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Toutes Puissantes !

40. S'affranchir d'une éducation genrée avec Mireille Clapot.

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36min |28/11/2025
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Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Mireille Clapot dans la série spéciale Les Confidences des Toutes Puissantes.


Mireille a grandi dans un village rural de 150 habitants, avant d’intégrer l’École Centrale Paris.


Son parcours l’a menée de l’industrie au secteur public, jusqu’à être députée pendant 7 ans, puis membre du collège d’une autorité administrative indépendante.


Elle est aussi écrivaine, avec trois romans publiés. 📚


Dans cet échange, Mireille revient sur les assignations de genre qu’elle a subies dès l’enfance, les obstacles liés à la maternité et à la carrière, mais aussi sur le sexisme ordinaire vécu en entreprise. Avec sincérité et profondeur, elle partage comment elle a appris à changer son regard sur les épreuves pour en faire des moteurs.


Mireille nous livre un témoignage riche, traversé par une conviction forte : il faut oser, prendre la parole, et cultiver la sororité pour que chaque femme puisse accéder aux espaces de pouvoir. 🙏


🎧 Bonne écoute !


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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🎬 Agence de podcasts : Into The Wave studio

📷 Visuel : Astrid Amadieu


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du club de pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes Puissantes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Mireille Clapot. Bonjour Mireille.

  • Speaker #1

    Bonjour Carota.

  • Speaker #0

    Déjà, je te remercie d'avoir accepté mon invitation et je vais expliquer le contexte de ces épisodes. Les confidences des Toutes Puissantes, c'est une série d'épisodes où des femmes à des postes de pouvoir témoignent sur un des obstacles qu'elles ont rencontrés dans leur accession ou l'exercice de leur pouvoir. Mireille Clapot est d'origine rurale, bonne élève à l'école, elle suit un parcours scientifique qui l'amène à être diplômée de l'école Centrale Paris. S'ensuit une carrière dans l'industrie, achats et marketing dans des petites et grandes entreprises. Puis, dans le secteur public, Mireille a été directrice de cabinet d'un maire et président d'agglomération, puis députée pendant 7 ans. Elle est actuellement membre du collège d'une autorité administrative indépendante. Et il faut savoir que Mireille est également écrivaine et a publié trois romans. Alors Mireille, avec ce superbe CV, ce superbe parcours, ce que je trouve très intéressant, c'est qu'en préparant cet épisode, tu m'as dit « on ne peut pas changer les choses, mais on peut changer notre regard sur les choses » . Tu as grandi en entendant des phrases comme « c'est pas pour toi parce que tu es une fille » . Alors Mireille, l'assignation à un genre, est-ce que ça t'est arrivé ?

  • Speaker #1

    Merci, Kauthar, de me donner la parole pour ce podcast. Il est vrai que quand je raconte mon parcours, je peux donner l'impression que c'est un parcours tout à fait linéaire, le parcours d'une bonne élève à l'école, qui ensuite a eu le travail qu'elle voulait, a eu les promotions qu'elle souhaitait, s'est épanouie dans son travail et passée du privé au public sans encombre et avec un mandat renouvelé de député. et puis, comme il faut bien, une vie après avoir été élue de la République, avec de nouvelles fonctions alors que j'ai passé la soixantaine. Et je pense que l'histoire ne s'est pas tout à fait déroulée comme ça, mais grâce à tes questions, cela me permet de mettre en perspective ce qui était difficile, certes, et ce qui aurait pu être des obstacles, et ce qui était des obstacles, mais que j'ai peut-être dépassé, que j'ai transformé en moteur. Je réponds à tes questions bien en tout cas parce que je pense qu'aucune vie n'est linéaire et facile, quel que soit le capital culturel de départ. Et j'aimerais que mon expérience serve à d'autres femmes plus jeunes qui démarrent dans la vie. Et effectivement, je me répète beaucoup en boucle et particulièrement depuis l'année qui vient de s'écouler, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. et faire de toute période difficile, de tout obstacle, un moteur pour la suite.

  • Speaker #0

    Superbe, merci beaucoup Mireille. Et justement, parlons-en, comment s'est déroulée ton enfance à toi ? Est-ce que tu peux nous en dire plus sur peut-être l'environnement dans lequel tu as évolué en étant plus jeune ?

  • Speaker #1

    Donc je suis née dans une famille rurale, très rurale, puisque nous étions dans un village de 150 habitants. Donc là, ce n'est pas spécialement un endroit très ouvert sur la culture, pas très ouvert sur les autres en général. Et en plus, mon père était mon instituteur dans cette école qui desservait deux villages. Et donc, c'était une classe unique. Pour ceux qui ont vu le film Être ou Avoir, c'était tout à fait ça, un ramassage scolaire, pratiquant comme en temps de congé. et qui amenait là les enfants. Nous étions 20 en tout dans cette école, et donc je n'avais pas vraiment d'ouverture sur l'extérieur, puisque mon père, qui était assez sévère, était en même temps mon instituteur. Et je me souviens que dans la mentalité de mes parents, il ne fallait pas jouer avec les autres, parce que comme mon instituteur, c'était mon père, ça pouvait compliquer les choses. Donc j'étais assise. coupée du monde qui m'environnait. Inviter une amie, je ne parlais pas d'un ami, j'ai deux filles et des garçons, j'avais deux frères, mais qui n'invitaient pas non plus leurs amis. Et donc, inviter des amis à la maison, ça ne se faisait pas du tout et il n'y avait pas d'invitation pour aller chez les autres. Donc, le seul milieu dans lequel on évoluait, c'était le milieu familial, les coussins et les cousines qui, eux, ne posaient pas de problème en termes de relation. ça ne m'empêchait pas d'être... comme je l'ai dit, bon élève, et de m'ouvrir sur le monde par la lecture. J'ai énormément lu. Pas vraiment avec les livres familiaux, il y en avait quelques-uns, mais surtout grâce aux livres des bibliothèques. J'ai gardé un amour des bibliothèques. La bibliothèque de cette petite école de campagne et puis ensuite la bibliothèque du collège et du lycée quand je suis partie à 10 ans en sixième. J'ai gardé, comme je l'ai dit, cet amour des bibliothèques. on apprend beaucoup plus que ce qu'on venait chercher. Je peux donner un exemple aussi, c'est que j'ai pris le train pour la première fois à 17 ans, j'ai pris un escalator pour la première fois à 17 ans, et je suis allée au cinéma aussi très tardivement. Donc tout ça, je ne savais pas faire, je ne savais pas comment on prenait le train, je ne savais pas comment on montait sur un escalator, je ne savais pas comment on achetait un billet de cinéma. Donc tout ça, c'est des choses que j'ai apprises, et maintenant ça va, je suis toute. tout à fait à l'aise sur un escalator. J'ai pris beaucoup de trains et je vais beaucoup au spectacle. Mais il y avait des tas de choses qui ne se faisaient pas dans mon milieu et qui se faisaient encore moins quand on était une fille. Quand on est dans un petit village comme ça, la mobilité, c'est essentiel. Et la mobilité, c'était très compliqué. Mes parents avaient une voiture, et tant que je n'avais pas de suitant, c'était impossible de la conduire, et puis même après aussi. Mes frères pouvaient facilement bouger les voitures, mais moi c'était jugé comme trop risqué. Je me souviens que j'ai quand même eu un vélo, parce que le vélo ça se faisait. Mais par exemple, il y avait une mobilette à la maison, et la mobilette, ce n'était pas pour moi. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce que je n'ai pas assez insisté ? Ou est-ce que c'était naturel ? Et tant pis, je ne me servais pas de mobilette. Et souvent, je me repose la question, qu'est-ce qui tombe ? ce que tu n'as pas pu faire est venu d'une interdiction ou est venu d'une interdiction tacite ou est venu d'une autocensure. Et ça, c'est intéressant, je pense. Et aujourd'hui, j'ai l'impression que tout est possible. Je dis que j'ai l'impression parce que des fois, j'ai aussi gardé quelques autocensures. Je me pose régulièrement la question en parlant comme si j'étais une autre personne. Mireille, tu dis que tu ne peux pas faire ça, mais pourquoi, au fond, est-ce qu'on te l'interdit si tu peux faire ça ? tu prends ce grève, c'est interdit, qu'est-ce qui va t'arriver ? Est-ce que ce n'est pas au fond de l'autocensure ? Et si tu osais, qu'est-ce qui se passerait ? Donc, cette question de la locomotion et de la mobilité en général, je suis extrêmement sensible. Et puis, il y a la question, bien sûr, scolaire. Là, je ne savais pas du tout à quoi ça servait de bien travailler à l'école, mais j'avais ce réflexe. Et dans une famille urale très marquée par la paysannerie, par le travail agricole, Ça, c'est un reflet. C'est qu'il faut travailler. Quel que soit le but, finalement, il faut travailler. Et à l'école, il faut bien travailler. Et donc, j'ai bien travaillé à l'école. Et au final, comme j'avais en plus, je pense, quelques capacités, ça m'a menée jusqu'au bac. Et après, c'est poser la question de l'orientation. Et il se trouve que j'avais juste quelques années au-dessus de moi un cousin qui, lui, était très bon élève aussi et qui est allé en classe réparatoire scientifique. dans un des très bons lycées de la région, qui est le lycée du Parc. Et j'étais persuadée que je ne pouvais pas suivre ses traces et surtout j'étais persuadée que je ne pouvais rien faire d'autre. Je n'avais pas entendu parler de Sciences Po, je n'avais pas entendu parler d'autre chose. Mais je pensais que ce serait très difficile de faire une prépa. D'ailleurs, mes professeurs avaient dit à mes parents mais il faut un métal énorme tenir le coup, on ne devrait pas, il n'y arriverait pas. Et puis, je ne sais plus exactement dans quelles circonstances, mais sans doute ce réflexe aussi qui est paradoxal par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a le réflexe de l'autocensure, mais aussi le réflexe de dire « on va voir, ils vont voir si je ne suis pas capable de faire quelque chose, et je vais essayer et je vais y arriver » . On est plein de contradictions, moi aussi, mais il y a en même temps ces deux tendances contradictoires. et parfois c'est l'une qui l'emporte et parfois c'est l'autre qui l'emporte. En l'occurrence, je suis allée en classe prépa et puis c'était très compliqué au début. La marche était très très haute, mais je passe sur les détails. Au 3,5, comme on dit, après seulement deux années de prépa et sans redoubler, je suis rentrée avec un... bon niveau de classement à Centrale Paris. Et là, je dois dire que j'ai vraiment, cruellement ressenti que je n'étais pas du tout issue du même milieu. Qu'est-ce que j'avais connu de la vie ? J'avais connu ma compagne, on partait un petit peu en vacances avec mes parents, pas que j'exagère, mais j'avais connu un milieu très étriqué. Et puis, j'avais fait que bosser pendant mes deux années de prépa scientifique. Donc là, j'ai senti vraiment,

  • Speaker #0

    cruellement,

  • Speaker #1

    en arrivant à Centrale, ce que c'était que le manque d'argent, et puis ce que c'était que le manque d'assurance, et ce que c'était que le manque de capital culturel. Je ne l'appelais pas comme ça à l'époque, mais c'est exactement ça, ne pas savoir s'habiller, ne pas savoir se tenir. Et tout ça, on l'apprend à ses dépens, parce qu'on est moqués. On dit, ah là là, mais t'as vu comme t'es habillée pour venir sur un salon ? Et oui, je le dis à toutes les jeunes filles maintenant, regardez quand même autour de vous et adoptez des codes. Donc ça, je l'ai appris à mes dépens. Et quand même, ces grandes écoles ont l'avantage qu'elles sont des lieux de brassage. On mélange des gens venant d'itinéraires très différents. Et c'est ça qui est bien, justement, c'est ce brassage et le fait qu'on finit tous par se ressembler peu ou peu en sortant des écoles.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Mireille, pour tous ces détails sur l'environnement dans lequel tu as grandi et évolué. Si je comprends bien, il y avait deux sujets. Il y a le fait que déjà tu viens d'un milieu plutôt rural, même très rural. Donc, il y a eu toute la problématique de capital social que tu n'avais pas nécessairement en arrivant à Paris, entre guillemets. Il y avait toute la problématique aussi, tout l'enjeu de l'éducation que tu as reçue qui n'était visiblement pas... pas la même par rapport à tes frères et aussi par rapport à tes camarades masculins en classe, puisque tu nous parles de cette anecdote où les enseignants aussi avaient un avis sur tes capacités et en particulier ta sensibilité ou ton émotivité, qui a l'air quand même très empreinte d'un biais de genre qu'on attribue aux femmes sur leur capacité à gérer le stress ou gérer un certain niveau de pression. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est bien résumé. Je me souviens, par exemple, dans les prépas scientifiques, on a des séances de col. Dans les prépas scientifiques, on a des séances de col, c'est-à-dire des interrogations orales sur un sujet déterminé au tableau. C'est le soir et c'est en général une grande pression. On apprend à résister à cette pression. mais je me souviens d'une fois où sur un... Un temps, quand on voyait un prof, j'ai effectivement fondu en l'air, je ne sais pas pourquoi. On disait tout à l'heure, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. À l'époque, j'en suis beaucoup voulue, parce que je me suis dit, mais c'est nul, ma pauvre Mireille, on ne se met pas à pleurer comme ça devant un prof. Le prof était d'ailleurs très embêté. Et maintenant, je change de regard là-dessus, et j'ai beaucoup plus d'indulgence vis-à-vis de moi, et j'ai envie de... Je veux dire à ces jeunes filles et peut-être aussi ces jeunes garçons que quand on a beaucoup de pression, qu'on ne dort pas beaucoup, qu'on peut être parfait et puis que rien n'est parfait, il arrive qu'on craque et qu'on montre ses émotions et que ça n'est pas grave et que c'est même bien d'avoir des émotions et de les montrer et que bien sûr, il ne faut pas s'effondrer après avoir eu cet accès de larmes. Il faut apprendre à sécher ses larmes et puis à repartir au combat. L'Asie ne pourrait pas être un combat. Je dis aux jeunes filles en particulier, parce qu'à une autre époque aussi, je reviendrai après, un accès de larmes qui peut coûter cher, il faut non pas blâmer celle qui pleure, mais blâmer celui qui se moque de celle qui pleure.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup. Aujourd'hui, avec ton regard actuel, qu'est-ce qui a été le plus difficile à vivre pour toi d'être ramené à... à ta condition de femme, sachant que ce n'est même pas une condition de femme, mais ramener, essentialiser. Qu'est-ce qui a été pour toi le plus difficile à vivre, à être essentialisée en tant que femme ?

  • Speaker #1

    J'ai une anecdote pendant ma vie professionnelle qui m'a particulièrement marquée. Je n'étais pas exactement une débutante, ça devait faire 4-5 ans que je travaillais. C'était dans une entreprise pourtant qui attachait beaucoup d'importance à tout ce qui était humain. J'étais dans une fonction marketing. La fonction marketing dans les entreprises industrielles, elle a toujours eu du mal à se positionner. Et là, j'avais été invité à une réunion sur un produit dont je m'occupais. Mais c'était le responsable de la recherche et du développement qui tenait le haut du pavé, avec toujours quelques ricanements, etc. Et je lui ai demandé, puisque c'est lui qui invitait, je lui ai demandé ce qu'il attendait de moi dans cette réunion. Et moi, je pensais au niveau de la fonction. Et lui, il a eu cette réponse qui me résonne encore dans les oreilles. Il m'a dit « ce qu'on attend de toi, tu souris, tu t'assoies, tu dis rien et tout se passerait bien » . C'est d'un sexisme absolument dingue. Jamais il aurait dit ça à un homme. En fait, il me demandait d'être une potiche. C'est incroyable. J'en ai encore la colère qui me vient. D'ailleurs, je pense que j'ai réagi un peu. J'aurais dû faire un scandale. Aujourd'hui, on est en 2025 et on peut faire un scandale quand il se passe des choses comme ça. Mais à l'époque, j'ai simplement mal vécu et j'ai réfréné ma colère. Ce n'est pas des exemples de sexisme. J'en ai eu d'autres parce que j'ai vécu en entreprise à une époque où il y avait quand même beaucoup de sexualisation des relations entre les hommes et les femmes au travail. Ce ne serait plus du tout acceptable maintenant. Et puis j'ai vécu aussi toutes les promotions qui me sont passées sous le nez, les augmentations qui étaient pour les autres, principalement les hommes, qui savaient pas. pour mieux mettre en valeur leur travail. Et peut-être aussi une anecdote qui m'a beaucoup fâchée à l'époque. J'ai eu trois enfants rapprochés parce que je voulais. J'ai continué à travailler avec ces enfants. Mon mari s'en occupait bien, mais c'était quand même compliqué. Quand il fallait se déplacer, puisque je travaillais à l'international où je devais parcourir la France entière pour aller voir d'autres sites industriels, j'appuie Jamais je n'ai refini pour me lever à 4h30 du matin, aller prendre un avion à Saint-Exupéry, faire des voyages en train ou en voiture. Jamais je n'ai refini, je me suis toujours débrouillée pour que la garde de mes enfants se fasse sans me plaindre. Et quand il s'agit des augmentations et des promotions, mon chef de l'époque m'a dit, vous comprenez Mireille, vous êtes mère de famille. Et là j'ai bandi et je lui ai dit, mais trouvez-moi. Une fois où j'ai utilisé le fait d'être mère de famille pour refuser un déplacement, pour refuser une mission, j'ai toujours dit oui et j'ai toujours fait passer ma vie familiale au second plan. Et maintenant, vous osez me dire que je suis avant tout une mère de famille. Et là, j'étais très en colère. Je crois que quelques temps plus tard, il m'a quand même donné mon augmentation parce que j'ai fait du foin aussi. Comme je prenais un petit peu d'assurance, c'était plus facile. Mais vous voyez, ça aussi, c'est quelque chose que les femmes aujourd'hui ne doivent pas accepter.

