femmes, en quoi elle est différente la représentation des hommes au pouvoir par rapport à celle des femmes

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, un homme au pouvoir à l'écran, son pouvoir, il est presque toujours légitimé. Il n'y a pas de remise en question, en fait, de l'accession au pouvoir d'un homme au cinéma futur. Quand on parle du parrain, la puissance masculine, elle est centrale avec des personnages qui sont complexes, qui sont souvent violents, mais qui sont toujours respectés dans leur pouvoir. Et à l'inverse, comme on le disait, les femmes, elles sont soit absentes du pouvoir, soit diabolisées dans le pouvoir, soit punies dans le pouvoir, parce que si elles l'ont eue, on l'a dit tout à l'heure, elles l'ont payée cher parce qu'elles ont... perdu autre chose. Et quand elles existent, tu vois, elles sont extrêmement seules. On parlait du diable Sabine Amprada, mais dans le film de Chantal Ackermann, Jeanne Dillemant, qui a été élu, je ne sais plus, film le plus important de l'histoire du cinéma il n'y a pas très très longtemps.

  • Speaker #0

    Il y a, dans l'autoréalisation de cette femme, cette femme qui guide sa vie comme elle, les choix qu'elle fait pour elle-même, elle est dans une solitude absolue. Ce n'est pas le cas des hommes au pouvoir. Tu vois, le parrain, il est entouré de plein de gens. Je pense à They will be blood aussi. C'est des rapports qui sont toxiques, etc. Parce qu'il n'y en a pas de cinéma, il y a quand même une histoire autour. Mais il n'y a pas de remise en question de cette accession au pouvoir, en fait. Elle est là.

  • Speaker #1

    Ce que tu nous dis, c'est qu'il n'y a pas de remise en question, que le film peut être complètement centré sur ce pouvoir masculin. Quand on parle du parrain, c'est grosso modo ça. On parle de l'accession, de l'exercice de ce pouvoir d'homme. Et l'homme est complètement entouré, choyé d'hommes et de femmes.

  • Speaker #0

    En fait, le pouvoir masculin, c'est un point de départ du film. C'est un élément du film. Alors que le pouvoir féminin, c'est un problème à résoudre. Elle est là, la distance entre les deux.

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Merci, mais c'est passionnant. C'est génial de voir justement ces petits éléments qui finalement vont s'imprimer dans l'inconscient de la société et qui font qu'on va remettre en question, sans s'en rendre compte, la légitimité d'une femme au pouvoir alors qu'on va l'accepter quand elle vient d'un homme. C'est un peu la poulet. Je pense qu'il y a... Il y a de la poule et il y a de l'œuf. Tu disais tout à l'heure que le cinéma, c'était à la fois un projecteur et un miroir. Donc, c'est un miroir de notre société qui vient reprojeter une nouvelle image dans nos têtes. Donc, ça vient perpétuer aussi les biais qui sont déjà là. Mais alors, du coup, la question à un million, Caroline, comment on fait pour sortir de ce cercle qui peut être soit vicieux, soit vertueux, selon le cas Comment on fait pour développer un autre imaginaire en tant que société À travers le cinéma, j'espère.

  • Speaker #0

    En fait, c'est assez logiquement avoir à cœur de changer qui sont les personnes qui racontent les histoires. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une prise de conscience de l'importance d'avoir une représentation de toute la société sur l'ensemble de la chaîne de production. Un tournage, c'est une entreprise collective et elle doit représenter la société qu'il est aussi, en fait. et on parlait de female gaze, de male gaze tout à l'heure, il faut qu'il y ait plus de femmes pour raconter plus d'histoires de femmes. Ça paraît logique. Il faut des gens en situation de handicap pour traiter du handicap dans la façon dont les personnes en situation de handicap le vivent. Le travail de fond de Artus sur un petit truc en plus, et ce qui a touché la société, les millions de personnes qui sont allées voir le film en salle, c'est le fait qu'il ait travaillé avec des personnes en réelle situation de handicap. en adaptant sa façon de travailler à des personnes en réelle situation de handicap. Je ne sais pas si je recommande aux gens qui nous écoutent d'aller regarder sur YouTube des séquences de travail de Artus avec certains des comédiens. C'est extrêmement touchant à voir, mais on voit qu'on ne travaille pas de la même manière où on travaillerait avec un comédien ou une comédienne pas en situation de handicap. Il y a une façon de s'adapter, mais c'est le modèle de production qui doit évoluer en ce sens-là. Et de la même manière, On doit parler de... On doit représenter des personnes racisées. Il faut que ce soit des personnes racisées avec les histoires qui portent en eux, qui racontent ces histoires-là. Parce que la justesse, la façon de... On parlait tout à l'heure de la façon dont on peut se projeter dans un personnage, c'est lié à la justesse de ce que tu vois en face de toi. Nous, on n'avait pas le choix. Je pense que les femmes, fin des années 80, quand elles voyaient Rock Working Girl, elles disaient, enfin, une nana qui... Et... qui travaillent déjà, juste une amas qui travaille à l'écran, tu vois ce que je veux dire. Mais combien ne se sont pas senties représentées dans le personnage pour plein de raisons. Donc aujourd'hui, c'est la finesse et la nuance et la façon dont on arrive à travailler, à traiter ces sujets-là, c'est lié exclusivement à la typologie de personnes à qui on ouvre le secteur. Et c'est pour ça que tu parlais de plafond de verre et de mon engagement contre le plafond de verre dans le secteur aujourd'hui, c'est que l'entre-soi cinématographique, français ou ailleurs, il ne permet que de produire des contenus qui sont fidèles à cet entre-soi. Et c'est à la fois un enjeu sociétal, comme on vient d'en parler, mais un enjeu industriel aussi, parce que je le disais, si les gens ne se voient pas représenter correctement l'écran, ils n'iront plus voir les films. Donc c'est Rebecca Zlotowski, la réalisatrice, qui disait qu'on est en train de payer le fait d'avoir fait des films entre nous et pour nous. Et c'est tout l'enjeu, en fait, aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous recommander des films qui permettent justement d'ouvrir ce champ des possibles

