- Speaker #0
Sur les réseaux sociaux, les femmes sont extrêmement vulnérables au cyberharcèlement. Je me prends une vague de cyberharcèlement de milliers de personnes avec des commentaires sexistes, racistes et aussi transphobes. En vrai, le prochain combat, c'est pour 2027.
- Speaker #1
Salut, moi c'est Alexis, j'écris des histoires, je fais des podcasts et j'aime jouer de ma voix. Et comme je suis hip... Hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix. Pourquoi ? Parce que c'est là que tout le monde se rencontre, c'est là où on s'inspire.
- Speaker #0
Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir. C'est parti
- Speaker #1
Mon invitée du jour est Fact Checker, journaliste de la vérification des faits, mais elle est aussi dessinatrice et elle a illustré l'actualité à coup de traits de crayon pertinents. On la connaît surtout, cependant, pour sa dénonciation des clichés anti-asiatiques dans les médias. Quoi ? Qu'ai-je dit ? Du racisme visant une communauté autre que celle issues du continent africain ? J'en parle à mon voisin pendant la coupure pub de son émission favorite, L'Heure des Pros. Celui-ci est catégorique. Les jaunes sont intégrés, eux, et puis ils enchaînent avec une blague d'un goût douteux que je ne rapporterai pas. Mais tout est dit. Selon l'INSEE, 47% des français estiment que les asiatiques ne sont pas victimes de racisme. Le déni sur les discriminations qu'ils subissent est tel que longtemps elles n'ont pas été traitées par les médias. Et pourtant, elles existent. Microagressions, moqueries, stéréotypes, invisibilisation. Il fallait qu'enfin on s'empare du sujet. C'est le travail de mon invité. Née de parents vietnamiens, établie en France après avoir fui la dictature communiste au milieu des années 70, elle a publié « Vous, les Asiates » aux éditions de Noël. Une enquête sur le racisme anti-asiatique dans l'Hexagone. Son ouvrage commence par le rappel d'une séquence télévisuelle de 2016, impliquant Kev Adams et Gad Elmaleh. L'essai, lui, est sérieux, rigoureux. Quand elle raconte ce sketch où les protagonistes précités enchaînent les idées reçues sur la culture asiatique, sans que le public n'y trouve matière à redire, son but est simple, démontré par A plus B que le mythe de la minorité modèle n'est qu'une autre forme d'un racisme rampant. Elle offre également dans ce livre une voix aux asiodescendants français et que celle-ci cesse d'être passée sous silence. Parce qu'en France, on considère un peu à l'instar de mon voisin, que les qualités des populations originaires de Chine, de Corée, du Vietnam, pour ne citer que ces trois pays, sont la docilité, l'obéissance et la propension à se taire. Les enfermer dans ces stéréotypes permet, entre autres, de s'attaquer à des communautés plus bruyantes en prenant la leur comme un modèle d'intégration. Son livre s'attaque à ces pratiques, dénonce ce racisme dit positif et donne enfin la possibilité aux concernés d'exprimer émotions, colères, questionnements sur leur identité et d'autre part, l'essai de mon invité inscrit cette lutte plus largement dans un combat féministe intersectionnel. Il s'agit de déconstruire la hiérarchie raciale et de genre héritée du colonialisme et d'une société patriarcale. Et afin de parler de ce sujet passionnant, rien de mieux qu'un café pour nous rassembler, en fait non, même pas, une citronnade et un thé glacé, pour nous rassembler au comptoir, évidemment, bonjour Lin-Lan Dao. Bonjour Alexis, merci de m'accueillir. Alors, quelle a été la réaction de votre famille ou de votre entourage proche quand vous leur avez présenté le projet de ce livre, Vous les Asiates ?
- Speaker #0
J'avoue, j'étais un petit peu stressée. Je leur ai juste dit que j'écrivais un livre sans donner trop de détails. Mais je me souviens, il y a très longtemps, quand j'ai fait ma première vidéo sur le racisme anti-asiatique, ma mère était préoccupée parce qu'elle me disait « Mais pourquoi tu parles des problèmes comme ça ? » Elle était très prudente. Mais maintenant que le livre est sorti, j'ai l'impression que toute ma famille est plutôt fière de mon travail. Mon père l'a lu et m'a dit, tu pourrais en faire une thèse.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Voilà.
- Speaker #1
J'ai lu dans une des interviews que vous avez données que votre père, quand il était plus jeune, écrivait, voulait être poète. Est-ce que finalement, il n'y a pas quelque chose quand on écrit un livre, peu importe d'où on vient, peu importe quelle soit son histoire familiale, on a envie quelque part de créer quelque chose qui est à l'image de ce que c'est. De ce que nos parents auraient voulu être eux-mêmes, quelque chose qui nous dépasse.