  • Speaker #0

    Pour contexte, c'était à peu près en quelle année toutes ces anecdotes professionnelles ?

  • Speaker #1

    Mon troisième enfant est né en 1997, donc je pense que c'est entre la fin des années 90 et le début des années 2000.

  • Speaker #0

    D'accord, parce qu'en fait, c'est intéressant. Alors, je pense qu'il y a quand même... eu pas mal d'évolutions positives, mais cette assignation de la femme au rôle de mère, c'est quand même quelque chose qui existe encore. Il y a ce terme de motherhood penalty en anglais, de peine de mère si on veut en français, ou pénalité de la maternité. Donc il y a quand même encore des éléments, les écarts de salaire sont toujours présents, peut-être pas aussi gros, mais quand même toujours là. Moi, j'ai une question. En revenant à ton enfance, De quoi rêvait la Mireille Enfant ?

  • Speaker #1

    Je me souviens que comme j'étais bonne en langues étrangères, j'avais fait une rédaction en quatrième où on me demandait de me projeter en 1990, je crois, ce qui semblait à l'époque être une éternité. Et je m'étais décrite en tant qu'interprète parce que pour moi, parler les langues, ça voulait dire être interprète. Alors je... Je ne sais pas si mes rêves peuvent se résumer à ça. C'était très flou, je n'avais pas de rôle modèle. Je n'avais personne dans mon entourage qui aurait pu me dire, voilà, je fais ça, je suis, je ne sais pas, moi, diplomate, je suis chef d'entreprise et voilà ce que je fais. Je pense que pour moi, sortir du milieu rural et des agriculteurs et des fonctionnaires, c'était travailler dans une entreprise. Et c'est sans doute pour ça que j'ai travaillé dans l'industrie en sortant de mon diplôme de centrale, alors qu'après je me suis beaucoup plus épanouie dans des fonctions plus tertiaires. Mais je ne savais pas, mes rêves se limitaient à... à ce que je pouvais lire dans les livres. Et donc, je n'avais pas une grande connaissance du champ des possibles. Je voudrais quand même aussi raconter quelque chose, parce que ça m'a fait penser que j'allais raconter mon référence de mère de famille. Il faut quand même que je dise aux personnes qui nous écoutent, hommes et femmes d'ailleurs, que j'ai eu trois enfants, certes, mais pour chacune des naissances de ces enfants, j'ai eu une recherche d'emploi. Quand j'étais enceinte du 1er, j'ai été licenciée. Et donc, c'était un licenciement économique. Mais du coup, je suis passée à côté de la convention de conversion. Et c'était une époque difficile parce qu'il n'y avait quasiment pas de travail en 93. Donc, premier enfant, licenciement et recherche d'emploi. En deuxième enfant, j'étais dans une entreprise qui n'allait pas très bien. Et je pensais que j'allais quand même pouvoir garder mon... poste, mais au moment où je les ai appelés à la fin de mon projet maternité, ils m'ont dit au téléphone « en fait, on ne va pas vous garder » . Là, c'était beaucoup plus grave parce qu'on avait fait le pari d'acheter une maison et donc on avait des emplois à rembourser. Donc, deuxième enfant, il me voilà avec à nouveau une recherche d'emploi. Et puis, pour le troisième enfant, c'était un peu différent, c'est que j'avais accepté entre-temps une mission d'intérim. Vous voyez, malgré mon diplôme de centrale et malgré tout mon parcours, j'avais été bien content de trouver une mission d'intérim. Et j'ai profité de la fin de la mission d'intérim pour faire mon troisième enfant. Et finalement, j'ai retrouvé assez facilement après le troisième enfant, puisque la boîte qui m'avait prise en intérim m'a reprise en CDI. Mais je pense qu'il n'y a pas beaucoup de personnes quand même qui, comme moi, ont eu trois enfants et trois recherches d'emploi. Et donc, j'en suis à envier les personnes qui disent « je reviens au travail, mais on m'a mis dans un placard » . Ben oui, t'es peut-être dans un placard, mais t'as toujours ton salaire à la fin du mois, alors que moi, c'était les allocations chômage. Donc là aussi, il ne s'agit pas de dire « j'en ai bavé plus que vous » , mais il faut aussi, là, puisqu'on ne peut pas changer les choses, changer son regard sur les choses et dire « ne faudrait jamais » . qu'une femme qui a des enfants doive chaque fois avoir autant de difficultés à retrouver ne serait-ce qu'un travail alimentaire. Et donc, battons-nous pour qu'une femme ne soit pas pénalisée parce qu'elle a des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. S'il y a deux enseignements, c'est sur un plan collectif, c'est qu'est-ce qu'on fait en tant que collectivité pour que plus aucune femme n'ait à payer une forme de tribu ... pour avoir contribué à la natalité en France. Et d'un point de vue individuel, je ne peux pas forcément changer ce qui m'est arrivé. Mais comment est-ce que je peux changer le regard que je pose sur ces événements pour me permettre d'aller de l'avant en fait ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. À la fois le combat, parce que c'est un enjeu politique maintenant, la natalité. Et quand on fait l'effort, même si c'est un plaisir, j'ai eu un immense plaisir. à avoir mes enfants et à les élever. Ils ont la trentaine maintenant. C'est aussi un engagement pour la nation et pour la démographie d'avoir des enfants. Donc, il faut les chouchouter, nos femmes enceintes. Et si ce sont des femmes qui sont cadre supérieur, eh bien, il faut leur permettre, si elles le souhaitent, de rester cadre supérieur et pas de les saquer, de ne pas les considérer comme des Ausha nourrir. Ça, c'est l'aspect politique. Et puis aussi, pour soi, il faut dire, bon, j'ai traversé ces épreuves. je m'en suis sortie, ça veut dire qu'on peut s'en sortir. Et donc, c'est une bonne leçon pour le prochain obstacle qui se dressera face à moi, de se rappeler qu'il s'est passé ça et tu y es arrivé quand même. Et donc, là aussi,

  • Speaker #0

    tu vas y arriver. Tout à fait. Et si tu regardes ton parcours, justement, avec les différents obstacles que tu as rencontrés, et on voit qu'il y en a eu beaucoup, ne serait-ce que, j'allais dire à cause, mais du fait d'avoir été une femme, sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ce parcours ? Parce que là, on parle du parcours en entreprise, mais plus tard, tu as fait de la politique, tu as été élue députée et donc tu es allée vraiment à des niveaux d'influence, de position de pouvoir qui sont très élevés au niveau du pays. Sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ton parcours, en dépit justement des obstacles que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #1

    Le fait de me lancer dans la politique et de poser ma candidature, investie par En Marche en 2017, ça s'est fait non sans avoir... On a battu quelques démons intérieurs. La première fois qu'on m'a parlé de ça, j'ai dit « non, ce n'est pas pour moi, je n'ai pas le niveau » . C'est la phrase qu'elles se disent à toutes les femmes quand on leur propose quelque chose. L'envie, je pense que je l'avais, elle est venue au fil du temps. D'ailleurs, j'ai fini par poser ma candidature, mais j'étais vraiment persuadée que je n'aurais pas le niveau. Après, je me suis dit « oui, mais tu as déjà éprouvé ça » . ce sentiment de n'avoir pas le niveau et une fois que tu étais dans la fonction, tu y es arrivé, donc tu dois pouvoir y arriver. Et là, le fait d'être une femme ne m'a pas desservie, mais au contraire m'a servi. Et c'est tout à l'honneur d'Emmanuel Macron et je ne suis pas une bénévole, c'est-à-dire que je sais critiquer aussi quand il fait des choses pas bien, dont la dissolution de juin 2024, mais si en 2017, on a réussi à avoir une assemblée Merci. à 50% le groupe au marché de femmes, c'est bien parce qu'il a tenu bon et qu'il a exigé qu'il y ait des candidats de femmes. Et donc là, le fait d'être femme m'a plutôt servi pour être investie. Et ensuite, il a fallu se battre, bien sûr. La compétition politique, elle est féroce. Elle est assortie de sexisme. Mais je ne me suis jamais laissée démonter. J'ai eu à faire face, assez rarement finalement, à Dieu. du sexisme pendant les campagnes où on voulait un peu me renvoyer à mes casseroles, quand j'ai été victime de bad buzz et que le sexisme était quand même beaucoup plus présent dans les attaques, et bien à chaque fois j'ai serré les dents et j'ai tenu bon et je me suis dit que ce n'est pas parce que j'étais une femme que j'étais inférieure et que j'allais le rentrer justement pour être femme, avoir eu... une carrière dans l'entreprise, comme je l'ai dit, et exercer des responsabilités politiques. Donc je pense que ça m'a plutôt servi de repenser à ces obstacles et de me dire que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas conduire une voiture, que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas aller en classe répain, etc. Enfin, si on refait tout le film, et avoir des responsabilités. Et donc j'ai été comme ça vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, ce qui m'a beaucoup plu. et puis également présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes. Mais là, à ce niveau de responsabilité, ça n'a pas été un inconvénient d'être une femme. En fait, comme la tendance est quand même à la parité et à donner des responsabilités aux femmes, je pense que ça m'a plutôt servi.

  • Speaker #0

    Et finalement, à postériori, une fois que tu as été élue, cette croyance ou cette peur de ne pas être à la hauteur ? Qu'est-ce que tu en as fait ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ?

  • Speaker #1

    C'est rester un handicap pour quelque chose, c'est pour la prise de parole dans les médias, ou la prise de parole en public. Là, quand je suis avec toi, qui sait très bien mettre à l'aise, je suis à l'aise.

  • Speaker #0

    Mais j'ai été paralysée par le trac sur foi au moment de prendre la parole en hémicycle. Et je pense que ça, ça m'a desservie. Parce que la politique récompense quand même davantage les, on peut dire, grandes gueules. Et comme moi, on m'avait toujours plutôt dit de me taire, j'ai eu beaucoup de mal à dépasser ça. Et à ne pas écouter cette petite voix qui me disait la parole de mon père. Il me disait beaucoup. « Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, eh bien tais-toi. » Donc dans les injonctions, il y avait cette injonction au silence et à vraiment être persuadée qu'on avait quelque chose d'intéressant à dire et que c'était la seule condition selon laquelle on pouvait s'exprimer. Ça, ça m'a beaucoup poursuivie, ça me poursuit encore. Après l'ayant identifiée, j'ai fait en sorte de me soigner, mais je n'ai jamais vraiment rattrapé ce handicap de départ. et Je vois bien dans les jeunes filles, celles qui ont toujours été habituées à prendre la parole et à qui on a toujours dit « waouh, mais c'est vachement intéressant ce que tu dis » et qui ont pris confiance en elles, elles ont une facilité d'expression que je n'ai pas. C'est un peu mon regret, mais c'est comme ça. Il faut aussi cultiver ça et ça me fait plaisir quand j'entends des gens qui me connaissent, qui me disent « tu ne parles pas tout le temps, mais quand tu parles, c'est un bon escient » . Et donc, encore une fois, je ne peux pas changer les choses, je ne peux pas changer ce handicap, mais je peux changer mon regard dessus et me dire que ma parole est peut-être plus rare, mais qu'elle est précieuse et qu'elle est juste.

  • Speaker #1

    Tout à fait, tout à fait. D'ailleurs, souvent, les personnes qui s'expriment moins sont plus écoutées quand ils s'expriment parce que leur parole est plus précieuse, parce qu'elle est plus rare, justement. et En ayant fait le fil comme ça de ton parcours, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est dommage que je ne crois pas en la réincarnation parce que vraiment, j'adorerais avoir une deuxième vie, une troisième vie. Il y a encore tellement de choses à faire parce que malgré tout ce que j'ai raconté, je suis une passionnée de la vie, de plein de choses. Je pense qu'au niveau carrière, si c'était à refaire, je compléterais mes études d'ingénieur qui sont une bonne base. j'ai compris compléterai par ce que j'ai toujours aimé faire, c'est-à-dire des études littéraires. J'ai repris des études littéraires à l'âge adulte et j'ai une maîtrise de lettres aussi. Et d'ailleurs, ça m'a donné confiance pour écrire des livres. Je crois que j'écrirai d'ailleurs plus tôt parce que comme j'ai écrit tard, là aussi, il y a un handicap à rattraper. Je n'aurai peut-être pas tout le temps nécessaire pour rattraper ce handicap. Et je pense que je tenterai des écoles... plus prestigieuse, du style l'ENA ou des choses comme ça, de façon à peut-être m'offrir encore davantage sur le monde. Le paradoxe, c'est que mon univers, c'était la cour de ma maison dans un petit village, alors que maintenant, avec tous les voyages que j'ai faits, avec toutes les responsabilités que j'ai eues, je considère que mon terrain de jeu, c'est la planète entière. Et donc, dans une deuxième vie, je voudrais vraiment pouvoir... exercer aussi des responsabilités professionnelles sur la planète entière et ne pas me contenter de la parcourir en voyage à pied ou à vélo. Je referai sans doute ça, sans doute différemment. Et puis, ce que j'aimerais bien dire aussi aux jeunes femmes, c'est qu'il faut oser davantage. Et moi, si je parle à la jeune fille que j'étais, c'est qu'il faut qu'elle ose peut-être aussi ne pas s'en... de gens qui lui envoient des ondes négatives, les gens qui disent « tu n'y arriveras pas » , eh bien, si on peut mettre des distances, en général on peut, il faut les tenir à distance. Et ça, c'est quelque chose que je ferai. Et aussi de faire beaucoup plus confiance aux gens qui me veulent du bien. Les gens qui me veulent du bien et qui ont remarqué que j'ai certaines dispositions, certains talents et qui ont envie de m'accompagner. dans l'expression de ces talents. Il ne faut pas que j'ai peur d'eux, il faut que je les écoute et que je me rende compte que c'est du donnant-donnant. C'est ça le réseau, c'est on donne, on reçoit. Et donc, si des personnes revenaient à la jeune fille de 18 ans que j'étais et tendaient la main et diraient, viens, je vais t'emmener vers des domaines que tu ne connais pas, je saisirais plus cette main et je dirais, allez.

  • Speaker #1

    on y va ensemble. Donc, accepter de recevoir.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Top, top, top, top. Eh bien, merci beaucoup Mireille pour cet échange. Merci. J'allais te demander justement un dernier conseil, mais toi-même tu as embrayé sur les conseils que tu donnerais à la Mireille enfant. Est-ce qu'il y a une dernière chose que tu as envie de partager avec les personnes qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Oui, je vais revenir sur la prise de parole parce qu'on en a parlé toutes les deux. Je pense que pour exprimer pleinement ses talents, parce qu'on a tous des talents. L'une des clés, c'est d'être sur les photos, de sourire et d'être au premier rang sur les photos. Et l'autre clé, c'est de prendre la parole. Ça s'apprend. Au début, on a peur. Au début, on croit que ce qu'on a à dire n'est pas plus beau que le silence. Mais en fait, il faut s'entraîner, il faut y aller avec une voix claire. Il faut braver les ricanements. Et il faut mettre en place une chaîne de sororité. pour les faire entrer de la parole et donner la parole à celle qui est au bout de la table et qui n'ose pas le faire. Et donc, c'est ça que je voudrais dire, c'est que nous devons toutes, collectivement, prendre la parole. Et c'est pour ça que je voulais à nouveau te remercier parce que ce que tu fais là, par ces interviews, par ces podcasts, c'est donner la parole. Et c'est vraiment très important.

  • Speaker #1

    Oh, merci Mireille. Justement, à mesure que tu disais ça, je me disais... C'est exactement ce qu'on est en train de faire et c'est aussi une façon de transmettre la parole de femmes comme toi à plein d'autres femmes qui se sentent peut-être aujourd'hui à une place à laquelle toi tu as pu être par le passé et de voir, ah bah en fait, je peux être ici aujourd'hui, je peux me sentir limitée dans l'espace ou limitée dans ce que les gens pensent de moi et ça ne m'empêchera pas. d'aller aussi loin que où Mireille Clapot a pu aller.

  • Speaker #0

    Voilà, si mon expérience peut servir de rôle modèle, ça sera vraiment avec plaisir.

  • Speaker #1

    Superbe. C'est déjà la fin de cet épisode. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

  • Speaker #2

    Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissante. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. A très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Mireille Clapot dans la série spéciale Les Confidences des Toutes Puissantes.


Mireille a grandi dans un village rural de 150 habitants, avant d’intégrer l’École Centrale Paris.


