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Un café au comptoir - interview art, culture et littérature

Eva Ionesco, écrivain et réalisatrice : une vie hors normes

Eva Ionesco, écrivain et réalisatrice : une vie hors normes

27min |29/05/2025
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Eva Ionesco, écrivain et réalisatrice : une vie hors normes

Eva Ionesco, écrivain et réalisatrice : une vie hors normes

27min |29/05/2025
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Description

Actrice, réalisatrice et autrice, Eva Ionesco revient sur son parcours hors norme. De son enfance hypersexualisée sous l’emprise de sa mère photographe à sa libération artistique, elle raconte comment l’écriture lui a permis de reprendre le contrôle de son histoire.


Dans cet épisode, elle évoque son dernier roman Grand Amour (Robert Laffont), l’amour salvateur, les abus de l’enfance, les années Palace, Paris comme personnage, et l’art comme moyen de survie. Un témoignage fort sur la mémoire, la littérature autobiographique, le féminisme et la reconstruction.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Eva Ionesco :

https://www.instagram.com/ionescoeva


Dernier roman

Grand amour (éditions Robert Laffont)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au comptoir. Mon invité du jour est associé pour toujours à l'image d'une petite fille. Pourtant, les années ont passé depuis le temps où sa mère la mettait en scène devant son objectif. Photographié de ses 4 à 12 ans dans les postures équivoques, explicites. érotisée, elle a dû batailler ferme au début des années 80 pour s'extirper des griffes maternelles. Révélée comme autrice en 2017, elle était plutôt connue jusque-là pour sa carrière de comédienne. Après une formation théâtrale dispensée par Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers, on a pu la voir jouer dans quelques dizaines de films avant qu'elle ne passe à la réalisation. Son premier long-métrage en 2011, My Little Princess, elle co-signe aussi le scénario et pose ainsi la première pierre de ce qui va constituer l'essence de son œuvre. La narration de son vécu. Avec elle, impossible de dissocier la femme de l'artiste, qu'elle choisisse de s'exprimer au travers du cinéma ou sous une forme littéraire. L'épopée autobiographique qu'elle déroule inlassablement lui permet de se réapproprier son histoire, tout en dénonçant les abus d'un temps et d'un système dont elle a été la victime. Raconter, témoigner, c'est aussi une façon de penser ses plaies et, paradoxalement, de sublimer une époque qui, si dure qu'elle fut pour elle, n'en a pas été néanmoins exaltante à vivre. dans son dernier roman, Grand Amour, paru aux éditions Robert Laffont. On la suit entre la fin des années 70 et le début des années 80, entre sa mère et ses amis, entre les centres de la dasse et les boîtes de nuit, entre le jour et les nuits, entre une enfance volée et une adolescence dont elle a profité dans l'infraction. C'est au cœur de Décor Trash, en mutation, qu'elle nous parle d'amour. Parce qu'avec elle, c'est comme ça. Eros et Thanatos ne sont jamais très loin l'un de l'autre et que parfois la lumière jaillit. là où on ne l'attendait pas. Ainsi, la très jeune adolescente de son livre retrouve une forme d'innocence dans les bras d'un amoureux bien plus âgé qu'elle. Les scènes de tripes sont écrites au passé simple, tandis que des métaphores très littéraires gomment le glauque de situations décrites. À l'expression de sa haine envers certaines relations de sa mère succède l'hommage qu'elle rend à des personnages sulfureux de ce monde disparu. Et toujours sur le fil, toujours ambivalente, son écriture captive le lecteur, fasciné par sa capacité à se survivre, à se réinventer. Et aussi, comme j'ai souhaité en apprendre davantage sur cette icône des nuits parisiennes, femme écrivain passionnée et passionnante, je l'ai conviée à partager avec moi un café au comptoir. Bonjour Eva Ionesco.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Paris est très présent dans votre livre et c'est presque un personnage en soi. Est-ce que l'inspiration elle vient aussi de là, des endroits, des rues, du béton ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est certain que Paris m'inspire énormément. D'abord parce que je suis parisienne et que la ville en elle-même est un territoire, le territoire qui font partie de mes livres, que j'aime explorer, que nous avons exploré, et que j'aimais rendre, parce que je trouve que c'est romanesque de rendre un certain Paris qui n'est plus, en comparaison à ce Paris aussi qui y est maintenant. Donc il y a des allers-retours entre le passé et le présent assez réguliers, parce que ça réfère à la mémoire et donc aux réminiscences. et aux souvenirs, tout ça. Donc j'aime travailler avec cette matière du souvenir et de ce qui reste, et aussi des souvenirs, des souvenirs. Donc effectivement, tout ça forme des liens dans mon livre. Paris est au cœur, mais il y a aussi d'autres villes. Il y a Londres, il y a New York. Voilà, j'aime beaucoup les voyages. J'aime beaucoup l'idée de voyager dans les livres parce que je viens du pays de l'Est et l'idée en moi du voyage est fortement ancrée. Et ces livres-là, je les ai écrits avec ça, avec cette idée de voyage aussi.

