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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

Damien Castera, écrivain voyageur, la liberté, l'Ukraine, le surf & la littérature

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50min |31/10/2025
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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

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50min |31/10/2025
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Description

Ecrivain-voyageur, réalisateur et surfeur, Damien Castera raconte « La liberté ne meurt jamais » (Gallimard) : trois voyages au cœur de l’Ukraine, là où l’on défend une langue, une culture, des paysages et… des animaux.


Avec lui, on parle liberté, engagement, reportage, poésie et nature : du free-surf basque aux forêts minées, du documentaire diffusé à la chaîne parlementaire au compagnonnage littéraire (Kessel, London, Conrad, Romain Gary). Un échange vif, sensible et souvent drôle sur la manière de témoigner « là où ça fait mal » sans misérabilisme—et de garder l’humanité au comptoir.


Au menu : aventure & grands espaces (Alaska, Namibie), éthique animale, humour en temps de guerre, journal de bord à la première personne, et l’art de filmer sans voix off pour laisser parler le réel.


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Crédits

présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/
Invité : Damien Castera
https://www.instagram.com/damiencastera
auteur, réalisateur, explorateur, surfeur

Livre évoqué : La liberté ne meurt jamais (Gallimard)





instagram xxxx :





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, mon métier c'est d'écrire des histoires et des chroniques, de faire des podcasts et de jouer de ma voix. Comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix, là où tout le monde se rencontre, discute, rêve, écoute et s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir, écoutez bien, c'est parti ! Avec mon invité du jour, on aurait pu parler surf et sport de glisse, on aurait pu discuter de grands espaces, du besoin d'évasion, du goût pour l'aventure, on aurait pu évoquer l'écologie, le règne animal, des forces ou des faiblesses de la nature, on aurait pu dresser la liste de ces explorations aux quatre coins du monde, Alaska, Namibie, Nouvelle-Guinée, Norvège ou Mexique. On aurait pu lire de la poésie, genre qui l'affectionne, ou bien partager ses recettes de cuisine, celle du Pays Basque par exemple, la région d'où il vient et où il vit. On aurait pu prendre le temps d'évoquer sa vie, riche de ses multiples expériences, mais aujourd'hui, celui que j'ai voulu rencontrer, c'est l'écrivain Voyageur, le disciple de Joseph Kessel dont il est l'admirateur. Celui qui veut débusquer l'horreur partout où elle se tapit, celui qui veut en rendre compte. On aurait pu le surnommer l'homme qui va tutoyer la mort tant il choisit toujours de s'aventurer. « Là où ça fait mal, là où le danger rôde » . Son dernier livre, « La liberté ne meurt jamais » en témoigne. C'est un récit au cœur de la guerre en Ukraine. Trois voyages pour mieux comprendre ceux qui défendent leurs terres, leurs arts, leurs paroles et même leurs animaux. Dans son récit, on retrouve tout ce qui est cher à ce reporter aventurier humaniste. La nature, avec la description de la beauté des forêts ukrainiennes, l'engagement pour la cause animale, son amour pour la poésie. C'est beau une ville, de l'Est, la nuit. le sentiment de la fragilité de la vie. Qu'est-ce qui pousse un passionné de freesurf à se rendre en Ukraine en mars 2022, juste après son invasion par l'armée russe, afin d'y acheminer du matériel médical en se tapant 3000 km au volant du fourgon ? La réponse se découvre dans sa quête de l'altérité souffrante, entre les lignes de ce journal qui n'en est pas un, dans cette plongée dans les coulisses d'une mission humanitaire et dans le prolongement d'un documentaire. Je craignais... Personnellement, que la liberté ne meurt jamais ne soit un témoignage de plus sur les atrocités de la guerre. Mais ce livre est bien autre chose. Il distille au fil de ses pages une consolation, une forme de douceur. Son auteur raconte bien les combats et la peur, mais il campe avant tout les portraits de héros du quotidien, dont les seuls faits d'armes consistent à des actions généreuses qui leur permettent de conserver, tout comme lui, leur part d'humanité. Je suis avec l'auteur, réalisateur, explorateur et surfeur Damien Castera. Et je vais prendre avec lui un café au comptoir à Paris. Bonjour Damien.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #0

    Elle commence où ? Elle naît où, la liberté ?

  • Speaker #1

    Ah la foule !

  • Speaker #0

    Si elle ne meurt jamais, c'est qu'elle naît quelque part pour vous. Vous l'avez sentie naître comment ?

  • Speaker #1

    La liberté, c'est un mot qui a tendance à être un peu galvaudé dans les sociétés où on est dedans. C'est-à-dire qu'on est tellement habitué qu'on ne se rend peut-être plus compte. de ce qu'elle représente et c'est vrai qu'un pays comme l'Ukraine, qui est jeune, qui a 30 ans d'indépendance, c'est-à-dire que les personnes qui ont plus de 30 ans ont connu l'époque du NKVD, la liberté est quelque chose de fondamental. Ils se sont battus en 91 pour l'avoir, l'indépendance, la liberté. Et aujourd'hui, quand ils revoient l'armée russe débouler aux frontières, c'est sûr qu'ils prennent les armes et qu'ils sont prêts à tout pour se battre pour elles, justement pour exister.

  • Speaker #0

    Et vous, votre sentiment de liberté, la première fois, vous l'avez senti comment ?

  • Speaker #1

    Je pense que le sport que je fais, que je pratique, qui est le surf, est un sport qui se pratique en liberté. D'ailleurs, après avoir fait mes années de compétition, je suis passé à ce qu'on appelle le free surf, c'est le surf libre, c'est dans l'intitulé. C'est vraiment ce rapport à l'océan, ce rapport de... Moi, ce que je recherchais, c'était une certaine solitude, c'est pour ça que je suis parti au début de ma carrière dans des zones assez peu fréquentées, comme l'Alaska ou la Papouasie. pour justement réconcilier un peu le surf avec l'esprit d'aventure et puis ce sentiment de solitude, ce sentiment de rapport avec la nature et l'océan, évidemment.

  • Speaker #0

    Quel est le lien entre le surf et l'Ukraine ? Est-ce qu'on pourrait en trouver un ?

  • Speaker #1

    La littérature, qui est le trait d'union dans toutes mes expériences, et peut-être la curiosité, l'envie d'engagement, l'envie de participer à un projet commun, d'être prêt à prendre des risques pour des valeurs. Et évidemment qu'entre le surf et la guerre en Ukraine, il n'y a pas de lien direct. Mais peut-être que c'est l'envie un peu kessélienne d'être là où ça se passe, quand ça se passe, et d'être à la fois témoin, à la fois acteur. Certains ont décidé de prendre les armes dans la Légion Internationale. Je pense qu'il faut des armes pour combattre. Mais je pense qu'un stylo et une caméra sont aussi des armes, plutôt des armes de dissuasion, c'est-à-dire qu'on travaille sur l'opinion publique. On devient témoin et on a souvent l'impression que ça ne sert à rien parce qu'on a brevet d'image, mais en même temps, peut-être que si on ne le faisait pas, ça serait pire. Donc on continue à le faire.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que dans votre œuvre, qu'elle soit documentaire, qu'elle soit sur les... dans vos deux livres, une sorte de trait d'union c'est l'eau. Qu'est-ce qu'on ressent en fait quand on voyage par rapport à cette matière ?

  • Speaker #1

    S'il y a une notion esthétique évidemment, après moi il y a quelque chose de... Quand on grandit au bord de l'océan, qu'on nourrit depuis qu'on est tout jeune un rapport privilégié avec la mer, c'est-à-dire que c'est quelque chose de viscéral. Moi depuis que je suis petit, je me lève le matin, je vais voir la mer... quel que soit le temps, en fait, c'est un peu cliché de dire ça, mais c'est comme une présence qu'on est obligé d'honorer tous les matins, et un rituel, et après, c'est sûr que pendant les premières années de mon adolescence et de vie de jeune adulte, tous mes voyages étaient choisis en fonction, justement, de ces endroits, ces bouts de terre qui étaient encore un peu inexplorés pour reconnecter avec l'océan dans des endroits où, justement, il n'y a pas cette surfréquentation des spots de surf, comme on peut voir un peu partout. Donc il y a cette notion du sport qui est le surf et puis il y a cette notion esthétique du rapport à la mer avec tous ces écrivains qui ont écrit sur ça. Je pense à Pierre Lotti avec ses campagnes de pêche en Islande, à Joseph Conrad et puis de fil en aiguille. Après évidemment les projets ont évolué et je commence à sortir aussi parce qu'en Ukraine, vous l'aurez remarqué, il y a un peu la mer noire. C'est un enjeu stratégique ? C'est un enjeu très stratégique. je suis pas descendu sur Odessa justement j'étais en rapport avec les surfers ukrainiens la communauté de surfers ukrainiens ça peut faire rire il y a un surfeur à Nice et il y a des surfers en Ukraine sur la mer Noire et c'est vrai que le surf club d'Odessa s'est transformé en local technique pour entreposer les armes aujourd'hui et la plage d'Arcadia où le Trois, quatre fois dans l'année où il y a des petites vagues qui remontent, on va dire qu'aujourd'hui cette plage s'est transformée en terrain minet parce qu'on pensait au début de l'invasion que les Russes allaient arriver par la mer aussi. Aujourd'hui, ils sont plutôt en train de perdre la bataille de la mer Noire, donc je pense que ça s'est assoupli. D'ailleurs, j'ai vu des photos d'Ukrainiens qui ont surfé l'année dernière justement sur la plage d'Arkadia.

  • Speaker #0

    Écrire sur la mer ? C'est-à-dire écrire quand vous êtes sur un bateau, c'est quelque chose que vous avez fait, quelque chose qui vous tente ?

  • Speaker #1

    C'est très bizarre. La mer et le surf sont mes passions et j'ai vraiment du mal à écrire dessus. J'avais lu une phrase de Romain Garé dans la promesse de l'aube qui disait qu'il aimait énormément l'océan et qu'il avait beaucoup de mal lui aussi à écrire là-dessus. On ne sait pas d'écrire ça, c'est viscéral, c'est profond. Et en fait, la mer se suffit à elle-même. J'ai vraiment beaucoup de mal à écrire là-dessus. C'est vrai que quand j'ai commencé à composer mes récits de voyage, notamment grâce à des revues de surf qui me permettaient d'être publiées, j'étais normalement soi-disant payé pour faire des récits de surf. Je parlais de tout ce qu'il y avait en dehors du surf. Et le surf, généralement, faisait un paragraphe de quelques lignes. J'ai du mal à parler de ça. C'est bizarre. Peut-être que ça viendra plus tard.

  • Speaker #0

    En revanche, vous parlez beaucoup de la nature. Même dans ce livre qui parle de la guerre en Ukraine, qui parle de votre voyage, de votre aventure. Mais oui, c'est vraiment une aventure au cœur de l'Ukraine, une aventure humaine. La nature est présente. Et dans votre œuvre, en général, ça parle de la nature. Ça ne parle pas tant que ça du sport. Ça ne parle pas tant que ça... de vous-même, ça parle de vous-même, mais ça parle beaucoup de la nature. Le rapport à la nature, pour vous, il est essentiel, ça se ressent. Comment vous voyez cette dimension-là ?

  • Speaker #1

    Je pratique un sport qui n'est pas un sport de gymnase ou d'intérieur, donc évidemment que je suis obligé de composer avec la nature. C'est pour ça que le surf, il est tous les jours différent, surtout en France où on surfe sur des plages de sable, il n'y a pas de récif. Coralien donc donc tous les jours il suffit qu'il y ait une tempête pour que les bandes sables se transforment et donc tous les jours il faut aller regarder l'océan. On développe un sens marin ce qu'on appelle en surf le sens marin c'est de comprendre les courants, le vent il y a vraiment pas mal de paramètres qui fait que on va apprendre à lire dans l'océan certaines informations qui nous permettront après de pouvoir surfer et donc je pense Je pense que depuis gamin on apprend à cette lecture de l'environnement et qu'après évidemment les jours sans vagues on part pêcher en rivière ou on pêche sous l'eau en chasse aux marines et puis après on va marcher en montagne et puis voilà j'ai la chance d'habiter dans une région où on a les montagnes des Pyrénées qui tombent dans l'océan Pacifique et dans le golfe de Gascogne donc on est plutôt privilégié pour les espaces naturels et les terrains de jeu extérieurs donc c'est sûr que... Je pense qu'on développe naturellement une sensibilité à ça. Et puis après, quand on voyage, évidemment, moi ce qui m'intéressait, c'était très rapidement, un des voyages qui m'a fait fantasmer toute ma jeunesse, c'était l'Alaska, parce que j'étais un grand féru de Jack London. Et donc quand on part en Alaska et qu'on se met en immersion pendant des semaines dans une tente, dans la forêt, et qu'on campe, évidemment qu'on compose avec ce qu'il y a dehors, donc il y a des ours. Dans l'eau, il y a des orques et des lions de mer. Et c'est vrai qu'on réactive une fibre qu'on avait complètement oubliée. C'est-à-dire qu'on fonctionne à l'instinct, on apprend à répondre à des besoins primaires qui sont manger, se loger, construire un abri, faire un feu sous la pluie, tout ça. Donc c'est vrai que c'est un peu des jeux de gamins qu'on met en pratique à l'âge adulte, avec des moyens d'adultes.

  • Speaker #0

    Et quand on voit tout ça, quand on vous regarde ou quand on vous lit, on sent à la fois le respect de la nature, mais on sent une tristesse, quelque part, par rapport à ce qu'on peut lui infliger à cette nature. Comment on écrit après ça, quand on est témoin de tout cela ?

  • Speaker #1

    On écrit sans faire de morale. J'ai vraiment du mal avec les distributions de bons points et je sais qu'aujourd'hui on est dans... On note tout. Non mais on a beaucoup de curés de la bien-pensance qui, je trouve, font un travail contre-productif. Et je pense que les écologistes ne sont pas bien représentés. Je pense que tout est clivé, tout est polarisé. Je pense que la plus belle des manières, c'est de sublimer les choses à mon avis et que des fois on peut utiliser l'humour aussi. L'humour est très important, l'ironie. Il ne faut pas être trop sérieux, surtout quand on dépeint un sujet compliqué. Je pense qu'on peut parler de choses graves sans être grave. D'ailleurs, on parle de Romain Garry. Je pense que Romain Garry, dans La promesse de l'aube, manie l'ironie d'une manière absolue. Et je pense que le message passe beaucoup mieux. Après, c'est sûr qu'en Ukraine, par exemple, ce spectacle de la nature... parce qu'on n'en parle pas du tout, parce que la priorité, c'est évidemment de sauver les hommes.

  • Speaker #0

    Et vous, vous parlez de ces forêts dans lesquelles les enfants ne joueront pas.

  • Speaker #1

    Mais il faut imaginer déjà les enfants qui n'iront plus courir dans les forêts, parce qu'il y a des mines partout, et puis il faut imaginer des brebis, des chevreuils, mais complètement déboussolés dans le fracas des bombes, avec la toxicité de l'air, avec des gaz, avec des mines, avec... plus des forêts qui ont brûlé, des barrages qui ont sauté. C'est-à-dire qu'il y a toute une partie naturelle qui est complètement déstabilisée. Ravagée. Ravagée, oui. Je ne sais pas comment on imagine dans des forêts les animaux sauvages sous le fracas des bombes. Et ça, c'est sans parler tous les animaux qu'on oublie dans des zoos. Là, j'ai vu que la semaine dernière, il y avait 13 000 cochons qui avaient brûlé dans une ferme qui a été bombardée.

  • Speaker #0

    Vous le racontez d'ailleurs dans votre livre. les... Aussi bien les chiens errants, les chiens qui sont abandonnés par les personnes qui sont obligées d'aller au front, comme les troupeaux de vaches qui peuvent être décimés.

  • Speaker #1

    Oui, on se dit que déjà mettre les animaux dans des cages c'est assez barbare, mais le comble c'est de les abandonner sous les bombes, enfermés dans leurs cages. Et nous c'est ce qu'on a vu, c'est qu'on a fait des missions dans la zone grise. Donc la zone grise c'est le no man's land coincé entre les deux lignes d'artillerie, donc c'est la zone la plus dangereuse. C'est des missions où on y va la journée, il faut aller assez vite, il faut rouler vite parce qu'il n'y a pas de relief pour se cacher, c'est des lignes droites, des routes qui traversent des plaines morcelées, explosées, avec des cratères de bombes partout, il faut rouler vite, on arrive dans des villages et moi j'accompagnais un garde forestier qui s'appelait Pavel, enfin qui s'appelle Pavel, il est encore en ville, et qui allait justement risquer sa vie pour sauver celle des bêtes. Et donc on débarquait dans des chenilles où il fallait ouvrir les cages parce qu'il y avait des chiens qui étaient en train de mourir de faim dedans. C'est vrai qu'à ce moment-là, on se dit que c'est fou, déjà de mettre des chiens magnifiques, là c'était un chenil de huskies, d'enfermer des huskies magnifiques qui symbolisent un peu le loup, l'espèce ultime sauvage, dans des cages en fer rouillé, et que quand on abandonne ces villages, on laisse les chiens dans ces cages, il y a quelque chose de la folie absolue quand même.

  • Speaker #0

    Vous écrivez quand dans ces moments-là ? C'est le matin, je sais que vous vous levez tôt ? J'ai aimé ça, mais...

  • Speaker #1

    Comment vous savez ça ? Avant, je me couchais très tard aussi. Sur le terrain, on écrit de manière très factuelle. Il y a des prises de notes ?

  • Speaker #0

    Ou tout est dans la tête et ensuite c'est digéré ? Prises de notes,

  • Speaker #1

    le soir, la journée, surtout dans les missions comme ça, où en plus j'étais là pour réaliser un documentaire, donc là j'étais vraiment focalisé sur la caméra, sur les personnes que je voulais interviewer ou filmer. Et puis là, c'est tellement intense qu'on n'a absolument pas le temps de sortir un carnet pour... commencer à noter parce que c'est vraiment on travaille dans l'urgence absolue par contre le soir voilà peut-être reposé on peut on peut noter mais là c'est vraiment factuel c'est très succinct c'est des dates des noms des lieux des failles à pas de pas de lyrisme du tout et d'ailleurs après c'est vrai que dans le livre c'est pareil on réfléchit un peu à comment écrire moi je n'ai pas une grande expérience littéraire mais c'est on essaie de de jauger le juste niveau du lyrisme c'est-à-dire que... C'est pas le mot pour le mot, quoi. En même temps, un bon mot peut servir la cause, on va dire, mais il faut faire attention de ne pas trop s'écouter écrire. C'est ça le truc, se regarder écrire. Et c'est pour ça que j'ai choisi quand même une espèce de prose un peu à l'os, un peu sèche, qui va au but. J'ai utilisé le présent pour être vraiment dans l'action.

  • Speaker #0

    Quelques dialogues aussi ?

  • Speaker #1

    Le dialogue aussi, mais le dialogue un peu, on parlait de Nestor Maigret tout à l'heure. La guisinette. Non mais un peu imprégné des dialogues du roman noir Un peu sec Qui vont au but Et évidemment que Je me souviens pas forcément exactement de tous les dialogues qu'on a eu Mais grosso modo c'est Des outils de la littérature qui permettent De rendre compte et qui permettent de faire des transitions Un peu plus légères entre Peut-être deux paragraphes un peu lourds Sur des choses lourdes C'est vrai que de temps en temps un dialogue permet de glisser une petite blague Et voilà ça permet de dérider une situation Et encore une fois Moi je pense qu'il ne faut pas faire... Trop de misérabilisme dans ce genre de récits. Il y a déjà beaucoup de récits qui témoignent des horreurs de la guerre. Il y a aussi comment on rigole en temps de guerre. C'est ça qui est important aussi. Comment les Ukrainiens... Rire est devenu presque une arme absolue pour résister. C'est le slogan « Vous n'aurez pas ma peur » .

  • Speaker #0

    C'est là où commence la liberté peut-être ?

  • Speaker #1

    Oui, la liberté évidemment. La liberté culturelle, la liberté de rire, la liberté de s'exprimer, la liberté... On voit même en France que toute cette liberté commence à être quand même... On ne peut plus rire de tout, il faut faire attention aux blagues qu'on fait, sur le service public c'est comme si... La liberté est quelque chose qui s'entretient évidemment.

  • Speaker #0

    Tous les auteurs, vous avez énormément de références littéraires, c'est un plaisir de s'apercevoir de cela. Ce sont tous des auteurs un peu cabossés qui se sont... confrontés au réel parce que ils avaient envie d'échapper à quelque chose. Quand on lit votre livre, on comprend également pourquoi vous êtes dans cette lignée de ces auteurs, dans la lignée de ces auteurs. Est-ce que pour bien écrire, il faut bien souffrir ?

  • Speaker #1

    Non, je pense pas, mais c'est sûr que... Enfin, c'est ce que j'expliquais quand j'ai perdu mon petit frère. C'était pendant les dix années qui ont suivi la mort de mon frère. Il y a une colère, on ne desserre pas les mâchoires et on en veut la terre entière. Et au bout d'un moment, je me suis dit que de toute façon, cette colère ne disparaîtrait pas. Mais peut-être que je peux m'en servir comme carburant pour faire des choses. Et c'est pour ça que je suis allé en Ukraine aussi. C'est-à-dire qu'il y a un moment, quand on est déraciné, on essaye de se réenraciner dans un projet, dans une cause, dans un... dans quelque chose qui nous dépasse et ça peut nous servir. Et évidemment qu'après, ça fait partie de la littérature aussi. C'est évidemment que quand on est heureux, c'est vrai qu'il y a beaucoup moins de grands livres qui ont été écrits dans la joie et le bonheur, ou à part peut-être des livres de développement personnel, mais c'est vrai, j'ai vraiment du mal avec ces livres-là. Mais quand on pense à Monte Cristo, c'est une histoire de vengeance. Voilà, il y a souvent des grands... Dans les grandes épopées, il y a souvent une vengeance, une mort, le drame, qui nous confrontent à la réalité des choses et qui fait que souvent, en plus, ça nous réveille. Qui c'est qui disait, je sais même pas si l'aphorisme existe, mais le bonheur c'est le somnifère de l'action. Ah ouais ? Je sais pas si c'est moi qui l'ai écrit dans mon carnet ou si c'est un aphorisme que j'ai piqué. En tout cas c'est bien, j'ai vérifié. Non mais il y a de ça, il y a quelque chose de vrai là-dedans, il y a qu'à voir, j'en parle un peu dans le livre, il n'y a qu'à voir nos sociétés qui sont nés un peu dans une opulence. On n'a jamais été forcés d'aller défendre nos frontières. Et qu'on a du mal à défendre notre liberté, qu'on a du mal, on voit le populisme rejaillir, on voit nos démocraties vaciller alors qu'on n'a jamais été aussi bien, on a une assiette pleine, on est... Et donc il y a de l'ordre de cette digestion. Tu sais quand on mange trop, après on est... un peu en léthargie et on balote. Moi je vois un peu de ça, j'ai l'impression que quand on est confronté à quelque chose de rugueux, de dur, c'est malheureusement dans ces moments-là qu'on se réveille. Je prends l'exemple de l'Europe. L'Europe a été conçue au lendemain de la tragédie de 39-45. On passe le temps à la détricoter.

  • Speaker #0

    On a ce fantasme de la détricoter.

  • Speaker #1

    Ouais, mais c'est vrai. Mais c'est souvent dans des grandes périodes de blackout que le... C'est là où on voit la lumière, c'est vrai. Je m'attriste de ça, je me dis que c'est quand même dommage qu'on attende qu'il n'y ait plus de biodiversité, qu'il n'y ait plus d'animaux, qu'il n'y ait plus de forêts, pour se rendre compte qu'il faut se réveiller. Mais malheureusement, on a toujours un temps de retard, j'ai l'impression. Et en Ukraine, il y a cette faculté de, eux, se souviennent, d'il y a 30 ans, ils se souviennent de ce que c'était de vivre sous l'air soviétique, donc ils ont encore à l'esprit tout ça. et nous c'est vrai que Les derniers garants de ce que c'était l'oppression sont nos grands-pères, grands-mères qui ont vécu en 39-45 et qui tendent à disparaître ou qui ont disparu. Donc la mémoire historique se dissout au bout de deux générations. Et nous, j'ai l'impression qu'on a du mal à entretenir ça. Et c'est vrai que je ne m'explique pas que dans les sociétés où on ne vit pas forcément grand-chose, où on ne vit pas des drames absolus, je veux dire, on n'est pas en 39-45 aujourd'hui. C'est dans ces périodes d'un peu de léthargie intellectuelle. culturel que jaillit une fois encore les populismes et qu'on est en train de faire... On regarde son nombril quoi. Ouais, l'individualisme. C'est vrai que dans les grands projets entre 1945, c'est marrant, mais j'avais vu une statistique, c'est dans ces moments-là qu'il y a eu le moins de suicides par exemple. C'est-à-dire que dans ces moments-là, les gens ont un projet commun, c'est de se défendre contre l'occupant ou on est animé de quelque chose. Et aujourd'hui, on ne sait pas où on va. On a trop de temps pour penser, peut-être, je sais pas. Je me l'explique pas.

  • Speaker #0

    Ça crée une littérature qui parle de soi plutôt que de parler de l'autre. Voilà,

  • Speaker #1

    c'est pour ça que la rentrée littéraire est auto-centrée sur son nombril, par exemple. Et qu'on a beaucoup, beaucoup de livres qui ne sont pas ouverts sur le monde et qui parlent de son mal-être intérieur, de sa vie de famille. Voilà, c'est très français, ça. Et c'est même très parisien, sans jeter la pierre. Mais c'est vrai que quand on vient de province comme moi et qu'on écrit sur l'Ukraine et quand on voit la rentrée littéraire, on se demande... en Namibie,

  • Speaker #0

    au sud de l'Afrique,

  • Speaker #1

    au nord de l'Afrique du Sud. Mais voilà c'est des endroits, alors le désert du Namib, il n'y a pas de route qui longe la côte, donc il faut un 4x4 et essayer de s'aventurer. Et en fait les dispositions du sable là-bas fait que quand il y a des énormes tempêtes qui remontent d'Antarctique, donc c'est vraiment pendant l'hiver austral. Donc juillet août, des grandes tempêtes remontent l'Antarctique, lèchent la côte namibienne et l'Angola et pour des gens qui aiment un peu explorer, il y a encore des endroits à découvrir comme ça et donc la vague déroule sur des kilomètres avec des tubes comme je n'ai jamais vu de ma vie donc c'est une des plus belles expériences de ma vie.

  • Speaker #0

    On pense au danger dans ces moments là ?