Son parcours l’a menée de l’industrie au secteur public, jusqu’à être députée pendant 7 ans, puis membre du collège d’une autorité administrative indépendante.


Elle est aussi écrivaine, avec trois romans publiés. 📚


Dans cet échange, Mireille revient sur les assignations de genre qu’elle a subies dès l’enfance, les obstacles liés à la maternité et à la carrière, mais aussi sur le sexisme ordinaire vécu en entreprise. Avec sincérité et profondeur, elle partage comment elle a appris à changer son regard sur les épreuves pour en faire des moteurs.


Mireille nous livre un témoignage riche, traversé par une conviction forte : il faut oser, prendre la parole, et cultiver la sororité pour que chaque femme puisse accéder aux espaces de pouvoir. 🙏


🎧 Bonne écoute !


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du club de pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes Puissantes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Mireille Clapot. Bonjour Mireille.

  • Speaker #1

    Bonjour Carota.

  • Speaker #0

    Déjà, je te remercie d'avoir accepté mon invitation et je vais expliquer le contexte de ces épisodes. Les confidences des Toutes Puissantes, c'est une série d'épisodes où des femmes à des postes de pouvoir témoignent sur un des obstacles qu'elles ont rencontrés dans leur accession ou l'exercice de leur pouvoir. Mireille Clapot est d'origine rurale, bonne élève à l'école, elle suit un parcours scientifique qui l'amène à être diplômée de l'école Centrale Paris. S'ensuit une carrière dans l'industrie, achats et marketing dans des petites et grandes entreprises. Puis, dans le secteur public, Mireille a été directrice de cabinet d'un maire et président d'agglomération, puis députée pendant 7 ans. Elle est actuellement membre du collège d'une autorité administrative indépendante. Et il faut savoir que Mireille est également écrivaine et a publié trois romans. Alors Mireille, avec ce superbe CV, ce superbe parcours, ce que je trouve très intéressant, c'est qu'en préparant cet épisode, tu m'as dit « on ne peut pas changer les choses, mais on peut changer notre regard sur les choses » . Tu as grandi en entendant des phrases comme « c'est pas pour toi parce que tu es une fille » . Alors Mireille, l'assignation à un genre, est-ce que ça t'est arrivé ?

  • Speaker #1

    Merci, Kauthar, de me donner la parole pour ce podcast. Il est vrai que quand je raconte mon parcours, je peux donner l'impression que c'est un parcours tout à fait linéaire, le parcours d'une bonne élève à l'école, qui ensuite a eu le travail qu'elle voulait, a eu les promotions qu'elle souhaitait, s'est épanouie dans son travail et passée du privé au public sans encombre et avec un mandat renouvelé de député. et puis, comme il faut bien, une vie après avoir été élue de la République, avec de nouvelles fonctions alors que j'ai passé la soixantaine. Et je pense que l'histoire ne s'est pas tout à fait déroulée comme ça, mais grâce à tes questions, cela me permet de mettre en perspective ce qui était difficile, certes, et ce qui aurait pu être des obstacles, et ce qui était des obstacles, mais que j'ai peut-être dépassé, que j'ai transformé en moteur. Je réponds à tes questions bien en tout cas parce que je pense qu'aucune vie n'est linéaire et facile, quel que soit le capital culturel de départ. Et j'aimerais que mon expérience serve à d'autres femmes plus jeunes qui démarrent dans la vie. Et effectivement, je me répète beaucoup en boucle et particulièrement depuis l'année qui vient de s'écouler, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. et faire de toute période difficile, de tout obstacle, un moteur pour la suite.

  • Speaker #0

    Superbe, merci beaucoup Mireille. Et justement, parlons-en, comment s'est déroulée ton enfance à toi ? Est-ce que tu peux nous en dire plus sur peut-être l'environnement dans lequel tu as évolué en étant plus jeune ?

  • Speaker #1

    Donc je suis née dans une famille rurale, très rurale, puisque nous étions dans un village de 150 habitants. Donc là, ce n'est pas spécialement un endroit très ouvert sur la culture, pas très ouvert sur les autres en général. Et en plus, mon père était mon instituteur dans cette école qui desservait deux villages. Et donc, c'était une classe unique. Pour ceux qui ont vu le film Être ou Avoir, c'était tout à fait ça, un ramassage scolaire, pratiquant comme en temps de congé. et qui amenait là les enfants. Nous étions 20 en tout dans cette école, et donc je n'avais pas vraiment d'ouverture sur l'extérieur, puisque mon père, qui était assez sévère, était en même temps mon instituteur. Et je me souviens que dans la mentalité de mes parents, il ne fallait pas jouer avec les autres, parce que comme mon instituteur, c'était mon père, ça pouvait compliquer les choses. Donc j'étais assise. coupée du monde qui m'environnait. Inviter une amie, je ne parlais pas d'un ami, j'ai deux filles et des garçons, j'avais deux frères, mais qui n'invitaient pas non plus leurs amis. Et donc, inviter des amis à la maison, ça ne se faisait pas du tout et il n'y avait pas d'invitation pour aller chez les autres. Donc, le seul milieu dans lequel on évoluait, c'était le milieu familial, les coussins et les cousines qui, eux, ne posaient pas de problème en termes de relation. ça ne m'empêchait pas d'être... comme je l'ai dit, bon élève, et de m'ouvrir sur le monde par la lecture. J'ai énormément lu. Pas vraiment avec les livres familiaux, il y en avait quelques-uns, mais surtout grâce aux livres des bibliothèques. J'ai gardé un amour des bibliothèques. La bibliothèque de cette petite école de campagne et puis ensuite la bibliothèque du collège et du lycée quand je suis partie à 10 ans en sixième. J'ai gardé, comme je l'ai dit, cet amour des bibliothèques. on apprend beaucoup plus que ce qu'on venait chercher. Je peux donner un exemple aussi, c'est que j'ai pris le train pour la première fois à 17 ans, j'ai pris un escalator pour la première fois à 17 ans, et je suis allée au cinéma aussi très tardivement. Donc tout ça, je ne savais pas faire, je ne savais pas comment on prenait le train, je ne savais pas comment on montait sur un escalator, je ne savais pas comment on achetait un billet de cinéma. Donc tout ça, c'est des choses que j'ai apprises, et maintenant ça va, je suis toute. tout à fait à l'aise sur un escalator. J'ai pris beaucoup de trains et je vais beaucoup au spectacle. Mais il y avait des tas de choses qui ne se faisaient pas dans mon milieu et qui se faisaient encore moins quand on était une fille. Quand on est dans un petit village comme ça, la mobilité, c'est essentiel. Et la mobilité, c'était très compliqué. Mes parents avaient une voiture, et tant que je n'avais pas de suitant, c'était impossible de la conduire, et puis même après aussi. Mes frères pouvaient facilement bouger les voitures, mais moi c'était jugé comme trop risqué. Je me souviens que j'ai quand même eu un vélo, parce que le vélo ça se faisait. Mais par exemple, il y avait une mobilette à la maison, et la mobilette, ce n'était pas pour moi. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce que je n'ai pas assez insisté ? Ou est-ce que c'était naturel ? Et tant pis, je ne me servais pas de mobilette. Et souvent, je me repose la question, qu'est-ce qui tombe ? ce que tu n'as pas pu faire est venu d'une interdiction ou est venu d'une interdiction tacite ou est venu d'une autocensure. Et ça, c'est intéressant, je pense. Et aujourd'hui, j'ai l'impression que tout est possible. Je dis que j'ai l'impression parce que des fois, j'ai aussi gardé quelques autocensures. Je me pose régulièrement la question en parlant comme si j'étais une autre personne. Mireille, tu dis que tu ne peux pas faire ça, mais pourquoi, au fond, est-ce qu'on te l'interdit si tu peux faire ça ? tu prends ce grève, c'est interdit, qu'est-ce qui va t'arriver ? Est-ce que ce n'est pas au fond de l'autocensure ? Et si tu osais, qu'est-ce qui se passerait ? Donc, cette question de la locomotion et de la mobilité en général, je suis extrêmement sensible. Et puis, il y a la question, bien sûr, scolaire. Là, je ne savais pas du tout à quoi ça servait de bien travailler à l'école, mais j'avais ce réflexe. Et dans une famille urale très marquée par la paysannerie, par le travail agricole, Ça, c'est un reflet. C'est qu'il faut travailler. Quel que soit le but, finalement, il faut travailler. Et à l'école, il faut bien travailler. Et donc, j'ai bien travaillé à l'école. Et au final, comme j'avais en plus, je pense, quelques capacités, ça m'a menée jusqu'au bac. Et après, c'est poser la question de l'orientation. Et il se trouve que j'avais juste quelques années au-dessus de moi un cousin qui, lui, était très bon élève aussi et qui est allé en classe réparatoire scientifique. dans un des très bons lycées de la région, qui est le lycée du Parc. Et j'étais persuadée que je ne pouvais pas suivre ses traces et surtout j'étais persuadée que je ne pouvais rien faire d'autre. Je n'avais pas entendu parler de Sciences Po, je n'avais pas entendu parler d'autre chose. Mais je pensais que ce serait très difficile de faire une prépa. D'ailleurs, mes professeurs avaient dit à mes parents mais il faut un métal énorme tenir le coup, on ne devrait pas, il n'y arriverait pas. Et puis, je ne sais plus exactement dans quelles circonstances, mais sans doute ce réflexe aussi qui est paradoxal par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a le réflexe de l'autocensure, mais aussi le réflexe de dire « on va voir, ils vont voir si je ne suis pas capable de faire quelque chose, et je vais essayer et je vais y arriver » . On est plein de contradictions, moi aussi, mais il y a en même temps ces deux tendances contradictoires. et parfois c'est l'une qui l'emporte et parfois c'est l'autre qui l'emporte. En l'occurrence, je suis allée en classe prépa et puis c'était très compliqué au début. La marche était très très haute, mais je passe sur les détails. Au 3,5, comme on dit, après seulement deux années de prépa et sans redoubler, je suis rentrée avec un... bon niveau de classement à Centrale Paris. Et là, je dois dire que j'ai vraiment, cruellement ressenti que je n'étais pas du tout issue du même milieu. Qu'est-ce que j'avais connu de la vie ? J'avais connu ma compagne, on partait un petit peu en vacances avec mes parents, pas que j'exagère, mais j'avais connu un milieu très étriqué. Et puis, j'avais fait que bosser pendant mes deux années de prépa scientifique. Donc là, j'ai senti vraiment,

  • Speaker #0

    cruellement,

  • Speaker #1

    en arrivant à Centrale, ce que c'était que le manque d'argent, et puis ce que c'était que le manque d'assurance, et ce que c'était que le manque de capital culturel. Je ne l'appelais pas comme ça à l'époque, mais c'est exactement ça, ne pas savoir s'habiller, ne pas savoir se tenir. Et tout ça, on l'apprend à ses dépens, parce qu'on est moqués. On dit, ah là là, mais t'as vu comme t'es habillée pour venir sur un salon ? Et oui, je le dis à toutes les jeunes filles maintenant, regardez quand même autour de vous et adoptez des codes. Donc ça, je l'ai appris à mes dépens. Et quand même, ces grandes écoles ont l'avantage qu'elles sont des lieux de brassage. On mélange des gens venant d'itinéraires très différents. Et c'est ça qui est bien, justement, c'est ce brassage et le fait qu'on finit tous par se ressembler peu ou peu en sortant des écoles.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Mireille, pour tous ces détails sur l'environnement dans lequel tu as grandi et évolué. Si je comprends bien, il y avait deux sujets. Il y a le fait que déjà tu viens d'un milieu plutôt rural, même très rural. Donc, il y a eu toute la problématique de capital social que tu n'avais pas nécessairement en arrivant à Paris, entre guillemets. Il y avait toute la problématique aussi, tout l'enjeu de l'éducation que tu as reçue qui n'était visiblement pas... pas la même par rapport à tes frères et aussi par rapport à tes camarades masculins en classe, puisque tu nous parles de cette anecdote où les enseignants aussi avaient un avis sur tes capacités et en particulier ta sensibilité ou ton émotivité, qui a l'air quand même très empreinte d'un biais de genre qu'on attribue aux femmes sur leur capacité à gérer le stress ou gérer un certain niveau de pression. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est bien résumé. Je me souviens, par exemple, dans les prépas scientifiques, on a des séances de col. Dans les prépas scientifiques, on a des séances de col, c'est-à-dire des interrogations orales sur un sujet déterminé au tableau. C'est le soir et c'est en général une grande pression. On apprend à résister à cette pression. mais je me souviens d'une fois où sur un... Un temps, quand on voyait un prof, j'ai effectivement fondu en l'air, je ne sais pas pourquoi. On disait tout à l'heure, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. À l'époque, j'en suis beaucoup voulue, parce que je me suis dit, mais c'est nul, ma pauvre Mireille, on ne se met pas à pleurer comme ça devant un prof. Le prof était d'ailleurs très embêté. Et maintenant, je change de regard là-dessus, et j'ai beaucoup plus d'indulgence vis-à-vis de moi, et j'ai envie de... Je veux dire à ces jeunes filles et peut-être aussi ces jeunes garçons que quand on a beaucoup de pression, qu'on ne dort pas beaucoup, qu'on peut être parfait et puis que rien n'est parfait, il arrive qu'on craque et qu'on montre ses émotions et que ça n'est pas grave et que c'est même bien d'avoir des émotions et de les montrer et que bien sûr, il ne faut pas s'effondrer après avoir eu cet accès de larmes. Il faut apprendre à sécher ses larmes et puis à repartir au combat. L'Asie ne pourrait pas être un combat. Je dis aux jeunes filles en particulier, parce qu'à une autre époque aussi, je reviendrai après, un accès de larmes qui peut coûter cher, il faut non pas blâmer celle qui pleure, mais blâmer celui qui se moque de celle qui pleure.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup. Aujourd'hui, avec ton regard actuel, qu'est-ce qui a été le plus difficile à vivre pour toi d'être ramené à... à ta condition de femme, sachant que ce n'est même pas une condition de femme, mais ramener, essentialiser. Qu'est-ce qui a été pour toi le plus difficile à vivre, à être essentialisée en tant que femme ?

  • Speaker #1

    J'ai une anecdote pendant ma vie professionnelle qui m'a particulièrement marquée. Je n'étais pas exactement une débutante, ça devait faire 4-5 ans que je travaillais. C'était dans une entreprise pourtant qui attachait beaucoup d'importance à tout ce qui était humain. J'étais dans une fonction marketing. La fonction marketing dans les entreprises industrielles, elle a toujours eu du mal à se positionner. Et là, j'avais été invité à une réunion sur un produit dont je m'occupais. Mais c'était le responsable de la recherche et du développement qui tenait le haut du pavé, avec toujours quelques ricanements, etc. Et je lui ai demandé, puisque c'est lui qui invitait, je lui ai demandé ce qu'il attendait de moi dans cette réunion. Et moi, je pensais au niveau de la fonction. Et lui, il a eu cette réponse qui me résonne encore dans les oreilles. Il m'a dit « ce qu'on attend de toi, tu souris, tu t'assoies, tu dis rien et tout se passerait bien » . C'est d'un sexisme absolument dingue. Jamais il aurait dit ça à un homme. En fait, il me demandait d'être une potiche. C'est incroyable. J'en ai encore la colère qui me vient. D'ailleurs, je pense que j'ai réagi un peu. J'aurais dû faire un scandale. Aujourd'hui, on est en 2025 et on peut faire un scandale quand il se passe des choses comme ça. Mais à l'époque, j'ai simplement mal vécu et j'ai réfréné ma colère. Ce n'est pas des exemples de sexisme. J'en ai eu d'autres parce que j'ai vécu en entreprise à une époque où il y avait quand même beaucoup de sexualisation des relations entre les hommes et les femmes au travail. Ce ne serait plus du tout acceptable maintenant. Et puis j'ai vécu aussi toutes les promotions qui me sont passées sous le nez, les augmentations qui étaient pour les autres, principalement les hommes, qui savaient pas. pour mieux mettre en valeur leur travail. Et peut-être aussi une anecdote qui m'a beaucoup fâchée à l'époque. J'ai eu trois enfants rapprochés parce que je voulais. J'ai continué à travailler avec ces enfants. Mon mari s'en occupait bien, mais c'était quand même compliqué. Quand il fallait se déplacer, puisque je travaillais à l'international où je devais parcourir la France entière pour aller voir d'autres sites industriels, j'appuie Jamais je n'ai refini pour me lever à 4h30 du matin, aller prendre un avion à Saint-Exupéry, faire des voyages en train ou en voiture. Jamais je n'ai refini, je me suis toujours débrouillée pour que la garde de mes enfants se fasse sans me plaindre. Et quand il s'agit des augmentations et des promotions, mon chef de l'époque m'a dit, vous comprenez Mireille, vous êtes mère de famille. Et là j'ai bandi et je lui ai dit, mais trouvez-moi. Une fois où j'ai utilisé le fait d'être mère de famille pour refuser un déplacement, pour refuser une mission, j'ai toujours dit oui et j'ai toujours fait passer ma vie familiale au second plan. Et maintenant, vous osez me dire que je suis avant tout une mère de famille. Et là, j'étais très en colère. Je crois que quelques temps plus tard, il m'a quand même donné mon augmentation parce que j'ai fait du foin aussi. Comme je prenais un petit peu d'assurance, c'était plus facile. Mais vous voyez, ça aussi, c'est quelque chose que les femmes aujourd'hui ne doivent pas accepter.