  • Speaker #0

    Le souvenir du souvenir, c'est l'expression que vous avez employée. Est-ce que quand on écrit, on essaie de sublimer ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Quand on se met à travailler, il y a très peu de temps où l'écriture vient et elle est là. C'est quelque chose qui est préparé, c'est quelque chose qui est désiré. Parfois non. Il y a toujours une contradiction dans l'écriture entre ce qu'on veut dire, ce qu'on ne veut pas dire, ce qu'on pourrait dire, ce qui va se dévoiler. Donc tous ces livres qui forment une trilogie avec ces deux films, il y a effectivement des choses qui apparaissent qui n'étaient pas du tout... effectivement prévue parce que l'écriture c'est aussi de l'imprévisible. C'est ce qu'on n'a pas forcément envie de dire et qui sort de manière assez crue. Je pense que Duras en a très bien parlé, de dire qu'on ne peut pas forcément arriver à vivre ou pas forcément à dire comment on bataille avec ça et qu'est-ce que c'est que l'écriture aussi. Ce n'est pas simplement des récits de vie, c'est comment est-ce que les mots en arrivent là, sur cette page.

  • Speaker #0

    Il y a des personnes pour qui faire un livre c'est une thérapie. mais pour vous, vous en faites une création. C'est-à-dire qu'on est vraiment sur une œuvre littéraire. Quand on lit vos livres, on sent qu'il y a une volonté de travailler le mot. C'est né comment ? Est-ce que vous vivez ça comme un travail réellement ? Ou est-ce que ça vous vient comme ça, l'envie de faire fleurir le langage ?

  • Speaker #1

    Écrire, c'est quelque chose qui peut faire beaucoup de mal comme faire beaucoup de bien. La thérapie, pour moi, ne se pose pas. Après, si des gens peuvent arriver à s'y retrouver, parce que moi j'ai des gens qui m'arrêtent dans la rue qui me disent « Ah, ça nous a fait tellement de bien, on a compris des choses, on a compris… » Voilà, dans la Bagoudoua, par exemple, qui ne faisait pas partie de la trilogie, ou dans des moments sur l'enfance, les gens arrivent à se resituer, à comprendre ce que c'est aussi qu'une enfance qui a été… quand même, comme la mienne, à la fois sublimée, traumatisante, mais enfin aussi qui passait par des choses extrêmement dures, qui ont marqué une enfance, on va dire, difficile, comme ces enfances difficiles dont on parle de plus en plus maintenant. J'ai eu cette enfance difficile-là. Que les gens puissent se repérer, voir des choses, et apprendre aussi sur qu'est-ce que c'est qu'une petite fille hypersexualisée, qu'est-ce que c'est que cette histoire de la sexualité, quoi. Cette histoire de la sexualité, du monde autour, du monde de l'art, du monde des interdits, comment on vit avec son corps. Qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête de cette petite fille ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'autres gens ? Parce que tout ne se passe pas que dans ma tête, principalement. Enfin bon, on suit un personnage qui est tout simple, mais il n'y a pas que moi. Je ne suis pas totalement coussante. Il y a le monde. Je suis dans un monde et ce monde aussi est très central. C'est pour ça que je le décris beaucoup. Parce que je suis un personnage qui fait partie d'un monde que je décris. Donc tout n'est pas totalement que centré sur ce personnage de petite fille qui grandit entre 4 ans et 17 ans.