- Speaker #0
Alors, je ne sais pas si je suis en train d'accomplir le destin dont rêvait mon père, mais je sais que je partage avec lui vraiment une appétence pour les lettres. Je suis, comme lui, une littéraire. Et lui, finalement, il a toujours écrit, il fait de la traduction, il a écrit de la poésie. Donc il n'a pas renoncé à son rêve, mais c'est vrai que moi j'en ai fait mon métier, déjà le métier de journaliste, et je sais qu'il me comprend et qu'il sait apprécier ce que je fais. Et oui, il y a quand même un lien avec mon père, et aujourd'hui,
- Speaker #1
si je lui inspire de la fierté, j'en suis vraiment très heureuse. Est-ce qu'il y a une rage politique ? dans la famille, quelque chose qui te dit qu'on doit se lever ? Où est-ce que c'est né, vraiment, avec vous ? Mais alors non, pas du tout. Non, non, non, au contraire,
- Speaker #0
je pense que j'avais plutôt un discours, une injonction à se polisser. Donc mes parents, quand ils sont arrivés en France dans les années 70, ils fuyaient quelque chose de très très dur qui est la guerre. Ils avaient des souvenirs assez durs aussi du régime communiste. Donc le discours c'était plutôt de ne pas faire de vagues. Voilà, mon père voulait me dissuader de manifester à chaque fois, donc c'était vraiment pas le mot d'ordre dans ma famille. Et après je peux les comprendre, quand on est en mode survie, on n'a pas envie de se faire remarquer. Et mes parents m'ont plutôt tenu un discours de « bon bah il faut que t'aies des bonnes notes, comme ça tout ira bien, t'auras un travail, etc. » Mais ouais, dénoncer les travers de la société française, ça faisait pas partie du plan de départ. Et ça a été un cheminement assez progressif pour moi. Mais je sais qu'au fond de moi, j'ai toujours eu une sorte d'insatisfaction face à l'injustice. Je pense que c'est lié d'abord au patriarcat, et puis ensuite au racisme, et plus récemment au validisme. Donc voilà, ce sont des prises de conscience que j'ai pu avoir au fur et à mesure. Mais ça, c'est grâce à... aux études que j'ai faites. Je suis diplômée de Sciences Po Paris. Et même si c'est en vrai une machine à reproduire les élites, c'est là que j'ai un peu acquis des bases de sociologie pour voir que la méritocratie, c'est quand même un petit peu un mythe.
- Speaker #1
Je vais parler de moi un petit peu. Moi, quand j'étais petit, j'ai pas l'air comme ça parce qu'en plus, on voit pas mon image dans le podcast, mais bon, je suis quoi ? Je suis caucasien, je suis blanc, je suis... Je passe comme ça, je passe crème. Et quand j'étais petit, je rêvais d'être français. Je vous explique. J'étais dans le sud de la France. J'étais un petit blond aux yeux bleus, au milieu de plein de petits enfants qui avaient les yeux marrons, qui étaient tous bruns, et qui s'appelaient tous Hernandez, Sanchez, Lopez. Et je rêvais d'être français. Je disais à mes parents, pourquoi je ne suis pas français ? Pourquoi on m'appelle le Ruskoff ? Quelque part, je me suis dit, tiens, il y a ce souci, même à l'école primaire, on ressent ça, ce souci de se dire... Comment on fait pour être avec les autres ? Est-ce qu'on a tous un besoin de s'intégrer qui nous pousse à nous invisibiliser et un jour à nous dire, finalement, j'ai plus envie d'être invisible ?
- Speaker #0
C'est ce que me disent la plupart des psychologues ou psychiatres que j'ai pu interviewer dans le cadre du livre. C'est que les enfants en bas âge, ils ont envie d'appartenir au groupe. Malheureusement, le racisme et les discriminations racistes commencent hyper. Depuis le bac à sable, j'en ai fait les frais. Et on ne comprend pas, en fait, parce que ces gamins, qu'est-ce qu'ils font ? Ils répètent ce qu'ils entendent à la maison. Donc, ils commencent à discriminer la personne. « Non, je ne peux pas jouer avec toi. » Ou « Non, il se tire les yeux en nous regardant. » Et il nous signifie une différence que nous-mêmes, on n'avait pas remarquée. Et tout paraît absurde. Et donc, ça, ça arrive à un moment où on a absolument envie de s'intégrer aux autres. Après, à l'âge de l'adolescence... On peut peut-être faire autre chose et affirmer un petit peu son identité ou trouver ses propres groupes. Mais en tout cas, c'est super dur quand on est rejeté par ses camarades. Et je trouve que c'est anormal qu'il y ait chez les jeunes une sorte de racisme intériorisé, parce que c'est ce que nous renvoie la société. Donc la société dit « bon, la norme elle est comme ça, et vous, vous ne ressemblez pas à la norme, vous ne méritez pas d'appartenir à la société » . Ces années de rejet et de micro-agression, c'est assez destructeur pour la construction de soi. Ça amène des personnes à ne pas s'aimer, à rejeter ses origines. Moi, finalement, ça va. Je pense que je n'ai pas trop été dans le rejet de mes origines parce que mes parents m'ont bien transmis la culture, à travers la nourriture principalement, mais un petit peu à travers la langue aussi. Parce que je les entendais parler par les vietnamiens et on est allé au Vietnam, on a voyagé donc il y a plein de choses qui fait que qu'on aime en fait cette culture et qu'on n'en a pas honte mais c'est vrai que c'est pas évident pour ceux par exemple qui ont vécu avec des parents qui cherchaient l'assimilation à fond à fond à fond.
- Speaker #1
Vous défendez quelque part dans ce livre une certaine vision d'un communautarisme c'est à dire de de ne pas avoir honte de faire partie d'une communauté. Comment on explique ça aux personnes qui disent que le communautarisme, c'est dangereux ? C'est ce qu'on entend dans les médias, généralement. Je trouve cette phrase assez drôle. C'est-à-dire que quand on dit communautarisme, on a tout de suite l'image de personnes qui sont non-blanches. Pourquoi ? Parce qu'il y a un gros communautarisme qui s'ignore, qui ne s'autodésigne jamais,
- Speaker #0
c'est le... communautarisme des personnes blanches. Je ne sais pas, quand je vais... Je ne suis jamais allée à des réunions du CAC 40, mais j'imagine que les personnes noires et maghrébines ne sont pas majoritaires, bien au contraire.
- Speaker #1
Est-ce que vous voulez dire que dans le 16e arrondissement, quand on fait un rallye, c'est également du communautarisme ?