  • Speaker #0

    Pour contexte, c'était à peu près en quelle année toutes ces anecdotes professionnelles ?

  • Speaker #1

    Mon troisième enfant est né en 1997, donc je pense que c'est entre la fin des années 90 et le début des années 2000.

  • Speaker #0

    D'accord, parce qu'en fait, c'est intéressant. Alors, je pense qu'il y a quand même... eu pas mal d'évolutions positives, mais cette assignation de la femme au rôle de mère, c'est quand même quelque chose qui existe encore. Il y a ce terme de motherhood penalty en anglais, de peine de mère si on veut en français, ou pénalité de la maternité. Donc il y a quand même encore des éléments, les écarts de salaire sont toujours présents, peut-être pas aussi gros, mais quand même toujours là. Moi, j'ai une question. En revenant à ton enfance, De quoi rêvait la Mireille Enfant ?

  • Speaker #1

    Je me souviens que comme j'étais bonne en langues étrangères, j'avais fait une rédaction en quatrième où on me demandait de me projeter en 1990, je crois, ce qui semblait à l'époque être une éternité. Et je m'étais décrite en tant qu'interprète parce que pour moi, parler les langues, ça voulait dire être interprète. Alors je... Je ne sais pas si mes rêves peuvent se résumer à ça. C'était très flou, je n'avais pas de rôle modèle. Je n'avais personne dans mon entourage qui aurait pu me dire, voilà, je fais ça, je suis, je ne sais pas, moi, diplomate, je suis chef d'entreprise et voilà ce que je fais. Je pense que pour moi, sortir du milieu rural et des agriculteurs et des fonctionnaires, c'était travailler dans une entreprise. Et c'est sans doute pour ça que j'ai travaillé dans l'industrie en sortant de mon diplôme de centrale, alors qu'après je me suis beaucoup plus épanouie dans des fonctions plus tertiaires. Mais je ne savais pas, mes rêves se limitaient à... à ce que je pouvais lire dans les livres. Et donc, je n'avais pas une grande connaissance du champ des possibles. Je voudrais quand même aussi raconter quelque chose, parce que ça m'a fait penser que j'allais raconter mon référence de mère de famille. Il faut quand même que je dise aux personnes qui nous écoutent, hommes et femmes d'ailleurs, que j'ai eu trois enfants, certes, mais pour chacune des naissances de ces enfants, j'ai eu une recherche d'emploi. Quand j'étais enceinte du 1er, j'ai été licenciée. Et donc, c'était un licenciement économique. Mais du coup, je suis passée à côté de la convention de conversion. Et c'était une époque difficile parce qu'il n'y avait quasiment pas de travail en 93. Donc, premier enfant, licenciement et recherche d'emploi. En deuxième enfant, j'étais dans une entreprise qui n'allait pas très bien. Et je pensais que j'allais quand même pouvoir garder mon... poste, mais au moment où je les ai appelés à la fin de mon projet maternité, ils m'ont dit au téléphone « en fait, on ne va pas vous garder » . Là, c'était beaucoup plus grave parce qu'on avait fait le pari d'acheter une maison et donc on avait des emplois à rembourser. Donc, deuxième enfant, il me voilà avec à nouveau une recherche d'emploi. Et puis, pour le troisième enfant, c'était un peu différent, c'est que j'avais accepté entre-temps une mission d'intérim. Vous voyez, malgré mon diplôme de centrale et malgré tout mon parcours, j'avais été bien content de trouver une mission d'intérim. Et j'ai profité de la fin de la mission d'intérim pour faire mon troisième enfant. Et finalement, j'ai retrouvé assez facilement après le troisième enfant, puisque la boîte qui m'avait prise en intérim m'a reprise en CDI. Mais je pense qu'il n'y a pas beaucoup de personnes quand même qui, comme moi, ont eu trois enfants et trois recherches d'emploi. Et donc, j'en suis à envier les personnes qui disent « je reviens au travail, mais on m'a mis dans un placard » . Ben oui, t'es peut-être dans un placard, mais t'as toujours ton salaire à la fin du mois, alors que moi, c'était les allocations chômage. Donc là aussi, il ne s'agit pas de dire « j'en ai bavé plus que vous » , mais il faut aussi, là, puisqu'on ne peut pas changer les choses, changer son regard sur les choses et dire « ne faudrait jamais » . qu'une femme qui a des enfants doive chaque fois avoir autant de difficultés à retrouver ne serait-ce qu'un travail alimentaire. Et donc, battons-nous pour qu'une femme ne soit pas pénalisée parce qu'elle a des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. S'il y a deux enseignements, c'est sur un plan collectif, c'est qu'est-ce qu'on fait en tant que collectivité pour que plus aucune femme n'ait à payer une forme de tribu ... pour avoir contribué à la natalité en France. Et d'un point de vue individuel, je ne peux pas forcément changer ce qui m'est arrivé. Mais comment est-ce que je peux changer le regard que je pose sur ces événements pour me permettre d'aller de l'avant en fait ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. À la fois le combat, parce que c'est un enjeu politique maintenant, la natalité. Et quand on fait l'effort, même si c'est un plaisir, j'ai eu un immense plaisir. à avoir mes enfants et à les élever. Ils ont la trentaine maintenant. C'est aussi un engagement pour la nation et pour la démographie d'avoir des enfants. Donc, il faut les chouchouter, nos femmes enceintes. Et si ce sont des femmes qui sont cadre supérieur, eh bien, il faut leur permettre, si elles le souhaitent, de rester cadre supérieur et pas de les saquer, de ne pas les considérer comme des Ausha nourrir. Ça, c'est l'aspect politique. Et puis aussi, pour soi, il faut dire, bon, j'ai traversé ces épreuves. je m'en suis sortie, ça veut dire qu'on peut s'en sortir. Et donc, c'est une bonne leçon pour le prochain obstacle qui se dressera face à moi, de se rappeler qu'il s'est passé ça et tu y es arrivé quand même. Et donc, là aussi,

  • Speaker #0

    tu vas y arriver. Tout à fait. Et si tu regardes ton parcours, justement, avec les différents obstacles que tu as rencontrés, et on voit qu'il y en a eu beaucoup, ne serait-ce que, j'allais dire à cause, mais du fait d'avoir été une femme, sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ce parcours ? Parce que là, on parle du parcours en entreprise, mais plus tard, tu as fait de la politique, tu as été élue députée et donc tu es allée vraiment à des niveaux d'influence, de position de pouvoir qui sont très élevés au niveau du pays. Sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ton parcours, en dépit justement des obstacles que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #1

    Le fait de me lancer dans la politique et de poser ma candidature, investie par En Marche en 2017, ça s'est fait non sans avoir... On a battu quelques démons intérieurs. La première fois qu'on m'a parlé de ça, j'ai dit « non, ce n'est pas pour moi, je n'ai pas le niveau » . C'est la phrase qu'elles se disent à toutes les femmes quand on leur propose quelque chose. L'envie, je pense que je l'avais, elle est venue au fil du temps. D'ailleurs, j'ai fini par poser ma candidature, mais j'étais vraiment persuadée que je n'aurais pas le niveau. Après, je me suis dit « oui, mais tu as déjà éprouvé ça » . ce sentiment de n'avoir pas le niveau et une fois que tu étais dans la fonction, tu y es arrivé, donc tu dois pouvoir y arriver. Et là, le fait d'être une femme ne m'a pas desservie, mais au contraire m'a servi. Et c'est tout à l'honneur d'Emmanuel Macron et je ne suis pas une bénévole, c'est-à-dire que je sais critiquer aussi quand il fait des choses pas bien, dont la dissolution de juin 2024, mais si en 2017, on a réussi à avoir une assemblée Merci. à 50% le groupe au marché de femmes, c'est bien parce qu'il a tenu bon et qu'il a exigé qu'il y ait des candidats de femmes. Et donc là, le fait d'être femme m'a plutôt servi pour être investie. Et ensuite, il a fallu se battre, bien sûr. La compétition politique, elle est féroce. Elle est assortie de sexisme. Mais je ne me suis jamais laissée démonter. J'ai eu à faire face, assez rarement finalement, à Dieu. du sexisme pendant les campagnes où on voulait un peu me renvoyer à mes casseroles, quand j'ai été victime de bad buzz et que le sexisme était quand même beaucoup plus présent dans les attaques, et bien à chaque fois j'ai serré les dents et j'ai tenu bon et je me suis dit que ce n'est pas parce que j'étais une femme que j'étais inférieure et que j'allais le rentrer justement pour être femme, avoir eu... une carrière dans l'entreprise, comme je l'ai dit, et exercer des responsabilités politiques. Donc je pense que ça m'a plutôt servi de repenser à ces obstacles et de me dire que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas conduire une voiture, que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas aller en classe répain, etc. Enfin, si on refait tout le film, et avoir des responsabilités. Et donc j'ai été comme ça vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, ce qui m'a beaucoup plu. et puis également présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes. Mais là, à ce niveau de responsabilité, ça n'a pas été un inconvénient d'être une femme. En fait, comme la tendance est quand même à la parité et à donner des responsabilités aux femmes, je pense que ça m'a plutôt servi.

  • Speaker #0

    Et finalement, à postériori, une fois que tu as été élue, cette croyance ou cette peur de ne pas être à la hauteur ? Qu'est-ce que tu en as fait ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ?

  • Speaker #1

    C'est rester un handicap pour quelque chose, c'est pour la prise de parole dans les médias, ou la prise de parole en public. Là, quand je suis avec toi, qui sait très bien mettre à l'aise, je suis à l'aise.

  • Speaker #0

    Mais j'ai été paralysée par le trac sur foi au moment de prendre la parole en hémicycle. Et je pense que ça, ça m'a desservie. Parce que la politique récompense quand même davantage les, on peut dire, grandes gueules. Et comme moi, on m'avait toujours plutôt dit de me taire, j'ai eu beaucoup de mal à dépasser ça. Et à ne pas écouter cette petite voix qui me disait la parole de mon père. Il me disait beaucoup. « Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, eh bien tais-toi. » Donc dans les injonctions, il y avait cette injonction au silence et à vraiment être persuadée qu'on avait quelque chose d'intéressant à dire et que c'était la seule condition selon laquelle on pouvait s'exprimer. Ça, ça m'a beaucoup poursuivie, ça me poursuit encore. Après l'ayant identifiée, j'ai fait en sorte de me soigner, mais je n'ai jamais vraiment rattrapé ce handicap de départ. et Je vois bien dans les jeunes filles, celles qui ont toujours été habituées à prendre la parole et à qui on a toujours dit « waouh, mais c'est vachement intéressant ce que tu dis » et qui ont pris confiance en elles, elles ont une facilité d'expression que je n'ai pas. C'est un peu mon regret, mais c'est comme ça. Il faut aussi cultiver ça et ça me fait plaisir quand j'entends des gens qui me connaissent, qui me disent « tu ne parles pas tout le temps, mais quand tu parles, c'est un bon escient » . Et donc, encore une fois, je ne peux pas changer les choses, je ne peux pas changer ce handicap, mais je peux changer mon regard dessus et me dire que ma parole est peut-être plus rare, mais qu'elle est précieuse et qu'elle est juste.

  • Speaker #1

    Tout à fait, tout à fait. D'ailleurs, souvent, les personnes qui s'expriment moins sont plus écoutées quand ils s'expriment parce que leur parole est plus précieuse, parce qu'elle est plus rare, justement. et En ayant fait le fil comme ça de ton parcours, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est dommage que je ne crois pas en la réincarnation parce que vraiment, j'adorerais avoir une deuxième vie, une troisième vie. Il y a encore tellement de choses à faire parce que malgré tout ce que j'ai raconté, je suis une passionnée de la vie, de plein de choses. Je pense qu'au niveau carrière, si c'était à refaire, je compléterais mes études d'ingénieur qui sont une bonne base. j'ai compris compléterai par ce que j'ai toujours aimé faire, c'est-à-dire des études littéraires. J'ai repris des études littéraires à l'âge adulte et j'ai une maîtrise de lettres aussi. Et d'ailleurs, ça m'a donné confiance pour écrire des livres. Je crois que j'écrirai d'ailleurs plus tôt parce que comme j'ai écrit tard, là aussi, il y a un handicap à rattraper. Je n'aurai peut-être pas tout le temps nécessaire pour rattraper ce handicap. Et je pense que je tenterai des écoles... plus prestigieuse, du style l'ENA ou des choses comme ça, de façon à peut-être m'offrir encore davantage sur le monde. Le paradoxe, c'est que mon univers, c'était la cour de ma maison dans un petit village, alors que maintenant, avec tous les voyages que j'ai faits, avec toutes les responsabilités que j'ai eues, je considère que mon terrain de jeu, c'est la planète entière. Et donc, dans une deuxième vie, je voudrais vraiment pouvoir... exercer aussi des responsabilités professionnelles sur la planète entière et ne pas me contenter de la parcourir en voyage à pied ou à vélo. Je referai sans doute ça, sans doute différemment. Et puis, ce que j'aimerais bien dire aussi aux jeunes femmes, c'est qu'il faut oser davantage. Et moi, si je parle à la jeune fille que j'étais, c'est qu'il faut qu'elle ose peut-être aussi ne pas s'en... de gens qui lui envoient des ondes négatives, les gens qui disent « tu n'y arriveras pas » , eh bien, si on peut mettre des distances, en général on peut, il faut les tenir à distance. Et ça, c'est quelque chose que je ferai. Et aussi de faire beaucoup plus confiance aux gens qui me veulent du bien. Les gens qui me veulent du bien et qui ont remarqué que j'ai certaines dispositions, certains talents et qui ont envie de m'accompagner. dans l'expression de ces talents. Il ne faut pas que j'ai peur d'eux, il faut que je les écoute et que je me rende compte que c'est du donnant-donnant. C'est ça le réseau, c'est on donne, on reçoit. Et donc, si des personnes revenaient à la jeune fille de 18 ans que j'étais et tendaient la main et diraient, viens, je vais t'emmener vers des domaines que tu ne connais pas, je saisirais plus cette main et je dirais, allez.

  • Speaker #1

    on y va ensemble. Donc, accepter de recevoir.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Top, top, top, top. Eh bien, merci beaucoup Mireille pour cet échange. Merci. J'allais te demander justement un dernier conseil, mais toi-même tu as embrayé sur les conseils que tu donnerais à la Mireille enfant. Est-ce qu'il y a une dernière chose que tu as envie de partager avec les personnes qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Oui, je vais revenir sur la prise de parole parce qu'on en a parlé toutes les deux. Je pense que pour exprimer pleinement ses talents, parce qu'on a tous des talents. L'une des clés, c'est d'être sur les photos, de sourire et d'être au premier rang sur les photos. Et l'autre clé, c'est de prendre la parole. Ça s'apprend. Au début, on a peur. Au début, on croit que ce qu'on a à dire n'est pas plus beau que le silence. Mais en fait, il faut s'entraîner, il faut y aller avec une voix claire. Il faut braver les ricanements. Et il faut mettre en place une chaîne de sororité. pour les faire entrer de la parole et donner la parole à celle qui est au bout de la table et qui n'ose pas le faire. Et donc, c'est ça que je voudrais dire, c'est que nous devons toutes, collectivement, prendre la parole. Et c'est pour ça que je voulais à nouveau te remercier parce que ce que tu fais là, par ces interviews, par ces podcasts, c'est donner la parole. Et c'est vraiment très important.

  • Speaker #1

    Oh, merci Mireille. Justement, à mesure que tu disais ça, je me disais... C'est exactement ce qu'on est en train de faire et c'est aussi une façon de transmettre la parole de femmes comme toi à plein d'autres femmes qui se sentent peut-être aujourd'hui à une place à laquelle toi tu as pu être par le passé et de voir, ah bah en fait, je peux être ici aujourd'hui, je peux me sentir limitée dans l'espace ou limitée dans ce que les gens pensent de moi et ça ne m'empêchera pas. d'aller aussi loin que où Mireille Clapot a pu aller.

  • Speaker #0

    Voilà, si mon expérience peut servir de rôle modèle, ça sera vraiment avec plaisir.

  • Speaker #1

    Superbe. C'est déjà la fin de cet épisode. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

  • Speaker #2

    Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissante. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. A très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

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Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Mireille Clapot dans la série spéciale Les Confidences des Toutes Puissantes.


Mireille a grandi dans un village rural de 150 habitants, avant d’intégrer l’École Centrale Paris.


Son parcours l’a menée de l’industrie au secteur public, jusqu’à être députée pendant 7 ans, puis membre du collège d’une autorité administrative indépendante.


Elle est aussi écrivaine, avec trois romans publiés. 📚


Dans cet échange, Mireille revient sur les assignations de genre qu’elle a subies dès l’enfance, les obstacles liés à la maternité et à la carrière, mais aussi sur le sexisme ordinaire vécu en entreprise. Avec sincérité et profondeur, elle partage comment elle a appris à changer son regard sur les épreuves pour en faire des moteurs.