  • Speaker #1

    Non, c'est austère. Rien à faire. Le danger, c'est un peu austère. C'est vrai que l'eau est froide. Il y a des grandes colonies de phoques à fourrure. On se dit que s'il y a des phoques à fourrure, il doit y avoir des requins blancs qui traînent dans le coin. Et comme il n'y a pas trop de surfers, on va dire qu'il n'y a pas de statistiques pour nous expliquer s'il y a des attaques de requins puisqu'il n'y a pas vraiment de surfers. Très peu. Donc c'est vrai que quand on est dans l'eau, on est un peu les pieds, on rampe du bout des doigts. Mais par contre, quelques minutes de glisse sur une vague comme ça valent tous les dangers.

  • Speaker #0

    Ce qui vous différencie d'un Nicolas Hulot, c'est que vous n'en faites pas d'énormes commerces de ce que vous vivez et puis que vous n'avez pas des cadavres dans le dos ou des...

  • Speaker #1

    Alors, je ne jetterais pas la pierre à Nicolas Hulot parce que moi, quand j'étais gamin, j'ai regardé... Parce qu'il nous a tous fait rêver à une certaine époque. J'ai regardé... Premièrement, c'était Cousteau, évidemment. Et aujourd'hui, c'est pareil, on peut revoir avec le recul, mais il faut faire attention aux anachronismes. C'est à dire qu'on peut critiquer Cousteau sur plein d'aspects. Mais n'empêche qu'il a créé plein de vocations. Mon père a fait biologie marine parce qu'il avait suivi Cousteau et que moi, je me souviens de tous les dimanches en famille où on regardait avec mon frère et mes parents les aventures du commandant Cousteau et le monde du silence. Et puis après, il y a eu évidemment Nicolas Hulot qui a amené une manière avec des moyens monstrueux énormes et aujourd'hui, On peut rigoler parce qu'il y avait des hélicoptères, mais en même temps, à l'époque, c'était comme ça qu'on faisait les documentaires. Je ne serais pas dans la critique acerbe de Niccolo Hilo. Moi, je sais qu'il m'a fait rêver, quand j'étais gamin, à me montrer les mystères du Narval avec Paul-Emile Victor ou des gens comme ça.

  • Speaker #0

    Peut-être que des personnes ont une belle part de lumière et une part d'ombre également. Bien sûr,

  • Speaker #1

    mais de toute façon, on aime beaucoup voir... Moi, je pense qu'on est bourrés de paradoxes tous. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on... Quand on garde un aspect des écrivains, quand on fouille dans la vie des écrivains, quand on parle de Baudelaire, de Rimbaud ou n'importe qui, c'est que de l'ombre et de la lumière. On est tous pétés de contradictions et encore une fois, c'est ce qui fait de la littérature. Parce que sinon, si on est lisse, il n'y a pas grand chose à raconter.

  • Speaker #0

    En vrai ou faux, vous collectionnez des petits objets insolites dans vos voyages, que vous retrouvez dans vos voyages ?

  • Speaker #1

    Alors ça... C'est vrai ou c'est faux ? Ouais, alors je ne sais pas si vous avez vu ça, mais oui, j'ai un petit... un petit musée, c'est un vieux meuble un vieux meuble de mon arrière-grand-mère dans lequel je mets de plein de petites babioles mais oui j'ai toujours aimé ce genre de de mini musée privé à la Marcus Brody pour ceux qui ont la ref

  • Speaker #0

    On rapporte quoi d'Ukraine ?

  • Speaker #1

    Bah d'Ukraine... je veux pas... je suis pas parti faire du tourisme de guerre mais évidemment que quand on a été Dans des tranchées russes qui venaient d'être reprises, j'ai ramené, parce que c'était assez fascinant de se voir le matériel décrépit de l'armée russe, donc j'ai ramené un casque et un masque à gaz de l'armée russe qui étaient les mêmes casques en 1939-1945.

  • Speaker #0

    Dans la deuxième guerre mondiale.

  • Speaker #1

    Voilà, donc vraiment très minimaliste.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux en 2024, c'est il n'y a pas longtemps, vous avez été invité à un festival de cinéma en Argentine et puis vous avez mélangé des notes françaises et des notes en espagnol. Parait-il que ça a fait rire tout le monde. C'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais foutu un pied là-bas.

  • Speaker #0

    Alors donc c'est totalement faux.

  • Speaker #1

    Ça c'est complètement faux.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe en fait quand vous allez présenter ce livre dans des salons littéraires ? Quelles sont les premières questions ? qui vous sont posés par les personnes qui vous rencontrent ?

  • Speaker #1

    Les salons littéraires, j'ai la chance de présenter souvent le film que j'ai réalisé en même temps. C'est un matériau assez intéressant puisque le film que j'ai tourné, il y avait déjà assez de reportages télé qui contextualisaient en expliquant que les Russes attaquent l'Ukraine. On nous explique bien, c'est le schéma télévisuel, qui sont les gentils, les méchants. Donc moi j'ai décidé de faire un documentaire très brut, très minimaliste. Sans voix-off, sans contextualisation, où justement très peu d'interviews face caméra, où on est dans une immersion et on a la guerre saisie dans des instantanées, où on voit qu'évidemment, une fois qu'on est sorti d'une interview, les gens rigolent, les gens vivent, et donc on a cette guerre racontée par ceux qui la vivent. Et donc je ne voulais surtout pas filtrer ça par mon oeil, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, mais en tout cas sur les principaux canaux de télévision, ... Il faut absolument tout expliquer. C'est fatigant, c'est très didactique, c'est très... Et je pense que de prémâcher le travail, pour moi c'est contre-productif d'une certaine manière, et je voulais vraiment faire quelque chose de très minimaliste. Et donc, je ne livre pas mes pensées, je ne livre pas mes avis, mes émotions, c'est juste de l'image brute. Et donc dans le livre, ce qui est intéressant, c'est que ça complète très bien le format télévisuel. ou cinématographie, je sais pas comment on dit, puisque là pour le coup c'est un journal de bord où je peux vraiment rentrer dans ce que je ressens, dans mes questionnements, dans mes analyses, dans mes pensées et donc les deux outils je pense forment un tout qui est assez intéressant et d'ailleurs c'est souvent ce que les gens me disent, c'est quand on lit le livre on a envie de mettre des visages sur les noms qu'on a vu, qu'on a parcourus et donc on peut aller voir sur internet, on peut regarder le film et ça amène justement des visages sur les noms.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais, c'est le livre, mais donc effectivement ce documentaire. C'est un film qui a été tourné avec peu de moyens, mais justement, la liberté, elle naît là également, dans la contrainte de peu de moyens.

  • Speaker #1

    Voilà, comme j'expliquais tout à l'heure, en gros, sans citer les chaînes qui ont un peu de budget, on va dire, si j'avais signé avec une de ces chaînes-là, on m'aurait contraint à mettre une voix off, on m'aurait contraint à mettre peut-être un voice over, c'est-à-dire à mettre une voix française par-dessus les voix ukrainiennes. Alors qu'il y a un truc génial, ça s'appelle les sous-titres.

  • Speaker #0

    C'est un documentaire qui a été diffusé sur la chaîne parlementaire. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Et donc la chaîne parlementaire était un peu les chaînes entre deux où on a moins de budget, mais on a plus de liberté. Proposer un film sans contextualisation et sans voix off. A la base mon producteur m'avait dit Non mais ça c'est impossible, il faut vraiment mettre une voix off. Et j'ai dit oui bien sûr je vais t'en mettre une. Et puis le jour de la projection, je lui ai dit ah bah en fait j'en ai pas mis.

  • Speaker #0

    Il savait pas.

  • Speaker #1

    Et voilà, non non non, il me dit si la chaîne qui achète le film te dit qu'il faut tout refaire, tu te démerdes. Et au final j'ai serré les fesses pendant toute la projection. et en fait Isabelle qui s'occupe des acquisitions documentaires chez le groupe Chez la chaîne parlementaire justement, a trouvé ça vraiment super et donc a validé le projet comme ça, tel quel, il n'y a pas eu de modif à faire. Donc voilà, c'est une manière de travailler que je trouve intéressante parce que c'est un peu comme tous ces films de Noury Challenge, je ne sais pas si tu vois le réalisateur turc qui a fait Wintersleep ou des films très minimalistes, très immersifs, où on ressort avec plus de questions que de réponses et je crois vachement à ça. spectateur de se faire son chemin et de se demander ce que le réalisateur a voulu dire et des fois le réalisateur il sait même pas ce qu'il veut dire en fait il filme juste la vérité voilà témoigner sans... comme Raymond Depardon Raymond Depardon ne met jamais de voix dans ses films parce que il a besoin de...

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'un côté de l'histoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr non mais c'est déjà là où le parti... quand on me dit je prends pas de parti pris et bien déjà je suis côté ukrainien c'est pas que c'est un parti pris c'est que je peux pas filmer des deux côtés en même temps et que je préférais être du côté ukrainien que russe parce que le côté j'étais dans une liberté totale on m'a pas chaperonné, y'a aucun militaire qui a regardé mes images pour me valider ou effacer des images, j'ai travaillé dans une liberté totale, côté russe faut pas écouter ce qu'ils disent sur Omerta et tous ces gens que Régis Le Saumier et tout ça qui travaillent côté russe parce que c'est vrai y'a des influenceurs des sortes de youtubeurs j'allais dire de pionniers clés c'est méchant mais c'est un peu ça,

  • Speaker #0

    qui ont été invités côté russe pour rendre compte de qui...

  • Speaker #1

    Propage la propagande, vraiment. Enfin, sincèrement, il y a des canaux... Enfin, moi, je pense à la chaîne Omerta sur YouTube qui fait beaucoup de vues et je pense que c'est des sous-couverts d'être sur le terrain parce qu'ils le répètent à toutes les sauces qui sont sur le terrain, la vérité vraie du terrain. Enfin, pour moi, c'est...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'ils ont à gagner ?

  • Speaker #1

    Mais déjà, c'est comme quand on parle de vérité tout le temps, la vérité est vraie. J'ai l'impression que quand on a besoin de dire que ce qu'on dit est vrai, c'est qu'il y a un truc qui ne va pas. C'est comme toutes ces républiques. démocratique quand on a besoin de dire que sa république est démocratique c'est qu'il y a un problème je pense à la RDC ou à la république démocratique de chine quand on rappelle que c'est démocratique c'est peut-être qu'il y a un truc qui va pas donc toutes ces radios ou ces chaînes un peu dissidentes qui n'arrêtent pas de parler de la vérité vraie que nous on a la vérité du terrain moi je me méfie de ces choses là et je sais que pour les avoir regardées c'est des gens qui je vais m'attirer des problèmes si je dis des choses Bien sûr, c'est un business. Après, c'est leurs idées. Je pense que c'est des gens... Il y en a pas mal qui ont des idées pro-russes. Après, pourquoi pas ? On est en liberté d'expression. Mais dans ce cas-là, ce qui est bien, c'est de savoir par qui ils sont payés pour savoir qui parle. C'est toujours intéressant de savoir qui paye. Je pense évidemment que le Kremlin, qui est la Russie et le pays numéro un en désinformation, c'est-à-dire qu'ils sont très forts pour... pour influencer sur les élections aux États-Unis, ils ont des usines à bottes. En France aussi, le Brexit aussi. Ils sont très très forts. Je sais qu'ils ont des usines, c'est-à-dire des usines de pirates ou des usines de bottes, où à partir du moment où on publie un truc sur l'Ukraine, on prend 10 000 pro-russes. Et en fait, quand on fouille dans ces profils-là, généralement, c'est des faux. C'est des faux comptes quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez été intimidé sur les réseaux par rapport à Olive ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Non ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, après il y a toujours des commentaires un peu plus... Oui, des trolls, voilà. Je sais pas la terminologie de ces trucs-là, mais oui, ça c'est des trolls. Mais c'est pas...

  • Speaker #0

    Vous vous faites troller ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, ça va, mais c'est... Pas moi personnellement, mais par exemple sur la vidéo de... qui a été postée sur la chaîne parlementaire, il y a peut-être quelques trolls qui vont être là en disant qu'ils sont... Que la Russie vaincra ou des choses comme ça, ça va pas très loin, c'est gentil.

  • Speaker #0

    Je vous écoute et parfois je souris parce que vous avez cet accent du Pays Basque, parce que vous avez ces mots, vous dites « il y a moins de ceci, moins de cela » . On prononce toutes les lettres au Pays Basque. On prononce toutes les lettres. Et est-ce que justement ce livre aurait été différent si vous étiez, si vous aviez passé, je ne sais pas, 20 ans, 25 ans de votre vie à Paris ? Est-ce que vous auriez vu les choses différemment ? Est-ce qu'on choisit les mots différemment ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas qu'il y ait un... Oui ou non, je pense pas qu'il y ait un déterminisme géographique qui fait que selon là où on est, on est différent. Moi je pense que fondamentalement ce qui m'a orienté, peut-être qu'il y a un univers familial, je sais pas, mais en tout cas c'est l'ennui absolu de l'école quand j'étais gamin, qui fait qu'on avait pas les téléphones smartphones, parce que je commençais à être vieux, je venais de passer la quarantaine, et donc je me réfugiais vraiment dans les livres, et je me mettais au fond de la classe, et je lisais Jack London à fond, après Hemingway, après... Joseph Kessel et le temps de préparer ma sortie de l'école et le moment où je pourrais enfin prendre la clé des champs. J'ai voyagé par l'imaginaire et j'ai voyagé par la littérature donc je pense que ça ça a vraiment forgé ma manière de voir la vie et évidemment que le mentor suprême pour moi c'est Kessel et que je me suis dit tiens il y a des gens qui ont fait de leur vie un roman et qui se servent de vraiment toute leur existence c'est à dire que la résistance en 39-45 leur permet après d'écrire et de transposer ça et je me suis dit ouais c'est une vie aventureuse qui nourrit après une oeuvre littéraire ou documentaire et j'ai rien fondamentalement contre les penseurs de salon mais c'est vrai que j'aime bien les gens un peu plus rugueux qui... Non non mais c'est vrai que souvent moi je suis passionné de France Culture, j'écoute même j'écoute Finkielkraut, j'écoute tout le monde en fait mais c'est vrai que des fois je me dis putain Ça mériterait un peu de terrain des fois de sortir pour... C'est bien de conceptualiser mais des fois il faut incarner aussi. Et je pense que d'aller sur le terrain, pour moi ce qui cristallise énormément ça, l'exemple de ça c'est la guerre d'Espagne. La guerre d'Espagne, il y avait énormément d'intellectuels engagés sur le terrain. Et c'est vrai qu'en Ukraine, moi qui m'imaginais un peu candidement que chaque génération avait sa guerre d'Espagne. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de journalistes en Ukraine mais très peu de grandes plumes et peu d'intellectuels engagés. Et donc tout le monde se prétend de Malraux, de Camus, tout ça. Sur les plateaux télé, oui. Sur le terrain, non. J'avais pas vu beaucoup. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui manque un peu parce qu'on n'a pas abordé ce sujet. Mais la littérature et le journalisme sont une plume à deux faces. Et je pense qu'aujourd'hui on a énormément de journalistes qui font un superbe travail. C'est essentiel pour rendre compte... et pour nous donner une vision du réel. Mais le journalisme s'inscrit dans le temps court. C'est un outil qui est souvent très factuel. Les dates, les chiffres, les stratégies politiques ou militaires. Et la littérature peut ramener quelque chose de plus. Pour compléter le journalisme, c'est l'émotion, peut-être la subjectivité en faisant du reportage à la première personne, comme Steinbeck, Kessel, Malraux, Albert Land le faisait. et donc par... Une description des paysages, des atmosphères, de la poésie, on peut rendre compte et compléter ce que le journalisme peut-être ne peut pas faire en devant, rester très objectif. Je ne sais pas, en tout cas il n'y a plus beaucoup de grands reportages aujourd'hui, et c'est vrai qu'en France on aime bien mettre vraiment dans des cases, et aux Etats-Unis ils n'ont pas ce problème-là, le nouveau journalisme, ce qu'on appelle le nouveau journalisme, avec Gonzo, avec tout ça, c'était le journalisme à la première personne. où des grands écrivains étaient des grands reporters de guerre, des grands... Et c'est vrai qu'il y avait vraiment cette tradition, on n'était pas forcément obligé de séparer le journaliste et l'écrivain, puisque ça pouvait se mélanger. En France, c'est assez rare quand même.

  • Speaker #0

    Quand vous viviez ce deuxième voyage, parce que ça raconte trois voyages, ce livre, La liberté ne meurt jamais, vous étiez correspondant également pour des journaux français ?

  • Speaker #1

    Oui, je faisais des chroniques, justement. comme c'était des chroniques pour le journal du dimanche, je précise, avant extrême droitisation de sa ligne éditoriale, donc c'était il y a deux ans. C'est vrai, aujourd'hui, je ne sais pas si j'aurais écrit pour le journal du dimanche. Mais en tout cas, dans l'idée, c'était de rendre compte justement avec un récit à la première personne. Donc ce n'est pas pour parler de soi, c'est pour s'intégrer au récit. Et pour, je pense, amener une proximité avec le lecteur. C'est-à-dire que grâce au fait que je raconte ce que je vis, je pense que le lecteur peut s'identifier plus facilement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on se dit qu'on peut écrire après avoir livré un témoignage pareil ?

  • Speaker #1

    Là, je suis en train de terminer le même genre de récit, mais sur l'Arménie. où j'ai passé pas mal de temps depuis deux ans. Là, j'y retourne sur cet hiver. Sur un conflit, une guerre larvée dans l'ombre de la guerre d'Ukraine. C'est la perte du Haut-Karabakh et le conflit séculaire entre l'Azerbaïdjan turcophone et l'Arménie chrétienne. Et donc ce royaume d'Arménie qui s'étendait sous Tigran II depuis la Caspienne jusqu'à la Méditerranée et qui aujourd'hui est enclavé entre Erdogan qui rêve de reconstruire l'Empire Ottoman et Aliyev qui est le dictateur azéri. Et avec l'Iran au sud et la Géorgie au nord, donc le pays a une histoire séculaire, culturelle, mais une situation géographique compliquée.

  • Speaker #0

    Vous y allez avec la même candeur finalement, avec presque une naïveté que celle avec laquelle vous alliez. En Ukraine pour le premier voyage ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que les choses ont changé dans votre vie également ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, j'y vais... L'Ukraine, j'ai eu le temps de digérer un peu les émotions, de me rendre compte, ce que je disais tout à l'heure, quand on parle des sujets sérieux comme ça, on se dit qu'il faut être sérieux. Et je me dis que des fois, et l'Arménie, je le traite de manière... J'utilise un peu plus l'humour et l'ironie. Et d'ailleurs, j'explique que j'amène avec moi, comme compagnon de voyage, un livre de Kessel, Les temps sauvages, pour la... La ferveur de l'aventure et la fibre de cette espèce de génération d'aventuriers écrivains. J'amène des bouquins sur l'Arménie pour mieux comprendre le conflit et j'amène « Syllogisme de l'amertume » d'Émile Suran pour apprendre à rire du pire. C'est vrai que tous les aphorismes de Suran, c'est dans des moments un peu compliqués. Comment, sous couvert d'ironie et d'humour, on apprend de la distance sur les choses. et à ne pas se retrouver esclave justement de la gravité et de l'absurdité de la vie. Donc je fais un peu comme sur l'entrée de mon livre en Ukraine, c'est-à-dire que plutôt que de faire un espèce de mauvais syndrome Wikipédia où je vais résumer l'histoire de l'Arménie de manière un peu sérieuse, justement je prends un peu les clichés, je parle de Kim Kardashian, je parle de... Je parle un peu des clichés, le papy d'Arménie qui n'est absolument pas arménien.

  • Speaker #0

    Kim Kardashian qui est partie même se baigner en Arménie. Oui, oui, oui. Parce qu'elle a des racines.

  • Speaker #1

    J'ai regardé hier, justement, c'était le paragraphe que j'écrivais hier. J'ai regardé qu'en fait, l'Arménie, par exemple, la population arménienne sur le sol arménien, c'est 3 millions de dames. La diaspora, on va dire 10 millions éparpillées à travers le monde. et je disais Kim Kardashian quand elle fait un post sur Instagram elle a 300 000 millions, donc 300 fois plus de followers que la communauté arménienne réunie donc je me dis l'engagement culturel et intellectuel le courage quand elle poste un je fais une petite pirouette pour essayer de rigoler là dessus, mais voilà c'est d'essayer de trouver justement, prendre un peu de distance par rapport à la gravité des choses et des fois l'absurdité de ces conflits qui sont très tristes, en essayant de mélanger un peu l'ironie

  • Speaker #0

    Sans entrer dans votre vie privée, on découvre que votre vie, elle a changé, c'est-à-dire que vous avez des attaches familiales qui se sont créées. Est-ce qu'on part à l'aventure aussi facilement avant d'être père qu'après ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas reparti depuis que je suis père, mais là ça fait mon petit à 15 mois. Et la dernière fois que j'étais en Arménie, c'était... ma compagne Marie était enceinte. Et c'est vrai que... Alors l'Arménie c'est une guerre... Là quand j'y étais elle était figée, il y avait un cessez-le-feu, on n'est pas du tout dans la haute intensité du front ukrainien et évidemment que c'est beaucoup beaucoup beaucoup moins risqué d'aller sur la frontière arménienne en ce moment qu'en Ukraine. Aujourd'hui évidemment je ne repartirai pas sur le front ukrainien parce que j'ai la responsabilité d'être père et je ne pourrais pas faire ça. Mais l'Arménie par contre, oui je vais y retourner. Et après oui, je pense qu'on est chargé de responsabilité et qu'on fait attention aux endroits où on va. Je pense que je vivrais mal quand même de me dire que je prends d'énormes risques en sachant que je peux faire un orphelin. Non, ce n'est pas possible, je ne pourrais pas.

  • Speaker #0

    On va faire, pour conclure cette interview, un petit quiz. C'est le quiz du Café au comptoir avec Damien Castéra. Alors... Première question, c'est un quiz donc je vais vous proposer diverses réponses mais avant que je propose les diverses réponses, vous pouvez, si vous avez déjà la réponse, en proposer une. Lors d'une opération singulière dans la guerre récente en Ukraine... Des résistants ont utilisé une boisson frelatée pour empoisonner des soldats russes. Quelle boisson était-il supposé avoir falsifiée ? Parce que vous connaissez cette...

  • Speaker #1

    La vodka ! Je m'imagine que là-bas...

  • Speaker #0

    C'était exactement la vodka. Durant une opération ukrainienne, ils ont vu l'usage de la vodka contenant des poisons comme l'arsenic et la strychnine. Ils ont mis dans les bouteilles pour empoisonner les soldats. Le front, quelque part, un peu partout. Quelle méthode traditionnelle ottomane de préparation du café introduite en Ukraine dès les 16e-17e siècle est encore utilisée dans certaines régions ? Est-ce que c'est la cafetier à piston, l'hybrique, le café-filtre ou la machine expresso ?

  • Speaker #1

    La première ?

  • Speaker #0

    La cafetière à piston ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, quand je ne connais pas, je me suis dit ça.

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    le café à la turque, c'est vraiment le café avec les particules qui flottent.

  • Speaker #0

    C'est différent. Il y a une méthode traditionnelle ottomane de préparation du café utilisée en Ukraine dès le 16e, 17e siècle. C'est l'hybride ou sevce, je prononce très mal, c'est affreux. Un petit récipient en cuivre ou laiton qui permet de préparer un café très concentré et aromatique. Et cette technique demeure un élément central de la culture ukrainienne.

  • Speaker #1

    J'en apprends tous les jours.

  • Speaker #0

    Il n'a pas bu ça. Qu'est-ce qu'on boit comme café ? Comment on fait le café quand on arrive sur le front ? Un café filtre ? Oui,

  • Speaker #1

    généralement, c'est le café avec les particules qui flottent. Après, ça dépend des endroits. Parce qu'il y a aussi des... Toute la vie fonctionne normalement, donc les restos à Kiev, on peut boire un café aussi bon qu'à Paris. Et on n'est pas dans le...

  • Speaker #0

    Je pensais plus proche du front.

  • Speaker #1

    Plus proche du front, mais même plus proche du front, la vie reprend assez rapidement. Je me suis rarement fait le café moi-même. Il y a des bars, souvent dans des caves, mais il y a des bars et des cafés où on peut prendre son café normal. Mon bistrot comme ici.

  • Speaker #0

    Quelle boisson traditionnelle, ancienne et fermentée, nutritive et populaire en Ukraine ? est souvent consommée en hiver pour réchauffer et nourrir. Est-ce que c'est la boza, le rhum, le thé noir ou le vin ?

  • Speaker #1

    Euh... Ouais, le vin, non ? La boza,

  • Speaker #0

    ou gvas. Ça vous dit quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas du tout. Boisson fermentée à base de pain ou céréales, très appréciée dans les pays slaves. La gvas, version ukrainienne de la boza, est devenue, depuis plus de mille ans, un symbole de prospérité et de force pour les populations paysannes. Un peu alcoolisées, mais très peu désaltérantes et traditionnellement consommées comme remède contre la fatigue hivernale.

  • Speaker #1

    pas vu pas connu merci Julien Lepers c'est la mer noire oui oui oui c'est vrai que en Ukraine j'ai pas eu le temps de trop de lire les guides de voyage pour connaître un peu l'abécédaire on est des planqués ici en France en fait on est des planqués ici j'ai appris plein de choses

  • Speaker #0

    On est des planquiers ici en France, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ah non, pas du tout. On a bien raison de rester loin de ça. On a bien raison, on est bien. On est mieux au bistrot ici. En Ukraine, on aurait été interrompus par les sirènes toutes les demi-heures. C'est bien, il y a juste des bûches qui passent.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais chez Gallimard, Damien Castera. Je remercie beaucoup de m'avoir fait découvrir ce récit. Ce n'est pas un roman, c'est un récit. Un récit de trois voyages à travers l'Ukraine. Et comme je le disais en introduction, j'avais un peu la crainte d'avoir le récit des horreurs du combat. Et en fait, c'est tout autre chose. C'est emprunt de poésie. Il y a une certaine joie. Tristesse mêlée à la joie, il y a de l'espoir qui naît, même si les réalités que vous pointez, une sorte de tristesse slave infinie, se fait toujours ressentir, surtout dans le troisième voyage. Découvrez ce livre de Damien Castera. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

  • Speaker #2

    Vous avez écouté Un Café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, eh bien... Allez sur Apple Podcast,

  • Speaker #0

    mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, nous, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau Café au Comptoir.

Description

Ecrivain-voyageur, réalisateur et surfeur, Damien Castera raconte « La liberté ne meurt jamais » (Gallimard) : trois voyages au cœur de l’Ukraine, là où l’on défend une langue, une culture, des paysages et… des animaux.