  • Speaker #0

    J'ai déjà du mal à faire des top 10, on me demande tout le temps des top 10, des top 50, des top sur une certaine... sur plein de dynamiques. C'est-à-dire qu'à chaque époque, il y a eu des films qui ont fait bouger des lignes et même dans des films qui ne sont pas des films hyper importants, il y a des personnages qui ont en fait fait bouger des lignes, etc. Je disais tout à l'heure, Ridley Scott et James Cameron, c'est deux réalisateurs hommes qui ont beaucoup fait dans le cinéma d'action et le cinéma mainstream pour créer des personnages féminins qui sont maîtres de leur propre destinée. Et du coup, j'aime beaucoup Ridley Scott et James Cameron pour ça. je suis une grande fan de Almodovar et ce que j'apprécie dans son cinéma et encore une fois on parle là de réalisateur masculin mais c'est juste pour le citer en premier il y a un traitement de la femme qui est intéressant pas tant dans le réalisme de ce en quoi on peut se projeter mais en fait dans la multitude des personnages qui sont traités par Almodovar il y a, en rassemblant l'ensemble des personnages, on crée une femme entière c'est comme ça qu'on doit regarder le film Et c'est ça qui est assez joyeux. C'est à quel point il a eu à cœur d'essayer de comprendre lui en tant qu'homme ce qu'est une femme. Donc, ce n'est pas réaliste, mais il y a une forme d'amour pour le féminin qui est très jolie à voir. Et après, il faut consciemment aller voir des films qui ont été faits par des femmes parce que c'est là qu'on voit qu'on a un traitement qui est très différent. Donc, il y a... effectivement les gros films qui ont fait parler de, enfin tu vois, les grosses réalisatrices, les Greta Gerwig, les Chloé Zalao, etc., qui sont des réalisatrices récentes de cette génération qui est la nôtre en fait, qui a envie de bouger les codes et qui a fait des gros films hollywoodiens, qui ont fait des gros films hollywoodiens qui sont hyper intéressants. Il y a les réalisatrices françaises qui sont primées aujourd'hui, donc on parlait de Justine Trié tout à l'heure, il y a Audrey D. Wan, il y a Coralie Fargeac, allez voir The Substance par exemple. un des films qui a été nommé aux Oscars, qui était un grand film, il faut consciemment essayer de voir s'il y a des films qui ont été faits par des femmes, parce que ça change drastiquement la façon dont les personnages sont présentés. Et en fonction des thématiques, il faut se dire, tiens, comment il a travaillé Est-ce qu'il a vraiment fait appel, je disais tout à l'heure, à des personnes en situation de handicap Est-ce que, ben voilà, si c'est un réalisateur noir, comment il a traité de la question des personnages noirs à l'écran Quand on veut parler du film, d'une communauté Est-ce qu'il y a des personnes de cette communauté qui ont travaillé à la rédaction C'est ça qui est intéressant à crever. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre, comme quand on découvre l'histoire de l'art. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre. Il y a les hommes et les femmes qui sont derrière l'œuvre, qui jouent. Après, j'ai des petites chouchous de personnages féminins qui m'ont transcendée depuis que je suis gamine. Je te dirais qu'effectivement, je le disais tout à l'heure, Hélène Ripley, Sarah Connor, Thelma et Louise, des personnages qui m'ont... qui m'ont versé des films indépendants américains parce que moi c'est mon goût personnel je pense à Juno par exemple et là encore c'est une scénariste femme qui a créé ce personnage, Diablo Cody elle s'appelle, donc Diablo Cody c'est une scénariste qui était strip-teaseuse avant de devenir scénariste un personnage complètement fou Diablo Cody Juno c'est un personnage, c'est un apprentissage de l'adolescence qui est très chouette. On a à peu près le même âge qu'Elliot Page, donc je me suis vachement transposée dans ce personnage-là. Ou pour les enfants, il faut attendre encore un petit peu, mais pour les pré-ados, je dirais Little Miss Sunshine, le personnage qui est joué par Abigail Breslin dans Little Miss Sunshine. Ben oui, c'est un peu une façon de s'affranchir des codes de ce que c'est d'être un enfant et de revenir au pur de ce qu'est un enfant, en fait. Moi, j'adore ce personnage féminin-là. Il est fou.

  • Speaker #1

    J'adore. Dès que tu as dit Little Miss Sunshine, tout mon visage s'est illuminé.

  • Speaker #0

    C'est un de mes films préférés au monde.

  • Speaker #1

    Je prendrai une liste et on la mettra dans les notes de cet épisode, parce que ça permet quand même de savoir ce qu'on cherche après, quand on cherche un film à regarder le soir, le samedi soir. Le mot de la fin, Caroline, ce serait quoi

  • Speaker #0

    J'entends souvent, on me les dit souvent, parce que le fait d'être présente sur les réseaux, ça te confronte aussi à des personnes avec lesquelles tu ne débattrais pas forcément dans la vie en général. Et j'entends très souvent, de façon incurrente, avec tout ce qui se passe dans le monde, les conflits géopolitiques, le réchauffement climatique, le combat pour une juste représentation à l'écran, tu m'excuseras, mais ce n'est pas prioritaire. Ce n'est pas le sujet de fond. Le nombre de fois où j'ai eu des ouais, vous feriez mieux de… au lieu de vous préoccuper de vos sujets de bobos parisiens, etc. Et en fait, pour moi, c'est une grossière erreur parce que comme on boucle la boucle, mais c'est ce qu'on disait au début, les récits, ça forge les identités. Ça forge les projections et ça crée les citoyens de demain, les votants de demain et donc les sociétés de demain. Et si on ne fait pas attention, en plus avec le flux des réseaux sociaux et les images dont on abreuve l'ensemble des populations, on propose des histoires et des récits qui vont créer cette société qu'on n'a pas très envie de voir demain. Donc pour moi, c'est au contraire au cœur de nos sujets sociétaux d'aujourd'hui. Quelles histoires on raconte pour les adultes de demain

  • Speaker #1

    J'adore, je suis complètement d'accord. Moi, je pense que le cinéma, et c'est pour ça aussi que j'avais envie de te recevoir au plateau de Toute Puissante, au micro de Toute Puissante. Je pense que comprendre l'impact de ce que nous, on a vu au cinéma sur nos propres représentations et nos propres croyances, notre propre rapport au pouvoir, ça nous permet déjà de déconstruire des croyances, de lever certains blocages. Et après, en plus, de se dire, bon, maintenant qu'on sait cet impact, comment on peut changer les choses pour les générations futures, ce que tu nous as expliqué. Ah, c'était passionnant. J'ai adoré cet échange, Caroline. J'espère que les personnes qui nous écoutent aussi. Et je te remercie pour ton temps. Je sais que tu fais plein, plein, plein de choses. Et donc, c'est encore plus précieux. Merci du temps que tu nous as accordé.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir écoutée et j'espère que j'ai motivé plein de gens à aller au cinéma, en salle, voir des films. C'est important d'aller en salle voir des films.

  • Speaker #1

    Ça me donne envie, en tout cas. Ça me donne envie d'y aller ce week-end.

  • Speaker #0

    Quelle est la prochaine séance Allez, allez au ciné tout de suite.

  • Speaker #1

    Mais surtout qu'il y a un super film. Bon, on en parlera après. Parce que je pense que l'épisode sera publié dans un moment où ce film ne sera plus à l'antenne, enfin ne sera plus au cinéma. Et voilà, c'est déjà la fin de cet épisode. merci d'avoir écouté. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et à très bientôt pour un nouvel épisode. Plante puissance Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissance. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. À très bientôt. pour un nouvel épisode plein de puissance.

Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes !


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Caroline Saphir à mon micro !


Caroline est experte du cinéma depuis près de 20 ans. À la tête de Commune Image en Seine-Saint-Denis, elle œuvre à démocratiser l’accès au cinéma et à faire émerger de nouveaux récits.

Sa conviction ? Changer les récits, c’est changer les places : briser les stéréotypes et faire du cinéma un levier de transformation sociale.

Sur YouTube et LinkedIn, elle analyse les films pour montrer comment les représentations influencent nos croyances.