Mireille nous livre un témoignage riche, traversé par une conviction forte : il faut oser, prendre la parole, et cultiver la sororité pour que chaque femme puisse accéder aux espaces de pouvoir. 🙏


🎧 Bonne écoute !


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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📷 Visuel : Astrid Amadieu


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du club de pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes Puissantes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Mireille Clapot. Bonjour Mireille.

  • Speaker #1

    Bonjour Carota.

  • Speaker #0

    Déjà, je te remercie d'avoir accepté mon invitation et je vais expliquer le contexte de ces épisodes. Les confidences des Toutes Puissantes, c'est une série d'épisodes où des femmes à des postes de pouvoir témoignent sur un des obstacles qu'elles ont rencontrés dans leur accession ou l'exercice de leur pouvoir. Mireille Clapot est d'origine rurale, bonne élève à l'école, elle suit un parcours scientifique qui l'amène à être diplômée de l'école Centrale Paris. S'ensuit une carrière dans l'industrie, achats et marketing dans des petites et grandes entreprises. Puis, dans le secteur public, Mireille a été directrice de cabinet d'un maire et président d'agglomération, puis députée pendant 7 ans. Elle est actuellement membre du collège d'une autorité administrative indépendante. Et il faut savoir que Mireille est également écrivaine et a publié trois romans. Alors Mireille, avec ce superbe CV, ce superbe parcours, ce que je trouve très intéressant, c'est qu'en préparant cet épisode, tu m'as dit « on ne peut pas changer les choses, mais on peut changer notre regard sur les choses » . Tu as grandi en entendant des phrases comme « c'est pas pour toi parce que tu es une fille » . Alors Mireille, l'assignation à un genre, est-ce que ça t'est arrivé ?

  • Speaker #1

    Merci, Kauthar, de me donner la parole pour ce podcast. Il est vrai que quand je raconte mon parcours, je peux donner l'impression que c'est un parcours tout à fait linéaire, le parcours d'une bonne élève à l'école, qui ensuite a eu le travail qu'elle voulait, a eu les promotions qu'elle souhaitait, s'est épanouie dans son travail et passée du privé au public sans encombre et avec un mandat renouvelé de député. et puis, comme il faut bien, une vie après avoir été élue de la République, avec de nouvelles fonctions alors que j'ai passé la soixantaine. Et je pense que l'histoire ne s'est pas tout à fait déroulée comme ça, mais grâce à tes questions, cela me permet de mettre en perspective ce qui était difficile, certes, et ce qui aurait pu être des obstacles, et ce qui était des obstacles, mais que j'ai peut-être dépassé, que j'ai transformé en moteur. Je réponds à tes questions bien en tout cas parce que je pense qu'aucune vie n'est linéaire et facile, quel que soit le capital culturel de départ. Et j'aimerais que mon expérience serve à d'autres femmes plus jeunes qui démarrent dans la vie. Et effectivement, je me répète beaucoup en boucle et particulièrement depuis l'année qui vient de s'écouler, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. et faire de toute période difficile, de tout obstacle, un moteur pour la suite.

  • Speaker #0

    Superbe, merci beaucoup Mireille. Et justement, parlons-en, comment s'est déroulée ton enfance à toi ? Est-ce que tu peux nous en dire plus sur peut-être l'environnement dans lequel tu as évolué en étant plus jeune ?

  • Speaker #1

    Donc je suis née dans une famille rurale, très rurale, puisque nous étions dans un village de 150 habitants. Donc là, ce n'est pas spécialement un endroit très ouvert sur la culture, pas très ouvert sur les autres en général. Et en plus, mon père était mon instituteur dans cette école qui desservait deux villages. Et donc, c'était une classe unique. Pour ceux qui ont vu le film Être ou Avoir, c'était tout à fait ça, un ramassage scolaire, pratiquant comme en temps de congé. et qui amenait là les enfants. Nous étions 20 en tout dans cette école, et donc je n'avais pas vraiment d'ouverture sur l'extérieur, puisque mon père, qui était assez sévère, était en même temps mon instituteur. Et je me souviens que dans la mentalité de mes parents, il ne fallait pas jouer avec les autres, parce que comme mon instituteur, c'était mon père, ça pouvait compliquer les choses. Donc j'étais assise. coupée du monde qui m'environnait. Inviter une amie, je ne parlais pas d'un ami, j'ai deux filles et des garçons, j'avais deux frères, mais qui n'invitaient pas non plus leurs amis. Et donc, inviter des amis à la maison, ça ne se faisait pas du tout et il n'y avait pas d'invitation pour aller chez les autres. Donc, le seul milieu dans lequel on évoluait, c'était le milieu familial, les coussins et les cousines qui, eux, ne posaient pas de problème en termes de relation. ça ne m'empêchait pas d'être... comme je l'ai dit, bon élève, et de m'ouvrir sur le monde par la lecture. J'ai énormément lu. Pas vraiment avec les livres familiaux, il y en avait quelques-uns, mais surtout grâce aux livres des bibliothèques. J'ai gardé un amour des bibliothèques. La bibliothèque de cette petite école de campagne et puis ensuite la bibliothèque du collège et du lycée quand je suis partie à 10 ans en sixième. J'ai gardé, comme je l'ai dit, cet amour des bibliothèques. on apprend beaucoup plus que ce qu'on venait chercher. Je peux donner un exemple aussi, c'est que j'ai pris le train pour la première fois à 17 ans, j'ai pris un escalator pour la première fois à 17 ans, et je suis allée au cinéma aussi très tardivement. Donc tout ça, je ne savais pas faire, je ne savais pas comment on prenait le train, je ne savais pas comment on montait sur un escalator, je ne savais pas comment on achetait un billet de cinéma. Donc tout ça, c'est des choses que j'ai apprises, et maintenant ça va, je suis toute. tout à fait à l'aise sur un escalator. J'ai pris beaucoup de trains et je vais beaucoup au spectacle. Mais il y avait des tas de choses qui ne se faisaient pas dans mon milieu et qui se faisaient encore moins quand on était une fille. Quand on est dans un petit village comme ça, la mobilité, c'est essentiel. Et la mobilité, c'était très compliqué. Mes parents avaient une voiture, et tant que je n'avais pas de suitant, c'était impossible de la conduire, et puis même après aussi. Mes frères pouvaient facilement bouger les voitures, mais moi c'était jugé comme trop risqué. Je me souviens que j'ai quand même eu un vélo, parce que le vélo ça se faisait. Mais par exemple, il y avait une mobilette à la maison, et la mobilette, ce n'était pas pour moi. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce que je n'ai pas assez insisté ? Ou est-ce que c'était naturel ? Et tant pis, je ne me servais pas de mobilette. Et souvent, je me repose la question, qu'est-ce qui tombe ? ce que tu n'as pas pu faire est venu d'une interdiction ou est venu d'une interdiction tacite ou est venu d'une autocensure. Et ça, c'est intéressant, je pense. Et aujourd'hui, j'ai l'impression que tout est possible. Je dis que j'ai l'impression parce que des fois, j'ai aussi gardé quelques autocensures. Je me pose régulièrement la question en parlant comme si j'étais une autre personne. Mireille, tu dis que tu ne peux pas faire ça, mais pourquoi, au fond, est-ce qu'on te l'interdit si tu peux faire ça ? tu prends ce grève, c'est interdit, qu'est-ce qui va t'arriver ? Est-ce que ce n'est pas au fond de l'autocensure ? Et si tu osais, qu'est-ce qui se passerait ? Donc, cette question de la locomotion et de la mobilité en général, je suis extrêmement sensible. Et puis, il y a la question, bien sûr, scolaire. Là, je ne savais pas du tout à quoi ça servait de bien travailler à l'école, mais j'avais ce réflexe. Et dans une famille urale très marquée par la paysannerie, par le travail agricole, Ça, c'est un reflet. C'est qu'il faut travailler. Quel que soit le but, finalement, il faut travailler. Et à l'école, il faut bien travailler. Et donc, j'ai bien travaillé à l'école. Et au final, comme j'avais en plus, je pense, quelques capacités, ça m'a menée jusqu'au bac. Et après, c'est poser la question de l'orientation. Et il se trouve que j'avais juste quelques années au-dessus de moi un cousin qui, lui, était très bon élève aussi et qui est allé en classe réparatoire scientifique. dans un des très bons lycées de la région, qui est le lycée du Parc. Et j'étais persuadée que je ne pouvais pas suivre ses traces et surtout j'étais persuadée que je ne pouvais rien faire d'autre. Je n'avais pas entendu parler de Sciences Po, je n'avais pas entendu parler d'autre chose. Mais je pensais que ce serait très difficile de faire une prépa. D'ailleurs, mes professeurs avaient dit à mes parents mais il faut un métal énorme tenir le coup, on ne devrait pas, il n'y arriverait pas. Et puis, je ne sais plus exactement dans quelles circonstances, mais sans doute ce réflexe aussi qui est paradoxal par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a le réflexe de l'autocensure, mais aussi le réflexe de dire « on va voir, ils vont voir si je ne suis pas capable de faire quelque chose, et je vais essayer et je vais y arriver » . On est plein de contradictions, moi aussi, mais il y a en même temps ces deux tendances contradictoires. et parfois c'est l'une qui l'emporte et parfois c'est l'autre qui l'emporte. En l'occurrence, je suis allée en classe prépa et puis c'était très compliqué au début. La marche était très très haute, mais je passe sur les détails. Au 3,5, comme on dit, après seulement deux années de prépa et sans redoubler, je suis rentrée avec un... bon niveau de classement à Centrale Paris. Et là, je dois dire que j'ai vraiment, cruellement ressenti que je n'étais pas du tout issue du même milieu. Qu'est-ce que j'avais connu de la vie ? J'avais connu ma compagne, on partait un petit peu en vacances avec mes parents, pas que j'exagère, mais j'avais connu un milieu très étriqué. Et puis, j'avais fait que bosser pendant mes deux années de prépa scientifique. Donc là, j'ai senti vraiment,

  • Speaker #0

    cruellement,

  • Speaker #1

    en arrivant à Centrale, ce que c'était que le manque d'argent, et puis ce que c'était que le manque d'assurance, et ce que c'était que le manque de capital culturel. Je ne l'appelais pas comme ça à l'époque, mais c'est exactement ça, ne pas savoir s'habiller, ne pas savoir se tenir. Et tout ça, on l'apprend à ses dépens, parce qu'on est moqués. On dit, ah là là, mais t'as vu comme t'es habillée pour venir sur un salon ? Et oui, je le dis à toutes les jeunes filles maintenant, regardez quand même autour de vous et adoptez des codes. Donc ça, je l'ai appris à mes dépens. Et quand même, ces grandes écoles ont l'avantage qu'elles sont des lieux de brassage. On mélange des gens venant d'itinéraires très différents. Et c'est ça qui est bien, justement, c'est ce brassage et le fait qu'on finit tous par se ressembler peu ou peu en sortant des écoles.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Mireille, pour tous ces détails sur l'environnement dans lequel tu as grandi et évolué. Si je comprends bien, il y avait deux sujets. Il y a le fait que déjà tu viens d'un milieu plutôt rural, même très rural. Donc, il y a eu toute la problématique de capital social que tu n'avais pas nécessairement en arrivant à Paris, entre guillemets. Il y avait toute la problématique aussi, tout l'enjeu de l'éducation que tu as reçue qui n'était visiblement pas... pas la même par rapport à tes frères et aussi par rapport à tes camarades masculins en classe, puisque tu nous parles de cette anecdote où les enseignants aussi avaient un avis sur tes capacités et en particulier ta sensibilité ou ton émotivité, qui a l'air quand même très empreinte d'un biais de genre qu'on attribue aux femmes sur leur capacité à gérer le stress ou gérer un certain niveau de pression. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est bien résumé. Je me souviens, par exemple, dans les prépas scientifiques, on a des séances de col. Dans les prépas scientifiques, on a des séances de col, c'est-à-dire des interrogations orales sur un sujet déterminé au tableau. C'est le soir et c'est en général une grande pression. On apprend à résister à cette pression. mais je me souviens d'une fois où sur un... Un temps, quand on voyait un prof, j'ai effectivement fondu en l'air, je ne sais pas pourquoi. On disait tout à l'heure, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. À l'époque, j'en suis beaucoup voulue, parce que je me suis dit, mais c'est nul, ma pauvre Mireille, on ne se met pas à pleurer comme ça devant un prof. Le prof était d'ailleurs très embêté. Et maintenant, je change de regard là-dessus, et j'ai beaucoup plus d'indulgence vis-à-vis de moi, et j'ai envie de... Je veux dire à ces jeunes filles et peut-être aussi ces jeunes garçons que quand on a beaucoup de pression, qu'on ne dort pas beaucoup, qu'on peut être parfait et puis que rien n'est parfait, il arrive qu'on craque et qu'on montre ses émotions et que ça n'est pas grave et que c'est même bien d'avoir des émotions et de les montrer et que bien sûr, il ne faut pas s'effondrer après avoir eu cet accès de larmes. Il faut apprendre à sécher ses larmes et puis à repartir au combat. L'Asie ne pourrait pas être un combat. Je dis aux jeunes filles en particulier, parce qu'à une autre époque aussi, je reviendrai après, un accès de larmes qui peut coûter cher, il faut non pas blâmer celle qui pleure, mais blâmer celui qui se moque de celle qui pleure.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup. Aujourd'hui, avec ton regard actuel, qu'est-ce qui a été le plus difficile à vivre pour toi d'être ramené à... à ta condition de femme, sachant que ce n'est même pas une condition de femme, mais ramener, essentialiser. Qu'est-ce qui a été pour toi le plus difficile à vivre, à être essentialisée en tant que femme ?

  • Speaker #1

    J'ai une anecdote pendant ma vie professionnelle qui m'a particulièrement marquée. Je n'étais pas exactement une débutante, ça devait faire 4-5 ans que je travaillais. C'était dans une entreprise pourtant qui attachait beaucoup d'importance à tout ce qui était humain. J'étais dans une fonction marketing. La fonction marketing dans les entreprises industrielles, elle a toujours eu du mal à se positionner. Et là, j'avais été invité à une réunion sur un produit dont je m'occupais. Mais c'était le responsable de la recherche et du développement qui tenait le haut du pavé, avec toujours quelques ricanements, etc. Et je lui ai demandé, puisque c'est lui qui invitait, je lui ai demandé ce qu'il attendait de moi dans cette réunion. Et moi, je pensais au niveau de la fonction. Et lui, il a eu cette réponse qui me résonne encore dans les oreilles. Il m'a dit « ce qu'on attend de toi, tu souris, tu t'assoies, tu dis rien et tout se passerait bien » . C'est d'un sexisme absolument dingue. Jamais il aurait dit ça à un homme. En fait, il me demandait d'être une potiche. C'est incroyable. J'en ai encore la colère qui me vient. D'ailleurs, je pense que j'ai réagi un peu. J'aurais dû faire un scandale. Aujourd'hui, on est en 2025 et on peut faire un scandale quand il se passe des choses comme ça. Mais à l'époque, j'ai simplement mal vécu et j'ai réfréné ma colère. Ce n'est pas des exemples de sexisme. J'en ai eu d'autres parce que j'ai vécu en entreprise à une époque où il y avait quand même beaucoup de sexualisation des relations entre les hommes et les femmes au travail. Ce ne serait plus du tout acceptable maintenant. Et puis j'ai vécu aussi toutes les promotions qui me sont passées sous le nez, les augmentations qui étaient pour les autres, principalement les hommes, qui savaient pas. pour mieux mettre en valeur leur travail. Et peut-être aussi une anecdote qui m'a beaucoup fâchée à l'époque. J'ai eu trois enfants rapprochés parce que je voulais. J'ai continué à travailler avec ces enfants. Mon mari s'en occupait bien, mais c'était quand même compliqué. Quand il fallait se déplacer, puisque je travaillais à l'international où je devais parcourir la France entière pour aller voir d'autres sites industriels, j'appuie Jamais je n'ai refini pour me lever à 4h30 du matin, aller prendre un avion à Saint-Exupéry, faire des voyages en train ou en voiture. Jamais je n'ai refini, je me suis toujours débrouillée pour que la garde de mes enfants se fasse sans me plaindre. Et quand il s'agit des augmentations et des promotions, mon chef de l'époque m'a dit, vous comprenez Mireille, vous êtes mère de famille. Et là j'ai bandi et je lui ai dit, mais trouvez-moi. Une fois où j'ai utilisé le fait d'être mère de famille pour refuser un déplacement, pour refuser une mission, j'ai toujours dit oui et j'ai toujours fait passer ma vie familiale au second plan. Et maintenant, vous osez me dire que je suis avant tout une mère de famille. Et là, j'étais très en colère. Je crois que quelques temps plus tard, il m'a quand même donné mon augmentation parce que j'ai fait du foin aussi. Comme je prenais un petit peu d'assurance, c'était plus facile. Mais vous voyez, ça aussi, c'est quelque chose que les femmes aujourd'hui ne doivent pas accepter.