- Speaker #0
Oui, en plus, j'ai jamais... J'ai été dans un collège et lycée catholique, j'ai jamais été invitée au rallye. Pourtant, j'avais envie de danser le rock, c'est pas l'envie qui manquait, mais bizarrement... Voilà, en fait, c'est-à-dire que... que certaines personnes ne veulent pas nous intégrer. Et en fait, du coup, on traîne entre nous parce que ça fait plaisir, parce qu'on s'entraide et blablabla. Et après, oh là là, qu'est-ce que vous faites ensemble communautariste ? Donc en fait, on va nous reprocher un truc qui a été finalement créé et encouragé par la société. Donc oui, je ne pense pas qu'avoir des communautés... Ça devrait être un gros mot, en fait, quand on est dans une communauté. On ne fait pas ces sessions, c'est juste qu'on se retrouve avec des gens qui partagent nos points d'intérêt, comme vous diriez à un club d'échecs, je pense, ou comme vous diriez à votre cours de danse. Sauf que, ouais, voilà, on n'a pas à tout se réexpliquer. En fait, ça enlève une charge mentale de fou d'être avec des personnes qui nous comprennent et partagent des vécus similaires aux nôtres, c'est tout.
- Speaker #1
Tout à l'heure, je faisais allusion dans le portrait à l'heure des pros, l'émission préférée de mon voisin. Vous avez une petite histoire avec l'heure des pros, c'est-à-dire que vous vous êtes insurgé du fait qu'on cite la communauté asiatique en exemple pour démonter d'autres communautés. C'est bien ça ?
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Je suis fatiguée de cet aspect répétitif où à chaque nouvel an, quelqu'un va nous ressortir le « Ah, les Asiatiques sont une minorité modèle » , donc Nicolas Sarkozy. Khozi, il avait déjà commencé il y a très longtemps, il y a plus de 10 ans. Il tenait ce discours. Et je me suis dit, non, mais Pascal Praud qui tient, au mot près, le même discours en 2025, je me suis dit, non, mais ce n'est pas possible. En fait, il faut que quelqu'un s'y colle. J'ai un petit peu attendu en me disant, est-ce qu'une personne va y réagir ? Non. Bon, alors j'ai un peu de background en sociologie, en histoire pour pouvoir dire que non, c'est de l'instrumentalisation. Et oui, j'en ai profité du fait que finalement, je suis journaliste et que je suis, entre guillemets, dans ces cercles un peu de pouvoir, parce que le pouvoir médiatique est un pouvoir, pour dire, bon ben voilà, on va faire une tribune avec une historienne et une sociologue et on va dire en quoi c'est problématique de présenter les personnes asiatiques et notamment les Vietnamiens. Là, il a mis de côté les Chinois parce qu'il sait que les Chinois sont mal vus, entre guillemets, par la société. Donc, il a pris les Vietnamiens,
- Speaker #1
vraiment le truc niche, il a pris le truc niche pour dire, eux, ils réussissent bien, pas comme les autres. C'est assez terrible, finalement, ce constat, de se dire qu'on va utiliser la population asiatique pour discriminer les autres. Mais est-ce que, finalement, ça ne démontre pas qu'en France, c'est plus simple d'être asiatique que d'être nord-africain ?
- Speaker #0
C'est vrai que je me suis posé la question de comment... Est-ce qu'on parle des vécus des différentes communautés ? Et je pense que ce qui est important, ce n'est pas chercher à jouer le jeu de la hiérarchisation. Moi, je suis meilleure, toi, tu souffres moins, toi, tu souffres plus. En fait, moi, je pars du principe que chacun devrait être à un niveau de souffrance équivalent à zéro. Après, il est intéressant quand même de souligner les différences dans les vécus de chaque personne pour qu'on comprenne bien. Par exemple... on peut avoir l'impression que les personnes perçues comme asiatiques n'ont pas de problème de racisme. C'est-à-dire que les personnes ne se font pas insulter ni tabasser. Sauf que pendant le Covid, on a bien vu que ça arrivait. Et c'était un peu une nouveauté en 2020. Donc on s'est dit, ah merde, waouh, ils prennent cher les Asiatiques. Comment ça se fait ? Et en fait, ça révèle que finalement, les personnes asiatiques non plus. jamais été vraiment appréciés sincèrement de la société, puisque voilà, il suffit d'une pandémie pour que tout le monde les défonce. Donc ça montre bien que les personnes perçues comme asiatiques sont tributaires d'un imaginaire colonial qui les présente comme soumises, dociles, etc. Je suis désolée, pour moi, je ne le prends pas comme un compliment. Soumis docile, c'est pour moi quelqu'un qui va rester bien à sa place, qui ne va pas faire de vagues et qui ne va surtout pas revendiquer quelque chose face à des injustices. Donc, on a pu, je pense, pendant longtemps, minimiser l'expérience des personnes asiatiques. Même moi, je l'ai minimisé. Je me suis dit, bon, rien à voir avec ce qui se passe avec les personnes noires et les personnes maghrébines. Et au final, pendant l'écriture de ce livre, je découvre Mais je le sentais un peu. Mais je découvre qu'il existe vraiment des discriminations à l'embauche envers les personnes asiatiques. Donc je découvre cette méta-analyse qui est faite sur une centaine d'études, qui est menée sur neuf pays, et il apparaît que la France est le pays qui discrimine le plus dans cette méta-analyse. Et il apparaît qu'une personne noire a deux fois moins de chances de parvenir à l'entretien d'embauche par rapport à une personne blanche. on est à peu près à 20 1,7 pour les personnes maghrébines et on est à 1,5 pour les asiatiques. Donc c'est trop pareil. Il y a une étude de SOS Racisme qui a été faite, un testing sur l'accès au logement. Donc pareil, les personnes qui ont un nom asiatique sont discriminées. Alors moins, certes, que les personnes qui sont perçues comme noires ou maghrébines, mais elles sont discriminées quand même.
- Speaker #1
Est-ce qu'à votre avis, ça joue sur toutes les strates de la société ? Ou est-ce qu'à partir du moment où on gagne plein d'argent, toute discrimination saute ?
- Speaker #0
C'est une question naïve.