Avec lui, on parle liberté, engagement, reportage, poésie et nature : du free-surf basque aux forêts minées, du documentaire diffusé à la chaîne parlementaire au compagnonnage littéraire (Kessel, London, Conrad, Romain Gary). Un échange vif, sensible et souvent drôle sur la manière de témoigner « là où ça fait mal » sans misérabilisme—et de garder l’humanité au comptoir.


Au menu : aventure & grands espaces (Alaska, Namibie), éthique animale, humour en temps de guerre, journal de bord à la première personne, et l’art de filmer sans voix off pour laisser parler le réel.


👉 Si l’épisode vous a plu, laissez 5★ et un avis sur Apple Podcasts/Spotify : c’est ce qui nous propulse en tête de la catégorie Culture. Merci !


Crédits

présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/
Invité : Damien Castera
https://www.instagram.com/damiencastera
auteur, réalisateur, explorateur, surfeur

Livre évoqué : La liberté ne meurt jamais (Gallimard)





instagram xxxx :





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, mon métier c'est d'écrire des histoires et des chroniques, de faire des podcasts et de jouer de ma voix. Comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix, là où tout le monde se rencontre, discute, rêve, écoute et s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir, écoutez bien, c'est parti ! Avec mon invité du jour, on aurait pu parler surf et sport de glisse, on aurait pu discuter de grands espaces, du besoin d'évasion, du goût pour l'aventure, on aurait pu évoquer l'écologie, le règne animal, des forces ou des faiblesses de la nature, on aurait pu dresser la liste de ces explorations aux quatre coins du monde, Alaska, Namibie, Nouvelle-Guinée, Norvège ou Mexique. On aurait pu lire de la poésie, genre qui l'affectionne, ou bien partager ses recettes de cuisine, celle du Pays Basque par exemple, la région d'où il vient et où il vit. On aurait pu prendre le temps d'évoquer sa vie, riche de ses multiples expériences, mais aujourd'hui, celui que j'ai voulu rencontrer, c'est l'écrivain Voyageur, le disciple de Joseph Kessel dont il est l'admirateur. Celui qui veut débusquer l'horreur partout où elle se tapit, celui qui veut en rendre compte. On aurait pu le surnommer l'homme qui va tutoyer la mort tant il choisit toujours de s'aventurer. « Là où ça fait mal, là où le danger rôde » . Son dernier livre, « La liberté ne meurt jamais » en témoigne. C'est un récit au cœur de la guerre en Ukraine. Trois voyages pour mieux comprendre ceux qui défendent leurs terres, leurs arts, leurs paroles et même leurs animaux. Dans son récit, on retrouve tout ce qui est cher à ce reporter aventurier humaniste. La nature, avec la description de la beauté des forêts ukrainiennes, l'engagement pour la cause animale, son amour pour la poésie. C'est beau une ville, de l'Est, la nuit. le sentiment de la fragilité de la vie. Qu'est-ce qui pousse un passionné de freesurf à se rendre en Ukraine en mars 2022, juste après son invasion par l'armée russe, afin d'y acheminer du matériel médical en se tapant 3000 km au volant du fourgon ? La réponse se découvre dans sa quête de l'altérité souffrante, entre les lignes de ce journal qui n'en est pas un, dans cette plongée dans les coulisses d'une mission humanitaire et dans le prolongement d'un documentaire. Je craignais... Personnellement, que la liberté ne meurt jamais ne soit un témoignage de plus sur les atrocités de la guerre. Mais ce livre est bien autre chose. Il distille au fil de ses pages une consolation, une forme de douceur. Son auteur raconte bien les combats et la peur, mais il campe avant tout les portraits de héros du quotidien, dont les seuls faits d'armes consistent à des actions généreuses qui leur permettent de conserver, tout comme lui, leur part d'humanité. Je suis avec l'auteur, réalisateur, explorateur et surfeur Damien Castera. Et je vais prendre avec lui un café au comptoir à Paris. Bonjour Damien.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #0

    Elle commence où ? Elle naît où, la liberté ?

  • Speaker #1

    Ah la foule !

  • Speaker #0

    Si elle ne meurt jamais, c'est qu'elle naît quelque part pour vous. Vous l'avez sentie naître comment ?

  • Speaker #1

    La liberté, c'est un mot qui a tendance à être un peu galvaudé dans les sociétés où on est dedans. C'est-à-dire qu'on est tellement habitué qu'on ne se rend peut-être plus compte. de ce qu'elle représente et c'est vrai qu'un pays comme l'Ukraine, qui est jeune, qui a 30 ans d'indépendance, c'est-à-dire que les personnes qui ont plus de 30 ans ont connu l'époque du NKVD, la liberté est quelque chose de fondamental. Ils se sont battus en 91 pour l'avoir, l'indépendance, la liberté. Et aujourd'hui, quand ils revoient l'armée russe débouler aux frontières, c'est sûr qu'ils prennent les armes et qu'ils sont prêts à tout pour se battre pour elles, justement pour exister.

  • Speaker #0

    Et vous, votre sentiment de liberté, la première fois, vous l'avez senti comment ?

  • Speaker #1

    Je pense que le sport que je fais, que je pratique, qui est le surf, est un sport qui se pratique en liberté. D'ailleurs, après avoir fait mes années de compétition, je suis passé à ce qu'on appelle le free surf, c'est le surf libre, c'est dans l'intitulé. C'est vraiment ce rapport à l'océan, ce rapport de... Moi, ce que je recherchais, c'était une certaine solitude, c'est pour ça que je suis parti au début de ma carrière dans des zones assez peu fréquentées, comme l'Alaska ou la Papouasie. pour justement réconcilier un peu le surf avec l'esprit d'aventure et puis ce sentiment de solitude, ce sentiment de rapport avec la nature et l'océan, évidemment.

  • Speaker #0

    Quel est le lien entre le surf et l'Ukraine ? Est-ce qu'on pourrait en trouver un ?

  • Speaker #1

    La littérature, qui est le trait d'union dans toutes mes expériences, et peut-être la curiosité, l'envie d'engagement, l'envie de participer à un projet commun, d'être prêt à prendre des risques pour des valeurs. Et évidemment qu'entre le surf et la guerre en Ukraine, il n'y a pas de lien direct. Mais peut-être que c'est l'envie un peu kessélienne d'être là où ça se passe, quand ça se passe, et d'être à la fois témoin, à la fois acteur. Certains ont décidé de prendre les armes dans la Légion Internationale. Je pense qu'il faut des armes pour combattre. Mais je pense qu'un stylo et une caméra sont aussi des armes, plutôt des armes de dissuasion, c'est-à-dire qu'on travaille sur l'opinion publique. On devient témoin et on a souvent l'impression que ça ne sert à rien parce qu'on a brevet d'image, mais en même temps, peut-être que si on ne le faisait pas, ça serait pire. Donc on continue à le faire.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que dans votre œuvre, qu'elle soit documentaire, qu'elle soit sur les... dans vos deux livres, une sorte de trait d'union c'est l'eau. Qu'est-ce qu'on ressent en fait quand on voyage par rapport à cette matière ?

  • Speaker #1

    S'il y a une notion esthétique évidemment, après moi il y a quelque chose de... Quand on grandit au bord de l'océan, qu'on nourrit depuis qu'on est tout jeune un rapport privilégié avec la mer, c'est-à-dire que c'est quelque chose de viscéral. Moi depuis que je suis petit, je me lève le matin, je vais voir la mer... quel que soit le temps, en fait, c'est un peu cliché de dire ça, mais c'est comme une présence qu'on est obligé d'honorer tous les matins, et un rituel, et après, c'est sûr que pendant les premières années de mon adolescence et de vie de jeune adulte, tous mes voyages étaient choisis en fonction, justement, de ces endroits, ces bouts de terre qui étaient encore un peu inexplorés pour reconnecter avec l'océan dans des endroits où, justement, il n'y a pas cette surfréquentation des spots de surf, comme on peut voir un peu partout. Donc il y a cette notion du sport qui est le surf et puis il y a cette notion esthétique du rapport à la mer avec tous ces écrivains qui ont écrit sur ça. Je pense à Pierre Lotti avec ses campagnes de pêche en Islande, à Joseph Conrad et puis de fil en aiguille. Après évidemment les projets ont évolué et je commence à sortir aussi parce qu'en Ukraine, vous l'aurez remarqué, il y a un peu la mer noire. C'est un enjeu stratégique ? C'est un enjeu très stratégique. je suis pas descendu sur Odessa justement j'étais en rapport avec les surfers ukrainiens la communauté de surfers ukrainiens ça peut faire rire il y a un surfeur à Nice et il y a des surfers en Ukraine sur la mer Noire et c'est vrai que le surf club d'Odessa s'est transformé en local technique pour entreposer les armes aujourd'hui et la plage d'Arcadia où le Trois, quatre fois dans l'année où il y a des petites vagues qui remontent, on va dire qu'aujourd'hui cette plage s'est transformée en terrain minet parce qu'on pensait au début de l'invasion que les Russes allaient arriver par la mer aussi. Aujourd'hui, ils sont plutôt en train de perdre la bataille de la mer Noire, donc je pense que ça s'est assoupli. D'ailleurs, j'ai vu des photos d'Ukrainiens qui ont surfé l'année dernière justement sur la plage d'Arkadia.

  • Speaker #0

    Écrire sur la mer ? C'est-à-dire écrire quand vous êtes sur un bateau, c'est quelque chose que vous avez fait, quelque chose qui vous tente ?

  • Speaker #1

    C'est très bizarre. La mer et le surf sont mes passions et j'ai vraiment du mal à écrire dessus. J'avais lu une phrase de Romain Garé dans la promesse de l'aube qui disait qu'il aimait énormément l'océan et qu'il avait beaucoup de mal lui aussi à écrire là-dessus. On ne sait pas d'écrire ça, c'est viscéral, c'est profond. Et en fait, la mer se suffit à elle-même. J'ai vraiment beaucoup de mal à écrire là-dessus. C'est vrai que quand j'ai commencé à composer mes récits de voyage, notamment grâce à des revues de surf qui me permettaient d'être publiées, j'étais normalement soi-disant payé pour faire des récits de surf. Je parlais de tout ce qu'il y avait en dehors du surf. Et le surf, généralement, faisait un paragraphe de quelques lignes. J'ai du mal à parler de ça. C'est bizarre. Peut-être que ça viendra plus tard.

  • Speaker #0

    En revanche, vous parlez beaucoup de la nature. Même dans ce livre qui parle de la guerre en Ukraine, qui parle de votre voyage, de votre aventure. Mais oui, c'est vraiment une aventure au cœur de l'Ukraine, une aventure humaine. La nature est présente. Et dans votre œuvre, en général, ça parle de la nature. Ça ne parle pas tant que ça du sport. Ça ne parle pas tant que ça... de vous-même, ça parle de vous-même, mais ça parle beaucoup de la nature. Le rapport à la nature, pour vous, il est essentiel, ça se ressent. Comment vous voyez cette dimension-là ?

  • Speaker #1

    Je pratique un sport qui n'est pas un sport de gymnase ou d'intérieur, donc évidemment que je suis obligé de composer avec la nature. C'est pour ça que le surf, il est tous les jours différent, surtout en France où on surfe sur des plages de sable, il n'y a pas de récif. Coralien donc donc tous les jours il suffit qu'il y ait une tempête pour que les bandes sables se transforment et donc tous les jours il faut aller regarder l'océan. On développe un sens marin ce qu'on appelle en surf le sens marin c'est de comprendre les courants, le vent il y a vraiment pas mal de paramètres qui fait que on va apprendre à lire dans l'océan certaines informations qui nous permettront après de pouvoir surfer et donc je pense Je pense que depuis gamin on apprend à cette lecture de l'environnement et qu'après évidemment les jours sans vagues on part pêcher en rivière ou on pêche sous l'eau en chasse aux marines et puis après on va marcher en montagne et puis voilà j'ai la chance d'habiter dans une région où on a les montagnes des Pyrénées qui tombent dans l'océan Pacifique et dans le golfe de Gascogne donc on est plutôt privilégié pour les espaces naturels et les terrains de jeu extérieurs donc c'est sûr que... Je pense qu'on développe naturellement une sensibilité à ça. Et puis après, quand on voyage, évidemment, moi ce qui m'intéressait, c'était très rapidement, un des voyages qui m'a fait fantasmer toute ma jeunesse, c'était l'Alaska, parce que j'étais un grand féru de Jack London. Et donc quand on part en Alaska et qu'on se met en immersion pendant des semaines dans une tente, dans la forêt, et qu'on campe, évidemment qu'on compose avec ce qu'il y a dehors, donc il y a des ours. Dans l'eau, il y a des orques et des lions de mer. Et c'est vrai qu'on réactive une fibre qu'on avait complètement oubliée. C'est-à-dire qu'on fonctionne à l'instinct, on apprend à répondre à des besoins primaires qui sont manger, se loger, construire un abri, faire un feu sous la pluie, tout ça. Donc c'est vrai que c'est un peu des jeux de gamins qu'on met en pratique à l'âge adulte, avec des moyens d'adultes.

  • Speaker #0

    Et quand on voit tout ça, quand on vous regarde ou quand on vous lit, on sent à la fois le respect de la nature, mais on sent une tristesse, quelque part, par rapport à ce qu'on peut lui infliger à cette nature. Comment on écrit après ça, quand on est témoin de tout cela ?

  • Speaker #1

    On écrit sans faire de morale. J'ai vraiment du mal avec les distributions de bons points et je sais qu'aujourd'hui on est dans... On note tout. Non mais on a beaucoup de curés de la bien-pensance qui, je trouve, font un travail contre-productif. Et je pense que les écologistes ne sont pas bien représentés. Je pense que tout est clivé, tout est polarisé. Je pense que la plus belle des manières, c'est de sublimer les choses à mon avis et que des fois on peut utiliser l'humour aussi. L'humour est très important, l'ironie. Il ne faut pas être trop sérieux, surtout quand on dépeint un sujet compliqué. Je pense qu'on peut parler de choses graves sans être grave. D'ailleurs, on parle de Romain Garry. Je pense que Romain Garry, dans La promesse de l'aube, manie l'ironie d'une manière absolue. Et je pense que le message passe beaucoup mieux. Après, c'est sûr qu'en Ukraine, par exemple, ce spectacle de la nature... parce qu'on n'en parle pas du tout, parce que la priorité, c'est évidemment de sauver les hommes.

  • Speaker #0

    Et vous, vous parlez de ces forêts dans lesquelles les enfants ne joueront pas.

  • Speaker #1

    Mais il faut imaginer déjà les enfants qui n'iront plus courir dans les forêts, parce qu'il y a des mines partout, et puis il faut imaginer des brebis, des chevreuils, mais complètement déboussolés dans le fracas des bombes, avec la toxicité de l'air, avec des gaz, avec des mines, avec... plus des forêts qui ont brûlé, des barrages qui ont sauté. C'est-à-dire qu'il y a toute une partie naturelle qui est complètement déstabilisée. Ravagée. Ravagée, oui. Je ne sais pas comment on imagine dans des forêts les animaux sauvages sous le fracas des bombes. Et ça, c'est sans parler tous les animaux qu'on oublie dans des zoos. Là, j'ai vu que la semaine dernière, il y avait 13 000 cochons qui avaient brûlé dans une ferme qui a été bombardée.

  • Speaker #0

    Vous le racontez d'ailleurs dans votre livre. les... Aussi bien les chiens errants, les chiens qui sont abandonnés par les personnes qui sont obligées d'aller au front, comme les troupeaux de vaches qui peuvent être décimés.

  • Speaker #1

    Oui, on se dit que déjà mettre les animaux dans des cages c'est assez barbare, mais le comble c'est de les abandonner sous les bombes, enfermés dans leurs cages. Et nous c'est ce qu'on a vu, c'est qu'on a fait des missions dans la zone grise. Donc la zone grise c'est le no man's land coincé entre les deux lignes d'artillerie, donc c'est la zone la plus dangereuse. C'est des missions où on y va la journée, il faut aller assez vite, il faut rouler vite parce qu'il n'y a pas de relief pour se cacher, c'est des lignes droites, des routes qui traversent des plaines morcelées, explosées, avec des cratères de bombes partout, il faut rouler vite, on arrive dans des villages et moi j'accompagnais un garde forestier qui s'appelait Pavel, enfin qui s'appelle Pavel, il est encore en ville, et qui allait justement risquer sa vie pour sauver celle des bêtes. Et donc on débarquait dans des chenilles où il fallait ouvrir les cages parce qu'il y avait des chiens qui étaient en train de mourir de faim dedans. C'est vrai qu'à ce moment-là, on se dit que c'est fou, déjà de mettre des chiens magnifiques, là c'était un chenil de huskies, d'enfermer des huskies magnifiques qui symbolisent un peu le loup, l'espèce ultime sauvage, dans des cages en fer rouillé, et que quand on abandonne ces villages, on laisse les chiens dans ces cages, il y a quelque chose de la folie absolue quand même.

  • Speaker #0

    Vous écrivez quand dans ces moments-là ? C'est le matin, je sais que vous vous levez tôt ? J'ai aimé ça, mais...

  • Speaker #1

    Comment vous savez ça ? Avant, je me couchais très tard aussi. Sur le terrain, on écrit de manière très factuelle. Il y a des prises de notes ?

  • Speaker #0

    Ou tout est dans la tête et ensuite c'est digéré ? Prises de notes,

  • Speaker #1

    le soir, la journée, surtout dans les missions comme ça, où en plus j'étais là pour réaliser un documentaire, donc là j'étais vraiment focalisé sur la caméra, sur les personnes que je voulais interviewer ou filmer. Et puis là, c'est tellement intense qu'on n'a absolument pas le temps de sortir un carnet pour... commencer à noter parce que c'est vraiment on travaille dans l'urgence absolue par contre le soir voilà peut-être reposé on peut on peut noter mais là c'est vraiment factuel c'est très succinct c'est des dates des noms des lieux des failles à pas de pas de lyrisme du tout et d'ailleurs après c'est vrai que dans le livre c'est pareil on réfléchit un peu à comment écrire moi je n'ai pas une grande expérience littéraire mais c'est on essaie de de jauger le juste niveau du lyrisme c'est-à-dire que... C'est pas le mot pour le mot, quoi. En même temps, un bon mot peut servir la cause, on va dire, mais il faut faire attention de ne pas trop s'écouter écrire. C'est ça le truc, se regarder écrire. Et c'est pour ça que j'ai choisi quand même une espèce de prose un peu à l'os, un peu sèche, qui va au but. J'ai utilisé le présent pour être vraiment dans l'action.

  • Speaker #0

    Quelques dialogues aussi ?

  • Speaker #1

    Le dialogue aussi, mais le dialogue un peu, on parlait de Nestor Maigret tout à l'heure. La guisinette. Non mais un peu imprégné des dialogues du roman noir Un peu sec Qui vont au but Et évidemment que Je me souviens pas forcément exactement de tous les dialogues qu'on a eu Mais grosso modo c'est Des outils de la littérature qui permettent De rendre compte et qui permettent de faire des transitions Un peu plus légères entre Peut-être deux paragraphes un peu lourds Sur des choses lourdes C'est vrai que de temps en temps un dialogue permet de glisser une petite blague Et voilà ça permet de dérider une situation Et encore une fois Moi je pense qu'il ne faut pas faire... Trop de misérabilisme dans ce genre de récits. Il y a déjà beaucoup de récits qui témoignent des horreurs de la guerre. Il y a aussi comment on rigole en temps de guerre. C'est ça qui est important aussi. Comment les Ukrainiens... Rire est devenu presque une arme absolue pour résister. C'est le slogan « Vous n'aurez pas ma peur » .

  • Speaker #0

    C'est là où commence la liberté peut-être ?

  • Speaker #1

    Oui, la liberté évidemment. La liberté culturelle, la liberté de rire, la liberté de s'exprimer, la liberté... On voit même en France que toute cette liberté commence à être quand même... On ne peut plus rire de tout, il faut faire attention aux blagues qu'on fait, sur le service public c'est comme si... La liberté est quelque chose qui s'entretient évidemment.

  • Speaker #0

    Tous les auteurs, vous avez énormément de références littéraires, c'est un plaisir de s'apercevoir de cela. Ce sont tous des auteurs un peu cabossés qui se sont... confrontés au réel parce que ils avaient envie d'échapper à quelque chose. Quand on lit votre livre, on comprend également pourquoi vous êtes dans cette lignée de ces auteurs, dans la lignée de ces auteurs. Est-ce que pour bien écrire, il faut bien souffrir ?

  • Speaker #1

    Non, je pense pas, mais c'est sûr que... Enfin, c'est ce que j'expliquais quand j'ai perdu mon petit frère. C'était pendant les dix années qui ont suivi la mort de mon frère. Il y a une colère, on ne desserre pas les mâchoires et on en veut la terre entière. Et au bout d'un moment, je me suis dit que de toute façon, cette colère ne disparaîtrait pas. Mais peut-être que je peux m'en servir comme carburant pour faire des choses. Et c'est pour ça que je suis allé en Ukraine aussi. C'est-à-dire qu'il y a un moment, quand on est déraciné, on essaye de se réenraciner dans un projet, dans une cause, dans un... dans quelque chose qui nous dépasse et ça peut nous servir. Et évidemment qu'après, ça fait partie de la littérature aussi. C'est évidemment que quand on est heureux, c'est vrai qu'il y a beaucoup moins de grands livres qui ont été écrits dans la joie et le bonheur, ou à part peut-être des livres de développement personnel, mais c'est vrai, j'ai vraiment du mal avec ces livres-là. Mais quand on pense à Monte Cristo, c'est une histoire de vengeance. Voilà, il y a souvent des grands... Dans les grandes épopées, il y a souvent une vengeance, une mort, le drame, qui nous confrontent à la réalité des choses et qui fait que souvent, en plus, ça nous réveille. Qui c'est qui disait, je sais même pas si l'aphorisme existe, mais le bonheur c'est le somnifère de l'action. Ah ouais ? Je sais pas si c'est moi qui l'ai écrit dans mon carnet ou si c'est un aphorisme que j'ai piqué. En tout cas c'est bien, j'ai vérifié. Non mais il y a de ça, il y a quelque chose de vrai là-dedans, il y a qu'à voir, j'en parle un peu dans le livre, il n'y a qu'à voir nos sociétés qui sont nés un peu dans une opulence. On n'a jamais été forcés d'aller défendre nos frontières. Et qu'on a du mal à défendre notre liberté, qu'on a du mal, on voit le populisme rejaillir, on voit nos démocraties vaciller alors qu'on n'a jamais été aussi bien, on a une assiette pleine, on est... Et donc il y a de l'ordre de cette digestion. Tu sais quand on mange trop, après on est... un peu en léthargie et on balote. Moi je vois un peu de ça, j'ai l'impression que quand on est confronté à quelque chose de rugueux, de dur, c'est malheureusement dans ces moments-là qu'on se réveille. Je prends l'exemple de l'Europe. L'Europe a été conçue au lendemain de la tragédie de 39-45. On passe le temps à la détricoter.

  • Speaker #0

    On a ce fantasme de la détricoter.

  • Speaker #1

    Ouais, mais c'est vrai. Mais c'est souvent dans des grandes périodes de blackout que le... C'est là où on voit la lumière, c'est vrai. Je m'attriste de ça, je me dis que c'est quand même dommage qu'on attende qu'il n'y ait plus de biodiversité, qu'il n'y ait plus d'animaux, qu'il n'y ait plus de forêts, pour se rendre compte qu'il faut se réveiller. Mais malheureusement, on a toujours un temps de retard, j'ai l'impression. Et en Ukraine, il y a cette faculté de, eux, se souviennent, d'il y a 30 ans, ils se souviennent de ce que c'était de vivre sous l'air soviétique, donc ils ont encore à l'esprit tout ça. et nous c'est vrai que Les derniers garants de ce que c'était l'oppression sont nos grands-pères, grands-mères qui ont vécu en 39-45 et qui tendent à disparaître ou qui ont disparu. Donc la mémoire historique se dissout au bout de deux générations. Et nous, j'ai l'impression qu'on a du mal à entretenir ça. Et c'est vrai que je ne m'explique pas que dans les sociétés où on ne vit pas forcément grand-chose, où on ne vit pas des drames absolus, je veux dire, on n'est pas en 39-45 aujourd'hui. C'est dans ces périodes d'un peu de léthargie intellectuelle. culturel que jaillit une fois encore les populismes et qu'on est en train de faire... On regarde son nombril quoi. Ouais, l'individualisme. C'est vrai que dans les grands projets entre 1945, c'est marrant, mais j'avais vu une statistique, c'est dans ces moments-là qu'il y a eu le moins de suicides par exemple. C'est-à-dire que dans ces moments-là, les gens ont un projet commun, c'est de se défendre contre l'occupant ou on est animé de quelque chose. Et aujourd'hui, on ne sait pas où on va. On a trop de temps pour penser, peut-être, je sais pas. Je me l'explique pas.

  • Speaker #0

    Ça crée une littérature qui parle de soi plutôt que de parler de l'autre. Voilà,

  • Speaker #1

    c'est pour ça que la rentrée littéraire est auto-centrée sur son nombril, par exemple. Et qu'on a beaucoup, beaucoup de livres qui ne sont pas ouverts sur le monde et qui parlent de son mal-être intérieur, de sa vie de famille. Voilà, c'est très français, ça. Et c'est même très parisien, sans jeter la pierre. Mais c'est vrai que quand on vient de province comme moi et qu'on écrit sur l'Ukraine et quand on voit la rentrée littéraire, on se demande... en Namibie,

  • Speaker #0

    au sud de l'Afrique,

  • Speaker #1

    au nord de l'Afrique du Sud. Mais voilà c'est des endroits, alors le désert du Namib, il n'y a pas de route qui longe la côte, donc il faut un 4x4 et essayer de s'aventurer. Et en fait les dispositions du sable là-bas fait que quand il y a des énormes tempêtes qui remontent d'Antarctique, donc c'est vraiment pendant l'hiver austral. Donc juillet août, des grandes tempêtes remontent l'Antarctique, lèchent la côte namibienne et l'Angola et pour des gens qui aiment un peu explorer, il y a encore des endroits à découvrir comme ça et donc la vague déroule sur des kilomètres avec des tubes comme je n'ai jamais vu de ma vie donc c'est une des plus belles expériences de ma vie.

  • Speaker #0

    On pense au danger dans ces moments là ?