  • Speaker #0

    Pour contexte, c'était à peu près en quelle année toutes ces anecdotes professionnelles ?

  • Speaker #1

    Mon troisième enfant est né en 1997, donc je pense que c'est entre la fin des années 90 et le début des années 2000.

  • Speaker #0

    D'accord, parce qu'en fait, c'est intéressant. Alors, je pense qu'il y a quand même... eu pas mal d'évolutions positives, mais cette assignation de la femme au rôle de mère, c'est quand même quelque chose qui existe encore. Il y a ce terme de motherhood penalty en anglais, de peine de mère si on veut en français, ou pénalité de la maternité. Donc il y a quand même encore des éléments, les écarts de salaire sont toujours présents, peut-être pas aussi gros, mais quand même toujours là. Moi, j'ai une question. En revenant à ton enfance, De quoi rêvait la Mireille Enfant ?

  • Speaker #1

    Je me souviens que comme j'étais bonne en langues étrangères, j'avais fait une rédaction en quatrième où on me demandait de me projeter en 1990, je crois, ce qui semblait à l'époque être une éternité. Et je m'étais décrite en tant qu'interprète parce que pour moi, parler les langues, ça voulait dire être interprète. Alors je... Je ne sais pas si mes rêves peuvent se résumer à ça. C'était très flou, je n'avais pas de rôle modèle. Je n'avais personne dans mon entourage qui aurait pu me dire, voilà, je fais ça, je suis, je ne sais pas, moi, diplomate, je suis chef d'entreprise et voilà ce que je fais. Je pense que pour moi, sortir du milieu rural et des agriculteurs et des fonctionnaires, c'était travailler dans une entreprise. Et c'est sans doute pour ça que j'ai travaillé dans l'industrie en sortant de mon diplôme de centrale, alors qu'après je me suis beaucoup plus épanouie dans des fonctions plus tertiaires. Mais je ne savais pas, mes rêves se limitaient à... à ce que je pouvais lire dans les livres. Et donc, je n'avais pas une grande connaissance du champ des possibles. Je voudrais quand même aussi raconter quelque chose, parce que ça m'a fait penser que j'allais raconter mon référence de mère de famille. Il faut quand même que je dise aux personnes qui nous écoutent, hommes et femmes d'ailleurs, que j'ai eu trois enfants, certes, mais pour chacune des naissances de ces enfants, j'ai eu une recherche d'emploi. Quand j'étais enceinte du 1er, j'ai été licenciée. Et donc, c'était un licenciement économique. Mais du coup, je suis passée à côté de la convention de conversion. Et c'était une époque difficile parce qu'il n'y avait quasiment pas de travail en 93. Donc, premier enfant, licenciement et recherche d'emploi. En deuxième enfant, j'étais dans une entreprise qui n'allait pas très bien. Et je pensais que j'allais quand même pouvoir garder mon... poste, mais au moment où je les ai appelés à la fin de mon projet maternité, ils m'ont dit au téléphone « en fait, on ne va pas vous garder » . Là, c'était beaucoup plus grave parce qu'on avait fait le pari d'acheter une maison et donc on avait des emplois à rembourser. Donc, deuxième enfant, il me voilà avec à nouveau une recherche d'emploi. Et puis, pour le troisième enfant, c'était un peu différent, c'est que j'avais accepté entre-temps une mission d'intérim. Vous voyez, malgré mon diplôme de centrale et malgré tout mon parcours, j'avais été bien content de trouver une mission d'intérim. Et j'ai profité de la fin de la mission d'intérim pour faire mon troisième enfant. Et finalement, j'ai retrouvé assez facilement après le troisième enfant, puisque la boîte qui m'avait prise en intérim m'a reprise en CDI. Mais je pense qu'il n'y a pas beaucoup de personnes quand même qui, comme moi, ont eu trois enfants et trois recherches d'emploi. Et donc, j'en suis à envier les personnes qui disent « je reviens au travail, mais on m'a mis dans un placard » . Ben oui, t'es peut-être dans un placard, mais t'as toujours ton salaire à la fin du mois, alors que moi, c'était les allocations chômage. Donc là aussi, il ne s'agit pas de dire « j'en ai bavé plus que vous » , mais il faut aussi, là, puisqu'on ne peut pas changer les choses, changer son regard sur les choses et dire « ne faudrait jamais » . qu'une femme qui a des enfants doive chaque fois avoir autant de difficultés à retrouver ne serait-ce qu'un travail alimentaire. Et donc, battons-nous pour qu'une femme ne soit pas pénalisée parce qu'elle a des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. S'il y a deux enseignements, c'est sur un plan collectif, c'est qu'est-ce qu'on fait en tant que collectivité pour que plus aucune femme n'ait à payer une forme de tribu ... pour avoir contribué à la natalité en France. Et d'un point de vue individuel, je ne peux pas forcément changer ce qui m'est arrivé. Mais comment est-ce que je peux changer le regard que je pose sur ces événements pour me permettre d'aller de l'avant en fait ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. À la fois le combat, parce que c'est un enjeu politique maintenant, la natalité. Et quand on fait l'effort, même si c'est un plaisir, j'ai eu un immense plaisir. à avoir mes enfants et à les élever. Ils ont la trentaine maintenant. C'est aussi un engagement pour la nation et pour la démographie d'avoir des enfants. Donc, il faut les chouchouter, nos femmes enceintes. Et si ce sont des femmes qui sont cadre supérieur, eh bien, il faut leur permettre, si elles le souhaitent, de rester cadre supérieur et pas de les saquer, de ne pas les considérer comme des Ausha nourrir. Ça, c'est l'aspect politique. Et puis aussi, pour soi, il faut dire, bon, j'ai traversé ces épreuves. je m'en suis sortie, ça veut dire qu'on peut s'en sortir. Et donc, c'est une bonne leçon pour le prochain obstacle qui se dressera face à moi, de se rappeler qu'il s'est passé ça et tu y es arrivé quand même. Et donc, là aussi,

  • Speaker #0

    tu vas y arriver. Tout à fait. Et si tu regardes ton parcours, justement, avec les différents obstacles que tu as rencontrés, et on voit qu'il y en a eu beaucoup, ne serait-ce que, j'allais dire à cause, mais du fait d'avoir été une femme, sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ce parcours ? Parce que là, on parle du parcours en entreprise, mais plus tard, tu as fait de la politique, tu as été élue députée et donc tu es allée vraiment à des niveaux d'influence, de position de pouvoir qui sont très élevés au niveau du pays. Sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ton parcours, en dépit justement des obstacles que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #1

    Le fait de me lancer dans la politique et de poser ma candidature, investie par En Marche en 2017, ça s'est fait non sans avoir... On a battu quelques démons intérieurs. La première fois qu'on m'a parlé de ça, j'ai dit « non, ce n'est pas pour moi, je n'ai pas le niveau » . C'est la phrase qu'elles se disent à toutes les femmes quand on leur propose quelque chose. L'envie, je pense que je l'avais, elle est venue au fil du temps. D'ailleurs, j'ai fini par poser ma candidature, mais j'étais vraiment persuadée que je n'aurais pas le niveau. Après, je me suis dit « oui, mais tu as déjà éprouvé ça » . ce sentiment de n'avoir pas le niveau et une fois que tu étais dans la fonction, tu y es arrivé, donc tu dois pouvoir y arriver. Et là, le fait d'être une femme ne m'a pas desservie, mais au contraire m'a servi. Et c'est tout à l'honneur d'Emmanuel Macron et je ne suis pas une bénévole, c'est-à-dire que je sais critiquer aussi quand il fait des choses pas bien, dont la dissolution de juin 2024, mais si en 2017, on a réussi à avoir une assemblée Merci. à 50% le groupe au marché de femmes, c'est bien parce qu'il a tenu bon et qu'il a exigé qu'il y ait des candidats de femmes. Et donc là, le fait d'être femme m'a plutôt servi pour être investie. Et ensuite, il a fallu se battre, bien sûr. La compétition politique, elle est féroce. Elle est assortie de sexisme. Mais je ne me suis jamais laissée démonter. J'ai eu à faire face, assez rarement finalement, à Dieu. du sexisme pendant les campagnes où on voulait un peu me renvoyer à mes casseroles, quand j'ai été victime de bad buzz et que le sexisme était quand même beaucoup plus présent dans les attaques, et bien à chaque fois j'ai serré les dents et j'ai tenu bon et je me suis dit que ce n'est pas parce que j'étais une femme que j'étais inférieure et que j'allais le rentrer justement pour être femme, avoir eu... une carrière dans l'entreprise, comme je l'ai dit, et exercer des responsabilités politiques. Donc je pense que ça m'a plutôt servi de repenser à ces obstacles et de me dire que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas conduire une voiture, que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas aller en classe répain, etc. Enfin, si on refait tout le film, et avoir des responsabilités. Et donc j'ai été comme ça vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, ce qui m'a beaucoup plu. et puis également présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes. Mais là, à ce niveau de responsabilité, ça n'a pas été un inconvénient d'être une femme. En fait, comme la tendance est quand même à la parité et à donner des responsabilités aux femmes, je pense que ça m'a plutôt servi.

  • Speaker #0

    Et finalement, à postériori, une fois que tu as été élue, cette croyance ou cette peur de ne pas être à la hauteur ? Qu'est-ce que tu en as fait ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ?

  • Speaker #1

    C'est rester un handicap pour quelque chose, c'est pour la prise de parole dans les médias, ou la prise de parole en public. Là, quand je suis avec toi, qui sait très bien mettre à l'aise, je suis à l'aise.

  • Speaker #0

    Mais j'ai été paralysée par le trac sur foi au moment de prendre la parole en hémicycle. Et je pense que ça, ça m'a desservie. Parce que la politique récompense quand même davantage les, on peut dire, grandes gueules. Et comme moi, on m'avait toujours plutôt dit de me taire, j'ai eu beaucoup de mal à dépasser ça. Et à ne pas écouter cette petite voix qui me disait la parole de mon père. Il me disait beaucoup. « Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, eh bien tais-toi. » Donc dans les injonctions, il y avait cette injonction au silence et à vraiment être persuadée qu'on avait quelque chose d'intéressant à dire et que c'était la seule condition selon laquelle on pouvait s'exprimer. Ça, ça m'a beaucoup poursuivie, ça me poursuit encore. Après l'ayant identifiée, j'ai fait en sorte de me soigner, mais je n'ai jamais vraiment rattrapé ce handicap de départ. et Je vois bien dans les jeunes filles, celles qui ont toujours été habituées à prendre la parole et à qui on a toujours dit « waouh, mais c'est vachement intéressant ce que tu dis » et qui ont pris confiance en elles, elles ont une facilité d'expression que je n'ai pas. C'est un peu mon regret, mais c'est comme ça. Il faut aussi cultiver ça et ça me fait plaisir quand j'entends des gens qui me connaissent, qui me disent « tu ne parles pas tout le temps, mais quand tu parles, c'est un bon escient » . Et donc, encore une fois, je ne peux pas changer les choses, je ne peux pas changer ce handicap, mais je peux changer mon regard dessus et me dire que ma parole est peut-être plus rare, mais qu'elle est précieuse et qu'elle est juste.

  • Speaker #1

    Tout à fait, tout à fait. D'ailleurs, souvent, les personnes qui s'expriment moins sont plus écoutées quand ils s'expriment parce que leur parole est plus précieuse, parce qu'elle est plus rare, justement. et En ayant fait le fil comme ça de ton parcours, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est dommage que je ne crois pas en la réincarnation parce que vraiment, j'adorerais avoir une deuxième vie, une troisième vie. Il y a encore tellement de choses à faire parce que malgré tout ce que j'ai raconté, je suis une passionnée de la vie, de plein de choses. Je pense qu'au niveau carrière, si c'était à refaire, je compléterais mes études d'ingénieur qui sont une bonne base. j'ai compris compléterai par ce que j'ai toujours aimé faire, c'est-à-dire des études littéraires. J'ai repris des études littéraires à l'âge adulte et j'ai une maîtrise de lettres aussi. Et d'ailleurs, ça m'a donné confiance pour écrire des livres. Je crois que j'écrirai d'ailleurs plus tôt parce que comme j'ai écrit tard, là aussi, il y a un handicap à rattraper. Je n'aurai peut-être pas tout le temps nécessaire pour rattraper ce handicap. Et je pense que je tenterai des écoles... plus prestigieuse, du style l'ENA ou des choses comme ça, de façon à peut-être m'offrir encore davantage sur le monde. Le paradoxe, c'est que mon univers, c'était la cour de ma maison dans un petit village, alors que maintenant, avec tous les voyages que j'ai faits, avec toutes les responsabilités que j'ai eues, je considère que mon terrain de jeu, c'est la planète entière. Et donc, dans une deuxième vie, je voudrais vraiment pouvoir... exercer aussi des responsabilités professionnelles sur la planète entière et ne pas me contenter de la parcourir en voyage à pied ou à vélo. Je referai sans doute ça, sans doute différemment. Et puis, ce que j'aimerais bien dire aussi aux jeunes femmes, c'est qu'il faut oser davantage. Et moi, si je parle à la jeune fille que j'étais, c'est qu'il faut qu'elle ose peut-être aussi ne pas s'en... de gens qui lui envoient des ondes négatives, les gens qui disent « tu n'y arriveras pas » , eh bien, si on peut mettre des distances, en général on peut, il faut les tenir à distance. Et ça, c'est quelque chose que je ferai. Et aussi de faire beaucoup plus confiance aux gens qui me veulent du bien. Les gens qui me veulent du bien et qui ont remarqué que j'ai certaines dispositions, certains talents et qui ont envie de m'accompagner. dans l'expression de ces talents. Il ne faut pas que j'ai peur d'eux, il faut que je les écoute et que je me rende compte que c'est du donnant-donnant. C'est ça le réseau, c'est on donne, on reçoit. Et donc, si des personnes revenaient à la jeune fille de 18 ans que j'étais et tendaient la main et diraient, viens, je vais t'emmener vers des domaines que tu ne connais pas, je saisirais plus cette main et je dirais, allez.

  • Speaker #1

    on y va ensemble. Donc, accepter de recevoir.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Top, top, top, top. Eh bien, merci beaucoup Mireille pour cet échange. Merci. J'allais te demander justement un dernier conseil, mais toi-même tu as embrayé sur les conseils que tu donnerais à la Mireille enfant. Est-ce qu'il y a une dernière chose que tu as envie de partager avec les personnes qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Oui, je vais revenir sur la prise de parole parce qu'on en a parlé toutes les deux. Je pense que pour exprimer pleinement ses talents, parce qu'on a tous des talents. L'une des clés, c'est d'être sur les photos, de sourire et d'être au premier rang sur les photos. Et l'autre clé, c'est de prendre la parole. Ça s'apprend. Au début, on a peur. Au début, on croit que ce qu'on a à dire n'est pas plus beau que le silence. Mais en fait, il faut s'entraîner, il faut y aller avec une voix claire. Il faut braver les ricanements. Et il faut mettre en place une chaîne de sororité. pour les faire entrer de la parole et donner la parole à celle qui est au bout de la table et qui n'ose pas le faire. Et donc, c'est ça que je voudrais dire, c'est que nous devons toutes, collectivement, prendre la parole. Et c'est pour ça que je voulais à nouveau te remercier parce que ce que tu fais là, par ces interviews, par ces podcasts, c'est donner la parole. Et c'est vraiment très important.

  • Speaker #1

    Oh, merci Mireille. Justement, à mesure que tu disais ça, je me disais... C'est exactement ce qu'on est en train de faire et c'est aussi une façon de transmettre la parole de femmes comme toi à plein d'autres femmes qui se sentent peut-être aujourd'hui à une place à laquelle toi tu as pu être par le passé et de voir, ah bah en fait, je peux être ici aujourd'hui, je peux me sentir limitée dans l'espace ou limitée dans ce que les gens pensent de moi et ça ne m'empêchera pas. d'aller aussi loin que où Mireille Clapot a pu aller.

  • Speaker #0

    Voilà, si mon expérience peut servir de rôle modèle, ça sera vraiment avec plaisir.

  • Speaker #1

    Superbe. C'est déjà la fin de cet épisode. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

  • Speaker #2

    Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissante. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. A très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Toutes Puissantes


Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Mireille Clapot dans la série spéciale Les Confidences des Toutes Puissantes.


Mireille a grandi dans un village rural de 150 habitants, avant d’intégrer l’École Centrale Paris.


Son parcours l’a menée de l’industrie au secteur public, jusqu’à être députée pendant 7 ans, puis membre du collège d’une autorité administrative indépendante.


Elle est aussi écrivaine, avec trois romans publiés. 📚


Dans cet échange, Mireille revient sur les assignations de genre qu’elle a subies dès l’enfance, les obstacles liés à la maternité et à la carrière, mais aussi sur le sexisme ordinaire vécu en entreprise. Avec sincérité et profondeur, elle partage comment elle a appris à changer son regard sur les épreuves pour en faire des moteurs.


Mireille nous livre un témoignage riche, traversé par une conviction forte : il faut oser, prendre la parole, et cultiver la sororité pour que chaque femme puisse accéder aux espaces de pouvoir. 🙏


🎧 Bonne écoute !