  • Speaker #0

    C'est l'intégration de tout ce qui est autour.

  • Speaker #1

    Il y a aussi la narration de tout ce qui est autour et qui forme, alors pour certains c'est peut-être des documents, on peut y voir énormément de choses. Le dernier livre est un livre sur l'amour, un amour certes aujourd'hui ça ne pourrait pas exister, c'est une époque qui était les années 80, Charles et moi on est tombés amoureux, donc je parle de cette aventure amoureuse qui m'a marquée puisqu'elle a été salvatrice. Et ce qui est salvatrice, c'est quelque chose qui ne fait pas du mal, parce que je pense que les prédateurs font du mal, et on le sait. Ce qui est salvateur ne fait pas de mal. Donc c'est quelque chose de très intime, voilà. C'est quelque chose d'unique aussi, et c'est pour ça que j'ai tenu à en rendre compte, parce que c'est une relation totalement magique, portée par des instances angéliques. Vraiment, vraiment je le pense, et nous le pensons. Enfin voilà, donc j'ai voulu rendre compte de ça dans ce livre, de cet amour qui sauve, de cet amour qui sauve dans un monde effectivement où il y a Il y a des prédateurs qui courent après la petite fille et le monde est terrible. La justice est complètement, on va dire, mafieuse. Vraiment, la justice n'est pas juste, on va dire. Dans son destin, il y a les centres qui sont très importants dans les livres. Je ne fais qu'à des centres, peu de gens font cas de ça. J'en ai peu parlé en interview. C'est vrai que c'est quelque chose de très sensible, parce que... Ces jeunes filles ont rarement la parole et je ne pense pas du tout que ce soit voyeuriste ni rien.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous leur dédiez ce livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je leur dédie ce livre parce que j'ai le souvenir que quand on était ensemble, on se disait un jour, on va quand même essayer de dire ce qui s'est passé. On voulait dire, on écrivait des lettres au président. C'était tellement incroyable. On se disait, mais ce n'est pas possible que nous, êtres humains, nous puissions vivre comme ça.

  • Speaker #0

    Il y a des choses qu'on lit entre les lignes parce que vous témoignez d'une certaine intimité. Ce n'est pas cru non plus, c'est-à-dire qu'il y a certaines personnes qui se disent « Ah oui, peut-être que ça va être difficile à lire, peut-être que ça va être une sorte de témoignage » . Pas du tout, on est dans quelque chose de complètement différent, on est dans un récit un peu émerveillé, dans une certaine noirceur. Mais il y a des très beaux passages presque oniriques, où vous partez dans de très longues phrases, mais en dévoilant tout un paysage, tout un univers, comme quand vous allez décrire Paris, décrire le ciel, la couleur du ciel. Et à côté de ça, effectivement, l'enfer, si vous me permettez que je puisse dire cela, l'enfer de la DAS, l'enfer de certaines choses que vous ne décrivez pas directement, mais où on devine qu'il y a effectivement des sévices, des abus, où il y a une certaine dureté de la vie, comme on peut le voir dans l'actualité, on entend parler de Bétharame, on entend parler de choses comme ça. Est-ce que c'est à peu près ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Là, je relis des choses de Julien Gras, qui s'attache extrêmement à la couleur du ciel, à la forme des villes, Merci. Donc j'aime les descriptions, j'aime les descriptions chez Julien Gracq, j'aime les descriptions chez Proust. Et c'est plus que des descriptions, c'est vraiment une matière organique dans laquelle l'écriture se coule et où arrivent les choses. C'est un fil, donc les descriptions c'est aussi quelque chose qui est un fil conducteur qui est à la fois conscient et inconscient, qui mène. Et effectivement, je m'attache beaucoup à cette chose du bien. Alors il y a le bien et il y a le mal. et donc... Voilà, ça aussi, entre les choses qui sont entre le bien, le mal, sans toujours porter de jugement. On m'en a fait le reproche, on m'a dit « Oui, mais alors, tu n'écris pas selon la grille actuelle, il faut faire ton autocritique » . Bon, moi, je suis romancière, il y a des gens qui font très bien les autocritiques de leurs livres. Ils sont remerciés pour ce qu'ils font, ils ont des tas de prix. Moi, je ne fais pas des livres plaidoyés, ni des livres avec des autocritiques. J'aurais pu faire un préambule avec marqué quelque chose dedans.

