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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

Élise Roth et Léa Roblot, comédiennes clown au théâtre, La Honte et nos sentiments

Élise Roth et Léa Roblot, comédiennes clown au théâtre, La Honte et nos sentiments

49min |05/11/2025
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Élise Roth et Léa Roblot, comédiennes clown au théâtre, La Honte et nos sentiments

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Description

Dans ce nouvel épisode d’Un Café au Comptoir, Alexis Himeros reçoit Léa Roblot et Élise Roth, duo de comédiennes et autrices qui explorent l’intimité, la honte et la puissance du rire à travers leur spectacle.


Ensemble, elles revisitent les codes de la société, incarnent le clown sous des formes inédites et mêlent improvisation, paroles authentiques et performance théâtrale.


De l’école d’art clownesque à la création collective, elles partagent leur regard engagé sur la féminité, la honte et le rapport au public. Une discussion vivante et généreuse où les récits personnels, le malaise, l’engagement féministe et la création artistique s’entrecroisent.


Prenez place au comptoir : c’est là que se rencontrent les émotions, les parcours et l’art de raconter.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


instagram LA HONTE :

https://www.instagram.com/lahontelespectacle/

La Honte
du 17 oct.  au 16 nov. 2025

au Théâtre La Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris 




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, j'écris des histoires, je fais des podcasts et j'aime jouer de ma voix. Et comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix. Pourquoi ? Parce que c'est là que tout le monde se rencontre, c'est là où on s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir. C'est parti ! Un Café au Comptoir

  • Speaker #1

    Un Café au Comptoir

  • Speaker #2

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Mes invités du jour sont deux, elles se sont trouvées sur les bancs d'une école d'art clownesque et ne se sont plus quittées. Mettre à jour l'intime, donner à réfléchir, provoquer le rire est devenu leur mission. Il leur fallait un sujet d'étude et pour cela, rien de mieux que de prendre un sentiment qui isole pour le transformer dans une visée universelle et cathartique. Ce sera la honte. La petite honte de rien du tout et les plus tabous. Après le festival de Riak, La honte, la pièce, poursuit sa vie au théâtre de la Reine Blanche et sans doute bientôt sur beaucoup d'autres scènes. Bonjour Léa, bonjour Élise. C'est quoi votre plus grosse honte d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Une honte qui est arrivée... Bonjour Alexis. Une honte qui est arrivée aujourd'hui même.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, aujourd'hui. Allez au maximum hier.

  • Speaker #2

    La première qui me vient à l'esprit c'est que je suis arrivée en retard à notre rendez-vous avec Élise. Ça c'est vraiment ce qui me vient à l'esprit.

  • Speaker #0

    C'est une petite honte. C'est pas vraiment une honte. Je pose cette question parce que justement votre spectacle, parce que vous faites partie de cette petite troupe EKI, et votre spectacle est précisément sur...

  • Speaker #2

    La honte !

  • Speaker #0

    La honte, merci Élise. Un spectacle que vous avez écrit à deux, non ?

  • Speaker #2

    À trois même, avec Mickaël Délis, qui est notre co-auteur, qui est comédien par ailleurs. Qui n'est pas là. Qui n'est pas là.

  • Speaker #0

    qu'on a déjà interviewé dans ce même podcast. Vous n'êtes que deux sur scène. C'est un duo, moi j'ai vu la pièce, ça démarre. sur les chapeaux de roue, ça finit sur les chapeaux de roue également, une sorte de foisonnement de paroles autour de la honte, de remise en question. En fait, le sujet, au-delà de la honte, est-ce que c'est la vision de notre société par rapport à qui on peut être ? Qui on a le droit d'être, excusez-moi. Oui,

  • Speaker #2

    en tout cas, nous on utilise nos personnages qui, elles, pensent maîtriser les codes de la société, mais ne les maîtrisent pas. En ça, on utilise l'outil du clown. Elles, elles pensent qu'elles gèrent, qu'elles sont en maîtrise alors que pas du tout. Et pour nous, on se sert de leur attitude pour refléter en tout cas ce que la société pense maîtriser et ne maîtrise pas toujours. Elles reflètent les bourdes, les loupés, les erreurs, les incertitudes, les failles. Elles reflètent tout ça.

  • Speaker #0

    Et vous arrivez sur scène éhontément ou alors toute honte bue, ce sont des expressions qui existent quand même. avec des archétypes féminins. Comment sont nés ces archétypes, ces personnages ?

  • Speaker #3

    On n'a pas forcément construit à partir d'archétypes. On a deux personnages qui ont deux rapports à la honte très différents, enfin qui sont un peu opposés, qui sont un peu comme un négatif et un positif.

  • Speaker #0

    On a Léa qui est un peu une sorte de bimbo, qui se voit comme ça, peut-être... Moi, je voyais la speakrine italienne qui n'est pas italienne. Et tandis que vous, Élise, vous campez un personnage... De

  • Speaker #3

    Virzon. Pardon pour tous les auditeurs qui sont à Virzon. On apprécie énormément Virzon. J'aime beaucoup Jacques Brel. J'ai honte. Voilà ma première honte de la journée.

  • Speaker #2

    Tandis que vous, Élise,

  • Speaker #0

    vous campez un personnage qui a très envie d'être sûr d'elle, mais en fait, qui n'est pas du tout. Tout à fait. Qui entre un peu en confrontation avec le personnage campé par Léa et qui a envie de s'affirmer également. ouh ouh perçoit une pointe d'admiration et de frayeur en même temps dans cette comparaison entre les deux ?

  • Speaker #3

    Disons qu'il y en a une qui est submergée par la honte en continu, et une qui est plutôt éhontée, a priori en tout cas. En tout cas, elles ont un rapport déséquilibré à la honte, une qui aurait trop honte et une qui n'aurait peut-être pas assez, ou en tout cas qui ne connaîtrait pas tellement la honte. Et donc, en tout cas, c'est plutôt autour de ces deux dynamiques-là qu'on a construit les personnages. Et après, on n'a pas construit par rapport à des archétypes, mais après, il y a notre nature clownesque de chacune qui s'est immiscée là-dedans et qui a construit malgré nous ces personnages, en fait.

  • Speaker #0

    C'est bien de prononcer le mot clown parce qu'il y a beaucoup de ça. Ce n'est pas simplement une pièce de théâtre qu'on va voir, c'est une performance. C'est quelque chose qui est... Presque du comique de situation par moment. Dans votre... Carrière, dans votre éducation de comédienne, comment le monde du cirque s'est-il logé ?

  • Speaker #3

    Moi, je ne réponds pas forcément à cette question, mais je réponds aussi. Mais comme ça, ça nous laisse le temps de réfléchir. Non, non, mais je réponds à ce que... Je ne sais pas si on se tutoie ou on se vouvoie.

  • Speaker #0

    Moi, je vous vois, vous faites ce que vous voulez. Alors,

  • Speaker #3

    on se vouvoie. On se voussoie. On se voussoie. Sur la question de performance, effectivement, nous, on voit plus... C'est-à-dire que la pièce, ce n'est pas une représentation d'un texte préétabli. On n'est pas là juste pour dire un texte. Il y a quelqu'un qui nous a dit sur la honte qu'elle trouvait que la honte, on la ressentait un peu en infra dans le spectacle. Moi, ça m'a parlé parce que... C'est plus du côté de la performance pour nous que ça se joue et le clown il intervient là dedans. C'est à dire que parfois le clown on dit le clown il est pas là pour dire un poème, il est le poème. Ça c'est... je sais plus qui dit cette phrase d'ailleurs. Elle n'est pas de moi.

  • Speaker #0

    Le clown n'est pas là pour dire un poème. Il est le poème.

  • Speaker #3

    Voilà. Et donc nous, nos personnages, le prétexte, c'est qu'elles viennent parler de la honte, mais l'enjeu, c'est plutôt elles, leur rapport au fait d'être regardées et qu'est-ce qu'elles vont vivre. Qu'est-ce que la situation théâtrale, le fait d'être regardée pendant une heure, va aller convoquer dans la relation avec le public. Et c'est ça, en sac, c'est plutôt du côté de la performance, donc c'est ça qui nous intéresse là-dedans. C'est de mettre en jeu la situation théâtrale d'être regardée pour parler du rapport à l'autre et au regard de l'autre.

  • Speaker #0

    Donc vous, je reviens à ma question, vous... Non mais, elle croit quoi ? Donc vous, le monde du cirque, le monde du clown, est-ce que c'est quelque chose que vous avez étudié, vécu, à un certain moment de votre éducation de comédienne ? Si on peut s'exprimer ainsi.

  • Speaker #2

    Je vais répondre à côté. Je ne sais pas si je vais répondre non plus. Mais le fait est que nous avons toutes les deux pratiqué beaucoup l'improvisation théâtrale avant d'arriver au clown. Et ça, l'impro, c'est un art du présent puisqu'on doit faire avec ce qui vient au plateau, ce qui est proposé par notre partenaire de jeu, ce qui est proposé par notre cerveau à l'instant T, par notre corps, par nos bourdes aussi, par les accidents qui sont des cadeaux, ce qui n'est pas forcément le cas au théâtre classique. Mais en impro et dans le clown, on célèbre ces accidents, ça nous donne du jeu. Donc on a ce rapport-là au présent et ce plaisir-là au présent au plateau. Donc ça nous a servi pour écrire la pièce, pour convoquer, pour être dans un rapport très frontal et très au public ce soir-là. Chaque histoire est différente quand on fait un spectacle, chaque soir est différent quand on joue un spectacle, mais encore plus je dirais avec ce spectacle là parce que Ben ouais, ça dépend des retours du public à l'instant T. Et le clown, je réponds encore pas trop à la question, mais le clown c'est un art du présent aussi. Et donc on s'est servi des outils clown pour écrire ce spectacle-là, pour que ces deux personnages-là, elles parlent de la honte, mais elles convoquent la honte au présent aussi.

  • Speaker #0

    Monsieur, c'est quoi votre histoire à toutes les deux ? Ah voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça la question. Est-ce qu'on a fait du cirque et du clown avant ?

  • Speaker #0

    Comment ce duo est-il né ?

  • Speaker #2

    Il est né à la sortie de l'école du Samovar, qui est une formation professionnelle pour artistes clowns. Et toutes les deux, on était comédienne et par ailleurs improvisatrice avant cette formation. On s'est rencontrés là-bas, on a vécu cette formation ensemble, on est devenus amis et on aimait bien le travail de l'autre. On aimait bien jouer ensemble et on aimait bien voir l'autre jouer assez rapidement. Enfin en tout cas moi, dès les auditions. Et à l'issue du Samovar, une fois qu'on était diplômés, on savait qu'on voulait travailler ensemble, mais alors quoi, comment, on ne sait pas trop. Et on est tombé par hasard sur une vidéo INA qui diffusait des témoignages de honte. Une vidéo qui date des années 80 environ, donc avec tout le kitsch des années 80. C'était une succession de témoignages de honte et on a trouvé ça drôle et touchant. Vraiment, ça traversait plein de hontes différentes. On se l'est envoyé et en même temps on avait sous le nez un appel à candidature pour un appel à résidence d'écriture et on a mixé ces deux sujets, le sujet de la honte et pour remplir un dossier pour un appel à résidence, pour une résidence d'écriture. Et voilà, le projet a été enclenché.

  • Speaker #0

    Et vous avez écrit ?

  • Speaker #2

    Et nous avons écrit.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit mais... J'ai cru comprendre qu'il y a un appel au contenu généré par d'autres personnes, par le public même. Même si le public n'est pas invité à participer à votre spectacle, mais quand on est dans le public, on se retient, on fait « mais putain, j'ai envie de parler ! » On ne parle pas, non. Ah ! C'est bien savoir que...

  • Speaker #3

    La honte, c'était vraiment... Déjà, en plus, c'était un sujet qui nous permettait d'aller gratter du côté du clown aussi. Puisque quand on a honte, on se sent un peu plus bas que terre. Et le clown, c'est quand même celui qui est le dernier, qui est l'humilié. Donc c'était aussi un sujet assez intéressant pour aller creuser du côté du clown, même si on ne voulait pas forcément faire du clown avec un nez, etc. C'était aussi un sujet qui parlait de notre amour du clown, c'est-à-dire de notre amour aussi de mettre sur le devant de la scène des gens avec des failles, de montrer aussi l'humanité dans toutes ses fragilités et pas juste dans sa puissance et dans sa force. Et aussi une envie qu'on avait avec ce projet, c'est de rencontrer le public tout de suite. On sortait d'école et on avait faim de jouer et d'être en relation avec le public tout de suite. Et avec ce truc là on parlait de la construction des personnages mais c'est vrai que dans le clown on a vraiment besoin du regard de l'autre pour construire les improviser, enfin on a besoin d'improviser donc on a besoin de public en continu donc dès le début on s'est dit ce qui serait génial ça serait de pouvoir écrire la pièce mais pouvoir avoir plein de rencontres tout le temps avec le public et très vite par rapport à la honte on s'est dit c'est un sujet universel donc ça c'est super parce qu'on va pouvoir communiquer avec plein de gens enfin on va pouvoir comment dire se relier avec un maximum de personnes c'est très universel. Et donc on a voulu, dès le début, inviter le public quelque part à créer avec nous. Et donc au départ, le public, on a sollicité tout simplement nos proches, en leur demandant, on fait un appel à témoignage, et on a fait des récoltes, et petit à petit, on a établi une sorte de protocole de récolte.

  • Speaker #0

    Ah, comme des cahiers de doléances.

  • Speaker #3

    Après, il y a eu les cahiers de doléances, mais au départ, on a fait des entretiens, des rendez-vous. avec un certain nombre de questions, avec chacune des rôles déterminés, qu'on a affinés. Et puis plus c'est allé, au fur et à mesure du temps, on a ouvert à d'autres gens qu'on ne connaissait pas pour récolter plein de hontes les plus diverses possibles. Et on est allé à Aurillac,

  • Speaker #0

    qui est un festival de théâtre de rue d'Aurillac,

  • Speaker #3

    pour faire ce qu'on a appelé la grande récolte de la honte. Et donc là on était des sortes de boymenteuses dans la rue, on criait des hontes dans l'espace public et on invitait les gens à venir raconter leurs hontes. Et là on a récolté des hontes mais en personnages, c'est-à-dire avec nos personnages de Laurence et Estelle. Donc c'était des sortes de petites représentations à un spectateur ou à une spectatrice. Et là on s'est bien amusés.

  • Speaker #0

    Le clown souvent il vient par deux. Comment c'est fait cette distribution des rôles ? Parce que à vous voir là, j'ai l'impression que vous êtes chacune l'antithèse de votre personnage.

  • Speaker #2

    Merci c'est un beau compliment moi ça m'arrange.

  • Speaker #3

    Il faut qu'on intègre cette information.

  • Speaker #2

    On n'a pas calculé. En vrai, on a calculé peu de choses. On a beaucoup navigué à vue avec ce projet. On n'a pas calculé, on n'a pas fait en fonction de qui est blanc, qui est auguste. Assez tôt quand même, on savait qu'on ne voulait pas de conflit dans notre duo parce qu'on en a joué d'autres par ailleurs, dans d'autres projets, parce qu'un conflit entre deux femmes... On voulait un autre chemin.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas de conflit.

  • Speaker #2

    Ce que je veux dire, c'est que le conflit est un schéma d'écriture, notamment chez les clowns. Le blanc, l'auguste, le conflit, tout ça.

  • Speaker #0

    Là, on est sur plus subtil.

  • Speaker #2

    Oui. Elles n'ont pas forcément conscience, mon personnage n'a pas forcément conscience qu'elle gêne ou qu'elle génère un peu parfois l'admiration chez le personnage d'Estelle. Par exemple,

  • Speaker #3

    le public le voit,

  • Speaker #2

    mais mon personnage ne le voit pas. Donc c'est pas construit là-dessus, et ça c'est arrivé au fur et à mesure. On sait que pour notre co-metteuse en scène Lucie Vallon, le blanc et l'auguste pour elle sont très clairs quand elle nous regarde, nous de l'intérieur pas spécialement. Des spectateurs nous disent l'inverse de ce qu'elle ressent, et nous ça nous va très bien que ça ne soit pas déterminé et figé.

  • Speaker #3

    C'est aussi qu'il y a des bascules. Je pense que dans chaque séquence, il y a des dynamiques blancs et augustes, avec une personne qui est un peu plus à diriger et l'autre qui est plus en suiveur. Mais ces dynamiques-là, elles bougent. Donc, ce n'est pas forcément sur toute la... Ah oui, je ne finis pas mes phrases. Léa, tu peux la finir ou pas ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas forcément... À toi !

  • Speaker #3

    C'est pas forcément fixé pour toute la pièce, c'est plus par dynamique de micro-séquence.

  • Speaker #0

    C'est un spectacle qui est sur la honte, ça on l'a dit, c'est un spectacle qui... Énonce des hontes parce qu'on vous voit avec des multitudes de petits papiers sur lesquels il y a différentes hontes vécues, vraies ou pas vraies, on ne sait pas mais on imagine qu'elles sont vraies. Mais parmi celles qui vous ont été rapportées, lesquelles vous ont le plus marqué ?

  • Speaker #3

    Alors, parce que marqué, moi ce qui me vient c'est qu'il y a celles qui nous marquent parce qu'on rit, donc elles sont drôles, il y a celles qui nous marquent parce qu'elles nous touchent et qu'elles sont... émouvantes enfin qui sont étonnantes de capelin de n'a plein qui nous ont marqué pour toutes ces raisons là il y en a plein aussi qu'on a qui nous ont beaucoup marqué mais qui ne sont pas dans le spectacle parce que

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y en a certaines où vous vous êtes dit Oh non, mais non, non, oh non Oui,

  • Speaker #3

    toutes les blagues de caca Au bout d'un moment,

  • Speaker #2

    on n'en pouvait plus, mais merci quand même J'ai pas pensé même à ça Et puis des erreurs faites Des gens qui nous livrent Leur culpabilité Ils sont coupables de ce qu'ils ont fait Et il y en a peu, c'est vraiment une mineure partie Ce qui est logique Les gens disent plutôt ce dont ils ont été victimes Que les conneries Qu'ils ont faites, ça c'est normal Oui, il y a des hondes qui étaient un peu un peu cracra. Mais drôle, drôle quoi. Oui.

  • Speaker #0

    Est ce qu'il y en a une qui vous a particulièrement marqué, que vous avez gardé dans le spectacle ?

  • Speaker #2

    Une qui nous a particulièrement marqué, qu'on a gardé dans le spectacle ? Oui, celle, il y en a sûrement plusieurs, mais je réponds la première qui me vient à l'esprit, quelqu'un qui nous a... Elle est dans le spectacle, donc j'ai le droit de le dire. Ah oui, non mais je dis ça parce que nous, on s'est mis un point d'honneur à ne pas raconter les hontes qu'on nous livrait, que ce soit dans les récoltes ou sur les cahiers. On en parlait entre nous, mais on n'avait pas le droit en soirée, tel des psychologues, des psychothérapeutes, on n'avait pas le droit en soirée de dire « vous savez pas quoi ? » On nous a raconté que je sais pas quoi, je sais pas quoi. On s'en servait pour le spectacle.

  • Speaker #0

    Tu volais du croustille.

  • Speaker #2

    Voilà, on a bien compris mais... Mais celle que je vais dire, elle est dans le spectacle. Venez au spectacle, vous aurez la suite. C'est juste quelqu'un qui voulait aider une personne malvoyante en pensant que cette personne malvoyante voulait monter dans le métro. La personne était sur le quai du métro et elle a poussé cette personne malvoyante dans la rame. Et la personne surprise s'est retrouvée dans la rame. Le métro a démarré, la personne est tombée. Et donc celle-ci, quand elle nous l'a racontée, on s'est dit, c'était vraiment beau comme séquence. Elle était vraiment, vraiment honteuse, cette personne, quand elle nous l'a racontée. Et elle était d'accord pour que ça nous soit utile dans le spectacle. Donc c'était vraiment beau, puis c'était au tout début du projet, donc c'était incroyable d'avoir un truc aussi croustillant, et puis aussi, c'est vraiment généreux de la part de la personne de nous livrer ça. Parce qu'il y a quand même ce truc particulier de se dire que les gens acceptent de nous livrer leur honte. Et est-ce que c'est, modestement, mais est-ce que quelque part en faisant ça, en participant avec leur histoire à un acte théâtral, est-ce que c'est pas un peu sublimer une boulette qu'ils ont faite ou qu'on leur a faite ? Enfin tant mieux si ça leur fait cet effet là quoi. Ah oui et je voulais dire aussi qu'on n'a pas mis toutes les ondes dans le spectacle parce qu'on ne voulait pas faire un effet catalogue et aussi parce que la récolte continue, les cahiers sont disponibles à la sortie du spectacle. Nous des récoltes on a l'intention d'en faire d'autres, on peut encore nous écrire toujours dans cette idée que la fiction et la réalité se mélangent et que nos personnages poursuivent leur grande récolte à travers la France et ailleurs. mais c'est aussi que Il y a certaines ondes qui sont plus catchy et plus intéressantes théâtralement. Une fois qu'on a une histoire, qu'est-ce qui fait théâtre là-dedans ? Qu'est-ce qui est intéressant de raconter au plateau ? Il y a des récits plus intéressants que d'autres théâtralement, j'entends, bien sûr.

  • Speaker #0

    Léa, Élise, nous allons faire un vrai ou faux.

  • Speaker #1

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, votre personnage de bimbo, Léa, ce n'est pas un personnage parce que vous êtes vraiment là en face de moi, en total bimbo. Merci.

  • Speaker #2

    C'est un personnage, c'est complètement un personnage. Jamais de ma vie je n'aurais mis une robe aussi moulante dans une matière qui sent mauvais. C'est une robe Zara qui doit dater de 2015, un truc comme ça. Et c'est un bleu électrique qui ne fait pas du tout partie de ma colorimétrie.

  • Speaker #0

    Ça fait quoi de rentrer dans un tel personnage ? Est-ce que vous avez eu parfois des personnes dans votre public, j'entends des hommes qui viennent et qui sont un peu lourds en disant « alors ? » . Parce que vous êtes effectivement dans une robe totalement moulante, perchée sur des talons très hauts, ça doit faire mal aux pieds en plus sur tout ce spectacle. Est-ce qu'il y a eu des réactions un peu cheloues ?

  • Speaker #2

    Jamais, jamais. C'est marrant, je la trouve pas vulgaire moi cette robe. J'ai l'impression qu'elle se veut classe avec. Il y avait une inspiration un peu madmen, chapeau melon et bottes de cuir, univers de la mairie, mais plutôt mairie avec de la moquette au mur quand on a commencé le projet. Et donc quand on a trouvé ces costumes en flânant dans des friperies, je suis tombée sur cette robe. Je trouvais qu'elle faisait... Ah, il y avait aussi l'inspiration, la présidente dans House of Cards, cette actrice magnifique, je ne sais plus comment elle s'appelle, quelqu'un qui se voulait comme ça. Et Sarah Palin, bien sûr, Sarah Palin. Mais quand on regarde bien, la robe est un peu de mauvaise qualité, les manches sont un peu trop courtes, tout ça. C'est le côté bimbo.

  • Speaker #0

    Mais le côté bimbo,

  • Speaker #2

    j'en joue, j'ai de ce physique-là. Après, personne ne m'a rien dit sur ce personnage. Après, j'imagine qu'au début, il peut faire bimbo, mais qu'ensuite, il est effrayant. Enfin, je finis quand même par parler de sujets pas très sexy. J'imagine que ça vient de là. Mais je peux dévier un peu. J'ai d'autres costumes de clowns avec lesquels j'entends des remarques ensuite.

  • Speaker #0

    Ah oui ?

  • Speaker #2

    Ouais. Et je trouve assez surprenant parce que certes, mes costumes sont assez moulants et on y... Et on y voit mon corps, d'accord, mais mon maquillage, je me fais volontairement les dents pourries, j'ai un maquillage un peu... ce qu'on qualifierait d'un peu trash pour résumer grossièrement. Voilà. Mais non, j'ai jamais... Non,

  • Speaker #0

    vrai ou faux, donc c'était faux, c'est un personnage.

  • Speaker #2

    Ah ouais, j'avais oublié la consigne. Donc c'est quoi la question ? Faux, merci

  • Speaker #0

    Faux Léa et Élise, vrai ou faux ? Vous allez vendre les cahiers de doléances A la fin de votre spectacle Histoire de vous faire un peu de thunes

  • Speaker #3

    Vrai, c'est une idée Tu viens de nous suggérer cette idée Et on va le faire,

  • Speaker #0

    c'est une bonne idée En la tête de Léa

  • Speaker #3

    Pour ceux qui n'auraient pas compris que c'était une blague Faux, évidemment Merci.

  • Speaker #0

    Pourtant c'est difficile de... La question devient un peu plus sérieuse mais le monde du spectacle, le monde du théâtre, c'est un monde qui est difficile. C'est difficile aujourd'hui d'être comédienne, d'être comédien, d'en vivre. Comment on peut trouver des moyens de rentabiliser en plus ce qu'on fait ?

  • Speaker #3

    Oui, bien sûr, c'est pour ça que j'ai répondu vrai à cette proposition. Non, mais évidemment, il y a un gros problème d'argent et de financement dans le spectacle vivant et qui est de pierre en pierre et avec des dates de tournée qui sont de moins en moins... avec des chutes dans toutes les dates de tournée, sur tous les projets de toutes les compagnies.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi vous vous lancez là-dedans, finalement ?

