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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

Nagui Zinet écrivain anticonformiste, entretien sans concession

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44min |24/07/2025
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44min |24/07/2025
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Description

Dans cet épisode d'Un Café au Comptoir, plongez dans l’univers brutal et sans compromis de l’écrivain Nagui Zinet, un auteur autodidacte et provocateur.


Son premier roman Une trajectoire exemplaire secoue la scène littéraire française. Ce roman court, écrit avec la même intensité qu'un coup de poing, explore la réalité de ceux qui n’ont pas été gâtés par la vie, tout en dressant un portrait saisissant d’un anti-héros en quête d’évasion.


À travers une conversation intime, Nagui nous dévoile son rapport à l’écriture, à la solitude et à la littérature. Mais attention, ce n’est pas un entretien comme les autres. Il nous parle sans filtre de ses influences littéraires – Raymond Carver en tête –, de son aversion pour les tendances littéraires françaises actuelles et de son regard acéré sur la société. Un mélange de cynisme, d’humour noir et de vérité crue, où il aborde la question de l’autofiction, de la publication et de la place de l’écrivain dans un monde de plus en plus déconnecté.


Et que dire de l’homme derrière le livre ? Entre une vision tranchée de la littérature et des anecdotes sur sa vie de bohème, Nagui ne fait pas dans la demi-mesure. Une discussion sans concession, où il défend ses opinions, son mode de vie, et sa vision d'un monde littéraire souvent trop formaté.


Cet épisode est une invitation à plonger dans l'esprit d'un écrivain qui refuse de se conformer aux codes et aux attentes. C’est aussi une exploration de ce que signifie être écrivain aujourd'hui, loin des dorures des salons littéraires et des diktats de la reconnaissance.


🔥 Un épisode à ne pas manquer si vous aimez la littérature brute, les auteurs inclassables, et ceux qui n’ont pas peur de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. 🔥


👉 Abonnez-vous, laissez 5 étoiles, et partagez ce podcast autour de vous !


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Nagui Zinet :

https://www.instagram.com/nestormaigret




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Edouard Louis sans être une remorque ? Je me relis pas. Même le roman, les épreuves, je les ai même pas lues. Relu, une fois que c'est fini, c'est fini. Personnage de loser, en tout cas de... Genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon, quoi.

  • Speaker #1

    Un jour où tu scrolles sur Instagram comme n'importe quel kidam, tu tombes sur un compte narrant le quotidien supposé d'un gars qui occupe une bonne partie de ses journées à écrire. Tu vides le contenu de ta théière dans ta tasse, tu bois ton thé d'un trait et tu te perds dans la lecture de ses publications numériques. Tu remontes le fil du temps de ses posts, plus de 400, et tu découvres un savoureux cocktail d'expérience joyeusement triste. Tu fais une pause, tu vas chercher dans ton frigo un vieux Perrier éventé, tu le siffles et tu rep... part te retourner le cerveau avec les morceaux choisis de vie d'un mec dont tu ne peux t'empêcher rapidement de dire « quel personnage celui-là » . Tu apprécies son style brut, incisif, sans pitié, tu t'étonnes de sa capacité à descendre plus d'alcool en une journée que tu ne le ferais en un trimestre, tu te presses un citron, rajoutes un peu de sucre, un glaçon, trois rognures de gingembre et de l'eau, et tu te tortures les méninges pour faire la part du vrai et du faux du récit du quotidien si drôlement exposé de cette auteur aux cheveux longs plus jeune que toi. C'est au moment où tu t'aperçois qu'il a sorti un livre, que tu n'as hélas pas lu, que tu te souviens qu'il te reste un peu de bissap. Celui-là, préparé et offert par ta voisine du dessus, engage de paix après t'avoir inondé la salle de bain. Alors tu te désaltères, tu rejoins la rue, tu marches jusqu'à la librairie du coin où le libraire te dit le plus grand bien de l'écrivain qui t'intrigue. C'est un autodidacte, il paraît qu'il n'a même pas le bac, mais quelle érudition te lance-t-il ? Alors tu vérifies, tu apprends ainsi que des célébrités du monde littéraire ont porté au nu ce provocateur du verbe « eau » . Le bouquin que tu cherches, Son premier roman intitulé « Une trajectoire exemplaire » a même figuré dans la première sélection du prix de Flore 2024. Ça t'embouche un coin alors ! Tu siphonnes à la paille ton mug de café-filtre bien trop amer, et tu quittes la place, puisqu'ils n'ont pas le livre en question, en stock. À bout de patience, tu te pointes à la FNAC, où tu dois d'abord composer avec une pouffiasse et un cuistre déguisés en coureurs cyclistes qui t'offrent une canette d'une boisson énergisante dégueulasse. Tu résistes à ton envie de gerber et tu parviens à rejoindre l'étage réservé à la fiction. là. Une vendeuse au maquillage aussi chargée que son haleine te gratifie d'un effrayant sourire avant de te tendre. Les 110 pages reliées que tu convoites. Au dos du bouquin, nulle photo de l'écrivain à lunettes, fan de romans noirs à la Jim Thompson et de Georges Simenon. Sur la première de couverture, une image montrant les toits en zinc d'immeubles haussmanniens flottant dans un ciel rougeoyant. Assoiffé de ces mots, tu te poses à la terrasse du premier bar venu pour découvrir une histoire principalement écrite à la deuxième personne du singulier et tu te dis « Bien vu, le tu ! » Tu en oublies. de boire et tu te décides à contacter ce tout juste trentenaire dont tu te dis que s'il continue sur cette pente, il pourrait bien ne pas fêter ses 40 ans. Et lui s'en amuse visiblement. L'interview paraît nécessaire, tu ne peux pas le laisser passer. Et c'est ainsi que tu te retrouves face à un drôle de gars, ton invité du jour, du café au comptoir. Bonjour Nagui.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Nagui Zinet, c'est quoi la différence entre un auteur et un écrivain ?

  • Speaker #0

    Je ferais la séparation entre la fiction et l'essai. L'écrivain, c'est quelqu'un qui a quelque chose à dire et qui a une envie viscérale d'écrire. L'auteur, c'est celui qui écrit pour écrire, qui veut écrire un roman plus qu'écrire.

  • Speaker #1

    Vous, on a bien compris que c'est plus écrivain. J'ai l'impression que ça vous tient aux tripes.

  • Speaker #0

    C'est la seule chose, c'est la seule forme de solitude qui est acceptable. L'écriture offre la liberté. son corollaire qui est la solitude. Donc oui, c'est ce qui me tient, et c'est ce qui me permet de supporter au quotidien les conneries qu'on doit supporter. Parce que je me dis toujours que je pourrais en faire quelque chose après, le mois de rendez-vous administratif ou que sais-je, pénible, on sait qu'on va toujours croiser un con dans la salle d'attente, et du coup, on pourra après s'en venger sur le papier. Oui, donc ça me tient.

  • Speaker #1

    Je me suis permis d'emprunter votre style. pour l'écriture de cette introduction.

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une erreur d'ailleurs, parce que je ne suis pas apparu dans la première liste du prix de flore. J'en étais finaliste. Donc plus que la première, donc trois listes, c'est encore mieux, pour ne pas l'avoir à l'unanimité. Je n'ai même pas eu une voix qui n'était pas plus mal d'ailleurs. Je n'aime pas le vin qui... Je ne sais pas ce qu'ils donnent du vin pendant un an.

  • Speaker #1

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Oui, gratos, mais bon. C'était de l'intérêt de ce prix, mais je ne l'ai pas eu.

  • Speaker #1

    Pourquoi écrit-on en étant publié ?

  • Speaker #0

    La publication, c'est un accident. Mais après, pourquoi écrire ? Tout simplement, à un moment de ma vie, j'ai commencé à lire beaucoup. Alors, je me suis mis à écrire. Comme un enfant qui aime regarder des dessins animés, il lit des livres illustrés, il se met automatiquement à dessiner. Et moi, c'était à peu près pareil. Si je m'étais pris passion pour le rock, ce qui n'est pas le cas du tout, je déteste ça, mais je me serais mis à la guitare. ça vient naturellement d'essayer je crois que tous les gens qui aiment lire ont essayé à un moment ou à un autre de leur vie d'écrire publier ne change rien globalement mais en même temps vous avez écrit

  • Speaker #1

    sur Instagram donc publier également ma question va encore plus loin c'est pourquoi on a envie d'être lu par les autres ?

  • Speaker #0

    oh pour peur d'artisisme Il faut bien que l'ego soit flatté. La publication, la réponse que je n'ai pas réussi à donner juste avant, la publication aide à nourrir son ego. Et ça fait oublier... Quand vous êtes un écrivain, on vous pardonne beaucoup plus que quand vous n'êtes pas écrivain. On oublie votre laideur, on oublie votre pauvreté, on oublie tout. Vous êtes écrivain. C'est l'avantage de la publication. Sinon, c'est beaucoup d'emmerdes, de publier un livre. Vous savez, aller signer trois livres dans un village perdu, où il y a quatre profs à la retraite qui vous posent des questions débiles à la fin, c'est pas très amusant. Il y a très peu de moments amusants. Moi, ce qui me plaît, c'est d'écrire, c'est pas les à côté. Ça me plaît même pas d'écrire, d'ailleurs. J'écris parce que j'aime bien la... La comparaison que fait Jean-Paul Dubois avec la tondeuse à gazon. J'écris le matin comme je tonderais le gazon. Je n'y pense même pas. C'est-à-dire que c'est naturel. J'ai besoin de ça. La première chose que je vais faire quand on se quittera tout à l'heure, pour mon ordinateur, ce sera de relater ce qui s'est passé de mon réveil à ce moment où je suis en train de vous parler. Je parlerai même de votre chien.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ? Il s'appelle Pickles. Et ce que je voulais savoir, c'est, elle a quoi d'horrible, cette vie que l'on veut fuir en écrivant ? Et elle a quoi de merveilleuse, cette vie que l'on a envie de raconter, peut-être de sublimer ?

  • Speaker #0

    Ah non, je n'ai aucune envie de sublimer la vie. J'ai besoin de la supporter. Je n'ai pas l'ambition de la sublimer.

  • Speaker #1

    Pourtant, vous utilisez les bons mots pour rendre le sublime. pour rendre sublime une certaine noirceur.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas, je ne suis pas méorgie, je ne me rends pas compte de ce que j'écris. Moi, j'écris comme ça, je ne me relis pas. Même le roman, Les Épreuves, je ne l'ai même pas relu. Je ne l'ai même pas relu. Une fois que c'est fini, c'est fini. Le personnage vit un moment qu'il ne se relit pas parce qu'il a passé l'âge où on prend plaisir à... renifler ses propres instruments et ça peut préparer pour moi se relire je serais très prétentieux de relire et on a envie de tout arrêter il ya une nouvelle de phil gérald comme ça qui s'appelle l'après midi d'un écrivain et il il est à décrire chaque fois qu'il avait la tête qui tombe sur un livre de tolstoy de ceïevski ou peu importe et il devient fou quoi et il balance où sa table etc parce que Si on se relie, on peut trouver que ça nul, vain. Donc il ne faut pas trop se relire, il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Il faut juste écrire. Après, s'il y a une éditrice, un éditeur ou une éditrice, moi c'est une éditrice qui a un pète au casque assez suffisant pour me publier, tant mieux. Ça ne change rien à la vie en général. Ça ne vous rend pas riche. Il n'y a rien. Vous êtes reconnu quelquefois dans la rue. Vous êtes content. Vous vous crânez un peu, c'est tout. Aujourd'hui, j'ai mis ma casquette pour pas être connu. Vous n'avez plus les cheveux longs,

  • Speaker #1

    comme j'en parlais dans le portrait ?

  • Speaker #0

    Non, je les ai coupés. Sur une impulsion que je regrette amèrement, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'était une coquetterie ?

  • Speaker #0

    Je sais pas, je me suis dit, Dieu vaut milliers de chèdes, alors je devais aller chez le coiffeur. Mais en même temps, je voulais pas y aller pour qu'il me coupe 2 cm. Alors du coup, j'ai dit, rasez tout. Et il a tout rasé. Mais là, ça va, ça repousse.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que... Quand bien même vous paraissez vous en foutre des autres, j'ai l'impression qu'il y a un style de l'écrivain. Est-ce que vous avez envie de vous montrer ? tel que vous rêvez vous-même ?

  • Speaker #0

    Non, pas du tout. En plus, je ne suis pas comme les poètes du 5e arrondissement. Je m'habille normalement, je ne fréquente aucun cocktail, je ne veux aucune présentation de livres. C'est un milieu que je ne fréquente pas. Ce ne sont pas des collègues. Je considère l'écriture comme l'existence d'ailleurs, comme un sport individuel. Du coup, je ne me vois pas en écrivain. Je ne me lève pas le matin en me disant que je suis un écrivain. Je suis juste un type qui essaye d'avoir suffisamment d'argent pour acheter ses cigarettes et le nombre de verres qu'il faut, c'est tout. Et les livres. Mais je ne me vois pas en écrivain. Je ne suis pas un écrivain. Pour moi, un écrivain, c'est Caroleur.

  • Speaker #1

    Vous êtes complètement écrivain, vous le savez quand même.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vivez pour ça ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris, mais écoutez, j'ai détesté quand j'étais enfant, les gens qui disaient qu'on jouait au foot et qu'ils mettaient deux manteaux pour faire les buts. Ils ne jouaient pas au foot, ils jouaient au ballon. Moi, j'ai l'impression de jouer au ballon. Quand je lis Carver, ou quand je lis Fitzgerald, ou quand je lis Céline ou Thompson, peu importe, j'ai l'impression de jouer au ballon à côté d'eux.

  • Speaker #1

    Les personnages de fiction, est-ce qu'ils sont plus aimables, j'entends par là qu'on peut les aimer, que les personnes autour de vous ?

  • Speaker #0

    Ils ont l'avantage de ne pas exister, déjà. Non, c'est qu'on les fréquente moins longtemps, c'est ça qui est pas mal. Non, ce qui est bien avec les personnages de fiction, ce qui est merveilleux, c'est assez rare, il n'y a que les grands écrivains qui parviennent à ça, mais c'est quand ils arrivent à nous faire, à mettre des mots sur ce qu'on a déjà ressenti sans avoir su l'exprimer nous-mêmes. Donc des fois ils nous renvoient, ce sont des sortes de miroirs parfois, mais ça ce sont les grands écrivains, il y en a peu. On est 600 connards à peu près à la rentrée, sortir des romans, bon il n'en reste rien à la fin. Il y a un grand écrivain, je ne saurais même pas dire quel est le grand écrivain français, un américain il y en a quelques-uns. En français, je ne saurais même pas vous dire. Oh, peut-être Modiano. Et encore, ces derniers, bon, ça fait 50 ans qu'ils écrivent le même livre. Je m'en fous, je ne suis plus chez Gallimard.

  • Speaker #1

    Comment ça se fait, justement, qu'il y ait plus cette fascination de certains auteurs américains par rapport aux hexagonaux ? Est-ce que... Est-ce qu'en France, on se regarde plus le nombril ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire toute cette littérature, sans disant engagée, la littérature de transfuge, qui est très à la mode. Oui, la littérature à l'au-moment bobo, qui est assez insupportable. Oui, je ne trouve pas l'élan universel que je peux trouver chez Aaron Rash, par exemple. aux États-Unis, ou chez Donald Rappoloch. Voilà, je trouve qu'il y a encore des grands écrivains américains, les Français, je les cherche. Il y en a que j'aime, j'ai cité Jean-Paul Dubot, d'ailleurs j'aime, mais ça reste quand même... J'aime, mais c'est un écrivain qui est très inspiré des écrivains américains, d'ailleurs. Il situe même ses romans à la plupart des États-Unis, donc c'est pas un hasard, c'est l'un des seuls que j'aime. sinon non Edouard Louis pour ne pas citer les gens tout ça pour moi c'est vraiment de la merde est-ce qu'un un bon artiste est un artiste mort ? non ça je crois pas mais oui après mais qu'on me présente le frantiliste contemporain qu'on me présente le Shakespeare contemporain qu'on me présente même le Carver contemporain je connais pas On essaie de nous faire croire qu'il y a des Mozart assassinés, que partout autour de nous, il y a des artistes qui sont empêchés. Je ne crois pas du tout. Je crois juste que la France est un pays un peu perdu pour la littérature en ce moment. Je crois qu'on est dans un creux quand même assez important.

  • Speaker #1

    Abyssal.

  • Speaker #0

    Oui, Abyssal, oui. Oui, oui, j'ai très peu de contre-exemples. Mais après, maintenant, je ne les lis plus, donc peut-être que je passe à côté de choses. Peut-être que je passe à côté de choses formidables, mais je ne les lis même plus, parce qu'à chaque fois, au bout de la huitième page, j'ai envie de revenir à Carver.

  • Speaker #1

    Il y a quoi dans Carver d'aussi puissant, en fait, qui vous retienne ? Là, je vous ai retrouvé, on est à la terrasse d'un café dans le cinquième arrondissement, que vous détestez. Je parle de l'arrondissement. Et je vous retrouve avec un café, un livre, une clope, et ce livre, Tais-toi, je t'en prie. C'est comme un présage, finalement, à l'interview qu'on est en train de mener.

  • Speaker #0

    Oui, je vous le montrerai quand la question ne me plaît pas. Non, mais chez Carver, ce qui est génial, c'est que je déteste l'emphase et je déteste le lyrisme. Mais chez Carver, en très peu de mots, il retranscrit des atmosphères de manière formidable. Et vraiment, il fait en six pages. parce qu'un très mauvais écrivain français fera en 300 pages. Et je mets la simplicité qui va droit au but, et cette façon de raconter le néant, la vie des gens quotidiennes, donc l'alcoolisme, les problèmes conjugaux, l'enfant qui part de la maison, le chien, la facture d'électricité qu'il faudra bien payer. Les arrivats rendent ça très poétique sans essayer de faire de la poésie. Ça, pour moi, c'est la meilleure définition de la littérature. Colette avait donné comme conseil à Simonon et à Emmanuel Bove, moins de littérature, moins de littérature. Simonon avait repris ça à son propre compte et il disait, n'écrivez pas « il pleut averse » , écrivez « il pleut » . Et voilà ma conception de la littérature.

  • Speaker #1

    Allez sur l'os.

  • Speaker #0

    Oui, il faut qu'elles soient sur l'os. À moins, ça, si on se prend pour James Joyce ou pour Proust, il faut être vraiment un grand écrivain pour se permettre de ne pas écrire à l'os. Sinon, c'est vite d'après-tentation. Et on les voit, ces gens qui essayent d'impressionner, comme j'y référais, de nous montrer qu'ils ont bouffé le litre. C'est très amusant. On dirait qu'ils écrivent avec le dictionnaire des synonymes à côté d'eux. C'est assez amusant. C'est pour ça que l'literature française, je m'en tiens assez loin, à part pour les morts, deux, trois vivants à l'occasion.

  • Speaker #1

    En lisant votre livre, je me suis dit, il y a énormément de vécu là-dedans, mais ce n'est pas une autofiction. L'autofiction, pour vous, ça vous évoque quoi ?

  • Speaker #0

    J'en pense à peu près la même chose que les récits de Transfuge. Moi, je ne fais pas d'autofiction, comme vous avez dit. Le personnage me ressemble, c'est tout. Il me ressemble physiquement, socialement, tout ça. Mais je ne me raconte pas ce qui m'est arrivé. Dans le roman, en tout cas. Sur Instagram, ça m'arrive d'être plus premier degré. Sur le livre, non. Le personnage me ressemble, mais je ne suis pas le personnage. Et il ne m'arrive pas... Je ne serais pas devant vous s'il m'arrivait la même chose que le personnage.

  • Speaker #1

    Justement, on va faire un vrai ou faux Nagui Zinet. Vrai ou faux, vous n'avez aucun diplôme, même pas le bac.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. J'ai arrêté l'équivalence de la seconde. J'étais scolaire israélien. J'ai arrêté... En France, ce serait la seconde. Je suis du nord de la France. J'habitais à la frontière, donc on pouvait aller soit à l'école en France ou en Belgique. Moi, c'est en Belgique. J'aurais raté de la même façon et de manière aussi superbe en France.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait qu'on lâche à cet âge-là ?

  • Speaker #0

    Je n'y arrivais pas. Je ne reprenais pas ce qu'on me demandait. Ce n'était pas pour moi. Je savais très bien que je ne serais pas d'études supérieures, etc. Socialement. Je m'en foutais, j'attendais que les heures passent. Il y a des choses qui ne sont pas faites pour les gens. L'école, ce n'était pas fait pour moi. Mais ça ne m'a pas empêché. Après, j'ai fait ce que j'ai voulu. Je ne me sens pas empêché de ne pas avoir le bac. Le bac ne sert à rien. Le bac, c'est... Je n'aurais pas pu de toute façon faire des études supérieures, parce que j'aurais dû bosser rapidement, etc. Donc le bac tout seul, vous prenez une boîte de chocolat, vous la pliez en quatre, vous avez le bac aujourd'hui. Donc ça ne sert à rien. Donc bon, je ne me suis pas trop emmerdé.

  • Speaker #1

    Comment on poursuit son éducation culturelle soi-même ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est l'ennui. Je me retrouve à 18 ans, je prends un appartement. Je m'ennuie beaucoup et je commence à lire beaucoup. Mais c'est l'ennui qui m'a fait lire. C'est une occupation du temps. Je ne sacralise pas du tout la littérature. Pour moi, c'est une occupation du temps comme une autre. J'ai tendance à dire que la littérature, sauf quand on a affaire à des génies, n'est pas plus importante que le football ou toute autre chose.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est grâce aux réseaux sociaux que vous avez été publiés.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai. C'est mon éditorialiste Joëlle Lossfeld qui lisait mes chroniques sur Instagram, elle aimait bien. Moi ma porte naturelle c'est le chèque secours, je voulais faire des nouvelles. Et elle m'a dit que pour aller de nouvelles en France c'est pas terrible. Donc si vous écrivez un roman il y a de grandes chances que je le publie. Donc je suis rentré et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #1

    En trois semaines c'est vrai ?