  • Speaker #1

    Non, c'est austère. Rien à faire. Le danger, c'est un peu austère. C'est vrai que l'eau est froide. Il y a des grandes colonies de phoques à fourrure. On se dit que s'il y a des phoques à fourrure, il doit y avoir des requins blancs qui traînent dans le coin. Et comme il n'y a pas trop de surfers, on va dire qu'il n'y a pas de statistiques pour nous expliquer s'il y a des attaques de requins puisqu'il n'y a pas vraiment de surfers. Très peu. Donc c'est vrai que quand on est dans l'eau, on est un peu les pieds, on rampe du bout des doigts. Mais par contre, quelques minutes de glisse sur une vague comme ça valent tous les dangers.

  • Speaker #0

    Ce qui vous différencie d'un Nicolas Hulot, c'est que vous n'en faites pas d'énormes commerces de ce que vous vivez et puis que vous n'avez pas des cadavres dans le dos ou des...

  • Speaker #1

    Alors, je ne jetterais pas la pierre à Nicolas Hulot parce que moi, quand j'étais gamin, j'ai regardé... Parce qu'il nous a tous fait rêver à une certaine époque. J'ai regardé... Premièrement, c'était Cousteau, évidemment. Et aujourd'hui, c'est pareil, on peut revoir avec le recul, mais il faut faire attention aux anachronismes. C'est à dire qu'on peut critiquer Cousteau sur plein d'aspects. Mais n'empêche qu'il a créé plein de vocations. Mon père a fait biologie marine parce qu'il avait suivi Cousteau et que moi, je me souviens de tous les dimanches en famille où on regardait avec mon frère et mes parents les aventures du commandant Cousteau et le monde du silence. Et puis après, il y a eu évidemment Nicolas Hulot qui a amené une manière avec des moyens monstrueux énormes et aujourd'hui, On peut rigoler parce qu'il y avait des hélicoptères, mais en même temps, à l'époque, c'était comme ça qu'on faisait les documentaires. Je ne serais pas dans la critique acerbe de Niccolo Hilo. Moi, je sais qu'il m'a fait rêver, quand j'étais gamin, à me montrer les mystères du Narval avec Paul-Emile Victor ou des gens comme ça.

  • Speaker #0

    Peut-être que des personnes ont une belle part de lumière et une part d'ombre également. Bien sûr,

  • Speaker #1

    mais de toute façon, on aime beaucoup voir... Moi, je pense qu'on est bourrés de paradoxes tous. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on... Quand on garde un aspect des écrivains, quand on fouille dans la vie des écrivains, quand on parle de Baudelaire, de Rimbaud ou n'importe qui, c'est que de l'ombre et de la lumière. On est tous pétés de contradictions et encore une fois, c'est ce qui fait de la littérature. Parce que sinon, si on est lisse, il n'y a pas grand chose à raconter.

  • Speaker #0

    En vrai ou faux, vous collectionnez des petits objets insolites dans vos voyages, que vous retrouvez dans vos voyages ?

  • Speaker #1

    Alors ça... C'est vrai ou c'est faux ? Ouais, alors je ne sais pas si vous avez vu ça, mais oui, j'ai un petit... un petit musée, c'est un vieux meuble un vieux meuble de mon arrière-grand-mère dans lequel je mets de plein de petites babioles mais oui j'ai toujours aimé ce genre de de mini musée privé à la Marcus Brody pour ceux qui ont la ref

  • Speaker #0

    On rapporte quoi d'Ukraine ?

  • Speaker #1

    Bah d'Ukraine... je veux pas... je suis pas parti faire du tourisme de guerre mais évidemment que quand on a été Dans des tranchées russes qui venaient d'être reprises, j'ai ramené, parce que c'était assez fascinant de se voir le matériel décrépit de l'armée russe, donc j'ai ramené un casque et un masque à gaz de l'armée russe qui étaient les mêmes casques en 1939-1945.

  • Speaker #0

    Dans la deuxième guerre mondiale.

  • Speaker #1

    Voilà, donc vraiment très minimaliste.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux en 2024, c'est il n'y a pas longtemps, vous avez été invité à un festival de cinéma en Argentine et puis vous avez mélangé des notes françaises et des notes en espagnol. Parait-il que ça a fait rire tout le monde. C'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais foutu un pied là-bas.

  • Speaker #0

    Alors donc c'est totalement faux.

  • Speaker #1

    Ça c'est complètement faux.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe en fait quand vous allez présenter ce livre dans des salons littéraires ? Quelles sont les premières questions ? qui vous sont posés par les personnes qui vous rencontrent ?

  • Speaker #1

    Les salons littéraires, j'ai la chance de présenter souvent le film que j'ai réalisé en même temps. C'est un matériau assez intéressant puisque le film que j'ai tourné, il y avait déjà assez de reportages télé qui contextualisaient en expliquant que les Russes attaquent l'Ukraine. On nous explique bien, c'est le schéma télévisuel, qui sont les gentils, les méchants. Donc moi j'ai décidé de faire un documentaire très brut, très minimaliste. Sans voix-off, sans contextualisation, où justement très peu d'interviews face caméra, où on est dans une immersion et on a la guerre saisie dans des instantanées, où on voit qu'évidemment, une fois qu'on est sorti d'une interview, les gens rigolent, les gens vivent, et donc on a cette guerre racontée par ceux qui la vivent. Et donc je ne voulais surtout pas filtrer ça par mon oeil, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, mais en tout cas sur les principaux canaux de télévision, ... Il faut absolument tout expliquer. C'est fatigant, c'est très didactique, c'est très... Et je pense que de prémâcher le travail, pour moi c'est contre-productif d'une certaine manière, et je voulais vraiment faire quelque chose de très minimaliste. Et donc, je ne livre pas mes pensées, je ne livre pas mes avis, mes émotions, c'est juste de l'image brute. Et donc dans le livre, ce qui est intéressant, c'est que ça complète très bien le format télévisuel. ou cinématographie, je sais pas comment on dit, puisque là pour le coup c'est un journal de bord où je peux vraiment rentrer dans ce que je ressens, dans mes questionnements, dans mes analyses, dans mes pensées et donc les deux outils je pense forment un tout qui est assez intéressant et d'ailleurs c'est souvent ce que les gens me disent, c'est quand on lit le livre on a envie de mettre des visages sur les noms qu'on a vu, qu'on a parcourus et donc on peut aller voir sur internet, on peut regarder le film et ça amène justement des visages sur les noms.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais, c'est le livre, mais donc effectivement ce documentaire. C'est un film qui a été tourné avec peu de moyens, mais justement, la liberté, elle naît là également, dans la contrainte de peu de moyens.

  • Speaker #1

    Voilà, comme j'expliquais tout à l'heure, en gros, sans citer les chaînes qui ont un peu de budget, on va dire, si j'avais signé avec une de ces chaînes-là, on m'aurait contraint à mettre une voix off, on m'aurait contraint à mettre peut-être un voice over, c'est-à-dire à mettre une voix française par-dessus les voix ukrainiennes. Alors qu'il y a un truc génial, ça s'appelle les sous-titres.

  • Speaker #0

    C'est un documentaire qui a été diffusé sur la chaîne parlementaire. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Et donc la chaîne parlementaire était un peu les chaînes entre deux où on a moins de budget, mais on a plus de liberté. Proposer un film sans contextualisation et sans voix off. A la base mon producteur m'avait dit Non mais ça c'est impossible, il faut vraiment mettre une voix off. Et j'ai dit oui bien sûr je vais t'en mettre une. Et puis le jour de la projection, je lui ai dit ah bah en fait j'en ai pas mis.

  • Speaker #0

    Il savait pas.

  • Speaker #1

    Et voilà, non non non, il me dit si la chaîne qui achète le film te dit qu'il faut tout refaire, tu te démerdes. Et au final j'ai serré les fesses pendant toute la projection. et en fait Isabelle qui s'occupe des acquisitions documentaires chez le groupe Chez la chaîne parlementaire justement, a trouvé ça vraiment super et donc a validé le projet comme ça, tel quel, il n'y a pas eu de modif à faire. Donc voilà, c'est une manière de travailler que je trouve intéressante parce que c'est un peu comme tous ces films de Noury Challenge, je ne sais pas si tu vois le réalisateur turc qui a fait Wintersleep ou des films très minimalistes, très immersifs, où on ressort avec plus de questions que de réponses et je crois vachement à ça. spectateur de se faire son chemin et de se demander ce que le réalisateur a voulu dire et des fois le réalisateur il sait même pas ce qu'il veut dire en fait il filme juste la vérité voilà témoigner sans... comme Raymond Depardon Raymond Depardon ne met jamais de voix dans ses films parce que il a besoin de...

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'un côté de l'histoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr non mais c'est déjà là où le parti... quand on me dit je prends pas de parti pris et bien déjà je suis côté ukrainien c'est pas que c'est un parti pris c'est que je peux pas filmer des deux côtés en même temps et que je préférais être du côté ukrainien que russe parce que le côté j'étais dans une liberté totale on m'a pas chaperonné, y'a aucun militaire qui a regardé mes images pour me valider ou effacer des images, j'ai travaillé dans une liberté totale, côté russe faut pas écouter ce qu'ils disent sur Omerta et tous ces gens que Régis Le Saumier et tout ça qui travaillent côté russe parce que c'est vrai y'a des influenceurs des sortes de youtubeurs j'allais dire de pionniers clés c'est méchant mais c'est un peu ça,

  • Speaker #0

    qui ont été invités côté russe pour rendre compte de qui...

  • Speaker #1

    Propage la propagande, vraiment. Enfin, sincèrement, il y a des canaux... Enfin, moi, je pense à la chaîne Omerta sur YouTube qui fait beaucoup de vues et je pense que c'est des sous-couverts d'être sur le terrain parce qu'ils le répètent à toutes les sauces qui sont sur le terrain, la vérité vraie du terrain. Enfin, pour moi, c'est...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'ils ont à gagner ?

  • Speaker #1

    Mais déjà, c'est comme quand on parle de vérité tout le temps, la vérité est vraie. J'ai l'impression que quand on a besoin de dire que ce qu'on dit est vrai, c'est qu'il y a un truc qui ne va pas. C'est comme toutes ces républiques. démocratique quand on a besoin de dire que sa république est démocratique c'est qu'il y a un problème je pense à la RDC ou à la république démocratique de chine quand on rappelle que c'est démocratique c'est peut-être qu'il y a un truc qui va pas donc toutes ces radios ou ces chaînes un peu dissidentes qui n'arrêtent pas de parler de la vérité vraie que nous on a la vérité du terrain moi je me méfie de ces choses là et je sais que pour les avoir regardées c'est des gens qui je vais m'attirer des problèmes si je dis des choses Bien sûr, c'est un business. Après, c'est leurs idées. Je pense que c'est des gens... Il y en a pas mal qui ont des idées pro-russes. Après, pourquoi pas ? On est en liberté d'expression. Mais dans ce cas-là, ce qui est bien, c'est de savoir par qui ils sont payés pour savoir qui parle. C'est toujours intéressant de savoir qui paye. Je pense évidemment que le Kremlin, qui est la Russie et le pays numéro un en désinformation, c'est-à-dire qu'ils sont très forts pour... pour influencer sur les élections aux États-Unis, ils ont des usines à bottes. En France aussi, le Brexit aussi. Ils sont très très forts. Je sais qu'ils ont des usines, c'est-à-dire des usines de pirates ou des usines de bottes, où à partir du moment où on publie un truc sur l'Ukraine, on prend 10 000 pro-russes. Et en fait, quand on fouille dans ces profils-là, généralement, c'est des faux. C'est des faux comptes quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez été intimidé sur les réseaux par rapport à Olive ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Non ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, après il y a toujours des commentaires un peu plus... Oui, des trolls, voilà. Je sais pas la terminologie de ces trucs-là, mais oui, ça c'est des trolls. Mais c'est pas...

  • Speaker #0

    Vous vous faites troller ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, ça va, mais c'est... Pas moi personnellement, mais par exemple sur la vidéo de... qui a été postée sur la chaîne parlementaire, il y a peut-être quelques trolls qui vont être là en disant qu'ils sont... Que la Russie vaincra ou des choses comme ça, ça va pas très loin, c'est gentil.

  • Speaker #0

    Je vous écoute et parfois je souris parce que vous avez cet accent du Pays Basque, parce que vous avez ces mots, vous dites « il y a moins de ceci, moins de cela » . On prononce toutes les lettres au Pays Basque. On prononce toutes les lettres. Et est-ce que justement ce livre aurait été différent si vous étiez, si vous aviez passé, je ne sais pas, 20 ans, 25 ans de votre vie à Paris ? Est-ce que vous auriez vu les choses différemment ? Est-ce qu'on choisit les mots différemment ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas qu'il y ait un... Oui ou non, je pense pas qu'il y ait un déterminisme géographique qui fait que selon là où on est, on est différent. Moi je pense que fondamentalement ce qui m'a orienté, peut-être qu'il y a un univers familial, je sais pas, mais en tout cas c'est l'ennui absolu de l'école quand j'étais gamin, qui fait qu'on avait pas les téléphones smartphones, parce que je commençais à être vieux, je venais de passer la quarantaine, et donc je me réfugiais vraiment dans les livres, et je me mettais au fond de la classe, et je lisais Jack London à fond, après Hemingway, après... Joseph Kessel et le temps de préparer ma sortie de l'école et le moment où je pourrais enfin prendre la clé des champs. J'ai voyagé par l'imaginaire et j'ai voyagé par la littérature donc je pense que ça ça a vraiment forgé ma manière de voir la vie et évidemment que le mentor suprême pour moi c'est Kessel et que je me suis dit tiens il y a des gens qui ont fait de leur vie un roman et qui se servent de vraiment toute leur existence c'est à dire que la résistance en 39-45 leur permet après d'écrire et de transposer ça et je me suis dit ouais c'est une vie aventureuse qui nourrit après une oeuvre littéraire ou documentaire et j'ai rien fondamentalement contre les penseurs de salon mais c'est vrai que j'aime bien les gens un peu plus rugueux qui... Non non mais c'est vrai que souvent moi je suis passionné de France Culture, j'écoute même j'écoute Finkielkraut, j'écoute tout le monde en fait mais c'est vrai que des fois je me dis putain Ça mériterait un peu de terrain des fois de sortir pour... C'est bien de conceptualiser mais des fois il faut incarner aussi. Et je pense que d'aller sur le terrain, pour moi ce qui cristallise énormément ça, l'exemple de ça c'est la guerre d'Espagne. La guerre d'Espagne, il y avait énormément d'intellectuels engagés sur le terrain. Et c'est vrai qu'en Ukraine, moi qui m'imaginais un peu candidement que chaque génération avait sa guerre d'Espagne. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de journalistes en Ukraine mais très peu de grandes plumes et peu d'intellectuels engagés. Et donc tout le monde se prétend de Malraux, de Camus, tout ça. Sur les plateaux télé, oui. Sur le terrain, non. J'avais pas vu beaucoup. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui manque un peu parce qu'on n'a pas abordé ce sujet. Mais la littérature et le journalisme sont une plume à deux faces. Et je pense qu'aujourd'hui on a énormément de journalistes qui font un superbe travail. C'est essentiel pour rendre compte... et pour nous donner une vision du réel. Mais le journalisme s'inscrit dans le temps court. C'est un outil qui est souvent très factuel. Les dates, les chiffres, les stratégies politiques ou militaires. Et la littérature peut ramener quelque chose de plus. Pour compléter le journalisme, c'est l'émotion, peut-être la subjectivité en faisant du reportage à la première personne, comme Steinbeck, Kessel, Malraux, Albert Land le faisait. et donc par... Une description des paysages, des atmosphères, de la poésie, on peut rendre compte et compléter ce que le journalisme peut-être ne peut pas faire en devant, rester très objectif. Je ne sais pas, en tout cas il n'y a plus beaucoup de grands reportages aujourd'hui, et c'est vrai qu'en France on aime bien mettre vraiment dans des cases, et aux Etats-Unis ils n'ont pas ce problème-là, le nouveau journalisme, ce qu'on appelle le nouveau journalisme, avec Gonzo, avec tout ça, c'était le journalisme à la première personne. où des grands écrivains étaient des grands reporters de guerre, des grands... Et c'est vrai qu'il y avait vraiment cette tradition, on n'était pas forcément obligé de séparer le journaliste et l'écrivain, puisque ça pouvait se mélanger. En France, c'est assez rare quand même.

  • Speaker #0

    Quand vous viviez ce deuxième voyage, parce que ça raconte trois voyages, ce livre, La liberté ne meurt jamais, vous étiez correspondant également pour des journaux français ?

  • Speaker #1

    Oui, je faisais des chroniques, justement. comme c'était des chroniques pour le journal du dimanche, je précise, avant extrême droitisation de sa ligne éditoriale, donc c'était il y a deux ans. C'est vrai, aujourd'hui, je ne sais pas si j'aurais écrit pour le journal du dimanche. Mais en tout cas, dans l'idée, c'était de rendre compte justement avec un récit à la première personne. Donc ce n'est pas pour parler de soi, c'est pour s'intégrer au récit. Et pour, je pense, amener une proximité avec le lecteur. C'est-à-dire que grâce au fait que je raconte ce que je vis, je pense que le lecteur peut s'identifier plus facilement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on se dit qu'on peut écrire après avoir livré un témoignage pareil ?

  • Speaker #1

    Là, je suis en train de terminer le même genre de récit, mais sur l'Arménie. où j'ai passé pas mal de temps depuis deux ans. Là, j'y retourne sur cet hiver. Sur un conflit, une guerre larvée dans l'ombre de la guerre d'Ukraine. C'est la perte du Haut-Karabakh et le conflit séculaire entre l'Azerbaïdjan turcophone et l'Arménie chrétienne. Et donc ce royaume d'Arménie qui s'étendait sous Tigran II depuis la Caspienne jusqu'à la Méditerranée et qui aujourd'hui est enclavé entre Erdogan qui rêve de reconstruire l'Empire Ottoman et Aliyev qui est le dictateur azéri. Et avec l'Iran au sud et la Géorgie au nord, donc le pays a une histoire séculaire, culturelle, mais une situation géographique compliquée.

  • Speaker #0

    Vous y allez avec la même candeur finalement, avec presque une naïveté que celle avec laquelle vous alliez. En Ukraine pour le premier voyage ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que les choses ont changé dans votre vie également ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, j'y vais... L'Ukraine, j'ai eu le temps de digérer un peu les émotions, de me rendre compte, ce que je disais tout à l'heure, quand on parle des sujets sérieux comme ça, on se dit qu'il faut être sérieux. Et je me dis que des fois, et l'Arménie, je le traite de manière... J'utilise un peu plus l'humour et l'ironie. Et d'ailleurs, j'explique que j'amène avec moi, comme compagnon de voyage, un livre de Kessel, Les temps sauvages, pour la... La ferveur de l'aventure et la fibre de cette espèce de génération d'aventuriers écrivains. J'amène des bouquins sur l'Arménie pour mieux comprendre le conflit et j'amène « Syllogisme de l'amertume » d'Émile Suran pour apprendre à rire du pire. C'est vrai que tous les aphorismes de Suran, c'est dans des moments un peu compliqués. Comment, sous couvert d'ironie et d'humour, on apprend de la distance sur les choses. et à ne pas se retrouver esclave justement de la gravité et de l'absurdité de la vie. Donc je fais un peu comme sur l'entrée de mon livre en Ukraine, c'est-à-dire que plutôt que de faire un espèce de mauvais syndrome Wikipédia où je vais résumer l'histoire de l'Arménie de manière un peu sérieuse, justement je prends un peu les clichés, je parle de Kim Kardashian, je parle de... Je parle un peu des clichés, le papy d'Arménie qui n'est absolument pas arménien.

  • Speaker #0

    Kim Kardashian qui est partie même se baigner en Arménie. Oui, oui, oui. Parce qu'elle a des racines.

  • Speaker #1

    J'ai regardé hier, justement, c'était le paragraphe que j'écrivais hier. J'ai regardé qu'en fait, l'Arménie, par exemple, la population arménienne sur le sol arménien, c'est 3 millions de dames. La diaspora, on va dire 10 millions éparpillées à travers le monde. et je disais Kim Kardashian quand elle fait un post sur Instagram elle a 300 000 millions, donc 300 fois plus de followers que la communauté arménienne réunie donc je me dis l'engagement culturel et intellectuel le courage quand elle poste un je fais une petite pirouette pour essayer de rigoler là dessus, mais voilà c'est d'essayer de trouver justement, prendre un peu de distance par rapport à la gravité des choses et des fois l'absurdité de ces conflits qui sont très tristes, en essayant de mélanger un peu l'ironie

  • Speaker #0

    Sans entrer dans votre vie privée, on découvre que votre vie, elle a changé, c'est-à-dire que vous avez des attaches familiales qui se sont créées. Est-ce qu'on part à l'aventure aussi facilement avant d'être père qu'après ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas reparti depuis que je suis père, mais là ça fait mon petit à 15 mois. Et la dernière fois que j'étais en Arménie, c'était... ma compagne Marie était enceinte. Et c'est vrai que... Alors l'Arménie c'est une guerre... Là quand j'y étais elle était figée, il y avait un cessez-le-feu, on n'est pas du tout dans la haute intensité du front ukrainien et évidemment que c'est beaucoup beaucoup beaucoup moins risqué d'aller sur la frontière arménienne en ce moment qu'en Ukraine. Aujourd'hui évidemment je ne repartirai pas sur le front ukrainien parce que j'ai la responsabilité d'être père et je ne pourrais pas faire ça. Mais l'Arménie par contre, oui je vais y retourner. Et après oui, je pense qu'on est chargé de responsabilité et qu'on fait attention aux endroits où on va. Je pense que je vivrais mal quand même de me dire que je prends d'énormes risques en sachant que je peux faire un orphelin. Non, ce n'est pas possible, je ne pourrais pas.

  • Speaker #0

    On va faire, pour conclure cette interview, un petit quiz. C'est le quiz du Café au comptoir avec Damien Castéra. Alors... Première question, c'est un quiz donc je vais vous proposer diverses réponses mais avant que je propose les diverses réponses, vous pouvez, si vous avez déjà la réponse, en proposer une. Lors d'une opération singulière dans la guerre récente en Ukraine... Des résistants ont utilisé une boisson frelatée pour empoisonner des soldats russes. Quelle boisson était-il supposé avoir falsifiée ? Parce que vous connaissez cette...

  • Speaker #1

    La vodka ! Je m'imagine que là-bas...

  • Speaker #0

    C'était exactement la vodka. Durant une opération ukrainienne, ils ont vu l'usage de la vodka contenant des poisons comme l'arsenic et la strychnine. Ils ont mis dans les bouteilles pour empoisonner les soldats. Le front, quelque part, un peu partout. Quelle méthode traditionnelle ottomane de préparation du café introduite en Ukraine dès les 16e-17e siècle est encore utilisée dans certaines régions ? Est-ce que c'est la cafetier à piston, l'hybrique, le café-filtre ou la machine expresso ?

  • Speaker #1

    La première ?

  • Speaker #0

    La cafetière à piston ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, quand je ne connais pas, je me suis dit ça.

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    le café à la turque, c'est vraiment le café avec les particules qui flottent.

  • Speaker #0

    C'est différent. Il y a une méthode traditionnelle ottomane de préparation du café utilisée en Ukraine dès le 16e, 17e siècle. C'est l'hybride ou sevce, je prononce très mal, c'est affreux. Un petit récipient en cuivre ou laiton qui permet de préparer un café très concentré et aromatique. Et cette technique demeure un élément central de la culture ukrainienne.

  • Speaker #1

    J'en apprends tous les jours.

  • Speaker #0

    Il n'a pas bu ça. Qu'est-ce qu'on boit comme café ? Comment on fait le café quand on arrive sur le front ? Un café filtre ? Oui,

  • Speaker #1

    généralement, c'est le café avec les particules qui flottent. Après, ça dépend des endroits. Parce qu'il y a aussi des... Toute la vie fonctionne normalement, donc les restos à Kiev, on peut boire un café aussi bon qu'à Paris. Et on n'est pas dans le...

  • Speaker #0

    Je pensais plus proche du front.

  • Speaker #1

    Plus proche du front, mais même plus proche du front, la vie reprend assez rapidement. Je me suis rarement fait le café moi-même. Il y a des bars, souvent dans des caves, mais il y a des bars et des cafés où on peut prendre son café normal. Mon bistrot comme ici.

  • Speaker #0

    Quelle boisson traditionnelle, ancienne et fermentée, nutritive et populaire en Ukraine ? est souvent consommée en hiver pour réchauffer et nourrir. Est-ce que c'est la boza, le rhum, le thé noir ou le vin ?

  • Speaker #1

    Euh... Ouais, le vin, non ? La boza,

  • Speaker #0

    ou gvas. Ça vous dit quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas du tout. Boisson fermentée à base de pain ou céréales, très appréciée dans les pays slaves. La gvas, version ukrainienne de la boza, est devenue, depuis plus de mille ans, un symbole de prospérité et de force pour les populations paysannes. Un peu alcoolisées, mais très peu désaltérantes et traditionnellement consommées comme remède contre la fatigue hivernale.

  • Speaker #1

    pas vu pas connu merci Julien Lepers c'est la mer noire oui oui oui c'est vrai que en Ukraine j'ai pas eu le temps de trop de lire les guides de voyage pour connaître un peu l'abécédaire on est des planqués ici en France en fait on est des planqués ici j'ai appris plein de choses

  • Speaker #0

    On est des planquiers ici en France, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ah non, pas du tout. On a bien raison de rester loin de ça. On a bien raison, on est bien. On est mieux au bistrot ici. En Ukraine, on aurait été interrompus par les sirènes toutes les demi-heures. C'est bien, il y a juste des bûches qui passent.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais chez Gallimard, Damien Castera. Je remercie beaucoup de m'avoir fait découvrir ce récit. Ce n'est pas un roman, c'est un récit. Un récit de trois voyages à travers l'Ukraine. Et comme je le disais en introduction, j'avais un peu la crainte d'avoir le récit des horreurs du combat. Et en fait, c'est tout autre chose. C'est emprunt de poésie. Il y a une certaine joie. Tristesse mêlée à la joie, il y a de l'espoir qui naît, même si les réalités que vous pointez, une sorte de tristesse slave infinie, se fait toujours ressentir, surtout dans le troisième voyage. Découvrez ce livre de Damien Castera. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

  • Speaker #2

    Vous avez écouté Un Café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, eh bien... Allez sur Apple Podcast,

  • Speaker #0

    mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, nous, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau Café au Comptoir.

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Description

Ecrivain-voyageur, réalisateur et surfeur, Damien Castera raconte « La liberté ne meurt jamais » (Gallimard) : trois voyages au cœur de l’Ukraine, là où l’on défend une langue, une culture, des paysages et… des animaux.