  • Speaker #3

    Parce que ce n'est pas pour l'argent. En fait, on a... Oui, c'est absolument pas pour l'argent, parce que c'est une nécessité. Parce que c'est une nécessité. Je crois que quoi qu'il arrive, on a commencé et on finit cet argent. De toute façon, ce projet, on est totalement en autoproduction. On finit cet argent. On finit cet argent. Vous êtes sur votre psy,

  • Speaker #0

    on jure. Donc on finit cet argent. Oui,

  • Speaker #3

    tout à fait. Intéressant, Léa. Non mais c'est une nécessité à un moment donné de créer, d'expérimenter. C'est une sorte de quête qui n'a jamais de fin. Léa,

  • Speaker #0

    vous voulez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que c'est de pire en pire, mais on a commencé il y a quelques années maintenant, c'était moins pire. Après, moi j'ai toujours fait des spectacles, participé à des spectacles avec peu de moyens. Alors, c'est pas pour dire qu'il faut nous en enlever encore plus. Certes, on se débrouille, mais on se débrouille difficilement. C'est juste qu'on y arrive avec peu de moyens. On est bien entouré, on fait des choix. On s'entoure de gens tout aussi passionnés que nous, qui sont d'accord malheureusement pour tout le monde de travailler dans ces conditions-là. On pourra couper le malheureusement ? Heureusement, ils sont d'accord pour travailler avec nous dans ces conditions-là. Attendez, je vais refaire mes phrases. De toute façon, on peut couper. Jingle ! Tu veux dire des choses ?

  • Speaker #0

    Je lis la tristesse au fond de vos yeux.

  • Speaker #2

    Non, oui, je suis triste des conditions dans lesquelles on travaille, ça c'est sûr. Je suis intimement persuadée de l'utilité de la culture. Moi, ça m'a été très utile quand j'étais petite et ado, avant même de savoir que je voulais être comédienne. Ça a façonné mes amitiés, ça a façonné ma vision du monde. Je suis persuadée que c'est nécessaire à la société.

  • Speaker #0

    Comment ça naît chez quelqu'un, l'envie de devenir comédienne, au point de devenir une nécessité ? au point de se lancer dans des spectacles où d'aucuns diraient « Mais quelle folie de se lancer là-dedans, de perdre autant de temps à écrire, de perdre autant de temps à répéter, de perdre autant de temps à jouer pour trois clopinettes. » Et pourtant, c'est votre vie. Comment ça naît ?

  • Speaker #2

    Je pense que nous, on gagne du temps à parler autant de nos émotions, à décortiquer autant, parce qu'évidemment que ce spectacle... Il est basé sur la honte, mais ça raconte de nous, Élise et Léa, derrière. Ça raconte de notre relation, ça raconte de notre condition de femme, de française, ça raconte de tout ça. Et donc, en parlant, en cogitant, réfléchissant à ce spectacle, on réfléchit à nous-mêmes. On réfléchit à nos failles personnelles, à nos aspirations personnelles, à nos désirs, à nos rapports au monde. Donc, quelque part, on en gagne du temps. On n'est pas payé à faire ça, mais on en gagne du temps personnel. Et la passion, en tout cas me concernant, j'ai fait du théâtre comme plein d'enfants quand j'étais petite et j'ai adoré faire ça et j'ai voulu continuer, continuer, continuer. Et j'ai su que c'était un métier possible et j'ai voulu en faire mon métier. Et pourquoi on choisit ? On aurait pu faire autre chose, on aurait pu écrire des bouquins, on aurait pu faire mille autres choses, c'est vrai, pour parler de la honte ou pour parler d'autres... Voilà, mais pas pour gagner de l'argent non plus. Mais on aime faire ça. Donc c'est déjà énorme d'aimer faire quelque chose, alors on le fait.

  • Speaker #0

    Je pense qu'Élise veut prendre le micro. Oui, elle se tient la gorge comme ça. Je vais le garder,

  • Speaker #2

    puis je vais raconter d'autres trucs en attendant que son idée passe.

  • Speaker #0

    Rendez ce micro. Je fais du man-interrupting pour donner la parole à Élise.

  • Speaker #3

    Non mais en fait ce que je trouve... J'ai du mal à répondre à cette question, parce que ce que je trouve... Pas la peine de réclamer le micro. Parce que ce que je trouve étrange... C'est de passer 8 heures, c'est de passer du temps sur un travail qui ne nous anime pas. Quand j'étais enfant ou ado, c'était juste ma hantise de me dire « Ah mais en fait, le travail c'est de 9h à 18h, donc il faut que je trouve un truc où je ne vais pas mourir d'ennui pendant toutes ces heures-là. » Je trouve que la question que je me pose, c'est comment tous les gens qui souffrent au travail ou qui ne sont pas... Merci. qui n'ont pas de plaisir à le faire. Alors je ne parle pas, je parle évidemment uniquement des personnes qui ont la possibilité de faire autrement. C'est-à-dire que quand on peut, là je m'embrouille, mais... En fait...

  • Speaker #0

    Quand on n'est pas... Attends...

  • Speaker #1

    On va faire un petit montage. On va faire un montage. Ou pas.

  • Speaker #0

    Ou pas, non, mais en fait ce que je trouve... Oui, je sais que ça étonne des gens qui sont salariés, qui ont un salaire confortable, qui leur permet de vivre, et qui voient des artistes, qui ont une sécurité en tout cas, et qui voient des artistes prendre des risques au niveau de leur sécurité. Ils trouvent ça étrange. Moi ce que je trouve étrange, c'est... De pas s'évitant. L'aliénation en travail. Ouais, c'est l'aliénation en travail. Après, on est aliénés dans ce métier aussi très fort. Enfin, plus tard, faut pas croire que les artistes sont totalement libres. On est dépendants d'énormément de choses. On est dépendants de tous ceux qui veulent bien nous programmer, qui veulent bien nous donner de l'argent. On est dépendants du public qui vient nous voir. Et on est dépendants de notre propre passion qui fait qu'on est complètement obsessionnels.

  • Speaker #2

    Dans ce métier, c'était un vrai faux, fallait qu'on fasse court, non ? parce que dans ce métier c'est permanent oui certes on n'a pas vraiment d'horaire mais la réflexion, c'est pas du tout une plainte mais la réflexion elle est permanente notre sujet il est en permanence ici les choix qu'on doit faire, avec qui on travaille quelle réplique à tel endroit notre corps est exposé nos propos sont exposés sur les réseaux sociaux sur toute proportion gardée par rapport à notre starification ... Mais c'est là en permanence ce métier-là, ça ne s'arrête pas à 18 heures. Donc je dis ça par rapport à l'aliénation. Le fait que nous aussi, on est aliénés au travail avec ce travail-là, c'est là en permanence. Il faut être présent aussi, il faut dire oui au projet, il faut toujours être présent, il faut toujours avoir un truc à dire.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vous avez dit oui à cette interview.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, la présence de Michael Delis, qui est un comédien, metteur en scène. qui a une très bonne presse en ce moment pour ses spectacles, où il déconstruit l'homme et la vision de l'homme. Donc la présence de Michael Delis, bon c'est uniquement pour avoir son nom, pour espérer avoir un article dans Télérama, c'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #2

    Oui on le connaît pas vraiment personnellement, finalement on l'a vu deux fois. Non c'est pas vrai. Très tôt il nous a accompagnés sur le projet, Je vais laisser Élise dire d'autres choses sur le projet. Il nous a accompagné à l'écriture à un moment donné où on avait besoin d'un troisième regard. Et lui ayant une plume très aiguisée, ça nous a été très utile pour l'aide à la dramaturgie, à l'écriture, pour ciseler des phrases et pour dessiner encore un peu plus la langue de nos personnages. Et il est arrivé à un moment dans le projet et puis il y est resté pour notre plus grand plaisir. C'est un super partenaire de travail.

  • Speaker #0

    Oui, moi je connais Mickael depuis longtemps puisque je travaillais enfin je travaille toujours dans sa compagnie du temps où il faisait des spectacles aussi avec d'autres comédiens donc j'étais comédienne dans ces projets là et je le suis toujours parce qu'on a un duo sur la montée des eaux qu'on joue dans des fontaines, bref c'est un autre sujet et donc Mickael il a cette cette qualité là Avec ses comédiens, ses comédiennes, de vraiment écrire pour les gens avec qui il travaille. C'est-à-dire qu'il arrive à entendre la prosodie des gens, la langue, et il nous écrivait vraiment des textes sur mesure. Et moi je dirais que c'est même le fait d'avoir travaillé avec lui en tant qu'interprète qui m'a donné envie après d'écrire, de monter des projets, parce qu'il a un côté... Il encourage aussi beaucoup à développer ses propres projets, à... Voilà, et lui, il nous a accompagnés, bien sûr, sur l'écriture, mais aussi, il nous a aidés à clarifier ce qu'on voulait dire avec ce spectacle. Et oui, oui, c'est vraiment un partenaire qui est toujours avec nous, du début jusqu'à la fin. C'est vraiment notre co-auteur.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, l'écriture de ce spectacle ? Est-ce que vous vous enfermez quelque part ? Est-ce que non, pas du tout ? C'est petit à petit ? est-ce que vous faites une sorte de rendez-vous à trois, forcés autour d'une table, de partir dès quelques jours ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Généralement, dans le travail, tous les trois, Léa et moi, on pose les bases de la situation théâtrale, les enjeux des béribles de dialogue des premières V1, qu'on envoie à Mickaël. Après, il y a un système d'aller-retour où lui va questionner, il va réécrire certaines répliques. Après on va refaire une sélection, on est vraiment en aller-retour. Et après on fait des sessions de travail à la table tous les trois.

  • Speaker #1

    Je discutais avec Jean-Philippe Daguerre, metteur en scène et dramaturge. Il me disait que lui il avait besoin de s'enfermer une semaine et de jeter les bases d'un spectacle, que la solitude était très importante pour l'écriture. Et quand on est un duo qui est également un trio finalement... La solitude, elle est... C'est déjà plus compliqué. Est-ce que vous avez malgré tout besoin de cela, de rentrer chacune dans votre bulle, à un certain moment ?

  • Speaker #2

    Euh... Léa ? Euh... Euh... Techniquement, physiquement, déjà avoir un ordinateur par personne fait que chacun écrit dans son coin et puis tu te lances dans ton écriture, mais l'autre aussi, et puis la troisième personne aussi se lance dans son écriture. Et chacun se lance à fond dans son idée, et c'est important de se lancer à fond dans son idée pour la développer et pour faire comprendre aux autres ce que tu as dans la tête. Et en même temps, quand tu te lances à fond dans ton idée, il faut la défendre aux autres qui eux-mêmes ont d'autres idées. Enfin bon bref, il faut mettre en commun, il faut se mettre d'accord. En tout cas pour nous c'est plus enrichissant d'avoir trois cerveaux, mais c'est aussi le fameux truc tout seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin. C'est quoi le truc ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #2

    Plusieurs ? À plusieurs on va plus vite, ensemble on va plus loin. Donc on va moins vite tous les trois, mais on a tellement chacun dans notre coin décortiqué que oui, à la fin c'est plus enrichi. Et après l'écriture, le travail vraiment d'écriture avec nos ordinateurs, ensuite il y a la lecture, et ensuite il faut l'amener au plateau, le tester, et c'est là aussi où on se rend compte de choses qui vont et qui ne vont pas. Et puis après il y a encore un autre alerture avec les ordinateurs. Ça fonctionne beaucoup comme ça. Plateau, ordinateur, plateau, ordinateur.

  • Speaker #1

    Un spectacle sur le honte, mais également une sorte de manifeste féministe. Comment vous définiriez, vous, votre engagement féministe à travers ce spectacle ?

  • Speaker #2

    Eh bien, j'ai envie de dire que ça s'est fait malgré nous, parce que ça peut paraître un peu de mauvaise foi, mais non, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un manifeste féministe, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un spectacle féministe, on ne voulait pas se censurer sur des revendications féministes, sur des propos féministes, bien sûr, mais on ne voulait pas revendiquer des propos féministes. il s'avère que les autrices, les comédiennes, les comédiens en scène sont des femmes. Donc, par ce chemin-là, forcément, on parle des femmes, de la condition des femmes et des problèmes que peuvent rencontrer les femmes. Donc, par ça, oui, on peut poser des propos féministes. Ce n'est pas un gros mot. Ce n'est pas un gros mot du tout.

  • Speaker #0

    Après, notre amitié, notre lien et aussi la question du féminisme est quand même fondatrice dans notre lien, dans notre envie de travailler ensemble. Parce que c'est quelque chose qu'on partage fortement toutes les deux. Même le sujet de la honte lui-même, dans ce qu'il contient... Allez, je le... Je vais le dire après. Non mais c'est-à-dire qu'un des fondements de ce projet, c'était aussi la question de la honte par rapport aux violences sexuelles, donc qui est forcément liée à la question féministe. On n'a pas voulu faire un spectacle sur les violences sexuelles. Mais il se trouve que ça en parle et il se trouve que, au niveau intime, c'était un des moteurs de l'envie d'aller traiter ce sujet-là. Donc je dirais que l'engagement féministe, c'est déjà sur le moteur de ça. Et après, sur le fait de ne pas trop se mettre de limites dans l'engagement physique. Et d'essayer de ne pas trop se conformer à ce qu'on attend d'une femme. Mais ça, je pense que la plupart des interprètes... Enfin, c'est un peu aussi une responsabilité en tant qu'interprète de sortir de son genre pour interpréter, je trouve.

  • Speaker #1

    On a beaucoup parlé du clown tout à l'heure, mais on n'est pas forcément dans un spectacle comique. Ce n'est pas que ça, ça va traverser plusieurs ambiances, et notamment... Même le malaise, et vous provoquez le malaise, vous l'invoquez même, vous le convoquez le malaise. C'est jouissif de créer du malaise dans le public ?

  • Speaker #2

    Jouissif, je sais pas, parce que c'est pas...

  • Speaker #1

    Ça doit être difficile, excusez-moi de vous... de vous interrompre comme ça, mais il y a quelque chose de très difficile pour un comédien à créer le malaise en apportant un sujet, et là on est sur le sujet des violences sexuelles qui touchent tout le monde dans notre société, mais dont on ne veut pas forcément en entendre parler, et vous l'apportez là comme ça, avec un air de défi. Moi je l'ai perçu comme ça.

  • Speaker #2

    C'est intéressant cette aire de défi. Nous on a quand même beaucoup utilisé la naïveté de nos clowns là-dedans aussi. Et encore une fois, l'outil du clown, le clown est inconscient, un peu trop bête pour comprendre ce dont il parle. On a utilisé ça. Est-ce que c'est jouissif de convoquer le malaise ? Jouissif, je ne sais pas, il y aurait quelque chose de pervers à sentir que le public est mal à l'aise. Pas vraiment, ce n'est pas vraiment ce qu'on recherche. Ce n'est pas l'idée de les mettre mal. En tout cas, l'idée qu'il se questionne sur la honte, sur le sentiment de honte ici, Ici et maintenant, ensemble, ça, ça nous intéresse. Sur ce que leur provoque le fait d'entendre un récit de violence sexuelle, c'est pas tant la provocation, évidemment certainement pas la douleur. On a conscience que chez certaines personnes, ça peut réveiller des souvenirs douloureux. C'est pas ce qu'on cherche, c'est plutôt l'après, c'est plutôt qu'est-ce qu'on en fait de ça. C'est plutôt faire réflexion commune, ici et maintenant. Avec la suite du spectacle, c'est pas pour se torturer, ni nous, ni eux, ni elles. Je repose ce micro.

  • Speaker #1

    Vous semblez en pleine réflexion, Élise.

  • Speaker #0

    Non mais je réfléchis sur la question du malaise, et puis non sur la question que vous posiez sur l'engagement fémi, c'est une vaste question quoi. Je sais pas y répondre... Simplement quoi. Sur le malaise, il peut y avoir un plaisir sur le fait de jouer et que au final nous on sait que ça va bien se passer pour le public parce que nous on sait que notre objectif c'est de prendre soin du public mais on sait qu'on a un décalage et que la proposition qu'on fait aux spectateurs peut l'inquiéter. On sait qu'on va en prendre soin. Mais c'est-à-dire qu'en faisant un spectacle sur la honte, si on veut aller au bout de la chose, pour nous, il nous semble important d'aller convoquer la honte au présent. Il y avait un peu, dans la dramaturgie, cette dimension de la honte au passé, c'est-à-dire les souvenirs traumatiques, ou pas forcément traumatiques, mais les souvenirs de honte. La honte au présent qui est là tout de suite. Est-ce que je vais me taper la honte ? Comment la honte se convoque ? On a le rejoujou, etc. Et puis la honte au futur, c'est-à-dire se retenir de faire des choses, s'empêcher de faire des choses par inquiétude d'avoir honte. Donc c'est trois hontes qui sont un petit peu différentes. Et donc on voulait traverser en tout cas ces trois rapports-là, la honte par rapport au temps, qui ne sont pas les mêmes. Donc voilà, le malaise, c'était quand même un incontournable. Enfin pour moi, c'était un incontournable si on voulait aller au bout du truc. Mais je crois que c'est vrai qu'on a... Je sais pas si c'est notre personnalité ou le côté clown, mais on voulait quand même aller être un peu jusqu'au boutiste sur le sujet. Notre côté bon élève.

  • Speaker #1

    J'avais commencé l'interview en vous posant une question toute simple, c'était quoi votre dernière honte ? On pense à des hontes individuelles, mais votre spectacle il va parler, il va faire penser qu'on a des hontes collectives. Est-ce que vous pensez qu'on n'a pas assez honte aujourd'hui de ce vers quoi on va ? Nous, notre société, notre monde ?

  • Speaker #0

    Je ne dirais pas ça comme ça. Je ne dirais pas qu'on n'a pas assez honte. Mais je dirais que c'est intéressant de se poser la question de la honte. C'est-à-dire par rapport au passé. Il y a les hontes collectives, effectivement. Il y a les hontes par rapport à la France, par rapport aux actions, ce qu'on appelle la honte politique. C'est intéressant de regarder la honte non pas pour avoir mal, mais simplement pour comprendre ce qui s'est passé dans l'histoire, ce qui se passe, pour éclairer le présent et puis effectivement se donner direction pour l'avenir. C'est plutôt dans ce sens que la honte me semble intéressante, en tout cas à observer, à aller regarder pour savoir qu'est-ce qu'elle nous raconte. Et puis il y a toutes ces hontes qu'on porte, qui ne sont pas, comment dire, qu'on porte et qu'on ressent et dont on n'est pas responsable. C'est une grande différence avec la culpabilité, enfin quoi que la culpabilité, on peut l'avoir aussi. Et donc de dépasser justement l'émotionnel pour regarder qu'est-ce qu'elle vient raconter cette honte-là. Et après sur l'avenir, c'est plutôt de quoi pourrions-nous être fiers ? Ça serait quoi qui nous rendrait fiers dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    Justement c'est un spectacle où on parle de la honte au passé, c'est des hontes qui sont rapportées. Mais la question va être, j'ai l'impression, qu'est-ce qu'il y a après la honte ? Est-ce que la honte peut être un moteur pour faire changer les choses ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est un espoir. Justement, on s'est inspiré d'un livre qui s'appelle, un livre de Frédéric Groc, un philosophe, qui a écrit un livre qui s'appelle La honte est un sentiment révolutionnaire, qui nous a inspiré pour écrire ce spectacle. Nous, juste en se basant sur cette phrase, en s'en développant d'où elle vient, développer son ouvrage, mais juste l'espoir de se dire que la honte est quelque chose qui nous ensevelit, qui nous entrave, qui nous assagne au silence. Comment, une fois qu'on a dit cette honte, qu'on se l'est avouée à nous-mêmes, qu'on l'a avouée aux autres, que ce soit à notre famille ou à la société, qu'est-ce qu'on en fait ? Comment elle est moteur d'autres choses, d'actions ? Après être pétri de honte, comment on passe à l'action pour changer les choses ? Soit changer ce qu'on a fait, soit changer ce qu'on nous a fait, soit changer la vision qu'on a de nous-mêmes, soit changer la vision que les autres ont de nous-mêmes, qu'on a de la société, changer la société. De passer de cette honte, je cite Frédéric Gros, passer de cette honte tristesse à une honte colère, quelque chose qui nous rendrait acteurs et actrices, et non pas passifs ou passives. d'un sentiment. Donc oui, on a espoir avec... C'est aussi l'espoir inconscient de ces personnages d'estimer que... Elles, elles veulent... Enfin, c'est notre cas... Bon, vous couperez, vous montrez. C'est la catch-line de notre spectacle, c'est faire de ce sentiment qui isole un sentiment qui unit. Effectivement, à plein d'endroits, la honte sert à isoler, à mettre quelqu'un en marge de la société. pour lui donner une leçon plus ou moins justifiée, selon la morale de chacun. La honte dépasse la loi aussi. Il y a la législation, il y a la loi qui est écrite pour tous. Et puis il y a la honte qui... Ça, c'est chacun la place un peu où il veut. Et comment, une fois qu'on a dépassé cette honte, soit en allant vers les autres, soit en ayant rencontré des personnes qui sont venues vers nous, on n'est plus seul, on est avec d'autres.

  • Speaker #1

    Je ne divulgue rien, mais... Il y a un esprit de révolution, un esprit de révolte dans la fin de votre spectacle. C'est un élan nécessaire, la révolution, pour vous ?

  • Speaker #2

    Je pense que ça raconte encore une fois de notre relation et de notre amitié, et en effet de ce féminisme commun, et encore une fois du sujet des violences sexuelles. Comment est-ce qu'on est enseveli sous ce sujet, et qu'à un moment donné on parle, et qu'ensuite on agit ensemble pour que ça n'arrive plus ? Euh... Et pour, je me permets d'emprunter cette phrase, que là, on ne change de camp. Encore une fois, tout le spectacle ne parle pas de ça, mais ça en fait partie.

  • Speaker #1

    Élise ?

  • Speaker #0

    Ouais, je veux juste reprendre sur un truc, c'est que la colère, en fait, le sentiment de la colère, c'est fait pour me poser une limite. C'est utile, enfin, c'est comme n'importe quelle émotion, on l'est vu pour une bonne raison. Et l'énergie de la colère, c'est repousser l'autre. enfin ce qui est extérieur, pour poser une limite, pour défendre quelque chose. C'est pas forcément la violence, la colère. Donc par rapport à... Frédéric Grosse, il appelle la honte colère. En ce qui concerne les hontes, par exemple les violences sexuelles, qui sont vécues, qu'on porte, mais dont on n'est pas responsable, parce que la honte est un sentiment révolutionnaire, c'est une phrase de Marx, en vrai. Donc c'est quand même pas très loin de la question de la révolution. Je crois qu'une des analyses sur la honte, c'est que la honte c'est un peu le stigmate d'une domination. C'est-à-dire, je vais avoir honte d'être pauvre, je vais avoir honte d'avoir été violée. Et c'est-à-dire que la honte c'est ce qui reste de l'humiliation. C'est-à-dire que je m'approprie, j'ai été violée par exemple, et bien le viol est terminé. Il reste la honte. La honte, c'est la trace, c'est le stigmate de l'humiliation. Et donc, se débarrasser de la honte ou que la honte change de camp, c'est aussi la question de la réappropriation, pour les violences sexuelles, mais aussi, par exemple, par rapport au travail, on parlait d'alénation, comment les corps sont aussi appropriés par le travail. Et donc, la question de la colère ou de repousser, c'est la question de la réappropriation du corps pour se libérer de la honte, mais c'est-à-dire se libérer du coup d'une certaine forme d'oppression ou de domination. Donc la révolution dans ce sens-là, c'est-à-dire dans le sens de rendre, de rendre à celui ou celle, quand je dis celui, ça peut être un individu, mais ça peut être un système organisé dans une société qui m'oppresse, de récupérer de la dignité ou de récupérer une forme d'égalité en fait, pour, tout simplement pour... Des choses basiques, vivre en paix, en harmonie, avec chacun une place. Donc une révolution dans ce sens-là, oui, et ça me semble juste logique et très simple. Et pas... Enfin je veux dire, on n'est pas des folles, quoi ! Non mais on n'est pas des... J'ai pas dit ça ! Non mais, pardon, je m'enflamme, pas du tout toi. Mais ce que je veux dire par là, c'est que moi je considère que ce qu'on fait est hyper normal. C'est-à-dire hyper simple et très normal. Et quand on nous renvoie parfois que... Ouh ouh ouh Et bah je fais... Que vous ? Non mais c'est pas ce que vous dites vous hein Mais euh...

  • Speaker #1

    Mais vous ? Euh...

  • Speaker #0

    Mais que euh...

  • Speaker #1

    Pouvez-vous définir ce ouh ouh ouh ?

  • Speaker #0

    Moi je sais pas le déchirer Ok. Dans le spectacle,

  • Speaker #1

    tu l'as déjà vu ?

  • Speaker #0

    Ouais. Et bien, j'ai toujours un étonnement. Enfin, pas un étonnement, oui, je le sais, puisqu'en même temps, c'est du théâtre, donc on met en scène, on sait ce qu'on fait, etc. Mais en tout cas, c'est une révolution qui me semble, si on appelle ça révolution, qui me semble simple à faire pour tout le monde, normale et salutaire.

  • Speaker #1

    C'est un spectacle qu'on peut retrouver à la Reine Blanche.

  • Speaker #2

    La honte. Nous jouerons encore jusqu'au 16 novembre, les mercredis à 21h, les vendredis à 21h et les dimanches à 18h.

  • Speaker #1

    Je vous souhaite tout le succès du monde, je vous dis merde et bravo encore pour ce spectacle. La honte, merci Léa, merci Élise.

  • Speaker #0

    Et merci à vous de nous avoir donné la parole.