Mais alors:


Comment le cinéma façonne-t-il notre rapport au pouvoir, et en particulier, notre vision des femmes puissantes


  • 👑 Pourquoi les femmes puissantes à l’écran sont-elles souvent perçues comme froides, manipulatrices ou menaçantes ?

  • ⚡ Peut-on rêver de puissance autrement ? Et surtout, créer des récits qui élèvent plutôt que d’enfermer ?


Nous verrons ensemble les mécanismes invisibles qui conditionnent nos représentations et nos ambitions – surtout quand on est une femme.

Un épisode à ne pas manquer pour toutes celles qui veulent s’autoriser à occuper toute la scène. Sans compromis. Sans caricature.


🎧 Bonne écoute !


Retrouvez Caroline ici:


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du Club de Pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre à un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes 8 Tempes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Caroline Saphir. Bonjour Caroline.

  • Speaker #1

    Bonjour Kaouta.

  • Speaker #0

    Alors, laissez-moi vous en dire plus sur Caroline Saphir. Caroline est experte du cinéma et de ses coulisses. Depuis près de 20 ans, elle met son expertise au service d'un objectif clair, décoder le cinéma sans jargon et montrer comment il façonne nos imaginaires et nos sociétés. En scène dirigeante de Communimage, lieu emblématique du cinéma en Seine-Saint-Denis, elle a accompagné des dizaines de talents et porté des projets ambitieux pour transmettre et démocratiser le 7e art. Aujourd'hui suivie par plus de 10 000 personnes sur LinkedIn et YouTube, elle crée des contenus où elle décrypte les films qui ont marqué le cinéma et influencé nos façons de penser. Derrière chaque analyse, une conviction. Changer les récits, c'est aussi changer les places. Sans combat, briser le plafond de verre du secteur et défendre une représentation plus juste devant, comme derrière la caméra. Alors Caroline, aujourd'hui, on est ensemble pour aborder un sujet qui, moi, m'a toujours interpellée. Et comme je suis une de tes fans sur YouTube et sur LinkedIn, je me suis dit que tu étais la personne la mieux placée pour nous aider à comprendre justement cette problématique qui est comment le cinéma façonne notre manière de voir les choses et en particulier notre représentation de la relation que les femmes entretiennent avec le pouvoir. Alors, avant d'arriver aux femmes et au pouvoir dans le cinéma, j'aimerais qu'on remette un petit peu de contexte et que tu nous expliques, Caroline, quel est le lien entre le cinéma et notre façon de nous projeter dans le monde.

  • Speaker #1

    Un vaste sujet. En fait, je pense qu'il y a dans le cinéma, et encore une fois, quand on parle de cinéma, on va parler vraiment de la salle de cinéma aujourd'hui et des films qui sont projetés en salle, même si on peut élargir aux séries, etc., qui ont aussi une influence sur notre façon de voir les choses, mais là, on va parler vraiment purement de cinéma. Et quand on parle de cinéma, on parle souvent d'expérience collective. Et c'est vrai que la particularité, pour moi, du cinéma, c'est que c'est à la fois un miroir et un projecteur. C'est-à-dire qu'en fait, on va tous dans une salle, on va tous regarder dans la même direction ou vers l'écran, mais on ne va pas tous sortir avec la même expérience, avec le même ressenti, avec le même retour sur l'expérience qu'on vient de vivre. Parce qu'on vit cette expérience collective dont je parlais et en même temps, un moment de réflexion qui est très intime en fait. Parce qu'on n'est pas dans un échange avec la personne qui est à côté de soi quand on regarde le film, on vit son expérience intimement, on peut la partager a posteriori, et en même temps, on est dans cet espace collectif. Et je pense que c'est cette particularité-là qui fait du cinéma un vecteur d'influence qui est assez profond dans notre façon de nous projeter, en fait, dans la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, si je comprends bien, ce que tu nous dis, c'est qu'il y a cette expérience collective qu'on va venir mélanger avec notre vécu intime. Et du coup, ça fait que chacun individuellement va se projeter dans ce qu'on voit au cinéma. Mais... à travers notre prisme individuel.

  • Speaker #1

    Et de cette opposition-là naît la nécessité d'un dialogue. C'est-à-dire que tu es face à une œuvre dont tu vas avoir absolument l'envie de partager en sortant ce que tu en as ressenti puisque tu l'as vu en même temps que l'autre. Mais tu te rends compte qu'en fait, ton point de vue n'est pas exactement le même que la personne qui était à côté de toi. Et c'est un moment assez rare, au final. Dans la vie, même dans l'expérience collective, tu vois un match de foot, tu vois un match de foot. tu vois les mêmes actions sur le terrain, etc. Et il y a l'expérience collective qui joue aussi. Dans l'appréciation d'une œuvre plastique, etc., tu es dans une réflexion qui t'est propre, tu n'es pas dans une expérience collective concomitante, c'est-à-dire que les gens ne regardent pas en même temps la même œuvre systématiquement. Tu vois ce que je veux dire Donc dans la salle, il y a ce moment un peu suspendu qui fait qu'en sortant, tu dis Ah mais attends, j'ai besoin d'en parler Et c'est ça qui est assez unique, au final.

  • Speaker #0

    Hyper intéressant. Mais du coup, si on va un petit peu plus loin, il y a quand même un truc en plus, j'ai l'impression, avec le cinéma, qui est l'impact que ça va avoir sur nos mentalités individuelles, mais aussi à plus grande échelle sur notre société. Comment tu l'expliques

  • Speaker #1

    Il y a la partie immersive. On raconte souvent l'histoire de la projection du premier film des Frères Lumière, le train entrant en salle de... en gare de la Ausha, on disait que c'était la première fois qu'ils ont projeté le film. Les gens ont été terrorisés, ils ont cru vraiment qu'ils allaient se faire écraser par le temps et qu'ils rentraient en gare. Aujourd'hui, on a beaucoup plus de recul sur l'aspect immersif du cinéma, mais en fait, ça reste un espace où on interagit avec l'ensemble de nos sens. Dans le cas, je les exclue et je m'en excuse des personnes en situation de handicap parce qu'effectivement, quand on est malentendant ou malvoyant, on n'a pas forcément la même expérience et on essaye de travailler de plus en plus aujourd'hui au fait que ce soit justement le plus immersif possible pour ces personnes-là. Mais sur le cinéma tel qu'on l'entend pour les personnes qui ne sont pas en situation de handicap, il y a une dimension très, très immersive qui touche à l'ensemble de tes sens. Donc, tu as vu, on n'a pas encore l'odorat, mais il y en a qui y travaillent. Et je pense que ça nous plonge, en fait. Il y a une dimension de plonger dans l'histoire, mais aussi, au-delà de plonger dans l'histoire par les sens, une quasi-obligation de se transposer dans l'histoire à la place d'un ou de plusieurs personnages en fonction des scènes. Et c'est là que la question des représentations est hyper centrale, parce que c'est dans quelle mesure je peux me projeter et sur qui je vais me projeter dans l'histoire. Et quand on ne se voit pas à l'écran, quand on est en incapacité de se voir à l'écran, souvent on se désintéresse du film en lui-même, il y a moins d'attrait. Et c'est en ça que je dis que l'enjeu de la représentation est aussi un enjeu industriel pour le secteur, parce qu'en fait, on se rend compte aujourd'hui qu'il y a un désintérêt progressif des jeunes pour les contenus cinématographiques. Et je... pense, moi mon avis profond c'est que c'est en partie lié au fait que les jeunes ne se retrouvent pas dans les personnages qui leur sont proposés. Et quand ils s'y retrouvent, en revanche, ils y vont à fond les ballons. Donc c'est ça qui est intéressant et c'est ça qu'il faudrait creuser. Et je pense qu'aussi il y a cet aspect rêve du cinéma qui fait que quand tu te projettes dans un personnage, ça nourrit aussi tes rêves, ça nourrit tes ambitions, ça nourrit ce que tu peux espérer pour le futur. On parle encore de la jeunesse. Et donc, je pense qu'on a une responsabilité, nous, en tant que créateurs, à proposer des contenus qui permettent à ces générations-là de se projeter dans des vies qui sont positives. Et c'est là qu'on peut avoir un impact sur la société.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, il y a d'une part, nous, qui nous projetons dans ce qu'on voit, ce qui nous est proposé. Et ça va résonner plus ou moins fortement avec un ou plusieurs des personnages. Et puis, du coup, par le fait qu'on se projette, on se nourrit. Et donc le cinéma vient projeter dans notre inconscient de trajectoires, de possibles, d'idées, de pensées, de choix, c'est ça