Avec lui, on parle liberté, engagement, reportage, poésie et nature : du free-surf basque aux forêts minées, du documentaire diffusé à la chaîne parlementaire au compagnonnage littéraire (Kessel, London, Conrad, Romain Gary). Un échange vif, sensible et souvent drôle sur la manière de témoigner « là où ça fait mal » sans misérabilisme—et de garder l’humanité au comptoir.


Au menu : aventure & grands espaces (Alaska, Namibie), éthique animale, humour en temps de guerre, journal de bord à la première personne, et l’art de filmer sans voix off pour laisser parler le réel.


👉 Si l’épisode vous a plu, laissez 5★ et un avis sur Apple Podcasts/Spotify : c’est ce qui nous propulse en tête de la catégorie Culture. Merci !


Crédits

présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/
Invité : Damien Castera
https://www.instagram.com/damiencastera
auteur, réalisateur, explorateur, surfeur

Livre évoqué : La liberté ne meurt jamais (Gallimard)





instagram xxxx :





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, mon métier c'est d'écrire des histoires et des chroniques, de faire des podcasts et de jouer de ma voix. Comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix, là où tout le monde se rencontre, discute, rêve, écoute et s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir, écoutez bien, c'est parti ! Avec mon invité du jour, on aurait pu parler surf et sport de glisse, on aurait pu discuter de grands espaces, du besoin d'évasion, du goût pour l'aventure, on aurait pu évoquer l'écologie, le règne animal, des forces ou des faiblesses de la nature, on aurait pu dresser la liste de ces explorations aux quatre coins du monde, Alaska, Namibie, Nouvelle-Guinée, Norvège ou Mexique. On aurait pu lire de la poésie, genre qui l'affectionne, ou bien partager ses recettes de cuisine, celle du Pays Basque par exemple, la région d'où il vient et où il vit. On aurait pu prendre le temps d'évoquer sa vie, riche de ses multiples expériences, mais aujourd'hui, celui que j'ai voulu rencontrer, c'est l'écrivain Voyageur, le disciple de Joseph Kessel dont il est l'admirateur. Celui qui veut débusquer l'horreur partout où elle se tapit, celui qui veut en rendre compte. On aurait pu le surnommer l'homme qui va tutoyer la mort tant il choisit toujours de s'aventurer. « Là où ça fait mal, là où le danger rôde » . Son dernier livre, « La liberté ne meurt jamais » en témoigne. C'est un récit au cœur de la guerre en Ukraine. Trois voyages pour mieux comprendre ceux qui défendent leurs terres, leurs arts, leurs paroles et même leurs animaux. Dans son récit, on retrouve tout ce qui est cher à ce reporter aventurier humaniste. La nature, avec la description de la beauté des forêts ukrainiennes, l'engagement pour la cause animale, son amour pour la poésie. C'est beau une ville, de l'Est, la nuit. le sentiment de la fragilité de la vie. Qu'est-ce qui pousse un passionné de freesurf à se rendre en Ukraine en mars 2022, juste après son invasion par l'armée russe, afin d'y acheminer du matériel médical en se tapant 3000 km au volant du fourgon ? La réponse se découvre dans sa quête de l'altérité souffrante, entre les lignes de ce journal qui n'en est pas un, dans cette plongée dans les coulisses d'une mission humanitaire et dans le prolongement d'un documentaire. Je craignais... Personnellement, que la liberté ne meurt jamais ne soit un témoignage de plus sur les atrocités de la guerre. Mais ce livre est bien autre chose. Il distille au fil de ses pages une consolation, une forme de douceur. Son auteur raconte bien les combats et la peur, mais il campe avant tout les portraits de héros du quotidien, dont les seuls faits d'armes consistent à des actions généreuses qui leur permettent de conserver, tout comme lui, leur part d'humanité. Je suis avec l'auteur, réalisateur, explorateur et surfeur Damien Castera. Et je vais prendre avec lui un café au comptoir à Paris. Bonjour Damien.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #0

    Elle commence où ? Elle naît où, la liberté ?

  • Speaker #1

    Ah la foule !

  • Speaker #0

    Si elle ne meurt jamais, c'est qu'elle naît quelque part pour vous. Vous l'avez sentie naître comment ?

  • Speaker #1

    La liberté, c'est un mot qui a tendance à être un peu galvaudé dans les sociétés où on est dedans. C'est-à-dire qu'on est tellement habitué qu'on ne se rend peut-être plus compte. de ce qu'elle représente et c'est vrai qu'un pays comme l'Ukraine, qui est jeune, qui a 30 ans d'indépendance, c'est-à-dire que les personnes qui ont plus de 30 ans ont connu l'époque du NKVD, la liberté est quelque chose de fondamental. Ils se sont battus en 91 pour l'avoir, l'indépendance, la liberté. Et aujourd'hui, quand ils revoient l'armée russe débouler aux frontières, c'est sûr qu'ils prennent les armes et qu'ils sont prêts à tout pour se battre pour elles, justement pour exister.

  • Speaker #0

    Et vous, votre sentiment de liberté, la première fois, vous l'avez senti comment ?

  • Speaker #1

    Je pense que le sport que je fais, que je pratique, qui est le surf, est un sport qui se pratique en liberté. D'ailleurs, après avoir fait mes années de compétition, je suis passé à ce qu'on appelle le free surf, c'est le surf libre, c'est dans l'intitulé. C'est vraiment ce rapport à l'océan, ce rapport de... Moi, ce que je recherchais, c'était une certaine solitude, c'est pour ça que je suis parti au début de ma carrière dans des zones assez peu fréquentées, comme l'Alaska ou la Papouasie. pour justement réconcilier un peu le surf avec l'esprit d'aventure et puis ce sentiment de solitude, ce sentiment de rapport avec la nature et l'océan, évidemment.

  • Speaker #0

    Quel est le lien entre le surf et l'Ukraine ? Est-ce qu'on pourrait en trouver un ?

  • Speaker #1

    La littérature, qui est le trait d'union dans toutes mes expériences, et peut-être la curiosité, l'envie d'engagement, l'envie de participer à un projet commun, d'être prêt à prendre des risques pour des valeurs. Et évidemment qu'entre le surf et la guerre en Ukraine, il n'y a pas de lien direct. Mais peut-être que c'est l'envie un peu kessélienne d'être là où ça se passe, quand ça se passe, et d'être à la fois témoin, à la fois acteur. Certains ont décidé de prendre les armes dans la Légion Internationale. Je pense qu'il faut des armes pour combattre. Mais je pense qu'un stylo et une caméra sont aussi des armes, plutôt des armes de dissuasion, c'est-à-dire qu'on travaille sur l'opinion publique. On devient témoin et on a souvent l'impression que ça ne sert à rien parce qu'on a brevet d'image, mais en même temps, peut-être que si on ne le faisait pas, ça serait pire. Donc on continue à le faire.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que dans votre œuvre, qu'elle soit documentaire, qu'elle soit sur les... dans vos deux livres, une sorte de trait d'union c'est l'eau. Qu'est-ce qu'on ressent en fait quand on voyage par rapport à cette matière ?

  • Speaker #1

    S'il y a une notion esthétique évidemment, après moi il y a quelque chose de... Quand on grandit au bord de l'océan, qu'on nourrit depuis qu'on est tout jeune un rapport privilégié avec la mer, c'est-à-dire que c'est quelque chose de viscéral. Moi depuis que je suis petit, je me lève le matin, je vais voir la mer... quel que soit le temps, en fait, c'est un peu cliché de dire ça, mais c'est comme une présence qu'on est obligé d'honorer tous les matins, et un rituel, et après, c'est sûr que pendant les premières années de mon adolescence et de vie de jeune adulte, tous mes voyages étaient choisis en fonction, justement, de ces endroits, ces bouts de terre qui étaient encore un peu inexplorés pour reconnecter avec l'océan dans des endroits où, justement, il n'y a pas cette surfréquentation des spots de surf, comme on peut voir un peu partout. Donc il y a cette notion du sport qui est le surf et puis il y a cette notion esthétique du rapport à la mer avec tous ces écrivains qui ont écrit sur ça. Je pense à Pierre Lotti avec ses campagnes de pêche en Islande, à Joseph Conrad et puis de fil en aiguille. Après évidemment les projets ont évolué et je commence à sortir aussi parce qu'en Ukraine, vous l'aurez remarqué, il y a un peu la mer noire. C'est un enjeu stratégique ? C'est un enjeu très stratégique. je suis pas descendu sur Odessa justement j'étais en rapport avec les surfers ukrainiens la communauté de surfers ukrainiens ça peut faire rire il y a un surfeur à Nice et il y a des surfers en Ukraine sur la mer Noire et c'est vrai que le surf club d'Odessa s'est transformé en local technique pour entreposer les armes aujourd'hui et la plage d'Arcadia où le Trois, quatre fois dans l'année où il y a des petites vagues qui remontent, on va dire qu'aujourd'hui cette plage s'est transformée en terrain minet parce qu'on pensait au début de l'invasion que les Russes allaient arriver par la mer aussi. Aujourd'hui, ils sont plutôt en train de perdre la bataille de la mer Noire, donc je pense que ça s'est assoupli. D'ailleurs, j'ai vu des photos d'Ukrainiens qui ont surfé l'année dernière justement sur la plage d'Arkadia.

  • Speaker #0

    Écrire sur la mer ? C'est-à-dire écrire quand vous êtes sur un bateau, c'est quelque chose que vous avez fait, quelque chose qui vous tente ?

  • Speaker #1

    C'est très bizarre. La mer et le surf sont mes passions et j'ai vraiment du mal à écrire dessus. J'avais lu une phrase de Romain Garé dans la promesse de l'aube qui disait qu'il aimait énormément l'océan et qu'il avait beaucoup de mal lui aussi à écrire là-dessus. On ne sait pas d'écrire ça, c'est viscéral, c'est profond. Et en fait, la mer se suffit à elle-même. J'ai vraiment beaucoup de mal à écrire là-dessus. C'est vrai que quand j'ai commencé à composer mes récits de voyage, notamment grâce à des revues de surf qui me permettaient d'être publiées, j'étais normalement soi-disant payé pour faire des récits de surf. Je parlais de tout ce qu'il y avait en dehors du surf. Et le surf, généralement, faisait un paragraphe de quelques lignes. J'ai du mal à parler de ça. C'est bizarre. Peut-être que ça viendra plus tard.

  • Speaker #0

    En revanche, vous parlez beaucoup de la nature. Même dans ce livre qui parle de la guerre en Ukraine, qui parle de votre voyage, de votre aventure. Mais oui, c'est vraiment une aventure au cœur de l'Ukraine, une aventure humaine. La nature est présente. Et dans votre œuvre, en général, ça parle de la nature. Ça ne parle pas tant que ça du sport. Ça ne parle pas tant que ça... de vous-même, ça parle de vous-même, mais ça parle beaucoup de la nature. Le rapport à la nature, pour vous, il est essentiel, ça se ressent. Comment vous voyez cette dimension-là ?

  • Speaker #1

    Je pratique un sport qui n'est pas un sport de gymnase ou d'intérieur, donc évidemment que je suis obligé de composer avec la nature. C'est pour ça que le surf, il est tous les jours différent, surtout en France où on surfe sur des plages de sable, il n'y a pas de récif. Coralien donc donc tous les jours il suffit qu'il y ait une tempête pour que les bandes sables se transforment et donc tous les jours il faut aller regarder l'océan. On développe un sens marin ce qu'on appelle en surf le sens marin c'est de comprendre les courants, le vent il y a vraiment pas mal de paramètres qui fait que on va apprendre à lire dans l'océan certaines informations qui nous permettront après de pouvoir surfer et donc je pense Je pense que depuis gamin on apprend à cette lecture de l'environnement et qu'après évidemment les jours sans vagues on part pêcher en rivière ou on pêche sous l'eau en chasse aux marines et puis après on va marcher en montagne et puis voilà j'ai la chance d'habiter dans une région où on a les montagnes des Pyrénées qui tombent dans l'océan Pacifique et dans le golfe de Gascogne donc on est plutôt privilégié pour les espaces naturels et les terrains de jeu extérieurs donc c'est sûr que... Je pense qu'on développe naturellement une sensibilité à ça. Et puis après, quand on voyage, évidemment, moi ce qui m'intéressait, c'était très rapidement, un des voyages qui m'a fait fantasmer toute ma jeunesse, c'était l'Alaska, parce que j'étais un grand féru de Jack London. Et donc quand on part en Alaska et qu'on se met en immersion pendant des semaines dans une tente, dans la forêt, et qu'on campe, évidemment qu'on compose avec ce qu'il y a dehors, donc il y a des ours. Dans l'eau, il y a des orques et des lions de mer. Et c'est vrai qu'on réactive une fibre qu'on avait complètement oubliée. C'est-à-dire qu'on fonctionne à l'instinct, on apprend à répondre à des besoins primaires qui sont manger, se loger, construire un abri, faire un feu sous la pluie, tout ça. Donc c'est vrai que c'est un peu des jeux de gamins qu'on met en pratique à l'âge adulte, avec des moyens d'adultes.

  • Speaker #0

    Et quand on voit tout ça, quand on vous regarde ou quand on vous lit, on sent à la fois le respect de la nature, mais on sent une tristesse, quelque part, par rapport à ce qu'on peut lui infliger à cette nature. Comment on écrit après ça, quand on est témoin de tout cela ?

  • Speaker #1

    On écrit sans faire de morale. J'ai vraiment du mal avec les distributions de bons points et je sais qu'aujourd'hui on est dans... On note tout. Non mais on a beaucoup de curés de la bien-pensance qui, je trouve, font un travail contre-productif. Et je pense que les écologistes ne sont pas bien représentés. Je pense que tout est clivé, tout est polarisé. Je pense que la plus belle des manières, c'est de sublimer les choses à mon avis et que des fois on peut utiliser l'humour aussi. L'humour est très important, l'ironie. Il ne faut pas être trop sérieux, surtout quand on dépeint un sujet compliqué. Je pense qu'on peut parler de choses graves sans être grave. D'ailleurs, on parle de Romain Garry. Je pense que Romain Garry, dans La promesse de l'aube, manie l'ironie d'une manière absolue. Et je pense que le message passe beaucoup mieux. Après, c'est sûr qu'en Ukraine, par exemple, ce spectacle de la nature... parce qu'on n'en parle pas du tout, parce que la priorité, c'est évidemment de sauver les hommes.

  • Speaker #0

    Et vous, vous parlez de ces forêts dans lesquelles les enfants ne joueront pas.

  • Speaker #1

    Mais il faut imaginer déjà les enfants qui n'iront plus courir dans les forêts, parce qu'il y a des mines partout, et puis il faut imaginer des brebis, des chevreuils, mais complètement déboussolés dans le fracas des bombes, avec la toxicité de l'air, avec des gaz, avec des mines, avec... plus des forêts qui ont brûlé, des barrages qui ont sauté. C'est-à-dire qu'il y a toute une partie naturelle qui est complètement déstabilisée. Ravagée. Ravagée, oui. Je ne sais pas comment on imagine dans des forêts les animaux sauvages sous le fracas des bombes. Et ça, c'est sans parler tous les animaux qu'on oublie dans des zoos. Là, j'ai vu que la semaine dernière, il y avait 13 000 cochons qui avaient brûlé dans une ferme qui a été bombardée.

  • Speaker #0

    Vous le racontez d'ailleurs dans votre livre. les... Aussi bien les chiens errants, les chiens qui sont abandonnés par les personnes qui sont obligées d'aller au front, comme les troupeaux de vaches qui peuvent être décimés.

  • Speaker #1

    Oui, on se dit que déjà mettre les animaux dans des cages c'est assez barbare, mais le comble c'est de les abandonner sous les bombes, enfermés dans leurs cages. Et nous c'est ce qu'on a vu, c'est qu'on a fait des missions dans la zone grise. Donc la zone grise c'est le no man's land coincé entre les deux lignes d'artillerie, donc c'est la zone la plus dangereuse. C'est des missions où on y va la journée, il faut aller assez vite, il faut rouler vite parce qu'il n'y a pas de relief pour se cacher, c'est des lignes droites, des routes qui traversent des plaines morcelées, explosées, avec des cratères de bombes partout, il faut rouler vite, on arrive dans des villages et moi j'accompagnais un garde forestier qui s'appelait Pavel, enfin qui s'appelle Pavel, il est encore en ville, et qui allait justement risquer sa vie pour sauver celle des bêtes. Et donc on débarquait dans des chenilles où il fallait ouvrir les cages parce qu'il y avait des chiens qui étaient en train de mourir de faim dedans. C'est vrai qu'à ce moment-là, on se dit que c'est fou, déjà de mettre des chiens magnifiques, là c'était un chenil de huskies, d'enfermer des huskies magnifiques qui symbolisent un peu le loup, l'espèce ultime sauvage, dans des cages en fer rouillé, et que quand on abandonne ces villages, on laisse les chiens dans ces cages, il y a quelque chose de la folie absolue quand même.

  • Speaker #0

    Vous écrivez quand dans ces moments-là ? C'est le matin, je sais que vous vous levez tôt ? J'ai aimé ça, mais...

  • Speaker #1

    Comment vous savez ça ? Avant, je me couchais très tard aussi. Sur le terrain, on écrit de manière très factuelle. Il y a des prises de notes ?

  • Speaker #0

    Ou tout est dans la tête et ensuite c'est digéré ? Prises de notes,

  • Speaker #1

    le soir, la journée, surtout dans les missions comme ça, où en plus j'étais là pour réaliser un documentaire, donc là j'étais vraiment focalisé sur la caméra, sur les personnes que je voulais interviewer ou filmer. Et puis là, c'est tellement intense qu'on n'a absolument pas le temps de sortir un carnet pour... commencer à noter parce que c'est vraiment on travaille dans l'urgence absolue par contre le soir voilà peut-être reposé on peut on peut noter mais là c'est vraiment factuel c'est très succinct c'est des dates des noms des lieux des failles à pas de pas de lyrisme du tout et d'ailleurs après c'est vrai que dans le livre c'est pareil on réfléchit un peu à comment écrire moi je n'ai pas une grande expérience littéraire mais c'est on essaie de de jauger le juste niveau du lyrisme c'est-à-dire que... C'est pas le mot pour le mot, quoi. En même temps, un bon mot peut servir la cause, on va dire, mais il faut faire attention de ne pas trop s'écouter écrire. C'est ça le truc, se regarder écrire. Et c'est pour ça que j'ai choisi quand même une espèce de prose un peu à l'os, un peu sèche, qui va au but. J'ai utilisé le présent pour être vraiment dans l'action.

  • Speaker #0

    Quelques dialogues aussi ?

  • Speaker #1

    Le dialogue aussi, mais le dialogue un peu, on parlait de Nestor Maigret tout à l'heure. La guisinette. Non mais un peu imprégné des dialogues du roman noir Un peu sec Qui vont au but Et évidemment que Je me souviens pas forcément exactement de tous les dialogues qu'on a eu Mais grosso modo c'est Des outils de la littérature qui permettent De rendre compte et qui permettent de faire des transitions Un peu plus légères entre Peut-être deux paragraphes un peu lourds Sur des choses lourdes C'est vrai que de temps en temps un dialogue permet de glisser une petite blague Et voilà ça permet de dérider une situation Et encore une fois Moi je pense qu'il ne faut pas faire... Trop de misérabilisme dans ce genre de récits. Il y a déjà beaucoup de récits qui témoignent des horreurs de la guerre. Il y a aussi comment on rigole en temps de guerre. C'est ça qui est important aussi. Comment les Ukrainiens... Rire est devenu presque une arme absolue pour résister. C'est le slogan « Vous n'aurez pas ma peur » .

  • Speaker #0

    C'est là où commence la liberté peut-être ?

  • Speaker #1

    Oui, la liberté évidemment. La liberté culturelle, la liberté de rire, la liberté de s'exprimer, la liberté... On voit même en France que toute cette liberté commence à être quand même... On ne peut plus rire de tout, il faut faire attention aux blagues qu'on fait, sur le service public c'est comme si... La liberté est quelque chose qui s'entretient évidemment.

  • Speaker #0

    Tous les auteurs, vous avez énormément de références littéraires, c'est un plaisir de s'apercevoir de cela. Ce sont tous des auteurs un peu cabossés qui se sont... confrontés au réel parce que ils avaient envie d'échapper à quelque chose. Quand on lit votre livre, on comprend également pourquoi vous êtes dans cette lignée de ces auteurs, dans la lignée de ces auteurs. Est-ce que pour bien écrire, il faut bien souffrir ?

  • Speaker #1

    Non, je pense pas, mais c'est sûr que... Enfin, c'est ce que j'expliquais quand j'ai perdu mon petit frère. C'était pendant les dix années qui ont suivi la mort de mon frère. Il y a une colère, on ne desserre pas les mâchoires et on en veut la terre entière. Et au bout d'un moment, je me suis dit que de toute façon, cette colère ne disparaîtrait pas. Mais peut-être que je peux m'en servir comme carburant pour faire des choses. Et c'est pour ça que je suis allé en Ukraine aussi. C'est-à-dire qu'il y a un moment, quand on est déraciné, on essaye de se réenraciner dans un projet, dans une cause, dans un... dans quelque chose qui nous dépasse et ça peut nous servir. Et évidemment qu'après, ça fait partie de la littérature aussi. C'est évidemment que quand on est heureux, c'est vrai qu'il y a beaucoup moins de grands livres qui ont été écrits dans la joie et le bonheur, ou à part peut-être des livres de développement personnel, mais c'est vrai, j'ai vraiment du mal avec ces livres-là. Mais quand on pense à Monte Cristo, c'est une histoire de vengeance. Voilà, il y a souvent des grands... Dans les grandes épopées, il y a souvent une vengeance, une mort, le drame, qui nous confrontent à la réalité des choses et qui fait que souvent, en plus, ça nous réveille. Qui c'est qui disait, je sais même pas si l'aphorisme existe, mais le bonheur c'est le somnifère de l'action. Ah ouais ? Je sais pas si c'est moi qui l'ai écrit dans mon carnet ou si c'est un aphorisme que j'ai piqué. En tout cas c'est bien, j'ai vérifié. Non mais il y a de ça, il y a quelque chose de vrai là-dedans, il y a qu'à voir, j'en parle un peu dans le livre, il n'y a qu'à voir nos sociétés qui sont nés un peu dans une opulence. On n'a jamais été forcés d'aller défendre nos frontières. Et qu'on a du mal à défendre notre liberté, qu'on a du mal, on voit le populisme rejaillir, on voit nos démocraties vaciller alors qu'on n'a jamais été aussi bien, on a une assiette pleine, on est... Et donc il y a de l'ordre de cette digestion. Tu sais quand on mange trop, après on est... un peu en léthargie et on balote. Moi je vois un peu de ça, j'ai l'impression que quand on est confronté à quelque chose de rugueux, de dur, c'est malheureusement dans ces moments-là qu'on se réveille. Je prends l'exemple de l'Europe. L'Europe a été conçue au lendemain de la tragédie de 39-45. On passe le temps à la détricoter.

  • Speaker #0

    On a ce fantasme de la détricoter.

  • Speaker #1

    Ouais, mais c'est vrai. Mais c'est souvent dans des grandes périodes de blackout que le... C'est là où on voit la lumière, c'est vrai. Je m'attriste de ça, je me dis que c'est quand même dommage qu'on attende qu'il n'y ait plus de biodiversité, qu'il n'y ait plus d'animaux, qu'il n'y ait plus de forêts, pour se rendre compte qu'il faut se réveiller. Mais malheureusement, on a toujours un temps de retard, j'ai l'impression. Et en Ukraine, il y a cette faculté de, eux, se souviennent, d'il y a 30 ans, ils se souviennent de ce que c'était de vivre sous l'air soviétique, donc ils ont encore à l'esprit tout ça. et nous c'est vrai que Les derniers garants de ce que c'était l'oppression sont nos grands-pères, grands-mères qui ont vécu en 39-45 et qui tendent à disparaître ou qui ont disparu. Donc la mémoire historique se dissout au bout de deux générations. Et nous, j'ai l'impression qu'on a du mal à entretenir ça. Et c'est vrai que je ne m'explique pas que dans les sociétés où on ne vit pas forcément grand-chose, où on ne vit pas des drames absolus, je veux dire, on n'est pas en 39-45 aujourd'hui. C'est dans ces périodes d'un peu de léthargie intellectuelle. culturel que jaillit une fois encore les populismes et qu'on est en train de faire... On regarde son nombril quoi. Ouais, l'individualisme. C'est vrai que dans les grands projets entre 1945, c'est marrant, mais j'avais vu une statistique, c'est dans ces moments-là qu'il y a eu le moins de suicides par exemple. C'est-à-dire que dans ces moments-là, les gens ont un projet commun, c'est de se défendre contre l'occupant ou on est animé de quelque chose. Et aujourd'hui, on ne sait pas où on va. On a trop de temps pour penser, peut-être, je sais pas. Je me l'explique pas.

  • Speaker #0

    Ça crée une littérature qui parle de soi plutôt que de parler de l'autre. Voilà,

  • Speaker #1

    c'est pour ça que la rentrée littéraire est auto-centrée sur son nombril, par exemple. Et qu'on a beaucoup, beaucoup de livres qui ne sont pas ouverts sur le monde et qui parlent de son mal-être intérieur, de sa vie de famille. Voilà, c'est très français, ça. Et c'est même très parisien, sans jeter la pierre. Mais c'est vrai que quand on vient de province comme moi et qu'on écrit sur l'Ukraine et quand on voit la rentrée littéraire, on se demande... en Namibie,

  • Speaker #0

    au sud de l'Afrique,

  • Speaker #1

    au nord de l'Afrique du Sud. Mais voilà c'est des endroits, alors le désert du Namib, il n'y a pas de route qui longe la côte, donc il faut un 4x4 et essayer de s'aventurer. Et en fait les dispositions du sable là-bas fait que quand il y a des énormes tempêtes qui remontent d'Antarctique, donc c'est vraiment pendant l'hiver austral. Donc juillet août, des grandes tempêtes remontent l'Antarctique, lèchent la côte namibienne et l'Angola et pour des gens qui aiment un peu explorer, il y a encore des endroits à découvrir comme ça et donc la vague déroule sur des kilomètres avec des tubes comme je n'ai jamais vu de ma vie donc c'est une des plus belles expériences de ma vie.

  • Speaker #0

    On pense au danger dans ces moments là ?

  • Speaker #1

    Non, c'est austère. Rien à faire. Le danger, c'est un peu austère. C'est vrai que l'eau est froide. Il y a des grandes colonies de phoques à fourrure. On se dit que s'il y a des phoques à fourrure, il doit y avoir des requins blancs qui traînent dans le coin. Et comme il n'y a pas trop de surfers, on va dire qu'il n'y a pas de statistiques pour nous expliquer s'il y a des attaques de requins puisqu'il n'y a pas vraiment de surfers. Très peu. Donc c'est vrai que quand on est dans l'eau, on est un peu les pieds, on rampe du bout des doigts. Mais par contre, quelques minutes de glisse sur une vague comme ça valent tous les dangers.