  • Speaker #2

    Merci Alexis.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici, et à très très très très bientôt pour un nouveau café au comptoir.

Description

Dans ce nouvel épisode d’Un Café au Comptoir, Alexis Himeros reçoit Léa Roblot et Élise Roth, duo de comédiennes et autrices qui explorent l’intimité, la honte et la puissance du rire à travers leur spectacle.


Ensemble, elles revisitent les codes de la société, incarnent le clown sous des formes inédites et mêlent improvisation, paroles authentiques et performance théâtrale.


De l’école d’art clownesque à la création collective, elles partagent leur regard engagé sur la féminité, la honte et le rapport au public. Une discussion vivante et généreuse où les récits personnels, le malaise, l’engagement féministe et la création artistique s’entrecroisent.


Prenez place au comptoir : c’est là que se rencontrent les émotions, les parcours et l’art de raconter.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


instagram LA HONTE :

https://www.instagram.com/lahontelespectacle/

La Honte
du 17 oct.  au 16 nov. 2025

au Théâtre La Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris 




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, j'écris des histoires, je fais des podcasts et j'aime jouer de ma voix. Et comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix. Pourquoi ? Parce que c'est là que tout le monde se rencontre, c'est là où on s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir. C'est parti ! Un Café au Comptoir

  • Speaker #1

    Un Café au Comptoir

  • Speaker #2

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Mes invités du jour sont deux, elles se sont trouvées sur les bancs d'une école d'art clownesque et ne se sont plus quittées. Mettre à jour l'intime, donner à réfléchir, provoquer le rire est devenu leur mission. Il leur fallait un sujet d'étude et pour cela, rien de mieux que de prendre un sentiment qui isole pour le transformer dans une visée universelle et cathartique. Ce sera la honte. La petite honte de rien du tout et les plus tabous. Après le festival de Riak, La honte, la pièce, poursuit sa vie au théâtre de la Reine Blanche et sans doute bientôt sur beaucoup d'autres scènes. Bonjour Léa, bonjour Élise. C'est quoi votre plus grosse honte d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Une honte qui est arrivée... Bonjour Alexis. Une honte qui est arrivée aujourd'hui même.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, aujourd'hui. Allez au maximum hier.

  • Speaker #2

    La première qui me vient à l'esprit c'est que je suis arrivée en retard à notre rendez-vous avec Élise. Ça c'est vraiment ce qui me vient à l'esprit.

  • Speaker #0

    C'est une petite honte. C'est pas vraiment une honte. Je pose cette question parce que justement votre spectacle, parce que vous faites partie de cette petite troupe EKI, et votre spectacle est précisément sur...

  • Speaker #2

    La honte !

  • Speaker #0

    La honte, merci Élise. Un spectacle que vous avez écrit à deux, non ?

  • Speaker #2

    À trois même, avec Mickaël Délis, qui est notre co-auteur, qui est comédien par ailleurs. Qui n'est pas là. Qui n'est pas là.

  • Speaker #0

    qu'on a déjà interviewé dans ce même podcast. Vous n'êtes que deux sur scène. C'est un duo, moi j'ai vu la pièce, ça démarre. sur les chapeaux de roue, ça finit sur les chapeaux de roue également, une sorte de foisonnement de paroles autour de la honte, de remise en question. En fait, le sujet, au-delà de la honte, est-ce que c'est la vision de notre société par rapport à qui on peut être ? Qui on a le droit d'être, excusez-moi. Oui,

  • Speaker #2

    en tout cas, nous on utilise nos personnages qui, elles, pensent maîtriser les codes de la société, mais ne les maîtrisent pas. En ça, on utilise l'outil du clown. Elles, elles pensent qu'elles gèrent, qu'elles sont en maîtrise alors que pas du tout. Et pour nous, on se sert de leur attitude pour refléter en tout cas ce que la société pense maîtriser et ne maîtrise pas toujours. Elles reflètent les bourdes, les loupés, les erreurs, les incertitudes, les failles. Elles reflètent tout ça.

  • Speaker #0

    Et vous arrivez sur scène éhontément ou alors toute honte bue, ce sont des expressions qui existent quand même. avec des archétypes féminins. Comment sont nés ces archétypes, ces personnages ?

  • Speaker #3

    On n'a pas forcément construit à partir d'archétypes. On a deux personnages qui ont deux rapports à la honte très différents, enfin qui sont un peu opposés, qui sont un peu comme un négatif et un positif.

  • Speaker #0

    On a Léa qui est un peu une sorte de bimbo, qui se voit comme ça, peut-être... Moi, je voyais la speakrine italienne qui n'est pas italienne. Et tandis que vous, Élise, vous campez un personnage... De

  • Speaker #3

    Virzon. Pardon pour tous les auditeurs qui sont à Virzon. On apprécie énormément Virzon. J'aime beaucoup Jacques Brel. J'ai honte. Voilà ma première honte de la journée.

  • Speaker #2

    Tandis que vous, Élise,

  • Speaker #0

    vous campez un personnage qui a très envie d'être sûr d'elle, mais en fait, qui n'est pas du tout. Tout à fait. Qui entre un peu en confrontation avec le personnage campé par Léa et qui a envie de s'affirmer également. ouh ouh perçoit une pointe d'admiration et de frayeur en même temps dans cette comparaison entre les deux ?

  • Speaker #3

    Disons qu'il y en a une qui est submergée par la honte en continu, et une qui est plutôt éhontée, a priori en tout cas. En tout cas, elles ont un rapport déséquilibré à la honte, une qui aurait trop honte et une qui n'aurait peut-être pas assez, ou en tout cas qui ne connaîtrait pas tellement la honte. Et donc, en tout cas, c'est plutôt autour de ces deux dynamiques-là qu'on a construit les personnages. Et après, on n'a pas construit par rapport à des archétypes, mais après, il y a notre nature clownesque de chacune qui s'est immiscée là-dedans et qui a construit malgré nous ces personnages, en fait.

  • Speaker #0

    C'est bien de prononcer le mot clown parce qu'il y a beaucoup de ça. Ce n'est pas simplement une pièce de théâtre qu'on va voir, c'est une performance. C'est quelque chose qui est... Presque du comique de situation par moment. Dans votre... Carrière, dans votre éducation de comédienne, comment le monde du cirque s'est-il logé ?

  • Speaker #3

    Moi, je ne réponds pas forcément à cette question, mais je réponds aussi. Mais comme ça, ça nous laisse le temps de réfléchir. Non, non, mais je réponds à ce que... Je ne sais pas si on se tutoie ou on se vouvoie.

  • Speaker #0

    Moi, je vous vois, vous faites ce que vous voulez. Alors,

  • Speaker #3

    on se vouvoie. On se voussoie. On se voussoie. Sur la question de performance, effectivement, nous, on voit plus... C'est-à-dire que la pièce, ce n'est pas une représentation d'un texte préétabli. On n'est pas là juste pour dire un texte. Il y a quelqu'un qui nous a dit sur la honte qu'elle trouvait que la honte, on la ressentait un peu en infra dans le spectacle. Moi, ça m'a parlé parce que... C'est plus du côté de la performance pour nous que ça se joue et le clown il intervient là dedans. C'est à dire que parfois le clown on dit le clown il est pas là pour dire un poème, il est le poème. Ça c'est... je sais plus qui dit cette phrase d'ailleurs. Elle n'est pas de moi.

  • Speaker #0

    Le clown n'est pas là pour dire un poème. Il est le poème.

  • Speaker #3

    Voilà. Et donc nous, nos personnages, le prétexte, c'est qu'elles viennent parler de la honte, mais l'enjeu, c'est plutôt elles, leur rapport au fait d'être regardées et qu'est-ce qu'elles vont vivre. Qu'est-ce que la situation théâtrale, le fait d'être regardée pendant une heure, va aller convoquer dans la relation avec le public. Et c'est ça, en sac, c'est plutôt du côté de la performance, donc c'est ça qui nous intéresse là-dedans. C'est de mettre en jeu la situation théâtrale d'être regardée pour parler du rapport à l'autre et au regard de l'autre.

  • Speaker #0

    Donc vous, je reviens à ma question, vous... Non mais, elle croit quoi ? Donc vous, le monde du cirque, le monde du clown, est-ce que c'est quelque chose que vous avez étudié, vécu, à un certain moment de votre éducation de comédienne ? Si on peut s'exprimer ainsi.

  • Speaker #2

    Je vais répondre à côté. Je ne sais pas si je vais répondre non plus. Mais le fait est que nous avons toutes les deux pratiqué beaucoup l'improvisation théâtrale avant d'arriver au clown. Et ça, l'impro, c'est un art du présent puisqu'on doit faire avec ce qui vient au plateau, ce qui est proposé par notre partenaire de jeu, ce qui est proposé par notre cerveau à l'instant T, par notre corps, par nos bourdes aussi, par les accidents qui sont des cadeaux, ce qui n'est pas forcément le cas au théâtre classique. Mais en impro et dans le clown, on célèbre ces accidents, ça nous donne du jeu. Donc on a ce rapport-là au présent et ce plaisir-là au présent au plateau. Donc ça nous a servi pour écrire la pièce, pour convoquer, pour être dans un rapport très frontal et très au public ce soir-là. Chaque histoire est différente quand on fait un spectacle, chaque soir est différent quand on joue un spectacle, mais encore plus je dirais avec ce spectacle là parce que Ben ouais, ça dépend des retours du public à l'instant T. Et le clown, je réponds encore pas trop à la question, mais le clown c'est un art du présent aussi. Et donc on s'est servi des outils clown pour écrire ce spectacle-là, pour que ces deux personnages-là, elles parlent de la honte, mais elles convoquent la honte au présent aussi.

  • Speaker #0

    Monsieur, c'est quoi votre histoire à toutes les deux ? Ah voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça la question. Est-ce qu'on a fait du cirque et du clown avant ?

  • Speaker #0

    Comment ce duo est-il né ?

  • Speaker #2

    Il est né à la sortie de l'école du Samovar, qui est une formation professionnelle pour artistes clowns. Et toutes les deux, on était comédienne et par ailleurs improvisatrice avant cette formation. On s'est rencontrés là-bas, on a vécu cette formation ensemble, on est devenus amis et on aimait bien le travail de l'autre. On aimait bien jouer ensemble et on aimait bien voir l'autre jouer assez rapidement. Enfin en tout cas moi, dès les auditions. Et à l'issue du Samovar, une fois qu'on était diplômés, on savait qu'on voulait travailler ensemble, mais alors quoi, comment, on ne sait pas trop. Et on est tombé par hasard sur une vidéo INA qui diffusait des témoignages de honte. Une vidéo qui date des années 80 environ, donc avec tout le kitsch des années 80. C'était une succession de témoignages de honte et on a trouvé ça drôle et touchant. Vraiment, ça traversait plein de hontes différentes. On se l'est envoyé et en même temps on avait sous le nez un appel à candidature pour un appel à résidence d'écriture et on a mixé ces deux sujets, le sujet de la honte et pour remplir un dossier pour un appel à résidence, pour une résidence d'écriture. Et voilà, le projet a été enclenché.

  • Speaker #0

    Et vous avez écrit ?

  • Speaker #2

    Et nous avons écrit.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit mais... J'ai cru comprendre qu'il y a un appel au contenu généré par d'autres personnes, par le public même. Même si le public n'est pas invité à participer à votre spectacle, mais quand on est dans le public, on se retient, on fait « mais putain, j'ai envie de parler ! » On ne parle pas, non. Ah ! C'est bien savoir que...

  • Speaker #3

    La honte, c'était vraiment... Déjà, en plus, c'était un sujet qui nous permettait d'aller gratter du côté du clown aussi. Puisque quand on a honte, on se sent un peu plus bas que terre. Et le clown, c'est quand même celui qui est le dernier, qui est l'humilié. Donc c'était aussi un sujet assez intéressant pour aller creuser du côté du clown, même si on ne voulait pas forcément faire du clown avec un nez, etc. C'était aussi un sujet qui parlait de notre amour du clown, c'est-à-dire de notre amour aussi de mettre sur le devant de la scène des gens avec des failles, de montrer aussi l'humanité dans toutes ses fragilités et pas juste dans sa puissance et dans sa force. Et aussi une envie qu'on avait avec ce projet, c'est de rencontrer le public tout de suite. On sortait d'école et on avait faim de jouer et d'être en relation avec le public tout de suite. Et avec ce truc là on parlait de la construction des personnages mais c'est vrai que dans le clown on a vraiment besoin du regard de l'autre pour construire les improviser, enfin on a besoin d'improviser donc on a besoin de public en continu donc dès le début on s'est dit ce qui serait génial ça serait de pouvoir écrire la pièce mais pouvoir avoir plein de rencontres tout le temps avec le public et très vite par rapport à la honte on s'est dit c'est un sujet universel donc ça c'est super parce qu'on va pouvoir communiquer avec plein de gens enfin on va pouvoir comment dire se relier avec un maximum de personnes c'est très universel. Et donc on a voulu, dès le début, inviter le public quelque part à créer avec nous. Et donc au départ, le public, on a sollicité tout simplement nos proches, en leur demandant, on fait un appel à témoignage, et on a fait des récoltes, et petit à petit, on a établi une sorte de protocole de récolte.

  • Speaker #0

    Ah, comme des cahiers de doléances.

  • Speaker #3

    Après, il y a eu les cahiers de doléances, mais au départ, on a fait des entretiens, des rendez-vous. avec un certain nombre de questions, avec chacune des rôles déterminés, qu'on a affinés. Et puis plus c'est allé, au fur et à mesure du temps, on a ouvert à d'autres gens qu'on ne connaissait pas pour récolter plein de hontes les plus diverses possibles. Et on est allé à Aurillac,

  • Speaker #0

    qui est un festival de théâtre de rue d'Aurillac,

  • Speaker #3

    pour faire ce qu'on a appelé la grande récolte de la honte. Et donc là on était des sortes de boymenteuses dans la rue, on criait des hontes dans l'espace public et on invitait les gens à venir raconter leurs hontes. Et là on a récolté des hontes mais en personnages, c'est-à-dire avec nos personnages de Laurence et Estelle. Donc c'était des sortes de petites représentations à un spectateur ou à une spectatrice. Et là on s'est bien amusés.

  • Speaker #0

    Le clown souvent il vient par deux. Comment c'est fait cette distribution des rôles ? Parce que à vous voir là, j'ai l'impression que vous êtes chacune l'antithèse de votre personnage.

  • Speaker #2

    Merci c'est un beau compliment moi ça m'arrange.

  • Speaker #3

    Il faut qu'on intègre cette information.

  • Speaker #2

    On n'a pas calculé. En vrai, on a calculé peu de choses. On a beaucoup navigué à vue avec ce projet. On n'a pas calculé, on n'a pas fait en fonction de qui est blanc, qui est auguste. Assez tôt quand même, on savait qu'on ne voulait pas de conflit dans notre duo parce qu'on en a joué d'autres par ailleurs, dans d'autres projets, parce qu'un conflit entre deux femmes... On voulait un autre chemin.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas de conflit.

  • Speaker #2

    Ce que je veux dire, c'est que le conflit est un schéma d'écriture, notamment chez les clowns. Le blanc, l'auguste, le conflit, tout ça.

  • Speaker #0

    Là, on est sur plus subtil.

  • Speaker #2

    Oui. Elles n'ont pas forcément conscience, mon personnage n'a pas forcément conscience qu'elle gêne ou qu'elle génère un peu parfois l'admiration chez le personnage d'Estelle. Par exemple,

  • Speaker #3

    le public le voit,

  • Speaker #2

    mais mon personnage ne le voit pas. Donc c'est pas construit là-dessus, et ça c'est arrivé au fur et à mesure. On sait que pour notre co-metteuse en scène Lucie Vallon, le blanc et l'auguste pour elle sont très clairs quand elle nous regarde, nous de l'intérieur pas spécialement. Des spectateurs nous disent l'inverse de ce qu'elle ressent, et nous ça nous va très bien que ça ne soit pas déterminé et figé.

  • Speaker #3

    C'est aussi qu'il y a des bascules. Je pense que dans chaque séquence, il y a des dynamiques blancs et augustes, avec une personne qui est un peu plus à diriger et l'autre qui est plus en suiveur. Mais ces dynamiques-là, elles bougent. Donc, ce n'est pas forcément sur toute la... Ah oui, je ne finis pas mes phrases. Léa, tu peux la finir ou pas ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas forcément... À toi !

  • Speaker #3

    C'est pas forcément fixé pour toute la pièce, c'est plus par dynamique de micro-séquence.

  • Speaker #0

    C'est un spectacle qui est sur la honte, ça on l'a dit, c'est un spectacle qui... Énonce des hontes parce qu'on vous voit avec des multitudes de petits papiers sur lesquels il y a différentes hontes vécues, vraies ou pas vraies, on ne sait pas mais on imagine qu'elles sont vraies. Mais parmi celles qui vous ont été rapportées, lesquelles vous ont le plus marqué ?

  • Speaker #3

    Alors, parce que marqué, moi ce qui me vient c'est qu'il y a celles qui nous marquent parce qu'on rit, donc elles sont drôles, il y a celles qui nous marquent parce qu'elles nous touchent et qu'elles sont... émouvantes enfin qui sont étonnantes de capelin de n'a plein qui nous ont marqué pour toutes ces raisons là il y en a plein aussi qu'on a qui nous ont beaucoup marqué mais qui ne sont pas dans le spectacle parce que

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y en a certaines où vous vous êtes dit Oh non, mais non, non, oh non Oui,

  • Speaker #3

    toutes les blagues de caca Au bout d'un moment,

  • Speaker #2

    on n'en pouvait plus, mais merci quand même J'ai pas pensé même à ça Et puis des erreurs faites Des gens qui nous livrent Leur culpabilité Ils sont coupables de ce qu'ils ont fait Et il y en a peu, c'est vraiment une mineure partie Ce qui est logique Les gens disent plutôt ce dont ils ont été victimes Que les conneries Qu'ils ont faites, ça c'est normal Oui, il y a des hondes qui étaient un peu un peu cracra. Mais drôle, drôle quoi. Oui.

  • Speaker #0

    Est ce qu'il y en a une qui vous a particulièrement marqué, que vous avez gardé dans le spectacle ?

  • Speaker #2

    Une qui nous a particulièrement marqué, qu'on a gardé dans le spectacle ? Oui, celle, il y en a sûrement plusieurs, mais je réponds la première qui me vient à l'esprit, quelqu'un qui nous a... Elle est dans le spectacle, donc j'ai le droit de le dire. Ah oui, non mais je dis ça parce que nous, on s'est mis un point d'honneur à ne pas raconter les hontes qu'on nous livrait, que ce soit dans les récoltes ou sur les cahiers. On en parlait entre nous, mais on n'avait pas le droit en soirée, tel des psychologues, des psychothérapeutes, on n'avait pas le droit en soirée de dire « vous savez pas quoi ? » On nous a raconté que je sais pas quoi, je sais pas quoi. On s'en servait pour le spectacle.

  • Speaker #0

    Tu volais du croustille.

  • Speaker #2

    Voilà, on a bien compris mais... Mais celle que je vais dire, elle est dans le spectacle. Venez au spectacle, vous aurez la suite. C'est juste quelqu'un qui voulait aider une personne malvoyante en pensant que cette personne malvoyante voulait monter dans le métro. La personne était sur le quai du métro et elle a poussé cette personne malvoyante dans la rame. Et la personne surprise s'est retrouvée dans la rame. Le métro a démarré, la personne est tombée. Et donc celle-ci, quand elle nous l'a racontée, on s'est dit, c'était vraiment beau comme séquence. Elle était vraiment, vraiment honteuse, cette personne, quand elle nous l'a racontée. Et elle était d'accord pour que ça nous soit utile dans le spectacle. Donc c'était vraiment beau, puis c'était au tout début du projet, donc c'était incroyable d'avoir un truc aussi croustillant, et puis aussi, c'est vraiment généreux de la part de la personne de nous livrer ça. Parce qu'il y a quand même ce truc particulier de se dire que les gens acceptent de nous livrer leur honte. Et est-ce que c'est, modestement, mais est-ce que quelque part en faisant ça, en participant avec leur histoire à un acte théâtral, est-ce que c'est pas un peu sublimer une boulette qu'ils ont faite ou qu'on leur a faite ? Enfin tant mieux si ça leur fait cet effet là quoi. Ah oui et je voulais dire aussi qu'on n'a pas mis toutes les ondes dans le spectacle parce qu'on ne voulait pas faire un effet catalogue et aussi parce que la récolte continue, les cahiers sont disponibles à la sortie du spectacle. Nous des récoltes on a l'intention d'en faire d'autres, on peut encore nous écrire toujours dans cette idée que la fiction et la réalité se mélangent et que nos personnages poursuivent leur grande récolte à travers la France et ailleurs. mais c'est aussi que Il y a certaines ondes qui sont plus catchy et plus intéressantes théâtralement. Une fois qu'on a une histoire, qu'est-ce qui fait théâtre là-dedans ? Qu'est-ce qui est intéressant de raconter au plateau ? Il y a des récits plus intéressants que d'autres théâtralement, j'entends, bien sûr.

  • Speaker #0

    Léa, Élise, nous allons faire un vrai ou faux.

  • Speaker #1

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, votre personnage de bimbo, Léa, ce n'est pas un personnage parce que vous êtes vraiment là en face de moi, en total bimbo. Merci.

  • Speaker #2

    C'est un personnage, c'est complètement un personnage. Jamais de ma vie je n'aurais mis une robe aussi moulante dans une matière qui sent mauvais. C'est une robe Zara qui doit dater de 2015, un truc comme ça. Et c'est un bleu électrique qui ne fait pas du tout partie de ma colorimétrie.

  • Speaker #0

    Ça fait quoi de rentrer dans un tel personnage ? Est-ce que vous avez eu parfois des personnes dans votre public, j'entends des hommes qui viennent et qui sont un peu lourds en disant « alors ? » . Parce que vous êtes effectivement dans une robe totalement moulante, perchée sur des talons très hauts, ça doit faire mal aux pieds en plus sur tout ce spectacle. Est-ce qu'il y a eu des réactions un peu cheloues ?

  • Speaker #2

    Jamais, jamais. C'est marrant, je la trouve pas vulgaire moi cette robe. J'ai l'impression qu'elle se veut classe avec. Il y avait une inspiration un peu madmen, chapeau melon et bottes de cuir, univers de la mairie, mais plutôt mairie avec de la moquette au mur quand on a commencé le projet. Et donc quand on a trouvé ces costumes en flânant dans des friperies, je suis tombée sur cette robe. Je trouvais qu'elle faisait... Ah, il y avait aussi l'inspiration, la présidente dans House of Cards, cette actrice magnifique, je ne sais plus comment elle s'appelle, quelqu'un qui se voulait comme ça. Et Sarah Palin, bien sûr, Sarah Palin. Mais quand on regarde bien, la robe est un peu de mauvaise qualité, les manches sont un peu trop courtes, tout ça. C'est le côté bimbo.

  • Speaker #0

    Mais le côté bimbo,

  • Speaker #2

    j'en joue, j'ai de ce physique-là. Après, personne ne m'a rien dit sur ce personnage. Après, j'imagine qu'au début, il peut faire bimbo, mais qu'ensuite, il est effrayant. Enfin, je finis quand même par parler de sujets pas très sexy. J'imagine que ça vient de là. Mais je peux dévier un peu. J'ai d'autres costumes de clowns avec lesquels j'entends des remarques ensuite.

  • Speaker #0

    Ah oui ?

  • Speaker #2

    Ouais. Et je trouve assez surprenant parce que certes, mes costumes sont assez moulants et on y... Et on y voit mon corps, d'accord, mais mon maquillage, je me fais volontairement les dents pourries, j'ai un maquillage un peu... ce qu'on qualifierait d'un peu trash pour résumer grossièrement. Voilà. Mais non, j'ai jamais... Non,

  • Speaker #0

    vrai ou faux, donc c'était faux, c'est un personnage.

  • Speaker #2

    Ah ouais, j'avais oublié la consigne. Donc c'est quoi la question ? Faux, merci

  • Speaker #0

    Faux Léa et Élise, vrai ou faux ? Vous allez vendre les cahiers de doléances A la fin de votre spectacle Histoire de vous faire un peu de thunes

  • Speaker #3

    Vrai, c'est une idée Tu viens de nous suggérer cette idée Et on va le faire,

  • Speaker #0

    c'est une bonne idée En la tête de Léa

  • Speaker #3

    Pour ceux qui n'auraient pas compris que c'était une blague Faux, évidemment Merci.

  • Speaker #0

    Pourtant c'est difficile de... La question devient un peu plus sérieuse mais le monde du spectacle, le monde du théâtre, c'est un monde qui est difficile. C'est difficile aujourd'hui d'être comédienne, d'être comédien, d'en vivre. Comment on peut trouver des moyens de rentabiliser en plus ce qu'on fait ?

  • Speaker #3

    Oui, bien sûr, c'est pour ça que j'ai répondu vrai à cette proposition. Non, mais évidemment, il y a un gros problème d'argent et de financement dans le spectacle vivant et qui est de pierre en pierre et avec des dates de tournée qui sont de moins en moins... avec des chutes dans toutes les dates de tournée, sur tous les projets de toutes les compagnies.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi vous vous lancez là-dedans, finalement ?