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Je suis Kaouthar Trojette, coach exécutive et experte en dynamiques de pouvoir, ensemble pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois !


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue sur Toute Puissante, le podcast des femmes qui veulent tout et qui l'obtiennent. Je suis Kauthar Trojet, votre hôte, fondatrice du club de pouvoir, coach exécutif de dirigeante et experte des dynamiques de pouvoir. Ici, nous pulvérisons le plafond de verre, un épisode à la fois. Bienvenue sur ce nouvel épisode de Toutes Puissantes. Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir Mireille Clapot. Bonjour Mireille.

  • Speaker #1

    Bonjour Carota.

  • Speaker #0

    Déjà, je te remercie d'avoir accepté mon invitation et je vais expliquer le contexte de ces épisodes. Les confidences des Toutes Puissantes, c'est une série d'épisodes où des femmes à des postes de pouvoir témoignent sur un des obstacles qu'elles ont rencontrés dans leur accession ou l'exercice de leur pouvoir. Mireille Clapot est d'origine rurale, bonne élève à l'école, elle suit un parcours scientifique qui l'amène à être diplômée de l'école Centrale Paris. S'ensuit une carrière dans l'industrie, achats et marketing dans des petites et grandes entreprises. Puis, dans le secteur public, Mireille a été directrice de cabinet d'un maire et président d'agglomération, puis députée pendant 7 ans. Elle est actuellement membre du collège d'une autorité administrative indépendante. Et il faut savoir que Mireille est également écrivaine et a publié trois romans. Alors Mireille, avec ce superbe CV, ce superbe parcours, ce que je trouve très intéressant, c'est qu'en préparant cet épisode, tu m'as dit « on ne peut pas changer les choses, mais on peut changer notre regard sur les choses » . Tu as grandi en entendant des phrases comme « c'est pas pour toi parce que tu es une fille » . Alors Mireille, l'assignation à un genre, est-ce que ça t'est arrivé ?

  • Speaker #1

    Merci, Kauthar, de me donner la parole pour ce podcast. Il est vrai que quand je raconte mon parcours, je peux donner l'impression que c'est un parcours tout à fait linéaire, le parcours d'une bonne élève à l'école, qui ensuite a eu le travail qu'elle voulait, a eu les promotions qu'elle souhaitait, s'est épanouie dans son travail et passée du privé au public sans encombre et avec un mandat renouvelé de député. et puis, comme il faut bien, une vie après avoir été élue de la République, avec de nouvelles fonctions alors que j'ai passé la soixantaine. Et je pense que l'histoire ne s'est pas tout à fait déroulée comme ça, mais grâce à tes questions, cela me permet de mettre en perspective ce qui était difficile, certes, et ce qui aurait pu être des obstacles, et ce qui était des obstacles, mais que j'ai peut-être dépassé, que j'ai transformé en moteur. Je réponds à tes questions bien en tout cas parce que je pense qu'aucune vie n'est linéaire et facile, quel que soit le capital culturel de départ. Et j'aimerais que mon expérience serve à d'autres femmes plus jeunes qui démarrent dans la vie. Et effectivement, je me répète beaucoup en boucle et particulièrement depuis l'année qui vient de s'écouler, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. et faire de toute période difficile, de tout obstacle, un moteur pour la suite.

  • Speaker #0

    Superbe, merci beaucoup Mireille. Et justement, parlons-en, comment s'est déroulée ton enfance à toi ? Est-ce que tu peux nous en dire plus sur peut-être l'environnement dans lequel tu as évolué en étant plus jeune ?

  • Speaker #1

    Donc je suis née dans une famille rurale, très rurale, puisque nous étions dans un village de 150 habitants. Donc là, ce n'est pas spécialement un endroit très ouvert sur la culture, pas très ouvert sur les autres en général. Et en plus, mon père était mon instituteur dans cette école qui desservait deux villages. Et donc, c'était une classe unique. Pour ceux qui ont vu le film Être ou Avoir, c'était tout à fait ça, un ramassage scolaire, pratiquant comme en temps de congé. et qui amenait là les enfants. Nous étions 20 en tout dans cette école, et donc je n'avais pas vraiment d'ouverture sur l'extérieur, puisque mon père, qui était assez sévère, était en même temps mon instituteur. Et je me souviens que dans la mentalité de mes parents, il ne fallait pas jouer avec les autres, parce que comme mon instituteur, c'était mon père, ça pouvait compliquer les choses. Donc j'étais assise. coupée du monde qui m'environnait. Inviter une amie, je ne parlais pas d'un ami, j'ai deux filles et des garçons, j'avais deux frères, mais qui n'invitaient pas non plus leurs amis. Et donc, inviter des amis à la maison, ça ne se faisait pas du tout et il n'y avait pas d'invitation pour aller chez les autres. Donc, le seul milieu dans lequel on évoluait, c'était le milieu familial, les coussins et les cousines qui, eux, ne posaient pas de problème en termes de relation. ça ne m'empêchait pas d'être... comme je l'ai dit, bon élève, et de m'ouvrir sur le monde par la lecture. J'ai énormément lu. Pas vraiment avec les livres familiaux, il y en avait quelques-uns, mais surtout grâce aux livres des bibliothèques. J'ai gardé un amour des bibliothèques. La bibliothèque de cette petite école de campagne et puis ensuite la bibliothèque du collège et du lycée quand je suis partie à 10 ans en sixième. J'ai gardé, comme je l'ai dit, cet amour des bibliothèques. on apprend beaucoup plus que ce qu'on venait chercher. Je peux donner un exemple aussi, c'est que j'ai pris le train pour la première fois à 17 ans, j'ai pris un escalator pour la première fois à 17 ans, et je suis allée au cinéma aussi très tardivement. Donc tout ça, je ne savais pas faire, je ne savais pas comment on prenait le train, je ne savais pas comment on montait sur un escalator, je ne savais pas comment on achetait un billet de cinéma. Donc tout ça, c'est des choses que j'ai apprises, et maintenant ça va, je suis toute. tout à fait à l'aise sur un escalator. J'ai pris beaucoup de trains et je vais beaucoup au spectacle. Mais il y avait des tas de choses qui ne se faisaient pas dans mon milieu et qui se faisaient encore moins quand on était une fille. Quand on est dans un petit village comme ça, la mobilité, c'est essentiel. Et la mobilité, c'était très compliqué. Mes parents avaient une voiture, et tant que je n'avais pas de suitant, c'était impossible de la conduire, et puis même après aussi. Mes frères pouvaient facilement bouger les voitures, mais moi c'était jugé comme trop risqué. Je me souviens que j'ai quand même eu un vélo, parce que le vélo ça se faisait. Mais par exemple, il y avait une mobilette à la maison, et la mobilette, ce n'était pas pour moi. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce que je n'ai pas assez insisté ? Ou est-ce que c'était naturel ? Et tant pis, je ne me servais pas de mobilette. Et souvent, je me repose la question, qu'est-ce qui tombe ? ce que tu n'as pas pu faire est venu d'une interdiction ou est venu d'une interdiction tacite ou est venu d'une autocensure. Et ça, c'est intéressant, je pense. Et aujourd'hui, j'ai l'impression que tout est possible. Je dis que j'ai l'impression parce que des fois, j'ai aussi gardé quelques autocensures. Je me pose régulièrement la question en parlant comme si j'étais une autre personne. Mireille, tu dis que tu ne peux pas faire ça, mais pourquoi, au fond, est-ce qu'on te l'interdit si tu peux faire ça ? tu prends ce grève, c'est interdit, qu'est-ce qui va t'arriver ? Est-ce que ce n'est pas au fond de l'autocensure ? Et si tu osais, qu'est-ce qui se passerait ? Donc, cette question de la locomotion et de la mobilité en général, je suis extrêmement sensible. Et puis, il y a la question, bien sûr, scolaire. Là, je ne savais pas du tout à quoi ça servait de bien travailler à l'école, mais j'avais ce réflexe. Et dans une famille urale très marquée par la paysannerie, par le travail agricole, Ça, c'est un reflet. C'est qu'il faut travailler. Quel que soit le but, finalement, il faut travailler. Et à l'école, il faut bien travailler. Et donc, j'ai bien travaillé à l'école. Et au final, comme j'avais en plus, je pense, quelques capacités, ça m'a menée jusqu'au bac. Et après, c'est poser la question de l'orientation. Et il se trouve que j'avais juste quelques années au-dessus de moi un cousin qui, lui, était très bon élève aussi et qui est allé en classe réparatoire scientifique. dans un des très bons lycées de la région, qui est le lycée du Parc. Et j'étais persuadée que je ne pouvais pas suivre ses traces et surtout j'étais persuadée que je ne pouvais rien faire d'autre. Je n'avais pas entendu parler de Sciences Po, je n'avais pas entendu parler d'autre chose. Mais je pensais que ce serait très difficile de faire une prépa. D'ailleurs, mes professeurs avaient dit à mes parents mais il faut un métal énorme tenir le coup, on ne devrait pas, il n'y arriverait pas. Et puis, je ne sais plus exactement dans quelles circonstances, mais sans doute ce réflexe aussi qui est paradoxal par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a le réflexe de l'autocensure, mais aussi le réflexe de dire « on va voir, ils vont voir si je ne suis pas capable de faire quelque chose, et je vais essayer et je vais y arriver » . On est plein de contradictions, moi aussi, mais il y a en même temps ces deux tendances contradictoires. et parfois c'est l'une qui l'emporte et parfois c'est l'autre qui l'emporte. En l'occurrence, je suis allée en classe prépa et puis c'était très compliqué au début. La marche était très très haute, mais je passe sur les détails. Au 3,5, comme on dit, après seulement deux années de prépa et sans redoubler, je suis rentrée avec un... bon niveau de classement à Centrale Paris. Et là, je dois dire que j'ai vraiment, cruellement ressenti que je n'étais pas du tout issue du même milieu. Qu'est-ce que j'avais connu de la vie ? J'avais connu ma compagne, on partait un petit peu en vacances avec mes parents, pas que j'exagère, mais j'avais connu un milieu très étriqué. Et puis, j'avais fait que bosser pendant mes deux années de prépa scientifique. Donc là, j'ai senti vraiment,

  • Speaker #0

    cruellement,

  • Speaker #1

    en arrivant à Centrale, ce que c'était que le manque d'argent, et puis ce que c'était que le manque d'assurance, et ce que c'était que le manque de capital culturel. Je ne l'appelais pas comme ça à l'époque, mais c'est exactement ça, ne pas savoir s'habiller, ne pas savoir se tenir. Et tout ça, on l'apprend à ses dépens, parce qu'on est moqués. On dit, ah là là, mais t'as vu comme t'es habillée pour venir sur un salon ? Et oui, je le dis à toutes les jeunes filles maintenant, regardez quand même autour de vous et adoptez des codes. Donc ça, je l'ai appris à mes dépens. Et quand même, ces grandes écoles ont l'avantage qu'elles sont des lieux de brassage. On mélange des gens venant d'itinéraires très différents. Et c'est ça qui est bien, justement, c'est ce brassage et le fait qu'on finit tous par se ressembler peu ou peu en sortant des écoles.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Mireille, pour tous ces détails sur l'environnement dans lequel tu as grandi et évolué. Si je comprends bien, il y avait deux sujets. Il y a le fait que déjà tu viens d'un milieu plutôt rural, même très rural. Donc, il y a eu toute la problématique de capital social que tu n'avais pas nécessairement en arrivant à Paris, entre guillemets. Il y avait toute la problématique aussi, tout l'enjeu de l'éducation que tu as reçue qui n'était visiblement pas... pas la même par rapport à tes frères et aussi par rapport à tes camarades masculins en classe, puisque tu nous parles de cette anecdote où les enseignants aussi avaient un avis sur tes capacités et en particulier ta sensibilité ou ton émotivité, qui a l'air quand même très empreinte d'un biais de genre qu'on attribue aux femmes sur leur capacité à gérer le stress ou gérer un certain niveau de pression. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est bien résumé. Je me souviens, par exemple, dans les prépas scientifiques, on a des séances de col. Dans les prépas scientifiques, on a des séances de col, c'est-à-dire des interrogations orales sur un sujet déterminé au tableau. C'est le soir et c'est en général une grande pression. On apprend à résister à cette pression. mais je me souviens d'une fois où sur un... Un temps, quand on voyait un prof, j'ai effectivement fondu en l'air, je ne sais pas pourquoi. On disait tout à l'heure, quand on ne peut pas changer les choses, il faut changer son regard sur les choses. À l'époque, j'en suis beaucoup voulue, parce que je me suis dit, mais c'est nul, ma pauvre Mireille, on ne se met pas à pleurer comme ça devant un prof. Le prof était d'ailleurs très embêté. Et maintenant, je change de regard là-dessus, et j'ai beaucoup plus d'indulgence vis-à-vis de moi, et j'ai envie de... Je veux dire à ces jeunes filles et peut-être aussi ces jeunes garçons que quand on a beaucoup de pression, qu'on ne dort pas beaucoup, qu'on peut être parfait et puis que rien n'est parfait, il arrive qu'on craque et qu'on montre ses émotions et que ça n'est pas grave et que c'est même bien d'avoir des émotions et de les montrer et que bien sûr, il ne faut pas s'effondrer après avoir eu cet accès de larmes. Il faut apprendre à sécher ses larmes et puis à repartir au combat. L'Asie ne pourrait pas être un combat. Je dis aux jeunes filles en particulier, parce qu'à une autre époque aussi, je reviendrai après, un accès de larmes qui peut coûter cher, il faut non pas blâmer celle qui pleure, mais blâmer celui qui se moque de celle qui pleure.

  • Speaker #0

    J'aime beaucoup. Aujourd'hui, avec ton regard actuel, qu'est-ce qui a été le plus difficile à vivre pour toi d'être ramené à... à ta condition de femme, sachant que ce n'est même pas une condition de femme, mais ramener, essentialiser. Qu'est-ce qui a été pour toi le plus difficile à vivre, à être essentialisée en tant que femme ?

  • Speaker #1

    J'ai une anecdote pendant ma vie professionnelle qui m'a particulièrement marquée. Je n'étais pas exactement une débutante, ça devait faire 4-5 ans que je travaillais. C'était dans une entreprise pourtant qui attachait beaucoup d'importance à tout ce qui était humain. J'étais dans une fonction marketing. La fonction marketing dans les entreprises industrielles, elle a toujours eu du mal à se positionner. Et là, j'avais été invité à une réunion sur un produit dont je m'occupais. Mais c'était le responsable de la recherche et du développement qui tenait le haut du pavé, avec toujours quelques ricanements, etc. Et je lui ai demandé, puisque c'est lui qui invitait, je lui ai demandé ce qu'il attendait de moi dans cette réunion. Et moi, je pensais au niveau de la fonction. Et lui, il a eu cette réponse qui me résonne encore dans les oreilles. Il m'a dit « ce qu'on attend de toi, tu souris, tu t'assoies, tu dis rien et tout se passerait bien » . C'est d'un sexisme absolument dingue. Jamais il aurait dit ça à un homme. En fait, il me demandait d'être une potiche. C'est incroyable. J'en ai encore la colère qui me vient. D'ailleurs, je pense que j'ai réagi un peu. J'aurais dû faire un scandale. Aujourd'hui, on est en 2025 et on peut faire un scandale quand il se passe des choses comme ça. Mais à l'époque, j'ai simplement mal vécu et j'ai réfréné ma colère. Ce n'est pas des exemples de sexisme. J'en ai eu d'autres parce que j'ai vécu en entreprise à une époque où il y avait quand même beaucoup de sexualisation des relations entre les hommes et les femmes au travail. Ce ne serait plus du tout acceptable maintenant. Et puis j'ai vécu aussi toutes les promotions qui me sont passées sous le nez, les augmentations qui étaient pour les autres, principalement les hommes, qui savaient pas. pour mieux mettre en valeur leur travail. Et peut-être aussi une anecdote qui m'a beaucoup fâchée à l'époque. J'ai eu trois enfants rapprochés parce que je voulais. J'ai continué à travailler avec ces enfants. Mon mari s'en occupait bien, mais c'était quand même compliqué. Quand il fallait se déplacer, puisque je travaillais à l'international où je devais parcourir la France entière pour aller voir d'autres sites industriels, j'appuie Jamais je n'ai refini pour me lever à 4h30 du matin, aller prendre un avion à Saint-Exupéry, faire des voyages en train ou en voiture. Jamais je n'ai refini, je me suis toujours débrouillée pour que la garde de mes enfants se fasse sans me plaindre. Et quand il s'agit des augmentations et des promotions, mon chef de l'époque m'a dit, vous comprenez Mireille, vous êtes mère de famille. Et là j'ai bandi et je lui ai dit, mais trouvez-moi. Une fois où j'ai utilisé le fait d'être mère de famille pour refuser un déplacement, pour refuser une mission, j'ai toujours dit oui et j'ai toujours fait passer ma vie familiale au second plan. Et maintenant, vous osez me dire que je suis avant tout une mère de famille. Et là, j'étais très en colère. Je crois que quelques temps plus tard, il m'a quand même donné mon augmentation parce que j'ai fait du foin aussi. Comme je prenais un petit peu d'assurance, c'était plus facile. Mais vous voyez, ça aussi, c'est quelque chose que les femmes aujourd'hui ne doivent pas accepter.