  • Speaker #0

    Ce qui vous différencie d'un Nicolas Hulot, c'est que vous n'en faites pas d'énormes commerces de ce que vous vivez et puis que vous n'avez pas des cadavres dans le dos ou des...

  • Speaker #1

    Alors, je ne jetterais pas la pierre à Nicolas Hulot parce que moi, quand j'étais gamin, j'ai regardé... Parce qu'il nous a tous fait rêver à une certaine époque. J'ai regardé... Premièrement, c'était Cousteau, évidemment. Et aujourd'hui, c'est pareil, on peut revoir avec le recul, mais il faut faire attention aux anachronismes. C'est à dire qu'on peut critiquer Cousteau sur plein d'aspects. Mais n'empêche qu'il a créé plein de vocations. Mon père a fait biologie marine parce qu'il avait suivi Cousteau et que moi, je me souviens de tous les dimanches en famille où on regardait avec mon frère et mes parents les aventures du commandant Cousteau et le monde du silence. Et puis après, il y a eu évidemment Nicolas Hulot qui a amené une manière avec des moyens monstrueux énormes et aujourd'hui, On peut rigoler parce qu'il y avait des hélicoptères, mais en même temps, à l'époque, c'était comme ça qu'on faisait les documentaires. Je ne serais pas dans la critique acerbe de Niccolo Hilo. Moi, je sais qu'il m'a fait rêver, quand j'étais gamin, à me montrer les mystères du Narval avec Paul-Emile Victor ou des gens comme ça.

  • Speaker #0

    Peut-être que des personnes ont une belle part de lumière et une part d'ombre également. Bien sûr,

  • Speaker #1

    mais de toute façon, on aime beaucoup voir... Moi, je pense qu'on est bourrés de paradoxes tous. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on... Quand on garde un aspect des écrivains, quand on fouille dans la vie des écrivains, quand on parle de Baudelaire, de Rimbaud ou n'importe qui, c'est que de l'ombre et de la lumière. On est tous pétés de contradictions et encore une fois, c'est ce qui fait de la littérature. Parce que sinon, si on est lisse, il n'y a pas grand chose à raconter.

  • Speaker #0

    En vrai ou faux, vous collectionnez des petits objets insolites dans vos voyages, que vous retrouvez dans vos voyages ?

  • Speaker #1

    Alors ça... C'est vrai ou c'est faux ? Ouais, alors je ne sais pas si vous avez vu ça, mais oui, j'ai un petit... un petit musée, c'est un vieux meuble un vieux meuble de mon arrière-grand-mère dans lequel je mets de plein de petites babioles mais oui j'ai toujours aimé ce genre de de mini musée privé à la Marcus Brody pour ceux qui ont la ref

  • Speaker #0

    On rapporte quoi d'Ukraine ?

  • Speaker #1

    Bah d'Ukraine... je veux pas... je suis pas parti faire du tourisme de guerre mais évidemment que quand on a été Dans des tranchées russes qui venaient d'être reprises, j'ai ramené, parce que c'était assez fascinant de se voir le matériel décrépit de l'armée russe, donc j'ai ramené un casque et un masque à gaz de l'armée russe qui étaient les mêmes casques en 1939-1945.

  • Speaker #0

    Dans la deuxième guerre mondiale.

  • Speaker #1

    Voilà, donc vraiment très minimaliste.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux en 2024, c'est il n'y a pas longtemps, vous avez été invité à un festival de cinéma en Argentine et puis vous avez mélangé des notes françaises et des notes en espagnol. Parait-il que ça a fait rire tout le monde. C'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais foutu un pied là-bas.

  • Speaker #0

    Alors donc c'est totalement faux.

  • Speaker #1

    Ça c'est complètement faux.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe en fait quand vous allez présenter ce livre dans des salons littéraires ? Quelles sont les premières questions ? qui vous sont posés par les personnes qui vous rencontrent ?

  • Speaker #1

    Les salons littéraires, j'ai la chance de présenter souvent le film que j'ai réalisé en même temps. C'est un matériau assez intéressant puisque le film que j'ai tourné, il y avait déjà assez de reportages télé qui contextualisaient en expliquant que les Russes attaquent l'Ukraine. On nous explique bien, c'est le schéma télévisuel, qui sont les gentils, les méchants. Donc moi j'ai décidé de faire un documentaire très brut, très minimaliste. Sans voix-off, sans contextualisation, où justement très peu d'interviews face caméra, où on est dans une immersion et on a la guerre saisie dans des instantanées, où on voit qu'évidemment, une fois qu'on est sorti d'une interview, les gens rigolent, les gens vivent, et donc on a cette guerre racontée par ceux qui la vivent. Et donc je ne voulais surtout pas filtrer ça par mon oeil, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, mais en tout cas sur les principaux canaux de télévision, ... Il faut absolument tout expliquer. C'est fatigant, c'est très didactique, c'est très... Et je pense que de prémâcher le travail, pour moi c'est contre-productif d'une certaine manière, et je voulais vraiment faire quelque chose de très minimaliste. Et donc, je ne livre pas mes pensées, je ne livre pas mes avis, mes émotions, c'est juste de l'image brute. Et donc dans le livre, ce qui est intéressant, c'est que ça complète très bien le format télévisuel. ou cinématographie, je sais pas comment on dit, puisque là pour le coup c'est un journal de bord où je peux vraiment rentrer dans ce que je ressens, dans mes questionnements, dans mes analyses, dans mes pensées et donc les deux outils je pense forment un tout qui est assez intéressant et d'ailleurs c'est souvent ce que les gens me disent, c'est quand on lit le livre on a envie de mettre des visages sur les noms qu'on a vu, qu'on a parcourus et donc on peut aller voir sur internet, on peut regarder le film et ça amène justement des visages sur les noms.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais, c'est le livre, mais donc effectivement ce documentaire. C'est un film qui a été tourné avec peu de moyens, mais justement, la liberté, elle naît là également, dans la contrainte de peu de moyens.

  • Speaker #1

    Voilà, comme j'expliquais tout à l'heure, en gros, sans citer les chaînes qui ont un peu de budget, on va dire, si j'avais signé avec une de ces chaînes-là, on m'aurait contraint à mettre une voix off, on m'aurait contraint à mettre peut-être un voice over, c'est-à-dire à mettre une voix française par-dessus les voix ukrainiennes. Alors qu'il y a un truc génial, ça s'appelle les sous-titres.

  • Speaker #0

    C'est un documentaire qui a été diffusé sur la chaîne parlementaire. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Et donc la chaîne parlementaire était un peu les chaînes entre deux où on a moins de budget, mais on a plus de liberté. Proposer un film sans contextualisation et sans voix off. A la base mon producteur m'avait dit Non mais ça c'est impossible, il faut vraiment mettre une voix off. Et j'ai dit oui bien sûr je vais t'en mettre une. Et puis le jour de la projection, je lui ai dit ah bah en fait j'en ai pas mis.

  • Speaker #0

    Il savait pas.

  • Speaker #1

    Et voilà, non non non, il me dit si la chaîne qui achète le film te dit qu'il faut tout refaire, tu te démerdes. Et au final j'ai serré les fesses pendant toute la projection. et en fait Isabelle qui s'occupe des acquisitions documentaires chez le groupe Chez la chaîne parlementaire justement, a trouvé ça vraiment super et donc a validé le projet comme ça, tel quel, il n'y a pas eu de modif à faire. Donc voilà, c'est une manière de travailler que je trouve intéressante parce que c'est un peu comme tous ces films de Noury Challenge, je ne sais pas si tu vois le réalisateur turc qui a fait Wintersleep ou des films très minimalistes, très immersifs, où on ressort avec plus de questions que de réponses et je crois vachement à ça. spectateur de se faire son chemin et de se demander ce que le réalisateur a voulu dire et des fois le réalisateur il sait même pas ce qu'il veut dire en fait il filme juste la vérité voilà témoigner sans... comme Raymond Depardon Raymond Depardon ne met jamais de voix dans ses films parce que il a besoin de...

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'un côté de l'histoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr non mais c'est déjà là où le parti... quand on me dit je prends pas de parti pris et bien déjà je suis côté ukrainien c'est pas que c'est un parti pris c'est que je peux pas filmer des deux côtés en même temps et que je préférais être du côté ukrainien que russe parce que le côté j'étais dans une liberté totale on m'a pas chaperonné, y'a aucun militaire qui a regardé mes images pour me valider ou effacer des images, j'ai travaillé dans une liberté totale, côté russe faut pas écouter ce qu'ils disent sur Omerta et tous ces gens que Régis Le Saumier et tout ça qui travaillent côté russe parce que c'est vrai y'a des influenceurs des sortes de youtubeurs j'allais dire de pionniers clés c'est méchant mais c'est un peu ça,

  • Speaker #0

    qui ont été invités côté russe pour rendre compte de qui...

  • Speaker #1

    Propage la propagande, vraiment. Enfin, sincèrement, il y a des canaux... Enfin, moi, je pense à la chaîne Omerta sur YouTube qui fait beaucoup de vues et je pense que c'est des sous-couverts d'être sur le terrain parce qu'ils le répètent à toutes les sauces qui sont sur le terrain, la vérité vraie du terrain. Enfin, pour moi, c'est...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'ils ont à gagner ?

  • Speaker #1

    Mais déjà, c'est comme quand on parle de vérité tout le temps, la vérité est vraie. J'ai l'impression que quand on a besoin de dire que ce qu'on dit est vrai, c'est qu'il y a un truc qui ne va pas. C'est comme toutes ces républiques. démocratique quand on a besoin de dire que sa république est démocratique c'est qu'il y a un problème je pense à la RDC ou à la république démocratique de chine quand on rappelle que c'est démocratique c'est peut-être qu'il y a un truc qui va pas donc toutes ces radios ou ces chaînes un peu dissidentes qui n'arrêtent pas de parler de la vérité vraie que nous on a la vérité du terrain moi je me méfie de ces choses là et je sais que pour les avoir regardées c'est des gens qui je vais m'attirer des problèmes si je dis des choses Bien sûr, c'est un business. Après, c'est leurs idées. Je pense que c'est des gens... Il y en a pas mal qui ont des idées pro-russes. Après, pourquoi pas ? On est en liberté d'expression. Mais dans ce cas-là, ce qui est bien, c'est de savoir par qui ils sont payés pour savoir qui parle. C'est toujours intéressant de savoir qui paye. Je pense évidemment que le Kremlin, qui est la Russie et le pays numéro un en désinformation, c'est-à-dire qu'ils sont très forts pour... pour influencer sur les élections aux États-Unis, ils ont des usines à bottes. En France aussi, le Brexit aussi. Ils sont très très forts. Je sais qu'ils ont des usines, c'est-à-dire des usines de pirates ou des usines de bottes, où à partir du moment où on publie un truc sur l'Ukraine, on prend 10 000 pro-russes. Et en fait, quand on fouille dans ces profils-là, généralement, c'est des faux. C'est des faux comptes quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez été intimidé sur les réseaux par rapport à Olive ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Non ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, après il y a toujours des commentaires un peu plus... Oui, des trolls, voilà. Je sais pas la terminologie de ces trucs-là, mais oui, ça c'est des trolls. Mais c'est pas...

  • Speaker #0

    Vous vous faites troller ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, ça va, mais c'est... Pas moi personnellement, mais par exemple sur la vidéo de... qui a été postée sur la chaîne parlementaire, il y a peut-être quelques trolls qui vont être là en disant qu'ils sont... Que la Russie vaincra ou des choses comme ça, ça va pas très loin, c'est gentil.

  • Speaker #0

    Je vous écoute et parfois je souris parce que vous avez cet accent du Pays Basque, parce que vous avez ces mots, vous dites « il y a moins de ceci, moins de cela » . On prononce toutes les lettres au Pays Basque. On prononce toutes les lettres. Et est-ce que justement ce livre aurait été différent si vous étiez, si vous aviez passé, je ne sais pas, 20 ans, 25 ans de votre vie à Paris ? Est-ce que vous auriez vu les choses différemment ? Est-ce qu'on choisit les mots différemment ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas qu'il y ait un... Oui ou non, je pense pas qu'il y ait un déterminisme géographique qui fait que selon là où on est, on est différent. Moi je pense que fondamentalement ce qui m'a orienté, peut-être qu'il y a un univers familial, je sais pas, mais en tout cas c'est l'ennui absolu de l'école quand j'étais gamin, qui fait qu'on avait pas les téléphones smartphones, parce que je commençais à être vieux, je venais de passer la quarantaine, et donc je me réfugiais vraiment dans les livres, et je me mettais au fond de la classe, et je lisais Jack London à fond, après Hemingway, après... Joseph Kessel et le temps de préparer ma sortie de l'école et le moment où je pourrais enfin prendre la clé des champs. J'ai voyagé par l'imaginaire et j'ai voyagé par la littérature donc je pense que ça ça a vraiment forgé ma manière de voir la vie et évidemment que le mentor suprême pour moi c'est Kessel et que je me suis dit tiens il y a des gens qui ont fait de leur vie un roman et qui se servent de vraiment toute leur existence c'est à dire que la résistance en 39-45 leur permet après d'écrire et de transposer ça et je me suis dit ouais c'est une vie aventureuse qui nourrit après une oeuvre littéraire ou documentaire et j'ai rien fondamentalement contre les penseurs de salon mais c'est vrai que j'aime bien les gens un peu plus rugueux qui... Non non mais c'est vrai que souvent moi je suis passionné de France Culture, j'écoute même j'écoute Finkielkraut, j'écoute tout le monde en fait mais c'est vrai que des fois je me dis putain Ça mériterait un peu de terrain des fois de sortir pour... C'est bien de conceptualiser mais des fois il faut incarner aussi. Et je pense que d'aller sur le terrain, pour moi ce qui cristallise énormément ça, l'exemple de ça c'est la guerre d'Espagne. La guerre d'Espagne, il y avait énormément d'intellectuels engagés sur le terrain. Et c'est vrai qu'en Ukraine, moi qui m'imaginais un peu candidement que chaque génération avait sa guerre d'Espagne. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de journalistes en Ukraine mais très peu de grandes plumes et peu d'intellectuels engagés. Et donc tout le monde se prétend de Malraux, de Camus, tout ça. Sur les plateaux télé, oui. Sur le terrain, non. J'avais pas vu beaucoup. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui manque un peu parce qu'on n'a pas abordé ce sujet. Mais la littérature et le journalisme sont une plume à deux faces. Et je pense qu'aujourd'hui on a énormément de journalistes qui font un superbe travail. C'est essentiel pour rendre compte... et pour nous donner une vision du réel. Mais le journalisme s'inscrit dans le temps court. C'est un outil qui est souvent très factuel. Les dates, les chiffres, les stratégies politiques ou militaires. Et la littérature peut ramener quelque chose de plus. Pour compléter le journalisme, c'est l'émotion, peut-être la subjectivité en faisant du reportage à la première personne, comme Steinbeck, Kessel, Malraux, Albert Land le faisait. et donc par... Une description des paysages, des atmosphères, de la poésie, on peut rendre compte et compléter ce que le journalisme peut-être ne peut pas faire en devant, rester très objectif. Je ne sais pas, en tout cas il n'y a plus beaucoup de grands reportages aujourd'hui, et c'est vrai qu'en France on aime bien mettre vraiment dans des cases, et aux Etats-Unis ils n'ont pas ce problème-là, le nouveau journalisme, ce qu'on appelle le nouveau journalisme, avec Gonzo, avec tout ça, c'était le journalisme à la première personne. où des grands écrivains étaient des grands reporters de guerre, des grands... Et c'est vrai qu'il y avait vraiment cette tradition, on n'était pas forcément obligé de séparer le journaliste et l'écrivain, puisque ça pouvait se mélanger. En France, c'est assez rare quand même.

  • Speaker #0

    Quand vous viviez ce deuxième voyage, parce que ça raconte trois voyages, ce livre, La liberté ne meurt jamais, vous étiez correspondant également pour des journaux français ?

  • Speaker #1

    Oui, je faisais des chroniques, justement. comme c'était des chroniques pour le journal du dimanche, je précise, avant extrême droitisation de sa ligne éditoriale, donc c'était il y a deux ans. C'est vrai, aujourd'hui, je ne sais pas si j'aurais écrit pour le journal du dimanche. Mais en tout cas, dans l'idée, c'était de rendre compte justement avec un récit à la première personne. Donc ce n'est pas pour parler de soi, c'est pour s'intégrer au récit. Et pour, je pense, amener une proximité avec le lecteur. C'est-à-dire que grâce au fait que je raconte ce que je vis, je pense que le lecteur peut s'identifier plus facilement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on se dit qu'on peut écrire après avoir livré un témoignage pareil ?

  • Speaker #1

    Là, je suis en train de terminer le même genre de récit, mais sur l'Arménie. où j'ai passé pas mal de temps depuis deux ans. Là, j'y retourne sur cet hiver. Sur un conflit, une guerre larvée dans l'ombre de la guerre d'Ukraine. C'est la perte du Haut-Karabakh et le conflit séculaire entre l'Azerbaïdjan turcophone et l'Arménie chrétienne. Et donc ce royaume d'Arménie qui s'étendait sous Tigran II depuis la Caspienne jusqu'à la Méditerranée et qui aujourd'hui est enclavé entre Erdogan qui rêve de reconstruire l'Empire Ottoman et Aliyev qui est le dictateur azéri. Et avec l'Iran au sud et la Géorgie au nord, donc le pays a une histoire séculaire, culturelle, mais une situation géographique compliquée.

  • Speaker #0

    Vous y allez avec la même candeur finalement, avec presque une naïveté que celle avec laquelle vous alliez. En Ukraine pour le premier voyage ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que les choses ont changé dans votre vie également ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, j'y vais... L'Ukraine, j'ai eu le temps de digérer un peu les émotions, de me rendre compte, ce que je disais tout à l'heure, quand on parle des sujets sérieux comme ça, on se dit qu'il faut être sérieux. Et je me dis que des fois, et l'Arménie, je le traite de manière... J'utilise un peu plus l'humour et l'ironie. Et d'ailleurs, j'explique que j'amène avec moi, comme compagnon de voyage, un livre de Kessel, Les temps sauvages, pour la... La ferveur de l'aventure et la fibre de cette espèce de génération d'aventuriers écrivains. J'amène des bouquins sur l'Arménie pour mieux comprendre le conflit et j'amène « Syllogisme de l'amertume » d'Émile Suran pour apprendre à rire du pire. C'est vrai que tous les aphorismes de Suran, c'est dans des moments un peu compliqués. Comment, sous couvert d'ironie et d'humour, on apprend de la distance sur les choses. et à ne pas se retrouver esclave justement de la gravité et de l'absurdité de la vie. Donc je fais un peu comme sur l'entrée de mon livre en Ukraine, c'est-à-dire que plutôt que de faire un espèce de mauvais syndrome Wikipédia où je vais résumer l'histoire de l'Arménie de manière un peu sérieuse, justement je prends un peu les clichés, je parle de Kim Kardashian, je parle de... Je parle un peu des clichés, le papy d'Arménie qui n'est absolument pas arménien.

  • Speaker #0

    Kim Kardashian qui est partie même se baigner en Arménie. Oui, oui, oui. Parce qu'elle a des racines.

  • Speaker #1

    J'ai regardé hier, justement, c'était le paragraphe que j'écrivais hier. J'ai regardé qu'en fait, l'Arménie, par exemple, la population arménienne sur le sol arménien, c'est 3 millions de dames. La diaspora, on va dire 10 millions éparpillées à travers le monde. et je disais Kim Kardashian quand elle fait un post sur Instagram elle a 300 000 millions, donc 300 fois plus de followers que la communauté arménienne réunie donc je me dis l'engagement culturel et intellectuel le courage quand elle poste un je fais une petite pirouette pour essayer de rigoler là dessus, mais voilà c'est d'essayer de trouver justement, prendre un peu de distance par rapport à la gravité des choses et des fois l'absurdité de ces conflits qui sont très tristes, en essayant de mélanger un peu l'ironie

  • Speaker #0

    Sans entrer dans votre vie privée, on découvre que votre vie, elle a changé, c'est-à-dire que vous avez des attaches familiales qui se sont créées. Est-ce qu'on part à l'aventure aussi facilement avant d'être père qu'après ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas reparti depuis que je suis père, mais là ça fait mon petit à 15 mois. Et la dernière fois que j'étais en Arménie, c'était... ma compagne Marie était enceinte. Et c'est vrai que... Alors l'Arménie c'est une guerre... Là quand j'y étais elle était figée, il y avait un cessez-le-feu, on n'est pas du tout dans la haute intensité du front ukrainien et évidemment que c'est beaucoup beaucoup beaucoup moins risqué d'aller sur la frontière arménienne en ce moment qu'en Ukraine. Aujourd'hui évidemment je ne repartirai pas sur le front ukrainien parce que j'ai la responsabilité d'être père et je ne pourrais pas faire ça. Mais l'Arménie par contre, oui je vais y retourner. Et après oui, je pense qu'on est chargé de responsabilité et qu'on fait attention aux endroits où on va. Je pense que je vivrais mal quand même de me dire que je prends d'énormes risques en sachant que je peux faire un orphelin. Non, ce n'est pas possible, je ne pourrais pas.

  • Speaker #0

    On va faire, pour conclure cette interview, un petit quiz. C'est le quiz du Café au comptoir avec Damien Castéra. Alors... Première question, c'est un quiz donc je vais vous proposer diverses réponses mais avant que je propose les diverses réponses, vous pouvez, si vous avez déjà la réponse, en proposer une. Lors d'une opération singulière dans la guerre récente en Ukraine... Des résistants ont utilisé une boisson frelatée pour empoisonner des soldats russes. Quelle boisson était-il supposé avoir falsifiée ? Parce que vous connaissez cette...

  • Speaker #1

    La vodka ! Je m'imagine que là-bas...

  • Speaker #0

    C'était exactement la vodka. Durant une opération ukrainienne, ils ont vu l'usage de la vodka contenant des poisons comme l'arsenic et la strychnine. Ils ont mis dans les bouteilles pour empoisonner les soldats. Le front, quelque part, un peu partout. Quelle méthode traditionnelle ottomane de préparation du café introduite en Ukraine dès les 16e-17e siècle est encore utilisée dans certaines régions ? Est-ce que c'est la cafetier à piston, l'hybrique, le café-filtre ou la machine expresso ?

  • Speaker #1

    La première ?

  • Speaker #0

    La cafetière à piston ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, quand je ne connais pas, je me suis dit ça.

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    le café à la turque, c'est vraiment le café avec les particules qui flottent.

  • Speaker #0

    C'est différent. Il y a une méthode traditionnelle ottomane de préparation du café utilisée en Ukraine dès le 16e, 17e siècle. C'est l'hybride ou sevce, je prononce très mal, c'est affreux. Un petit récipient en cuivre ou laiton qui permet de préparer un café très concentré et aromatique. Et cette technique demeure un élément central de la culture ukrainienne.

  • Speaker #1

    J'en apprends tous les jours.

  • Speaker #0

    Il n'a pas bu ça. Qu'est-ce qu'on boit comme café ? Comment on fait le café quand on arrive sur le front ? Un café filtre ? Oui,

  • Speaker #1

    généralement, c'est le café avec les particules qui flottent. Après, ça dépend des endroits. Parce qu'il y a aussi des... Toute la vie fonctionne normalement, donc les restos à Kiev, on peut boire un café aussi bon qu'à Paris. Et on n'est pas dans le...

  • Speaker #0

    Je pensais plus proche du front.

  • Speaker #1

    Plus proche du front, mais même plus proche du front, la vie reprend assez rapidement. Je me suis rarement fait le café moi-même. Il y a des bars, souvent dans des caves, mais il y a des bars et des cafés où on peut prendre son café normal. Mon bistrot comme ici.

  • Speaker #0

    Quelle boisson traditionnelle, ancienne et fermentée, nutritive et populaire en Ukraine ? est souvent consommée en hiver pour réchauffer et nourrir. Est-ce que c'est la boza, le rhum, le thé noir ou le vin ?

  • Speaker #1

    Euh... Ouais, le vin, non ? La boza,

  • Speaker #0

    ou gvas. Ça vous dit quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas du tout. Boisson fermentée à base de pain ou céréales, très appréciée dans les pays slaves. La gvas, version ukrainienne de la boza, est devenue, depuis plus de mille ans, un symbole de prospérité et de force pour les populations paysannes. Un peu alcoolisées, mais très peu désaltérantes et traditionnellement consommées comme remède contre la fatigue hivernale.

  • Speaker #1

    pas vu pas connu merci Julien Lepers c'est la mer noire oui oui oui c'est vrai que en Ukraine j'ai pas eu le temps de trop de lire les guides de voyage pour connaître un peu l'abécédaire on est des planqués ici en France en fait on est des planqués ici j'ai appris plein de choses

  • Speaker #0

    On est des planquiers ici en France, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ah non, pas du tout. On a bien raison de rester loin de ça. On a bien raison, on est bien. On est mieux au bistrot ici. En Ukraine, on aurait été interrompus par les sirènes toutes les demi-heures. C'est bien, il y a juste des bûches qui passent.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais chez Gallimard, Damien Castera. Je remercie beaucoup de m'avoir fait découvrir ce récit. Ce n'est pas un roman, c'est un récit. Un récit de trois voyages à travers l'Ukraine. Et comme je le disais en introduction, j'avais un peu la crainte d'avoir le récit des horreurs du combat. Et en fait, c'est tout autre chose. C'est emprunt de poésie. Il y a une certaine joie. Tristesse mêlée à la joie, il y a de l'espoir qui naît, même si les réalités que vous pointez, une sorte de tristesse slave infinie, se fait toujours ressentir, surtout dans le troisième voyage. Découvrez ce livre de Damien Castera. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

  • Speaker #2

    Vous avez écouté Un Café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, eh bien... Allez sur Apple Podcast,

  • Speaker #0

    mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, nous, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau Café au Comptoir.

Description

Ecrivain-voyageur, réalisateur et surfeur, Damien Castera raconte « La liberté ne meurt jamais » (Gallimard) : trois voyages au cœur de l’Ukraine, là où l’on défend une langue, une culture, des paysages et… des animaux.


Avec lui, on parle liberté, engagement, reportage, poésie et nature : du free-surf basque aux forêts minées, du documentaire diffusé à la chaîne parlementaire au compagnonnage littéraire (Kessel, London, Conrad, Romain Gary). Un échange vif, sensible et souvent drôle sur la manière de témoigner « là où ça fait mal » sans misérabilisme—et de garder l’humanité au comptoir.