- Speaker #1
Je ne dirais pas qu'elle saute, mais je dirais qu'il y a un impact moins fort. En fait, l'être humain a une identité complexe et chaque personne va naître avec son lot de privilèges et de handicaps qui fait que chacun n'est pas sur la même ligne de départ. Alors certes, par exemple, un homme noir qui a grandi dans une banlieue n'aura pas la même destinée qu'un homme noir qui est... milliardaire qui n'a pas grandi dans les banlieues, qui est bien sapé par rapport à un jeune homme qui se promène en survête, avec une capuche, il passe devant un pli, et par rapport à un homme qui passe en costard, évidemment, ça ne suscitera pas la même réaction. C'est-à-dire que je ne pense pas qu'il... Je pense que c'est compliqué de dire « Tiens, ça, ça va effacer ça » . Mais oui, il peut y avoir des discriminations qui sont... qui sont atténués, mais voilà, si on compare un homme blanc milliardaire à un homme noir milliardaire, c'est l'homme blanc qui gagne.
- Speaker #0
Moi, ce que je me demandais par là, c'est si un des gros problèmes qu'on peut avoir dans notre société occidentale, c'est le fait qu'on ne donne pas la chance à l'éducation, on ne donne pas la chance à ce que tout le monde puisse avoir accès plus facilement à plus d'études, accès à de meilleurs jobs, et que cette crise... elle génère de plus en plus de racisme ?
- Speaker #1
Alors, tout dépend de l'éducation qui est donnée. Donc oui, forcément, l'école, l'ascenseur social, je pense que l'ascenseur, tout le monde le sait, est un peu cassé. Et puis, oui, l'école, finalement, reproduit les élites. Alors, certes, je pense qu'elle a pu servir à certaines personnes qui ont pu s'élever, qui sont des transfuges de classe, qui ont profité. du bac, des diplômes pour s'élever socialement par rapport à leurs parents. Mais je rappelle que dans la majorité des cas, la méritocratie, pour moi, c'est un mythe. Et puis ça ne fonctionne pas trop. Pour un transfuge de classe, on aura combien qui ont galéré alors qu'ils avaient des capacités. Donc oui, moi, je suis assez prudente par rapport à l'école. Oui, on devrait, bien sûr, avoir toutes les mêmes chances grâce à l'école, Meeeeee Le fait est que ce n'est pas au rendez-vous. Et oui, la France a tendance à choisir, mais ça c'est un classique, c'est vieux comme le monde. Quand il a des problèmes, il est plus facile de les rejeter sur les étrangers ou les personnes d'origine étrangère, plutôt que de résoudre ses propres problèmes, ses propres fractures, ses propres inégalités. Ce serait dire, eux, ils ont la délinquance dans le sang, ils foutent la merde. Et puis en plus, s'ils sont délinquants, c'est pas du tout parce qu'il y a un problème dans la société. Bref, c'est complètement absurde. Alors qu'est-ce qu'on peut faire à l'échelle individuelle, à l'échelle de l'État aujourd'hui, pour contrer tout ça, le racisme ? dans nos sociétés ? C'est quand même une vaste question. Mais vous avez travaillé dessus. Oui, oui. Ce qui est toujours marrant, c'est que des fois, on me demande les solutions alors que moi, je suis juste là pour constater ce qui se passe. Je pense qu'il y a besoin d'une prise de conscience avant de passer à l'action. Déjà, si la position, c'est de dire les races n'existent pas, donc le racisme n'existe pas. On n'est pas sortis de l'auberge. Déjà, si on pouvait, au niveau étatique, reconnaître que l'apparence, la race sociologique existe, dans le sens où on va attribuer à des gens une catégorie ethnique, raciale, et on va leur attribuer un caractère, des choses, et on va les discriminer sur ce plan-là. Donc déjà, que le pays reconnaisse. et Je veux dire mesure ces discriminations. Là, aujourd'hui, on est un peu mal lotis par rapport à l'égalité homme-femme. Je veux pas hiérarchiser de mais avec l'égalité homme-femme, on peut faire des quotas avec des personnes perçues comme étrangères. C'est compliqué en fait de se dire tiens, toi t'es perçue comme ça, toi t'es perçue comme ça et d'embaucher les gens sur ces critères-là.
- Speaker #0
Ça a été créé à la base pour éviter des discriminations.
- Speaker #1
Oui, oui, voilà. Moi, je suis totalement en faveur de la discrimination positive pour des raisons d'équité. Parce que si on est égalitaire avec tout le monde et que tout le monde n'est pas à la même enseigne, c'est compliqué. Mais oui, au niveau de la société. Donc déjà, il faut qu'il y ait cette reconnaissance, il faut qu'il y ait cette acceptation de l'histoire coloniale. Parce que si on est dans le déni en mode « Oh, vous êtes nostalgiques ! » Oui, il y en a certains qui... qui sont nostalgiques des heures coloniales. Mais si on leur dit « Ah, mais vous, vous êtes campés sur le passé » , ça c'est un truc que j'entends beaucoup. « Vous êtes restés bloqués sur le passé » . Mais si l'histoire coloniale, elle ne dégoulinait pas sur le présent, si elle n'avait pas des effets sur le présent, là on pourrait peut-être passer à autre chose, mais ce n'est pas le cas. L'histoire coloniale, ça continue. Tant que la France ne reconnaîtra pas ce qui s'est passé, on aura un problème, on aura des fractures. Donc la France doit se regarder dans un miroir. Et puis mesurer ces discriminations et ensuite prendre des décisions qu'il faut pour que tout le monde soit mieux représenté à l'image de toute la société. Et ensuite, au niveau individuel, il s'agit de s'éduquer. Certains diront, oui, le racisme, c'est une question d'ignorance. Mais pas du tout, en fait. C'est-à-dire que l'ignorance, elle a bon dos. Je trouve que le racisme, ça reste un système de domination. qui profite aux personnes qui sont perçues comme blanches. Et il est de notre responsabilité de prendre conscience des privilèges que l'on a. Moi, j'ai mis du temps à prendre conscience de mes privilèges. Par exemple, en tant que... Par exemple, par rapport à une personne qui est plus pauvre que moi, oui, je suis assez privilégiée. Et mes parents m'ont donné des codes pour réussir dans la vie. Si les personnes blanches sont aveugles à ces privilèges-là, On ne va pas non plus s'en sortir. Il faut qu'elles collaborent, il faut qu'elles soient de bonnes alliées. Et les personnes racisées, donc être racisé, ça ne protège pas du racisme. On peut être soi-même hyper raciste en étant racisé. Il faut comprendre que l'antiracisme, ce n'est pas juste un état comme ça, passif, où on attend que ça se passe. Non, il faut vraiment faire la démarche de s'éduquer, de faire des recherches et de passer à l'action.