  • Speaker #1

    Exactement, c'est l'influence du récit sur ta propre trajectoire de vie. Et ça c'est au niveau micro, mais on peut évidemment le transposer au niveau macro, au niveau d'une société, parce qu'on peut, et je reviens sur la question du dialogue après, on peut soulever des faits de société. à travers cette oeuvre-là, qui peuvent permettre de renouer le dialogue sur des thématiques qui sont extrêmement complexes. C'est des choses que j'ai eu la chance de voir sur le terrain en concret, notamment en travaillant avec des jeunes du territoire de Seine-Saint-Denis, autour de films qui traitaient par exemple des rapports filles-garçons, à travers, je me souviens notamment d'un film qui s'appelait La belle équipe de Mohamed Hashimi, qui est un film qui parle d'une équipe de foot féminine. Et qu'on se rend compte qu'on arrive à tirer le fil sur justement le rapport filles-garçons dans les quartiers, au-delà du sport typiquement féminin. C'est-à-dire que tu peux tirer le fil et pour renouer un dialogue sur des thématiques qui sont en général assez complexes et qui créent un peu la polémique et qui peuvent devenir conflictuelles. Et à travers l'œuvre, on arrive à renouer un dialogue. Et c'est ça qui est passionnant en fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc on en arrive justement à notre thématique. Donc maintenant qu'on a... que tu nous as expliqué quel impact le cinéma peut avoir sur nos trajectoires de vie, ce qu'on pense possible pour nous, les modèles qu'on a, les idées, les pensées, les croyances qu'on va nourrir. On va revenir justement à la thématique des femmes et du pouvoir. Et j'aimerais avoir ton analyse d'experte sur ces représentations des femmes et du pouvoir dans les films. Comment ça se traduit justement sur notre société

  • Speaker #1

    Alors, il y a des faits très concrets. J'ai des petites notes, je balance à tout le monde des petites notes parce qu'il y a des chiffres et que je veux donner les vrais chiffres. Je sais à quel point parfois il y a des gens qui reviennent sur un petit détail pour ne pas entendre l'aspect macro de la chose. Mais il y a un aspect qui est très concret, en fait. Il ne faut jamais oublier que le cinéma, c'est un art, mais c'est aussi une industrie. Et qu'en fait, la problématique de base sur la thématique qu'on va aborder aujourd'hui, c'est que... En fait, encore aujourd'hui, malgré ce qu'on croit, la majorité des récits, ils sont écrits et produits. par des hommes. Et donc, le pouvoir dans notre industrie, il est logiquement auprès de ceux qui financent et de ceux qui décident. Et aujourd'hui, ce sont encore majoritairement des hommes. Donc, je te donne des petits exemples, mais par exemple, aux États-Unis, donc à Hollywood, il y a seulement 12% des réalisateurs des plus gros succès en 2023 qui étaient des femmes. 12%, pas grand-chose. En France, aujourd'hui, le budget moyen d'un film qui est réalisé par une femme, il est 21% inférieur à celui réalisé par un homme. Donc, Tu t'es expliqué que déjà

  • Speaker #0

    Tu veux dire quoi C'est 21%. C'est fou. C'est à peu près le même ordre de grandeur que l'écart de salaire moyen entre hommes et femmes en France, qui est de 24-25%. C'est dingue qu'il y ait vraiment ce même rapport de force, entre guillemets, et ce rapport d'argent entre les salaires, mais aussi les budgets alloués aux films de femmes.

  • Speaker #1

    Oui, c'est fou. D'ailleurs, plus... Et donc, ça se traduit aussi dans le fait que plus tu as des films à budget conséquent, moins tu retrouves de femmes. C'est un peu comme le nombre de femmes au top management du CAC 40. C'est exactement la même chose. On est dans le même rapport. Les trois films qui ont coûté le plus cher en 2023, c'était Le Comte de Monte Cristo, il y avait un biopic sur De Gaulle, et L'Amour Ouf, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, donc c'est au-delà de 30 millions, et ces trois films qui ont été réalisés par des hommes, est quasi exclusivement produit par des hommes. Je crois qu'il y a une femme qui est coproduite sur l'amour. Je ne dis pas de bêtise, mais ce n'est pas ça.

  • Speaker #0

    Et les rôles principaux sont attribués à des hommes.

  • Speaker #1

    Et voilà, et en fait, c'est justement ça. C'est que cet écart de pouvoir économique, il se traduit à l'écran. Parce que les femmes, elles sont sous-représentées dans les rôles principaux. Comme tu viens de le dire, je crois qu'il y a seulement 30 des 100 films les plus rentables de 2023 avaient des héroïnes principales féminines. 50% de la population, 30% des rôles principaux. déjà il y a un écart qui est quand même pas mal et quand elles sont présentes elles sont souvent cantonnées à des rôles qui restéréotypés et là on va en venir au pouvoir mais qui sont la muse, la victime, la compagne la méchante, vénale parce que quand on parle de pouvoir on parle pas de pouvoir au sens conceptuel mais souvent au concept de l'argent mais je pense que ça on va y revenir un peu plus tard mais ce qui est intéressant si on parle alors Si on parle de cinéma, il y a plusieurs cinémas, et on va me dire qu'il y a des films d'auteurs, les rapports ont évolué, etc. C'est vrai. Mais déjà, si on parle du cinéma purement mainstream, donc des blockbusters, etc., on se rend compte qu'il y a une... Tout le monde le sait, c'est qu'il y a une forme de manichéisme dans ces gros blockbusters. Je parle des Disney, des Marvel, etc. Donc, tu as les gentils, les méchants. Et que quand le personnage est féminin et a du pouvoir, il est quasi systématiquement placé du côté des méchants. Je te parle de Cruella, de Maléfique, de la sorcière, en fait. Celle qui a les pouvoirs. Je te parle de pouvoirs, pouvoirs magiques, mais tu vois, de pouvoirs. Alors évidemment, tu as Wonder Woman et tu as une ou deux super-héroïnes en plus, mais la notion de pouvoir, elle est très souvent ramenée au fait qu'il y a... une forme de transgression, de capacité à la manipulation. Tu vois, il y a quelque chose de... Et ça, ça remonte aux histoires, aux contes, etc. Mais le pouvoir et les femmes, c'est souvent quelque chose d'assez... Ouais, transgressif. On est du côté obscur de la force.