  • Speaker #3

    Parce que ce n'est pas pour l'argent. En fait, on a... Oui, c'est absolument pas pour l'argent, parce que c'est une nécessité. Parce que c'est une nécessité. Je crois que quoi qu'il arrive, on a commencé et on finit cet argent. De toute façon, ce projet, on est totalement en autoproduction. On finit cet argent. On finit cet argent. Vous êtes sur votre psy,

  • Speaker #0

    on jure. Donc on finit cet argent. Oui,

  • Speaker #3

    tout à fait. Intéressant, Léa. Non mais c'est une nécessité à un moment donné de créer, d'expérimenter. C'est une sorte de quête qui n'a jamais de fin. Léa,

  • Speaker #0

    vous voulez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que c'est de pire en pire, mais on a commencé il y a quelques années maintenant, c'était moins pire. Après, moi j'ai toujours fait des spectacles, participé à des spectacles avec peu de moyens. Alors, c'est pas pour dire qu'il faut nous en enlever encore plus. Certes, on se débrouille, mais on se débrouille difficilement. C'est juste qu'on y arrive avec peu de moyens. On est bien entouré, on fait des choix. On s'entoure de gens tout aussi passionnés que nous, qui sont d'accord malheureusement pour tout le monde de travailler dans ces conditions-là. On pourra couper le malheureusement ? Heureusement, ils sont d'accord pour travailler avec nous dans ces conditions-là. Attendez, je vais refaire mes phrases. De toute façon, on peut couper. Jingle ! Tu veux dire des choses ?

  • Speaker #0

    Je lis la tristesse au fond de vos yeux.

  • Speaker #2

    Non, oui, je suis triste des conditions dans lesquelles on travaille, ça c'est sûr. Je suis intimement persuadée de l'utilité de la culture. Moi, ça m'a été très utile quand j'étais petite et ado, avant même de savoir que je voulais être comédienne. Ça a façonné mes amitiés, ça a façonné ma vision du monde. Je suis persuadée que c'est nécessaire à la société.

  • Speaker #0

    Comment ça naît chez quelqu'un, l'envie de devenir comédienne, au point de devenir une nécessité ? au point de se lancer dans des spectacles où d'aucuns diraient « Mais quelle folie de se lancer là-dedans, de perdre autant de temps à écrire, de perdre autant de temps à répéter, de perdre autant de temps à jouer pour trois clopinettes. » Et pourtant, c'est votre vie. Comment ça naît ?

  • Speaker #2

    Je pense que nous, on gagne du temps à parler autant de nos émotions, à décortiquer autant, parce qu'évidemment que ce spectacle... Il est basé sur la honte, mais ça raconte de nous, Élise et Léa, derrière. Ça raconte de notre relation, ça raconte de notre condition de femme, de française, ça raconte de tout ça. Et donc, en parlant, en cogitant, réfléchissant à ce spectacle, on réfléchit à nous-mêmes. On réfléchit à nos failles personnelles, à nos aspirations personnelles, à nos désirs, à nos rapports au monde. Donc, quelque part, on en gagne du temps. On n'est pas payé à faire ça, mais on en gagne du temps personnel. Et la passion, en tout cas me concernant, j'ai fait du théâtre comme plein d'enfants quand j'étais petite et j'ai adoré faire ça et j'ai voulu continuer, continuer, continuer. Et j'ai su que c'était un métier possible et j'ai voulu en faire mon métier. Et pourquoi on choisit ? On aurait pu faire autre chose, on aurait pu écrire des bouquins, on aurait pu faire mille autres choses, c'est vrai, pour parler de la honte ou pour parler d'autres... Voilà, mais pas pour gagner de l'argent non plus. Mais on aime faire ça. Donc c'est déjà énorme d'aimer faire quelque chose, alors on le fait.

  • Speaker #0

    Je pense qu'Élise veut prendre le micro. Oui, elle se tient la gorge comme ça. Je vais le garder,

  • Speaker #2

    puis je vais raconter d'autres trucs en attendant que son idée passe.

  • Speaker #0

    Rendez ce micro. Je fais du man-interrupting pour donner la parole à Élise.

  • Speaker #3

    Non mais en fait ce que je trouve... J'ai du mal à répondre à cette question, parce que ce que je trouve... Pas la peine de réclamer le micro. Parce que ce que je trouve étrange... C'est de passer 8 heures, c'est de passer du temps sur un travail qui ne nous anime pas. Quand j'étais enfant ou ado, c'était juste ma hantise de me dire « Ah mais en fait, le travail c'est de 9h à 18h, donc il faut que je trouve un truc où je ne vais pas mourir d'ennui pendant toutes ces heures-là. » Je trouve que la question que je me pose, c'est comment tous les gens qui souffrent au travail ou qui ne sont pas... Merci. qui n'ont pas de plaisir à le faire. Alors je ne parle pas, je parle évidemment uniquement des personnes qui ont la possibilité de faire autrement. C'est-à-dire que quand on peut, là je m'embrouille, mais... En fait...

  • Speaker #0

    Quand on n'est pas... Attends...

  • Speaker #1

    On va faire un petit montage. On va faire un montage. Ou pas.

  • Speaker #0

    Ou pas, non, mais en fait ce que je trouve... Oui, je sais que ça étonne des gens qui sont salariés, qui ont un salaire confortable, qui leur permet de vivre, et qui voient des artistes, qui ont une sécurité en tout cas, et qui voient des artistes prendre des risques au niveau de leur sécurité. Ils trouvent ça étrange. Moi ce que je trouve étrange, c'est... De pas s'évitant. L'aliénation en travail. Ouais, c'est l'aliénation en travail. Après, on est aliénés dans ce métier aussi très fort. Enfin, plus tard, faut pas croire que les artistes sont totalement libres. On est dépendants d'énormément de choses. On est dépendants de tous ceux qui veulent bien nous programmer, qui veulent bien nous donner de l'argent. On est dépendants du public qui vient nous voir. Et on est dépendants de notre propre passion qui fait qu'on est complètement obsessionnels.

  • Speaker #2

    Dans ce métier, c'était un vrai faux, fallait qu'on fasse court, non ? parce que dans ce métier c'est permanent oui certes on n'a pas vraiment d'horaire mais la réflexion, c'est pas du tout une plainte mais la réflexion elle est permanente notre sujet il est en permanence ici les choix qu'on doit faire, avec qui on travaille quelle réplique à tel endroit notre corps est exposé nos propos sont exposés sur les réseaux sociaux sur toute proportion gardée par rapport à notre starification ... Mais c'est là en permanence ce métier-là, ça ne s'arrête pas à 18 heures. Donc je dis ça par rapport à l'aliénation. Le fait que nous aussi, on est aliénés au travail avec ce travail-là, c'est là en permanence. Il faut être présent aussi, il faut dire oui au projet, il faut toujours être présent, il faut toujours avoir un truc à dire.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vous avez dit oui à cette interview.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, la présence de Michael Delis, qui est un comédien, metteur en scène. qui a une très bonne presse en ce moment pour ses spectacles, où il déconstruit l'homme et la vision de l'homme. Donc la présence de Michael Delis, bon c'est uniquement pour avoir son nom, pour espérer avoir un article dans Télérama, c'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #2

    Oui on le connaît pas vraiment personnellement, finalement on l'a vu deux fois. Non c'est pas vrai. Très tôt il nous a accompagnés sur le projet, Je vais laisser Élise dire d'autres choses sur le projet. Il nous a accompagné à l'écriture à un moment donné où on avait besoin d'un troisième regard. Et lui ayant une plume très aiguisée, ça nous a été très utile pour l'aide à la dramaturgie, à l'écriture, pour ciseler des phrases et pour dessiner encore un peu plus la langue de nos personnages. Et il est arrivé à un moment dans le projet et puis il y est resté pour notre plus grand plaisir. C'est un super partenaire de travail.

  • Speaker #0

    Oui, moi je connais Mickael depuis longtemps puisque je travaillais enfin je travaille toujours dans sa compagnie du temps où il faisait des spectacles aussi avec d'autres comédiens donc j'étais comédienne dans ces projets là et je le suis toujours parce qu'on a un duo sur la montée des eaux qu'on joue dans des fontaines, bref c'est un autre sujet et donc Mickael il a cette cette qualité là Avec ses comédiens, ses comédiennes, de vraiment écrire pour les gens avec qui il travaille. C'est-à-dire qu'il arrive à entendre la prosodie des gens, la langue, et il nous écrivait vraiment des textes sur mesure. Et moi je dirais que c'est même le fait d'avoir travaillé avec lui en tant qu'interprète qui m'a donné envie après d'écrire, de monter des projets, parce qu'il a un côté... Il encourage aussi beaucoup à développer ses propres projets, à... Voilà, et lui, il nous a accompagnés, bien sûr, sur l'écriture, mais aussi, il nous a aidés à clarifier ce qu'on voulait dire avec ce spectacle. Et oui, oui, c'est vraiment un partenaire qui est toujours avec nous, du début jusqu'à la fin. C'est vraiment notre co-auteur.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, l'écriture de ce spectacle ? Est-ce que vous vous enfermez quelque part ? Est-ce que non, pas du tout ? C'est petit à petit ? est-ce que vous faites une sorte de rendez-vous à trois, forcés autour d'une table, de partir dès quelques jours ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Généralement, dans le travail, tous les trois, Léa et moi, on pose les bases de la situation théâtrale, les enjeux des béribles de dialogue des premières V1, qu'on envoie à Mickaël. Après, il y a un système d'aller-retour où lui va questionner, il va réécrire certaines répliques. Après on va refaire une sélection, on est vraiment en aller-retour. Et après on fait des sessions de travail à la table tous les trois.

  • Speaker #1

    Je discutais avec Jean-Philippe Daguerre, metteur en scène et dramaturge. Il me disait que lui il avait besoin de s'enfermer une semaine et de jeter les bases d'un spectacle, que la solitude était très importante pour l'écriture. Et quand on est un duo qui est également un trio finalement... La solitude, elle est... C'est déjà plus compliqué. Est-ce que vous avez malgré tout besoin de cela, de rentrer chacune dans votre bulle, à un certain moment ?

  • Speaker #2

    Euh... Léa ? Euh... Euh... Techniquement, physiquement, déjà avoir un ordinateur par personne fait que chacun écrit dans son coin et puis tu te lances dans ton écriture, mais l'autre aussi, et puis la troisième personne aussi se lance dans son écriture. Et chacun se lance à fond dans son idée, et c'est important de se lancer à fond dans son idée pour la développer et pour faire comprendre aux autres ce que tu as dans la tête. Et en même temps, quand tu te lances à fond dans ton idée, il faut la défendre aux autres qui eux-mêmes ont d'autres idées. Enfin bon bref, il faut mettre en commun, il faut se mettre d'accord. En tout cas pour nous c'est plus enrichissant d'avoir trois cerveaux, mais c'est aussi le fameux truc tout seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin. C'est quoi le truc ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #2

    Plusieurs ? À plusieurs on va plus vite, ensemble on va plus loin. Donc on va moins vite tous les trois, mais on a tellement chacun dans notre coin décortiqué que oui, à la fin c'est plus enrichi. Et après l'écriture, le travail vraiment d'écriture avec nos ordinateurs, ensuite il y a la lecture, et ensuite il faut l'amener au plateau, le tester, et c'est là aussi où on se rend compte de choses qui vont et qui ne vont pas. Et puis après il y a encore un autre alerture avec les ordinateurs. Ça fonctionne beaucoup comme ça. Plateau, ordinateur, plateau, ordinateur.

  • Speaker #1

    Un spectacle sur le honte, mais également une sorte de manifeste féministe. Comment vous définiriez, vous, votre engagement féministe à travers ce spectacle ?

  • Speaker #2

    Eh bien, j'ai envie de dire que ça s'est fait malgré nous, parce que ça peut paraître un peu de mauvaise foi, mais non, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un manifeste féministe, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un spectacle féministe, on ne voulait pas se censurer sur des revendications féministes, sur des propos féministes, bien sûr, mais on ne voulait pas revendiquer des propos féministes. il s'avère que les autrices, les comédiennes, les comédiens en scène sont des femmes. Donc, par ce chemin-là, forcément, on parle des femmes, de la condition des femmes et des problèmes que peuvent rencontrer les femmes. Donc, par ça, oui, on peut poser des propos féministes. Ce n'est pas un gros mot. Ce n'est pas un gros mot du tout.

  • Speaker #0

    Après, notre amitié, notre lien et aussi la question du féminisme est quand même fondatrice dans notre lien, dans notre envie de travailler ensemble. Parce que c'est quelque chose qu'on partage fortement toutes les deux. Même le sujet de la honte lui-même, dans ce qu'il contient... Allez, je le... Je vais le dire après. Non mais c'est-à-dire qu'un des fondements de ce projet, c'était aussi la question de la honte par rapport aux violences sexuelles, donc qui est forcément liée à la question féministe. On n'a pas voulu faire un spectacle sur les violences sexuelles. Mais il se trouve que ça en parle et il se trouve que, au niveau intime, c'était un des moteurs de l'envie d'aller traiter ce sujet-là. Donc je dirais que l'engagement féministe, c'est déjà sur le moteur de ça. Et après, sur le fait de ne pas trop se mettre de limites dans l'engagement physique. Et d'essayer de ne pas trop se conformer à ce qu'on attend d'une femme. Mais ça, je pense que la plupart des interprètes... Enfin, c'est un peu aussi une responsabilité en tant qu'interprète de sortir de son genre pour interpréter, je trouve.

  • Speaker #1

    On a beaucoup parlé du clown tout à l'heure, mais on n'est pas forcément dans un spectacle comique. Ce n'est pas que ça, ça va traverser plusieurs ambiances, et notamment... Même le malaise, et vous provoquez le malaise, vous l'invoquez même, vous le convoquez le malaise. C'est jouissif de créer du malaise dans le public ?

  • Speaker #2

    Jouissif, je sais pas, parce que c'est pas...

  • Speaker #1

    Ça doit être difficile, excusez-moi de vous... de vous interrompre comme ça, mais il y a quelque chose de très difficile pour un comédien à créer le malaise en apportant un sujet, et là on est sur le sujet des violences sexuelles qui touchent tout le monde dans notre société, mais dont on ne veut pas forcément en entendre parler, et vous l'apportez là comme ça, avec un air de défi. Moi je l'ai perçu comme ça.

  • Speaker #2

    C'est intéressant cette aire de défi. Nous on a quand même beaucoup utilisé la naïveté de nos clowns là-dedans aussi. Et encore une fois, l'outil du clown, le clown est inconscient, un peu trop bête pour comprendre ce dont il parle. On a utilisé ça. Est-ce que c'est jouissif de convoquer le malaise ? Jouissif, je ne sais pas, il y aurait quelque chose de pervers à sentir que le public est mal à l'aise. Pas vraiment, ce n'est pas vraiment ce qu'on recherche. Ce n'est pas l'idée de les mettre mal. En tout cas, l'idée qu'il se questionne sur la honte, sur le sentiment de honte ici, Ici et maintenant, ensemble, ça, ça nous intéresse. Sur ce que leur provoque le fait d'entendre un récit de violence sexuelle, c'est pas tant la provocation, évidemment certainement pas la douleur. On a conscience que chez certaines personnes, ça peut réveiller des souvenirs douloureux. C'est pas ce qu'on cherche, c'est plutôt l'après, c'est plutôt qu'est-ce qu'on en fait de ça. C'est plutôt faire réflexion commune, ici et maintenant. Avec la suite du spectacle, c'est pas pour se torturer, ni nous, ni eux, ni elles. Je repose ce micro.

  • Speaker #1

    Vous semblez en pleine réflexion, Élise.

  • Speaker #0

    Non mais je réfléchis sur la question du malaise, et puis non sur la question que vous posiez sur l'engagement fémi, c'est une vaste question quoi. Je sais pas y répondre... Simplement quoi. Sur le malaise, il peut y avoir un plaisir sur le fait de jouer et que au final nous on sait que ça va bien se passer pour le public parce que nous on sait que notre objectif c'est de prendre soin du public mais on sait qu'on a un décalage et que la proposition qu'on fait aux spectateurs peut l'inquiéter. On sait qu'on va en prendre soin. Mais c'est-à-dire qu'en faisant un spectacle sur la honte, si on veut aller au bout de la chose, pour nous, il nous semble important d'aller convoquer la honte au présent. Il y avait un peu, dans la dramaturgie, cette dimension de la honte au passé, c'est-à-dire les souvenirs traumatiques, ou pas forcément traumatiques, mais les souvenirs de honte. La honte au présent qui est là tout de suite. Est-ce que je vais me taper la honte ? Comment la honte se convoque ? On a le rejoujou, etc. Et puis la honte au futur, c'est-à-dire se retenir de faire des choses, s'empêcher de faire des choses par inquiétude d'avoir honte. Donc c'est trois hontes qui sont un petit peu différentes. Et donc on voulait traverser en tout cas ces trois rapports-là, la honte par rapport au temps, qui ne sont pas les mêmes. Donc voilà, le malaise, c'était quand même un incontournable. Enfin pour moi, c'était un incontournable si on voulait aller au bout du truc. Mais je crois que c'est vrai qu'on a... Je sais pas si c'est notre personnalité ou le côté clown, mais on voulait quand même aller être un peu jusqu'au boutiste sur le sujet. Notre côté bon élève.

  • Speaker #1

    J'avais commencé l'interview en vous posant une question toute simple, c'était quoi votre dernière honte ? On pense à des hontes individuelles, mais votre spectacle il va parler, il va faire penser qu'on a des hontes collectives. Est-ce que vous pensez qu'on n'a pas assez honte aujourd'hui de ce vers quoi on va ? Nous, notre société, notre monde ?

  • Speaker #0

    Je ne dirais pas ça comme ça. Je ne dirais pas qu'on n'a pas assez honte. Mais je dirais que c'est intéressant de se poser la question de la honte. C'est-à-dire par rapport au passé. Il y a les hontes collectives, effectivement. Il y a les hontes par rapport à la France, par rapport aux actions, ce qu'on appelle la honte politique. C'est intéressant de regarder la honte non pas pour avoir mal, mais simplement pour comprendre ce qui s'est passé dans l'histoire, ce qui se passe, pour éclairer le présent et puis effectivement se donner direction pour l'avenir. C'est plutôt dans ce sens que la honte me semble intéressante, en tout cas à observer, à aller regarder pour savoir qu'est-ce qu'elle nous raconte. Et puis il y a toutes ces hontes qu'on porte, qui ne sont pas, comment dire, qu'on porte et qu'on ressent et dont on n'est pas responsable. C'est une grande différence avec la culpabilité, enfin quoi que la culpabilité, on peut l'avoir aussi. Et donc de dépasser justement l'émotionnel pour regarder qu'est-ce qu'elle vient raconter cette honte-là. Et après sur l'avenir, c'est plutôt de quoi pourrions-nous être fiers ? Ça serait quoi qui nous rendrait fiers dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    Justement c'est un spectacle où on parle de la honte au passé, c'est des hontes qui sont rapportées. Mais la question va être, j'ai l'impression, qu'est-ce qu'il y a après la honte ? Est-ce que la honte peut être un moteur pour faire changer les choses ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est un espoir. Justement, on s'est inspiré d'un livre qui s'appelle, un livre de Frédéric Groc, un philosophe, qui a écrit un livre qui s'appelle La honte est un sentiment révolutionnaire, qui nous a inspiré pour écrire ce spectacle. Nous, juste en se basant sur cette phrase, en s'en développant d'où elle vient, développer son ouvrage, mais juste l'espoir de se dire que la honte est quelque chose qui nous ensevelit, qui nous entrave, qui nous assagne au silence. Comment, une fois qu'on a dit cette honte, qu'on se l'est avouée à nous-mêmes, qu'on l'a avouée aux autres, que ce soit à notre famille ou à la société, qu'est-ce qu'on en fait ? Comment elle est moteur d'autres choses, d'actions ? Après être pétri de honte, comment on passe à l'action pour changer les choses ? Soit changer ce qu'on a fait, soit changer ce qu'on nous a fait, soit changer la vision qu'on a de nous-mêmes, soit changer la vision que les autres ont de nous-mêmes, qu'on a de la société, changer la société. De passer de cette honte, je cite Frédéric Gros, passer de cette honte tristesse à une honte colère, quelque chose qui nous rendrait acteurs et actrices, et non pas passifs ou passives. d'un sentiment. Donc oui, on a espoir avec... C'est aussi l'espoir inconscient de ces personnages d'estimer que... Elles, elles veulent... Enfin, c'est notre cas... Bon, vous couperez, vous montrez. C'est la catch-line de notre spectacle, c'est faire de ce sentiment qui isole un sentiment qui unit. Effectivement, à plein d'endroits, la honte sert à isoler, à mettre quelqu'un en marge de la société. pour lui donner une leçon plus ou moins justifiée, selon la morale de chacun. La honte dépasse la loi aussi. Il y a la législation, il y a la loi qui est écrite pour tous. Et puis il y a la honte qui... Ça, c'est chacun la place un peu où il veut. Et comment, une fois qu'on a dépassé cette honte, soit en allant vers les autres, soit en ayant rencontré des personnes qui sont venues vers nous, on n'est plus seul, on est avec d'autres.

  • Speaker #1

    Je ne divulgue rien, mais... Il y a un esprit de révolution, un esprit de révolte dans la fin de votre spectacle. C'est un élan nécessaire, la révolution, pour vous ?

  • Speaker #2

    Je pense que ça raconte encore une fois de notre relation et de notre amitié, et en effet de ce féminisme commun, et encore une fois du sujet des violences sexuelles. Comment est-ce qu'on est enseveli sous ce sujet, et qu'à un moment donné on parle, et qu'ensuite on agit ensemble pour que ça n'arrive plus ? Euh... Et pour, je me permets d'emprunter cette phrase, que là, on ne change de camp. Encore une fois, tout le spectacle ne parle pas de ça, mais ça en fait partie.

  • Speaker #1

    Élise ?

  • Speaker #0

    Ouais, je veux juste reprendre sur un truc, c'est que la colère, en fait, le sentiment de la colère, c'est fait pour me poser une limite. C'est utile, enfin, c'est comme n'importe quelle émotion, on l'est vu pour une bonne raison. Et l'énergie de la colère, c'est repousser l'autre. enfin ce qui est extérieur, pour poser une limite, pour défendre quelque chose. C'est pas forcément la violence, la colère. Donc par rapport à... Frédéric Grosse, il appelle la honte colère. En ce qui concerne les hontes, par exemple les violences sexuelles, qui sont vécues, qu'on porte, mais dont on n'est pas responsable, parce que la honte est un sentiment révolutionnaire, c'est une phrase de Marx, en vrai. Donc c'est quand même pas très loin de la question de la révolution. Je crois qu'une des analyses sur la honte, c'est que la honte c'est un peu le stigmate d'une domination. C'est-à-dire, je vais avoir honte d'être pauvre, je vais avoir honte d'avoir été violée. Et c'est-à-dire que la honte c'est ce qui reste de l'humiliation. C'est-à-dire que je m'approprie, j'ai été violée par exemple, et bien le viol est terminé. Il reste la honte. La honte, c'est la trace, c'est le stigmate de l'humiliation. Et donc, se débarrasser de la honte ou que la honte change de camp, c'est aussi la question de la réappropriation, pour les violences sexuelles, mais aussi, par exemple, par rapport au travail, on parlait d'alénation, comment les corps sont aussi appropriés par le travail. Et donc, la question de la colère ou de repousser, c'est la question de la réappropriation du corps pour se libérer de la honte, mais c'est-à-dire se libérer du coup d'une certaine forme d'oppression ou de domination. Donc la révolution dans ce sens-là, c'est-à-dire dans le sens de rendre, de rendre à celui ou celle, quand je dis celui, ça peut être un individu, mais ça peut être un système organisé dans une société qui m'oppresse, de récupérer de la dignité ou de récupérer une forme d'égalité en fait, pour, tout simplement pour... Des choses basiques, vivre en paix, en harmonie, avec chacun une place. Donc une révolution dans ce sens-là, oui, et ça me semble juste logique et très simple. Et pas... Enfin je veux dire, on n'est pas des folles, quoi ! Non mais on n'est pas des... J'ai pas dit ça ! Non mais, pardon, je m'enflamme, pas du tout toi. Mais ce que je veux dire par là, c'est que moi je considère que ce qu'on fait est hyper normal. C'est-à-dire hyper simple et très normal. Et quand on nous renvoie parfois que... Ouh ouh ouh Et bah je fais... Que vous ? Non mais c'est pas ce que vous dites vous hein Mais euh...

  • Speaker #1

    Mais vous ? Euh...

  • Speaker #0

    Mais que euh...

  • Speaker #1

    Pouvez-vous définir ce ouh ouh ouh ?

  • Speaker #0

    Moi je sais pas le déchirer Ok. Dans le spectacle,

  • Speaker #1

    tu l'as déjà vu ?

  • Speaker #0

    Ouais. Et bien, j'ai toujours un étonnement. Enfin, pas un étonnement, oui, je le sais, puisqu'en même temps, c'est du théâtre, donc on met en scène, on sait ce qu'on fait, etc. Mais en tout cas, c'est une révolution qui me semble, si on appelle ça révolution, qui me semble simple à faire pour tout le monde, normale et salutaire.

  • Speaker #1

    C'est un spectacle qu'on peut retrouver à la Reine Blanche.

  • Speaker #2

    La honte. Nous jouerons encore jusqu'au 16 novembre, les mercredis à 21h, les vendredis à 21h et les dimanches à 18h.

  • Speaker #1

    Je vous souhaite tout le succès du monde, je vous dis merde et bravo encore pour ce spectacle. La honte, merci Léa, merci Élise.

  • Speaker #0

    Et merci à vous de nous avoir donné la parole.

  • Speaker #2

    Merci Alexis.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici, et à très très très très bientôt pour un nouveau café au comptoir.