- Speaker #0
L'Inlanda, nous allons passer au vrai ou faux. Un café au comptoir. Vrai ou faux, petite, vous vouliez être illustratrice de bande dessinée ?
- Speaker #1
C'est vrai.
- Speaker #0
Que s'est-il passé ?
- Speaker #1
J'ai pas eu le courage, je pense, de faire des écoles d'art, parce qu'il fallait écrire un dossier et j'ai eu la trouille. Et je me suis dit, Sciences Po, c'est une bonne alternative. Donc je suis passée un petit côté de la carrière artistique. Et effectivement, je pense que derrière, il y a aussi une angoisse parentale de est-ce que tu vas trouver du travail ou pas ? Finalement, j'ai choisi une voie qui est bouchée également, le journalisme, tout ça pour ça. Mais je me suis rattrapée en créant justement un format qui s'appelle Droma News.
- Speaker #0
J'allais y venir.
- Speaker #1
Voilà, un super format dessiné pédagogique. Et j'ai aussi fait des chroniques pour une émission qui s'appelle C'est Jamy, avec Jamy de C'est Pas Sorcier.
- Speaker #0
Bonjour !
- Speaker #1
Voilà, et j'ai illustré mon propre livre. Donc finalement, j'ai pu vivre un petit peu de mon art.
- Speaker #0
Et puis, ça se trouve, vous êtes encore très jeune,
- Speaker #1
donc il y a toujours possibilité pour que vous reveniez à vos amours de jeunesse, comme on dit. Ouais, il n'est pas exclu que je publie une bande dessinée avant de mourir. Vrai ou faux, vous êtes à l'origine du hashtag, hashtag je ne suis pas un virus. Et non, ce n'est pas moi. C'est faux. Ce hashtag qui est super, on le doit à Joey Bourguin. Jouyik Bourguin, elle est française, adoptée d'origine coréenne, c'est une activiste asio-féministe qui est super vénère.
- Speaker #0
On en parle de ce hashtag.
- Speaker #1
Donc je ne suis pas un virus, c'était un hashtag qui a été aussi utilisé aux Etats-Unis pendant la pandémie. Et l'idée c'est de dire non, les Asiatiques ne doivent pas être les boucs émissaires de cette situation qui touche la Terre entière. Le président Trump que tout le monde adore. partout sur la planète. Elle disait, donc, le virus chinois. Il en parlait comme ça ? Oui, évidemment, le virus chinois. Mais ce virus, il aurait pu... Les pandémies, elles apparaissent n'importe où. Il y a eu la peste noire en Europe. Ce n'était pas la peste noire de Chine. Et puis, elle a été attribuée, à l'époque, au Moyen-Âge, aux Juifs. Naturellement. Vrai ou faux, votre meilleur ami, c'est le rappeur Booba. Je ne sais pas ce qu'on entend par « meilleur ami » . Oui, alors, moi, je n'ai pas d'animosité particulière envers Booba, puisque je ne le connais pas dans la vraie vie. Après, je trouve que... Moi, je me suis fixée une limite, c'est lorsqu'on touche à mes limites, je réagis. Et je pense que lorsque, dans l'exercice de mes fonctions, parce que j'ai écrit un article qui remet en question... Un propos anti-vax relayé par Booba, je trouve ça complètement absurde et ubuesque que lui fasse des captures d'écran de mon compte Twitter, montre des photos de moi où j'ai l'air fatiguée, enfin j'étais fatiguée.
- Speaker #0
Il se moque de votre physique. Oui,
- Speaker #1
il se moque de mon physique et après je me prends une vague de cyberharcèlement de milliers de personnes avec des commentaires... sexiste, raciste et aussi transphobe. Il y a des gens qui m'ont demandé, répondez, vous êtes un homme ou une femme ? Voilà. Coucou Brigitte Macron. J'ai failli la faire. Elle me l'a coupée là, paf, comme ça. Qu'est-ce que ça raconte, ça, de notre société, des hommes de notre société ?
- Speaker #0
Les hommes sont des troupes. Désolée.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Je lâche le micro.
- Speaker #1
Pas tous les hommes.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
c'est ça. Alors, ça montre plusieurs choses. C'est que ça montre que le patriarcat a de beaux jours devant lui. Le patriarcat, de toute façon, ça concerne les hommes de toutes les origines. Et ça montre aussi à quel point, sur les réseaux sociaux, notamment X, qui a été racheté par Elon Musk, qui est lui-même d'extrême droite, en fait, les femmes sont... extrêmement vulnérables et extrêmement vulnérables au cyberharcèlement. Donc, si j'ai porté plainte, c'est parce que j'étais aussi quand même soutenue par mon employeur qui finance mes frais d'avocat. Mais voilà, je pense aux personnes qui n'ont pas les moyens de le faire, en fait. Donc, il y a plein de moyens, il y a plein de personnes qui n'y pensent même pas, en fait, à demander justice parce que c'est peine perdue. Donc, moi, j'ai envie que les femmes continuent à s'exprimer, à dire ce qu'elles ont à dire, qu'elles ne soient pas silenciées et qu'elles ne soient pas critiquées. Enfin, si vous me critiquez, critiquez-moi sur le fond. Ne me critiquez pas sur mon physique ou quoi que ce soit. Donc voilà, je suis atterrée par... Le procès, ce sera en début décembre. Je ne dis pas que ça... Enfin, voilà, ça me fait peur, bien sûr, parce que c'est la première fois que je vais me trouver au tribunal. Je pense du bon côté de la barre, mais quand même, on ne devrait pas avoir à endurer tout ça.