  • Speaker #0

    D'accord, donc si je comprends bien ce que tu es en train de nous dire, c'est qu'on va se cantonner aux films qui ont le plus de succès, donc ça va être les blockbusters, etc. Parce que... C'est comme tu dis, dès qu'on commence à parler de ces sujets, on va avoir les classiques. Oui, mais vous n'allez pas voir les bons films, etc. On va parler des films qui ont le plus de succès parce que c'est ceux qui sont le plus vus. Et sur ces films-là, ce que tu expliques, c'est qu'il y a ce manichéisme, le bien contre le mal, les gentils contre les méchants. Et quand on regarde et qu'on analyse au sein des rôles où se placent sur ce curseur de bien et de mal les rôles... de femmes qui ont un pouvoir, c'est généralement du côté du mal. Donc, t'as pris l'exemple de Cruella ou des Marvel, moi, ça me fait tout de suite penser au Diable s'habille en Prada. C'est pareil, c'est la femme qui a du pouvoir, et bam, elle est chez les méchants.

  • Speaker #1

    Le Diable s'habille en Prada, c'est un exemple parfait de la façon dont on représente l'accession au pouvoir pour les femmes dans le cinéma moderne. C'est-à-dire qu'en fait, déjà, il y en a peu, donc tu peux me sortir Diable s'habille en Prada, mais à chaque fois que je parle de cette thématique, globalement, il y a... très très peu d'exemples jusqu'à ces races-là. Et deuxièmement, quand une femme accède au pouvoir, on se rend compte qu'assez souvent, on la dépeint comme acariâtre, difficile. Elle est seule aussi dans son atmosphère générale, donc c'est ce fameux syndrome de la schtroumpfesse, c'est-à-dire quand une femme arrive en haut de la pyramide, forcément c'est qu'elle a écrasé toutes les autres avant, donc il ne reste qu'elle. Mais aussi, on se rend compte qu'il y a une forme d'abandon du reste des aspects de sa vie, c'est-à-dire qu'en fait, elle a choisi... le succès à défaut du bonheur, de l'amour, d'un rôle de mère, etc. Et donc Miranda, c'est une super représentation de ça. C'est-à-dire qu'en fait, elle est seule, elle est dure, et dans le fil de l'histoire, on se rend compte qu'elle a des difficultés avec son mari, qu'il la quitte, etc. Désolée pour le spoiler. Et qu'elle a peu d'amis. Les gens se rendent compte qu'il y a cette nécessité de laisser tomber tous les autres pans de son existence.

  • Speaker #0

    D'accord, donc là, on touche à deux choses. D'une part, une femme qui a le pouvoir. c'est globalement une méchante. Et d'autre part, une femme qui a le pouvoir aujourd'hui ou une femme qui souhaite arriver au pouvoir va devoir sacrifier tous les autres pans de sa vie. Elle ne peut pas avoir comme un homme à la fois la super carrière et la femme, les enfants, et rentrer le soir et être acclamée et avoir le repas déjà tout prêt.

  • Speaker #1

    Le pouvoir, ça coûte très cher. En gros, c'est ça le message.

  • Speaker #0

    Aux femmes.

  • Speaker #1

    Aux femmes, tout à fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et tout à l'heure, tu m'as dit que dès qu'on commençait à toucher au pouvoir, on touchait aussi à l'argent. Est-ce que tu peux nous parler aussi du rapport des femmes et de l'argent dans le cinéma

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est un sujet qui est assez passionnant à regarder parce que je pense que c'est très très visible pour peu qu'on y porte un peu d'attention. Les femmes, elles sont ostensiblement très peu montrées comme en gestion de l'argent dans le cinéma moderne. Et c'est d'autant plus visible. On étudie des films qui traitent, à proprement parler, d'argent. Je parle de Wall Street, les deux volets de Wall Street, du lot de Wall Street, etc. Là, elles sont représentées, jamais en maîtrise du cash, comme un centre de coût, comme une preuve de richesse, comme une figure décorative. C'est ça qui est assez affligeant quand on y prête un peu attention. Parce que quand on parle d'un pouvoirment féminin, La dimension financière, elle est très, très puissante. Et on se rend compte qu'il y a très peu de femmes, de plus en plus aujourd'hui, mais qui sont formées à la question de la gestion de leur propre patrimoine, etc. Je ne sais plus quelle est la date où les femmes françaises ont le droit d'avoir leur propre compte en banque, mais je pense que c'est assez puissant.

  • Speaker #0

    Les années 60, c'est récent. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est très bien représenté, en fait. Dans le cinéma, on en prend très, très vite conscience. C'est-à-dire que la gestion financière, c'est un sujet masculin.

  • Speaker #0

    C'est même pire, là, j'ai l'impression. Non seulement... La gestion financière, c'est un sujet masculin. Mais en plus, l'argent permet d'objectifier les femmes en prix, en petites statuettes en or. C'est elle, finalement, le gros mot de l'argent. Ou au contraire, en coût et en gouffre financier qui va prendre la carte bleue et aller dépenser l'argent gagné à la sueur du front de monsieur.

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est ça qui est... Très inquiétant sur cette dynamique financière. Et si j'extrapole la dynamique financière au fait de faire une carrière, la façon dont on projette la carrière, les évolutions professionnelles des femmes à l'écran, on se rend compte aussi que c'est assez peu ou quasiment jamais le sujet principal d'un récit. C'est-à-dire, s'il y a une évolution professionnelle pour une femme, et il y a un exemple qui est très parlant pour ça, c'est un film qui s'appelle Working Girl qui est sorti dans les années 20. de 1988, et qui traite, c'est le pitch initial du film, c'est l'évolution, l'évolution de carrière de Tess McGill, qui est une jeune femme qui commence secrétaire, mais qui a des ambitions, qui veut évoluer dans le Merger and Acquisition à Manhattan à la fin des années 80. Et au lieu de suivre son évolution de carrière comme le propos du film, en fait, le sujet va devenir la rivalité avec la seule autre femme. qui est dans le prisme du film, et non seulement une rivalité pour un job, mais qui devient une rivalité pour un mec. Et donc, on voit assez peu des femmes avoir une stratégie de projection pour piloter leur propre carrière. En gros, quand elles y arrivent, c'est soit un coup de bol, soit parce qu'elles ont écrasé notre nana, soit parce qu'il y a un homme dans l'histoire et qu'il y a une intrigue amoureuse.