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Description

Dans ce nouvel épisode d’Un Café au Comptoir, Alexis Himeros reçoit Léa Roblot et Élise Roth, duo de comédiennes et autrices qui explorent l’intimité, la honte et la puissance du rire à travers leur spectacle.


Ensemble, elles revisitent les codes de la société, incarnent le clown sous des formes inédites et mêlent improvisation, paroles authentiques et performance théâtrale.


De l’école d’art clownesque à la création collective, elles partagent leur regard engagé sur la féminité, la honte et le rapport au public. Une discussion vivante et généreuse où les récits personnels, le malaise, l’engagement féministe et la création artistique s’entrecroisent.


Prenez place au comptoir : c’est là que se rencontrent les émotions, les parcours et l’art de raconter.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


instagram LA HONTE :

https://www.instagram.com/lahontelespectacle/

La Honte
du 17 oct.  au 16 nov. 2025

au Théâtre La Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris 




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, j'écris des histoires, je fais des podcasts et j'aime jouer de ma voix. Et comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix. Pourquoi ? Parce que c'est là que tout le monde se rencontre, c'est là où on s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir. C'est parti ! Un Café au Comptoir

  • Speaker #1

    Un Café au Comptoir

  • Speaker #2

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Mes invités du jour sont deux, elles se sont trouvées sur les bancs d'une école d'art clownesque et ne se sont plus quittées. Mettre à jour l'intime, donner à réfléchir, provoquer le rire est devenu leur mission. Il leur fallait un sujet d'étude et pour cela, rien de mieux que de prendre un sentiment qui isole pour le transformer dans une visée universelle et cathartique. Ce sera la honte. La petite honte de rien du tout et les plus tabous. Après le festival de Riak, La honte, la pièce, poursuit sa vie au théâtre de la Reine Blanche et sans doute bientôt sur beaucoup d'autres scènes. Bonjour Léa, bonjour Élise. C'est quoi votre plus grosse honte d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Une honte qui est arrivée... Bonjour Alexis. Une honte qui est arrivée aujourd'hui même.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, aujourd'hui. Allez au maximum hier.

  • Speaker #2

    La première qui me vient à l'esprit c'est que je suis arrivée en retard à notre rendez-vous avec Élise. Ça c'est vraiment ce qui me vient à l'esprit.

  • Speaker #0

    C'est une petite honte. C'est pas vraiment une honte. Je pose cette question parce que justement votre spectacle, parce que vous faites partie de cette petite troupe EKI, et votre spectacle est précisément sur...

  • Speaker #2

    La honte !

  • Speaker #0

    La honte, merci Élise. Un spectacle que vous avez écrit à deux, non ?

  • Speaker #2

    À trois même, avec Mickaël Délis, qui est notre co-auteur, qui est comédien par ailleurs. Qui n'est pas là. Qui n'est pas là.

  • Speaker #0

    qu'on a déjà interviewé dans ce même podcast. Vous n'êtes que deux sur scène. C'est un duo, moi j'ai vu la pièce, ça démarre. sur les chapeaux de roue, ça finit sur les chapeaux de roue également, une sorte de foisonnement de paroles autour de la honte, de remise en question. En fait, le sujet, au-delà de la honte, est-ce que c'est la vision de notre société par rapport à qui on peut être ? Qui on a le droit d'être, excusez-moi. Oui,

  • Speaker #2

    en tout cas, nous on utilise nos personnages qui, elles, pensent maîtriser les codes de la société, mais ne les maîtrisent pas. En ça, on utilise l'outil du clown. Elles, elles pensent qu'elles gèrent, qu'elles sont en maîtrise alors que pas du tout. Et pour nous, on se sert de leur attitude pour refléter en tout cas ce que la société pense maîtriser et ne maîtrise pas toujours. Elles reflètent les bourdes, les loupés, les erreurs, les incertitudes, les failles. Elles reflètent tout ça.

  • Speaker #0

    Et vous arrivez sur scène éhontément ou alors toute honte bue, ce sont des expressions qui existent quand même. avec des archétypes féminins. Comment sont nés ces archétypes, ces personnages ?

  • Speaker #3

    On n'a pas forcément construit à partir d'archétypes. On a deux personnages qui ont deux rapports à la honte très différents, enfin qui sont un peu opposés, qui sont un peu comme un négatif et un positif.

  • Speaker #0

    On a Léa qui est un peu une sorte de bimbo, qui se voit comme ça, peut-être... Moi, je voyais la speakrine italienne qui n'est pas italienne. Et tandis que vous, Élise, vous campez un personnage... De

  • Speaker #3

    Virzon. Pardon pour tous les auditeurs qui sont à Virzon. On apprécie énormément Virzon. J'aime beaucoup Jacques Brel. J'ai honte. Voilà ma première honte de la journée.

  • Speaker #2

    Tandis que vous, Élise,

  • Speaker #0

    vous campez un personnage qui a très envie d'être sûr d'elle, mais en fait, qui n'est pas du tout. Tout à fait. Qui entre un peu en confrontation avec le personnage campé par Léa et qui a envie de s'affirmer également. ouh ouh perçoit une pointe d'admiration et de frayeur en même temps dans cette comparaison entre les deux ?

  • Speaker #3

    Disons qu'il y en a une qui est submergée par la honte en continu, et une qui est plutôt éhontée, a priori en tout cas. En tout cas, elles ont un rapport déséquilibré à la honte, une qui aurait trop honte et une qui n'aurait peut-être pas assez, ou en tout cas qui ne connaîtrait pas tellement la honte. Et donc, en tout cas, c'est plutôt autour de ces deux dynamiques-là qu'on a construit les personnages. Et après, on n'a pas construit par rapport à des archétypes, mais après, il y a notre nature clownesque de chacune qui s'est immiscée là-dedans et qui a construit malgré nous ces personnages, en fait.

  • Speaker #0

    C'est bien de prononcer le mot clown parce qu'il y a beaucoup de ça. Ce n'est pas simplement une pièce de théâtre qu'on va voir, c'est une performance. C'est quelque chose qui est... Presque du comique de situation par moment. Dans votre... Carrière, dans votre éducation de comédienne, comment le monde du cirque s'est-il logé ?

  • Speaker #3

    Moi, je ne réponds pas forcément à cette question, mais je réponds aussi. Mais comme ça, ça nous laisse le temps de réfléchir. Non, non, mais je réponds à ce que... Je ne sais pas si on se tutoie ou on se vouvoie.

  • Speaker #0

    Moi, je vous vois, vous faites ce que vous voulez. Alors,

  • Speaker #3

    on se vouvoie. On se voussoie. On se voussoie. Sur la question de performance, effectivement, nous, on voit plus... C'est-à-dire que la pièce, ce n'est pas une représentation d'un texte préétabli. On n'est pas là juste pour dire un texte. Il y a quelqu'un qui nous a dit sur la honte qu'elle trouvait que la honte, on la ressentait un peu en infra dans le spectacle. Moi, ça m'a parlé parce que... C'est plus du côté de la performance pour nous que ça se joue et le clown il intervient là dedans. C'est à dire que parfois le clown on dit le clown il est pas là pour dire un poème, il est le poème. Ça c'est... je sais plus qui dit cette phrase d'ailleurs. Elle n'est pas de moi.

  • Speaker #0

    Le clown n'est pas là pour dire un poème. Il est le poème.

  • Speaker #3

    Voilà. Et donc nous, nos personnages, le prétexte, c'est qu'elles viennent parler de la honte, mais l'enjeu, c'est plutôt elles, leur rapport au fait d'être regardées et qu'est-ce qu'elles vont vivre. Qu'est-ce que la situation théâtrale, le fait d'être regardée pendant une heure, va aller convoquer dans la relation avec le public. Et c'est ça, en sac, c'est plutôt du côté de la performance, donc c'est ça qui nous intéresse là-dedans. C'est de mettre en jeu la situation théâtrale d'être regardée pour parler du rapport à l'autre et au regard de l'autre.

  • Speaker #0

    Donc vous, je reviens à ma question, vous... Non mais, elle croit quoi ? Donc vous, le monde du cirque, le monde du clown, est-ce que c'est quelque chose que vous avez étudié, vécu, à un certain moment de votre éducation de comédienne ? Si on peut s'exprimer ainsi.

  • Speaker #2

    Je vais répondre à côté. Je ne sais pas si je vais répondre non plus. Mais le fait est que nous avons toutes les deux pratiqué beaucoup l'improvisation théâtrale avant d'arriver au clown. Et ça, l'impro, c'est un art du présent puisqu'on doit faire avec ce qui vient au plateau, ce qui est proposé par notre partenaire de jeu, ce qui est proposé par notre cerveau à l'instant T, par notre corps, par nos bourdes aussi, par les accidents qui sont des cadeaux, ce qui n'est pas forcément le cas au théâtre classique. Mais en impro et dans le clown, on célèbre ces accidents, ça nous donne du jeu. Donc on a ce rapport-là au présent et ce plaisir-là au présent au plateau. Donc ça nous a servi pour écrire la pièce, pour convoquer, pour être dans un rapport très frontal et très au public ce soir-là. Chaque histoire est différente quand on fait un spectacle, chaque soir est différent quand on joue un spectacle, mais encore plus je dirais avec ce spectacle là parce que Ben ouais, ça dépend des retours du public à l'instant T. Et le clown, je réponds encore pas trop à la question, mais le clown c'est un art du présent aussi. Et donc on s'est servi des outils clown pour écrire ce spectacle-là, pour que ces deux personnages-là, elles parlent de la honte, mais elles convoquent la honte au présent aussi.

  • Speaker #0

    Monsieur, c'est quoi votre histoire à toutes les deux ? Ah voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça la question. Est-ce qu'on a fait du cirque et du clown avant ?

  • Speaker #0

    Comment ce duo est-il né ?

  • Speaker #2

    Il est né à la sortie de l'école du Samovar, qui est une formation professionnelle pour artistes clowns. Et toutes les deux, on était comédienne et par ailleurs improvisatrice avant cette formation. On s'est rencontrés là-bas, on a vécu cette formation ensemble, on est devenus amis et on aimait bien le travail de l'autre. On aimait bien jouer ensemble et on aimait bien voir l'autre jouer assez rapidement. Enfin en tout cas moi, dès les auditions. Et à l'issue du Samovar, une fois qu'on était diplômés, on savait qu'on voulait travailler ensemble, mais alors quoi, comment, on ne sait pas trop. Et on est tombé par hasard sur une vidéo INA qui diffusait des témoignages de honte. Une vidéo qui date des années 80 environ, donc avec tout le kitsch des années 80. C'était une succession de témoignages de honte et on a trouvé ça drôle et touchant. Vraiment, ça traversait plein de hontes différentes. On se l'est envoyé et en même temps on avait sous le nez un appel à candidature pour un appel à résidence d'écriture et on a mixé ces deux sujets, le sujet de la honte et pour remplir un dossier pour un appel à résidence, pour une résidence d'écriture. Et voilà, le projet a été enclenché.

  • Speaker #0

    Et vous avez écrit ?

  • Speaker #2

    Et nous avons écrit.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit mais... J'ai cru comprendre qu'il y a un appel au contenu généré par d'autres personnes, par le public même. Même si le public n'est pas invité à participer à votre spectacle, mais quand on est dans le public, on se retient, on fait « mais putain, j'ai envie de parler ! » On ne parle pas, non. Ah ! C'est bien savoir que...

  • Speaker #3

    La honte, c'était vraiment... Déjà, en plus, c'était un sujet qui nous permettait d'aller gratter du côté du clown aussi. Puisque quand on a honte, on se sent un peu plus bas que terre. Et le clown, c'est quand même celui qui est le dernier, qui est l'humilié. Donc c'était aussi un sujet assez intéressant pour aller creuser du côté du clown, même si on ne voulait pas forcément faire du clown avec un nez, etc. C'était aussi un sujet qui parlait de notre amour du clown, c'est-à-dire de notre amour aussi de mettre sur le devant de la scène des gens avec des failles, de montrer aussi l'humanité dans toutes ses fragilités et pas juste dans sa puissance et dans sa force. Et aussi une envie qu'on avait avec ce projet, c'est de rencontrer le public tout de suite. On sortait d'école et on avait faim de jouer et d'être en relation avec le public tout de suite. Et avec ce truc là on parlait de la construction des personnages mais c'est vrai que dans le clown on a vraiment besoin du regard de l'autre pour construire les improviser, enfin on a besoin d'improviser donc on a besoin de public en continu donc dès le début on s'est dit ce qui serait génial ça serait de pouvoir écrire la pièce mais pouvoir avoir plein de rencontres tout le temps avec le public et très vite par rapport à la honte on s'est dit c'est un sujet universel donc ça c'est super parce qu'on va pouvoir communiquer avec plein de gens enfin on va pouvoir comment dire se relier avec un maximum de personnes c'est très universel. Et donc on a voulu, dès le début, inviter le public quelque part à créer avec nous. Et donc au départ, le public, on a sollicité tout simplement nos proches, en leur demandant, on fait un appel à témoignage, et on a fait des récoltes, et petit à petit, on a établi une sorte de protocole de récolte.

  • Speaker #0

    Ah, comme des cahiers de doléances.

  • Speaker #3

    Après, il y a eu les cahiers de doléances, mais au départ, on a fait des entretiens, des rendez-vous. avec un certain nombre de questions, avec chacune des rôles déterminés, qu'on a affinés. Et puis plus c'est allé, au fur et à mesure du temps, on a ouvert à d'autres gens qu'on ne connaissait pas pour récolter plein de hontes les plus diverses possibles. Et on est allé à Aurillac,

  • Speaker #0

    qui est un festival de théâtre de rue d'Aurillac,

  • Speaker #3

    pour faire ce qu'on a appelé la grande récolte de la honte. Et donc là on était des sortes de boymenteuses dans la rue, on criait des hontes dans l'espace public et on invitait les gens à venir raconter leurs hontes. Et là on a récolté des hontes mais en personnages, c'est-à-dire avec nos personnages de Laurence et Estelle. Donc c'était des sortes de petites représentations à un spectateur ou à une spectatrice. Et là on s'est bien amusés.

  • Speaker #0

    Le clown souvent il vient par deux. Comment c'est fait cette distribution des rôles ? Parce que à vous voir là, j'ai l'impression que vous êtes chacune l'antithèse de votre personnage.

  • Speaker #2

    Merci c'est un beau compliment moi ça m'arrange.

  • Speaker #3

    Il faut qu'on intègre cette information.

  • Speaker #2

    On n'a pas calculé. En vrai, on a calculé peu de choses. On a beaucoup navigué à vue avec ce projet. On n'a pas calculé, on n'a pas fait en fonction de qui est blanc, qui est auguste. Assez tôt quand même, on savait qu'on ne voulait pas de conflit dans notre duo parce qu'on en a joué d'autres par ailleurs, dans d'autres projets, parce qu'un conflit entre deux femmes... On voulait un autre chemin.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas de conflit.

  • Speaker #2

    Ce que je veux dire, c'est que le conflit est un schéma d'écriture, notamment chez les clowns. Le blanc, l'auguste, le conflit, tout ça.

  • Speaker #0

    Là, on est sur plus subtil.

  • Speaker #2

    Oui. Elles n'ont pas forcément conscience, mon personnage n'a pas forcément conscience qu'elle gêne ou qu'elle génère un peu parfois l'admiration chez le personnage d'Estelle. Par exemple,

  • Speaker #3

    le public le voit,

  • Speaker #2

    mais mon personnage ne le voit pas. Donc c'est pas construit là-dessus, et ça c'est arrivé au fur et à mesure. On sait que pour notre co-metteuse en scène Lucie Vallon, le blanc et l'auguste pour elle sont très clairs quand elle nous regarde, nous de l'intérieur pas spécialement. Des spectateurs nous disent l'inverse de ce qu'elle ressent, et nous ça nous va très bien que ça ne soit pas déterminé et figé.

  • Speaker #3

    C'est aussi qu'il y a des bascules. Je pense que dans chaque séquence, il y a des dynamiques blancs et augustes, avec une personne qui est un peu plus à diriger et l'autre qui est plus en suiveur. Mais ces dynamiques-là, elles bougent. Donc, ce n'est pas forcément sur toute la... Ah oui, je ne finis pas mes phrases. Léa, tu peux la finir ou pas ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas forcément... À toi !

  • Speaker #3

    C'est pas forcément fixé pour toute la pièce, c'est plus par dynamique de micro-séquence.

  • Speaker #0

    C'est un spectacle qui est sur la honte, ça on l'a dit, c'est un spectacle qui... Énonce des hontes parce qu'on vous voit avec des multitudes de petits papiers sur lesquels il y a différentes hontes vécues, vraies ou pas vraies, on ne sait pas mais on imagine qu'elles sont vraies. Mais parmi celles qui vous ont été rapportées, lesquelles vous ont le plus marqué ?

  • Speaker #3

    Alors, parce que marqué, moi ce qui me vient c'est qu'il y a celles qui nous marquent parce qu'on rit, donc elles sont drôles, il y a celles qui nous marquent parce qu'elles nous touchent et qu'elles sont... émouvantes enfin qui sont étonnantes de capelin de n'a plein qui nous ont marqué pour toutes ces raisons là il y en a plein aussi qu'on a qui nous ont beaucoup marqué mais qui ne sont pas dans le spectacle parce que

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y en a certaines où vous vous êtes dit Oh non, mais non, non, oh non Oui,

  • Speaker #3

    toutes les blagues de caca Au bout d'un moment,

  • Speaker #2

    on n'en pouvait plus, mais merci quand même J'ai pas pensé même à ça Et puis des erreurs faites Des gens qui nous livrent Leur culpabilité Ils sont coupables de ce qu'ils ont fait Et il y en a peu, c'est vraiment une mineure partie Ce qui est logique Les gens disent plutôt ce dont ils ont été victimes Que les conneries Qu'ils ont faites, ça c'est normal Oui, il y a des hondes qui étaient un peu un peu cracra. Mais drôle, drôle quoi. Oui.

  • Speaker #0

    Est ce qu'il y en a une qui vous a particulièrement marqué, que vous avez gardé dans le spectacle ?

  • Speaker #2

    Une qui nous a particulièrement marqué, qu'on a gardé dans le spectacle ? Oui, celle, il y en a sûrement plusieurs, mais je réponds la première qui me vient à l'esprit, quelqu'un qui nous a... Elle est dans le spectacle, donc j'ai le droit de le dire. Ah oui, non mais je dis ça parce que nous, on s'est mis un point d'honneur à ne pas raconter les hontes qu'on nous livrait, que ce soit dans les récoltes ou sur les cahiers. On en parlait entre nous, mais on n'avait pas le droit en soirée, tel des psychologues, des psychothérapeutes, on n'avait pas le droit en soirée de dire « vous savez pas quoi ? » On nous a raconté que je sais pas quoi, je sais pas quoi. On s'en servait pour le spectacle.

  • Speaker #0

    Tu volais du croustille.

  • Speaker #2

    Voilà, on a bien compris mais... Mais celle que je vais dire, elle est dans le spectacle. Venez au spectacle, vous aurez la suite. C'est juste quelqu'un qui voulait aider une personne malvoyante en pensant que cette personne malvoyante voulait monter dans le métro. La personne était sur le quai du métro et elle a poussé cette personne malvoyante dans la rame. Et la personne surprise s'est retrouvée dans la rame. Le métro a démarré, la personne est tombée. Et donc celle-ci, quand elle nous l'a racontée, on s'est dit, c'était vraiment beau comme séquence. Elle était vraiment, vraiment honteuse, cette personne, quand elle nous l'a racontée. Et elle était d'accord pour que ça nous soit utile dans le spectacle. Donc c'était vraiment beau, puis c'était au tout début du projet, donc c'était incroyable d'avoir un truc aussi croustillant, et puis aussi, c'est vraiment généreux de la part de la personne de nous livrer ça. Parce qu'il y a quand même ce truc particulier de se dire que les gens acceptent de nous livrer leur honte. Et est-ce que c'est, modestement, mais est-ce que quelque part en faisant ça, en participant avec leur histoire à un acte théâtral, est-ce que c'est pas un peu sublimer une boulette qu'ils ont faite ou qu'on leur a faite ? Enfin tant mieux si ça leur fait cet effet là quoi. Ah oui et je voulais dire aussi qu'on n'a pas mis toutes les ondes dans le spectacle parce qu'on ne voulait pas faire un effet catalogue et aussi parce que la récolte continue, les cahiers sont disponibles à la sortie du spectacle. Nous des récoltes on a l'intention d'en faire d'autres, on peut encore nous écrire toujours dans cette idée que la fiction et la réalité se mélangent et que nos personnages poursuivent leur grande récolte à travers la France et ailleurs. mais c'est aussi que Il y a certaines ondes qui sont plus catchy et plus intéressantes théâtralement. Une fois qu'on a une histoire, qu'est-ce qui fait théâtre là-dedans ? Qu'est-ce qui est intéressant de raconter au plateau ? Il y a des récits plus intéressants que d'autres théâtralement, j'entends, bien sûr.

  • Speaker #0

    Léa, Élise, nous allons faire un vrai ou faux.

  • Speaker #1

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, votre personnage de bimbo, Léa, ce n'est pas un personnage parce que vous êtes vraiment là en face de moi, en total bimbo. Merci.

  • Speaker #2

    C'est un personnage, c'est complètement un personnage. Jamais de ma vie je n'aurais mis une robe aussi moulante dans une matière qui sent mauvais. C'est une robe Zara qui doit dater de 2015, un truc comme ça. Et c'est un bleu électrique qui ne fait pas du tout partie de ma colorimétrie.

  • Speaker #0

    Ça fait quoi de rentrer dans un tel personnage ? Est-ce que vous avez eu parfois des personnes dans votre public, j'entends des hommes qui viennent et qui sont un peu lourds en disant « alors ? » . Parce que vous êtes effectivement dans une robe totalement moulante, perchée sur des talons très hauts, ça doit faire mal aux pieds en plus sur tout ce spectacle. Est-ce qu'il y a eu des réactions un peu cheloues ?

  • Speaker #2

    Jamais, jamais. C'est marrant, je la trouve pas vulgaire moi cette robe. J'ai l'impression qu'elle se veut classe avec. Il y avait une inspiration un peu madmen, chapeau melon et bottes de cuir, univers de la mairie, mais plutôt mairie avec de la moquette au mur quand on a commencé le projet. Et donc quand on a trouvé ces costumes en flânant dans des friperies, je suis tombée sur cette robe. Je trouvais qu'elle faisait... Ah, il y avait aussi l'inspiration, la présidente dans House of Cards, cette actrice magnifique, je ne sais plus comment elle s'appelle, quelqu'un qui se voulait comme ça. Et Sarah Palin, bien sûr, Sarah Palin. Mais quand on regarde bien, la robe est un peu de mauvaise qualité, les manches sont un peu trop courtes, tout ça. C'est le côté bimbo.

  • Speaker #0

    Mais le côté bimbo,

  • Speaker #2

    j'en joue, j'ai de ce physique-là. Après, personne ne m'a rien dit sur ce personnage. Après, j'imagine qu'au début, il peut faire bimbo, mais qu'ensuite, il est effrayant. Enfin, je finis quand même par parler de sujets pas très sexy. J'imagine que ça vient de là. Mais je peux dévier un peu. J'ai d'autres costumes de clowns avec lesquels j'entends des remarques ensuite.

  • Speaker #0

    Ah oui ?

  • Speaker #2

    Ouais. Et je trouve assez surprenant parce que certes, mes costumes sont assez moulants et on y... Et on y voit mon corps, d'accord, mais mon maquillage, je me fais volontairement les dents pourries, j'ai un maquillage un peu... ce qu'on qualifierait d'un peu trash pour résumer grossièrement. Voilà. Mais non, j'ai jamais... Non,

  • Speaker #0

    vrai ou faux, donc c'était faux, c'est un personnage.

  • Speaker #2

    Ah ouais, j'avais oublié la consigne. Donc c'est quoi la question ? Faux, merci

  • Speaker #0

    Faux Léa et Élise, vrai ou faux ? Vous allez vendre les cahiers de doléances A la fin de votre spectacle Histoire de vous faire un peu de thunes

  • Speaker #3

    Vrai, c'est une idée Tu viens de nous suggérer cette idée Et on va le faire,

  • Speaker #0

    c'est une bonne idée En la tête de Léa

  • Speaker #3

    Pour ceux qui n'auraient pas compris que c'était une blague Faux, évidemment Merci.

  • Speaker #0

    Pourtant c'est difficile de... La question devient un peu plus sérieuse mais le monde du spectacle, le monde du théâtre, c'est un monde qui est difficile. C'est difficile aujourd'hui d'être comédienne, d'être comédien, d'en vivre. Comment on peut trouver des moyens de rentabiliser en plus ce qu'on fait ?

  • Speaker #3

    Oui, bien sûr, c'est pour ça que j'ai répondu vrai à cette proposition. Non, mais évidemment, il y a un gros problème d'argent et de financement dans le spectacle vivant et qui est de pierre en pierre et avec des dates de tournée qui sont de moins en moins... avec des chutes dans toutes les dates de tournée, sur tous les projets de toutes les compagnies.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi vous vous lancez là-dedans, finalement ?