- Speaker #0
Justement, les attaques sur le physique, surtout quand on vient d'une minorité, on peut parler de fétichisation. D'ailleurs, c'est un thème que vous développez dans votre livre. La fétichisation de la femme asiatique, c'est la voir comme une personne qui est... plutôt soumise, qui évoque encore une fois une vision héritée du passé colonial, un peu comme certaines femmes maghrébines. Est-ce que ça veut dire que l'amour entre un homme blanc et une femme asiatique, c'est complètement impossible ? C'est forcément l'expression d'un fantasme inconscient.
- Speaker #1
Je pense qu'il ne faut pas être extrême. Pareil, quand on parle d'appropriation culturelle, en fait, les relations entre les cultures sont... souhaitable. Le problème, c'est quand il y a un rapport de domination. Je pense qu'au contraire, il faut... Moi, je suis toujours contente de voir que des personnes qui ont des cultures complètement différentes peuvent se mettre en couple et se faire découvrir l'un de l'autre leur culture respective. Et ça, c'est vraiment absolument génial. Après, la question qui se pose, c'est le rapport de domination. Est-ce qu'il y a ou non un rapport de domination ? Et je sais, par exemple, que... qu'on voit beaucoup d'hommes blancs en couple avec des femmes asiatiques, on voit beaucoup moins des femmes blanches en couple avec des hommes asiatiques. Pourquoi cette asymétrie ? Là, je renvoie encore à l'époque coloniale. Mais il ne faut pas qu'il y ait ce rapport de domination. Après, je le disais dans mon livre, il y a 50 shades of fétichisation. Certes, le fétichisation, c'est un racisme sexuel. Et être attiré finalement par une ethnie, c'est pas anodin du tout, contrairement à ce que certains disent. Ah bah oui, c'est comme aimer les rousses ou les blondes. Pas exactement en fait, pas exactement, parce que les rousses ou les blondes, elles ont pas été soumises à la prostitution par des réseaux malveillants, comme ont pu être des personnes asiatiques en Asie. Donc en fait, il faut que lorsque les hommes, moi j'invite les hommes blancs, qui m'écoutent lorsqu'ils sont systématiquement attirés par des femmes asiatiques, genre pas une fois mais en série, genre elles, elles, elles, j'ai envie de leur poser la question, est-ce que ces meufs sont interchangeables pour vous ? Est-ce que vous voyez derrière elles leur humanité, leur personnalité ? Est-ce que vous projetez des trucs en même temps, l'exotisme, le voyage ? Qu'est-ce qu'il y a derrière cette attirance ? Il ne faut pas interdire ces relations, mais il faut juste les interroger. et s'assurer qu'elles partent vraiment d'un bon sentiment. Voilà, que ce sont deux êtres humains qui se connectent entre eux.
- Speaker #0
Vous-même vous rapportez un souvenir d'un de vos ex-petits copains qui avait un poster d'une célébrité de la télé-réalité. si je ne m'abuse, qui avait des traits asiatiques, et ça vous a choqué ?
- Speaker #1
Oui, la star de télé-réalité s'appelle Marjolaine Bui, une femme d'origine vietnamienne, hyper sexy. Et moi, je trouve que les femmes, elles devraient faire ce qu'elles veulent avec leur sexualité. Si elles ont envie de renvoyer une image hyper sexualisée, libre à elles. Si elles veulent se cacher de la tête aux pieds, libre à elles. Mais le problème, c'est encore une fois que cette image hyper sexualisée, ça a hérité encore une fois de l'époque colonnelle, ça dégouline sur des meufs qui n'ont rien demandé. C'est-à-dire que moi, je n'ai pas demandé à être hyper sexualisée. En fait, je voudrais que ce soit ma décision et pas que ce soit quelqu'un qui m'impose ça. Donc ce qui s'est passé avec ce pute ami, c'est que déjà, il était hyper cringe. C'est pas un mec blanc, c'était quand même un mec racisé, je précise.
- Speaker #0
C'est quoi Hyper Cringe pour les personnes qui ne connaissent pas ce mot ? Hyper Cringe,
- Speaker #1
c'est quelqu'un qui, par ses propos, provoque un malaise à répétition. Donc voilà, il m'appelait ma fleur d'Asie. Et en fait, je sentais que c'était bizarre, mais je n'arrivais pas à mettre les mots dessus. À l'époque, je ne savais rien sur le racisme ni la fétichisation.
- Speaker #0
Vous aimez pas quand vous aimez pas ? Oh, ma petite fleur d'Asie.
- Speaker #1
Je ne suis pas un resto, une fleur d'Asie. En fait, je suis une fleur, dans le sens où... L'inland ça veut dire muguet Ce qui est bien une fleur Donc techniquement il a pas tort Mais voilà fleur d'Asie c'est comme tour de jatte C'est comme collier de perles C'est super kitsch C'est hyper kitschouille Et puis Il projetait quelque chose sur moi Que je n'étais pas Et surtout Il était de notoriété Mais ça je l'ai su un peu trop tard Qu'en fait il était surtout attiré Par les femmes asiatiques Donc voilà, je me suis sentie déshumanisée finalement, et ça m'a rendue assez parano au moment de rencontrer d'autres hommes. Je me demandais, mais bon, qu'est-ce qu'ils ont derrière la tête ?
- Speaker #0
Qu'est-ce qu'ils ont derrière la tête, c'est également les personnes qui font beaucoup d'humour sur les Asiatiques. Qu'est-ce que ça dénote, et est-ce que ça fait qu'il y a aujourd'hui des sujets intouchables ?