  • Speaker #0

    En trois semaines oui. Sinon, je ne l'aurais jamais fait de moi-même. Je n'aurais jamais fait un éditeur. Pour moi, c'est un hasard. Mais le hasard est beau parce que c'est une éditeuse. Quand j'ai commencé à lire beaucoup, je lisais Albert Causserie et Jean Meker qui sont édités par Joël Lassalle. Du coup, le hasard a bien fait les choses. Je m'en fous un peu d'être publié, mais je suis très content d'être publié par Joël Lassalle.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, afin de mieux pouvoir le raconter, vous avez effectivement assassiné quelqu'un.

  • Speaker #0

    Hélas, non. Non, non. Pas non. Pas encore, tu peux venir. Si je n'ai pas d'inspiration sur le troisième roman, peut-être. Pour l'instant, non.

  • Speaker #1

    Ou le fantasme ?

  • Speaker #0

    Non, non, non, je n'ai pas de fantasme morbide. Je préfère le mépris à l'arme, à l'arme blanche. Parce que j'ai la définition de l'anarchie que l'on brassin, c'est de... traverser au piéton pour ne pas avoir besoin de parler aux flics. Donc je ne tuerais pas quelqu'un, parce que là, je serais obligé de me taper de l'administration.

  • Speaker #1

    L'idée du roman, elle est venue comment ? Ce roman qu'on pourrait qualifier de roman court, qui est vraiment une plongée dans un bout de vie, où tout va à 100 à l'heure, même si il ne se passe pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Non, ce qui m'intéressait, c'était d'abord le quartier à Lille. la fréquentation des bars et le mensonge. Je suis fasciné par le mensonge et à quel point le mensonge le plus anodin peut avoir des conséquences terribles. On connaît la fameuse affaire Romand, le faux médecin qui a fini par tuer toute sa famille pour ne pas assumer ses mensonges. Oui, ça me fascine parce que c'est une extrapolation finalement, le remords de ce qui peut arriver tous les jours. Vous dites à votre copine que vous n'êtes pas passé au bar. le lendemain elle voit le ticket de caisse du bar, elle croit que vous avez couché avec la serveuse. Et c'est une extrapolation, un peu en forme d'hommage au roman noir, de ce qui arrive tout le temps, c'est-à-dire des petits mensonges anodins qui prennent des proportions débiles et des engrenages qui peuvent être terribles.

  • Speaker #1

    Jusqu'à donner un roman ?

  • Speaker #0

    Oui, un roman où une fois que vous avez l'atmosphère, un personnage... Une petite idée, c'est facile. Après, il n'y a qu'à se laisser porter.

  • Speaker #1

    Ce personnage qui n'a qu'une initiale comme prénom, il est proche de vous. Comment vous arrivez à dissocier tout cela, créer un personnage davantage par rapport à votre vie ?

  • Speaker #0

    Ça m'a pas rendu schizophrène d'écrire ce roman. effectivement, il porte une initiale et c'est la même initiale que... en portant mon prénom, mais non, je n'ai pas eu besoin de dissocier quoi que ce soit. Quand j'écrivais, je n'avais jamais l'impression d'écrire sur moi. Le seul truc qui me rapproche du partenariat, ce sont ses goûts en termes de littérature et de chansons. Mais sinon, le reste, non.

  • Speaker #1

    Là où il vous ressemble, j'ai l'impression, c'est dans sa facilité à détester pas mal de choses. et à être direct, en tout cas avoir un avis très tranché sur tout ce qui l'entoure.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même un personnage qui passe son temps dans les bars, et il n'y a pas d'endroit où on a d'avis plus tranchés que ça. C'est vrai que j'aime bien les avis un peu à leur porte-pièce et sans nuance. Ça m'amuse beaucoup dans les bars d'écouter des gens dire des choses absolument folles. avec une assurance terrible, ça m'amuse. Ça m'amuse, oui, j'ai des avis très tranchés. Je me vois un peu, pas comme un moralisateur, mais comme un moraliste. C'est vrai que je peux passer des heures à une terrasse, regarder les gens, écouter les conversations des gens autour de moi, et là, après, je peux être un peu assassin.

  • Speaker #1

    Vous, vous n'êtes pas du tout comme Emmanuel Macron qui dit « En même temps, il n'y a pas d'heure en même temps, c'est blanc ou noir. »

  • Speaker #0

    Non, parfois, c'est plus nuancé. Oui, mais c'est souvent que je vois les choses plus en noir qu'en blanc. Et souvent, ce qui m'interpelle aussi, les conversations qui vont m'interpeller quand je suis en terrasse, sont forcément celles qui vont m'irriter ou celles qui vont m'intéresser parce qu'elles me semblent aberrantes. Donc forcément, ça donne après un compte-rendu noir. Je peux écouter la conversation mignonne du grand-père avec sa petite-fille en train de boire un chocolat chaud et qu'elle raconte sa journée d'école. Son grand-père, c'est très mignon, c'est très touchant, mais ça, je ne vais pas l'écrire. Si j'étais photographe, je préférerais photographier une nuit d'orage qu'un ciel bleu comme aujourd'hui. Ça n'a aucun intérêt.

  • Speaker #1

    Le contraste.

  • Speaker #0

    Oui. Prendre en photo un ciel bleu, bon, aujourd'hui tout se vend, mais quand même, ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

  • Speaker #1

    Tout ne s'achète pas forcément. Votre personnage, comme je disais, il n'a rien à faire des autres, finalement. On a l'impression qu'il n'a pas forcément envie de plaire à tout prix. Il a une certaine envie de séduire, mais juste pour s'en sortir, lui.

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que même au-delà de son histoire d'amour, ou on peut appeler ça comme on veut, il a quand même ce besoin de faire rire les gens, par exemple. De faire le clown, etc. Donc c'est déjà une envie de plaire, quand même. Quand il est avec les amis de sa compagne, il essaie d'amuser la galerie. Et quand on essaie d'amuser la galerie, c'est qu'on veut plaire.

  • Speaker #1

    Plaire ou subsister ? Rester, continuer à vivre dans quelque chose, justement, dans le mensonge qu'il a créé ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il est terriblement mal à l'aise. Il fait le clown. Il veut leur plaire en faisant le clown, parce qu'il est mal à l'aise. Pour plein de raisons. Il a toutes les raisons de l'être, mal à l'aise. sans vouloir trop en dévoiler.

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il créé lui-même un personnage dans son personnage.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. C'est-à-dire qu'il s'est inventé un personnage presque gazbourien ou bukovskien parce qu'il ne se sent pas à sa place. Il n'est pas du tout à sa place. Il n'est pas dans son milieu. Il est plus jeune que les autres. Donc, il a besoin de quelque chose pour exister. Il se crée ce personnage un peu fou, une sorte d'ivrogne rigolo, à deux balles. Il a besoin de ça, oui.

  • Speaker #1

    Je vous regardais et je me disais, pour d'autres romans, vous avez envie d'inventer d'autres personnages ou creuser, finalement, ce genre de... presque d'archétype. Alors j'ai lu dans certains articles qu'on s'était qualifié de clochard céleste finalement.

  • Speaker #0

    Il y a de ça, du poète désabusé.

  • Speaker #1

    Le deuxième roman est déjà terminé, il sera publié en premier trimestre 2026. Oui, ça croise un peu ça, mais d'une autre manière. Parce que je n'ai plus la même vie que j'avais pour le personnage d'une trajectoire exemplaire à 25 ans. Et quand j'avais 25 ans, je fréquentais ces barres-là, etc. Maintenant, j'ai une vie tout simplement différente. Et du coup, je creuse quand même cette idée de défaite, de personnage battu à l'avance, qui commence la vie en étant mené 3-0, mais en moins référencé, moins hommage au roman noir. Il n'y aura pas d'hésitation sur le fait que ce soit un roman noir ou un roman tout court. Mais oui, creuser la... personnage de loser, en tout cas de genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon.

  • Speaker #0

    Si jamais vous faites un énorme succès, ça vous rapporte énormément d'argent, est-ce que d'aucuns pourront dire « Ah bah oui, mais lui, c'est un transfuge de classe. »

  • Speaker #1

    Oui, je demanderais à Édouard Louis d'écrire ma biographie. Oui, non, bah non, je veux bien, moi, je ne veux pas le best-seller, je veux bien l'argent du best-seller. C'est Coluche, il disait On dit que 30% de gens sortent du travail, c'est faux, de l'argent leur suffirait. Oui, ça serait le transfuge de classe. J'ai vécu des moments étonnants, par exemple, je suis finaliste du fleur, je passe ma soirée du fleur et je sors de là, je n'ai pas un centime pour m'acheter un paquet de cigarettes. cette période de promotion du livre et tout était une période assez contradictoire. En même temps, j'étais invité dans les endroits où on me faisait voyager gratuitement, où on me logeait, hôtel et tout ça. Et à côté de ça, je n'avais rien pour subsister. Donc voilà, il y a comme ça un contraste qui est assez étonnant entre vous passez sur France Inter l'après-midi et le soir vous vous demandez comment vous allez payer votre steak haché. Donc oui, il y a une petite erreur. Question de transfuge, comme ça. Mais un transfuge qui ne me rapporte rien, pécuniairement, donc ce n'est pas très intéressant. Edouard Louis a su fructifier ça.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs fois que vous le citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une de mes cibles favorites avec Arthur Théboul, le chanteur, le poète. On m'a dit d'arrêter de le citer, donc je l'appelle Arthur T. maintenant, sur Instagram. Les gens le reconnaissent, surtout que je mets ses photos. Ce sont des gens qui me fascinent. C'est vraiment pour moi toute la décadence culturelle française de la chanson et de la poésie. On peut dire Arthur Tayboul, pour la littérature on peut dire Edouard Louis. Pour moi les deux, c'est vraiment tout ce que je déteste. Et là c'est pas de la blague, quand j'en parle sur Instagram, des fois je peux exagérer sur d'autres personnes, en faire trop, rien que pour le plaisir du bon mot, ou quoi. que là ce sont des gens que je déteste vraiment et dans le oui je lui en veux je trouve ça honteux ce qu'il fait, je trouve ça immoral voilà donc c'est des gens que je déteste moi ce ne sont pas des collègues je leur dois rien j'ai le droit de détester dans le oui, je le dis,

  • Speaker #0

    c'est tout ce qui est génial avec vous c'est que vous n'avez pas peur de détester quelqu'un, vous n'avez pas peur de l'affirmer d'aucuns vont prendre un peu des des... faire des ronds de jambon, essayer d'affimer les choses. Non.

  • Speaker #1

    Non, je m'en fous parce que ce ne sont pas des collègues. Le seul truc que je me suis empêché, c'était... Je vais m'empêcher en janvier, quand le deuxième roman sortira aussi, c'est-à-dire d'attaquer ceux qui sortent un livre en même temps que moi. Ça, je me l'empêche. Mais sinon, le reste, non, je m'en fous. Ce ne sont pas des collègues, j'ai rien à voir avec eux. On travaille pas ensemble.

  • Speaker #0

    Tu n'as pas peur de faire des ennemis, en fait ?

  • Speaker #1

    Non. Je ne me fais pas d'amis non plus, j'en veux pas, je ne les fréquente pas, moi les écrivains, ce sont des gens qui ne m'intéressent pas. Et pour avoir fait pas mal de festivals, tout ça, j'ai pu voir, c'est assez bas moralement, les écrivains, c'est un milieu. J'ai entendu des gens écrier comme Jean-Tiffard Edouard Louis pendant une heure, et deux jours après, voir sur les réseaux sociaux. faire leur héloge. C'est pas un milieu comme ça, c'est pas un milieu « bah, euh, bon les grandes maisons d'édition, les grands groupes et tout ça, ce sont des vendeurs de godasses avant tout, hein, ils s'en foutent du contenu » . ils pourraient découvrir un écrivain comme Carver maintenant, ils préfèreraient publier la biographie de je ne sais quel présentateur, il serait Météo...

  • Speaker #0

    Un instagrammeur ?

  • Speaker #1

    Oui voilà, ce sont des commerçants. C'est un milieu qui m'intéresse pas, moi ce qui m'intéresse c'est d'écrire, c'est tout. et publié avec une éditrice que j'aime bien, qui j'ai des bons rapports, et qui a publié des auteurs qui me sont chers, c'est tout.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que vous venez d'une autre époque. Vous auriez aimé être dans une autre époque ?

  • Speaker #1

    Non, parce que j'aurais peut-être pensé la même chose. Non, je crois comme Philippe Muray, que toi tu aurais été irrespirable. Non, je ne rentre pas sur ce terrain-là parce que... Peut-être que dans les années 60, j'aurais craché sur... Ou peut-être qu'au début, quand Carver a commencé à publier, j'aurais trouvé ça détestable, ce minimalisme, et j'aurais dit quel dévoiement de la littérature, on ne sait pas. Peut-être que j'aurais réagi de la même façon, mais avec d'autres thèmes. Donc je ne sais pas. Non, je suis né en 94, je suis né en 94. Je n'ai pas eu le choix. Voilà, de ce propos, j'aurais été mieux avec une autre époque, non ? J'aurais détesté autre chose, c'est tout.

  • Speaker #0

    Il faudrait que vous m'expliquiez pourquoi vous n'aimez pas les personnes qui ont un t-shirt de groupe de rock.

  • Speaker #1

    Je déteste le rock.

  • Speaker #0

    Vous écoutez de la musique d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, j'écoute de la musique.

  • Speaker #0

    Ah oui, de la chanson française, beaucoup.

  • Speaker #1

    Chansons, du classique aussi un peu. Beaucoup de chansons, oui. Le rock, oui. Je trouve grotesque. C'est vrai que les t-shirts de groupe de rock... J'ai aimé le football. pendant longtemps. Même quand j'étais petit, je n'ai jamais été intéressé par l'idée d'avoir un tee-shirt, un maillot de footballeur. Je trouve ça ridicule de montrer son appartenance. Mon identité, c'est que j'aime Nirvana. Je trouve ça ridicule. Après, je déteste, c'est un grand mot. Je peux bien m'entendre avec quelqu'un. Il doit bien y avoir des gens très bien qui ont un tee-shirt Nirvana dans leur placard. Je ne les connais pas, mais ça doit exister.

  • Speaker #0

    Vous en avez un en face de vous.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas de choc de marijuana.

  • Speaker #0

    J'en ai un dans mon placard.

  • Speaker #1

    S'il reste dans le placard, c'est que ça va.

  • Speaker #0

    Traditionnellement, dans un café au comptoir, je vous pose quelques questions, une sorte de quiz sur le monde du café, de la boisson. Mais je sais que vous essayez d'arrêter l'alcool. Oui,

  • Speaker #1

    j'ai fait une cure récemment. C'est très pénible. Les journées sont très longues. On s'endort moins. C'est... Moins intéressant de rester longtemps au comptoir, ça empêche de faire des choses parce que écouter du Kellington en buvant un lait frais, c'est pas très intéressant.

  • Speaker #0

    Vous avez essayé les mocktails ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je préfère me faire euthanasier. C'est vrai ? Non, mais après, ça rend le contact social plus difficile. C'est vrai que... La plupart des gens, quand j'étais en promotion pour le livre, c'est vrai que si je n'avais pas été ivre mort pendant toute cette période, je ne sais pas comment j'aurais supporté. Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Édouard Louis sans être ivre mort ? Ce n'est pas possible. Vous êtes obligés d'être un minimum éméché.

  • Speaker #0

    Ça aide à supporter les interactions.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un peu. J'ai l'écriture le matin pour tenir. et j'avais l'alcool le reste de la journée et du soir pour tenir aussi la connerie des gens. L'écriture comme l'alcool, c'est pour tenir le monde à distance, quelque part. On a moins mal quand on est dehors, parce qu'on n'est plus vraiment soi-même. Quand on écrit, on n'est plus soi-même, et quand on a bu, quand on a bien bu, on n'est plus soi-même. Donc oui, on... C'est comme... L'alcool, c'est un peu comme, vous savez, dans ces vieux films, avec Ventura, tout ça, ou les films américains, les films noirs américains, où les voyous disent aux flics, mettez-moi en prison, ça chauffe trop dehors. C'est un peu ça, l'écriture, comme l'alcool.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui pousse à vouloir se soigner ?

  • Speaker #1

    Oh, plusieurs raisons. Je pense, conjugale... Hum... Bilan de santé, la réalité. C'est la réalité qui fait qu'on a envie de se soigner de quelque chose qui était censé nous la faire fuir. C'est très paradoxal et très chiant surtout. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir cette abstinence. Parce que la plupart du temps, je me trouve ridicule à être abstinent. Parce que je me dis, mais alors tu fais quoi ? Les soirées sont très longues. J'ai écouté hier Malwa Le Dron, hier soir, qui est un pianiste de jazz, qui a repris beaucoup Satie d'ailleurs en jazz. C'est très bien. Et je me disais, j'étais là comme un con, j'étais tout seul, pourquoi tu ne peux pas encore boire un whisky ? Des fois, je me dis, pourquoi ? Et pour gagner quoi ? 10 ans de vie ? J'aime bien, Jérémy Nada avait dit un truc assez intéressant, quand on nous dit, parce que moi, le médecin m'a carrément dit, si vous buvez de la même façon, dans 10 ans, vous êtes mort à enterrer. Il m'a dit ça, moi, j'ai dit, bon. D'accord, mais les 10 ans d'expérience de vie qu'on perd en alcool, en cigarette, etc., ce n'est pas 10 ans qu'on perd entre 20 et 30 ans, c'est 10 ans qu'on perd entre 80 et 90 ans dans un Ehpad où vos enfants n'ont pas envie de venir vous voir, ça leur fait chier, et vous êtes traités comme une merde. Donc c'est ces 10 ans-là qu'on perd, ce n'est pas les 10 ans de nos 20 ans. perdre les 10 ans d'EHPAD entre 80 et 90 ans, ce n'est pas très grave, je trouve.

  • Speaker #0

    Vous vous imaginez vieillard ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. J'ai raté 27 ans, le club des rockers, j'ai raté. Du coup, j'ai 31 ans, donc je vise Mélange Jésus, Balavoine et Bruce Lee. Tous les trois morts à 33 ans.

  • Speaker #0

    Donc j'en viens à mon quiz. combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ? Parce que dans la bière sans alcool, généralement, il y a 0,5% d'alcool. Donc, combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ?

  • Speaker #1

    J'ai essayé la bière sans alcool, ça n'a aucun intérêt. Je trouve que la bière sans alcool montre un alcoolisme encore plus fort que quand on boit une bière normale. Parce que ça montre vraiment que tu peux pas t'en passer. Du coup, je peux pas savoir parce que j'ai pas essayé avec assiduité, j'ai dû acheter pour faire plaisir à ma compagne une fois un pack de bière sans alcool, mais très vite je suis revenu à la bière normale.

  • Speaker #0

    Il faut boire 12 pintes en très peu de temps pour atteindre un état d'ébriété très léger. Mais il faut faire attention parce qu'il y a l'élimination de l'alcool par le corps également, donc il faut y aller.

  • Speaker #1

    Donc autant picoler, quoi. Il faut faire ça.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, Georges Simenon avait installé un bar chez lui dans lequel il recevait ses amis et où il pouvait écrire.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai. A moins que ce soit une des légendes qui l'entoure, mais a priori, c'est vrai. Eh bien, en fait, pendant quelques temps, il avait installé un bar chez lui. dans lequel il pouvait surveiller, enfin inviter certains de ses amis, ça lui évitait de descendre, d'aller ailleurs, et puis surtout de pouvoir faire la fermeture, et quand certaines personnes étaient même en train de dormir à côté de son bar,

  • Speaker #1

    il criait tranquille. Je n'y étais pas.

  • Speaker #0

    C'est un truc que vous pourriez faire, ça ?

  • Speaker #1

    Non, bon, je n'ai pas le logement, j'habite pas en Suisse, je n'ai pas une grande maison en Suisse, et je n'ai pas d'amis particuliers, donc non.

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas d'amis ?

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, non. C'est emmerdant l'amitié. On est invité au mariage, moi je me suis embrouillé avec mon meilleur ami parce que je suis pas là sur le mariage. Je déteste tout ça, c'était pas fait pour moi. L'amitié, non le truc, on peut m'appeler à 3h du matin, non on m'appelle pas à 3h du matin. T'as tes problèmes, il y a des psys, il y a tout ce que tu veux, mais moi je suis pas là.

  • Speaker #0

    Vous pensez que l'amitié se tient à ça et on est obligé de répondre à 3h du matin ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a un peu le côté obligatoire de se donner des nouvelles, d'aller boire des coups, de fêter des trucs ensemble, de tout se dire et tout, m'ennuie assez. On communique tout le temps, donc ça suffit une fois que je suis chez moi, j'ai envie d'être tranquille. Donc l'amitié, c'est emmerdant. Si vous commencez un livre, quelqu'un frappe à votre porte, c'est très emmerdant.

  • Speaker #0

    Changer d'adresse ?

  • Speaker #1

    C'est ce que je fais sans cesse.

  • Speaker #0

    En tout cas, s'il y a une adresse où on peut vous retrouver, ce sera dans toutes les librairies. surtout pour un prochain roman, début 2026. Et je vous en souhaite le meilleur, parce que celui qu'on peut lire actuellement, Une trajectoire exemplaire de Nagui Zinet, il est vraiment formidable. Et je le conseille à tous les auditeurs, les auditrices d'Un Café au Comptoir. Merci beaucoup, Nagui.

  • Speaker #1

    Merci à vous.