Au menu : aventure & grands espaces (Alaska, Namibie), éthique animale, humour en temps de guerre, journal de bord à la première personne, et l’art de filmer sans voix off pour laisser parler le réel.


👉 Si l’épisode vous a plu, laissez 5★ et un avis sur Apple Podcasts/Spotify : c’est ce qui nous propulse en tête de la catégorie Culture. Merci !


Crédits

présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/
Invité : Damien Castera
https://www.instagram.com/damiencastera
auteur, réalisateur, explorateur, surfeur

Livre évoqué : La liberté ne meurt jamais (Gallimard)





instagram xxxx :





Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, mon métier c'est d'écrire des histoires et des chroniques, de faire des podcasts et de jouer de ma voix. Comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix, là où tout le monde se rencontre, discute, rêve, écoute et s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir, écoutez bien, c'est parti ! Avec mon invité du jour, on aurait pu parler surf et sport de glisse, on aurait pu discuter de grands espaces, du besoin d'évasion, du goût pour l'aventure, on aurait pu évoquer l'écologie, le règne animal, des forces ou des faiblesses de la nature, on aurait pu dresser la liste de ces explorations aux quatre coins du monde, Alaska, Namibie, Nouvelle-Guinée, Norvège ou Mexique. On aurait pu lire de la poésie, genre qui l'affectionne, ou bien partager ses recettes de cuisine, celle du Pays Basque par exemple, la région d'où il vient et où il vit. On aurait pu prendre le temps d'évoquer sa vie, riche de ses multiples expériences, mais aujourd'hui, celui que j'ai voulu rencontrer, c'est l'écrivain Voyageur, le disciple de Joseph Kessel dont il est l'admirateur. Celui qui veut débusquer l'horreur partout où elle se tapit, celui qui veut en rendre compte. On aurait pu le surnommer l'homme qui va tutoyer la mort tant il choisit toujours de s'aventurer. « Là où ça fait mal, là où le danger rôde » . Son dernier livre, « La liberté ne meurt jamais » en témoigne. C'est un récit au cœur de la guerre en Ukraine. Trois voyages pour mieux comprendre ceux qui défendent leurs terres, leurs arts, leurs paroles et même leurs animaux. Dans son récit, on retrouve tout ce qui est cher à ce reporter aventurier humaniste. La nature, avec la description de la beauté des forêts ukrainiennes, l'engagement pour la cause animale, son amour pour la poésie. C'est beau une ville, de l'Est, la nuit. le sentiment de la fragilité de la vie. Qu'est-ce qui pousse un passionné de freesurf à se rendre en Ukraine en mars 2022, juste après son invasion par l'armée russe, afin d'y acheminer du matériel médical en se tapant 3000 km au volant du fourgon ? La réponse se découvre dans sa quête de l'altérité souffrante, entre les lignes de ce journal qui n'en est pas un, dans cette plongée dans les coulisses d'une mission humanitaire et dans le prolongement d'un documentaire. Je craignais... Personnellement, que la liberté ne meurt jamais ne soit un témoignage de plus sur les atrocités de la guerre. Mais ce livre est bien autre chose. Il distille au fil de ses pages une consolation, une forme de douceur. Son auteur raconte bien les combats et la peur, mais il campe avant tout les portraits de héros du quotidien, dont les seuls faits d'armes consistent à des actions généreuses qui leur permettent de conserver, tout comme lui, leur part d'humanité. Je suis avec l'auteur, réalisateur, explorateur et surfeur Damien Castera. Et je vais prendre avec lui un café au comptoir à Paris. Bonjour Damien.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #0

    Elle commence où ? Elle naît où, la liberté ?

  • Speaker #1

    Ah la foule !

  • Speaker #0

    Si elle ne meurt jamais, c'est qu'elle naît quelque part pour vous. Vous l'avez sentie naître comment ?

  • Speaker #1

    La liberté, c'est un mot qui a tendance à être un peu galvaudé dans les sociétés où on est dedans. C'est-à-dire qu'on est tellement habitué qu'on ne se rend peut-être plus compte. de ce qu'elle représente et c'est vrai qu'un pays comme l'Ukraine, qui est jeune, qui a 30 ans d'indépendance, c'est-à-dire que les personnes qui ont plus de 30 ans ont connu l'époque du NKVD, la liberté est quelque chose de fondamental. Ils se sont battus en 91 pour l'avoir, l'indépendance, la liberté. Et aujourd'hui, quand ils revoient l'armée russe débouler aux frontières, c'est sûr qu'ils prennent les armes et qu'ils sont prêts à tout pour se battre pour elles, justement pour exister.

  • Speaker #0

    Et vous, votre sentiment de liberté, la première fois, vous l'avez senti comment ?

  • Speaker #1

    Je pense que le sport que je fais, que je pratique, qui est le surf, est un sport qui se pratique en liberté. D'ailleurs, après avoir fait mes années de compétition, je suis passé à ce qu'on appelle le free surf, c'est le surf libre, c'est dans l'intitulé. C'est vraiment ce rapport à l'océan, ce rapport de... Moi, ce que je recherchais, c'était une certaine solitude, c'est pour ça que je suis parti au début de ma carrière dans des zones assez peu fréquentées, comme l'Alaska ou la Papouasie. pour justement réconcilier un peu le surf avec l'esprit d'aventure et puis ce sentiment de solitude, ce sentiment de rapport avec la nature et l'océan, évidemment.

  • Speaker #0

    Quel est le lien entre le surf et l'Ukraine ? Est-ce qu'on pourrait en trouver un ?

  • Speaker #1

    La littérature, qui est le trait d'union dans toutes mes expériences, et peut-être la curiosité, l'envie d'engagement, l'envie de participer à un projet commun, d'être prêt à prendre des risques pour des valeurs. Et évidemment qu'entre le surf et la guerre en Ukraine, il n'y a pas de lien direct. Mais peut-être que c'est l'envie un peu kessélienne d'être là où ça se passe, quand ça se passe, et d'être à la fois témoin, à la fois acteur. Certains ont décidé de prendre les armes dans la Légion Internationale. Je pense qu'il faut des armes pour combattre. Mais je pense qu'un stylo et une caméra sont aussi des armes, plutôt des armes de dissuasion, c'est-à-dire qu'on travaille sur l'opinion publique. On devient témoin et on a souvent l'impression que ça ne sert à rien parce qu'on a brevet d'image, mais en même temps, peut-être que si on ne le faisait pas, ça serait pire. Donc on continue à le faire.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que dans votre œuvre, qu'elle soit documentaire, qu'elle soit sur les... dans vos deux livres, une sorte de trait d'union c'est l'eau. Qu'est-ce qu'on ressent en fait quand on voyage par rapport à cette matière ?

  • Speaker #1

    S'il y a une notion esthétique évidemment, après moi il y a quelque chose de... Quand on grandit au bord de l'océan, qu'on nourrit depuis qu'on est tout jeune un rapport privilégié avec la mer, c'est-à-dire que c'est quelque chose de viscéral. Moi depuis que je suis petit, je me lève le matin, je vais voir la mer... quel que soit le temps, en fait, c'est un peu cliché de dire ça, mais c'est comme une présence qu'on est obligé d'honorer tous les matins, et un rituel, et après, c'est sûr que pendant les premières années de mon adolescence et de vie de jeune adulte, tous mes voyages étaient choisis en fonction, justement, de ces endroits, ces bouts de terre qui étaient encore un peu inexplorés pour reconnecter avec l'océan dans des endroits où, justement, il n'y a pas cette surfréquentation des spots de surf, comme on peut voir un peu partout. Donc il y a cette notion du sport qui est le surf et puis il y a cette notion esthétique du rapport à la mer avec tous ces écrivains qui ont écrit sur ça. Je pense à Pierre Lotti avec ses campagnes de pêche en Islande, à Joseph Conrad et puis de fil en aiguille. Après évidemment les projets ont évolué et je commence à sortir aussi parce qu'en Ukraine, vous l'aurez remarqué, il y a un peu la mer noire. C'est un enjeu stratégique ? C'est un enjeu très stratégique. je suis pas descendu sur Odessa justement j'étais en rapport avec les surfers ukrainiens la communauté de surfers ukrainiens ça peut faire rire il y a un surfeur à Nice et il y a des surfers en Ukraine sur la mer Noire et c'est vrai que le surf club d'Odessa s'est transformé en local technique pour entreposer les armes aujourd'hui et la plage d'Arcadia où le Trois, quatre fois dans l'année où il y a des petites vagues qui remontent, on va dire qu'aujourd'hui cette plage s'est transformée en terrain minet parce qu'on pensait au début de l'invasion que les Russes allaient arriver par la mer aussi. Aujourd'hui, ils sont plutôt en train de perdre la bataille de la mer Noire, donc je pense que ça s'est assoupli. D'ailleurs, j'ai vu des photos d'Ukrainiens qui ont surfé l'année dernière justement sur la plage d'Arkadia.

  • Speaker #0

    Écrire sur la mer ? C'est-à-dire écrire quand vous êtes sur un bateau, c'est quelque chose que vous avez fait, quelque chose qui vous tente ?

  • Speaker #1

    C'est très bizarre. La mer et le surf sont mes passions et j'ai vraiment du mal à écrire dessus. J'avais lu une phrase de Romain Garé dans la promesse de l'aube qui disait qu'il aimait énormément l'océan et qu'il avait beaucoup de mal lui aussi à écrire là-dessus. On ne sait pas d'écrire ça, c'est viscéral, c'est profond. Et en fait, la mer se suffit à elle-même. J'ai vraiment beaucoup de mal à écrire là-dessus. C'est vrai que quand j'ai commencé à composer mes récits de voyage, notamment grâce à des revues de surf qui me permettaient d'être publiées, j'étais normalement soi-disant payé pour faire des récits de surf. Je parlais de tout ce qu'il y avait en dehors du surf. Et le surf, généralement, faisait un paragraphe de quelques lignes. J'ai du mal à parler de ça. C'est bizarre. Peut-être que ça viendra plus tard.

  • Speaker #0

    En revanche, vous parlez beaucoup de la nature. Même dans ce livre qui parle de la guerre en Ukraine, qui parle de votre voyage, de votre aventure. Mais oui, c'est vraiment une aventure au cœur de l'Ukraine, une aventure humaine. La nature est présente. Et dans votre œuvre, en général, ça parle de la nature. Ça ne parle pas tant que ça du sport. Ça ne parle pas tant que ça... de vous-même, ça parle de vous-même, mais ça parle beaucoup de la nature. Le rapport à la nature, pour vous, il est essentiel, ça se ressent. Comment vous voyez cette dimension-là ?

  • Speaker #1

    Je pratique un sport qui n'est pas un sport de gymnase ou d'intérieur, donc évidemment que je suis obligé de composer avec la nature. C'est pour ça que le surf, il est tous les jours différent, surtout en France où on surfe sur des plages de sable, il n'y a pas de récif. Coralien donc donc tous les jours il suffit qu'il y ait une tempête pour que les bandes sables se transforment et donc tous les jours il faut aller regarder l'océan. On développe un sens marin ce qu'on appelle en surf le sens marin c'est de comprendre les courants, le vent il y a vraiment pas mal de paramètres qui fait que on va apprendre à lire dans l'océan certaines informations qui nous permettront après de pouvoir surfer et donc je pense Je pense que depuis gamin on apprend à cette lecture de l'environnement et qu'après évidemment les jours sans vagues on part pêcher en rivière ou on pêche sous l'eau en chasse aux marines et puis après on va marcher en montagne et puis voilà j'ai la chance d'habiter dans une région où on a les montagnes des Pyrénées qui tombent dans l'océan Pacifique et dans le golfe de Gascogne donc on est plutôt privilégié pour les espaces naturels et les terrains de jeu extérieurs donc c'est sûr que... Je pense qu'on développe naturellement une sensibilité à ça. Et puis après, quand on voyage, évidemment, moi ce qui m'intéressait, c'était très rapidement, un des voyages qui m'a fait fantasmer toute ma jeunesse, c'était l'Alaska, parce que j'étais un grand féru de Jack London. Et donc quand on part en Alaska et qu'on se met en immersion pendant des semaines dans une tente, dans la forêt, et qu'on campe, évidemment qu'on compose avec ce qu'il y a dehors, donc il y a des ours. Dans l'eau, il y a des orques et des lions de mer. Et c'est vrai qu'on réactive une fibre qu'on avait complètement oubliée. C'est-à-dire qu'on fonctionne à l'instinct, on apprend à répondre à des besoins primaires qui sont manger, se loger, construire un abri, faire un feu sous la pluie, tout ça. Donc c'est vrai que c'est un peu des jeux de gamins qu'on met en pratique à l'âge adulte, avec des moyens d'adultes.

  • Speaker #0

    Et quand on voit tout ça, quand on vous regarde ou quand on vous lit, on sent à la fois le respect de la nature, mais on sent une tristesse, quelque part, par rapport à ce qu'on peut lui infliger à cette nature. Comment on écrit après ça, quand on est témoin de tout cela ?

  • Speaker #1

    On écrit sans faire de morale. J'ai vraiment du mal avec les distributions de bons points et je sais qu'aujourd'hui on est dans... On note tout. Non mais on a beaucoup de curés de la bien-pensance qui, je trouve, font un travail contre-productif. Et je pense que les écologistes ne sont pas bien représentés. Je pense que tout est clivé, tout est polarisé. Je pense que la plus belle des manières, c'est de sublimer les choses à mon avis et que des fois on peut utiliser l'humour aussi. L'humour est très important, l'ironie. Il ne faut pas être trop sérieux, surtout quand on dépeint un sujet compliqué. Je pense qu'on peut parler de choses graves sans être grave. D'ailleurs, on parle de Romain Garry. Je pense que Romain Garry, dans La promesse de l'aube, manie l'ironie d'une manière absolue. Et je pense que le message passe beaucoup mieux. Après, c'est sûr qu'en Ukraine, par exemple, ce spectacle de la nature... parce qu'on n'en parle pas du tout, parce que la priorité, c'est évidemment de sauver les hommes.

  • Speaker #0

    Et vous, vous parlez de ces forêts dans lesquelles les enfants ne joueront pas.

  • Speaker #1

    Mais il faut imaginer déjà les enfants qui n'iront plus courir dans les forêts, parce qu'il y a des mines partout, et puis il faut imaginer des brebis, des chevreuils, mais complètement déboussolés dans le fracas des bombes, avec la toxicité de l'air, avec des gaz, avec des mines, avec... plus des forêts qui ont brûlé, des barrages qui ont sauté. C'est-à-dire qu'il y a toute une partie naturelle qui est complètement déstabilisée. Ravagée. Ravagée, oui. Je ne sais pas comment on imagine dans des forêts les animaux sauvages sous le fracas des bombes. Et ça, c'est sans parler tous les animaux qu'on oublie dans des zoos. Là, j'ai vu que la semaine dernière, il y avait 13 000 cochons qui avaient brûlé dans une ferme qui a été bombardée.

  • Speaker #0

    Vous le racontez d'ailleurs dans votre livre. les... Aussi bien les chiens errants, les chiens qui sont abandonnés par les personnes qui sont obligées d'aller au front, comme les troupeaux de vaches qui peuvent être décimés.

  • Speaker #1

    Oui, on se dit que déjà mettre les animaux dans des cages c'est assez barbare, mais le comble c'est de les abandonner sous les bombes, enfermés dans leurs cages. Et nous c'est ce qu'on a vu, c'est qu'on a fait des missions dans la zone grise. Donc la zone grise c'est le no man's land coincé entre les deux lignes d'artillerie, donc c'est la zone la plus dangereuse. C'est des missions où on y va la journée, il faut aller assez vite, il faut rouler vite parce qu'il n'y a pas de relief pour se cacher, c'est des lignes droites, des routes qui traversent des plaines morcelées, explosées, avec des cratères de bombes partout, il faut rouler vite, on arrive dans des villages et moi j'accompagnais un garde forestier qui s'appelait Pavel, enfin qui s'appelle Pavel, il est encore en ville, et qui allait justement risquer sa vie pour sauver celle des bêtes. Et donc on débarquait dans des chenilles où il fallait ouvrir les cages parce qu'il y avait des chiens qui étaient en train de mourir de faim dedans. C'est vrai qu'à ce moment-là, on se dit que c'est fou, déjà de mettre des chiens magnifiques, là c'était un chenil de huskies, d'enfermer des huskies magnifiques qui symbolisent un peu le loup, l'espèce ultime sauvage, dans des cages en fer rouillé, et que quand on abandonne ces villages, on laisse les chiens dans ces cages, il y a quelque chose de la folie absolue quand même.

  • Speaker #0

    Vous écrivez quand dans ces moments-là ? C'est le matin, je sais que vous vous levez tôt ? J'ai aimé ça, mais...

  • Speaker #1

    Comment vous savez ça ? Avant, je me couchais très tard aussi. Sur le terrain, on écrit de manière très factuelle. Il y a des prises de notes ?

  • Speaker #0

    Ou tout est dans la tête et ensuite c'est digéré ? Prises de notes,

  • Speaker #1

    le soir, la journée, surtout dans les missions comme ça, où en plus j'étais là pour réaliser un documentaire, donc là j'étais vraiment focalisé sur la caméra, sur les personnes que je voulais interviewer ou filmer. Et puis là, c'est tellement intense qu'on n'a absolument pas le temps de sortir un carnet pour... commencer à noter parce que c'est vraiment on travaille dans l'urgence absolue par contre le soir voilà peut-être reposé on peut on peut noter mais là c'est vraiment factuel c'est très succinct c'est des dates des noms des lieux des failles à pas de pas de lyrisme du tout et d'ailleurs après c'est vrai que dans le livre c'est pareil on réfléchit un peu à comment écrire moi je n'ai pas une grande expérience littéraire mais c'est on essaie de de jauger le juste niveau du lyrisme c'est-à-dire que... C'est pas le mot pour le mot, quoi. En même temps, un bon mot peut servir la cause, on va dire, mais il faut faire attention de ne pas trop s'écouter écrire. C'est ça le truc, se regarder écrire. Et c'est pour ça que j'ai choisi quand même une espèce de prose un peu à l'os, un peu sèche, qui va au but. J'ai utilisé le présent pour être vraiment dans l'action.

  • Speaker #0

    Quelques dialogues aussi ?

  • Speaker #1

    Le dialogue aussi, mais le dialogue un peu, on parlait de Nestor Maigret tout à l'heure. La guisinette. Non mais un peu imprégné des dialogues du roman noir Un peu sec Qui vont au but Et évidemment que Je me souviens pas forcément exactement de tous les dialogues qu'on a eu Mais grosso modo c'est Des outils de la littérature qui permettent De rendre compte et qui permettent de faire des transitions Un peu plus légères entre Peut-être deux paragraphes un peu lourds Sur des choses lourdes C'est vrai que de temps en temps un dialogue permet de glisser une petite blague Et voilà ça permet de dérider une situation Et encore une fois Moi je pense qu'il ne faut pas faire... Trop de misérabilisme dans ce genre de récits. Il y a déjà beaucoup de récits qui témoignent des horreurs de la guerre. Il y a aussi comment on rigole en temps de guerre. C'est ça qui est important aussi. Comment les Ukrainiens... Rire est devenu presque une arme absolue pour résister. C'est le slogan « Vous n'aurez pas ma peur » .

  • Speaker #0

    C'est là où commence la liberté peut-être ?

  • Speaker #1

    Oui, la liberté évidemment. La liberté culturelle, la liberté de rire, la liberté de s'exprimer, la liberté... On voit même en France que toute cette liberté commence à être quand même... On ne peut plus rire de tout, il faut faire attention aux blagues qu'on fait, sur le service public c'est comme si... La liberté est quelque chose qui s'entretient évidemment.

  • Speaker #0

    Tous les auteurs, vous avez énormément de références littéraires, c'est un plaisir de s'apercevoir de cela. Ce sont tous des auteurs un peu cabossés qui se sont... confrontés au réel parce que ils avaient envie d'échapper à quelque chose. Quand on lit votre livre, on comprend également pourquoi vous êtes dans cette lignée de ces auteurs, dans la lignée de ces auteurs. Est-ce que pour bien écrire, il faut bien souffrir ?

  • Speaker #1

    Non, je pense pas, mais c'est sûr que... Enfin, c'est ce que j'expliquais quand j'ai perdu mon petit frère. C'était pendant les dix années qui ont suivi la mort de mon frère. Il y a une colère, on ne desserre pas les mâchoires et on en veut la terre entière. Et au bout d'un moment, je me suis dit que de toute façon, cette colère ne disparaîtrait pas. Mais peut-être que je peux m'en servir comme carburant pour faire des choses. Et c'est pour ça que je suis allé en Ukraine aussi. C'est-à-dire qu'il y a un moment, quand on est déraciné, on essaye de se réenraciner dans un projet, dans une cause, dans un... dans quelque chose qui nous dépasse et ça peut nous servir. Et évidemment qu'après, ça fait partie de la littérature aussi. C'est évidemment que quand on est heureux, c'est vrai qu'il y a beaucoup moins de grands livres qui ont été écrits dans la joie et le bonheur, ou à part peut-être des livres de développement personnel, mais c'est vrai, j'ai vraiment du mal avec ces livres-là. Mais quand on pense à Monte Cristo, c'est une histoire de vengeance. Voilà, il y a souvent des grands... Dans les grandes épopées, il y a souvent une vengeance, une mort, le drame, qui nous confrontent à la réalité des choses et qui fait que souvent, en plus, ça nous réveille. Qui c'est qui disait, je sais même pas si l'aphorisme existe, mais le bonheur c'est le somnifère de l'action. Ah ouais ? Je sais pas si c'est moi qui l'ai écrit dans mon carnet ou si c'est un aphorisme que j'ai piqué. En tout cas c'est bien, j'ai vérifié. Non mais il y a de ça, il y a quelque chose de vrai là-dedans, il y a qu'à voir, j'en parle un peu dans le livre, il n'y a qu'à voir nos sociétés qui sont nés un peu dans une opulence. On n'a jamais été forcés d'aller défendre nos frontières. Et qu'on a du mal à défendre notre liberté, qu'on a du mal, on voit le populisme rejaillir, on voit nos démocraties vaciller alors qu'on n'a jamais été aussi bien, on a une assiette pleine, on est... Et donc il y a de l'ordre de cette digestion. Tu sais quand on mange trop, après on est... un peu en léthargie et on balote. Moi je vois un peu de ça, j'ai l'impression que quand on est confronté à quelque chose de rugueux, de dur, c'est malheureusement dans ces moments-là qu'on se réveille. Je prends l'exemple de l'Europe. L'Europe a été conçue au lendemain de la tragédie de 39-45. On passe le temps à la détricoter.

  • Speaker #0

    On a ce fantasme de la détricoter.

  • Speaker #1

    Ouais, mais c'est vrai. Mais c'est souvent dans des grandes périodes de blackout que le... C'est là où on voit la lumière, c'est vrai. Je m'attriste de ça, je me dis que c'est quand même dommage qu'on attende qu'il n'y ait plus de biodiversité, qu'il n'y ait plus d'animaux, qu'il n'y ait plus de forêts, pour se rendre compte qu'il faut se réveiller. Mais malheureusement, on a toujours un temps de retard, j'ai l'impression. Et en Ukraine, il y a cette faculté de, eux, se souviennent, d'il y a 30 ans, ils se souviennent de ce que c'était de vivre sous l'air soviétique, donc ils ont encore à l'esprit tout ça. et nous c'est vrai que Les derniers garants de ce que c'était l'oppression sont nos grands-pères, grands-mères qui ont vécu en 39-45 et qui tendent à disparaître ou qui ont disparu. Donc la mémoire historique se dissout au bout de deux générations. Et nous, j'ai l'impression qu'on a du mal à entretenir ça. Et c'est vrai que je ne m'explique pas que dans les sociétés où on ne vit pas forcément grand-chose, où on ne vit pas des drames absolus, je veux dire, on n'est pas en 39-45 aujourd'hui. C'est dans ces périodes d'un peu de léthargie intellectuelle. culturel que jaillit une fois encore les populismes et qu'on est en train de faire... On regarde son nombril quoi. Ouais, l'individualisme. C'est vrai que dans les grands projets entre 1945, c'est marrant, mais j'avais vu une statistique, c'est dans ces moments-là qu'il y a eu le moins de suicides par exemple. C'est-à-dire que dans ces moments-là, les gens ont un projet commun, c'est de se défendre contre l'occupant ou on est animé de quelque chose. Et aujourd'hui, on ne sait pas où on va. On a trop de temps pour penser, peut-être, je sais pas. Je me l'explique pas.

  • Speaker #0

    Ça crée une littérature qui parle de soi plutôt que de parler de l'autre. Voilà,

  • Speaker #1

    c'est pour ça que la rentrée littéraire est auto-centrée sur son nombril, par exemple. Et qu'on a beaucoup, beaucoup de livres qui ne sont pas ouverts sur le monde et qui parlent de son mal-être intérieur, de sa vie de famille. Voilà, c'est très français, ça. Et c'est même très parisien, sans jeter la pierre. Mais c'est vrai que quand on vient de province comme moi et qu'on écrit sur l'Ukraine et quand on voit la rentrée littéraire, on se demande... en Namibie,

  • Speaker #0

    au sud de l'Afrique,

  • Speaker #1

    au nord de l'Afrique du Sud. Mais voilà c'est des endroits, alors le désert du Namib, il n'y a pas de route qui longe la côte, donc il faut un 4x4 et essayer de s'aventurer. Et en fait les dispositions du sable là-bas fait que quand il y a des énormes tempêtes qui remontent d'Antarctique, donc c'est vraiment pendant l'hiver austral. Donc juillet août, des grandes tempêtes remontent l'Antarctique, lèchent la côte namibienne et l'Angola et pour des gens qui aiment un peu explorer, il y a encore des endroits à découvrir comme ça et donc la vague déroule sur des kilomètres avec des tubes comme je n'ai jamais vu de ma vie donc c'est une des plus belles expériences de ma vie.

  • Speaker #0

    On pense au danger dans ces moments là ?

  • Speaker #1

    Non, c'est austère. Rien à faire. Le danger, c'est un peu austère. C'est vrai que l'eau est froide. Il y a des grandes colonies de phoques à fourrure. On se dit que s'il y a des phoques à fourrure, il doit y avoir des requins blancs qui traînent dans le coin. Et comme il n'y a pas trop de surfers, on va dire qu'il n'y a pas de statistiques pour nous expliquer s'il y a des attaques de requins puisqu'il n'y a pas vraiment de surfers. Très peu. Donc c'est vrai que quand on est dans l'eau, on est un peu les pieds, on rampe du bout des doigts. Mais par contre, quelques minutes de glisse sur une vague comme ça valent tous les dangers.