  • Speaker #3

    Parce que ce n'est pas pour l'argent. En fait, on a... Oui, c'est absolument pas pour l'argent, parce que c'est une nécessité. Parce que c'est une nécessité. Je crois que quoi qu'il arrive, on a commencé et on finit cet argent. De toute façon, ce projet, on est totalement en autoproduction. On finit cet argent. On finit cet argent. Vous êtes sur votre psy,

  • Speaker #0

    on jure. Donc on finit cet argent. Oui,

  • Speaker #3

    tout à fait. Intéressant, Léa. Non mais c'est une nécessité à un moment donné de créer, d'expérimenter. C'est une sorte de quête qui n'a jamais de fin. Léa,

  • Speaker #0

    vous voulez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que c'est de pire en pire, mais on a commencé il y a quelques années maintenant, c'était moins pire. Après, moi j'ai toujours fait des spectacles, participé à des spectacles avec peu de moyens. Alors, c'est pas pour dire qu'il faut nous en enlever encore plus. Certes, on se débrouille, mais on se débrouille difficilement. C'est juste qu'on y arrive avec peu de moyens. On est bien entouré, on fait des choix. On s'entoure de gens tout aussi passionnés que nous, qui sont d'accord malheureusement pour tout le monde de travailler dans ces conditions-là. On pourra couper le malheureusement ? Heureusement, ils sont d'accord pour travailler avec nous dans ces conditions-là. Attendez, je vais refaire mes phrases. De toute façon, on peut couper. Jingle ! Tu veux dire des choses ?

  • Speaker #0

    Je lis la tristesse au fond de vos yeux.

  • Speaker #2

    Non, oui, je suis triste des conditions dans lesquelles on travaille, ça c'est sûr. Je suis intimement persuadée de l'utilité de la culture. Moi, ça m'a été très utile quand j'étais petite et ado, avant même de savoir que je voulais être comédienne. Ça a façonné mes amitiés, ça a façonné ma vision du monde. Je suis persuadée que c'est nécessaire à la société.

  • Speaker #0

    Comment ça naît chez quelqu'un, l'envie de devenir comédienne, au point de devenir une nécessité ? au point de se lancer dans des spectacles où d'aucuns diraient « Mais quelle folie de se lancer là-dedans, de perdre autant de temps à écrire, de perdre autant de temps à répéter, de perdre autant de temps à jouer pour trois clopinettes. » Et pourtant, c'est votre vie. Comment ça naît ?

  • Speaker #2

    Je pense que nous, on gagne du temps à parler autant de nos émotions, à décortiquer autant, parce qu'évidemment que ce spectacle... Il est basé sur la honte, mais ça raconte de nous, Élise et Léa, derrière. Ça raconte de notre relation, ça raconte de notre condition de femme, de française, ça raconte de tout ça. Et donc, en parlant, en cogitant, réfléchissant à ce spectacle, on réfléchit à nous-mêmes. On réfléchit à nos failles personnelles, à nos aspirations personnelles, à nos désirs, à nos rapports au monde. Donc, quelque part, on en gagne du temps. On n'est pas payé à faire ça, mais on en gagne du temps personnel. Et la passion, en tout cas me concernant, j'ai fait du théâtre comme plein d'enfants quand j'étais petite et j'ai adoré faire ça et j'ai voulu continuer, continuer, continuer. Et j'ai su que c'était un métier possible et j'ai voulu en faire mon métier. Et pourquoi on choisit ? On aurait pu faire autre chose, on aurait pu écrire des bouquins, on aurait pu faire mille autres choses, c'est vrai, pour parler de la honte ou pour parler d'autres... Voilà, mais pas pour gagner de l'argent non plus. Mais on aime faire ça. Donc c'est déjà énorme d'aimer faire quelque chose, alors on le fait.

  • Speaker #0

    Je pense qu'Élise veut prendre le micro. Oui, elle se tient la gorge comme ça. Je vais le garder,

  • Speaker #2

    puis je vais raconter d'autres trucs en attendant que son idée passe.

  • Speaker #0

    Rendez ce micro. Je fais du man-interrupting pour donner la parole à Élise.

  • Speaker #3

    Non mais en fait ce que je trouve... J'ai du mal à répondre à cette question, parce que ce que je trouve... Pas la peine de réclamer le micro. Parce que ce que je trouve étrange... C'est de passer 8 heures, c'est de passer du temps sur un travail qui ne nous anime pas. Quand j'étais enfant ou ado, c'était juste ma hantise de me dire « Ah mais en fait, le travail c'est de 9h à 18h, donc il faut que je trouve un truc où je ne vais pas mourir d'ennui pendant toutes ces heures-là. » Je trouve que la question que je me pose, c'est comment tous les gens qui souffrent au travail ou qui ne sont pas... Merci. qui n'ont pas de plaisir à le faire. Alors je ne parle pas, je parle évidemment uniquement des personnes qui ont la possibilité de faire autrement. C'est-à-dire que quand on peut, là je m'embrouille, mais... En fait...

  • Speaker #0

    Quand on n'est pas... Attends...

  • Speaker #1

    On va faire un petit montage. On va faire un montage. Ou pas.

  • Speaker #0

    Ou pas, non, mais en fait ce que je trouve... Oui, je sais que ça étonne des gens qui sont salariés, qui ont un salaire confortable, qui leur permet de vivre, et qui voient des artistes, qui ont une sécurité en tout cas, et qui voient des artistes prendre des risques au niveau de leur sécurité. Ils trouvent ça étrange. Moi ce que je trouve étrange, c'est... De pas s'évitant. L'aliénation en travail. Ouais, c'est l'aliénation en travail. Après, on est aliénés dans ce métier aussi très fort. Enfin, plus tard, faut pas croire que les artistes sont totalement libres. On est dépendants d'énormément de choses. On est dépendants de tous ceux qui veulent bien nous programmer, qui veulent bien nous donner de l'argent. On est dépendants du public qui vient nous voir. Et on est dépendants de notre propre passion qui fait qu'on est complètement obsessionnels.

  • Speaker #2

    Dans ce métier, c'était un vrai faux, fallait qu'on fasse court, non ? parce que dans ce métier c'est permanent oui certes on n'a pas vraiment d'horaire mais la réflexion, c'est pas du tout une plainte mais la réflexion elle est permanente notre sujet il est en permanence ici les choix qu'on doit faire, avec qui on travaille quelle réplique à tel endroit notre corps est exposé nos propos sont exposés sur les réseaux sociaux sur toute proportion gardée par rapport à notre starification ... Mais c'est là en permanence ce métier-là, ça ne s'arrête pas à 18 heures. Donc je dis ça par rapport à l'aliénation. Le fait que nous aussi, on est aliénés au travail avec ce travail-là, c'est là en permanence. Il faut être présent aussi, il faut dire oui au projet, il faut toujours être présent, il faut toujours avoir un truc à dire.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vous avez dit oui à cette interview.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, la présence de Michael Delis, qui est un comédien, metteur en scène. qui a une très bonne presse en ce moment pour ses spectacles, où il déconstruit l'homme et la vision de l'homme. Donc la présence de Michael Delis, bon c'est uniquement pour avoir son nom, pour espérer avoir un article dans Télérama, c'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #2

    Oui on le connaît pas vraiment personnellement, finalement on l'a vu deux fois. Non c'est pas vrai. Très tôt il nous a accompagnés sur le projet, Je vais laisser Élise dire d'autres choses sur le projet. Il nous a accompagné à l'écriture à un moment donné où on avait besoin d'un troisième regard. Et lui ayant une plume très aiguisée, ça nous a été très utile pour l'aide à la dramaturgie, à l'écriture, pour ciseler des phrases et pour dessiner encore un peu plus la langue de nos personnages. Et il est arrivé à un moment dans le projet et puis il y est resté pour notre plus grand plaisir. C'est un super partenaire de travail.

  • Speaker #0

    Oui, moi je connais Mickael depuis longtemps puisque je travaillais enfin je travaille toujours dans sa compagnie du temps où il faisait des spectacles aussi avec d'autres comédiens donc j'étais comédienne dans ces projets là et je le suis toujours parce qu'on a un duo sur la montée des eaux qu'on joue dans des fontaines, bref c'est un autre sujet et donc Mickael il a cette cette qualité là Avec ses comédiens, ses comédiennes, de vraiment écrire pour les gens avec qui il travaille. C'est-à-dire qu'il arrive à entendre la prosodie des gens, la langue, et il nous écrivait vraiment des textes sur mesure. Et moi je dirais que c'est même le fait d'avoir travaillé avec lui en tant qu'interprète qui m'a donné envie après d'écrire, de monter des projets, parce qu'il a un côté... Il encourage aussi beaucoup à développer ses propres projets, à... Voilà, et lui, il nous a accompagnés, bien sûr, sur l'écriture, mais aussi, il nous a aidés à clarifier ce qu'on voulait dire avec ce spectacle. Et oui, oui, c'est vraiment un partenaire qui est toujours avec nous, du début jusqu'à la fin. C'est vraiment notre co-auteur.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, l'écriture de ce spectacle ? Est-ce que vous vous enfermez quelque part ? Est-ce que non, pas du tout ? C'est petit à petit ? est-ce que vous faites une sorte de rendez-vous à trois, forcés autour d'une table, de partir dès quelques jours ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Généralement, dans le travail, tous les trois, Léa et moi, on pose les bases de la situation théâtrale, les enjeux des béribles de dialogue des premières V1, qu'on envoie à Mickaël. Après, il y a un système d'aller-retour où lui va questionner, il va réécrire certaines répliques. Après on va refaire une sélection, on est vraiment en aller-retour. Et après on fait des sessions de travail à la table tous les trois.

  • Speaker #1

    Je discutais avec Jean-Philippe Daguerre, metteur en scène et dramaturge. Il me disait que lui il avait besoin de s'enfermer une semaine et de jeter les bases d'un spectacle, que la solitude était très importante pour l'écriture. Et quand on est un duo qui est également un trio finalement... La solitude, elle est... C'est déjà plus compliqué. Est-ce que vous avez malgré tout besoin de cela, de rentrer chacune dans votre bulle, à un certain moment ?

  • Speaker #2

    Euh... Léa ? Euh... Euh... Techniquement, physiquement, déjà avoir un ordinateur par personne fait que chacun écrit dans son coin et puis tu te lances dans ton écriture, mais l'autre aussi, et puis la troisième personne aussi se lance dans son écriture. Et chacun se lance à fond dans son idée, et c'est important de se lancer à fond dans son idée pour la développer et pour faire comprendre aux autres ce que tu as dans la tête. Et en même temps, quand tu te lances à fond dans ton idée, il faut la défendre aux autres qui eux-mêmes ont d'autres idées. Enfin bon bref, il faut mettre en commun, il faut se mettre d'accord. En tout cas pour nous c'est plus enrichissant d'avoir trois cerveaux, mais c'est aussi le fameux truc tout seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin. C'est quoi le truc ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #2

    Plusieurs ? À plusieurs on va plus vite, ensemble on va plus loin. Donc on va moins vite tous les trois, mais on a tellement chacun dans notre coin décortiqué que oui, à la fin c'est plus enrichi. Et après l'écriture, le travail vraiment d'écriture avec nos ordinateurs, ensuite il y a la lecture, et ensuite il faut l'amener au plateau, le tester, et c'est là aussi où on se rend compte de choses qui vont et qui ne vont pas. Et puis après il y a encore un autre alerture avec les ordinateurs. Ça fonctionne beaucoup comme ça. Plateau, ordinateur, plateau, ordinateur.

  • Speaker #1

    Un spectacle sur le honte, mais également une sorte de manifeste féministe. Comment vous définiriez, vous, votre engagement féministe à travers ce spectacle ?

  • Speaker #2

    Eh bien, j'ai envie de dire que ça s'est fait malgré nous, parce que ça peut paraître un peu de mauvaise foi, mais non, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un manifeste féministe, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un spectacle féministe, on ne voulait pas se censurer sur des revendications féministes, sur des propos féministes, bien sûr, mais on ne voulait pas revendiquer des propos féministes. il s'avère que les autrices, les comédiennes, les comédiens en scène sont des femmes. Donc, par ce chemin-là, forcément, on parle des femmes, de la condition des femmes et des problèmes que peuvent rencontrer les femmes. Donc, par ça, oui, on peut poser des propos féministes. Ce n'est pas un gros mot. Ce n'est pas un gros mot du tout.

  • Speaker #0

    Après, notre amitié, notre lien et aussi la question du féminisme est quand même fondatrice dans notre lien, dans notre envie de travailler ensemble. Parce que c'est quelque chose qu'on partage fortement toutes les deux. Même le sujet de la honte lui-même, dans ce qu'il contient... Allez, je le... Je vais le dire après. Non mais c'est-à-dire qu'un des fondements de ce projet, c'était aussi la question de la honte par rapport aux violences sexuelles, donc qui est forcément liée à la question féministe. On n'a pas voulu faire un spectacle sur les violences sexuelles. Mais il se trouve que ça en parle et il se trouve que, au niveau intime, c'était un des moteurs de l'envie d'aller traiter ce sujet-là. Donc je dirais que l'engagement féministe, c'est déjà sur le moteur de ça. Et après, sur le fait de ne pas trop se mettre de limites dans l'engagement physique. Et d'essayer de ne pas trop se conformer à ce qu'on attend d'une femme. Mais ça, je pense que la plupart des interprètes... Enfin, c'est un peu aussi une responsabilité en tant qu'interprète de sortir de son genre pour interpréter, je trouve.

  • Speaker #1

    On a beaucoup parlé du clown tout à l'heure, mais on n'est pas forcément dans un spectacle comique. Ce n'est pas que ça, ça va traverser plusieurs ambiances, et notamment... Même le malaise, et vous provoquez le malaise, vous l'invoquez même, vous le convoquez le malaise. C'est jouissif de créer du malaise dans le public ?

  • Speaker #2

    Jouissif, je sais pas, parce que c'est pas...

  • Speaker #1

    Ça doit être difficile, excusez-moi de vous... de vous interrompre comme ça, mais il y a quelque chose de très difficile pour un comédien à créer le malaise en apportant un sujet, et là on est sur le sujet des violences sexuelles qui touchent tout le monde dans notre société, mais dont on ne veut pas forcément en entendre parler, et vous l'apportez là comme ça, avec un air de défi. Moi je l'ai perçu comme ça.

  • Speaker #2

    C'est intéressant cette aire de défi. Nous on a quand même beaucoup utilisé la naïveté de nos clowns là-dedans aussi. Et encore une fois, l'outil du clown, le clown est inconscient, un peu trop bête pour comprendre ce dont il parle. On a utilisé ça. Est-ce que c'est jouissif de convoquer le malaise ? Jouissif, je ne sais pas, il y aurait quelque chose de pervers à sentir que le public est mal à l'aise. Pas vraiment, ce n'est pas vraiment ce qu'on recherche. Ce n'est pas l'idée de les mettre mal. En tout cas, l'idée qu'il se questionne sur la honte, sur le sentiment de honte ici, Ici et maintenant, ensemble, ça, ça nous intéresse. Sur ce que leur provoque le fait d'entendre un récit de violence sexuelle, c'est pas tant la provocation, évidemment certainement pas la douleur. On a conscience que chez certaines personnes, ça peut réveiller des souvenirs douloureux. C'est pas ce qu'on cherche, c'est plutôt l'après, c'est plutôt qu'est-ce qu'on en fait de ça. C'est plutôt faire réflexion commune, ici et maintenant. Avec la suite du spectacle, c'est pas pour se torturer, ni nous, ni eux, ni elles. Je repose ce micro.

  • Speaker #1

    Vous semblez en pleine réflexion, Élise.

  • Speaker #0

    Non mais je réfléchis sur la question du malaise, et puis non sur la question que vous posiez sur l'engagement fémi, c'est une vaste question quoi. Je sais pas y répondre... Simplement quoi. Sur le malaise, il peut y avoir un plaisir sur le fait de jouer et que au final nous on sait que ça va bien se passer pour le public parce que nous on sait que notre objectif c'est de prendre soin du public mais on sait qu'on a un décalage et que la proposition qu'on fait aux spectateurs peut l'inquiéter. On sait qu'on va en prendre soin. Mais c'est-à-dire qu'en faisant un spectacle sur la honte, si on veut aller au bout de la chose, pour nous, il nous semble important d'aller convoquer la honte au présent. Il y avait un peu, dans la dramaturgie, cette dimension de la honte au passé, c'est-à-dire les souvenirs traumatiques, ou pas forcément traumatiques, mais les souvenirs de honte. La honte au présent qui est là tout de suite. Est-ce que je vais me taper la honte ? Comment la honte se convoque ? On a le rejoujou, etc. Et puis la honte au futur, c'est-à-dire se retenir de faire des choses, s'empêcher de faire des choses par inquiétude d'avoir honte. Donc c'est trois hontes qui sont un petit peu différentes. Et donc on voulait traverser en tout cas ces trois rapports-là, la honte par rapport au temps, qui ne sont pas les mêmes. Donc voilà, le malaise, c'était quand même un incontournable. Enfin pour moi, c'était un incontournable si on voulait aller au bout du truc. Mais je crois que c'est vrai qu'on a... Je sais pas si c'est notre personnalité ou le côté clown, mais on voulait quand même aller être un peu jusqu'au boutiste sur le sujet. Notre côté bon élève.

  • Speaker #1

    J'avais commencé l'interview en vous posant une question toute simple, c'était quoi votre dernière honte ? On pense à des hontes individuelles, mais votre spectacle il va parler, il va faire penser qu'on a des hontes collectives. Est-ce que vous pensez qu'on n'a pas assez honte aujourd'hui de ce vers quoi on va ? Nous, notre société, notre monde ?

  • Speaker #0

    Je ne dirais pas ça comme ça. Je ne dirais pas qu'on n'a pas assez honte. Mais je dirais que c'est intéressant de se poser la question de la honte. C'est-à-dire par rapport au passé. Il y a les hontes collectives, effectivement. Il y a les hontes par rapport à la France, par rapport aux actions, ce qu'on appelle la honte politique. C'est intéressant de regarder la honte non pas pour avoir mal, mais simplement pour comprendre ce qui s'est passé dans l'histoire, ce qui se passe, pour éclairer le présent et puis effectivement se donner direction pour l'avenir. C'est plutôt dans ce sens que la honte me semble intéressante, en tout cas à observer, à aller regarder pour savoir qu'est-ce qu'elle nous raconte. Et puis il y a toutes ces hontes qu'on porte, qui ne sont pas, comment dire, qu'on porte et qu'on ressent et dont on n'est pas responsable. C'est une grande différence avec la culpabilité, enfin quoi que la culpabilité, on peut l'avoir aussi. Et donc de dépasser justement l'émotionnel pour regarder qu'est-ce qu'elle vient raconter cette honte-là. Et après sur l'avenir, c'est plutôt de quoi pourrions-nous être fiers ? Ça serait quoi qui nous rendrait fiers dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    Justement c'est un spectacle où on parle de la honte au passé, c'est des hontes qui sont rapportées. Mais la question va être, j'ai l'impression, qu'est-ce qu'il y a après la honte ? Est-ce que la honte peut être un moteur pour faire changer les choses ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est un espoir. Justement, on s'est inspiré d'un livre qui s'appelle, un livre de Frédéric Groc, un philosophe, qui a écrit un livre qui s'appelle La honte est un sentiment révolutionnaire, qui nous a inspiré pour écrire ce spectacle. Nous, juste en se basant sur cette phrase, en s'en développant d'où elle vient, développer son ouvrage, mais juste l'espoir de se dire que la honte est quelque chose qui nous ensevelit, qui nous entrave, qui nous assagne au silence. Comment, une fois qu'on a dit cette honte, qu'on se l'est avouée à nous-mêmes, qu'on l'a avouée aux autres, que ce soit à notre famille ou à la société, qu'est-ce qu'on en fait ? Comment elle est moteur d'autres choses, d'actions ? Après être pétri de honte, comment on passe à l'action pour changer les choses ? Soit changer ce qu'on a fait, soit changer ce qu'on nous a fait, soit changer la vision qu'on a de nous-mêmes, soit changer la vision que les autres ont de nous-mêmes, qu'on a de la société, changer la société. De passer de cette honte, je cite Frédéric Gros, passer de cette honte tristesse à une honte colère, quelque chose qui nous rendrait acteurs et actrices, et non pas passifs ou passives. d'un sentiment. Donc oui, on a espoir avec... C'est aussi l'espoir inconscient de ces personnages d'estimer que... Elles, elles veulent... Enfin, c'est notre cas... Bon, vous couperez, vous montrez. C'est la catch-line de notre spectacle, c'est faire de ce sentiment qui isole un sentiment qui unit. Effectivement, à plein d'endroits, la honte sert à isoler, à mettre quelqu'un en marge de la société. pour lui donner une leçon plus ou moins justifiée, selon la morale de chacun. La honte dépasse la loi aussi. Il y a la législation, il y a la loi qui est écrite pour tous. Et puis il y a la honte qui... Ça, c'est chacun la place un peu où il veut. Et comment, une fois qu'on a dépassé cette honte, soit en allant vers les autres, soit en ayant rencontré des personnes qui sont venues vers nous, on n'est plus seul, on est avec d'autres.

  • Speaker #1

    Je ne divulgue rien, mais... Il y a un esprit de révolution, un esprit de révolte dans la fin de votre spectacle. C'est un élan nécessaire, la révolution, pour vous ?

  • Speaker #2

    Je pense que ça raconte encore une fois de notre relation et de notre amitié, et en effet de ce féminisme commun, et encore une fois du sujet des violences sexuelles. Comment est-ce qu'on est enseveli sous ce sujet, et qu'à un moment donné on parle, et qu'ensuite on agit ensemble pour que ça n'arrive plus ? Euh... Et pour, je me permets d'emprunter cette phrase, que là, on ne change de camp. Encore une fois, tout le spectacle ne parle pas de ça, mais ça en fait partie.

  • Speaker #1

    Élise ?

  • Speaker #0

    Ouais, je veux juste reprendre sur un truc, c'est que la colère, en fait, le sentiment de la colère, c'est fait pour me poser une limite. C'est utile, enfin, c'est comme n'importe quelle émotion, on l'est vu pour une bonne raison. Et l'énergie de la colère, c'est repousser l'autre. enfin ce qui est extérieur, pour poser une limite, pour défendre quelque chose. C'est pas forcément la violence, la colère. Donc par rapport à... Frédéric Grosse, il appelle la honte colère. En ce qui concerne les hontes, par exemple les violences sexuelles, qui sont vécues, qu'on porte, mais dont on n'est pas responsable, parce que la honte est un sentiment révolutionnaire, c'est une phrase de Marx, en vrai. Donc c'est quand même pas très loin de la question de la révolution. Je crois qu'une des analyses sur la honte, c'est que la honte c'est un peu le stigmate d'une domination. C'est-à-dire, je vais avoir honte d'être pauvre, je vais avoir honte d'avoir été violée. Et c'est-à-dire que la honte c'est ce qui reste de l'humiliation. C'est-à-dire que je m'approprie, j'ai été violée par exemple, et bien le viol est terminé. Il reste la honte. La honte, c'est la trace, c'est le stigmate de l'humiliation. Et donc, se débarrasser de la honte ou que la honte change de camp, c'est aussi la question de la réappropriation, pour les violences sexuelles, mais aussi, par exemple, par rapport au travail, on parlait d'alénation, comment les corps sont aussi appropriés par le travail. Et donc, la question de la colère ou de repousser, c'est la question de la réappropriation du corps pour se libérer de la honte, mais c'est-à-dire se libérer du coup d'une certaine forme d'oppression ou de domination. Donc la révolution dans ce sens-là, c'est-à-dire dans le sens de rendre, de rendre à celui ou celle, quand je dis celui, ça peut être un individu, mais ça peut être un système organisé dans une société qui m'oppresse, de récupérer de la dignité ou de récupérer une forme d'égalité en fait, pour, tout simplement pour... Des choses basiques, vivre en paix, en harmonie, avec chacun une place. Donc une révolution dans ce sens-là, oui, et ça me semble juste logique et très simple. Et pas... Enfin je veux dire, on n'est pas des folles, quoi ! Non mais on n'est pas des... J'ai pas dit ça ! Non mais, pardon, je m'enflamme, pas du tout toi. Mais ce que je veux dire par là, c'est que moi je considère que ce qu'on fait est hyper normal. C'est-à-dire hyper simple et très normal. Et quand on nous renvoie parfois que... Ouh ouh ouh Et bah je fais... Que vous ? Non mais c'est pas ce que vous dites vous hein Mais euh...

  • Speaker #1

    Mais vous ? Euh...

  • Speaker #0

    Mais que euh...

  • Speaker #1

    Pouvez-vous définir ce ouh ouh ouh ?

  • Speaker #0

    Moi je sais pas le déchirer Ok. Dans le spectacle,

  • Speaker #1

    tu l'as déjà vu ?

  • Speaker #0

    Ouais. Et bien, j'ai toujours un étonnement. Enfin, pas un étonnement, oui, je le sais, puisqu'en même temps, c'est du théâtre, donc on met en scène, on sait ce qu'on fait, etc. Mais en tout cas, c'est une révolution qui me semble, si on appelle ça révolution, qui me semble simple à faire pour tout le monde, normale et salutaire.

  • Speaker #1

    C'est un spectacle qu'on peut retrouver à la Reine Blanche.

  • Speaker #2

    La honte. Nous jouerons encore jusqu'au 16 novembre, les mercredis à 21h, les vendredis à 21h et les dimanches à 18h.

  • Speaker #1

    Je vous souhaite tout le succès du monde, je vous dis merde et bravo encore pour ce spectacle. La honte, merci Léa, merci Élise.

  • Speaker #0

    Et merci à vous de nous avoir donné la parole.

  • Speaker #2

    Merci Alexis.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici, et à très très très très bientôt pour un nouveau café au comptoir.

Description

Dans ce nouvel épisode d’Un Café au Comptoir, Alexis Himeros reçoit Léa Roblot et Élise Roth, duo de comédiennes et autrices qui explorent l’intimité, la honte et la puissance du rire à travers leur spectacle.


Ensemble, elles revisitent les codes de la société, incarnent le clown sous des formes inédites et mêlent improvisation, paroles authentiques et performance théâtrale.