  • Speaker #0

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici. Et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

Description

Dans cet épisode d'Un Café au Comptoir, plongez dans l’univers brutal et sans compromis de l’écrivain Nagui Zinet, un auteur autodidacte et provocateur.


Son premier roman Une trajectoire exemplaire secoue la scène littéraire française. Ce roman court, écrit avec la même intensité qu'un coup de poing, explore la réalité de ceux qui n’ont pas été gâtés par la vie, tout en dressant un portrait saisissant d’un anti-héros en quête d’évasion.


À travers une conversation intime, Nagui nous dévoile son rapport à l’écriture, à la solitude et à la littérature. Mais attention, ce n’est pas un entretien comme les autres. Il nous parle sans filtre de ses influences littéraires – Raymond Carver en tête –, de son aversion pour les tendances littéraires françaises actuelles et de son regard acéré sur la société. Un mélange de cynisme, d’humour noir et de vérité crue, où il aborde la question de l’autofiction, de la publication et de la place de l’écrivain dans un monde de plus en plus déconnecté.


Et que dire de l’homme derrière le livre ? Entre une vision tranchée de la littérature et des anecdotes sur sa vie de bohème, Nagui ne fait pas dans la demi-mesure. Une discussion sans concession, où il défend ses opinions, son mode de vie, et sa vision d'un monde littéraire souvent trop formaté.


Cet épisode est une invitation à plonger dans l'esprit d'un écrivain qui refuse de se conformer aux codes et aux attentes. C’est aussi une exploration de ce que signifie être écrivain aujourd'hui, loin des dorures des salons littéraires et des diktats de la reconnaissance.


🔥 Un épisode à ne pas manquer si vous aimez la littérature brute, les auteurs inclassables, et ceux qui n’ont pas peur de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. 🔥


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présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Nagui Zinet :

https://www.instagram.com/nestormaigret




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Edouard Louis sans être une remorque ? Je me relis pas. Même le roman, les épreuves, je les ai même pas lues. Relu, une fois que c'est fini, c'est fini. Personnage de loser, en tout cas de... Genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon, quoi.

  • Speaker #1

    Un jour où tu scrolles sur Instagram comme n'importe quel kidam, tu tombes sur un compte narrant le quotidien supposé d'un gars qui occupe une bonne partie de ses journées à écrire. Tu vides le contenu de ta théière dans ta tasse, tu bois ton thé d'un trait et tu te perds dans la lecture de ses publications numériques. Tu remontes le fil du temps de ses posts, plus de 400, et tu découvres un savoureux cocktail d'expérience joyeusement triste. Tu fais une pause, tu vas chercher dans ton frigo un vieux Perrier éventé, tu le siffles et tu rep... part te retourner le cerveau avec les morceaux choisis de vie d'un mec dont tu ne peux t'empêcher rapidement de dire « quel personnage celui-là » . Tu apprécies son style brut, incisif, sans pitié, tu t'étonnes de sa capacité à descendre plus d'alcool en une journée que tu ne le ferais en un trimestre, tu te presses un citron, rajoutes un peu de sucre, un glaçon, trois rognures de gingembre et de l'eau, et tu te tortures les méninges pour faire la part du vrai et du faux du récit du quotidien si drôlement exposé de cette auteur aux cheveux longs plus jeune que toi. C'est au moment où tu t'aperçois qu'il a sorti un livre, que tu n'as hélas pas lu, que tu te souviens qu'il te reste un peu de bissap. Celui-là, préparé et offert par ta voisine du dessus, engage de paix après t'avoir inondé la salle de bain. Alors tu te désaltères, tu rejoins la rue, tu marches jusqu'à la librairie du coin où le libraire te dit le plus grand bien de l'écrivain qui t'intrigue. C'est un autodidacte, il paraît qu'il n'a même pas le bac, mais quelle érudition te lance-t-il ? Alors tu vérifies, tu apprends ainsi que des célébrités du monde littéraire ont porté au nu ce provocateur du verbe « eau » . Le bouquin que tu cherches, Son premier roman intitulé « Une trajectoire exemplaire » a même figuré dans la première sélection du prix de Flore 2024. Ça t'embouche un coin alors ! Tu siphonnes à la paille ton mug de café-filtre bien trop amer, et tu quittes la place, puisqu'ils n'ont pas le livre en question, en stock. À bout de patience, tu te pointes à la FNAC, où tu dois d'abord composer avec une pouffiasse et un cuistre déguisés en coureurs cyclistes qui t'offrent une canette d'une boisson énergisante dégueulasse. Tu résistes à ton envie de gerber et tu parviens à rejoindre l'étage réservé à la fiction. là. Une vendeuse au maquillage aussi chargée que son haleine te gratifie d'un effrayant sourire avant de te tendre. Les 110 pages reliées que tu convoites. Au dos du bouquin, nulle photo de l'écrivain à lunettes, fan de romans noirs à la Jim Thompson et de Georges Simenon. Sur la première de couverture, une image montrant les toits en zinc d'immeubles haussmanniens flottant dans un ciel rougeoyant. Assoiffé de ces mots, tu te poses à la terrasse du premier bar venu pour découvrir une histoire principalement écrite à la deuxième personne du singulier et tu te dis « Bien vu, le tu ! » Tu en oublies. de boire et tu te décides à contacter ce tout juste trentenaire dont tu te dis que s'il continue sur cette pente, il pourrait bien ne pas fêter ses 40 ans. Et lui s'en amuse visiblement. L'interview paraît nécessaire, tu ne peux pas le laisser passer. Et c'est ainsi que tu te retrouves face à un drôle de gars, ton invité du jour, du café au comptoir. Bonjour Nagui.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Nagui Zinet, c'est quoi la différence entre un auteur et un écrivain ?

  • Speaker #0

    Je ferais la séparation entre la fiction et l'essai. L'écrivain, c'est quelqu'un qui a quelque chose à dire et qui a une envie viscérale d'écrire. L'auteur, c'est celui qui écrit pour écrire, qui veut écrire un roman plus qu'écrire.

  • Speaker #1

    Vous, on a bien compris que c'est plus écrivain. J'ai l'impression que ça vous tient aux tripes.

  • Speaker #0

    C'est la seule chose, c'est la seule forme de solitude qui est acceptable. L'écriture offre la liberté. son corollaire qui est la solitude. Donc oui, c'est ce qui me tient, et c'est ce qui me permet de supporter au quotidien les conneries qu'on doit supporter. Parce que je me dis toujours que je pourrais en faire quelque chose après, le mois de rendez-vous administratif ou que sais-je, pénible, on sait qu'on va toujours croiser un con dans la salle d'attente, et du coup, on pourra après s'en venger sur le papier. Oui, donc ça me tient.

  • Speaker #1

    Je me suis permis d'emprunter votre style. pour l'écriture de cette introduction.

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une erreur d'ailleurs, parce que je ne suis pas apparu dans la première liste du prix de flore. J'en étais finaliste. Donc plus que la première, donc trois listes, c'est encore mieux, pour ne pas l'avoir à l'unanimité. Je n'ai même pas eu une voix qui n'était pas plus mal d'ailleurs. Je n'aime pas le vin qui... Je ne sais pas ce qu'ils donnent du vin pendant un an.

  • Speaker #1

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Oui, gratos, mais bon. C'était de l'intérêt de ce prix, mais je ne l'ai pas eu.

  • Speaker #1

    Pourquoi écrit-on en étant publié ?

  • Speaker #0

    La publication, c'est un accident. Mais après, pourquoi écrire ? Tout simplement, à un moment de ma vie, j'ai commencé à lire beaucoup. Alors, je me suis mis à écrire. Comme un enfant qui aime regarder des dessins animés, il lit des livres illustrés, il se met automatiquement à dessiner. Et moi, c'était à peu près pareil. Si je m'étais pris passion pour le rock, ce qui n'est pas le cas du tout, je déteste ça, mais je me serais mis à la guitare. ça vient naturellement d'essayer je crois que tous les gens qui aiment lire ont essayé à un moment ou à un autre de leur vie d'écrire publier ne change rien globalement mais en même temps vous avez écrit

  • Speaker #1

    sur Instagram donc publier également ma question va encore plus loin c'est pourquoi on a envie d'être lu par les autres ?

  • Speaker #0

    oh pour peur d'artisisme Il faut bien que l'ego soit flatté. La publication, la réponse que je n'ai pas réussi à donner juste avant, la publication aide à nourrir son ego. Et ça fait oublier... Quand vous êtes un écrivain, on vous pardonne beaucoup plus que quand vous n'êtes pas écrivain. On oublie votre laideur, on oublie votre pauvreté, on oublie tout. Vous êtes écrivain. C'est l'avantage de la publication. Sinon, c'est beaucoup d'emmerdes, de publier un livre. Vous savez, aller signer trois livres dans un village perdu, où il y a quatre profs à la retraite qui vous posent des questions débiles à la fin, c'est pas très amusant. Il y a très peu de moments amusants. Moi, ce qui me plaît, c'est d'écrire, c'est pas les à côté. Ça me plaît même pas d'écrire, d'ailleurs. J'écris parce que j'aime bien la... La comparaison que fait Jean-Paul Dubois avec la tondeuse à gazon. J'écris le matin comme je tonderais le gazon. Je n'y pense même pas. C'est-à-dire que c'est naturel. J'ai besoin de ça. La première chose que je vais faire quand on se quittera tout à l'heure, pour mon ordinateur, ce sera de relater ce qui s'est passé de mon réveil à ce moment où je suis en train de vous parler. Je parlerai même de votre chien.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ? Il s'appelle Pickles. Et ce que je voulais savoir, c'est, elle a quoi d'horrible, cette vie que l'on veut fuir en écrivant ? Et elle a quoi de merveilleuse, cette vie que l'on a envie de raconter, peut-être de sublimer ?

  • Speaker #0

    Ah non, je n'ai aucune envie de sublimer la vie. J'ai besoin de la supporter. Je n'ai pas l'ambition de la sublimer.

  • Speaker #1

    Pourtant, vous utilisez les bons mots pour rendre le sublime. pour rendre sublime une certaine noirceur.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas, je ne suis pas méorgie, je ne me rends pas compte de ce que j'écris. Moi, j'écris comme ça, je ne me relis pas. Même le roman, Les Épreuves, je ne l'ai même pas relu. Je ne l'ai même pas relu. Une fois que c'est fini, c'est fini. Le personnage vit un moment qu'il ne se relit pas parce qu'il a passé l'âge où on prend plaisir à... renifler ses propres instruments et ça peut préparer pour moi se relire je serais très prétentieux de relire et on a envie de tout arrêter il ya une nouvelle de phil gérald comme ça qui s'appelle l'après midi d'un écrivain et il il est à décrire chaque fois qu'il avait la tête qui tombe sur un livre de tolstoy de ceïevski ou peu importe et il devient fou quoi et il balance où sa table etc parce que Si on se relie, on peut trouver que ça nul, vain. Donc il ne faut pas trop se relire, il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Il faut juste écrire. Après, s'il y a une éditrice, un éditeur ou une éditrice, moi c'est une éditrice qui a un pète au casque assez suffisant pour me publier, tant mieux. Ça ne change rien à la vie en général. Ça ne vous rend pas riche. Il n'y a rien. Vous êtes reconnu quelquefois dans la rue. Vous êtes content. Vous vous crânez un peu, c'est tout. Aujourd'hui, j'ai mis ma casquette pour pas être connu. Vous n'avez plus les cheveux longs,

  • Speaker #1

    comme j'en parlais dans le portrait ?

  • Speaker #0

    Non, je les ai coupés. Sur une impulsion que je regrette amèrement, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'était une coquetterie ?

  • Speaker #0

    Je sais pas, je me suis dit, Dieu vaut milliers de chèdes, alors je devais aller chez le coiffeur. Mais en même temps, je voulais pas y aller pour qu'il me coupe 2 cm. Alors du coup, j'ai dit, rasez tout. Et il a tout rasé. Mais là, ça va, ça repousse.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que... Quand bien même vous paraissez vous en foutre des autres, j'ai l'impression qu'il y a un style de l'écrivain. Est-ce que vous avez envie de vous montrer ? tel que vous rêvez vous-même ?

  • Speaker #0

    Non, pas du tout. En plus, je ne suis pas comme les poètes du 5e arrondissement. Je m'habille normalement, je ne fréquente aucun cocktail, je ne veux aucune présentation de livres. C'est un milieu que je ne fréquente pas. Ce ne sont pas des collègues. Je considère l'écriture comme l'existence d'ailleurs, comme un sport individuel. Du coup, je ne me vois pas en écrivain. Je ne me lève pas le matin en me disant que je suis un écrivain. Je suis juste un type qui essaye d'avoir suffisamment d'argent pour acheter ses cigarettes et le nombre de verres qu'il faut, c'est tout. Et les livres. Mais je ne me vois pas en écrivain. Je ne suis pas un écrivain. Pour moi, un écrivain, c'est Caroleur.

  • Speaker #1

    Vous êtes complètement écrivain, vous le savez quand même.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vivez pour ça ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris, mais écoutez, j'ai détesté quand j'étais enfant, les gens qui disaient qu'on jouait au foot et qu'ils mettaient deux manteaux pour faire les buts. Ils ne jouaient pas au foot, ils jouaient au ballon. Moi, j'ai l'impression de jouer au ballon. Quand je lis Carver, ou quand je lis Fitzgerald, ou quand je lis Céline ou Thompson, peu importe, j'ai l'impression de jouer au ballon à côté d'eux.

  • Speaker #1

    Les personnages de fiction, est-ce qu'ils sont plus aimables, j'entends par là qu'on peut les aimer, que les personnes autour de vous ?

  • Speaker #0

    Ils ont l'avantage de ne pas exister, déjà. Non, c'est qu'on les fréquente moins longtemps, c'est ça qui est pas mal. Non, ce qui est bien avec les personnages de fiction, ce qui est merveilleux, c'est assez rare, il n'y a que les grands écrivains qui parviennent à ça, mais c'est quand ils arrivent à nous faire, à mettre des mots sur ce qu'on a déjà ressenti sans avoir su l'exprimer nous-mêmes. Donc des fois ils nous renvoient, ce sont des sortes de miroirs parfois, mais ça ce sont les grands écrivains, il y en a peu. On est 600 connards à peu près à la rentrée, sortir des romans, bon il n'en reste rien à la fin. Il y a un grand écrivain, je ne saurais même pas dire quel est le grand écrivain français, un américain il y en a quelques-uns. En français, je ne saurais même pas vous dire. Oh, peut-être Modiano. Et encore, ces derniers, bon, ça fait 50 ans qu'ils écrivent le même livre. Je m'en fous, je ne suis plus chez Gallimard.

  • Speaker #1

    Comment ça se fait, justement, qu'il y ait plus cette fascination de certains auteurs américains par rapport aux hexagonaux ? Est-ce que... Est-ce qu'en France, on se regarde plus le nombril ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire toute cette littérature, sans disant engagée, la littérature de transfuge, qui est très à la mode. Oui, la littérature à l'au-moment bobo, qui est assez insupportable. Oui, je ne trouve pas l'élan universel que je peux trouver chez Aaron Rash, par exemple. aux États-Unis, ou chez Donald Rappoloch. Voilà, je trouve qu'il y a encore des grands écrivains américains, les Français, je les cherche. Il y en a que j'aime, j'ai cité Jean-Paul Dubot, d'ailleurs j'aime, mais ça reste quand même... J'aime, mais c'est un écrivain qui est très inspiré des écrivains américains, d'ailleurs. Il situe même ses romans à la plupart des États-Unis, donc c'est pas un hasard, c'est l'un des seuls que j'aime. sinon non Edouard Louis pour ne pas citer les gens tout ça pour moi c'est vraiment de la merde est-ce qu'un un bon artiste est un artiste mort ? non ça je crois pas mais oui après mais qu'on me présente le frantiliste contemporain qu'on me présente le Shakespeare contemporain qu'on me présente même le Carver contemporain je connais pas On essaie de nous faire croire qu'il y a des Mozart assassinés, que partout autour de nous, il y a des artistes qui sont empêchés. Je ne crois pas du tout. Je crois juste que la France est un pays un peu perdu pour la littérature en ce moment. Je crois qu'on est dans un creux quand même assez important.

  • Speaker #1

    Abyssal.

  • Speaker #0

    Oui, Abyssal, oui. Oui, oui, j'ai très peu de contre-exemples. Mais après, maintenant, je ne les lis plus, donc peut-être que je passe à côté de choses. Peut-être que je passe à côté de choses formidables, mais je ne les lis même plus, parce qu'à chaque fois, au bout de la huitième page, j'ai envie de revenir à Carver.

  • Speaker #1

    Il y a quoi dans Carver d'aussi puissant, en fait, qui vous retienne ? Là, je vous ai retrouvé, on est à la terrasse d'un café dans le cinquième arrondissement, que vous détestez. Je parle de l'arrondissement. Et je vous retrouve avec un café, un livre, une clope, et ce livre, Tais-toi, je t'en prie. C'est comme un présage, finalement, à l'interview qu'on est en train de mener.

  • Speaker #0

    Oui, je vous le montrerai quand la question ne me plaît pas. Non, mais chez Carver, ce qui est génial, c'est que je déteste l'emphase et je déteste le lyrisme. Mais chez Carver, en très peu de mots, il retranscrit des atmosphères de manière formidable. Et vraiment, il fait en six pages. parce qu'un très mauvais écrivain français fera en 300 pages. Et je mets la simplicité qui va droit au but, et cette façon de raconter le néant, la vie des gens quotidiennes, donc l'alcoolisme, les problèmes conjugaux, l'enfant qui part de la maison, le chien, la facture d'électricité qu'il faudra bien payer. Les arrivats rendent ça très poétique sans essayer de faire de la poésie. Ça, pour moi, c'est la meilleure définition de la littérature. Colette avait donné comme conseil à Simonon et à Emmanuel Bove, moins de littérature, moins de littérature. Simonon avait repris ça à son propre compte et il disait, n'écrivez pas « il pleut averse » , écrivez « il pleut » . Et voilà ma conception de la littérature.

  • Speaker #1

    Allez sur l'os.

  • Speaker #0

    Oui, il faut qu'elles soient sur l'os. À moins, ça, si on se prend pour James Joyce ou pour Proust, il faut être vraiment un grand écrivain pour se permettre de ne pas écrire à l'os. Sinon, c'est vite d'après-tentation. Et on les voit, ces gens qui essayent d'impressionner, comme j'y référais, de nous montrer qu'ils ont bouffé le litre. C'est très amusant. On dirait qu'ils écrivent avec le dictionnaire des synonymes à côté d'eux. C'est assez amusant. C'est pour ça que l'literature française, je m'en tiens assez loin, à part pour les morts, deux, trois vivants à l'occasion.

  • Speaker #1

    En lisant votre livre, je me suis dit, il y a énormément de vécu là-dedans, mais ce n'est pas une autofiction. L'autofiction, pour vous, ça vous évoque quoi ?

  • Speaker #0

    J'en pense à peu près la même chose que les récits de Transfuge. Moi, je ne fais pas d'autofiction, comme vous avez dit. Le personnage me ressemble, c'est tout. Il me ressemble physiquement, socialement, tout ça. Mais je ne me raconte pas ce qui m'est arrivé. Dans le roman, en tout cas. Sur Instagram, ça m'arrive d'être plus premier degré. Sur le livre, non. Le personnage me ressemble, mais je ne suis pas le personnage. Et il ne m'arrive pas... Je ne serais pas devant vous s'il m'arrivait la même chose que le personnage.

  • Speaker #1

    Justement, on va faire un vrai ou faux Nagui Zinet. Vrai ou faux, vous n'avez aucun diplôme, même pas le bac.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. J'ai arrêté l'équivalence de la seconde. J'étais scolaire israélien. J'ai arrêté... En France, ce serait la seconde. Je suis du nord de la France. J'habitais à la frontière, donc on pouvait aller soit à l'école en France ou en Belgique. Moi, c'est en Belgique. J'aurais raté de la même façon et de manière aussi superbe en France.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait qu'on lâche à cet âge-là ?

  • Speaker #0

    Je n'y arrivais pas. Je ne reprenais pas ce qu'on me demandait. Ce n'était pas pour moi. Je savais très bien que je ne serais pas d'études supérieures, etc. Socialement. Je m'en foutais, j'attendais que les heures passent. Il y a des choses qui ne sont pas faites pour les gens. L'école, ce n'était pas fait pour moi. Mais ça ne m'a pas empêché. Après, j'ai fait ce que j'ai voulu. Je ne me sens pas empêché de ne pas avoir le bac. Le bac ne sert à rien. Le bac, c'est... Je n'aurais pas pu de toute façon faire des études supérieures, parce que j'aurais dû bosser rapidement, etc. Donc le bac tout seul, vous prenez une boîte de chocolat, vous la pliez en quatre, vous avez le bac aujourd'hui. Donc ça ne sert à rien. Donc bon, je ne me suis pas trop emmerdé.

  • Speaker #1

    Comment on poursuit son éducation culturelle soi-même ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est l'ennui. Je me retrouve à 18 ans, je prends un appartement. Je m'ennuie beaucoup et je commence à lire beaucoup. Mais c'est l'ennui qui m'a fait lire. C'est une occupation du temps. Je ne sacralise pas du tout la littérature. Pour moi, c'est une occupation du temps comme une autre. J'ai tendance à dire que la littérature, sauf quand on a affaire à des génies, n'est pas plus importante que le football ou toute autre chose.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est grâce aux réseaux sociaux que vous avez été publiés.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai. C'est mon éditorialiste Joëlle Lossfeld qui lisait mes chroniques sur Instagram, elle aimait bien. Moi ma porte naturelle c'est le chèque secours, je voulais faire des nouvelles. Et elle m'a dit que pour aller de nouvelles en France c'est pas terrible. Donc si vous écrivez un roman il y a de grandes chances que je le publie. Donc je suis rentré et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #1

    En trois semaines c'est vrai ?