  • Speaker #0

    Ce qui vous différencie d'un Nicolas Hulot, c'est que vous n'en faites pas d'énormes commerces de ce que vous vivez et puis que vous n'avez pas des cadavres dans le dos ou des...

  • Speaker #1

    Alors, je ne jetterais pas la pierre à Nicolas Hulot parce que moi, quand j'étais gamin, j'ai regardé... Parce qu'il nous a tous fait rêver à une certaine époque. J'ai regardé... Premièrement, c'était Cousteau, évidemment. Et aujourd'hui, c'est pareil, on peut revoir avec le recul, mais il faut faire attention aux anachronismes. C'est à dire qu'on peut critiquer Cousteau sur plein d'aspects. Mais n'empêche qu'il a créé plein de vocations. Mon père a fait biologie marine parce qu'il avait suivi Cousteau et que moi, je me souviens de tous les dimanches en famille où on regardait avec mon frère et mes parents les aventures du commandant Cousteau et le monde du silence. Et puis après, il y a eu évidemment Nicolas Hulot qui a amené une manière avec des moyens monstrueux énormes et aujourd'hui, On peut rigoler parce qu'il y avait des hélicoptères, mais en même temps, à l'époque, c'était comme ça qu'on faisait les documentaires. Je ne serais pas dans la critique acerbe de Niccolo Hilo. Moi, je sais qu'il m'a fait rêver, quand j'étais gamin, à me montrer les mystères du Narval avec Paul-Emile Victor ou des gens comme ça.

  • Speaker #0

    Peut-être que des personnes ont une belle part de lumière et une part d'ombre également. Bien sûr,

  • Speaker #1

    mais de toute façon, on aime beaucoup voir... Moi, je pense qu'on est bourrés de paradoxes tous. Et d'ailleurs, c'est ce qu'on... Quand on garde un aspect des écrivains, quand on fouille dans la vie des écrivains, quand on parle de Baudelaire, de Rimbaud ou n'importe qui, c'est que de l'ombre et de la lumière. On est tous pétés de contradictions et encore une fois, c'est ce qui fait de la littérature. Parce que sinon, si on est lisse, il n'y a pas grand chose à raconter.

  • Speaker #0

    En vrai ou faux, vous collectionnez des petits objets insolites dans vos voyages, que vous retrouvez dans vos voyages ?

  • Speaker #1

    Alors ça... C'est vrai ou c'est faux ? Ouais, alors je ne sais pas si vous avez vu ça, mais oui, j'ai un petit... un petit musée, c'est un vieux meuble un vieux meuble de mon arrière-grand-mère dans lequel je mets de plein de petites babioles mais oui j'ai toujours aimé ce genre de de mini musée privé à la Marcus Brody pour ceux qui ont la ref

  • Speaker #0

    On rapporte quoi d'Ukraine ?

  • Speaker #1

    Bah d'Ukraine... je veux pas... je suis pas parti faire du tourisme de guerre mais évidemment que quand on a été Dans des tranchées russes qui venaient d'être reprises, j'ai ramené, parce que c'était assez fascinant de se voir le matériel décrépit de l'armée russe, donc j'ai ramené un casque et un masque à gaz de l'armée russe qui étaient les mêmes casques en 1939-1945.

  • Speaker #0

    Dans la deuxième guerre mondiale.

  • Speaker #1

    Voilà, donc vraiment très minimaliste.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux en 2024, c'est il n'y a pas longtemps, vous avez été invité à un festival de cinéma en Argentine et puis vous avez mélangé des notes françaises et des notes en espagnol. Parait-il que ça a fait rire tout le monde. C'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je n'ai jamais foutu un pied là-bas.

  • Speaker #0

    Alors donc c'est totalement faux.

  • Speaker #1

    Ça c'est complètement faux.

  • Speaker #0

    Comment ça se passe en fait quand vous allez présenter ce livre dans des salons littéraires ? Quelles sont les premières questions ? qui vous sont posés par les personnes qui vous rencontrent ?

  • Speaker #1

    Les salons littéraires, j'ai la chance de présenter souvent le film que j'ai réalisé en même temps. C'est un matériau assez intéressant puisque le film que j'ai tourné, il y avait déjà assez de reportages télé qui contextualisaient en expliquant que les Russes attaquent l'Ukraine. On nous explique bien, c'est le schéma télévisuel, qui sont les gentils, les méchants. Donc moi j'ai décidé de faire un documentaire très brut, très minimaliste. Sans voix-off, sans contextualisation, où justement très peu d'interviews face caméra, où on est dans une immersion et on a la guerre saisie dans des instantanées, où on voit qu'évidemment, une fois qu'on est sorti d'une interview, les gens rigolent, les gens vivent, et donc on a cette guerre racontée par ceux qui la vivent. Et donc je ne voulais surtout pas filtrer ça par mon oeil, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, mais en tout cas sur les principaux canaux de télévision, ... Il faut absolument tout expliquer. C'est fatigant, c'est très didactique, c'est très... Et je pense que de prémâcher le travail, pour moi c'est contre-productif d'une certaine manière, et je voulais vraiment faire quelque chose de très minimaliste. Et donc, je ne livre pas mes pensées, je ne livre pas mes avis, mes émotions, c'est juste de l'image brute. Et donc dans le livre, ce qui est intéressant, c'est que ça complète très bien le format télévisuel. ou cinématographie, je sais pas comment on dit, puisque là pour le coup c'est un journal de bord où je peux vraiment rentrer dans ce que je ressens, dans mes questionnements, dans mes analyses, dans mes pensées et donc les deux outils je pense forment un tout qui est assez intéressant et d'ailleurs c'est souvent ce que les gens me disent, c'est quand on lit le livre on a envie de mettre des visages sur les noms qu'on a vu, qu'on a parcourus et donc on peut aller voir sur internet, on peut regarder le film et ça amène justement des visages sur les noms.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais, c'est le livre, mais donc effectivement ce documentaire. C'est un film qui a été tourné avec peu de moyens, mais justement, la liberté, elle naît là également, dans la contrainte de peu de moyens.

  • Speaker #1

    Voilà, comme j'expliquais tout à l'heure, en gros, sans citer les chaînes qui ont un peu de budget, on va dire, si j'avais signé avec une de ces chaînes-là, on m'aurait contraint à mettre une voix off, on m'aurait contraint à mettre peut-être un voice over, c'est-à-dire à mettre une voix française par-dessus les voix ukrainiennes. Alors qu'il y a un truc génial, ça s'appelle les sous-titres.

  • Speaker #0

    C'est un documentaire qui a été diffusé sur la chaîne parlementaire. Voilà,

  • Speaker #1

    exactement. Et donc la chaîne parlementaire était un peu les chaînes entre deux où on a moins de budget, mais on a plus de liberté. Proposer un film sans contextualisation et sans voix off. A la base mon producteur m'avait dit Non mais ça c'est impossible, il faut vraiment mettre une voix off. Et j'ai dit oui bien sûr je vais t'en mettre une. Et puis le jour de la projection, je lui ai dit ah bah en fait j'en ai pas mis.

  • Speaker #0

    Il savait pas.

  • Speaker #1

    Et voilà, non non non, il me dit si la chaîne qui achète le film te dit qu'il faut tout refaire, tu te démerdes. Et au final j'ai serré les fesses pendant toute la projection. et en fait Isabelle qui s'occupe des acquisitions documentaires chez le groupe Chez la chaîne parlementaire justement, a trouvé ça vraiment super et donc a validé le projet comme ça, tel quel, il n'y a pas eu de modif à faire. Donc voilà, c'est une manière de travailler que je trouve intéressante parce que c'est un peu comme tous ces films de Noury Challenge, je ne sais pas si tu vois le réalisateur turc qui a fait Wintersleep ou des films très minimalistes, très immersifs, où on ressort avec plus de questions que de réponses et je crois vachement à ça. spectateur de se faire son chemin et de se demander ce que le réalisateur a voulu dire et des fois le réalisateur il sait même pas ce qu'il veut dire en fait il filme juste la vérité voilà témoigner sans... comme Raymond Depardon Raymond Depardon ne met jamais de voix dans ses films parce que il a besoin de...

  • Speaker #0

    Mais vous êtes d'un côté de l'histoire.

  • Speaker #1

    Bien sûr non mais c'est déjà là où le parti... quand on me dit je prends pas de parti pris et bien déjà je suis côté ukrainien c'est pas que c'est un parti pris c'est que je peux pas filmer des deux côtés en même temps et que je préférais être du côté ukrainien que russe parce que le côté j'étais dans une liberté totale on m'a pas chaperonné, y'a aucun militaire qui a regardé mes images pour me valider ou effacer des images, j'ai travaillé dans une liberté totale, côté russe faut pas écouter ce qu'ils disent sur Omerta et tous ces gens que Régis Le Saumier et tout ça qui travaillent côté russe parce que c'est vrai y'a des influenceurs des sortes de youtubeurs j'allais dire de pionniers clés c'est méchant mais c'est un peu ça,

  • Speaker #0

    qui ont été invités côté russe pour rendre compte de qui...

  • Speaker #1

    Propage la propagande, vraiment. Enfin, sincèrement, il y a des canaux... Enfin, moi, je pense à la chaîne Omerta sur YouTube qui fait beaucoup de vues et je pense que c'est des sous-couverts d'être sur le terrain parce qu'ils le répètent à toutes les sauces qui sont sur le terrain, la vérité vraie du terrain. Enfin, pour moi, c'est...

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'ils ont à gagner ?

  • Speaker #1

    Mais déjà, c'est comme quand on parle de vérité tout le temps, la vérité est vraie. J'ai l'impression que quand on a besoin de dire que ce qu'on dit est vrai, c'est qu'il y a un truc qui ne va pas. C'est comme toutes ces républiques. démocratique quand on a besoin de dire que sa république est démocratique c'est qu'il y a un problème je pense à la RDC ou à la république démocratique de chine quand on rappelle que c'est démocratique c'est peut-être qu'il y a un truc qui va pas donc toutes ces radios ou ces chaînes un peu dissidentes qui n'arrêtent pas de parler de la vérité vraie que nous on a la vérité du terrain moi je me méfie de ces choses là et je sais que pour les avoir regardées c'est des gens qui je vais m'attirer des problèmes si je dis des choses Bien sûr, c'est un business. Après, c'est leurs idées. Je pense que c'est des gens... Il y en a pas mal qui ont des idées pro-russes. Après, pourquoi pas ? On est en liberté d'expression. Mais dans ce cas-là, ce qui est bien, c'est de savoir par qui ils sont payés pour savoir qui parle. C'est toujours intéressant de savoir qui paye. Je pense évidemment que le Kremlin, qui est la Russie et le pays numéro un en désinformation, c'est-à-dire qu'ils sont très forts pour... pour influencer sur les élections aux États-Unis, ils ont des usines à bottes. En France aussi, le Brexit aussi. Ils sont très très forts. Je sais qu'ils ont des usines, c'est-à-dire des usines de pirates ou des usines de bottes, où à partir du moment où on publie un truc sur l'Ukraine, on prend 10 000 pro-russes. Et en fait, quand on fouille dans ces profils-là, généralement, c'est des faux. C'est des faux comptes quoi.

  • Speaker #0

    Vous avez été intimidé sur les réseaux par rapport à Olive ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Non ?

  • Speaker #1

    Non, non. Non, après il y a toujours des commentaires un peu plus... Oui, des trolls, voilà. Je sais pas la terminologie de ces trucs-là, mais oui, ça c'est des trolls. Mais c'est pas...

  • Speaker #0

    Vous vous faites troller ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, ça va, mais c'est... Pas moi personnellement, mais par exemple sur la vidéo de... qui a été postée sur la chaîne parlementaire, il y a peut-être quelques trolls qui vont être là en disant qu'ils sont... Que la Russie vaincra ou des choses comme ça, ça va pas très loin, c'est gentil.

  • Speaker #0

    Je vous écoute et parfois je souris parce que vous avez cet accent du Pays Basque, parce que vous avez ces mots, vous dites « il y a moins de ceci, moins de cela » . On prononce toutes les lettres au Pays Basque. On prononce toutes les lettres. Et est-ce que justement ce livre aurait été différent si vous étiez, si vous aviez passé, je ne sais pas, 20 ans, 25 ans de votre vie à Paris ? Est-ce que vous auriez vu les choses différemment ? Est-ce qu'on choisit les mots différemment ?

  • Speaker #1

    Je ne pense pas qu'il y ait un... Oui ou non, je pense pas qu'il y ait un déterminisme géographique qui fait que selon là où on est, on est différent. Moi je pense que fondamentalement ce qui m'a orienté, peut-être qu'il y a un univers familial, je sais pas, mais en tout cas c'est l'ennui absolu de l'école quand j'étais gamin, qui fait qu'on avait pas les téléphones smartphones, parce que je commençais à être vieux, je venais de passer la quarantaine, et donc je me réfugiais vraiment dans les livres, et je me mettais au fond de la classe, et je lisais Jack London à fond, après Hemingway, après... Joseph Kessel et le temps de préparer ma sortie de l'école et le moment où je pourrais enfin prendre la clé des champs. J'ai voyagé par l'imaginaire et j'ai voyagé par la littérature donc je pense que ça ça a vraiment forgé ma manière de voir la vie et évidemment que le mentor suprême pour moi c'est Kessel et que je me suis dit tiens il y a des gens qui ont fait de leur vie un roman et qui se servent de vraiment toute leur existence c'est à dire que la résistance en 39-45 leur permet après d'écrire et de transposer ça et je me suis dit ouais c'est une vie aventureuse qui nourrit après une oeuvre littéraire ou documentaire et j'ai rien fondamentalement contre les penseurs de salon mais c'est vrai que j'aime bien les gens un peu plus rugueux qui... Non non mais c'est vrai que souvent moi je suis passionné de France Culture, j'écoute même j'écoute Finkielkraut, j'écoute tout le monde en fait mais c'est vrai que des fois je me dis putain Ça mériterait un peu de terrain des fois de sortir pour... C'est bien de conceptualiser mais des fois il faut incarner aussi. Et je pense que d'aller sur le terrain, pour moi ce qui cristallise énormément ça, l'exemple de ça c'est la guerre d'Espagne. La guerre d'Espagne, il y avait énormément d'intellectuels engagés sur le terrain. Et c'est vrai qu'en Ukraine, moi qui m'imaginais un peu candidement que chaque génération avait sa guerre d'Espagne. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de journalistes en Ukraine mais très peu de grandes plumes et peu d'intellectuels engagés. Et donc tout le monde se prétend de Malraux, de Camus, tout ça. Sur les plateaux télé, oui. Sur le terrain, non. J'avais pas vu beaucoup. Et c'est vrai que je pense que c'est ce qui manque un peu parce qu'on n'a pas abordé ce sujet. Mais la littérature et le journalisme sont une plume à deux faces. Et je pense qu'aujourd'hui on a énormément de journalistes qui font un superbe travail. C'est essentiel pour rendre compte... et pour nous donner une vision du réel. Mais le journalisme s'inscrit dans le temps court. C'est un outil qui est souvent très factuel. Les dates, les chiffres, les stratégies politiques ou militaires. Et la littérature peut ramener quelque chose de plus. Pour compléter le journalisme, c'est l'émotion, peut-être la subjectivité en faisant du reportage à la première personne, comme Steinbeck, Kessel, Malraux, Albert Land le faisait. et donc par... Une description des paysages, des atmosphères, de la poésie, on peut rendre compte et compléter ce que le journalisme peut-être ne peut pas faire en devant, rester très objectif. Je ne sais pas, en tout cas il n'y a plus beaucoup de grands reportages aujourd'hui, et c'est vrai qu'en France on aime bien mettre vraiment dans des cases, et aux Etats-Unis ils n'ont pas ce problème-là, le nouveau journalisme, ce qu'on appelle le nouveau journalisme, avec Gonzo, avec tout ça, c'était le journalisme à la première personne. où des grands écrivains étaient des grands reporters de guerre, des grands... Et c'est vrai qu'il y avait vraiment cette tradition, on n'était pas forcément obligé de séparer le journaliste et l'écrivain, puisque ça pouvait se mélanger. En France, c'est assez rare quand même.

  • Speaker #0

    Quand vous viviez ce deuxième voyage, parce que ça raconte trois voyages, ce livre, La liberté ne meurt jamais, vous étiez correspondant également pour des journaux français ?

  • Speaker #1

    Oui, je faisais des chroniques, justement. comme c'était des chroniques pour le journal du dimanche, je précise, avant extrême droitisation de sa ligne éditoriale, donc c'était il y a deux ans. C'est vrai, aujourd'hui, je ne sais pas si j'aurais écrit pour le journal du dimanche. Mais en tout cas, dans l'idée, c'était de rendre compte justement avec un récit à la première personne. Donc ce n'est pas pour parler de soi, c'est pour s'intégrer au récit. Et pour, je pense, amener une proximité avec le lecteur. C'est-à-dire que grâce au fait que je raconte ce que je vis, je pense que le lecteur peut s'identifier plus facilement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on se dit qu'on peut écrire après avoir livré un témoignage pareil ?

  • Speaker #1

    Là, je suis en train de terminer le même genre de récit, mais sur l'Arménie. où j'ai passé pas mal de temps depuis deux ans. Là, j'y retourne sur cet hiver. Sur un conflit, une guerre larvée dans l'ombre de la guerre d'Ukraine. C'est la perte du Haut-Karabakh et le conflit séculaire entre l'Azerbaïdjan turcophone et l'Arménie chrétienne. Et donc ce royaume d'Arménie qui s'étendait sous Tigran II depuis la Caspienne jusqu'à la Méditerranée et qui aujourd'hui est enclavé entre Erdogan qui rêve de reconstruire l'Empire Ottoman et Aliyev qui est le dictateur azéri. Et avec l'Iran au sud et la Géorgie au nord, donc le pays a une histoire séculaire, culturelle, mais une situation géographique compliquée.

  • Speaker #0

    Vous y allez avec la même candeur finalement, avec presque une naïveté que celle avec laquelle vous alliez. En Ukraine pour le premier voyage ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que les choses ont changé dans votre vie également ?

  • Speaker #1

    Ouais, non, j'y vais... L'Ukraine, j'ai eu le temps de digérer un peu les émotions, de me rendre compte, ce que je disais tout à l'heure, quand on parle des sujets sérieux comme ça, on se dit qu'il faut être sérieux. Et je me dis que des fois, et l'Arménie, je le traite de manière... J'utilise un peu plus l'humour et l'ironie. Et d'ailleurs, j'explique que j'amène avec moi, comme compagnon de voyage, un livre de Kessel, Les temps sauvages, pour la... La ferveur de l'aventure et la fibre de cette espèce de génération d'aventuriers écrivains. J'amène des bouquins sur l'Arménie pour mieux comprendre le conflit et j'amène « Syllogisme de l'amertume » d'Émile Suran pour apprendre à rire du pire. C'est vrai que tous les aphorismes de Suran, c'est dans des moments un peu compliqués. Comment, sous couvert d'ironie et d'humour, on apprend de la distance sur les choses. et à ne pas se retrouver esclave justement de la gravité et de l'absurdité de la vie. Donc je fais un peu comme sur l'entrée de mon livre en Ukraine, c'est-à-dire que plutôt que de faire un espèce de mauvais syndrome Wikipédia où je vais résumer l'histoire de l'Arménie de manière un peu sérieuse, justement je prends un peu les clichés, je parle de Kim Kardashian, je parle de... Je parle un peu des clichés, le papy d'Arménie qui n'est absolument pas arménien.

  • Speaker #0

    Kim Kardashian qui est partie même se baigner en Arménie. Oui, oui, oui. Parce qu'elle a des racines.

  • Speaker #1

    J'ai regardé hier, justement, c'était le paragraphe que j'écrivais hier. J'ai regardé qu'en fait, l'Arménie, par exemple, la population arménienne sur le sol arménien, c'est 3 millions de dames. La diaspora, on va dire 10 millions éparpillées à travers le monde. et je disais Kim Kardashian quand elle fait un post sur Instagram elle a 300 000 millions, donc 300 fois plus de followers que la communauté arménienne réunie donc je me dis l'engagement culturel et intellectuel le courage quand elle poste un je fais une petite pirouette pour essayer de rigoler là dessus, mais voilà c'est d'essayer de trouver justement, prendre un peu de distance par rapport à la gravité des choses et des fois l'absurdité de ces conflits qui sont très tristes, en essayant de mélanger un peu l'ironie

  • Speaker #0

    Sans entrer dans votre vie privée, on découvre que votre vie, elle a changé, c'est-à-dire que vous avez des attaches familiales qui se sont créées. Est-ce qu'on part à l'aventure aussi facilement avant d'être père qu'après ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas reparti depuis que je suis père, mais là ça fait mon petit à 15 mois. Et la dernière fois que j'étais en Arménie, c'était... ma compagne Marie était enceinte. Et c'est vrai que... Alors l'Arménie c'est une guerre... Là quand j'y étais elle était figée, il y avait un cessez-le-feu, on n'est pas du tout dans la haute intensité du front ukrainien et évidemment que c'est beaucoup beaucoup beaucoup moins risqué d'aller sur la frontière arménienne en ce moment qu'en Ukraine. Aujourd'hui évidemment je ne repartirai pas sur le front ukrainien parce que j'ai la responsabilité d'être père et je ne pourrais pas faire ça. Mais l'Arménie par contre, oui je vais y retourner. Et après oui, je pense qu'on est chargé de responsabilité et qu'on fait attention aux endroits où on va. Je pense que je vivrais mal quand même de me dire que je prends d'énormes risques en sachant que je peux faire un orphelin. Non, ce n'est pas possible, je ne pourrais pas.

  • Speaker #0

    On va faire, pour conclure cette interview, un petit quiz. C'est le quiz du Café au comptoir avec Damien Castéra. Alors... Première question, c'est un quiz donc je vais vous proposer diverses réponses mais avant que je propose les diverses réponses, vous pouvez, si vous avez déjà la réponse, en proposer une. Lors d'une opération singulière dans la guerre récente en Ukraine... Des résistants ont utilisé une boisson frelatée pour empoisonner des soldats russes. Quelle boisson était-il supposé avoir falsifiée ? Parce que vous connaissez cette...

  • Speaker #1

    La vodka ! Je m'imagine que là-bas...

  • Speaker #0

    C'était exactement la vodka. Durant une opération ukrainienne, ils ont vu l'usage de la vodka contenant des poisons comme l'arsenic et la strychnine. Ils ont mis dans les bouteilles pour empoisonner les soldats. Le front, quelque part, un peu partout. Quelle méthode traditionnelle ottomane de préparation du café introduite en Ukraine dès les 16e-17e siècle est encore utilisée dans certaines régions ? Est-ce que c'est la cafetier à piston, l'hybrique, le café-filtre ou la machine expresso ?

  • Speaker #1

    La première ?

  • Speaker #0

    La cafetière à piston ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, quand je ne connais pas, je me suis dit ça.

  • Speaker #0

    Après,

  • Speaker #1

    le café à la turque, c'est vraiment le café avec les particules qui flottent.

  • Speaker #0

    C'est différent. Il y a une méthode traditionnelle ottomane de préparation du café utilisée en Ukraine dès le 16e, 17e siècle. C'est l'hybride ou sevce, je prononce très mal, c'est affreux. Un petit récipient en cuivre ou laiton qui permet de préparer un café très concentré et aromatique. Et cette technique demeure un élément central de la culture ukrainienne.

  • Speaker #1

    J'en apprends tous les jours.

  • Speaker #0

    Il n'a pas bu ça. Qu'est-ce qu'on boit comme café ? Comment on fait le café quand on arrive sur le front ? Un café filtre ? Oui,

  • Speaker #1

    généralement, c'est le café avec les particules qui flottent. Après, ça dépend des endroits. Parce qu'il y a aussi des... Toute la vie fonctionne normalement, donc les restos à Kiev, on peut boire un café aussi bon qu'à Paris. Et on n'est pas dans le...

  • Speaker #0

    Je pensais plus proche du front.

  • Speaker #1

    Plus proche du front, mais même plus proche du front, la vie reprend assez rapidement. Je me suis rarement fait le café moi-même. Il y a des bars, souvent dans des caves, mais il y a des bars et des cafés où on peut prendre son café normal. Mon bistrot comme ici.

  • Speaker #0

    Quelle boisson traditionnelle, ancienne et fermentée, nutritive et populaire en Ukraine ? est souvent consommée en hiver pour réchauffer et nourrir. Est-ce que c'est la boza, le rhum, le thé noir ou le vin ?

  • Speaker #1

    Euh... Ouais, le vin, non ? La boza,

  • Speaker #0

    ou gvas. Ça vous dit quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Pas du tout. Boisson fermentée à base de pain ou céréales, très appréciée dans les pays slaves. La gvas, version ukrainienne de la boza, est devenue, depuis plus de mille ans, un symbole de prospérité et de force pour les populations paysannes. Un peu alcoolisées, mais très peu désaltérantes et traditionnellement consommées comme remède contre la fatigue hivernale.

  • Speaker #1

    pas vu pas connu merci Julien Lepers c'est la mer noire oui oui oui c'est vrai que en Ukraine j'ai pas eu le temps de trop de lire les guides de voyage pour connaître un peu l'abécédaire on est des planqués ici en France en fait on est des planqués ici j'ai appris plein de choses

  • Speaker #0

    On est des planquiers ici en France, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Ah non, pas du tout. On a bien raison de rester loin de ça. On a bien raison, on est bien. On est mieux au bistrot ici. En Ukraine, on aurait été interrompus par les sirènes toutes les demi-heures. C'est bien, il y a juste des bûches qui passent.

  • Speaker #0

    La liberté ne meurt jamais chez Gallimard, Damien Castera. Je remercie beaucoup de m'avoir fait découvrir ce récit. Ce n'est pas un roman, c'est un récit. Un récit de trois voyages à travers l'Ukraine. Et comme je le disais en introduction, j'avais un peu la crainte d'avoir le récit des horreurs du combat. Et en fait, c'est tout autre chose. C'est emprunt de poésie. Il y a une certaine joie. Tristesse mêlée à la joie, il y a de l'espoir qui naît, même si les réalités que vous pointez, une sorte de tristesse slave infinie, se fait toujours ressentir, surtout dans le troisième voyage. Découvrez ce livre de Damien Castera. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir.

  • Speaker #2

    Vous avez écouté Un Café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, eh bien... Allez sur Apple Podcast,

  • Speaker #0

    mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, nous, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très, très, très, très bientôt pour un nouveau Café au Comptoir.

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