- Speaker #1
Oui, et qu'est-ce que ça dénote ? Et surtout, quel type d'humour on fait sur les Asiatiques ? Voilà, les blagues sur les Asiatiques, franchement, je pense qu'elles sont toujours, à l'heure actuelle, tolérées par la société. Ça passe encore. C'est vraiment, j'ai l'impression, la dernière communauté dont on peut rire dans le stand-up, en fait. Mais bon. Oui, il y a beaucoup de... Je pense au sketch de Kev Adams et de Gad Elmaleh. Et aujourd'hui, il y a toujours des personnes, des humoristes qui vont faire l'accent, etc. Se trouver hyper drôle. Mais il y a quand même une différence entre rire contre et rire avec. Est-ce que l'humour, il n'est jamais innocent ? Les gens disent que c'est juste de l'humour. L'humour, en fait, il reflète les dominations de la société. Si les blagues sont principalement sur les femmes, sur les blondes, sur les gros, sur les handicapés, ça veut dire que la norme... C'est l'homme blanc, c'est celui duquel on va parier en fait très peu, je connais très peu de blagues sur les hommes blancs, je connais beaucoup de blagues sur les blondes et sur les femmes et sur les asiatiques, sur les juifs.
- Speaker #0
On a eu des blagues sur les belges et sur les blancs en même temps.
- Speaker #1
Ce qui est un peu différent parce que les belges blancs ne sont pas victimes de racisme systémique. Donc voilà, l'humour peut reproduire les discriminations de la société. Mais l'humour peut aussi dénoncer les discriminations de la société. Et moi je suis pas contre l'humour, bien au contraire, mais qu'on réfléchisse à qu'est-ce qu'on veut faire avec cet humour. Donc je sais qu'il y a des Asiates qui font de l'humour, et qui font l'accent aussi en imitant leurs parents, mais avec beaucoup d'autodérision. Et en plus ils imitent bien cet accent. Moi j'ai des potes qui imitent très bien l'accent viette, moi ça me fait mourir de rire. L'accent viette ? Oui.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
C'est niche, mais l'accent asiatique comme ça, il n'existe pas en vrai.
- Speaker #0
Vous le faites très mal.
- Speaker #1
Oui, en plus, je n'ai pas l'habitude.
- Speaker #0
Ce n'est pas bon. Est-ce que ça veut dire que finalement, pour l'humour, pas que l'humour asiatique, mais qu'en fait, on veut faire de l'humour sur la communauté gay, il faut être gay. On veut faire de l'humour sur les Africains, il faut être Africain. On veut faire de l'humour sur les blondes, il faut être blonde. Est-ce que ça va fonctionner comme ça ? Ou est-ce qu'on va être beaucoup plus intelligent ? Ou s'abstenir totalement ?
- Speaker #1
Non, je pense que c'est une interprétation un peu trop extrême. Parce qu'encore une fois, on peut être racisé et faire de la merde. Donc voilà, quelqu'un de racisé qui va faire de l'humour, c'est pas la garantie qu'il va... faire les choses bien. Donc, encore une fois, tout dépend de... Est-ce que la personne s'est déconstruite avant, en fait ? Donc, je pense qu'une personne blanche méga déconstruite, elle pourra faire... Vous y croyez ? Enfin, je sais pas, peut-être. Par exemple, je sais pas, mais en tout cas, moi, j'adore... Il y a des humoristes que j'adore et que je recommande, c'est Key & Peele. Ce sont des humoristes américains et eux, vraiment, ils savent rire de tout. Vraiment, je les adore. Il m'inspire.
- Speaker #0
Il n'y a pas ça en France ? Euh...
- Speaker #1
Je... Ouais, je passe mon tour. Je ne se prononce pas !
- Speaker #0
Qu'est-ce qui bloque le plus aujourd'hui par rapport à la question du racisme, que ce soit dans l'humour, que ce soit dans la littérature, que ce soit au niveau politique, c'est quoi ? Qu'est-ce qui bloque le plus ? C'est l'ignorance, c'est le déni ou c'est un intérêt politique, une sorte d'intérêt suprême à faire que, finalement, il y ait toujours une sorte de racisme en France ?
- Speaker #1
Alors moi je vais me mettre dans les baskets des dominants. Moi je suis dominante, et bien je suis bien. Je veux le statu quo. Donc qu'est-ce que je vais faire ? Quand les autres vont protester, je vais étouffer leur voix, je vais leur dire qu'ils rêvent, qu'ils sont susceptibles, qu'ils sont nuls, qu'ils disent n'importe quoi. C'est la même chose, excusez-moi, je vous coupe, désolé, j'ai eu un peu peur de m'interrupting, mais c'est la même chose en fait sur les questions d'écologie, où on dit, ben non, ça fonctionne bien comme ça. Pourquoi vous allez nous emmerder en mettant des normes et compagnie ?
- Speaker #0
C'est la même chose pour vous ?
- Speaker #1
Oui, mais ce qui bloque les avancées progressistes de façon générale, je fais le parallèle avec une relation amoureuse toxique. La personne qui nous domine, la personne qui est un peu narcissique, la personne qui nous domine ou le système qui nous domine, composé des personnes dominantes, va nous faire comprendre que nos combats ne sont pas valables, pas légitimes, qui n'existent pas, qu'il n'y a pas de... problème, qu'il n'y a pas de raison d'être. Alors qu'il croit ou non à ce qu'il dit, cet acteur dominant, il va tout faire, il va tout faire, ce qui est en son pouvoir, pour maintenir un statu quo, pour que les choses, elles n'évoluent pas, en fait. Donc, les personnes oppressées, bien sûr, en ont marre, ont parfois recours à la violence, mais en fait, cette violence, elle est légitime, parce que quand on vous étouffe, quand on vous empêche de vivre, qu'est-ce que vous faites ? Merci. vous vous donnez un coup de pied pour monter à la surface.
- Speaker #0
C'est ce que vous faites. C'est quoi la suite du combat de Lin Lang Dao ?