  • Speaker #0

    Ça me fait penser tout de suite, moi, à Bridget Jones. où selon le numéro du film, on la voit au début, pareil, c'est un peu la secrétaire, je ne sais plus si c'est les secrétaires, mais on sent qu'elle est un peu au bas de l'échelle. Et au fur et à mesure des volets du film, donc le 2, le 3, machin chose, elle gagne en pouvoir d'achat, elle gagne en galon, elle devient présentatrice, machin chose. Mais à nouveau, c'est jamais le centre de l'intrigue. Le centre de l'intrigue, c'est est-ce qu'elle va trouver l'âme sœur Finalement, son boulot, c'est vraiment là par hasard. On a l'impression qu'elle a été promue grâce à son chéri d'abord, ou grâce à ses charmes, ou vraiment par hasard, et qu'elle n'a pas du tout les compétences pour le job. Voilà.

  • Speaker #1

    Soit elle est arrivée au bon endroit au bon moment, elle a eu un coup de bol, soit il y a l'intervention d'un homme derrière, ce qui fait que... elle a évolué, il n'est pas question de ses compétences spécifiques, moi notre cas particulier de Bridget Jones c'est juste qu'en fait tout le monde l'aime bien c'est le tout côté affectif mais on est en empathie avec elle mais il y a assez peu l'idée de poser ses propres jalons d'évolution de carrière. Alors là on a quand même parlé, je te parlais de Working Girl tout à l'heure c'est un film de la fin des années 80 et même si Bridget Jones, il y a un volet assez récent qui est sorti ça reste des films pas totalement récents Donc déjà, il faut mettre un petit bémol, c'est que c'est... Enfin, c'est pas un bémol d'ailleurs, c'est une évolution positive, au contraire. Il y a de plus en plus de films qui disruptent un peu ce modèle-là. Et c'est pour ça que Anatomie d'une chute par exemple, est un film, pour moi, qui a une grande importance sur cette question de dynamique de pouvoir, des déséquilibres de dynamique de pouvoir. Parce que, pour la première fois, on traite en filigrane de la façon dont la société réagit à une femme qui est plus successful que son compagnon masculin. qui est autonome, qui gagne sa vie, qui a réussi par elle-même, pour elle-même. Et on a un vrai regard honnête sur la façon dont la société réagit à ça.

  • Speaker #0

    Alors, et encore, c'est en filigrane, parce que je pense que comme on ne sait pas comment ça se finit, si je me souviens bien, sans spoiler personne non plus, il me semble que... Et on revient à ce que tu as dit très justement au tout début du film, c'est que ce film en particulier, quand on le finit, on a besoin d'en parler. Et donc forcément, il y a ces conversations de, à ton avis, comment tu as perçu les différents personnages. Et moi, je me souviens quand on en a parlé dans mon entourage, mais beaucoup de gens détestaient le personnage principal féminin dans ce film, qu'elle est vue comme acariâtre. On revient exactement à ce manichéisme où elle est vue comme quelqu'un un peu odieux, qui n'est pas aimable. aimable dans le sens digne d'être aimé.

  • Speaker #1

    Je pense que déjà, en fonction du genre et en fonction de la tranche d'âge, l'avis sur la fin du film diffère énormément. Mais tu as raison, effectivement. Moi, de mon propre point de vue, il n'y a rien de détestable dans ce personnage. Et c'est vrai que le travail de la nuance est tellement fort dans ce film que ça laisse la possibilité, et on en revient à l'expérience collective et à l'intime, d'avoir un avis très différent sur... sur ce qui a pu se passer en réalité.

  • Speaker #0

    Et un autre point que tu as soulevé, sur lequel j'aimerais revenir, tu as parlé de, ça c'est des films anciens et les choses sont en train d'évoluer. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il y a des films un peu générationnels. Tu vois, quand j'ai parlé de Bridget Jones, je pense qu'il y a toute une génération des, alors je ne me souviens plus le nom, Millenials ou X ou Z, mais... Tous ceux qui ont grandi dans les débuts des années 2000, qui avaient à peu près 18 ans, 20 ans, au début des années 2000, ont vu ces films et ça a construit la façon dont elles, pour les femmes, allaient se projeter dans leur carrière. Et pareil pour Working Girls dans les années 80, ça a façonné la façon dont les femmes se sont projetées et les possibles qu'elles se sont mis en tête et les limites. et les barrières qu'elles se sont mises en tête aussi. Donc, est-ce qu'il n'y a pas aussi cette notion de décalage C'est-à-dire que les jeunes qui ont 18-20 ans aujourd'hui et qui regardent des films aujourd'hui vont se construire un univers de possible en fonction des films qu'ils et elles vont regarder aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Si, moi je suis complètement d'accord avec toi. C'est d'ailleurs toute la question de la responsabilité qu'on porte nous en tant que professionnels du secteur à proposer des projections qui sont structurantes. pour l'avenir de cette jeunesse-là qui va rentrer, là, on parle du monde du travail, mais sur d'autres dynamiques aussi sociétales. Moi, je pense que, enfin, il y a eu d'autres personnages féminins, là, on parle de carrière, on parle de réalisme extérieur, il y a eu d'autres personnages féminins qui ont eu leur importance pour notre génération et puis la génération précédente, tu vois, des personnages comme Sarah Connor dans Terminator, comme Ellen Ripley dans Alien, d'ailleurs, Ridley Scott, il faut citer Ridley Scott comme un... Un réalisateur masculin qui a fait énormément pour la représentation des femmes à l'écran, et tu vois, dans des films d'action pure et dure qu'on pensait orienter pour les mecs, mais c'est les premières représentations féminines de nanas qui ne sont pas là pour être dans la séduction, pour être dans une hyper-sexualisation, et qui sont au contraire partie prenante de l'intrigue pour la première fois, alors qu'il n'y en avait pas tant que ça. Et évidemment, Thelma et Louise, on en parle parce que nous, on en a parlé longuement. mais qui sont les premières représentations des femmes qui reprennent en main leur propre parcours de vie. Donc il y en avait. à l'époque, et il y en a de plus en plus. Et il y en a de plus en plus qui représentent tout type de femmes aussi. Des femmes racisées, des femmes en situation de handicap, des femmes... Donc, avec ce souci de la juste représentation qui fait que les jeunes filles, aujourd'hui, elles peuvent se transposer dans ces parcours de vie-là et dans des parcours où elles reprennent la main, où elles ne sont pas tributaires du choix des autres, mais où elles sont empouvoirées à. Et d'ailleurs... Si on parle de pouvoir et qu'on déconstruit complètement, il y a un sujet, on en parle souvent du female gaze, du male gaze, du female gaze. Et une des problématiques du male gaze, c'est la façon dont un homme qui tourne un film regarde le corps de la femme. Une des problématiques du male gaze, c'est la déconstruction du corps féminin. C'est-à-dire qu'on présente la femme en tranches. Les scènes de sexe, on voit ses seins, ses fesses, etc. Ça arrive très peu fréquemment pour un homme. Et donc, on représente la femme à travers son corps qu'on a saucissonné comme ça. Et qu'est-ce que c'est de saucissonner un être humain, enfin de découper un être humain, si ce n'est lui ôter sa capacité à agir, devient objet et pas sujet, tu vois Et donc, je pense que c'est aussi au cœur du sujet aujourd'hui, c'est le fait qu'il y a de plus en plus de femmes qui commencent à raconter des histoires. Elles sont encore trop peu nombreuses, mais qui commencent à raconter des histoires, à tourner des films, à financer des films, etc. qui fait qu'aujourd'hui, on a des femmes qui représentent la réalité de ce que les jeunes ont envie de voir.