  • Speaker #0

    Pour contexte, c'était à peu près en quelle année toutes ces anecdotes professionnelles ?

  • Speaker #1

    Mon troisième enfant est né en 1997, donc je pense que c'est entre la fin des années 90 et le début des années 2000.

  • Speaker #0

    D'accord, parce qu'en fait, c'est intéressant. Alors, je pense qu'il y a quand même... eu pas mal d'évolutions positives, mais cette assignation de la femme au rôle de mère, c'est quand même quelque chose qui existe encore. Il y a ce terme de motherhood penalty en anglais, de peine de mère si on veut en français, ou pénalité de la maternité. Donc il y a quand même encore des éléments, les écarts de salaire sont toujours présents, peut-être pas aussi gros, mais quand même toujours là. Moi, j'ai une question. En revenant à ton enfance, De quoi rêvait la Mireille Enfant ?

  • Speaker #1

    Je me souviens que comme j'étais bonne en langues étrangères, j'avais fait une rédaction en quatrième où on me demandait de me projeter en 1990, je crois, ce qui semblait à l'époque être une éternité. Et je m'étais décrite en tant qu'interprète parce que pour moi, parler les langues, ça voulait dire être interprète. Alors je... Je ne sais pas si mes rêves peuvent se résumer à ça. C'était très flou, je n'avais pas de rôle modèle. Je n'avais personne dans mon entourage qui aurait pu me dire, voilà, je fais ça, je suis, je ne sais pas, moi, diplomate, je suis chef d'entreprise et voilà ce que je fais. Je pense que pour moi, sortir du milieu rural et des agriculteurs et des fonctionnaires, c'était travailler dans une entreprise. Et c'est sans doute pour ça que j'ai travaillé dans l'industrie en sortant de mon diplôme de centrale, alors qu'après je me suis beaucoup plus épanouie dans des fonctions plus tertiaires. Mais je ne savais pas, mes rêves se limitaient à... à ce que je pouvais lire dans les livres. Et donc, je n'avais pas une grande connaissance du champ des possibles. Je voudrais quand même aussi raconter quelque chose, parce que ça m'a fait penser que j'allais raconter mon référence de mère de famille. Il faut quand même que je dise aux personnes qui nous écoutent, hommes et femmes d'ailleurs, que j'ai eu trois enfants, certes, mais pour chacune des naissances de ces enfants, j'ai eu une recherche d'emploi. Quand j'étais enceinte du 1er, j'ai été licenciée. Et donc, c'était un licenciement économique. Mais du coup, je suis passée à côté de la convention de conversion. Et c'était une époque difficile parce qu'il n'y avait quasiment pas de travail en 93. Donc, premier enfant, licenciement et recherche d'emploi. En deuxième enfant, j'étais dans une entreprise qui n'allait pas très bien. Et je pensais que j'allais quand même pouvoir garder mon... poste, mais au moment où je les ai appelés à la fin de mon projet maternité, ils m'ont dit au téléphone « en fait, on ne va pas vous garder » . Là, c'était beaucoup plus grave parce qu'on avait fait le pari d'acheter une maison et donc on avait des emplois à rembourser. Donc, deuxième enfant, il me voilà avec à nouveau une recherche d'emploi. Et puis, pour le troisième enfant, c'était un peu différent, c'est que j'avais accepté entre-temps une mission d'intérim. Vous voyez, malgré mon diplôme de centrale et malgré tout mon parcours, j'avais été bien content de trouver une mission d'intérim. Et j'ai profité de la fin de la mission d'intérim pour faire mon troisième enfant. Et finalement, j'ai retrouvé assez facilement après le troisième enfant, puisque la boîte qui m'avait prise en intérim m'a reprise en CDI. Mais je pense qu'il n'y a pas beaucoup de personnes quand même qui, comme moi, ont eu trois enfants et trois recherches d'emploi. Et donc, j'en suis à envier les personnes qui disent « je reviens au travail, mais on m'a mis dans un placard » . Ben oui, t'es peut-être dans un placard, mais t'as toujours ton salaire à la fin du mois, alors que moi, c'était les allocations chômage. Donc là aussi, il ne s'agit pas de dire « j'en ai bavé plus que vous » , mais il faut aussi, là, puisqu'on ne peut pas changer les choses, changer son regard sur les choses et dire « ne faudrait jamais » . qu'une femme qui a des enfants doive chaque fois avoir autant de difficultés à retrouver ne serait-ce qu'un travail alimentaire. Et donc, battons-nous pour qu'une femme ne soit pas pénalisée parce qu'elle a des enfants.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. S'il y a deux enseignements, c'est sur un plan collectif, c'est qu'est-ce qu'on fait en tant que collectivité pour que plus aucune femme n'ait à payer une forme de tribu ... pour avoir contribué à la natalité en France. Et d'un point de vue individuel, je ne peux pas forcément changer ce qui m'est arrivé. Mais comment est-ce que je peux changer le regard que je pose sur ces événements pour me permettre d'aller de l'avant en fait ?

  • Speaker #1

    C'est exactement ça. À la fois le combat, parce que c'est un enjeu politique maintenant, la natalité. Et quand on fait l'effort, même si c'est un plaisir, j'ai eu un immense plaisir. à avoir mes enfants et à les élever. Ils ont la trentaine maintenant. C'est aussi un engagement pour la nation et pour la démographie d'avoir des enfants. Donc, il faut les chouchouter, nos femmes enceintes. Et si ce sont des femmes qui sont cadre supérieur, eh bien, il faut leur permettre, si elles le souhaitent, de rester cadre supérieur et pas de les saquer, de ne pas les considérer comme des Ausha nourrir. Ça, c'est l'aspect politique. Et puis aussi, pour soi, il faut dire, bon, j'ai traversé ces épreuves. je m'en suis sortie, ça veut dire qu'on peut s'en sortir. Et donc, c'est une bonne leçon pour le prochain obstacle qui se dressera face à moi, de se rappeler qu'il s'est passé ça et tu y es arrivé quand même. Et donc, là aussi,

  • Speaker #0

    tu vas y arriver. Tout à fait. Et si tu regardes ton parcours, justement, avec les différents obstacles que tu as rencontrés, et on voit qu'il y en a eu beaucoup, ne serait-ce que, j'allais dire à cause, mais du fait d'avoir été une femme, sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ce parcours ? Parce que là, on parle du parcours en entreprise, mais plus tard, tu as fait de la politique, tu as été élue députée et donc tu es allée vraiment à des niveaux d'influence, de position de pouvoir qui sont très élevés au niveau du pays. Sur quoi tu as pu t'appuyer pour construire ton parcours, en dépit justement des obstacles que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #1

    Le fait de me lancer dans la politique et de poser ma candidature, investie par En Marche en 2017, ça s'est fait non sans avoir... On a battu quelques démons intérieurs. La première fois qu'on m'a parlé de ça, j'ai dit « non, ce n'est pas pour moi, je n'ai pas le niveau » . C'est la phrase qu'elles se disent à toutes les femmes quand on leur propose quelque chose. L'envie, je pense que je l'avais, elle est venue au fil du temps. D'ailleurs, j'ai fini par poser ma candidature, mais j'étais vraiment persuadée que je n'aurais pas le niveau. Après, je me suis dit « oui, mais tu as déjà éprouvé ça » . ce sentiment de n'avoir pas le niveau et une fois que tu étais dans la fonction, tu y es arrivé, donc tu dois pouvoir y arriver. Et là, le fait d'être une femme ne m'a pas desservie, mais au contraire m'a servi. Et c'est tout à l'honneur d'Emmanuel Macron et je ne suis pas une bénévole, c'est-à-dire que je sais critiquer aussi quand il fait des choses pas bien, dont la dissolution de juin 2024, mais si en 2017, on a réussi à avoir une assemblée Merci. à 50% le groupe au marché de femmes, c'est bien parce qu'il a tenu bon et qu'il a exigé qu'il y ait des candidats de femmes. Et donc là, le fait d'être femme m'a plutôt servi pour être investie. Et ensuite, il a fallu se battre, bien sûr. La compétition politique, elle est féroce. Elle est assortie de sexisme. Mais je ne me suis jamais laissée démonter. J'ai eu à faire face, assez rarement finalement, à Dieu. du sexisme pendant les campagnes où on voulait un peu me renvoyer à mes casseroles, quand j'ai été victime de bad buzz et que le sexisme était quand même beaucoup plus présent dans les attaques, et bien à chaque fois j'ai serré les dents et j'ai tenu bon et je me suis dit que ce n'est pas parce que j'étais une femme que j'étais inférieure et que j'allais le rentrer justement pour être femme, avoir eu... une carrière dans l'entreprise, comme je l'ai dit, et exercer des responsabilités politiques. Donc je pense que ça m'a plutôt servi de repenser à ces obstacles et de me dire que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas conduire une voiture, que ce n'était pas parce que j'étais une femme que je ne pouvais pas aller en classe répain, etc. Enfin, si on refait tout le film, et avoir des responsabilités. Et donc j'ai été comme ça vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, ce qui m'a beaucoup plu. et puis également présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes. Mais là, à ce niveau de responsabilité, ça n'a pas été un inconvénient d'être une femme. En fait, comme la tendance est quand même à la parité et à donner des responsabilités aux femmes, je pense que ça m'a plutôt servi.

  • Speaker #0

    Et finalement, à postériori, une fois que tu as été élue, cette croyance ou cette peur de ne pas être à la hauteur ? Qu'est-ce que tu en as fait ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ?

  • Speaker #1

    C'est rester un handicap pour quelque chose, c'est pour la prise de parole dans les médias, ou la prise de parole en public. Là, quand je suis avec toi, qui sait très bien mettre à l'aise, je suis à l'aise.

  • Speaker #0

    Mais j'ai été paralysée par le trac sur foi au moment de prendre la parole en hémicycle. Et je pense que ça, ça m'a desservie. Parce que la politique récompense quand même davantage les, on peut dire, grandes gueules. Et comme moi, on m'avait toujours plutôt dit de me taire, j'ai eu beaucoup de mal à dépasser ça. Et à ne pas écouter cette petite voix qui me disait la parole de mon père. Il me disait beaucoup. « Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, eh bien tais-toi. » Donc dans les injonctions, il y avait cette injonction au silence et à vraiment être persuadée qu'on avait quelque chose d'intéressant à dire et que c'était la seule condition selon laquelle on pouvait s'exprimer. Ça, ça m'a beaucoup poursuivie, ça me poursuit encore. Après l'ayant identifiée, j'ai fait en sorte de me soigner, mais je n'ai jamais vraiment rattrapé ce handicap de départ. et Je vois bien dans les jeunes filles, celles qui ont toujours été habituées à prendre la parole et à qui on a toujours dit « waouh, mais c'est vachement intéressant ce que tu dis » et qui ont pris confiance en elles, elles ont une facilité d'expression que je n'ai pas. C'est un peu mon regret, mais c'est comme ça. Il faut aussi cultiver ça et ça me fait plaisir quand j'entends des gens qui me connaissent, qui me disent « tu ne parles pas tout le temps, mais quand tu parles, c'est un bon escient » . Et donc, encore une fois, je ne peux pas changer les choses, je ne peux pas changer ce handicap, mais je peux changer mon regard dessus et me dire que ma parole est peut-être plus rare, mais qu'elle est précieuse et qu'elle est juste.

  • Speaker #1

    Tout à fait, tout à fait. D'ailleurs, souvent, les personnes qui s'expriment moins sont plus écoutées quand ils s'expriment parce que leur parole est plus précieuse, parce qu'elle est plus rare, justement. et En ayant fait le fil comme ça de ton parcours, est-ce qu'il y a des choses que tu ferais différemment aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est dommage que je ne crois pas en la réincarnation parce que vraiment, j'adorerais avoir une deuxième vie, une troisième vie. Il y a encore tellement de choses à faire parce que malgré tout ce que j'ai raconté, je suis une passionnée de la vie, de plein de choses. Je pense qu'au niveau carrière, si c'était à refaire, je compléterais mes études d'ingénieur qui sont une bonne base. j'ai compris compléterai par ce que j'ai toujours aimé faire, c'est-à-dire des études littéraires. J'ai repris des études littéraires à l'âge adulte et j'ai une maîtrise de lettres aussi. Et d'ailleurs, ça m'a donné confiance pour écrire des livres. Je crois que j'écrirai d'ailleurs plus tôt parce que comme j'ai écrit tard, là aussi, il y a un handicap à rattraper. Je n'aurai peut-être pas tout le temps nécessaire pour rattraper ce handicap. Et je pense que je tenterai des écoles... plus prestigieuse, du style l'ENA ou des choses comme ça, de façon à peut-être m'offrir encore davantage sur le monde. Le paradoxe, c'est que mon univers, c'était la cour de ma maison dans un petit village, alors que maintenant, avec tous les voyages que j'ai faits, avec toutes les responsabilités que j'ai eues, je considère que mon terrain de jeu, c'est la planète entière. Et donc, dans une deuxième vie, je voudrais vraiment pouvoir... exercer aussi des responsabilités professionnelles sur la planète entière et ne pas me contenter de la parcourir en voyage à pied ou à vélo. Je referai sans doute ça, sans doute différemment. Et puis, ce que j'aimerais bien dire aussi aux jeunes femmes, c'est qu'il faut oser davantage. Et moi, si je parle à la jeune fille que j'étais, c'est qu'il faut qu'elle ose peut-être aussi ne pas s'en... de gens qui lui envoient des ondes négatives, les gens qui disent « tu n'y arriveras pas » , eh bien, si on peut mettre des distances, en général on peut, il faut les tenir à distance. Et ça, c'est quelque chose que je ferai. Et aussi de faire beaucoup plus confiance aux gens qui me veulent du bien. Les gens qui me veulent du bien et qui ont remarqué que j'ai certaines dispositions, certains talents et qui ont envie de m'accompagner. dans l'expression de ces talents. Il ne faut pas que j'ai peur d'eux, il faut que je les écoute et que je me rende compte que c'est du donnant-donnant. C'est ça le réseau, c'est on donne, on reçoit. Et donc, si des personnes revenaient à la jeune fille de 18 ans que j'étais et tendaient la main et diraient, viens, je vais t'emmener vers des domaines que tu ne connais pas, je saisirais plus cette main et je dirais, allez.

  • Speaker #1

    on y va ensemble. Donc, accepter de recevoir.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça.

  • Speaker #1

    Top, top, top, top. Eh bien, merci beaucoup Mireille pour cet échange. Merci. J'allais te demander justement un dernier conseil, mais toi-même tu as embrayé sur les conseils que tu donnerais à la Mireille enfant. Est-ce qu'il y a une dernière chose que tu as envie de partager avec les personnes qui nous écoutent ?

  • Speaker #0

    Oui, je vais revenir sur la prise de parole parce qu'on en a parlé toutes les deux. Je pense que pour exprimer pleinement ses talents, parce qu'on a tous des talents. L'une des clés, c'est d'être sur les photos, de sourire et d'être au premier rang sur les photos. Et l'autre clé, c'est de prendre la parole. Ça s'apprend. Au début, on a peur. Au début, on croit que ce qu'on a à dire n'est pas plus beau que le silence. Mais en fait, il faut s'entraîner, il faut y aller avec une voix claire. Il faut braver les ricanements. Et il faut mettre en place une chaîne de sororité. pour les faire entrer de la parole et donner la parole à celle qui est au bout de la table et qui n'ose pas le faire. Et donc, c'est ça que je voudrais dire, c'est que nous devons toutes, collectivement, prendre la parole. Et c'est pour ça que je voulais à nouveau te remercier parce que ce que tu fais là, par ces interviews, par ces podcasts, c'est donner la parole. Et c'est vraiment très important.

  • Speaker #1

    Oh, merci Mireille. Justement, à mesure que tu disais ça, je me disais... C'est exactement ce qu'on est en train de faire et c'est aussi une façon de transmettre la parole de femmes comme toi à plein d'autres femmes qui se sentent peut-être aujourd'hui à une place à laquelle toi tu as pu être par le passé et de voir, ah bah en fait, je peux être ici aujourd'hui, je peux me sentir limitée dans l'espace ou limitée dans ce que les gens pensent de moi et ça ne m'empêchera pas. d'aller aussi loin que où Mireille Clapot a pu aller.

  • Speaker #0

    Voilà, si mon expérience peut servir de rôle modèle, ça sera vraiment avec plaisir.

  • Speaker #1

    Superbe. C'est déjà la fin de cet épisode. Continuez à pulvériser tous les plafonds de verre et on se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

  • Speaker #2

    Et voilà, c'est déjà la fin de notre rendez-vous. J'espère que vous repartez plus armés, inspirés et prêts à affronter vos défis avec audace et intelligence. Je suis Kaotard Trojette et vous avez écouté Toute Puissante. Continuez de pulvériser tous les plafonds de verre. A très bientôt pour un nouvel épisode plein de puissance.

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