- Speaker #1
Le repos étant un acte de résistance anticapitaliste, je veux bien lever un petit peu le pied. D'accord. Pour le coup, non, en vrai, je rigole. En vrai, le prochain combat, c'est pour 2027. Non, non, non, pas dans le sens où je me présente. On va se présenter. Pas dans ce sens-là. C'est juste qu'on va élire... un ou une nouvelle présidente en 2027. Et on a peur. Moi, je n'ai pas envie que l'extrême droite passe. Si mon livre peut être lu un maximum possible, je serais vraiment très heureuse. On est en train de glisser tout doucement. C'est dans tous les pays occidentaux, dans toutes les démocraties qui sont fragiles et vulnérables au discours extrême, à la fascisation. J'ai l'impression qu'on a un petit peu la mémoire un peu courte sur ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Et j'aimerais qu'on ne perde pas cela de vue. Je veux continuer à militer, parce que pour moi, militer, ce n'est pas un gros mot. Si on milite pour des valeurs progressistes, ça va, en fait. Mais je veux continuer, je veux continuer dans ce sens-là, ne pas m'arrêter et faire mon maximum pour que la société soit plus progressiste avec mes petits moyens et tout en m'économisant un petit peu quand même.
- Speaker #0
Sans fachos parce qu'ils sont pas très gentils.
- Speaker #1
Voilà, ils sont méchants.
- Speaker #0
Mais bon, cœur sur eux quand même. Non, j'ai pas... Généralement, dans Un Café au Comptoir, on termine l'émission avec des références par rapport au monde du café, de la boisson, de la bouffe, des choses comme ça, parce que nous sommes dans un café, et nous sommes d'ailleurs au café du village dans la 13ème. Merci de nous accueillir, c'est très sympa. Quels sont les trois plus gros malentendus occidentaux ? En matière de culture culinaire asiatique.
- Speaker #1
Les malentendus occidentaux.
- Speaker #0
Ouais, les malentendus occidentaux. Par exemple, des choses qu'on se dit, tiens, ça c'est absolument asiatique, et en fait ça l'est pas du tout. A votre avis ?
- Speaker #1
Je pense direct à un truc, c'est le bobboun. Les gens, on mange, le bobboun c'est super bon, c'est du bœuf et des verres smicels et parfois des nems. Et on a l'impression que c'est... Un plat qu'on trouve partout au Vietnam et en fait pas du tout. Je ne sais absolument pas comment il a émergé. Alors il y a bien du bœuf et des vermicelles au Vietnam, ça s'appelle Boon Boon. Mais ouais, je pense que si vous demandez un Boon Boon au Vietnam, la personne va vous regarder un peu chelou. Voilà. Je vois ça comme malentendu.
- Speaker #0
Moi je voulais vous parler des Fortune Cookies. Je sais pas si vous voyez ce que c'est.
- Speaker #1
Oui je vois ce que c'est les Fortune Cookies.
- Speaker #0
En fait on pense que c'est asiatique, en fait c'est pas du tout, c'est américain.
- Speaker #1
Oui c'est vrai que moi j'en ai mangé qu'aux Etats-Unis. Dans tous les restaurants chinois aux Etats-Unis, et il y en a pas mal également en France, on nous sert ce petit truc. Un petit gâteau, Fortune Cookies, dans lequel vers le nouvel an, on a des sortes de vœux de prospérité, d'amour, de ce que vous voulez. Et en fait,
- Speaker #0
c'est pas du tout asiatique.
- Speaker #1
Ouais, j'étais tombée effectivement sur ces Fortune Cookies et je trouvais les petites Maxime à l'intérieur rigolotes, mais je savais pas du tout que ça venait pas d'Asie en fait.
- Speaker #0
C'est assez américain. Est-ce que vous connaissez le sakebomb ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
qui est vendu comme un truc absolument japonais à fond. C'est que vous prenez un verre de bière,
- Speaker #1
vous mettez des baguettes en travers, vous mettez un verre de saké par-dessus, vous tapez sur la table, et quand vous tapez sur la table, le verre de saké tombe dans la bière. Il faut boire la bière en entier. On nous vend ça comme un truc absolument japonais et c'est absolument américain. Ok, ouais. Vous avez jamais testé le saké, moi ? Mais je bois pas d'alcool, en fait. C'est pour ça que
- Speaker #0
Citronade est glacé. et... Et j'ai trouvé un dernier malentendu sur l'Occident et la culture asiatique. C'est le ketchup. Le ketchup vient de Chine.
- Speaker #1
Ah !
- Speaker #0
Totalement. Le ketchup a été découvert au sud de la Chine au XVIIe siècle par des Anglais. C'était une sauce salée fermentée à base de poisson et de soja. Et les Anglais ont rapporté ça en Angleterre, sauf qu'ils n'avaient pas tout à fait les mêmes aliments, donc ils ont mis de la tomate dedans. Et c'est les Américains qui ensuite ont mis encore plus de... rajouté du sucre parce que ça servait à stabiliser le truc. Et le nom déjà s'appelait... je vais pas le faire mais ça ressemblait vaguement à ketchup en chinois.
- Speaker #1
Ok bah ça me fait penser aux pâtes qui ont été rapportées de Chine par Marco Polo. Désolé les italiens.
- Speaker #0
Buongiorno ! Appele pasta ! C'était le seul accent que je pouvais faire dans ce café au comptoir avec Lin Landau.
- Speaker #1
Encore, ouais.
- Speaker #0
Mais sans moquer aucune, chers amis italiens. Alors, merci beaucoup d'avoir accepté cette interview Lin Landau. Le livre s'appelle Vous, les Asiates, aux éditions de Noël. Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter ?
- Speaker #1
D'autres livres, d'autres BD, une longue vie, en démocratie.
- Speaker #0
Et ben voilà,
- Speaker #1
ça va pas ?
- Speaker #0
Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, nous, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues. votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici, et à très très très très bientôt pour un nouveau café.