  • Speaker #0

    Tu as parlé de différence entre la façon dont les corps des hommes et des femmes sont représentés à l'écran. Si on revient justement à ces représentations et aux différences entre les hommes et les femmes, en quoi elle est différente la représentation des hommes au pouvoir par rapport à celle des femmes

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, un homme au pouvoir à l'écran, son pouvoir, il est presque toujours légitimé. Il n'y a pas de remise en question, en fait, de l'accession au pouvoir d'un homme au cinéma futur. Quand on parle du parrain, la puissance masculine, elle est centrale avec des personnages qui sont complexes, qui sont souvent violents, mais qui sont toujours respectés dans leur pouvoir. Et à l'inverse, comme on le disait, les femmes, elles sont soit absentes du pouvoir, soit diabolisées dans le pouvoir, soit punies dans le pouvoir, parce que si elles l'ont eue, on l'a dit tout à l'heure, elles l'ont payée cher parce qu'elles ont... perdu autre chose. Et quand elles existent, tu vois, elles sont extrêmement seules. On parlait du diable Sabine Amprada, mais dans le film de Chantal Ackermann, Jeanne Dillemant, qui a été élu, je ne sais plus, film le plus important de l'histoire du cinéma il n'y a pas très très longtemps.

  • Speaker #0

    Il y a, dans l'autoréalisation de cette femme, cette femme qui guide sa vie comme elle, les choix qu'elle fait pour elle-même, elle est dans une solitude absolue. Ce n'est pas le cas des hommes au pouvoir. Tu vois, le parrain, il est entouré de plein de gens. Je pense à They will be blood aussi. C'est des rapports qui sont toxiques, etc. Parce qu'il n'y en a pas de cinéma, il y a quand même une histoire autour. Mais il n'y a pas de remise en question de cette accession au pouvoir, en fait. Elle est là.

  • Speaker #1

    Ce que tu nous dis, c'est qu'il n'y a pas de remise en question, que le film peut être complètement centré sur ce pouvoir masculin. Quand on parle du parrain, c'est grosso modo ça. On parle de l'accession, de l'exercice de ce pouvoir d'homme. Et l'homme est complètement entouré, choyé d'hommes et de femmes.

  • Speaker #0

    En fait, le pouvoir masculin, c'est un point de départ du film. C'est un élément du film. Alors que le pouvoir féminin, c'est un problème à résoudre. Elle est là, la distance entre les deux.

  • Speaker #1

    C'est fascinant. Merci, mais c'est passionnant. C'est génial de voir justement ces petits éléments qui finalement vont s'imprimer dans l'inconscient de la société et qui font qu'on va remettre en question, sans s'en rendre compte, la légitimité d'une femme au pouvoir alors qu'on va l'accepter quand elle vient d'un homme. C'est un peu la poulet. Je pense qu'il y a... Il y a de la poule et il y a de l'œuf. Tu disais tout à l'heure que le cinéma, c'était à la fois un projecteur et un miroir. Donc, c'est un miroir de notre société qui vient reprojeter une nouvelle image dans nos têtes. Donc, ça vient perpétuer aussi les biais qui sont déjà là. Mais alors, du coup, la question à un million, Caroline, comment on fait pour sortir de ce cercle qui peut être soit vicieux, soit vertueux, selon le cas Comment on fait pour développer un autre imaginaire en tant que société À travers le cinéma, j'espère.

  • Speaker #0

    En fait, c'est assez logiquement avoir à cœur de changer qui sont les personnes qui racontent les histoires. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une prise de conscience de l'importance d'avoir une représentation de toute la société sur l'ensemble de la chaîne de production. Un tournage, c'est une entreprise collective et elle doit représenter la société qu'il est aussi, en fait. et on parlait de female gaze, de male gaze tout à l'heure, il faut qu'il y ait plus de femmes pour raconter plus d'histoires de femmes. Ça paraît logique. Il faut des gens en situation de handicap pour traiter du handicap dans la façon dont les personnes en situation de handicap le vivent. Le travail de fond de Artus sur un petit truc en plus, et ce qui a touché la société, les millions de personnes qui sont allées voir le film en salle, c'est le fait qu'il ait travaillé avec des personnes en réelle situation de handicap. en adaptant sa façon de travailler à des personnes en réelle situation de handicap. Je ne sais pas si je recommande aux gens qui nous écoutent d'aller regarder sur YouTube des séquences de travail de Artus avec certains des comédiens. C'est extrêmement touchant à voir, mais on voit qu'on ne travaille pas de la même manière où on travaillerait avec un comédien ou une comédienne pas en situation de handicap. Il y a une façon de s'adapter, mais c'est le modèle de production qui doit évoluer en ce sens-là. Et de la même manière, On doit parler de... On doit représenter des personnes racisées. Il faut que ce soit des personnes racisées avec les histoires qui portent en eux, qui racontent ces histoires-là. Parce que la justesse, la façon de... On parlait tout à l'heure de la façon dont on peut se projeter dans un personnage, c'est lié à la justesse de ce que tu vois en face de toi. Nous, on n'avait pas le choix. Je pense que les femmes, fin des années 80, quand elles voyaient Rock Working Girl, elles disaient, enfin, une nana qui... Et... qui travaillent déjà, juste une amas qui travaille à l'écran, tu vois ce que je veux dire. Mais combien ne se sont pas senties représentées dans le personnage pour plein de raisons. Donc aujourd'hui, c'est la finesse et la nuance et la façon dont on arrive à travailler, à traiter ces sujets-là, c'est lié exclusivement à la typologie de personnes à qui on ouvre le secteur. Et c'est pour ça que tu parlais de plafond de verre et de mon engagement contre le plafond de verre dans le secteur aujourd'hui, c'est que l'entre-soi cinématographique, français ou ailleurs, il ne permet que de produire des contenus qui sont fidèles à cet entre-soi. Et c'est à la fois un enjeu sociétal, comme on vient d'en parler, mais un enjeu industriel aussi, parce que je le disais, si les gens ne se voient pas représenter correctement l'écran, ils n'iront plus voir les films. Donc c'est Rebecca Zlotowski, la réalisatrice, qui disait qu'on est en train de payer le fait d'avoir fait des films entre nous et pour nous. Et c'est tout l'enjeu, en fait, aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous recommander des films qui permettent justement d'ouvrir ce champ des possibles