  • Speaker #0

    En trois semaines oui. Sinon, je ne l'aurais jamais fait de moi-même. Je n'aurais jamais fait un éditeur. Pour moi, c'est un hasard. Mais le hasard est beau parce que c'est une éditeuse. Quand j'ai commencé à lire beaucoup, je lisais Albert Causserie et Jean Meker qui sont édités par Joël Lassalle. Du coup, le hasard a bien fait les choses. Je m'en fous un peu d'être publié, mais je suis très content d'être publié par Joël Lassalle.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, afin de mieux pouvoir le raconter, vous avez effectivement assassiné quelqu'un.

  • Speaker #0

    Hélas, non. Non, non. Pas non. Pas encore, tu peux venir. Si je n'ai pas d'inspiration sur le troisième roman, peut-être. Pour l'instant, non.

  • Speaker #1

    Ou le fantasme ?

  • Speaker #0

    Non, non, non, je n'ai pas de fantasme morbide. Je préfère le mépris à l'arme, à l'arme blanche. Parce que j'ai la définition de l'anarchie que l'on brassin, c'est de... traverser au piéton pour ne pas avoir besoin de parler aux flics. Donc je ne tuerais pas quelqu'un, parce que là, je serais obligé de me taper de l'administration.

  • Speaker #1

    L'idée du roman, elle est venue comment ? Ce roman qu'on pourrait qualifier de roman court, qui est vraiment une plongée dans un bout de vie, où tout va à 100 à l'heure, même si il ne se passe pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Non, ce qui m'intéressait, c'était d'abord le quartier à Lille. la fréquentation des bars et le mensonge. Je suis fasciné par le mensonge et à quel point le mensonge le plus anodin peut avoir des conséquences terribles. On connaît la fameuse affaire Romand, le faux médecin qui a fini par tuer toute sa famille pour ne pas assumer ses mensonges. Oui, ça me fascine parce que c'est une extrapolation finalement, le remords de ce qui peut arriver tous les jours. Vous dites à votre copine que vous n'êtes pas passé au bar. le lendemain elle voit le ticket de caisse du bar, elle croit que vous avez couché avec la serveuse. Et c'est une extrapolation, un peu en forme d'hommage au roman noir, de ce qui arrive tout le temps, c'est-à-dire des petits mensonges anodins qui prennent des proportions débiles et des engrenages qui peuvent être terribles.

  • Speaker #1

    Jusqu'à donner un roman ?

  • Speaker #0

    Oui, un roman où une fois que vous avez l'atmosphère, un personnage... Une petite idée, c'est facile. Après, il n'y a qu'à se laisser porter.

  • Speaker #1

    Ce personnage qui n'a qu'une initiale comme prénom, il est proche de vous. Comment vous arrivez à dissocier tout cela, créer un personnage davantage par rapport à votre vie ?

  • Speaker #0

    Ça m'a pas rendu schizophrène d'écrire ce roman. effectivement, il porte une initiale et c'est la même initiale que... en portant mon prénom, mais non, je n'ai pas eu besoin de dissocier quoi que ce soit. Quand j'écrivais, je n'avais jamais l'impression d'écrire sur moi. Le seul truc qui me rapproche du partenariat, ce sont ses goûts en termes de littérature et de chansons. Mais sinon, le reste, non.

  • Speaker #1

    Là où il vous ressemble, j'ai l'impression, c'est dans sa facilité à détester pas mal de choses. et à être direct, en tout cas avoir un avis très tranché sur tout ce qui l'entoure.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même un personnage qui passe son temps dans les bars, et il n'y a pas d'endroit où on a d'avis plus tranchés que ça. C'est vrai que j'aime bien les avis un peu à leur porte-pièce et sans nuance. Ça m'amuse beaucoup dans les bars d'écouter des gens dire des choses absolument folles. avec une assurance terrible, ça m'amuse. Ça m'amuse, oui, j'ai des avis très tranchés. Je me vois un peu, pas comme un moralisateur, mais comme un moraliste. C'est vrai que je peux passer des heures à une terrasse, regarder les gens, écouter les conversations des gens autour de moi, et là, après, je peux être un peu assassin.

  • Speaker #1

    Vous, vous n'êtes pas du tout comme Emmanuel Macron qui dit « En même temps, il n'y a pas d'heure en même temps, c'est blanc ou noir. »

  • Speaker #0

    Non, parfois, c'est plus nuancé. Oui, mais c'est souvent que je vois les choses plus en noir qu'en blanc. Et souvent, ce qui m'interpelle aussi, les conversations qui vont m'interpeller quand je suis en terrasse, sont forcément celles qui vont m'irriter ou celles qui vont m'intéresser parce qu'elles me semblent aberrantes. Donc forcément, ça donne après un compte-rendu noir. Je peux écouter la conversation mignonne du grand-père avec sa petite-fille en train de boire un chocolat chaud et qu'elle raconte sa journée d'école. Son grand-père, c'est très mignon, c'est très touchant, mais ça, je ne vais pas l'écrire. Si j'étais photographe, je préférerais photographier une nuit d'orage qu'un ciel bleu comme aujourd'hui. Ça n'a aucun intérêt.

  • Speaker #1

    Le contraste.

  • Speaker #0

    Oui. Prendre en photo un ciel bleu, bon, aujourd'hui tout se vend, mais quand même, ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

  • Speaker #1

    Tout ne s'achète pas forcément. Votre personnage, comme je disais, il n'a rien à faire des autres, finalement. On a l'impression qu'il n'a pas forcément envie de plaire à tout prix. Il a une certaine envie de séduire, mais juste pour s'en sortir, lui.

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que même au-delà de son histoire d'amour, ou on peut appeler ça comme on veut, il a quand même ce besoin de faire rire les gens, par exemple. De faire le clown, etc. Donc c'est déjà une envie de plaire, quand même. Quand il est avec les amis de sa compagne, il essaie d'amuser la galerie. Et quand on essaie d'amuser la galerie, c'est qu'on veut plaire.

  • Speaker #1

    Plaire ou subsister ? Rester, continuer à vivre dans quelque chose, justement, dans le mensonge qu'il a créé ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il est terriblement mal à l'aise. Il fait le clown. Il veut leur plaire en faisant le clown, parce qu'il est mal à l'aise. Pour plein de raisons. Il a toutes les raisons de l'être, mal à l'aise. sans vouloir trop en dévoiler.

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il créé lui-même un personnage dans son personnage.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. C'est-à-dire qu'il s'est inventé un personnage presque gazbourien ou bukovskien parce qu'il ne se sent pas à sa place. Il n'est pas du tout à sa place. Il n'est pas dans son milieu. Il est plus jeune que les autres. Donc, il a besoin de quelque chose pour exister. Il se crée ce personnage un peu fou, une sorte d'ivrogne rigolo, à deux balles. Il a besoin de ça, oui.

  • Speaker #1

    Je vous regardais et je me disais, pour d'autres romans, vous avez envie d'inventer d'autres personnages ou creuser, finalement, ce genre de... presque d'archétype. Alors j'ai lu dans certains articles qu'on s'était qualifié de clochard céleste finalement.

  • Speaker #0

    Il y a de ça, du poète désabusé.

  • Speaker #1

    Le deuxième roman est déjà terminé, il sera publié en premier trimestre 2026. Oui, ça croise un peu ça, mais d'une autre manière. Parce que je n'ai plus la même vie que j'avais pour le personnage d'une trajectoire exemplaire à 25 ans. Et quand j'avais 25 ans, je fréquentais ces barres-là, etc. Maintenant, j'ai une vie tout simplement différente. Et du coup, je creuse quand même cette idée de défaite, de personnage battu à l'avance, qui commence la vie en étant mené 3-0, mais en moins référencé, moins hommage au roman noir. Il n'y aura pas d'hésitation sur le fait que ce soit un roman noir ou un roman tout court. Mais oui, creuser la... personnage de loser, en tout cas de genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon.

  • Speaker #0

    Si jamais vous faites un énorme succès, ça vous rapporte énormément d'argent, est-ce que d'aucuns pourront dire « Ah bah oui, mais lui, c'est un transfuge de classe. »

  • Speaker #1

    Oui, je demanderais à Édouard Louis d'écrire ma biographie. Oui, non, bah non, je veux bien, moi, je ne veux pas le best-seller, je veux bien l'argent du best-seller. C'est Coluche, il disait On dit que 30% de gens sortent du travail, c'est faux, de l'argent leur suffirait. Oui, ça serait le transfuge de classe. J'ai vécu des moments étonnants, par exemple, je suis finaliste du fleur, je passe ma soirée du fleur et je sors de là, je n'ai pas un centime pour m'acheter un paquet de cigarettes. cette période de promotion du livre et tout était une période assez contradictoire. En même temps, j'étais invité dans les endroits où on me faisait voyager gratuitement, où on me logeait, hôtel et tout ça. Et à côté de ça, je n'avais rien pour subsister. Donc voilà, il y a comme ça un contraste qui est assez étonnant entre vous passez sur France Inter l'après-midi et le soir vous vous demandez comment vous allez payer votre steak haché. Donc oui, il y a une petite erreur. Question de transfuge, comme ça. Mais un transfuge qui ne me rapporte rien, pécuniairement, donc ce n'est pas très intéressant. Edouard Louis a su fructifier ça.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs fois que vous le citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une de mes cibles favorites avec Arthur Théboul, le chanteur, le poète. On m'a dit d'arrêter de le citer, donc je l'appelle Arthur T. maintenant, sur Instagram. Les gens le reconnaissent, surtout que je mets ses photos. Ce sont des gens qui me fascinent. C'est vraiment pour moi toute la décadence culturelle française de la chanson et de la poésie. On peut dire Arthur Tayboul, pour la littérature on peut dire Edouard Louis. Pour moi les deux, c'est vraiment tout ce que je déteste. Et là c'est pas de la blague, quand j'en parle sur Instagram, des fois je peux exagérer sur d'autres personnes, en faire trop, rien que pour le plaisir du bon mot, ou quoi. que là ce sont des gens que je déteste vraiment et dans le oui je lui en veux je trouve ça honteux ce qu'il fait, je trouve ça immoral voilà donc c'est des gens que je déteste moi ce ne sont pas des collègues je leur dois rien j'ai le droit de détester dans le oui, je le dis,

  • Speaker #0

    c'est tout ce qui est génial avec vous c'est que vous n'avez pas peur de détester quelqu'un, vous n'avez pas peur de l'affirmer d'aucuns vont prendre un peu des des... faire des ronds de jambon, essayer d'affimer les choses. Non.

  • Speaker #1

    Non, je m'en fous parce que ce ne sont pas des collègues. Le seul truc que je me suis empêché, c'était... Je vais m'empêcher en janvier, quand le deuxième roman sortira aussi, c'est-à-dire d'attaquer ceux qui sortent un livre en même temps que moi. Ça, je me l'empêche. Mais sinon, le reste, non, je m'en fous. Ce ne sont pas des collègues, j'ai rien à voir avec eux. On travaille pas ensemble.

  • Speaker #0

    Tu n'as pas peur de faire des ennemis, en fait ?

  • Speaker #1

    Non. Je ne me fais pas d'amis non plus, j'en veux pas, je ne les fréquente pas, moi les écrivains, ce sont des gens qui ne m'intéressent pas. Et pour avoir fait pas mal de festivals, tout ça, j'ai pu voir, c'est assez bas moralement, les écrivains, c'est un milieu. J'ai entendu des gens écrier comme Jean-Tiffard Edouard Louis pendant une heure, et deux jours après, voir sur les réseaux sociaux. faire leur héloge. C'est pas un milieu comme ça, c'est pas un milieu « bah, euh, bon les grandes maisons d'édition, les grands groupes et tout ça, ce sont des vendeurs de godasses avant tout, hein, ils s'en foutent du contenu » . ils pourraient découvrir un écrivain comme Carver maintenant, ils préfèreraient publier la biographie de je ne sais quel présentateur, il serait Météo...

  • Speaker #0

    Un instagrammeur ?

  • Speaker #1

    Oui voilà, ce sont des commerçants. C'est un milieu qui m'intéresse pas, moi ce qui m'intéresse c'est d'écrire, c'est tout. et publié avec une éditrice que j'aime bien, qui j'ai des bons rapports, et qui a publié des auteurs qui me sont chers, c'est tout.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que vous venez d'une autre époque. Vous auriez aimé être dans une autre époque ?

  • Speaker #1

    Non, parce que j'aurais peut-être pensé la même chose. Non, je crois comme Philippe Muray, que toi tu aurais été irrespirable. Non, je ne rentre pas sur ce terrain-là parce que... Peut-être que dans les années 60, j'aurais craché sur... Ou peut-être qu'au début, quand Carver a commencé à publier, j'aurais trouvé ça détestable, ce minimalisme, et j'aurais dit quel dévoiement de la littérature, on ne sait pas. Peut-être que j'aurais réagi de la même façon, mais avec d'autres thèmes. Donc je ne sais pas. Non, je suis né en 94, je suis né en 94. Je n'ai pas eu le choix. Voilà, de ce propos, j'aurais été mieux avec une autre époque, non ? J'aurais détesté autre chose, c'est tout.

  • Speaker #0

    Il faudrait que vous m'expliquiez pourquoi vous n'aimez pas les personnes qui ont un t-shirt de groupe de rock.

  • Speaker #1

    Je déteste le rock.

  • Speaker #0

    Vous écoutez de la musique d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, j'écoute de la musique.

  • Speaker #0

    Ah oui, de la chanson française, beaucoup.

  • Speaker #1

    Chansons, du classique aussi un peu. Beaucoup de chansons, oui. Le rock, oui. Je trouve grotesque. C'est vrai que les t-shirts de groupe de rock... J'ai aimé le football. pendant longtemps. Même quand j'étais petit, je n'ai jamais été intéressé par l'idée d'avoir un tee-shirt, un maillot de footballeur. Je trouve ça ridicule de montrer son appartenance. Mon identité, c'est que j'aime Nirvana. Je trouve ça ridicule. Après, je déteste, c'est un grand mot. Je peux bien m'entendre avec quelqu'un. Il doit bien y avoir des gens très bien qui ont un tee-shirt Nirvana dans leur placard. Je ne les connais pas, mais ça doit exister.

  • Speaker #0

    Vous en avez un en face de vous.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas de choc de marijuana.

  • Speaker #0

    J'en ai un dans mon placard.

  • Speaker #1

    S'il reste dans le placard, c'est que ça va.

  • Speaker #0

    Traditionnellement, dans un café au comptoir, je vous pose quelques questions, une sorte de quiz sur le monde du café, de la boisson. Mais je sais que vous essayez d'arrêter l'alcool. Oui,

  • Speaker #1

    j'ai fait une cure récemment. C'est très pénible. Les journées sont très longues. On s'endort moins. C'est... Moins intéressant de rester longtemps au comptoir, ça empêche de faire des choses parce que écouter du Kellington en buvant un lait frais, c'est pas très intéressant.

  • Speaker #0

    Vous avez essayé les mocktails ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je préfère me faire euthanasier. C'est vrai ? Non, mais après, ça rend le contact social plus difficile. C'est vrai que... La plupart des gens, quand j'étais en promotion pour le livre, c'est vrai que si je n'avais pas été ivre mort pendant toute cette période, je ne sais pas comment j'aurais supporté. Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Édouard Louis sans être ivre mort ? Ce n'est pas possible. Vous êtes obligés d'être un minimum éméché.

  • Speaker #0

    Ça aide à supporter les interactions.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un peu. J'ai l'écriture le matin pour tenir. et j'avais l'alcool le reste de la journée et du soir pour tenir aussi la connerie des gens. L'écriture comme l'alcool, c'est pour tenir le monde à distance, quelque part. On a moins mal quand on est dehors, parce qu'on n'est plus vraiment soi-même. Quand on écrit, on n'est plus soi-même, et quand on a bu, quand on a bien bu, on n'est plus soi-même. Donc oui, on... C'est comme... L'alcool, c'est un peu comme, vous savez, dans ces vieux films, avec Ventura, tout ça, ou les films américains, les films noirs américains, où les voyous disent aux flics, mettez-moi en prison, ça chauffe trop dehors. C'est un peu ça, l'écriture, comme l'alcool.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui pousse à vouloir se soigner ?

  • Speaker #1

    Oh, plusieurs raisons. Je pense, conjugale... Hum... Bilan de santé, la réalité. C'est la réalité qui fait qu'on a envie de se soigner de quelque chose qui était censé nous la faire fuir. C'est très paradoxal et très chiant surtout. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir cette abstinence. Parce que la plupart du temps, je me trouve ridicule à être abstinent. Parce que je me dis, mais alors tu fais quoi ? Les soirées sont très longues. J'ai écouté hier Malwa Le Dron, hier soir, qui est un pianiste de jazz, qui a repris beaucoup Satie d'ailleurs en jazz. C'est très bien. Et je me disais, j'étais là comme un con, j'étais tout seul, pourquoi tu ne peux pas encore boire un whisky ? Des fois, je me dis, pourquoi ? Et pour gagner quoi ? 10 ans de vie ? J'aime bien, Jérémy Nada avait dit un truc assez intéressant, quand on nous dit, parce que moi, le médecin m'a carrément dit, si vous buvez de la même façon, dans 10 ans, vous êtes mort à enterrer. Il m'a dit ça, moi, j'ai dit, bon. D'accord, mais les 10 ans d'expérience de vie qu'on perd en alcool, en cigarette, etc., ce n'est pas 10 ans qu'on perd entre 20 et 30 ans, c'est 10 ans qu'on perd entre 80 et 90 ans dans un Ehpad où vos enfants n'ont pas envie de venir vous voir, ça leur fait chier, et vous êtes traités comme une merde. Donc c'est ces 10 ans-là qu'on perd, ce n'est pas les 10 ans de nos 20 ans. perdre les 10 ans d'EHPAD entre 80 et 90 ans, ce n'est pas très grave, je trouve.

  • Speaker #0

    Vous vous imaginez vieillard ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. J'ai raté 27 ans, le club des rockers, j'ai raté. Du coup, j'ai 31 ans, donc je vise Mélange Jésus, Balavoine et Bruce Lee. Tous les trois morts à 33 ans.

  • Speaker #0

    Donc j'en viens à mon quiz. combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ? Parce que dans la bière sans alcool, généralement, il y a 0,5% d'alcool. Donc, combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ?

  • Speaker #1

    J'ai essayé la bière sans alcool, ça n'a aucun intérêt. Je trouve que la bière sans alcool montre un alcoolisme encore plus fort que quand on boit une bière normale. Parce que ça montre vraiment que tu peux pas t'en passer. Du coup, je peux pas savoir parce que j'ai pas essayé avec assiduité, j'ai dû acheter pour faire plaisir à ma compagne une fois un pack de bière sans alcool, mais très vite je suis revenu à la bière normale.

  • Speaker #0

    Il faut boire 12 pintes en très peu de temps pour atteindre un état d'ébriété très léger. Mais il faut faire attention parce qu'il y a l'élimination de l'alcool par le corps également, donc il faut y aller.

  • Speaker #1

    Donc autant picoler, quoi. Il faut faire ça.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, Georges Simenon avait installé un bar chez lui dans lequel il recevait ses amis et où il pouvait écrire.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai. A moins que ce soit une des légendes qui l'entoure, mais a priori, c'est vrai. Eh bien, en fait, pendant quelques temps, il avait installé un bar chez lui. dans lequel il pouvait surveiller, enfin inviter certains de ses amis, ça lui évitait de descendre, d'aller ailleurs, et puis surtout de pouvoir faire la fermeture, et quand certaines personnes étaient même en train de dormir à côté de son bar,

  • Speaker #1

    il criait tranquille. Je n'y étais pas.

  • Speaker #0

    C'est un truc que vous pourriez faire, ça ?

  • Speaker #1

    Non, bon, je n'ai pas le logement, j'habite pas en Suisse, je n'ai pas une grande maison en Suisse, et je n'ai pas d'amis particuliers, donc non.

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas d'amis ?

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, non. C'est emmerdant l'amitié. On est invité au mariage, moi je me suis embrouillé avec mon meilleur ami parce que je suis pas là sur le mariage. Je déteste tout ça, c'était pas fait pour moi. L'amitié, non le truc, on peut m'appeler à 3h du matin, non on m'appelle pas à 3h du matin. T'as tes problèmes, il y a des psys, il y a tout ce que tu veux, mais moi je suis pas là.

  • Speaker #0

    Vous pensez que l'amitié se tient à ça et on est obligé de répondre à 3h du matin ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a un peu le côté obligatoire de se donner des nouvelles, d'aller boire des coups, de fêter des trucs ensemble, de tout se dire et tout, m'ennuie assez. On communique tout le temps, donc ça suffit une fois que je suis chez moi, j'ai envie d'être tranquille. Donc l'amitié, c'est emmerdant. Si vous commencez un livre, quelqu'un frappe à votre porte, c'est très emmerdant.

  • Speaker #0

    Changer d'adresse ?

  • Speaker #1

    C'est ce que je fais sans cesse.

  • Speaker #0

    En tout cas, s'il y a une adresse où on peut vous retrouver, ce sera dans toutes les librairies. surtout pour un prochain roman, début 2026. Et je vous en souhaite le meilleur, parce que celui qu'on peut lire actuellement, Une trajectoire exemplaire de Nagui Zinet, il est vraiment formidable. Et je le conseille à tous les auditeurs, les auditrices d'Un Café au Comptoir. Merci beaucoup, Nagui.

  • Speaker #1

    Merci à vous.

  • Speaker #0

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici. Et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

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Description

Dans cet épisode d'Un Café au Comptoir, plongez dans l’univers brutal et sans compromis de l’écrivain Nagui Zinet, un auteur autodidacte et provocateur.