  • Speaker #0

    Avec des trigger warnings, des choses comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est juste qu'il faut peut-être faire des avertissements dans les livres, dans les films, peut-être. Je n'ai vraiment rien contre. Peut-être que c'est nécessaire. Mais en tout cas, non, il n'y a pas d'autocritique. Pour reprendre votre question, oui, c'est très brutal. Cette relation est très curieuse parce qu'en fait, j'étais jeune. Charles était 13 ans et demi, presque 14. Donc voilà, quand même. Et Charles était plus âgé que moi. On est tombés amoureux. On devait se marier. J'ai failli avoir un enfant. Il est devenu mon tuteur. Alors, personne n'ose le dire. Mais oui, il y a quelque chose de Lolita aussi. Parce que Lolita, c'était quelque chose chez Nabokov qui était sorti de son esprit, qu'il avait inventé. Ça, personne n'ose le dire parce que maintenant, on dit « Oh là là, Lolita, c'est terrible, etc. » Non, c'est la vérité. J'étais une Lolita et j'ai vécu dans mon corps et dans ma tête quelque chose qui était proche. Sauf que Charles n'était pas un prédateur, mais un poète.

  • Speaker #0

    Et vous n'étiez pas sous emprise ?

  • Speaker #1

    Non, je n'étais pas sous emprise. J'étais libre. On vivait librement. On vivait avec une bande de jeunes gens. Et je ne parle pas de ça. Mon livre n'est pas... Cette histoire n'est pas l'histoire d'une emprise amoureuse, mais d'une délivrance amoureuse. Et ça, c'est ce que j'ai voulu faire passer dans mon livre. Alors c'est peut-être un peu à contre-courant de tout ce qu'on entend maintenant, etc. Mais je veux dire, c'est important d'avoir cette voix-là, c'est important qu'on l'entende, c'est important de dire entre nous les femmes, voilà, nous il nous est arrivé ça, mais là, moi il m'est arrivé ça. Alors peut-être qu'à six mois de différence, ou un an et demi de différence, on n'est peut-être pas tous d'accord, mais voilà, ça m'est arrivé. C'est la vérité. Voilà, c'est une parole qui peut aussi compter, ne pas être contestée. Ça ne veut pas du tout dire que je suis con. Vous voyez ce que je veux dire ? Non, bien sûr. Je ne milite pas du tout dans un camp. Je ne milite pas du tout pour que les jeunes filles soient... Non, non, non, non, non, non, non. Il ne s'agit pas du tout de ça. Donc, il faut vraiment, vraiment...

  • Speaker #0

    Adresser le propos.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Absolument. Et d'ailleurs, quand on vous suit sur Instagram, vous êtes assez présentes. Eh bien, on voit que les prédateurs, vous les dégommez. Parfois, ça vous arrive de faire des stories. Moi, je suis cela. Et je dis, ah, et là... Eva Ionesco est assez énervée et certaines personnes sont directement visées. Et on sent très fort que vous avez envie de protéger l'enfant.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai toujours milité pour l'enfance. Vous savez, moi, j'ai bagarré énormément. Mes premiers processus, je ne les ai pas eus contre ma mère. C'est le film My Little Princess. Ça, on l'oublie et je tiens à le retenir. À partir du moment où j'ai fait My Little Princess, qui a été distribuée dans le monde entier, on m'a entendu, on a entendu et j'ai pu gagner. Donc si vous voulez, l'art, ça peut aussi servir à ça. Ça peut aussi servir à mener des combats. Ça ne sert pas qu'à ça, mais ça peut servir. Et je pense que maintenant, les artistes ont pour certains la responsabilité de plus en plus d'introduire dans leur manière de travailler quelque chose qui peut être de l'ordre d'un combat, du féminisme, de l'enfance. Et c'est important d'avoir cette responsabilité-là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas que la quête du beau.