  • Speaker #0

    J'ai déjà du mal à faire des top 10, on me demande tout le temps des top 10, des top 50, des top sur une certaine... sur plein de dynamiques. C'est-à-dire qu'à chaque époque, il y a eu des films qui ont fait bouger des lignes et même dans des films qui ne sont pas des films hyper importants, il y a des personnages qui ont en fait fait bouger des lignes, etc. Je disais tout à l'heure, Ridley Scott et James Cameron, c'est deux réalisateurs hommes qui ont beaucoup fait dans le cinéma d'action et le cinéma mainstream pour créer des personnages féminins qui sont maîtres de leur propre destinée. Et du coup, j'aime beaucoup Ridley Scott et James Cameron pour ça. je suis une grande fan de Almodovar et ce que j'apprécie dans son cinéma et encore une fois on parle là de réalisateur masculin mais c'est juste pour le citer en premier il y a un traitement de la femme qui est intéressant pas tant dans le réalisme de ce en quoi on peut se projeter mais en fait dans la multitude des personnages qui sont traités par Almodovar il y a, en rassemblant l'ensemble des personnages, on crée une femme entière c'est comme ça qu'on doit regarder le film Et c'est ça qui est assez joyeux. C'est à quel point il a eu à cœur d'essayer de comprendre lui en tant qu'homme ce qu'est une femme. Donc, ce n'est pas réaliste, mais il y a une forme d'amour pour le féminin qui est très jolie à voir. Et après, il faut consciemment aller voir des films qui ont été faits par des femmes parce que c'est là qu'on voit qu'on a un traitement qui est très différent. Donc, il y a... effectivement les gros films qui ont fait parler de, enfin tu vois, les grosses réalisatrices, les Greta Gerwig, les Chloé Zalao, etc., qui sont des réalisatrices récentes de cette génération qui est la nôtre en fait, qui a envie de bouger les codes et qui a fait des gros films hollywoodiens, qui ont fait des gros films hollywoodiens qui sont hyper intéressants. Il y a les réalisatrices françaises qui sont primées aujourd'hui, donc on parlait de Justine Trié tout à l'heure, il y a Audrey D. Wan, il y a Coralie Fargeac, allez voir The Substance par exemple. un des films qui a été nommé aux Oscars, qui était un grand film, il faut consciemment essayer de voir s'il y a des films qui ont été faits par des femmes, parce que ça change drastiquement la façon dont les personnages sont présentés. Et en fonction des thématiques, il faut se dire, tiens, comment il a travaillé Est-ce qu'il a vraiment fait appel, je disais tout à l'heure, à des personnes en situation de handicap Est-ce que, ben voilà, si c'est un réalisateur noir, comment il a traité de la question des personnages noirs à l'écran Quand on veut parler du film, d'une communauté Est-ce qu'il y a des personnes de cette communauté qui ont travaillé à la rédaction C'est ça qui est intéressant à crever. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre, comme quand on découvre l'histoire de l'art. Il y a toute l'histoire derrière l'œuvre. Il y a les hommes et les femmes qui sont derrière l'œuvre, qui jouent. Après, j'ai des petites chouchous de personnages féminins qui m'ont transcendée depuis que je suis gamine. Je te dirais qu'effectivement, je le disais tout à l'heure, Hélène Ripley, Sarah Connor, Thelma et Louise, des personnages qui m'ont... qui m'ont versé des films indépendants américains parce que moi c'est mon goût personnel je pense à Juno par exemple et là encore c'est une scénariste femme qui a créé ce personnage, Diablo Cody elle s'appelle, donc Diablo Cody c'est une scénariste qui était strip-teaseuse avant de devenir scénariste un personnage complètement fou Diablo Cody Juno c'est un personnage, c'est un apprentissage de l'adolescence qui est très chouette. On a à peu près le même âge qu'Elliot Page, donc je me suis vachement transposée dans ce personnage-là. Ou pour les enfants, il faut attendre encore un petit peu, mais pour les pré-ados, je dirais Little Miss Sunshine, le personnage qui est joué par Abigail Breslin dans Little Miss Sunshine. Ben oui, c'est un peu une façon de s'affranchir des codes de ce que c'est d'être un enfant et de revenir au pur de ce qu'est un enfant, en fait. Moi, j'adore ce personnage féminin-là. Il est fou.

  • Speaker #1

    J'adore. Dès que tu as dit Little Miss Sunshine, tout mon visage s'est illuminé.

  • Speaker #0

    C'est un de mes films préférés au monde.

  • Speaker #1

    Je prendrai une liste et on la mettra dans les notes de cet épisode, parce que ça permet quand même de savoir ce qu'on cherche après, quand on cherche un film à regarder le soir, le samedi soir. Le mot de la fin, Caroline, ce serait quoi

  • Speaker #0

    J'entends souvent, on me les dit souvent, parce que le fait d'être présente sur les réseaux, ça te confronte aussi à des personnes avec lesquelles tu ne débattrais pas forcément dans la vie en général. Et j'entends très souvent, de façon incurrente, avec tout ce qui se passe dans le monde, les conflits géopolitiques, le réchauffement climatique, le combat pour une juste représentation à l'écran, tu m'excuseras, mais ce n'est pas prioritaire. Ce n'est pas le sujet de fond. Le nombre de fois où j'ai eu des ouais, vous feriez mieux de… au lieu de vous préoccuper de vos sujets de bobos parisiens, etc. Et en fait, pour moi, c'est une grossière erreur parce que comme on boucle la boucle, mais c'est ce qu'on disait au début, les récits, ça forge les identités. Ça forge les projections et ça crée les citoyens de demain, les votants de demain et donc les sociétés de demain. Et si on ne fait pas attention, en plus avec le flux des réseaux sociaux et les images dont on abreuve l'ensemble des populations, on propose des histoires et des récits qui vont créer cette société qu'on n'a pas très envie de voir demain. Donc pour moi, c'est au contraire au cœur de nos sujets sociétaux d'aujourd'hui. Quelles histoires on raconte pour les adultes de demain

  • Speaker #1

    J'adore, je suis complètement d'accord. Moi, je pense que le cinéma, et c'est pour ça aussi que j'avais envie de te recevoir au plateau de Toute Puissante, au micro de Toute Puissante. Je pense que comprendre l'impact de ce que nous, on a vu au cinéma sur nos propres représentations et nos propres croyances, notre propre rapport au pouvoir, ça nous permet déjà de déconstruire des croyances, de lever certains blocages. Et après, en plus, de se dire, bon, maintenant qu'on sait cet impact, comment on peut changer les choses pour les générations futures, ce que tu nous as expliqué. Ah, c'était passionnant. J'ai adoré cet échange, Caroline. J'espère que les personnes qui nous écoutent aussi. Et je te remercie pour ton temps. Je sais que tu fais plein, plein, plein de choses. Et donc, c'est encore plus précieux. Merci du temps que tu nous as accordé.

  • Speaker #0

    Merci de m'avoir écoutée et j'espère que j'ai motivé plein de gens à aller au cinéma, en salle, voir des films. C'est important d'aller en salle voir des films.

  • Speaker #1

    Ça me donne envie, en tout cas. Ça me donne envie d'y aller ce week-end.

  • Speaker #0

    Quelle est la prochaine séance Allez, allez au ciné tout de suite.

  • Speaker #1

    Mais surtout qu'il y a un super film. Bon, on en parlera après. Parce que je pense que l'épisode sera publié dans un moment où ce film ne sera plus à l'antenne, enfin ne sera plus au cinéma. Et voilà, c'est déjà la fin de cet épisode. merci d'avoir écouté. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et à très bientôt pour un nouvel épisode. Plante puissance Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissance. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. À très bientôt. pour un nouvel épisode plein de puissance.

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