Son premier roman Une trajectoire exemplaire secoue la scène littéraire française. Ce roman court, écrit avec la même intensité qu'un coup de poing, explore la réalité de ceux qui n’ont pas été gâtés par la vie, tout en dressant un portrait saisissant d’un anti-héros en quête d’évasion.


À travers une conversation intime, Nagui nous dévoile son rapport à l’écriture, à la solitude et à la littérature. Mais attention, ce n’est pas un entretien comme les autres. Il nous parle sans filtre de ses influences littéraires – Raymond Carver en tête –, de son aversion pour les tendances littéraires françaises actuelles et de son regard acéré sur la société. Un mélange de cynisme, d’humour noir et de vérité crue, où il aborde la question de l’autofiction, de la publication et de la place de l’écrivain dans un monde de plus en plus déconnecté.


Et que dire de l’homme derrière le livre ? Entre une vision tranchée de la littérature et des anecdotes sur sa vie de bohème, Nagui ne fait pas dans la demi-mesure. Une discussion sans concession, où il défend ses opinions, son mode de vie, et sa vision d'un monde littéraire souvent trop formaté.


Cet épisode est une invitation à plonger dans l'esprit d'un écrivain qui refuse de se conformer aux codes et aux attentes. C’est aussi une exploration de ce que signifie être écrivain aujourd'hui, loin des dorures des salons littéraires et des diktats de la reconnaissance.


🔥 Un épisode à ne pas manquer si vous aimez la littérature brute, les auteurs inclassables, et ceux qui n’ont pas peur de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. 🔥


👉 Abonnez-vous, laissez 5 étoiles, et partagez ce podcast autour de vous !


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Nagui Zinet :

https://www.instagram.com/nestormaigret




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Edouard Louis sans être une remorque ? Je me relis pas. Même le roman, les épreuves, je les ai même pas lues. Relu, une fois que c'est fini, c'est fini. Personnage de loser, en tout cas de... Genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon, quoi.

  • Speaker #1

    Un jour où tu scrolles sur Instagram comme n'importe quel kidam, tu tombes sur un compte narrant le quotidien supposé d'un gars qui occupe une bonne partie de ses journées à écrire. Tu vides le contenu de ta théière dans ta tasse, tu bois ton thé d'un trait et tu te perds dans la lecture de ses publications numériques. Tu remontes le fil du temps de ses posts, plus de 400, et tu découvres un savoureux cocktail d'expérience joyeusement triste. Tu fais une pause, tu vas chercher dans ton frigo un vieux Perrier éventé, tu le siffles et tu rep... part te retourner le cerveau avec les morceaux choisis de vie d'un mec dont tu ne peux t'empêcher rapidement de dire « quel personnage celui-là » . Tu apprécies son style brut, incisif, sans pitié, tu t'étonnes de sa capacité à descendre plus d'alcool en une journée que tu ne le ferais en un trimestre, tu te presses un citron, rajoutes un peu de sucre, un glaçon, trois rognures de gingembre et de l'eau, et tu te tortures les méninges pour faire la part du vrai et du faux du récit du quotidien si drôlement exposé de cette auteur aux cheveux longs plus jeune que toi. C'est au moment où tu t'aperçois qu'il a sorti un livre, que tu n'as hélas pas lu, que tu te souviens qu'il te reste un peu de bissap. Celui-là, préparé et offert par ta voisine du dessus, engage de paix après t'avoir inondé la salle de bain. Alors tu te désaltères, tu rejoins la rue, tu marches jusqu'à la librairie du coin où le libraire te dit le plus grand bien de l'écrivain qui t'intrigue. C'est un autodidacte, il paraît qu'il n'a même pas le bac, mais quelle érudition te lance-t-il ? Alors tu vérifies, tu apprends ainsi que des célébrités du monde littéraire ont porté au nu ce provocateur du verbe « eau » . Le bouquin que tu cherches, Son premier roman intitulé « Une trajectoire exemplaire » a même figuré dans la première sélection du prix de Flore 2024. Ça t'embouche un coin alors ! Tu siphonnes à la paille ton mug de café-filtre bien trop amer, et tu quittes la place, puisqu'ils n'ont pas le livre en question, en stock. À bout de patience, tu te pointes à la FNAC, où tu dois d'abord composer avec une pouffiasse et un cuistre déguisés en coureurs cyclistes qui t'offrent une canette d'une boisson énergisante dégueulasse. Tu résistes à ton envie de gerber et tu parviens à rejoindre l'étage réservé à la fiction. là. Une vendeuse au maquillage aussi chargée que son haleine te gratifie d'un effrayant sourire avant de te tendre. Les 110 pages reliées que tu convoites. Au dos du bouquin, nulle photo de l'écrivain à lunettes, fan de romans noirs à la Jim Thompson et de Georges Simenon. Sur la première de couverture, une image montrant les toits en zinc d'immeubles haussmanniens flottant dans un ciel rougeoyant. Assoiffé de ces mots, tu te poses à la terrasse du premier bar venu pour découvrir une histoire principalement écrite à la deuxième personne du singulier et tu te dis « Bien vu, le tu ! » Tu en oublies. de boire et tu te décides à contacter ce tout juste trentenaire dont tu te dis que s'il continue sur cette pente, il pourrait bien ne pas fêter ses 40 ans. Et lui s'en amuse visiblement. L'interview paraît nécessaire, tu ne peux pas le laisser passer. Et c'est ainsi que tu te retrouves face à un drôle de gars, ton invité du jour, du café au comptoir. Bonjour Nagui.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Nagui Zinet, c'est quoi la différence entre un auteur et un écrivain ?

  • Speaker #0

    Je ferais la séparation entre la fiction et l'essai. L'écrivain, c'est quelqu'un qui a quelque chose à dire et qui a une envie viscérale d'écrire. L'auteur, c'est celui qui écrit pour écrire, qui veut écrire un roman plus qu'écrire.

  • Speaker #1

    Vous, on a bien compris que c'est plus écrivain. J'ai l'impression que ça vous tient aux tripes.

  • Speaker #0

    C'est la seule chose, c'est la seule forme de solitude qui est acceptable. L'écriture offre la liberté. son corollaire qui est la solitude. Donc oui, c'est ce qui me tient, et c'est ce qui me permet de supporter au quotidien les conneries qu'on doit supporter. Parce que je me dis toujours que je pourrais en faire quelque chose après, le mois de rendez-vous administratif ou que sais-je, pénible, on sait qu'on va toujours croiser un con dans la salle d'attente, et du coup, on pourra après s'en venger sur le papier. Oui, donc ça me tient.

  • Speaker #1

    Je me suis permis d'emprunter votre style. pour l'écriture de cette introduction.

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une erreur d'ailleurs, parce que je ne suis pas apparu dans la première liste du prix de flore. J'en étais finaliste. Donc plus que la première, donc trois listes, c'est encore mieux, pour ne pas l'avoir à l'unanimité. Je n'ai même pas eu une voix qui n'était pas plus mal d'ailleurs. Je n'aime pas le vin qui... Je ne sais pas ce qu'ils donnent du vin pendant un an.

  • Speaker #1

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Oui, gratos, mais bon. C'était de l'intérêt de ce prix, mais je ne l'ai pas eu.

  • Speaker #1

    Pourquoi écrit-on en étant publié ?

  • Speaker #0

    La publication, c'est un accident. Mais après, pourquoi écrire ? Tout simplement, à un moment de ma vie, j'ai commencé à lire beaucoup. Alors, je me suis mis à écrire. Comme un enfant qui aime regarder des dessins animés, il lit des livres illustrés, il se met automatiquement à dessiner. Et moi, c'était à peu près pareil. Si je m'étais pris passion pour le rock, ce qui n'est pas le cas du tout, je déteste ça, mais je me serais mis à la guitare. ça vient naturellement d'essayer je crois que tous les gens qui aiment lire ont essayé à un moment ou à un autre de leur vie d'écrire publier ne change rien globalement mais en même temps vous avez écrit

  • Speaker #1

    sur Instagram donc publier également ma question va encore plus loin c'est pourquoi on a envie d'être lu par les autres ?

  • Speaker #0

    oh pour peur d'artisisme Il faut bien que l'ego soit flatté. La publication, la réponse que je n'ai pas réussi à donner juste avant, la publication aide à nourrir son ego. Et ça fait oublier... Quand vous êtes un écrivain, on vous pardonne beaucoup plus que quand vous n'êtes pas écrivain. On oublie votre laideur, on oublie votre pauvreté, on oublie tout. Vous êtes écrivain. C'est l'avantage de la publication. Sinon, c'est beaucoup d'emmerdes, de publier un livre. Vous savez, aller signer trois livres dans un village perdu, où il y a quatre profs à la retraite qui vous posent des questions débiles à la fin, c'est pas très amusant. Il y a très peu de moments amusants. Moi, ce qui me plaît, c'est d'écrire, c'est pas les à côté. Ça me plaît même pas d'écrire, d'ailleurs. J'écris parce que j'aime bien la... La comparaison que fait Jean-Paul Dubois avec la tondeuse à gazon. J'écris le matin comme je tonderais le gazon. Je n'y pense même pas. C'est-à-dire que c'est naturel. J'ai besoin de ça. La première chose que je vais faire quand on se quittera tout à l'heure, pour mon ordinateur, ce sera de relater ce qui s'est passé de mon réveil à ce moment où je suis en train de vous parler. Je parlerai même de votre chien.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ? Il s'appelle Pickles. Et ce que je voulais savoir, c'est, elle a quoi d'horrible, cette vie que l'on veut fuir en écrivant ? Et elle a quoi de merveilleuse, cette vie que l'on a envie de raconter, peut-être de sublimer ?

  • Speaker #0

    Ah non, je n'ai aucune envie de sublimer la vie. J'ai besoin de la supporter. Je n'ai pas l'ambition de la sublimer.

  • Speaker #1

    Pourtant, vous utilisez les bons mots pour rendre le sublime. pour rendre sublime une certaine noirceur.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas, je ne suis pas méorgie, je ne me rends pas compte de ce que j'écris. Moi, j'écris comme ça, je ne me relis pas. Même le roman, Les Épreuves, je ne l'ai même pas relu. Je ne l'ai même pas relu. Une fois que c'est fini, c'est fini. Le personnage vit un moment qu'il ne se relit pas parce qu'il a passé l'âge où on prend plaisir à... renifler ses propres instruments et ça peut préparer pour moi se relire je serais très prétentieux de relire et on a envie de tout arrêter il ya une nouvelle de phil gérald comme ça qui s'appelle l'après midi d'un écrivain et il il est à décrire chaque fois qu'il avait la tête qui tombe sur un livre de tolstoy de ceïevski ou peu importe et il devient fou quoi et il balance où sa table etc parce que Si on se relie, on peut trouver que ça nul, vain. Donc il ne faut pas trop se relire, il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Il faut juste écrire. Après, s'il y a une éditrice, un éditeur ou une éditrice, moi c'est une éditrice qui a un pète au casque assez suffisant pour me publier, tant mieux. Ça ne change rien à la vie en général. Ça ne vous rend pas riche. Il n'y a rien. Vous êtes reconnu quelquefois dans la rue. Vous êtes content. Vous vous crânez un peu, c'est tout. Aujourd'hui, j'ai mis ma casquette pour pas être connu. Vous n'avez plus les cheveux longs,

  • Speaker #1

    comme j'en parlais dans le portrait ?

  • Speaker #0

    Non, je les ai coupés. Sur une impulsion que je regrette amèrement, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'était une coquetterie ?

  • Speaker #0

    Je sais pas, je me suis dit, Dieu vaut milliers de chèdes, alors je devais aller chez le coiffeur. Mais en même temps, je voulais pas y aller pour qu'il me coupe 2 cm. Alors du coup, j'ai dit, rasez tout. Et il a tout rasé. Mais là, ça va, ça repousse.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que... Quand bien même vous paraissez vous en foutre des autres, j'ai l'impression qu'il y a un style de l'écrivain. Est-ce que vous avez envie de vous montrer ? tel que vous rêvez vous-même ?

  • Speaker #0

    Non, pas du tout. En plus, je ne suis pas comme les poètes du 5e arrondissement. Je m'habille normalement, je ne fréquente aucun cocktail, je ne veux aucune présentation de livres. C'est un milieu que je ne fréquente pas. Ce ne sont pas des collègues. Je considère l'écriture comme l'existence d'ailleurs, comme un sport individuel. Du coup, je ne me vois pas en écrivain. Je ne me lève pas le matin en me disant que je suis un écrivain. Je suis juste un type qui essaye d'avoir suffisamment d'argent pour acheter ses cigarettes et le nombre de verres qu'il faut, c'est tout. Et les livres. Mais je ne me vois pas en écrivain. Je ne suis pas un écrivain. Pour moi, un écrivain, c'est Caroleur.

  • Speaker #1

    Vous êtes complètement écrivain, vous le savez quand même.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vivez pour ça ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris, mais écoutez, j'ai détesté quand j'étais enfant, les gens qui disaient qu'on jouait au foot et qu'ils mettaient deux manteaux pour faire les buts. Ils ne jouaient pas au foot, ils jouaient au ballon. Moi, j'ai l'impression de jouer au ballon. Quand je lis Carver, ou quand je lis Fitzgerald, ou quand je lis Céline ou Thompson, peu importe, j'ai l'impression de jouer au ballon à côté d'eux.

  • Speaker #1

    Les personnages de fiction, est-ce qu'ils sont plus aimables, j'entends par là qu'on peut les aimer, que les personnes autour de vous ?

  • Speaker #0

    Ils ont l'avantage de ne pas exister, déjà. Non, c'est qu'on les fréquente moins longtemps, c'est ça qui est pas mal. Non, ce qui est bien avec les personnages de fiction, ce qui est merveilleux, c'est assez rare, il n'y a que les grands écrivains qui parviennent à ça, mais c'est quand ils arrivent à nous faire, à mettre des mots sur ce qu'on a déjà ressenti sans avoir su l'exprimer nous-mêmes. Donc des fois ils nous renvoient, ce sont des sortes de miroirs parfois, mais ça ce sont les grands écrivains, il y en a peu. On est 600 connards à peu près à la rentrée, sortir des romans, bon il n'en reste rien à la fin. Il y a un grand écrivain, je ne saurais même pas dire quel est le grand écrivain français, un américain il y en a quelques-uns. En français, je ne saurais même pas vous dire. Oh, peut-être Modiano. Et encore, ces derniers, bon, ça fait 50 ans qu'ils écrivent le même livre. Je m'en fous, je ne suis plus chez Gallimard.

  • Speaker #1

    Comment ça se fait, justement, qu'il y ait plus cette fascination de certains auteurs américains par rapport aux hexagonaux ? Est-ce que... Est-ce qu'en France, on se regarde plus le nombril ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire toute cette littérature, sans disant engagée, la littérature de transfuge, qui est très à la mode. Oui, la littérature à l'au-moment bobo, qui est assez insupportable. Oui, je ne trouve pas l'élan universel que je peux trouver chez Aaron Rash, par exemple. aux États-Unis, ou chez Donald Rappoloch. Voilà, je trouve qu'il y a encore des grands écrivains américains, les Français, je les cherche. Il y en a que j'aime, j'ai cité Jean-Paul Dubot, d'ailleurs j'aime, mais ça reste quand même... J'aime, mais c'est un écrivain qui est très inspiré des écrivains américains, d'ailleurs. Il situe même ses romans à la plupart des États-Unis, donc c'est pas un hasard, c'est l'un des seuls que j'aime. sinon non Edouard Louis pour ne pas citer les gens tout ça pour moi c'est vraiment de la merde est-ce qu'un un bon artiste est un artiste mort ? non ça je crois pas mais oui après mais qu'on me présente le frantiliste contemporain qu'on me présente le Shakespeare contemporain qu'on me présente même le Carver contemporain je connais pas On essaie de nous faire croire qu'il y a des Mozart assassinés, que partout autour de nous, il y a des artistes qui sont empêchés. Je ne crois pas du tout. Je crois juste que la France est un pays un peu perdu pour la littérature en ce moment. Je crois qu'on est dans un creux quand même assez important.

  • Speaker #1

    Abyssal.

  • Speaker #0

    Oui, Abyssal, oui. Oui, oui, j'ai très peu de contre-exemples. Mais après, maintenant, je ne les lis plus, donc peut-être que je passe à côté de choses. Peut-être que je passe à côté de choses formidables, mais je ne les lis même plus, parce qu'à chaque fois, au bout de la huitième page, j'ai envie de revenir à Carver.

  • Speaker #1

    Il y a quoi dans Carver d'aussi puissant, en fait, qui vous retienne ? Là, je vous ai retrouvé, on est à la terrasse d'un café dans le cinquième arrondissement, que vous détestez. Je parle de l'arrondissement. Et je vous retrouve avec un café, un livre, une clope, et ce livre, Tais-toi, je t'en prie. C'est comme un présage, finalement, à l'interview qu'on est en train de mener.

  • Speaker #0

    Oui, je vous le montrerai quand la question ne me plaît pas. Non, mais chez Carver, ce qui est génial, c'est que je déteste l'emphase et je déteste le lyrisme. Mais chez Carver, en très peu de mots, il retranscrit des atmosphères de manière formidable. Et vraiment, il fait en six pages. parce qu'un très mauvais écrivain français fera en 300 pages. Et je mets la simplicité qui va droit au but, et cette façon de raconter le néant, la vie des gens quotidiennes, donc l'alcoolisme, les problèmes conjugaux, l'enfant qui part de la maison, le chien, la facture d'électricité qu'il faudra bien payer. Les arrivats rendent ça très poétique sans essayer de faire de la poésie. Ça, pour moi, c'est la meilleure définition de la littérature. Colette avait donné comme conseil à Simonon et à Emmanuel Bove, moins de littérature, moins de littérature. Simonon avait repris ça à son propre compte et il disait, n'écrivez pas « il pleut averse » , écrivez « il pleut » . Et voilà ma conception de la littérature.

  • Speaker #1

    Allez sur l'os.

  • Speaker #0

    Oui, il faut qu'elles soient sur l'os. À moins, ça, si on se prend pour James Joyce ou pour Proust, il faut être vraiment un grand écrivain pour se permettre de ne pas écrire à l'os. Sinon, c'est vite d'après-tentation. Et on les voit, ces gens qui essayent d'impressionner, comme j'y référais, de nous montrer qu'ils ont bouffé le litre. C'est très amusant. On dirait qu'ils écrivent avec le dictionnaire des synonymes à côté d'eux. C'est assez amusant. C'est pour ça que l'literature française, je m'en tiens assez loin, à part pour les morts, deux, trois vivants à l'occasion.

  • Speaker #1

    En lisant votre livre, je me suis dit, il y a énormément de vécu là-dedans, mais ce n'est pas une autofiction. L'autofiction, pour vous, ça vous évoque quoi ?

  • Speaker #0

    J'en pense à peu près la même chose que les récits de Transfuge. Moi, je ne fais pas d'autofiction, comme vous avez dit. Le personnage me ressemble, c'est tout. Il me ressemble physiquement, socialement, tout ça. Mais je ne me raconte pas ce qui m'est arrivé. Dans le roman, en tout cas. Sur Instagram, ça m'arrive d'être plus premier degré. Sur le livre, non. Le personnage me ressemble, mais je ne suis pas le personnage. Et il ne m'arrive pas... Je ne serais pas devant vous s'il m'arrivait la même chose que le personnage.

  • Speaker #1

    Justement, on va faire un vrai ou faux Nagui Zinet. Vrai ou faux, vous n'avez aucun diplôme, même pas le bac.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. J'ai arrêté l'équivalence de la seconde. J'étais scolaire israélien. J'ai arrêté... En France, ce serait la seconde. Je suis du nord de la France. J'habitais à la frontière, donc on pouvait aller soit à l'école en France ou en Belgique. Moi, c'est en Belgique. J'aurais raté de la même façon et de manière aussi superbe en France.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait qu'on lâche à cet âge-là ?

  • Speaker #0

    Je n'y arrivais pas. Je ne reprenais pas ce qu'on me demandait. Ce n'était pas pour moi. Je savais très bien que je ne serais pas d'études supérieures, etc. Socialement. Je m'en foutais, j'attendais que les heures passent. Il y a des choses qui ne sont pas faites pour les gens. L'école, ce n'était pas fait pour moi. Mais ça ne m'a pas empêché. Après, j'ai fait ce que j'ai voulu. Je ne me sens pas empêché de ne pas avoir le bac. Le bac ne sert à rien. Le bac, c'est... Je n'aurais pas pu de toute façon faire des études supérieures, parce que j'aurais dû bosser rapidement, etc. Donc le bac tout seul, vous prenez une boîte de chocolat, vous la pliez en quatre, vous avez le bac aujourd'hui. Donc ça ne sert à rien. Donc bon, je ne me suis pas trop emmerdé.

  • Speaker #1

    Comment on poursuit son éducation culturelle soi-même ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est l'ennui. Je me retrouve à 18 ans, je prends un appartement. Je m'ennuie beaucoup et je commence à lire beaucoup. Mais c'est l'ennui qui m'a fait lire. C'est une occupation du temps. Je ne sacralise pas du tout la littérature. Pour moi, c'est une occupation du temps comme une autre. J'ai tendance à dire que la littérature, sauf quand on a affaire à des génies, n'est pas plus importante que le football ou toute autre chose.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est grâce aux réseaux sociaux que vous avez été publiés.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai. C'est mon éditorialiste Joëlle Lossfeld qui lisait mes chroniques sur Instagram, elle aimait bien. Moi ma porte naturelle c'est le chèque secours, je voulais faire des nouvelles. Et elle m'a dit que pour aller de nouvelles en France c'est pas terrible. Donc si vous écrivez un roman il y a de grandes chances que je le publie. Donc je suis rentré et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #1

    En trois semaines c'est vrai ?