De l’école d’art clownesque à la création collective, elles partagent leur regard engagé sur la féminité, la honte et le rapport au public. Une discussion vivante et généreuse où les récits personnels, le malaise, l’engagement féministe et la création artistique s’entrecroisent.


Prenez place au comptoir : c’est là que se rencontrent les émotions, les parcours et l’art de raconter.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/


instagram LA HONTE :

https://www.instagram.com/lahontelespectacle/

La Honte
du 17 oct.  au 16 nov. 2025

au Théâtre La Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences
2 bis passage Ruelle, 75018 Paris 




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut, moi c'est Alexis, j'écris des histoires, je fais des podcasts et j'aime jouer de ma voix. Et comme je suis hyper actif et curieux, je donne rendez-vous à des personnalités de la culture et des médias dans le café de leur choix. Pourquoi ? Parce que c'est là que tout le monde se rencontre, c'est là où on s'inspire. Le podcast s'appelle Un Café au Comptoir. C'est parti ! Un Café au Comptoir

  • Speaker #1

    Un Café au Comptoir

  • Speaker #2

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Mes invités du jour sont deux, elles se sont trouvées sur les bancs d'une école d'art clownesque et ne se sont plus quittées. Mettre à jour l'intime, donner à réfléchir, provoquer le rire est devenu leur mission. Il leur fallait un sujet d'étude et pour cela, rien de mieux que de prendre un sentiment qui isole pour le transformer dans une visée universelle et cathartique. Ce sera la honte. La petite honte de rien du tout et les plus tabous. Après le festival de Riak, La honte, la pièce, poursuit sa vie au théâtre de la Reine Blanche et sans doute bientôt sur beaucoup d'autres scènes. Bonjour Léa, bonjour Élise. C'est quoi votre plus grosse honte d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Une honte qui est arrivée... Bonjour Alexis. Une honte qui est arrivée aujourd'hui même.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, aujourd'hui. Allez au maximum hier.

  • Speaker #2

    La première qui me vient à l'esprit c'est que je suis arrivée en retard à notre rendez-vous avec Élise. Ça c'est vraiment ce qui me vient à l'esprit.

  • Speaker #0

    C'est une petite honte. C'est pas vraiment une honte. Je pose cette question parce que justement votre spectacle, parce que vous faites partie de cette petite troupe EKI, et votre spectacle est précisément sur...

  • Speaker #2

    La honte !

  • Speaker #0

    La honte, merci Élise. Un spectacle que vous avez écrit à deux, non ?

  • Speaker #2

    À trois même, avec Mickaël Délis, qui est notre co-auteur, qui est comédien par ailleurs. Qui n'est pas là. Qui n'est pas là.

  • Speaker #0

    qu'on a déjà interviewé dans ce même podcast. Vous n'êtes que deux sur scène. C'est un duo, moi j'ai vu la pièce, ça démarre. sur les chapeaux de roue, ça finit sur les chapeaux de roue également, une sorte de foisonnement de paroles autour de la honte, de remise en question. En fait, le sujet, au-delà de la honte, est-ce que c'est la vision de notre société par rapport à qui on peut être ? Qui on a le droit d'être, excusez-moi. Oui,

  • Speaker #2

    en tout cas, nous on utilise nos personnages qui, elles, pensent maîtriser les codes de la société, mais ne les maîtrisent pas. En ça, on utilise l'outil du clown. Elles, elles pensent qu'elles gèrent, qu'elles sont en maîtrise alors que pas du tout. Et pour nous, on se sert de leur attitude pour refléter en tout cas ce que la société pense maîtriser et ne maîtrise pas toujours. Elles reflètent les bourdes, les loupés, les erreurs, les incertitudes, les failles. Elles reflètent tout ça.

  • Speaker #0

    Et vous arrivez sur scène éhontément ou alors toute honte bue, ce sont des expressions qui existent quand même. avec des archétypes féminins. Comment sont nés ces archétypes, ces personnages ?

  • Speaker #3

    On n'a pas forcément construit à partir d'archétypes. On a deux personnages qui ont deux rapports à la honte très différents, enfin qui sont un peu opposés, qui sont un peu comme un négatif et un positif.

  • Speaker #0

    On a Léa qui est un peu une sorte de bimbo, qui se voit comme ça, peut-être... Moi, je voyais la speakrine italienne qui n'est pas italienne. Et tandis que vous, Élise, vous campez un personnage... De

  • Speaker #3

    Virzon. Pardon pour tous les auditeurs qui sont à Virzon. On apprécie énormément Virzon. J'aime beaucoup Jacques Brel. J'ai honte. Voilà ma première honte de la journée.

  • Speaker #2

    Tandis que vous, Élise,

  • Speaker #0

    vous campez un personnage qui a très envie d'être sûr d'elle, mais en fait, qui n'est pas du tout. Tout à fait. Qui entre un peu en confrontation avec le personnage campé par Léa et qui a envie de s'affirmer également. ouh ouh perçoit une pointe d'admiration et de frayeur en même temps dans cette comparaison entre les deux ?

  • Speaker #3

    Disons qu'il y en a une qui est submergée par la honte en continu, et une qui est plutôt éhontée, a priori en tout cas. En tout cas, elles ont un rapport déséquilibré à la honte, une qui aurait trop honte et une qui n'aurait peut-être pas assez, ou en tout cas qui ne connaîtrait pas tellement la honte. Et donc, en tout cas, c'est plutôt autour de ces deux dynamiques-là qu'on a construit les personnages. Et après, on n'a pas construit par rapport à des archétypes, mais après, il y a notre nature clownesque de chacune qui s'est immiscée là-dedans et qui a construit malgré nous ces personnages, en fait.

  • Speaker #0

    C'est bien de prononcer le mot clown parce qu'il y a beaucoup de ça. Ce n'est pas simplement une pièce de théâtre qu'on va voir, c'est une performance. C'est quelque chose qui est... Presque du comique de situation par moment. Dans votre... Carrière, dans votre éducation de comédienne, comment le monde du cirque s'est-il logé ?

  • Speaker #3

    Moi, je ne réponds pas forcément à cette question, mais je réponds aussi. Mais comme ça, ça nous laisse le temps de réfléchir. Non, non, mais je réponds à ce que... Je ne sais pas si on se tutoie ou on se vouvoie.

  • Speaker #0

    Moi, je vous vois, vous faites ce que vous voulez. Alors,

  • Speaker #3

    on se vouvoie. On se voussoie. On se voussoie. Sur la question de performance, effectivement, nous, on voit plus... C'est-à-dire que la pièce, ce n'est pas une représentation d'un texte préétabli. On n'est pas là juste pour dire un texte. Il y a quelqu'un qui nous a dit sur la honte qu'elle trouvait que la honte, on la ressentait un peu en infra dans le spectacle. Moi, ça m'a parlé parce que... C'est plus du côté de la performance pour nous que ça se joue et le clown il intervient là dedans. C'est à dire que parfois le clown on dit le clown il est pas là pour dire un poème, il est le poème. Ça c'est... je sais plus qui dit cette phrase d'ailleurs. Elle n'est pas de moi.

  • Speaker #0

    Le clown n'est pas là pour dire un poème. Il est le poème.

  • Speaker #3

    Voilà. Et donc nous, nos personnages, le prétexte, c'est qu'elles viennent parler de la honte, mais l'enjeu, c'est plutôt elles, leur rapport au fait d'être regardées et qu'est-ce qu'elles vont vivre. Qu'est-ce que la situation théâtrale, le fait d'être regardée pendant une heure, va aller convoquer dans la relation avec le public. Et c'est ça, en sac, c'est plutôt du côté de la performance, donc c'est ça qui nous intéresse là-dedans. C'est de mettre en jeu la situation théâtrale d'être regardée pour parler du rapport à l'autre et au regard de l'autre.

  • Speaker #0

    Donc vous, je reviens à ma question, vous... Non mais, elle croit quoi ? Donc vous, le monde du cirque, le monde du clown, est-ce que c'est quelque chose que vous avez étudié, vécu, à un certain moment de votre éducation de comédienne ? Si on peut s'exprimer ainsi.

  • Speaker #2

    Je vais répondre à côté. Je ne sais pas si je vais répondre non plus. Mais le fait est que nous avons toutes les deux pratiqué beaucoup l'improvisation théâtrale avant d'arriver au clown. Et ça, l'impro, c'est un art du présent puisqu'on doit faire avec ce qui vient au plateau, ce qui est proposé par notre partenaire de jeu, ce qui est proposé par notre cerveau à l'instant T, par notre corps, par nos bourdes aussi, par les accidents qui sont des cadeaux, ce qui n'est pas forcément le cas au théâtre classique. Mais en impro et dans le clown, on célèbre ces accidents, ça nous donne du jeu. Donc on a ce rapport-là au présent et ce plaisir-là au présent au plateau. Donc ça nous a servi pour écrire la pièce, pour convoquer, pour être dans un rapport très frontal et très au public ce soir-là. Chaque histoire est différente quand on fait un spectacle, chaque soir est différent quand on joue un spectacle, mais encore plus je dirais avec ce spectacle là parce que Ben ouais, ça dépend des retours du public à l'instant T. Et le clown, je réponds encore pas trop à la question, mais le clown c'est un art du présent aussi. Et donc on s'est servi des outils clown pour écrire ce spectacle-là, pour que ces deux personnages-là, elles parlent de la honte, mais elles convoquent la honte au présent aussi.

  • Speaker #0

    Monsieur, c'est quoi votre histoire à toutes les deux ? Ah voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça la question. Est-ce qu'on a fait du cirque et du clown avant ?

  • Speaker #0

    Comment ce duo est-il né ?

  • Speaker #2

    Il est né à la sortie de l'école du Samovar, qui est une formation professionnelle pour artistes clowns. Et toutes les deux, on était comédienne et par ailleurs improvisatrice avant cette formation. On s'est rencontrés là-bas, on a vécu cette formation ensemble, on est devenus amis et on aimait bien le travail de l'autre. On aimait bien jouer ensemble et on aimait bien voir l'autre jouer assez rapidement. Enfin en tout cas moi, dès les auditions. Et à l'issue du Samovar, une fois qu'on était diplômés, on savait qu'on voulait travailler ensemble, mais alors quoi, comment, on ne sait pas trop. Et on est tombé par hasard sur une vidéo INA qui diffusait des témoignages de honte. Une vidéo qui date des années 80 environ, donc avec tout le kitsch des années 80. C'était une succession de témoignages de honte et on a trouvé ça drôle et touchant. Vraiment, ça traversait plein de hontes différentes. On se l'est envoyé et en même temps on avait sous le nez un appel à candidature pour un appel à résidence d'écriture et on a mixé ces deux sujets, le sujet de la honte et pour remplir un dossier pour un appel à résidence, pour une résidence d'écriture. Et voilà, le projet a été enclenché.

  • Speaker #0

    Et vous avez écrit ?

  • Speaker #2

    Et nous avons écrit.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit mais... J'ai cru comprendre qu'il y a un appel au contenu généré par d'autres personnes, par le public même. Même si le public n'est pas invité à participer à votre spectacle, mais quand on est dans le public, on se retient, on fait « mais putain, j'ai envie de parler ! » On ne parle pas, non. Ah ! C'est bien savoir que...

  • Speaker #3

    La honte, c'était vraiment... Déjà, en plus, c'était un sujet qui nous permettait d'aller gratter du côté du clown aussi. Puisque quand on a honte, on se sent un peu plus bas que terre. Et le clown, c'est quand même celui qui est le dernier, qui est l'humilié. Donc c'était aussi un sujet assez intéressant pour aller creuser du côté du clown, même si on ne voulait pas forcément faire du clown avec un nez, etc. C'était aussi un sujet qui parlait de notre amour du clown, c'est-à-dire de notre amour aussi de mettre sur le devant de la scène des gens avec des failles, de montrer aussi l'humanité dans toutes ses fragilités et pas juste dans sa puissance et dans sa force. Et aussi une envie qu'on avait avec ce projet, c'est de rencontrer le public tout de suite. On sortait d'école et on avait faim de jouer et d'être en relation avec le public tout de suite. Et avec ce truc là on parlait de la construction des personnages mais c'est vrai que dans le clown on a vraiment besoin du regard de l'autre pour construire les improviser, enfin on a besoin d'improviser donc on a besoin de public en continu donc dès le début on s'est dit ce qui serait génial ça serait de pouvoir écrire la pièce mais pouvoir avoir plein de rencontres tout le temps avec le public et très vite par rapport à la honte on s'est dit c'est un sujet universel donc ça c'est super parce qu'on va pouvoir communiquer avec plein de gens enfin on va pouvoir comment dire se relier avec un maximum de personnes c'est très universel. Et donc on a voulu, dès le début, inviter le public quelque part à créer avec nous. Et donc au départ, le public, on a sollicité tout simplement nos proches, en leur demandant, on fait un appel à témoignage, et on a fait des récoltes, et petit à petit, on a établi une sorte de protocole de récolte.

  • Speaker #0

    Ah, comme des cahiers de doléances.

  • Speaker #3

    Après, il y a eu les cahiers de doléances, mais au départ, on a fait des entretiens, des rendez-vous. avec un certain nombre de questions, avec chacune des rôles déterminés, qu'on a affinés. Et puis plus c'est allé, au fur et à mesure du temps, on a ouvert à d'autres gens qu'on ne connaissait pas pour récolter plein de hontes les plus diverses possibles. Et on est allé à Aurillac,

  • Speaker #0

    qui est un festival de théâtre de rue d'Aurillac,

  • Speaker #3

    pour faire ce qu'on a appelé la grande récolte de la honte. Et donc là on était des sortes de boymenteuses dans la rue, on criait des hontes dans l'espace public et on invitait les gens à venir raconter leurs hontes. Et là on a récolté des hontes mais en personnages, c'est-à-dire avec nos personnages de Laurence et Estelle. Donc c'était des sortes de petites représentations à un spectateur ou à une spectatrice. Et là on s'est bien amusés.

  • Speaker #0

    Le clown souvent il vient par deux. Comment c'est fait cette distribution des rôles ? Parce que à vous voir là, j'ai l'impression que vous êtes chacune l'antithèse de votre personnage.

  • Speaker #2

    Merci c'est un beau compliment moi ça m'arrange.

  • Speaker #3

    Il faut qu'on intègre cette information.

  • Speaker #2

    On n'a pas calculé. En vrai, on a calculé peu de choses. On a beaucoup navigué à vue avec ce projet. On n'a pas calculé, on n'a pas fait en fonction de qui est blanc, qui est auguste. Assez tôt quand même, on savait qu'on ne voulait pas de conflit dans notre duo parce qu'on en a joué d'autres par ailleurs, dans d'autres projets, parce qu'un conflit entre deux femmes... On voulait un autre chemin.

  • Speaker #0

    Il n'y a pas de conflit.

  • Speaker #2

    Ce que je veux dire, c'est que le conflit est un schéma d'écriture, notamment chez les clowns. Le blanc, l'auguste, le conflit, tout ça.

  • Speaker #0

    Là, on est sur plus subtil.

  • Speaker #2

    Oui. Elles n'ont pas forcément conscience, mon personnage n'a pas forcément conscience qu'elle gêne ou qu'elle génère un peu parfois l'admiration chez le personnage d'Estelle. Par exemple,

  • Speaker #3

    le public le voit,

  • Speaker #2

    mais mon personnage ne le voit pas. Donc c'est pas construit là-dessus, et ça c'est arrivé au fur et à mesure. On sait que pour notre co-metteuse en scène Lucie Vallon, le blanc et l'auguste pour elle sont très clairs quand elle nous regarde, nous de l'intérieur pas spécialement. Des spectateurs nous disent l'inverse de ce qu'elle ressent, et nous ça nous va très bien que ça ne soit pas déterminé et figé.

  • Speaker #3

    C'est aussi qu'il y a des bascules. Je pense que dans chaque séquence, il y a des dynamiques blancs et augustes, avec une personne qui est un peu plus à diriger et l'autre qui est plus en suiveur. Mais ces dynamiques-là, elles bougent. Donc, ce n'est pas forcément sur toute la... Ah oui, je ne finis pas mes phrases. Léa, tu peux la finir ou pas ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas forcément... À toi !

  • Speaker #3

    C'est pas forcément fixé pour toute la pièce, c'est plus par dynamique de micro-séquence.

  • Speaker #0

    C'est un spectacle qui est sur la honte, ça on l'a dit, c'est un spectacle qui... Énonce des hontes parce qu'on vous voit avec des multitudes de petits papiers sur lesquels il y a différentes hontes vécues, vraies ou pas vraies, on ne sait pas mais on imagine qu'elles sont vraies. Mais parmi celles qui vous ont été rapportées, lesquelles vous ont le plus marqué ?

  • Speaker #3

    Alors, parce que marqué, moi ce qui me vient c'est qu'il y a celles qui nous marquent parce qu'on rit, donc elles sont drôles, il y a celles qui nous marquent parce qu'elles nous touchent et qu'elles sont... émouvantes enfin qui sont étonnantes de capelin de n'a plein qui nous ont marqué pour toutes ces raisons là il y en a plein aussi qu'on a qui nous ont beaucoup marqué mais qui ne sont pas dans le spectacle parce que

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y en a certaines où vous vous êtes dit Oh non, mais non, non, oh non Oui,

  • Speaker #3

    toutes les blagues de caca Au bout d'un moment,

  • Speaker #2

    on n'en pouvait plus, mais merci quand même J'ai pas pensé même à ça Et puis des erreurs faites Des gens qui nous livrent Leur culpabilité Ils sont coupables de ce qu'ils ont fait Et il y en a peu, c'est vraiment une mineure partie Ce qui est logique Les gens disent plutôt ce dont ils ont été victimes Que les conneries Qu'ils ont faites, ça c'est normal Oui, il y a des hondes qui étaient un peu un peu cracra. Mais drôle, drôle quoi. Oui.

  • Speaker #0

    Est ce qu'il y en a une qui vous a particulièrement marqué, que vous avez gardé dans le spectacle ?

  • Speaker #2

    Une qui nous a particulièrement marqué, qu'on a gardé dans le spectacle ? Oui, celle, il y en a sûrement plusieurs, mais je réponds la première qui me vient à l'esprit, quelqu'un qui nous a... Elle est dans le spectacle, donc j'ai le droit de le dire. Ah oui, non mais je dis ça parce que nous, on s'est mis un point d'honneur à ne pas raconter les hontes qu'on nous livrait, que ce soit dans les récoltes ou sur les cahiers. On en parlait entre nous, mais on n'avait pas le droit en soirée, tel des psychologues, des psychothérapeutes, on n'avait pas le droit en soirée de dire « vous savez pas quoi ? » On nous a raconté que je sais pas quoi, je sais pas quoi. On s'en servait pour le spectacle.

  • Speaker #0

    Tu volais du croustille.

  • Speaker #2

    Voilà, on a bien compris mais... Mais celle que je vais dire, elle est dans le spectacle. Venez au spectacle, vous aurez la suite. C'est juste quelqu'un qui voulait aider une personne malvoyante en pensant que cette personne malvoyante voulait monter dans le métro. La personne était sur le quai du métro et elle a poussé cette personne malvoyante dans la rame. Et la personne surprise s'est retrouvée dans la rame. Le métro a démarré, la personne est tombée. Et donc celle-ci, quand elle nous l'a racontée, on s'est dit, c'était vraiment beau comme séquence. Elle était vraiment, vraiment honteuse, cette personne, quand elle nous l'a racontée. Et elle était d'accord pour que ça nous soit utile dans le spectacle. Donc c'était vraiment beau, puis c'était au tout début du projet, donc c'était incroyable d'avoir un truc aussi croustillant, et puis aussi, c'est vraiment généreux de la part de la personne de nous livrer ça. Parce qu'il y a quand même ce truc particulier de se dire que les gens acceptent de nous livrer leur honte. Et est-ce que c'est, modestement, mais est-ce que quelque part en faisant ça, en participant avec leur histoire à un acte théâtral, est-ce que c'est pas un peu sublimer une boulette qu'ils ont faite ou qu'on leur a faite ? Enfin tant mieux si ça leur fait cet effet là quoi. Ah oui et je voulais dire aussi qu'on n'a pas mis toutes les ondes dans le spectacle parce qu'on ne voulait pas faire un effet catalogue et aussi parce que la récolte continue, les cahiers sont disponibles à la sortie du spectacle. Nous des récoltes on a l'intention d'en faire d'autres, on peut encore nous écrire toujours dans cette idée que la fiction et la réalité se mélangent et que nos personnages poursuivent leur grande récolte à travers la France et ailleurs. mais c'est aussi que Il y a certaines ondes qui sont plus catchy et plus intéressantes théâtralement. Une fois qu'on a une histoire, qu'est-ce qui fait théâtre là-dedans ? Qu'est-ce qui est intéressant de raconter au plateau ? Il y a des récits plus intéressants que d'autres théâtralement, j'entends, bien sûr.

  • Speaker #0

    Léa, Élise, nous allons faire un vrai ou faux.

  • Speaker #1

    Un café au comptoir.

  • Speaker #0

    Vrai ou faux, votre personnage de bimbo, Léa, ce n'est pas un personnage parce que vous êtes vraiment là en face de moi, en total bimbo. Merci.

  • Speaker #2

    C'est un personnage, c'est complètement un personnage. Jamais de ma vie je n'aurais mis une robe aussi moulante dans une matière qui sent mauvais. C'est une robe Zara qui doit dater de 2015, un truc comme ça. Et c'est un bleu électrique qui ne fait pas du tout partie de ma colorimétrie.

  • Speaker #0

    Ça fait quoi de rentrer dans un tel personnage ? Est-ce que vous avez eu parfois des personnes dans votre public, j'entends des hommes qui viennent et qui sont un peu lourds en disant « alors ? » . Parce que vous êtes effectivement dans une robe totalement moulante, perchée sur des talons très hauts, ça doit faire mal aux pieds en plus sur tout ce spectacle. Est-ce qu'il y a eu des réactions un peu cheloues ?

  • Speaker #2

    Jamais, jamais. C'est marrant, je la trouve pas vulgaire moi cette robe. J'ai l'impression qu'elle se veut classe avec. Il y avait une inspiration un peu madmen, chapeau melon et bottes de cuir, univers de la mairie, mais plutôt mairie avec de la moquette au mur quand on a commencé le projet. Et donc quand on a trouvé ces costumes en flânant dans des friperies, je suis tombée sur cette robe. Je trouvais qu'elle faisait... Ah, il y avait aussi l'inspiration, la présidente dans House of Cards, cette actrice magnifique, je ne sais plus comment elle s'appelle, quelqu'un qui se voulait comme ça. Et Sarah Palin, bien sûr, Sarah Palin. Mais quand on regarde bien, la robe est un peu de mauvaise qualité, les manches sont un peu trop courtes, tout ça. C'est le côté bimbo.

  • Speaker #0

    Mais le côté bimbo,

  • Speaker #2

    j'en joue, j'ai de ce physique-là. Après, personne ne m'a rien dit sur ce personnage. Après, j'imagine qu'au début, il peut faire bimbo, mais qu'ensuite, il est effrayant. Enfin, je finis quand même par parler de sujets pas très sexy. J'imagine que ça vient de là. Mais je peux dévier un peu. J'ai d'autres costumes de clowns avec lesquels j'entends des remarques ensuite.

  • Speaker #0

    Ah oui ?

  • Speaker #2

    Ouais. Et je trouve assez surprenant parce que certes, mes costumes sont assez moulants et on y... Et on y voit mon corps, d'accord, mais mon maquillage, je me fais volontairement les dents pourries, j'ai un maquillage un peu... ce qu'on qualifierait d'un peu trash pour résumer grossièrement. Voilà. Mais non, j'ai jamais... Non,

  • Speaker #0

    vrai ou faux, donc c'était faux, c'est un personnage.

  • Speaker #2

    Ah ouais, j'avais oublié la consigne. Donc c'est quoi la question ? Faux, merci

  • Speaker #0

    Faux Léa et Élise, vrai ou faux ? Vous allez vendre les cahiers de doléances A la fin de votre spectacle Histoire de vous faire un peu de thunes

  • Speaker #3

    Vrai, c'est une idée Tu viens de nous suggérer cette idée Et on va le faire,

  • Speaker #0

    c'est une bonne idée En la tête de Léa

  • Speaker #3

    Pour ceux qui n'auraient pas compris que c'était une blague Faux, évidemment Merci.

  • Speaker #0

    Pourtant c'est difficile de... La question devient un peu plus sérieuse mais le monde du spectacle, le monde du théâtre, c'est un monde qui est difficile. C'est difficile aujourd'hui d'être comédienne, d'être comédien, d'en vivre. Comment on peut trouver des moyens de rentabiliser en plus ce qu'on fait ?

  • Speaker #3

    Oui, bien sûr, c'est pour ça que j'ai répondu vrai à cette proposition. Non, mais évidemment, il y a un gros problème d'argent et de financement dans le spectacle vivant et qui est de pierre en pierre et avec des dates de tournée qui sont de moins en moins... avec des chutes dans toutes les dates de tournée, sur tous les projets de toutes les compagnies.

  • Speaker #0

    Alors pourquoi vous vous lancez là-dedans, finalement ?