  • Speaker #0

    En trois semaines oui. Sinon, je ne l'aurais jamais fait de moi-même. Je n'aurais jamais fait un éditeur. Pour moi, c'est un hasard. Mais le hasard est beau parce que c'est une éditeuse. Quand j'ai commencé à lire beaucoup, je lisais Albert Causserie et Jean Meker qui sont édités par Joël Lassalle. Du coup, le hasard a bien fait les choses. Je m'en fous un peu d'être publié, mais je suis très content d'être publié par Joël Lassalle.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, afin de mieux pouvoir le raconter, vous avez effectivement assassiné quelqu'un.

  • Speaker #0

    Hélas, non. Non, non. Pas non. Pas encore, tu peux venir. Si je n'ai pas d'inspiration sur le troisième roman, peut-être. Pour l'instant, non.

  • Speaker #1

    Ou le fantasme ?

  • Speaker #0

    Non, non, non, je n'ai pas de fantasme morbide. Je préfère le mépris à l'arme, à l'arme blanche. Parce que j'ai la définition de l'anarchie que l'on brassin, c'est de... traverser au piéton pour ne pas avoir besoin de parler aux flics. Donc je ne tuerais pas quelqu'un, parce que là, je serais obligé de me taper de l'administration.

  • Speaker #1

    L'idée du roman, elle est venue comment ? Ce roman qu'on pourrait qualifier de roman court, qui est vraiment une plongée dans un bout de vie, où tout va à 100 à l'heure, même si il ne se passe pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Non, ce qui m'intéressait, c'était d'abord le quartier à Lille. la fréquentation des bars et le mensonge. Je suis fasciné par le mensonge et à quel point le mensonge le plus anodin peut avoir des conséquences terribles. On connaît la fameuse affaire Romand, le faux médecin qui a fini par tuer toute sa famille pour ne pas assumer ses mensonges. Oui, ça me fascine parce que c'est une extrapolation finalement, le remords de ce qui peut arriver tous les jours. Vous dites à votre copine que vous n'êtes pas passé au bar. le lendemain elle voit le ticket de caisse du bar, elle croit que vous avez couché avec la serveuse. Et c'est une extrapolation, un peu en forme d'hommage au roman noir, de ce qui arrive tout le temps, c'est-à-dire des petits mensonges anodins qui prennent des proportions débiles et des engrenages qui peuvent être terribles.

  • Speaker #1

    Jusqu'à donner un roman ?

  • Speaker #0

    Oui, un roman où une fois que vous avez l'atmosphère, un personnage... Une petite idée, c'est facile. Après, il n'y a qu'à se laisser porter.

  • Speaker #1

    Ce personnage qui n'a qu'une initiale comme prénom, il est proche de vous. Comment vous arrivez à dissocier tout cela, créer un personnage davantage par rapport à votre vie ?

  • Speaker #0

    Ça m'a pas rendu schizophrène d'écrire ce roman. effectivement, il porte une initiale et c'est la même initiale que... en portant mon prénom, mais non, je n'ai pas eu besoin de dissocier quoi que ce soit. Quand j'écrivais, je n'avais jamais l'impression d'écrire sur moi. Le seul truc qui me rapproche du partenariat, ce sont ses goûts en termes de littérature et de chansons. Mais sinon, le reste, non.

  • Speaker #1

    Là où il vous ressemble, j'ai l'impression, c'est dans sa facilité à détester pas mal de choses. et à être direct, en tout cas avoir un avis très tranché sur tout ce qui l'entoure.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même un personnage qui passe son temps dans les bars, et il n'y a pas d'endroit où on a d'avis plus tranchés que ça. C'est vrai que j'aime bien les avis un peu à leur porte-pièce et sans nuance. Ça m'amuse beaucoup dans les bars d'écouter des gens dire des choses absolument folles. avec une assurance terrible, ça m'amuse. Ça m'amuse, oui, j'ai des avis très tranchés. Je me vois un peu, pas comme un moralisateur, mais comme un moraliste. C'est vrai que je peux passer des heures à une terrasse, regarder les gens, écouter les conversations des gens autour de moi, et là, après, je peux être un peu assassin.

  • Speaker #1

    Vous, vous n'êtes pas du tout comme Emmanuel Macron qui dit « En même temps, il n'y a pas d'heure en même temps, c'est blanc ou noir. »

  • Speaker #0

    Non, parfois, c'est plus nuancé. Oui, mais c'est souvent que je vois les choses plus en noir qu'en blanc. Et souvent, ce qui m'interpelle aussi, les conversations qui vont m'interpeller quand je suis en terrasse, sont forcément celles qui vont m'irriter ou celles qui vont m'intéresser parce qu'elles me semblent aberrantes. Donc forcément, ça donne après un compte-rendu noir. Je peux écouter la conversation mignonne du grand-père avec sa petite-fille en train de boire un chocolat chaud et qu'elle raconte sa journée d'école. Son grand-père, c'est très mignon, c'est très touchant, mais ça, je ne vais pas l'écrire. Si j'étais photographe, je préférerais photographier une nuit d'orage qu'un ciel bleu comme aujourd'hui. Ça n'a aucun intérêt.

  • Speaker #1

    Le contraste.

  • Speaker #0

    Oui. Prendre en photo un ciel bleu, bon, aujourd'hui tout se vend, mais quand même, ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

  • Speaker #1

    Tout ne s'achète pas forcément. Votre personnage, comme je disais, il n'a rien à faire des autres, finalement. On a l'impression qu'il n'a pas forcément envie de plaire à tout prix. Il a une certaine envie de séduire, mais juste pour s'en sortir, lui.

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que même au-delà de son histoire d'amour, ou on peut appeler ça comme on veut, il a quand même ce besoin de faire rire les gens, par exemple. De faire le clown, etc. Donc c'est déjà une envie de plaire, quand même. Quand il est avec les amis de sa compagne, il essaie d'amuser la galerie. Et quand on essaie d'amuser la galerie, c'est qu'on veut plaire.

  • Speaker #1

    Plaire ou subsister ? Rester, continuer à vivre dans quelque chose, justement, dans le mensonge qu'il a créé ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il est terriblement mal à l'aise. Il fait le clown. Il veut leur plaire en faisant le clown, parce qu'il est mal à l'aise. Pour plein de raisons. Il a toutes les raisons de l'être, mal à l'aise. sans vouloir trop en dévoiler.

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il créé lui-même un personnage dans son personnage.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. C'est-à-dire qu'il s'est inventé un personnage presque gazbourien ou bukovskien parce qu'il ne se sent pas à sa place. Il n'est pas du tout à sa place. Il n'est pas dans son milieu. Il est plus jeune que les autres. Donc, il a besoin de quelque chose pour exister. Il se crée ce personnage un peu fou, une sorte d'ivrogne rigolo, à deux balles. Il a besoin de ça, oui.

  • Speaker #1

    Je vous regardais et je me disais, pour d'autres romans, vous avez envie d'inventer d'autres personnages ou creuser, finalement, ce genre de... presque d'archétype. Alors j'ai lu dans certains articles qu'on s'était qualifié de clochard céleste finalement.

  • Speaker #0

    Il y a de ça, du poète désabusé.

  • Speaker #1

    Le deuxième roman est déjà terminé, il sera publié en premier trimestre 2026. Oui, ça croise un peu ça, mais d'une autre manière. Parce que je n'ai plus la même vie que j'avais pour le personnage d'une trajectoire exemplaire à 25 ans. Et quand j'avais 25 ans, je fréquentais ces barres-là, etc. Maintenant, j'ai une vie tout simplement différente. Et du coup, je creuse quand même cette idée de défaite, de personnage battu à l'avance, qui commence la vie en étant mené 3-0, mais en moins référencé, moins hommage au roman noir. Il n'y aura pas d'hésitation sur le fait que ce soit un roman noir ou un roman tout court. Mais oui, creuser la... personnage de loser, en tout cas de genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon.

  • Speaker #0

    Si jamais vous faites un énorme succès, ça vous rapporte énormément d'argent, est-ce que d'aucuns pourront dire « Ah bah oui, mais lui, c'est un transfuge de classe. »

  • Speaker #1

    Oui, je demanderais à Édouard Louis d'écrire ma biographie. Oui, non, bah non, je veux bien, moi, je ne veux pas le best-seller, je veux bien l'argent du best-seller. C'est Coluche, il disait On dit que 30% de gens sortent du travail, c'est faux, de l'argent leur suffirait. Oui, ça serait le transfuge de classe. J'ai vécu des moments étonnants, par exemple, je suis finaliste du fleur, je passe ma soirée du fleur et je sors de là, je n'ai pas un centime pour m'acheter un paquet de cigarettes. cette période de promotion du livre et tout était une période assez contradictoire. En même temps, j'étais invité dans les endroits où on me faisait voyager gratuitement, où on me logeait, hôtel et tout ça. Et à côté de ça, je n'avais rien pour subsister. Donc voilà, il y a comme ça un contraste qui est assez étonnant entre vous passez sur France Inter l'après-midi et le soir vous vous demandez comment vous allez payer votre steak haché. Donc oui, il y a une petite erreur. Question de transfuge, comme ça. Mais un transfuge qui ne me rapporte rien, pécuniairement, donc ce n'est pas très intéressant. Edouard Louis a su fructifier ça.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs fois que vous le citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une de mes cibles favorites avec Arthur Théboul, le chanteur, le poète. On m'a dit d'arrêter de le citer, donc je l'appelle Arthur T. maintenant, sur Instagram. Les gens le reconnaissent, surtout que je mets ses photos. Ce sont des gens qui me fascinent. C'est vraiment pour moi toute la décadence culturelle française de la chanson et de la poésie. On peut dire Arthur Tayboul, pour la littérature on peut dire Edouard Louis. Pour moi les deux, c'est vraiment tout ce que je déteste. Et là c'est pas de la blague, quand j'en parle sur Instagram, des fois je peux exagérer sur d'autres personnes, en faire trop, rien que pour le plaisir du bon mot, ou quoi. que là ce sont des gens que je déteste vraiment et dans le oui je lui en veux je trouve ça honteux ce qu'il fait, je trouve ça immoral voilà donc c'est des gens que je déteste moi ce ne sont pas des collègues je leur dois rien j'ai le droit de détester dans le oui, je le dis,

  • Speaker #0

    c'est tout ce qui est génial avec vous c'est que vous n'avez pas peur de détester quelqu'un, vous n'avez pas peur de l'affirmer d'aucuns vont prendre un peu des des... faire des ronds de jambon, essayer d'affimer les choses. Non.

  • Speaker #1

    Non, je m'en fous parce que ce ne sont pas des collègues. Le seul truc que je me suis empêché, c'était... Je vais m'empêcher en janvier, quand le deuxième roman sortira aussi, c'est-à-dire d'attaquer ceux qui sortent un livre en même temps que moi. Ça, je me l'empêche. Mais sinon, le reste, non, je m'en fous. Ce ne sont pas des collègues, j'ai rien à voir avec eux. On travaille pas ensemble.

  • Speaker #0

    Tu n'as pas peur de faire des ennemis, en fait ?

  • Speaker #1

    Non. Je ne me fais pas d'amis non plus, j'en veux pas, je ne les fréquente pas, moi les écrivains, ce sont des gens qui ne m'intéressent pas. Et pour avoir fait pas mal de festivals, tout ça, j'ai pu voir, c'est assez bas moralement, les écrivains, c'est un milieu. J'ai entendu des gens écrier comme Jean-Tiffard Edouard Louis pendant une heure, et deux jours après, voir sur les réseaux sociaux. faire leur héloge. C'est pas un milieu comme ça, c'est pas un milieu « bah, euh, bon les grandes maisons d'édition, les grands groupes et tout ça, ce sont des vendeurs de godasses avant tout, hein, ils s'en foutent du contenu » . ils pourraient découvrir un écrivain comme Carver maintenant, ils préfèreraient publier la biographie de je ne sais quel présentateur, il serait Météo...

  • Speaker #0

    Un instagrammeur ?

  • Speaker #1

    Oui voilà, ce sont des commerçants. C'est un milieu qui m'intéresse pas, moi ce qui m'intéresse c'est d'écrire, c'est tout. et publié avec une éditrice que j'aime bien, qui j'ai des bons rapports, et qui a publié des auteurs qui me sont chers, c'est tout.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que vous venez d'une autre époque. Vous auriez aimé être dans une autre époque ?

  • Speaker #1

    Non, parce que j'aurais peut-être pensé la même chose. Non, je crois comme Philippe Muray, que toi tu aurais été irrespirable. Non, je ne rentre pas sur ce terrain-là parce que... Peut-être que dans les années 60, j'aurais craché sur... Ou peut-être qu'au début, quand Carver a commencé à publier, j'aurais trouvé ça détestable, ce minimalisme, et j'aurais dit quel dévoiement de la littérature, on ne sait pas. Peut-être que j'aurais réagi de la même façon, mais avec d'autres thèmes. Donc je ne sais pas. Non, je suis né en 94, je suis né en 94. Je n'ai pas eu le choix. Voilà, de ce propos, j'aurais été mieux avec une autre époque, non ? J'aurais détesté autre chose, c'est tout.

  • Speaker #0

    Il faudrait que vous m'expliquiez pourquoi vous n'aimez pas les personnes qui ont un t-shirt de groupe de rock.

  • Speaker #1

    Je déteste le rock.

  • Speaker #0

    Vous écoutez de la musique d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, j'écoute de la musique.

  • Speaker #0

    Ah oui, de la chanson française, beaucoup.

  • Speaker #1

    Chansons, du classique aussi un peu. Beaucoup de chansons, oui. Le rock, oui. Je trouve grotesque. C'est vrai que les t-shirts de groupe de rock... J'ai aimé le football. pendant longtemps. Même quand j'étais petit, je n'ai jamais été intéressé par l'idée d'avoir un tee-shirt, un maillot de footballeur. Je trouve ça ridicule de montrer son appartenance. Mon identité, c'est que j'aime Nirvana. Je trouve ça ridicule. Après, je déteste, c'est un grand mot. Je peux bien m'entendre avec quelqu'un. Il doit bien y avoir des gens très bien qui ont un tee-shirt Nirvana dans leur placard. Je ne les connais pas, mais ça doit exister.

  • Speaker #0

    Vous en avez un en face de vous.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas de choc de marijuana.

  • Speaker #0

    J'en ai un dans mon placard.

  • Speaker #1

    S'il reste dans le placard, c'est que ça va.

  • Speaker #0

    Traditionnellement, dans un café au comptoir, je vous pose quelques questions, une sorte de quiz sur le monde du café, de la boisson. Mais je sais que vous essayez d'arrêter l'alcool. Oui,

  • Speaker #1

    j'ai fait une cure récemment. C'est très pénible. Les journées sont très longues. On s'endort moins. C'est... Moins intéressant de rester longtemps au comptoir, ça empêche de faire des choses parce que écouter du Kellington en buvant un lait frais, c'est pas très intéressant.

  • Speaker #0

    Vous avez essayé les mocktails ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je préfère me faire euthanasier. C'est vrai ? Non, mais après, ça rend le contact social plus difficile. C'est vrai que... La plupart des gens, quand j'étais en promotion pour le livre, c'est vrai que si je n'avais pas été ivre mort pendant toute cette période, je ne sais pas comment j'aurais supporté. Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Édouard Louis sans être ivre mort ? Ce n'est pas possible. Vous êtes obligés d'être un minimum éméché.

  • Speaker #0

    Ça aide à supporter les interactions.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un peu. J'ai l'écriture le matin pour tenir. et j'avais l'alcool le reste de la journée et du soir pour tenir aussi la connerie des gens. L'écriture comme l'alcool, c'est pour tenir le monde à distance, quelque part. On a moins mal quand on est dehors, parce qu'on n'est plus vraiment soi-même. Quand on écrit, on n'est plus soi-même, et quand on a bu, quand on a bien bu, on n'est plus soi-même. Donc oui, on... C'est comme... L'alcool, c'est un peu comme, vous savez, dans ces vieux films, avec Ventura, tout ça, ou les films américains, les films noirs américains, où les voyous disent aux flics, mettez-moi en prison, ça chauffe trop dehors. C'est un peu ça, l'écriture, comme l'alcool.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui pousse à vouloir se soigner ?

  • Speaker #1

    Oh, plusieurs raisons. Je pense, conjugale... Hum... Bilan de santé, la réalité. C'est la réalité qui fait qu'on a envie de se soigner de quelque chose qui était censé nous la faire fuir. C'est très paradoxal et très chiant surtout. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir cette abstinence. Parce que la plupart du temps, je me trouve ridicule à être abstinent. Parce que je me dis, mais alors tu fais quoi ? Les soirées sont très longues. J'ai écouté hier Malwa Le Dron, hier soir, qui est un pianiste de jazz, qui a repris beaucoup Satie d'ailleurs en jazz. C'est très bien. Et je me disais, j'étais là comme un con, j'étais tout seul, pourquoi tu ne peux pas encore boire un whisky ? Des fois, je me dis, pourquoi ? Et pour gagner quoi ? 10 ans de vie ? J'aime bien, Jérémy Nada avait dit un truc assez intéressant, quand on nous dit, parce que moi, le médecin m'a carrément dit, si vous buvez de la même façon, dans 10 ans, vous êtes mort à enterrer. Il m'a dit ça, moi, j'ai dit, bon. D'accord, mais les 10 ans d'expérience de vie qu'on perd en alcool, en cigarette, etc., ce n'est pas 10 ans qu'on perd entre 20 et 30 ans, c'est 10 ans qu'on perd entre 80 et 90 ans dans un Ehpad où vos enfants n'ont pas envie de venir vous voir, ça leur fait chier, et vous êtes traités comme une merde. Donc c'est ces 10 ans-là qu'on perd, ce n'est pas les 10 ans de nos 20 ans. perdre les 10 ans d'EHPAD entre 80 et 90 ans, ce n'est pas très grave, je trouve.

  • Speaker #0

    Vous vous imaginez vieillard ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. J'ai raté 27 ans, le club des rockers, j'ai raté. Du coup, j'ai 31 ans, donc je vise Mélange Jésus, Balavoine et Bruce Lee. Tous les trois morts à 33 ans.

  • Speaker #0

    Donc j'en viens à mon quiz. combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ? Parce que dans la bière sans alcool, généralement, il y a 0,5% d'alcool. Donc, combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ?

  • Speaker #1

    J'ai essayé la bière sans alcool, ça n'a aucun intérêt. Je trouve que la bière sans alcool montre un alcoolisme encore plus fort que quand on boit une bière normale. Parce que ça montre vraiment que tu peux pas t'en passer. Du coup, je peux pas savoir parce que j'ai pas essayé avec assiduité, j'ai dû acheter pour faire plaisir à ma compagne une fois un pack de bière sans alcool, mais très vite je suis revenu à la bière normale.

  • Speaker #0

    Il faut boire 12 pintes en très peu de temps pour atteindre un état d'ébriété très léger. Mais il faut faire attention parce qu'il y a l'élimination de l'alcool par le corps également, donc il faut y aller.

  • Speaker #1

    Donc autant picoler, quoi. Il faut faire ça.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, Georges Simenon avait installé un bar chez lui dans lequel il recevait ses amis et où il pouvait écrire.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai. A moins que ce soit une des légendes qui l'entoure, mais a priori, c'est vrai. Eh bien, en fait, pendant quelques temps, il avait installé un bar chez lui. dans lequel il pouvait surveiller, enfin inviter certains de ses amis, ça lui évitait de descendre, d'aller ailleurs, et puis surtout de pouvoir faire la fermeture, et quand certaines personnes étaient même en train de dormir à côté de son bar,

  • Speaker #1

    il criait tranquille. Je n'y étais pas.

  • Speaker #0

    C'est un truc que vous pourriez faire, ça ?

  • Speaker #1

    Non, bon, je n'ai pas le logement, j'habite pas en Suisse, je n'ai pas une grande maison en Suisse, et je n'ai pas d'amis particuliers, donc non.

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas d'amis ?

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, non. C'est emmerdant l'amitié. On est invité au mariage, moi je me suis embrouillé avec mon meilleur ami parce que je suis pas là sur le mariage. Je déteste tout ça, c'était pas fait pour moi. L'amitié, non le truc, on peut m'appeler à 3h du matin, non on m'appelle pas à 3h du matin. T'as tes problèmes, il y a des psys, il y a tout ce que tu veux, mais moi je suis pas là.

  • Speaker #0

    Vous pensez que l'amitié se tient à ça et on est obligé de répondre à 3h du matin ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a un peu le côté obligatoire de se donner des nouvelles, d'aller boire des coups, de fêter des trucs ensemble, de tout se dire et tout, m'ennuie assez. On communique tout le temps, donc ça suffit une fois que je suis chez moi, j'ai envie d'être tranquille. Donc l'amitié, c'est emmerdant. Si vous commencez un livre, quelqu'un frappe à votre porte, c'est très emmerdant.

  • Speaker #0

    Changer d'adresse ?

  • Speaker #1

    C'est ce que je fais sans cesse.

  • Speaker #0

    En tout cas, s'il y a une adresse où on peut vous retrouver, ce sera dans toutes les librairies. surtout pour un prochain roman, début 2026. Et je vous en souhaite le meilleur, parce que celui qu'on peut lire actuellement, Une trajectoire exemplaire de Nagui Zinet, il est vraiment formidable. Et je le conseille à tous les auditeurs, les auditrices d'Un Café au Comptoir. Merci beaucoup, Nagui.

  • Speaker #1

    Merci à vous.

  • Speaker #0

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici. Et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

Description

Dans cet épisode d'Un Café au Comptoir, plongez dans l’univers brutal et sans compromis de l’écrivain Nagui Zinet, un auteur autodidacte et provocateur.


Son premier roman Une trajectoire exemplaire secoue la scène littéraire française. Ce roman court, écrit avec la même intensité qu'un coup de poing, explore la réalité de ceux qui n’ont pas été gâtés par la vie, tout en dressant un portrait saisissant d’un anti-héros en quête d’évasion.


À travers une conversation intime, Nagui nous dévoile son rapport à l’écriture, à la solitude et à la littérature. Mais attention, ce n’est pas un entretien comme les autres. Il nous parle sans filtre de ses influences littéraires – Raymond Carver en tête –, de son aversion pour les tendances littéraires françaises actuelles et de son regard acéré sur la société. Un mélange de cynisme, d’humour noir et de vérité crue, où il aborde la question de l’autofiction, de la publication et de la place de l’écrivain dans un monde de plus en plus déconnecté.


Et que dire de l’homme derrière le livre ? Entre une vision tranchée de la littérature et des anecdotes sur sa vie de bohème, Nagui ne fait pas dans la demi-mesure. Une discussion sans concession, où il défend ses opinions, son mode de vie, et sa vision d'un monde littéraire souvent trop formaté.


Cet épisode est une invitation à plonger dans l'esprit d'un écrivain qui refuse de se conformer aux codes et aux attentes. C’est aussi une exploration de ce que signifie être écrivain aujourd'hui, loin des dorures des salons littéraires et des diktats de la reconnaissance.


🔥 Un épisode à ne pas manquer si vous aimez la littérature brute, les auteurs inclassables, et ceux qui n’ont pas peur de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. 🔥


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présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Nagui Zinet :

https://www.instagram.com/nestormaigret




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Edouard Louis sans être une remorque ? Je me relis pas. Même le roman, les épreuves, je les ai même pas lues. Relu, une fois que c'est fini, c'est fini. Personnage de loser, en tout cas de... Genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon, quoi.

  • Speaker #1

    Un jour où tu scrolles sur Instagram comme n'importe quel kidam, tu tombes sur un compte narrant le quotidien supposé d'un gars qui occupe une bonne partie de ses journées à écrire. Tu vides le contenu de ta théière dans ta tasse, tu bois ton thé d'un trait et tu te perds dans la lecture de ses publications numériques. Tu remontes le fil du temps de ses posts, plus de 400, et tu découvres un savoureux cocktail d'expérience joyeusement triste. Tu fais une pause, tu vas chercher dans ton frigo un vieux Perrier éventé, tu le siffles et tu rep... part te retourner le cerveau avec les morceaux choisis de vie d'un mec dont tu ne peux t'empêcher rapidement de dire « quel personnage celui-là » . Tu apprécies son style brut, incisif, sans pitié, tu t'étonnes de sa capacité à descendre plus d'alcool en une journée que tu ne le ferais en un trimestre, tu te presses un citron, rajoutes un peu de sucre, un glaçon, trois rognures de gingembre et de l'eau, et tu te tortures les méninges pour faire la part du vrai et du faux du récit du quotidien si drôlement exposé de cette auteur aux cheveux longs plus jeune que toi. C'est au moment où tu t'aperçois qu'il a sorti un livre, que tu n'as hélas pas lu, que tu te souviens qu'il te reste un peu de bissap. Celui-là, préparé et offert par ta voisine du dessus, engage de paix après t'avoir inondé la salle de bain. Alors tu te désaltères, tu rejoins la rue, tu marches jusqu'à la librairie du coin où le libraire te dit le plus grand bien de l'écrivain qui t'intrigue. C'est un autodidacte, il paraît qu'il n'a même pas le bac, mais quelle érudition te lance-t-il ? Alors tu vérifies, tu apprends ainsi que des célébrités du monde littéraire ont porté au nu ce provocateur du verbe « eau » . Le bouquin que tu cherches, Son premier roman intitulé « Une trajectoire exemplaire » a même figuré dans la première sélection du prix de Flore 2024. Ça t'embouche un coin alors ! Tu siphonnes à la paille ton mug de café-filtre bien trop amer, et tu quittes la place, puisqu'ils n'ont pas le livre en question, en stock. À bout de patience, tu te pointes à la FNAC, où tu dois d'abord composer avec une pouffiasse et un cuistre déguisés en coureurs cyclistes qui t'offrent une canette d'une boisson énergisante dégueulasse. Tu résistes à ton envie de gerber et tu parviens à rejoindre l'étage réservé à la fiction. là. Une vendeuse au maquillage aussi chargée que son haleine te gratifie d'un effrayant sourire avant de te tendre. Les 110 pages reliées que tu convoites. Au dos du bouquin, nulle photo de l'écrivain à lunettes, fan de romans noirs à la Jim Thompson et de Georges Simenon. Sur la première de couverture, une image montrant les toits en zinc d'immeubles haussmanniens flottant dans un ciel rougeoyant. Assoiffé de ces mots, tu te poses à la terrasse du premier bar venu pour découvrir une histoire principalement écrite à la deuxième personne du singulier et tu te dis « Bien vu, le tu ! » Tu en oublies. de boire et tu te décides à contacter ce tout juste trentenaire dont tu te dis que s'il continue sur cette pente, il pourrait bien ne pas fêter ses 40 ans. Et lui s'en amuse visiblement. L'interview paraît nécessaire, tu ne peux pas le laisser passer. Et c'est ainsi que tu te retrouves face à un drôle de gars, ton invité du jour, du café au comptoir. Bonjour Nagui.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Nagui Zinet, c'est quoi la différence entre un auteur et un écrivain ?

  • Speaker #0

    Je ferais la séparation entre la fiction et l'essai. L'écrivain, c'est quelqu'un qui a quelque chose à dire et qui a une envie viscérale d'écrire. L'auteur, c'est celui qui écrit pour écrire, qui veut écrire un roman plus qu'écrire.

  • Speaker #1

    Vous, on a bien compris que c'est plus écrivain. J'ai l'impression que ça vous tient aux tripes.

  • Speaker #0

    C'est la seule chose, c'est la seule forme de solitude qui est acceptable. L'écriture offre la liberté. son corollaire qui est la solitude. Donc oui, c'est ce qui me tient, et c'est ce qui me permet de supporter au quotidien les conneries qu'on doit supporter. Parce que je me dis toujours que je pourrais en faire quelque chose après, le mois de rendez-vous administratif ou que sais-je, pénible, on sait qu'on va toujours croiser un con dans la salle d'attente, et du coup, on pourra après s'en venger sur le papier. Oui, donc ça me tient.

  • Speaker #1

    Je me suis permis d'emprunter votre style. pour l'écriture de cette introduction.

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une erreur d'ailleurs, parce que je ne suis pas apparu dans la première liste du prix de flore. J'en étais finaliste. Donc plus que la première, donc trois listes, c'est encore mieux, pour ne pas l'avoir à l'unanimité. Je n'ai même pas eu une voix qui n'était pas plus mal d'ailleurs. Je n'aime pas le vin qui... Je ne sais pas ce qu'ils donnent du vin pendant un an.

  • Speaker #1

    Ah bon ?

  • Speaker #0

    Oui, gratos, mais bon. C'était de l'intérêt de ce prix, mais je ne l'ai pas eu.

  • Speaker #1

    Pourquoi écrit-on en étant publié ?

  • Speaker #0

    La publication, c'est un accident. Mais après, pourquoi écrire ? Tout simplement, à un moment de ma vie, j'ai commencé à lire beaucoup. Alors, je me suis mis à écrire. Comme un enfant qui aime regarder des dessins animés, il lit des livres illustrés, il se met automatiquement à dessiner. Et moi, c'était à peu près pareil. Si je m'étais pris passion pour le rock, ce qui n'est pas le cas du tout, je déteste ça, mais je me serais mis à la guitare. ça vient naturellement d'essayer je crois que tous les gens qui aiment lire ont essayé à un moment ou à un autre de leur vie d'écrire publier ne change rien globalement mais en même temps vous avez écrit

  • Speaker #1

    sur Instagram donc publier également ma question va encore plus loin c'est pourquoi on a envie d'être lu par les autres ?

  • Speaker #0

    oh pour peur d'artisisme Il faut bien que l'ego soit flatté. La publication, la réponse que je n'ai pas réussi à donner juste avant, la publication aide à nourrir son ego. Et ça fait oublier... Quand vous êtes un écrivain, on vous pardonne beaucoup plus que quand vous n'êtes pas écrivain. On oublie votre laideur, on oublie votre pauvreté, on oublie tout. Vous êtes écrivain. C'est l'avantage de la publication. Sinon, c'est beaucoup d'emmerdes, de publier un livre. Vous savez, aller signer trois livres dans un village perdu, où il y a quatre profs à la retraite qui vous posent des questions débiles à la fin, c'est pas très amusant. Il y a très peu de moments amusants. Moi, ce qui me plaît, c'est d'écrire, c'est pas les à côté. Ça me plaît même pas d'écrire, d'ailleurs. J'écris parce que j'aime bien la... La comparaison que fait Jean-Paul Dubois avec la tondeuse à gazon. J'écris le matin comme je tonderais le gazon. Je n'y pense même pas. C'est-à-dire que c'est naturel. J'ai besoin de ça. La première chose que je vais faire quand on se quittera tout à l'heure, pour mon ordinateur, ce sera de relater ce qui s'est passé de mon réveil à ce moment où je suis en train de vous parler. Je parlerai même de votre chien.

  • Speaker #1

    Pourquoi pas ? Il s'appelle Pickles. Et ce que je voulais savoir, c'est, elle a quoi d'horrible, cette vie que l'on veut fuir en écrivant ? Et elle a quoi de merveilleuse, cette vie que l'on a envie de raconter, peut-être de sublimer ?

  • Speaker #0

    Ah non, je n'ai aucune envie de sublimer la vie. J'ai besoin de la supporter. Je n'ai pas l'ambition de la sublimer.

  • Speaker #1

    Pourtant, vous utilisez les bons mots pour rendre le sublime. pour rendre sublime une certaine noirceur.

  • Speaker #0

    Après, je ne sais pas, je ne suis pas méorgie, je ne me rends pas compte de ce que j'écris. Moi, j'écris comme ça, je ne me relis pas. Même le roman, Les Épreuves, je ne l'ai même pas relu. Je ne l'ai même pas relu. Une fois que c'est fini, c'est fini. Le personnage vit un moment qu'il ne se relit pas parce qu'il a passé l'âge où on prend plaisir à... renifler ses propres instruments et ça peut préparer pour moi se relire je serais très prétentieux de relire et on a envie de tout arrêter il ya une nouvelle de phil gérald comme ça qui s'appelle l'après midi d'un écrivain et il il est à décrire chaque fois qu'il avait la tête qui tombe sur un livre de tolstoy de ceïevski ou peu importe et il devient fou quoi et il balance où sa table etc parce que Si on se relie, on peut trouver que ça nul, vain. Donc il ne faut pas trop se relire, il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Il faut juste écrire. Après, s'il y a une éditrice, un éditeur ou une éditrice, moi c'est une éditrice qui a un pète au casque assez suffisant pour me publier, tant mieux. Ça ne change rien à la vie en général. Ça ne vous rend pas riche. Il n'y a rien. Vous êtes reconnu quelquefois dans la rue. Vous êtes content. Vous vous crânez un peu, c'est tout. Aujourd'hui, j'ai mis ma casquette pour pas être connu. Vous n'avez plus les cheveux longs,

  • Speaker #1

    comme j'en parlais dans le portrait ?

  • Speaker #0

    Non, je les ai coupés. Sur une impulsion que je regrette amèrement, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    C'était une coquetterie ?

  • Speaker #0

    Je sais pas, je me suis dit, Dieu vaut milliers de chèdes, alors je devais aller chez le coiffeur. Mais en même temps, je voulais pas y aller pour qu'il me coupe 2 cm. Alors du coup, j'ai dit, rasez tout. Et il a tout rasé. Mais là, ça va, ça repousse.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est que... Quand bien même vous paraissez vous en foutre des autres, j'ai l'impression qu'il y a un style de l'écrivain. Est-ce que vous avez envie de vous montrer ? tel que vous rêvez vous-même ?

  • Speaker #0

    Non, pas du tout. En plus, je ne suis pas comme les poètes du 5e arrondissement. Je m'habille normalement, je ne fréquente aucun cocktail, je ne veux aucune présentation de livres. C'est un milieu que je ne fréquente pas. Ce ne sont pas des collègues. Je considère l'écriture comme l'existence d'ailleurs, comme un sport individuel. Du coup, je ne me vois pas en écrivain. Je ne me lève pas le matin en me disant que je suis un écrivain. Je suis juste un type qui essaye d'avoir suffisamment d'argent pour acheter ses cigarettes et le nombre de verres qu'il faut, c'est tout. Et les livres. Mais je ne me vois pas en écrivain. Je ne suis pas un écrivain. Pour moi, un écrivain, c'est Caroleur.

  • Speaker #1

    Vous êtes complètement écrivain, vous le savez quand même.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous vivez pour ça ?

  • Speaker #0

    Non, j'écris, mais écoutez, j'ai détesté quand j'étais enfant, les gens qui disaient qu'on jouait au foot et qu'ils mettaient deux manteaux pour faire les buts. Ils ne jouaient pas au foot, ils jouaient au ballon. Moi, j'ai l'impression de jouer au ballon. Quand je lis Carver, ou quand je lis Fitzgerald, ou quand je lis Céline ou Thompson, peu importe, j'ai l'impression de jouer au ballon à côté d'eux.

  • Speaker #1

    Les personnages de fiction, est-ce qu'ils sont plus aimables, j'entends par là qu'on peut les aimer, que les personnes autour de vous ?

  • Speaker #0

    Ils ont l'avantage de ne pas exister, déjà. Non, c'est qu'on les fréquente moins longtemps, c'est ça qui est pas mal. Non, ce qui est bien avec les personnages de fiction, ce qui est merveilleux, c'est assez rare, il n'y a que les grands écrivains qui parviennent à ça, mais c'est quand ils arrivent à nous faire, à mettre des mots sur ce qu'on a déjà ressenti sans avoir su l'exprimer nous-mêmes. Donc des fois ils nous renvoient, ce sont des sortes de miroirs parfois, mais ça ce sont les grands écrivains, il y en a peu. On est 600 connards à peu près à la rentrée, sortir des romans, bon il n'en reste rien à la fin. Il y a un grand écrivain, je ne saurais même pas dire quel est le grand écrivain français, un américain il y en a quelques-uns. En français, je ne saurais même pas vous dire. Oh, peut-être Modiano. Et encore, ces derniers, bon, ça fait 50 ans qu'ils écrivent le même livre. Je m'en fous, je ne suis plus chez Gallimard.

  • Speaker #1

    Comment ça se fait, justement, qu'il y ait plus cette fascination de certains auteurs américains par rapport aux hexagonaux ? Est-ce que... Est-ce qu'en France, on se regarde plus le nombril ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire toute cette littérature, sans disant engagée, la littérature de transfuge, qui est très à la mode. Oui, la littérature à l'au-moment bobo, qui est assez insupportable. Oui, je ne trouve pas l'élan universel que je peux trouver chez Aaron Rash, par exemple. aux États-Unis, ou chez Donald Rappoloch. Voilà, je trouve qu'il y a encore des grands écrivains américains, les Français, je les cherche. Il y en a que j'aime, j'ai cité Jean-Paul Dubot, d'ailleurs j'aime, mais ça reste quand même... J'aime, mais c'est un écrivain qui est très inspiré des écrivains américains, d'ailleurs. Il situe même ses romans à la plupart des États-Unis, donc c'est pas un hasard, c'est l'un des seuls que j'aime. sinon non Edouard Louis pour ne pas citer les gens tout ça pour moi c'est vraiment de la merde est-ce qu'un un bon artiste est un artiste mort ? non ça je crois pas mais oui après mais qu'on me présente le frantiliste contemporain qu'on me présente le Shakespeare contemporain qu'on me présente même le Carver contemporain je connais pas On essaie de nous faire croire qu'il y a des Mozart assassinés, que partout autour de nous, il y a des artistes qui sont empêchés. Je ne crois pas du tout. Je crois juste que la France est un pays un peu perdu pour la littérature en ce moment. Je crois qu'on est dans un creux quand même assez important.

  • Speaker #1

    Abyssal.

  • Speaker #0

    Oui, Abyssal, oui. Oui, oui, j'ai très peu de contre-exemples. Mais après, maintenant, je ne les lis plus, donc peut-être que je passe à côté de choses. Peut-être que je passe à côté de choses formidables, mais je ne les lis même plus, parce qu'à chaque fois, au bout de la huitième page, j'ai envie de revenir à Carver.

  • Speaker #1

    Il y a quoi dans Carver d'aussi puissant, en fait, qui vous retienne ? Là, je vous ai retrouvé, on est à la terrasse d'un café dans le cinquième arrondissement, que vous détestez. Je parle de l'arrondissement. Et je vous retrouve avec un café, un livre, une clope, et ce livre, Tais-toi, je t'en prie. C'est comme un présage, finalement, à l'interview qu'on est en train de mener.

  • Speaker #0

    Oui, je vous le montrerai quand la question ne me plaît pas. Non, mais chez Carver, ce qui est génial, c'est que je déteste l'emphase et je déteste le lyrisme. Mais chez Carver, en très peu de mots, il retranscrit des atmosphères de manière formidable. Et vraiment, il fait en six pages. parce qu'un très mauvais écrivain français fera en 300 pages. Et je mets la simplicité qui va droit au but, et cette façon de raconter le néant, la vie des gens quotidiennes, donc l'alcoolisme, les problèmes conjugaux, l'enfant qui part de la maison, le chien, la facture d'électricité qu'il faudra bien payer. Les arrivats rendent ça très poétique sans essayer de faire de la poésie. Ça, pour moi, c'est la meilleure définition de la littérature. Colette avait donné comme conseil à Simonon et à Emmanuel Bove, moins de littérature, moins de littérature. Simonon avait repris ça à son propre compte et il disait, n'écrivez pas « il pleut averse » , écrivez « il pleut » . Et voilà ma conception de la littérature.

  • Speaker #1

    Allez sur l'os.

  • Speaker #0

    Oui, il faut qu'elles soient sur l'os. À moins, ça, si on se prend pour James Joyce ou pour Proust, il faut être vraiment un grand écrivain pour se permettre de ne pas écrire à l'os. Sinon, c'est vite d'après-tentation. Et on les voit, ces gens qui essayent d'impressionner, comme j'y référais, de nous montrer qu'ils ont bouffé le litre. C'est très amusant. On dirait qu'ils écrivent avec le dictionnaire des synonymes à côté d'eux. C'est assez amusant. C'est pour ça que l'literature française, je m'en tiens assez loin, à part pour les morts, deux, trois vivants à l'occasion.

  • Speaker #1

    En lisant votre livre, je me suis dit, il y a énormément de vécu là-dedans, mais ce n'est pas une autofiction. L'autofiction, pour vous, ça vous évoque quoi ?

  • Speaker #0

    J'en pense à peu près la même chose que les récits de Transfuge. Moi, je ne fais pas d'autofiction, comme vous avez dit. Le personnage me ressemble, c'est tout. Il me ressemble physiquement, socialement, tout ça. Mais je ne me raconte pas ce qui m'est arrivé. Dans le roman, en tout cas. Sur Instagram, ça m'arrive d'être plus premier degré. Sur le livre, non. Le personnage me ressemble, mais je ne suis pas le personnage. Et il ne m'arrive pas... Je ne serais pas devant vous s'il m'arrivait la même chose que le personnage.

  • Speaker #1

    Justement, on va faire un vrai ou faux Nagui Zinet. Vrai ou faux, vous n'avez aucun diplôme, même pas le bac.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. J'ai arrêté l'équivalence de la seconde. J'étais scolaire israélien. J'ai arrêté... En France, ce serait la seconde. Je suis du nord de la France. J'habitais à la frontière, donc on pouvait aller soit à l'école en France ou en Belgique. Moi, c'est en Belgique. J'aurais raté de la même façon et de manière aussi superbe en France.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait qu'on lâche à cet âge-là ?

  • Speaker #0

    Je n'y arrivais pas. Je ne reprenais pas ce qu'on me demandait. Ce n'était pas pour moi. Je savais très bien que je ne serais pas d'études supérieures, etc. Socialement. Je m'en foutais, j'attendais que les heures passent. Il y a des choses qui ne sont pas faites pour les gens. L'école, ce n'était pas fait pour moi. Mais ça ne m'a pas empêché. Après, j'ai fait ce que j'ai voulu. Je ne me sens pas empêché de ne pas avoir le bac. Le bac ne sert à rien. Le bac, c'est... Je n'aurais pas pu de toute façon faire des études supérieures, parce que j'aurais dû bosser rapidement, etc. Donc le bac tout seul, vous prenez une boîte de chocolat, vous la pliez en quatre, vous avez le bac aujourd'hui. Donc ça ne sert à rien. Donc bon, je ne me suis pas trop emmerdé.

  • Speaker #1

    Comment on poursuit son éducation culturelle soi-même ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est l'ennui. Je me retrouve à 18 ans, je prends un appartement. Je m'ennuie beaucoup et je commence à lire beaucoup. Mais c'est l'ennui qui m'a fait lire. C'est une occupation du temps. Je ne sacralise pas du tout la littérature. Pour moi, c'est une occupation du temps comme une autre. J'ai tendance à dire que la littérature, sauf quand on a affaire à des génies, n'est pas plus importante que le football ou toute autre chose.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est grâce aux réseaux sociaux que vous avez été publiés.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai. C'est mon éditorialiste Joëlle Lossfeld qui lisait mes chroniques sur Instagram, elle aimait bien. Moi ma porte naturelle c'est le chèque secours, je voulais faire des nouvelles. Et elle m'a dit que pour aller de nouvelles en France c'est pas terrible. Donc si vous écrivez un roman il y a de grandes chances que je le publie. Donc je suis rentré et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #1

    En trois semaines c'est vrai ?