  • Speaker #3

    Parce que ce n'est pas pour l'argent. En fait, on a... Oui, c'est absolument pas pour l'argent, parce que c'est une nécessité. Parce que c'est une nécessité. Je crois que quoi qu'il arrive, on a commencé et on finit cet argent. De toute façon, ce projet, on est totalement en autoproduction. On finit cet argent. On finit cet argent. Vous êtes sur votre psy,

  • Speaker #0

    on jure. Donc on finit cet argent. Oui,

  • Speaker #3

    tout à fait. Intéressant, Léa. Non mais c'est une nécessité à un moment donné de créer, d'expérimenter. C'est une sorte de quête qui n'a jamais de fin. Léa,

  • Speaker #0

    vous voulez ajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que c'est de pire en pire, mais on a commencé il y a quelques années maintenant, c'était moins pire. Après, moi j'ai toujours fait des spectacles, participé à des spectacles avec peu de moyens. Alors, c'est pas pour dire qu'il faut nous en enlever encore plus. Certes, on se débrouille, mais on se débrouille difficilement. C'est juste qu'on y arrive avec peu de moyens. On est bien entouré, on fait des choix. On s'entoure de gens tout aussi passionnés que nous, qui sont d'accord malheureusement pour tout le monde de travailler dans ces conditions-là. On pourra couper le malheureusement ? Heureusement, ils sont d'accord pour travailler avec nous dans ces conditions-là. Attendez, je vais refaire mes phrases. De toute façon, on peut couper. Jingle ! Tu veux dire des choses ?

  • Speaker #0

    Je lis la tristesse au fond de vos yeux.

  • Speaker #2

    Non, oui, je suis triste des conditions dans lesquelles on travaille, ça c'est sûr. Je suis intimement persuadée de l'utilité de la culture. Moi, ça m'a été très utile quand j'étais petite et ado, avant même de savoir que je voulais être comédienne. Ça a façonné mes amitiés, ça a façonné ma vision du monde. Je suis persuadée que c'est nécessaire à la société.

  • Speaker #0

    Comment ça naît chez quelqu'un, l'envie de devenir comédienne, au point de devenir une nécessité ? au point de se lancer dans des spectacles où d'aucuns diraient « Mais quelle folie de se lancer là-dedans, de perdre autant de temps à écrire, de perdre autant de temps à répéter, de perdre autant de temps à jouer pour trois clopinettes. » Et pourtant, c'est votre vie. Comment ça naît ?

  • Speaker #2

    Je pense que nous, on gagne du temps à parler autant de nos émotions, à décortiquer autant, parce qu'évidemment que ce spectacle... Il est basé sur la honte, mais ça raconte de nous, Élise et Léa, derrière. Ça raconte de notre relation, ça raconte de notre condition de femme, de française, ça raconte de tout ça. Et donc, en parlant, en cogitant, réfléchissant à ce spectacle, on réfléchit à nous-mêmes. On réfléchit à nos failles personnelles, à nos aspirations personnelles, à nos désirs, à nos rapports au monde. Donc, quelque part, on en gagne du temps. On n'est pas payé à faire ça, mais on en gagne du temps personnel. Et la passion, en tout cas me concernant, j'ai fait du théâtre comme plein d'enfants quand j'étais petite et j'ai adoré faire ça et j'ai voulu continuer, continuer, continuer. Et j'ai su que c'était un métier possible et j'ai voulu en faire mon métier. Et pourquoi on choisit ? On aurait pu faire autre chose, on aurait pu écrire des bouquins, on aurait pu faire mille autres choses, c'est vrai, pour parler de la honte ou pour parler d'autres... Voilà, mais pas pour gagner de l'argent non plus. Mais on aime faire ça. Donc c'est déjà énorme d'aimer faire quelque chose, alors on le fait.

  • Speaker #0

    Je pense qu'Élise veut prendre le micro. Oui, elle se tient la gorge comme ça. Je vais le garder,

  • Speaker #2

    puis je vais raconter d'autres trucs en attendant que son idée passe.

  • Speaker #0

    Rendez ce micro. Je fais du man-interrupting pour donner la parole à Élise.

  • Speaker #3

    Non mais en fait ce que je trouve... J'ai du mal à répondre à cette question, parce que ce que je trouve... Pas la peine de réclamer le micro. Parce que ce que je trouve étrange... C'est de passer 8 heures, c'est de passer du temps sur un travail qui ne nous anime pas. Quand j'étais enfant ou ado, c'était juste ma hantise de me dire « Ah mais en fait, le travail c'est de 9h à 18h, donc il faut que je trouve un truc où je ne vais pas mourir d'ennui pendant toutes ces heures-là. » Je trouve que la question que je me pose, c'est comment tous les gens qui souffrent au travail ou qui ne sont pas... Merci. qui n'ont pas de plaisir à le faire. Alors je ne parle pas, je parle évidemment uniquement des personnes qui ont la possibilité de faire autrement. C'est-à-dire que quand on peut, là je m'embrouille, mais... En fait...

  • Speaker #0

    Quand on n'est pas... Attends...

  • Speaker #1

    On va faire un petit montage. On va faire un montage. Ou pas.

  • Speaker #0

    Ou pas, non, mais en fait ce que je trouve... Oui, je sais que ça étonne des gens qui sont salariés, qui ont un salaire confortable, qui leur permet de vivre, et qui voient des artistes, qui ont une sécurité en tout cas, et qui voient des artistes prendre des risques au niveau de leur sécurité. Ils trouvent ça étrange. Moi ce que je trouve étrange, c'est... De pas s'évitant. L'aliénation en travail. Ouais, c'est l'aliénation en travail. Après, on est aliénés dans ce métier aussi très fort. Enfin, plus tard, faut pas croire que les artistes sont totalement libres. On est dépendants d'énormément de choses. On est dépendants de tous ceux qui veulent bien nous programmer, qui veulent bien nous donner de l'argent. On est dépendants du public qui vient nous voir. Et on est dépendants de notre propre passion qui fait qu'on est complètement obsessionnels.

  • Speaker #2

    Dans ce métier, c'était un vrai faux, fallait qu'on fasse court, non ? parce que dans ce métier c'est permanent oui certes on n'a pas vraiment d'horaire mais la réflexion, c'est pas du tout une plainte mais la réflexion elle est permanente notre sujet il est en permanence ici les choix qu'on doit faire, avec qui on travaille quelle réplique à tel endroit notre corps est exposé nos propos sont exposés sur les réseaux sociaux sur toute proportion gardée par rapport à notre starification ... Mais c'est là en permanence ce métier-là, ça ne s'arrête pas à 18 heures. Donc je dis ça par rapport à l'aliénation. Le fait que nous aussi, on est aliénés au travail avec ce travail-là, c'est là en permanence. Il faut être présent aussi, il faut dire oui au projet, il faut toujours être présent, il faut toujours avoir un truc à dire.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs, vous avez dit oui à cette interview.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, la présence de Michael Delis, qui est un comédien, metteur en scène. qui a une très bonne presse en ce moment pour ses spectacles, où il déconstruit l'homme et la vision de l'homme. Donc la présence de Michael Delis, bon c'est uniquement pour avoir son nom, pour espérer avoir un article dans Télérama, c'est vrai ou c'est faux ?

  • Speaker #2

    Oui on le connaît pas vraiment personnellement, finalement on l'a vu deux fois. Non c'est pas vrai. Très tôt il nous a accompagnés sur le projet, Je vais laisser Élise dire d'autres choses sur le projet. Il nous a accompagné à l'écriture à un moment donné où on avait besoin d'un troisième regard. Et lui ayant une plume très aiguisée, ça nous a été très utile pour l'aide à la dramaturgie, à l'écriture, pour ciseler des phrases et pour dessiner encore un peu plus la langue de nos personnages. Et il est arrivé à un moment dans le projet et puis il y est resté pour notre plus grand plaisir. C'est un super partenaire de travail.

  • Speaker #0

    Oui, moi je connais Mickael depuis longtemps puisque je travaillais enfin je travaille toujours dans sa compagnie du temps où il faisait des spectacles aussi avec d'autres comédiens donc j'étais comédienne dans ces projets là et je le suis toujours parce qu'on a un duo sur la montée des eaux qu'on joue dans des fontaines, bref c'est un autre sujet et donc Mickael il a cette cette qualité là Avec ses comédiens, ses comédiennes, de vraiment écrire pour les gens avec qui il travaille. C'est-à-dire qu'il arrive à entendre la prosodie des gens, la langue, et il nous écrivait vraiment des textes sur mesure. Et moi je dirais que c'est même le fait d'avoir travaillé avec lui en tant qu'interprète qui m'a donné envie après d'écrire, de monter des projets, parce qu'il a un côté... Il encourage aussi beaucoup à développer ses propres projets, à... Voilà, et lui, il nous a accompagnés, bien sûr, sur l'écriture, mais aussi, il nous a aidés à clarifier ce qu'on voulait dire avec ce spectacle. Et oui, oui, c'est vraiment un partenaire qui est toujours avec nous, du début jusqu'à la fin. C'est vraiment notre co-auteur.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe, l'écriture de ce spectacle ? Est-ce que vous vous enfermez quelque part ? Est-ce que non, pas du tout ? C'est petit à petit ? est-ce que vous faites une sorte de rendez-vous à trois, forcés autour d'une table, de partir dès quelques jours ? Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Généralement, dans le travail, tous les trois, Léa et moi, on pose les bases de la situation théâtrale, les enjeux des béribles de dialogue des premières V1, qu'on envoie à Mickaël. Après, il y a un système d'aller-retour où lui va questionner, il va réécrire certaines répliques. Après on va refaire une sélection, on est vraiment en aller-retour. Et après on fait des sessions de travail à la table tous les trois.

  • Speaker #1

    Je discutais avec Jean-Philippe Daguerre, metteur en scène et dramaturge. Il me disait que lui il avait besoin de s'enfermer une semaine et de jeter les bases d'un spectacle, que la solitude était très importante pour l'écriture. Et quand on est un duo qui est également un trio finalement... La solitude, elle est... C'est déjà plus compliqué. Est-ce que vous avez malgré tout besoin de cela, de rentrer chacune dans votre bulle, à un certain moment ?

  • Speaker #2

    Euh... Léa ? Euh... Euh... Techniquement, physiquement, déjà avoir un ordinateur par personne fait que chacun écrit dans son coin et puis tu te lances dans ton écriture, mais l'autre aussi, et puis la troisième personne aussi se lance dans son écriture. Et chacun se lance à fond dans son idée, et c'est important de se lancer à fond dans son idée pour la développer et pour faire comprendre aux autres ce que tu as dans la tête. Et en même temps, quand tu te lances à fond dans ton idée, il faut la défendre aux autres qui eux-mêmes ont d'autres idées. Enfin bon bref, il faut mettre en commun, il faut se mettre d'accord. En tout cas pour nous c'est plus enrichissant d'avoir trois cerveaux, mais c'est aussi le fameux truc tout seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin. C'est quoi le truc ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #2

    Plusieurs ? À plusieurs on va plus vite, ensemble on va plus loin. Donc on va moins vite tous les trois, mais on a tellement chacun dans notre coin décortiqué que oui, à la fin c'est plus enrichi. Et après l'écriture, le travail vraiment d'écriture avec nos ordinateurs, ensuite il y a la lecture, et ensuite il faut l'amener au plateau, le tester, et c'est là aussi où on se rend compte de choses qui vont et qui ne vont pas. Et puis après il y a encore un autre alerture avec les ordinateurs. Ça fonctionne beaucoup comme ça. Plateau, ordinateur, plateau, ordinateur.

  • Speaker #1

    Un spectacle sur le honte, mais également une sorte de manifeste féministe. Comment vous définiriez, vous, votre engagement féministe à travers ce spectacle ?

  • Speaker #2

    Eh bien, j'ai envie de dire que ça s'est fait malgré nous, parce que ça peut paraître un peu de mauvaise foi, mais non, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un manifeste féministe, on ne s'est pas dit qu'on voulait écrire un spectacle féministe, on ne voulait pas se censurer sur des revendications féministes, sur des propos féministes, bien sûr, mais on ne voulait pas revendiquer des propos féministes. il s'avère que les autrices, les comédiennes, les comédiens en scène sont des femmes. Donc, par ce chemin-là, forcément, on parle des femmes, de la condition des femmes et des problèmes que peuvent rencontrer les femmes. Donc, par ça, oui, on peut poser des propos féministes. Ce n'est pas un gros mot. Ce n'est pas un gros mot du tout.

  • Speaker #0

    Après, notre amitié, notre lien et aussi la question du féminisme est quand même fondatrice dans notre lien, dans notre envie de travailler ensemble. Parce que c'est quelque chose qu'on partage fortement toutes les deux. Même le sujet de la honte lui-même, dans ce qu'il contient... Allez, je le... Je vais le dire après. Non mais c'est-à-dire qu'un des fondements de ce projet, c'était aussi la question de la honte par rapport aux violences sexuelles, donc qui est forcément liée à la question féministe. On n'a pas voulu faire un spectacle sur les violences sexuelles. Mais il se trouve que ça en parle et il se trouve que, au niveau intime, c'était un des moteurs de l'envie d'aller traiter ce sujet-là. Donc je dirais que l'engagement féministe, c'est déjà sur le moteur de ça. Et après, sur le fait de ne pas trop se mettre de limites dans l'engagement physique. Et d'essayer de ne pas trop se conformer à ce qu'on attend d'une femme. Mais ça, je pense que la plupart des interprètes... Enfin, c'est un peu aussi une responsabilité en tant qu'interprète de sortir de son genre pour interpréter, je trouve.

  • Speaker #1

    On a beaucoup parlé du clown tout à l'heure, mais on n'est pas forcément dans un spectacle comique. Ce n'est pas que ça, ça va traverser plusieurs ambiances, et notamment... Même le malaise, et vous provoquez le malaise, vous l'invoquez même, vous le convoquez le malaise. C'est jouissif de créer du malaise dans le public ?

  • Speaker #2

    Jouissif, je sais pas, parce que c'est pas...

  • Speaker #1

    Ça doit être difficile, excusez-moi de vous... de vous interrompre comme ça, mais il y a quelque chose de très difficile pour un comédien à créer le malaise en apportant un sujet, et là on est sur le sujet des violences sexuelles qui touchent tout le monde dans notre société, mais dont on ne veut pas forcément en entendre parler, et vous l'apportez là comme ça, avec un air de défi. Moi je l'ai perçu comme ça.

  • Speaker #2

    C'est intéressant cette aire de défi. Nous on a quand même beaucoup utilisé la naïveté de nos clowns là-dedans aussi. Et encore une fois, l'outil du clown, le clown est inconscient, un peu trop bête pour comprendre ce dont il parle. On a utilisé ça. Est-ce que c'est jouissif de convoquer le malaise ? Jouissif, je ne sais pas, il y aurait quelque chose de pervers à sentir que le public est mal à l'aise. Pas vraiment, ce n'est pas vraiment ce qu'on recherche. Ce n'est pas l'idée de les mettre mal. En tout cas, l'idée qu'il se questionne sur la honte, sur le sentiment de honte ici, Ici et maintenant, ensemble, ça, ça nous intéresse. Sur ce que leur provoque le fait d'entendre un récit de violence sexuelle, c'est pas tant la provocation, évidemment certainement pas la douleur. On a conscience que chez certaines personnes, ça peut réveiller des souvenirs douloureux. C'est pas ce qu'on cherche, c'est plutôt l'après, c'est plutôt qu'est-ce qu'on en fait de ça. C'est plutôt faire réflexion commune, ici et maintenant. Avec la suite du spectacle, c'est pas pour se torturer, ni nous, ni eux, ni elles. Je repose ce micro.

  • Speaker #1

    Vous semblez en pleine réflexion, Élise.

  • Speaker #0

    Non mais je réfléchis sur la question du malaise, et puis non sur la question que vous posiez sur l'engagement fémi, c'est une vaste question quoi. Je sais pas y répondre... Simplement quoi. Sur le malaise, il peut y avoir un plaisir sur le fait de jouer et que au final nous on sait que ça va bien se passer pour le public parce que nous on sait que notre objectif c'est de prendre soin du public mais on sait qu'on a un décalage et que la proposition qu'on fait aux spectateurs peut l'inquiéter. On sait qu'on va en prendre soin. Mais c'est-à-dire qu'en faisant un spectacle sur la honte, si on veut aller au bout de la chose, pour nous, il nous semble important d'aller convoquer la honte au présent. Il y avait un peu, dans la dramaturgie, cette dimension de la honte au passé, c'est-à-dire les souvenirs traumatiques, ou pas forcément traumatiques, mais les souvenirs de honte. La honte au présent qui est là tout de suite. Est-ce que je vais me taper la honte ? Comment la honte se convoque ? On a le rejoujou, etc. Et puis la honte au futur, c'est-à-dire se retenir de faire des choses, s'empêcher de faire des choses par inquiétude d'avoir honte. Donc c'est trois hontes qui sont un petit peu différentes. Et donc on voulait traverser en tout cas ces trois rapports-là, la honte par rapport au temps, qui ne sont pas les mêmes. Donc voilà, le malaise, c'était quand même un incontournable. Enfin pour moi, c'était un incontournable si on voulait aller au bout du truc. Mais je crois que c'est vrai qu'on a... Je sais pas si c'est notre personnalité ou le côté clown, mais on voulait quand même aller être un peu jusqu'au boutiste sur le sujet. Notre côté bon élève.

  • Speaker #1

    J'avais commencé l'interview en vous posant une question toute simple, c'était quoi votre dernière honte ? On pense à des hontes individuelles, mais votre spectacle il va parler, il va faire penser qu'on a des hontes collectives. Est-ce que vous pensez qu'on n'a pas assez honte aujourd'hui de ce vers quoi on va ? Nous, notre société, notre monde ?

  • Speaker #0

    Je ne dirais pas ça comme ça. Je ne dirais pas qu'on n'a pas assez honte. Mais je dirais que c'est intéressant de se poser la question de la honte. C'est-à-dire par rapport au passé. Il y a les hontes collectives, effectivement. Il y a les hontes par rapport à la France, par rapport aux actions, ce qu'on appelle la honte politique. C'est intéressant de regarder la honte non pas pour avoir mal, mais simplement pour comprendre ce qui s'est passé dans l'histoire, ce qui se passe, pour éclairer le présent et puis effectivement se donner direction pour l'avenir. C'est plutôt dans ce sens que la honte me semble intéressante, en tout cas à observer, à aller regarder pour savoir qu'est-ce qu'elle nous raconte. Et puis il y a toutes ces hontes qu'on porte, qui ne sont pas, comment dire, qu'on porte et qu'on ressent et dont on n'est pas responsable. C'est une grande différence avec la culpabilité, enfin quoi que la culpabilité, on peut l'avoir aussi. Et donc de dépasser justement l'émotionnel pour regarder qu'est-ce qu'elle vient raconter cette honte-là. Et après sur l'avenir, c'est plutôt de quoi pourrions-nous être fiers ? Ça serait quoi qui nous rendrait fiers dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    Justement c'est un spectacle où on parle de la honte au passé, c'est des hontes qui sont rapportées. Mais la question va être, j'ai l'impression, qu'est-ce qu'il y a après la honte ? Est-ce que la honte peut être un moteur pour faire changer les choses ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est un espoir. Justement, on s'est inspiré d'un livre qui s'appelle, un livre de Frédéric Groc, un philosophe, qui a écrit un livre qui s'appelle La honte est un sentiment révolutionnaire, qui nous a inspiré pour écrire ce spectacle. Nous, juste en se basant sur cette phrase, en s'en développant d'où elle vient, développer son ouvrage, mais juste l'espoir de se dire que la honte est quelque chose qui nous ensevelit, qui nous entrave, qui nous assagne au silence. Comment, une fois qu'on a dit cette honte, qu'on se l'est avouée à nous-mêmes, qu'on l'a avouée aux autres, que ce soit à notre famille ou à la société, qu'est-ce qu'on en fait ? Comment elle est moteur d'autres choses, d'actions ? Après être pétri de honte, comment on passe à l'action pour changer les choses ? Soit changer ce qu'on a fait, soit changer ce qu'on nous a fait, soit changer la vision qu'on a de nous-mêmes, soit changer la vision que les autres ont de nous-mêmes, qu'on a de la société, changer la société. De passer de cette honte, je cite Frédéric Gros, passer de cette honte tristesse à une honte colère, quelque chose qui nous rendrait acteurs et actrices, et non pas passifs ou passives. d'un sentiment. Donc oui, on a espoir avec... C'est aussi l'espoir inconscient de ces personnages d'estimer que... Elles, elles veulent... Enfin, c'est notre cas... Bon, vous couperez, vous montrez. C'est la catch-line de notre spectacle, c'est faire de ce sentiment qui isole un sentiment qui unit. Effectivement, à plein d'endroits, la honte sert à isoler, à mettre quelqu'un en marge de la société. pour lui donner une leçon plus ou moins justifiée, selon la morale de chacun. La honte dépasse la loi aussi. Il y a la législation, il y a la loi qui est écrite pour tous. Et puis il y a la honte qui... Ça, c'est chacun la place un peu où il veut. Et comment, une fois qu'on a dépassé cette honte, soit en allant vers les autres, soit en ayant rencontré des personnes qui sont venues vers nous, on n'est plus seul, on est avec d'autres.

  • Speaker #1

    Je ne divulgue rien, mais... Il y a un esprit de révolution, un esprit de révolte dans la fin de votre spectacle. C'est un élan nécessaire, la révolution, pour vous ?

  • Speaker #2

    Je pense que ça raconte encore une fois de notre relation et de notre amitié, et en effet de ce féminisme commun, et encore une fois du sujet des violences sexuelles. Comment est-ce qu'on est enseveli sous ce sujet, et qu'à un moment donné on parle, et qu'ensuite on agit ensemble pour que ça n'arrive plus ? Euh... Et pour, je me permets d'emprunter cette phrase, que là, on ne change de camp. Encore une fois, tout le spectacle ne parle pas de ça, mais ça en fait partie.

  • Speaker #1

    Élise ?

  • Speaker #0

    Ouais, je veux juste reprendre sur un truc, c'est que la colère, en fait, le sentiment de la colère, c'est fait pour me poser une limite. C'est utile, enfin, c'est comme n'importe quelle émotion, on l'est vu pour une bonne raison. Et l'énergie de la colère, c'est repousser l'autre. enfin ce qui est extérieur, pour poser une limite, pour défendre quelque chose. C'est pas forcément la violence, la colère. Donc par rapport à... Frédéric Grosse, il appelle la honte colère. En ce qui concerne les hontes, par exemple les violences sexuelles, qui sont vécues, qu'on porte, mais dont on n'est pas responsable, parce que la honte est un sentiment révolutionnaire, c'est une phrase de Marx, en vrai. Donc c'est quand même pas très loin de la question de la révolution. Je crois qu'une des analyses sur la honte, c'est que la honte c'est un peu le stigmate d'une domination. C'est-à-dire, je vais avoir honte d'être pauvre, je vais avoir honte d'avoir été violée. Et c'est-à-dire que la honte c'est ce qui reste de l'humiliation. C'est-à-dire que je m'approprie, j'ai été violée par exemple, et bien le viol est terminé. Il reste la honte. La honte, c'est la trace, c'est le stigmate de l'humiliation. Et donc, se débarrasser de la honte ou que la honte change de camp, c'est aussi la question de la réappropriation, pour les violences sexuelles, mais aussi, par exemple, par rapport au travail, on parlait d'alénation, comment les corps sont aussi appropriés par le travail. Et donc, la question de la colère ou de repousser, c'est la question de la réappropriation du corps pour se libérer de la honte, mais c'est-à-dire se libérer du coup d'une certaine forme d'oppression ou de domination. Donc la révolution dans ce sens-là, c'est-à-dire dans le sens de rendre, de rendre à celui ou celle, quand je dis celui, ça peut être un individu, mais ça peut être un système organisé dans une société qui m'oppresse, de récupérer de la dignité ou de récupérer une forme d'égalité en fait, pour, tout simplement pour... Des choses basiques, vivre en paix, en harmonie, avec chacun une place. Donc une révolution dans ce sens-là, oui, et ça me semble juste logique et très simple. Et pas... Enfin je veux dire, on n'est pas des folles, quoi ! Non mais on n'est pas des... J'ai pas dit ça ! Non mais, pardon, je m'enflamme, pas du tout toi. Mais ce que je veux dire par là, c'est que moi je considère que ce qu'on fait est hyper normal. C'est-à-dire hyper simple et très normal. Et quand on nous renvoie parfois que... Ouh ouh ouh Et bah je fais... Que vous ? Non mais c'est pas ce que vous dites vous hein Mais euh...

  • Speaker #1

    Mais vous ? Euh...

  • Speaker #0

    Mais que euh...

  • Speaker #1

    Pouvez-vous définir ce ouh ouh ouh ?

  • Speaker #0

    Moi je sais pas le déchirer Ok. Dans le spectacle,

  • Speaker #1

    tu l'as déjà vu ?

  • Speaker #0

    Ouais. Et bien, j'ai toujours un étonnement. Enfin, pas un étonnement, oui, je le sais, puisqu'en même temps, c'est du théâtre, donc on met en scène, on sait ce qu'on fait, etc. Mais en tout cas, c'est une révolution qui me semble, si on appelle ça révolution, qui me semble simple à faire pour tout le monde, normale et salutaire.

  • Speaker #1

    C'est un spectacle qu'on peut retrouver à la Reine Blanche.

  • Speaker #2

    La honte. Nous jouerons encore jusqu'au 16 novembre, les mercredis à 21h, les vendredis à 21h et les dimanches à 18h.

  • Speaker #1

    Je vous souhaite tout le succès du monde, je vous dis merde et bravo encore pour ce spectacle. La honte, merci Léa, merci Élise.

  • Speaker #0

    Et merci à vous de nous avoir donné la parole.

  • Speaker #2

    Merci Alexis.

  • Speaker #1

    Avec grand plaisir. Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici, et à très très très très bientôt pour un nouveau café au comptoir.

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