  • Speaker #0

    En trois semaines oui. Sinon, je ne l'aurais jamais fait de moi-même. Je n'aurais jamais fait un éditeur. Pour moi, c'est un hasard. Mais le hasard est beau parce que c'est une éditeuse. Quand j'ai commencé à lire beaucoup, je lisais Albert Causserie et Jean Meker qui sont édités par Joël Lassalle. Du coup, le hasard a bien fait les choses. Je m'en fous un peu d'être publié, mais je suis très content d'être publié par Joël Lassalle.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, afin de mieux pouvoir le raconter, vous avez effectivement assassiné quelqu'un.

  • Speaker #0

    Hélas, non. Non, non. Pas non. Pas encore, tu peux venir. Si je n'ai pas d'inspiration sur le troisième roman, peut-être. Pour l'instant, non.

  • Speaker #1

    Ou le fantasme ?

  • Speaker #0

    Non, non, non, je n'ai pas de fantasme morbide. Je préfère le mépris à l'arme, à l'arme blanche. Parce que j'ai la définition de l'anarchie que l'on brassin, c'est de... traverser au piéton pour ne pas avoir besoin de parler aux flics. Donc je ne tuerais pas quelqu'un, parce que là, je serais obligé de me taper de l'administration.

  • Speaker #1

    L'idée du roman, elle est venue comment ? Ce roman qu'on pourrait qualifier de roman court, qui est vraiment une plongée dans un bout de vie, où tout va à 100 à l'heure, même si il ne se passe pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Non, ce qui m'intéressait, c'était d'abord le quartier à Lille. la fréquentation des bars et le mensonge. Je suis fasciné par le mensonge et à quel point le mensonge le plus anodin peut avoir des conséquences terribles. On connaît la fameuse affaire Romand, le faux médecin qui a fini par tuer toute sa famille pour ne pas assumer ses mensonges. Oui, ça me fascine parce que c'est une extrapolation finalement, le remords de ce qui peut arriver tous les jours. Vous dites à votre copine que vous n'êtes pas passé au bar. le lendemain elle voit le ticket de caisse du bar, elle croit que vous avez couché avec la serveuse. Et c'est une extrapolation, un peu en forme d'hommage au roman noir, de ce qui arrive tout le temps, c'est-à-dire des petits mensonges anodins qui prennent des proportions débiles et des engrenages qui peuvent être terribles.

  • Speaker #1

    Jusqu'à donner un roman ?

  • Speaker #0

    Oui, un roman où une fois que vous avez l'atmosphère, un personnage... Une petite idée, c'est facile. Après, il n'y a qu'à se laisser porter.

  • Speaker #1

    Ce personnage qui n'a qu'une initiale comme prénom, il est proche de vous. Comment vous arrivez à dissocier tout cela, créer un personnage davantage par rapport à votre vie ?

  • Speaker #0

    Ça m'a pas rendu schizophrène d'écrire ce roman. effectivement, il porte une initiale et c'est la même initiale que... en portant mon prénom, mais non, je n'ai pas eu besoin de dissocier quoi que ce soit. Quand j'écrivais, je n'avais jamais l'impression d'écrire sur moi. Le seul truc qui me rapproche du partenariat, ce sont ses goûts en termes de littérature et de chansons. Mais sinon, le reste, non.

  • Speaker #1

    Là où il vous ressemble, j'ai l'impression, c'est dans sa facilité à détester pas mal de choses. et à être direct, en tout cas avoir un avis très tranché sur tout ce qui l'entoure.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est quand même un personnage qui passe son temps dans les bars, et il n'y a pas d'endroit où on a d'avis plus tranchés que ça. C'est vrai que j'aime bien les avis un peu à leur porte-pièce et sans nuance. Ça m'amuse beaucoup dans les bars d'écouter des gens dire des choses absolument folles. avec une assurance terrible, ça m'amuse. Ça m'amuse, oui, j'ai des avis très tranchés. Je me vois un peu, pas comme un moralisateur, mais comme un moraliste. C'est vrai que je peux passer des heures à une terrasse, regarder les gens, écouter les conversations des gens autour de moi, et là, après, je peux être un peu assassin.

  • Speaker #1

    Vous, vous n'êtes pas du tout comme Emmanuel Macron qui dit « En même temps, il n'y a pas d'heure en même temps, c'est blanc ou noir. »

  • Speaker #0

    Non, parfois, c'est plus nuancé. Oui, mais c'est souvent que je vois les choses plus en noir qu'en blanc. Et souvent, ce qui m'interpelle aussi, les conversations qui vont m'interpeller quand je suis en terrasse, sont forcément celles qui vont m'irriter ou celles qui vont m'intéresser parce qu'elles me semblent aberrantes. Donc forcément, ça donne après un compte-rendu noir. Je peux écouter la conversation mignonne du grand-père avec sa petite-fille en train de boire un chocolat chaud et qu'elle raconte sa journée d'école. Son grand-père, c'est très mignon, c'est très touchant, mais ça, je ne vais pas l'écrire. Si j'étais photographe, je préférerais photographier une nuit d'orage qu'un ciel bleu comme aujourd'hui. Ça n'a aucun intérêt.

  • Speaker #1

    Le contraste.

  • Speaker #0

    Oui. Prendre en photo un ciel bleu, bon, aujourd'hui tout se vend, mais quand même, ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

  • Speaker #1

    Tout ne s'achète pas forcément. Votre personnage, comme je disais, il n'a rien à faire des autres, finalement. On a l'impression qu'il n'a pas forcément envie de plaire à tout prix. Il a une certaine envie de séduire, mais juste pour s'en sortir, lui.

  • Speaker #0

    Oui et non, parce que même au-delà de son histoire d'amour, ou on peut appeler ça comme on veut, il a quand même ce besoin de faire rire les gens, par exemple. De faire le clown, etc. Donc c'est déjà une envie de plaire, quand même. Quand il est avec les amis de sa compagne, il essaie d'amuser la galerie. Et quand on essaie d'amuser la galerie, c'est qu'on veut plaire.

  • Speaker #1

    Plaire ou subsister ? Rester, continuer à vivre dans quelque chose, justement, dans le mensonge qu'il a créé ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il est terriblement mal à l'aise. Il fait le clown. Il veut leur plaire en faisant le clown, parce qu'il est mal à l'aise. Pour plein de raisons. Il a toutes les raisons de l'être, mal à l'aise. sans vouloir trop en dévoiler.

  • Speaker #1

    Peut-être a-t-il créé lui-même un personnage dans son personnage.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. C'est-à-dire qu'il s'est inventé un personnage presque gazbourien ou bukovskien parce qu'il ne se sent pas à sa place. Il n'est pas du tout à sa place. Il n'est pas dans son milieu. Il est plus jeune que les autres. Donc, il a besoin de quelque chose pour exister. Il se crée ce personnage un peu fou, une sorte d'ivrogne rigolo, à deux balles. Il a besoin de ça, oui.

  • Speaker #1

    Je vous regardais et je me disais, pour d'autres romans, vous avez envie d'inventer d'autres personnages ou creuser, finalement, ce genre de... presque d'archétype. Alors j'ai lu dans certains articles qu'on s'était qualifié de clochard céleste finalement.

  • Speaker #0

    Il y a de ça, du poète désabusé.

  • Speaker #1

    Le deuxième roman est déjà terminé, il sera publié en premier trimestre 2026. Oui, ça croise un peu ça, mais d'une autre manière. Parce que je n'ai plus la même vie que j'avais pour le personnage d'une trajectoire exemplaire à 25 ans. Et quand j'avais 25 ans, je fréquentais ces barres-là, etc. Maintenant, j'ai une vie tout simplement différente. Et du coup, je creuse quand même cette idée de défaite, de personnage battu à l'avance, qui commence la vie en étant mené 3-0, mais en moins référencé, moins hommage au roman noir. Il n'y aura pas d'hésitation sur le fait que ce soit un roman noir ou un roman tout court. Mais oui, creuser la... personnage de loser, en tout cas de genre pas gâté par la nature, oui, c'est mon sillon.

  • Speaker #0

    Si jamais vous faites un énorme succès, ça vous rapporte énormément d'argent, est-ce que d'aucuns pourront dire « Ah bah oui, mais lui, c'est un transfuge de classe. »

  • Speaker #1

    Oui, je demanderais à Édouard Louis d'écrire ma biographie. Oui, non, bah non, je veux bien, moi, je ne veux pas le best-seller, je veux bien l'argent du best-seller. C'est Coluche, il disait On dit que 30% de gens sortent du travail, c'est faux, de l'argent leur suffirait. Oui, ça serait le transfuge de classe. J'ai vécu des moments étonnants, par exemple, je suis finaliste du fleur, je passe ma soirée du fleur et je sors de là, je n'ai pas un centime pour m'acheter un paquet de cigarettes. cette période de promotion du livre et tout était une période assez contradictoire. En même temps, j'étais invité dans les endroits où on me faisait voyager gratuitement, où on me logeait, hôtel et tout ça. Et à côté de ça, je n'avais rien pour subsister. Donc voilà, il y a comme ça un contraste qui est assez étonnant entre vous passez sur France Inter l'après-midi et le soir vous vous demandez comment vous allez payer votre steak haché. Donc oui, il y a une petite erreur. Question de transfuge, comme ça. Mais un transfuge qui ne me rapporte rien, pécuniairement, donc ce n'est pas très intéressant. Edouard Louis a su fructifier ça.

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs fois que vous le citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une de mes cibles favorites avec Arthur Théboul, le chanteur, le poète. On m'a dit d'arrêter de le citer, donc je l'appelle Arthur T. maintenant, sur Instagram. Les gens le reconnaissent, surtout que je mets ses photos. Ce sont des gens qui me fascinent. C'est vraiment pour moi toute la décadence culturelle française de la chanson et de la poésie. On peut dire Arthur Tayboul, pour la littérature on peut dire Edouard Louis. Pour moi les deux, c'est vraiment tout ce que je déteste. Et là c'est pas de la blague, quand j'en parle sur Instagram, des fois je peux exagérer sur d'autres personnes, en faire trop, rien que pour le plaisir du bon mot, ou quoi. que là ce sont des gens que je déteste vraiment et dans le oui je lui en veux je trouve ça honteux ce qu'il fait, je trouve ça immoral voilà donc c'est des gens que je déteste moi ce ne sont pas des collègues je leur dois rien j'ai le droit de détester dans le oui, je le dis,

  • Speaker #0

    c'est tout ce qui est génial avec vous c'est que vous n'avez pas peur de détester quelqu'un, vous n'avez pas peur de l'affirmer d'aucuns vont prendre un peu des des... faire des ronds de jambon, essayer d'affimer les choses. Non.

  • Speaker #1

    Non, je m'en fous parce que ce ne sont pas des collègues. Le seul truc que je me suis empêché, c'était... Je vais m'empêcher en janvier, quand le deuxième roman sortira aussi, c'est-à-dire d'attaquer ceux qui sortent un livre en même temps que moi. Ça, je me l'empêche. Mais sinon, le reste, non, je m'en fous. Ce ne sont pas des collègues, j'ai rien à voir avec eux. On travaille pas ensemble.

  • Speaker #0

    Tu n'as pas peur de faire des ennemis, en fait ?

  • Speaker #1

    Non. Je ne me fais pas d'amis non plus, j'en veux pas, je ne les fréquente pas, moi les écrivains, ce sont des gens qui ne m'intéressent pas. Et pour avoir fait pas mal de festivals, tout ça, j'ai pu voir, c'est assez bas moralement, les écrivains, c'est un milieu. J'ai entendu des gens écrier comme Jean-Tiffard Edouard Louis pendant une heure, et deux jours après, voir sur les réseaux sociaux. faire leur héloge. C'est pas un milieu comme ça, c'est pas un milieu « bah, euh, bon les grandes maisons d'édition, les grands groupes et tout ça, ce sont des vendeurs de godasses avant tout, hein, ils s'en foutent du contenu » . ils pourraient découvrir un écrivain comme Carver maintenant, ils préfèreraient publier la biographie de je ne sais quel présentateur, il serait Météo...

  • Speaker #0

    Un instagrammeur ?

  • Speaker #1

    Oui voilà, ce sont des commerçants. C'est un milieu qui m'intéresse pas, moi ce qui m'intéresse c'est d'écrire, c'est tout. et publié avec une éditrice que j'aime bien, qui j'ai des bons rapports, et qui a publié des auteurs qui me sont chers, c'est tout.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression que vous venez d'une autre époque. Vous auriez aimé être dans une autre époque ?

  • Speaker #1

    Non, parce que j'aurais peut-être pensé la même chose. Non, je crois comme Philippe Muray, que toi tu aurais été irrespirable. Non, je ne rentre pas sur ce terrain-là parce que... Peut-être que dans les années 60, j'aurais craché sur... Ou peut-être qu'au début, quand Carver a commencé à publier, j'aurais trouvé ça détestable, ce minimalisme, et j'aurais dit quel dévoiement de la littérature, on ne sait pas. Peut-être que j'aurais réagi de la même façon, mais avec d'autres thèmes. Donc je ne sais pas. Non, je suis né en 94, je suis né en 94. Je n'ai pas eu le choix. Voilà, de ce propos, j'aurais été mieux avec une autre époque, non ? J'aurais détesté autre chose, c'est tout.

  • Speaker #0

    Il faudrait que vous m'expliquiez pourquoi vous n'aimez pas les personnes qui ont un t-shirt de groupe de rock.

  • Speaker #1

    Je déteste le rock.

  • Speaker #0

    Vous écoutez de la musique d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    Oui, j'écoute de la musique.

  • Speaker #0

    Ah oui, de la chanson française, beaucoup.

  • Speaker #1

    Chansons, du classique aussi un peu. Beaucoup de chansons, oui. Le rock, oui. Je trouve grotesque. C'est vrai que les t-shirts de groupe de rock... J'ai aimé le football. pendant longtemps. Même quand j'étais petit, je n'ai jamais été intéressé par l'idée d'avoir un tee-shirt, un maillot de footballeur. Je trouve ça ridicule de montrer son appartenance. Mon identité, c'est que j'aime Nirvana. Je trouve ça ridicule. Après, je déteste, c'est un grand mot. Je peux bien m'entendre avec quelqu'un. Il doit bien y avoir des gens très bien qui ont un tee-shirt Nirvana dans leur placard. Je ne les connais pas, mais ça doit exister.

  • Speaker #0

    Vous en avez un en face de vous.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas de choc de marijuana.

  • Speaker #0

    J'en ai un dans mon placard.

  • Speaker #1

    S'il reste dans le placard, c'est que ça va.

  • Speaker #0

    Traditionnellement, dans un café au comptoir, je vous pose quelques questions, une sorte de quiz sur le monde du café, de la boisson. Mais je sais que vous essayez d'arrêter l'alcool. Oui,

  • Speaker #1

    j'ai fait une cure récemment. C'est très pénible. Les journées sont très longues. On s'endort moins. C'est... Moins intéressant de rester longtemps au comptoir, ça empêche de faire des choses parce que écouter du Kellington en buvant un lait frais, c'est pas très intéressant.

  • Speaker #0

    Vous avez essayé les mocktails ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je préfère me faire euthanasier. C'est vrai ? Non, mais après, ça rend le contact social plus difficile. C'est vrai que... La plupart des gens, quand j'étais en promotion pour le livre, c'est vrai que si je n'avais pas été ivre mort pendant toute cette période, je ne sais pas comment j'aurais supporté. Comment voulez-vous parler à quelqu'un comme Édouard Louis sans être ivre mort ? Ce n'est pas possible. Vous êtes obligés d'être un minimum éméché.

  • Speaker #0

    Ça aide à supporter les interactions.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un peu. J'ai l'écriture le matin pour tenir. et j'avais l'alcool le reste de la journée et du soir pour tenir aussi la connerie des gens. L'écriture comme l'alcool, c'est pour tenir le monde à distance, quelque part. On a moins mal quand on est dehors, parce qu'on n'est plus vraiment soi-même. Quand on écrit, on n'est plus soi-même, et quand on a bu, quand on a bien bu, on n'est plus soi-même. Donc oui, on... C'est comme... L'alcool, c'est un peu comme, vous savez, dans ces vieux films, avec Ventura, tout ça, ou les films américains, les films noirs américains, où les voyous disent aux flics, mettez-moi en prison, ça chauffe trop dehors. C'est un peu ça, l'écriture, comme l'alcool.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui pousse à vouloir se soigner ?

  • Speaker #1

    Oh, plusieurs raisons. Je pense, conjugale... Hum... Bilan de santé, la réalité. C'est la réalité qui fait qu'on a envie de se soigner de quelque chose qui était censé nous la faire fuir. C'est très paradoxal et très chiant surtout. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir cette abstinence. Parce que la plupart du temps, je me trouve ridicule à être abstinent. Parce que je me dis, mais alors tu fais quoi ? Les soirées sont très longues. J'ai écouté hier Malwa Le Dron, hier soir, qui est un pianiste de jazz, qui a repris beaucoup Satie d'ailleurs en jazz. C'est très bien. Et je me disais, j'étais là comme un con, j'étais tout seul, pourquoi tu ne peux pas encore boire un whisky ? Des fois, je me dis, pourquoi ? Et pour gagner quoi ? 10 ans de vie ? J'aime bien, Jérémy Nada avait dit un truc assez intéressant, quand on nous dit, parce que moi, le médecin m'a carrément dit, si vous buvez de la même façon, dans 10 ans, vous êtes mort à enterrer. Il m'a dit ça, moi, j'ai dit, bon. D'accord, mais les 10 ans d'expérience de vie qu'on perd en alcool, en cigarette, etc., ce n'est pas 10 ans qu'on perd entre 20 et 30 ans, c'est 10 ans qu'on perd entre 80 et 90 ans dans un Ehpad où vos enfants n'ont pas envie de venir vous voir, ça leur fait chier, et vous êtes traités comme une merde. Donc c'est ces 10 ans-là qu'on perd, ce n'est pas les 10 ans de nos 20 ans. perdre les 10 ans d'EHPAD entre 80 et 90 ans, ce n'est pas très grave, je trouve.

  • Speaker #0

    Vous vous imaginez vieillard ?

  • Speaker #1

    Non, non, non. J'ai raté 27 ans, le club des rockers, j'ai raté. Du coup, j'ai 31 ans, donc je vise Mélange Jésus, Balavoine et Bruce Lee. Tous les trois morts à 33 ans.

  • Speaker #0

    Donc j'en viens à mon quiz. combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ? Parce que dans la bière sans alcool, généralement, il y a 0,5% d'alcool. Donc, combien de pintes de bière sans alcool faut-il boire pour atteindre un état d'ébriété léger ?

  • Speaker #1

    J'ai essayé la bière sans alcool, ça n'a aucun intérêt. Je trouve que la bière sans alcool montre un alcoolisme encore plus fort que quand on boit une bière normale. Parce que ça montre vraiment que tu peux pas t'en passer. Du coup, je peux pas savoir parce que j'ai pas essayé avec assiduité, j'ai dû acheter pour faire plaisir à ma compagne une fois un pack de bière sans alcool, mais très vite je suis revenu à la bière normale.

  • Speaker #0

    Il faut boire 12 pintes en très peu de temps pour atteindre un état d'ébriété très léger. Mais il faut faire attention parce qu'il y a l'élimination de l'alcool par le corps également, donc il faut y aller.

  • Speaker #1

    Donc autant picoler, quoi. Il faut faire ça.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, Georges Simenon avait installé un bar chez lui dans lequel il recevait ses amis et où il pouvait écrire.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai. A moins que ce soit une des légendes qui l'entoure, mais a priori, c'est vrai. Eh bien, en fait, pendant quelques temps, il avait installé un bar chez lui. dans lequel il pouvait surveiller, enfin inviter certains de ses amis, ça lui évitait de descendre, d'aller ailleurs, et puis surtout de pouvoir faire la fermeture, et quand certaines personnes étaient même en train de dormir à côté de son bar,

  • Speaker #1

    il criait tranquille. Je n'y étais pas.

  • Speaker #0

    C'est un truc que vous pourriez faire, ça ?

  • Speaker #1

    Non, bon, je n'ai pas le logement, j'habite pas en Suisse, je n'ai pas une grande maison en Suisse, et je n'ai pas d'amis particuliers, donc non.

  • Speaker #0

    Vous n'avez pas d'amis ?

  • Speaker #1

    Non, pas tellement, non. C'est emmerdant l'amitié. On est invité au mariage, moi je me suis embrouillé avec mon meilleur ami parce que je suis pas là sur le mariage. Je déteste tout ça, c'était pas fait pour moi. L'amitié, non le truc, on peut m'appeler à 3h du matin, non on m'appelle pas à 3h du matin. T'as tes problèmes, il y a des psys, il y a tout ce que tu veux, mais moi je suis pas là.

  • Speaker #0

    Vous pensez que l'amitié se tient à ça et on est obligé de répondre à 3h du matin ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a un peu le côté obligatoire de se donner des nouvelles, d'aller boire des coups, de fêter des trucs ensemble, de tout se dire et tout, m'ennuie assez. On communique tout le temps, donc ça suffit une fois que je suis chez moi, j'ai envie d'être tranquille. Donc l'amitié, c'est emmerdant. Si vous commencez un livre, quelqu'un frappe à votre porte, c'est très emmerdant.

  • Speaker #0

    Changer d'adresse ?

  • Speaker #1

    C'est ce que je fais sans cesse.

  • Speaker #0

    En tout cas, s'il y a une adresse où on peut vous retrouver, ce sera dans toutes les librairies. surtout pour un prochain roman, début 2026. Et je vous en souhaite le meilleur, parce que celui qu'on peut lire actuellement, Une trajectoire exemplaire de Nagui Zinet, il est vraiment formidable. Et je le conseille à tous les auditeurs, les auditrices d'Un Café au Comptoir. Merci beaucoup, Nagui.

  • Speaker #1

    Merci à vous.

  • Speaker #0

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici. Et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

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