  • Speaker #1

    Non, mais bon, la quête du beau,

  • Speaker #0

    si vous voulez... On a ça pour l'artisanat.

  • Speaker #1

    Même quand vous lisez Gracq... et des gens qui sont dans cette quête du beau, fondamentalement, où font les fils qui sont en arrière-fond et tout ça, c'est pas du tout ça d'où ça émerge, c'est encore autre chose. Donc, il ne faut pas confondre la stylistique des gens qui veulent faire du beau et vraiment leur pensée profonde. Alors, chez certains, ça ne se lit pas. Bon, je suis désolée pour eux.

  • Speaker #0

    Vous parlez beaucoup de références littéraires dans votre livre. On sent que vous lisez beaucoup. Comment s'est né, en fait, cet attrait de la littérature ? Est-ce que c'est quelqu'un ? Est-ce que c'est vous-même ?

  • Speaker #1

    Non, mais moi, je lisais beaucoup. beaucoup à l'époque déjà, quand j'étais jeune, et j'ai fait pendant dix ans des études théâtrales assez poussées. J'ai joué les textes, j'ai lu des textes, j'ai étudié les textes, et j'ai étudié aussi les textes d'auteurs. Les gens font du théâtre, et les gens écrivent des pièces, et ils font des livres. Donc j'ai toujours lu, en fait. J'ai toujours lu, j'ai non seulement lu, mais j'ai interprété les textes. Pendant des années. Donc si vous voulez, les mots pour moi c'est quelque chose qui était très important puisque je devais passer par le fait de les jouer pendant des années. Je les fais pendant des années. Après je me suis arrêtée de jouer au théâtre. Là j'ai envie de me remettre à écrire du théâtre. Mais de mes 17 ans à mes 30 ans, je n'ai fait que ça. J'étais tout le temps en train de travailler avec les mots. Donc ça ne m'est pas venu par une aspiration, c'était une volonté de me coltiner la langue. Mais en passant par le corps, par le fait d'être actif. C'est pour ça qu'on trouve peut-être que mon écriture est cinématographique. Il y a quand même tout un travail derrière qui fait que certaines choses sont faites comme des scènes. Il y a aussi cette idée-là.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant dans cette écriture également, c'est que c'est une écriture qui n'est pas stylisée de façon actuelle. Ce que j'entends par là, c'est qu'on sent que vous aimez bien le passé simple. Beaucoup d'éditeurs ont envie de le gommer et de dire « non, non, non, les gens ne lisent plus cela » . Non, non, gardez votre style. Vous maîtrisez cela ?

  • Speaker #1

    Pour l'instant, c'est comme ça. Peut-être qu'après, ça va changer. Il y a des périodes, oui. Dans la vie, il y a des périodes avec des styles, des choses qu'on... Voilà. Il y a des sujets qui mènent aussi à d'autres choses.

  • Speaker #0

    Mais là, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #1

    Voilà, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #0

    Yonesco va faire un vrai ou faux Eva Ionesco, vrai ou faux, vers 6 ans, vous passiez par la fenêtre de l'appartement où vous habitiez, au sixième étage, pour marcher sur un petit rebord le long de la façade de l'immeuble.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'étais une petite fille très suicidaire.

  • Speaker #0

    À 6 ans.

  • Speaker #1

    Mais très tôt, parce que j'étais dans des situations qui étaient extrêmement violentes et où en fait, il fallait que je sorte de cette situation. Mais je n'avais pas les moyens de le sortir parce que j'étais trop petite. On voit les enfants parfois, on se dit, on ne comprend pas, ils font des crises par terre, ils se roulent, bon ben c'est des crises d'enfants. Moi j'étais suicidaire, je passais par les fenêtres, je traversais le boulevard en courant, je commettais des choses violentes sur moi-même, je m'attaquais. Je n'attaquais pas les autres enfants, mais je m'attaquais moi. Donc c'est difficile parce que je veux dire, quand on est en souffrance, etc., on pense à la mort. Donc très tôt, très jeune, j'ai pensé à la mort. La mort a toujours été présente. J'ai vu aussi dans un univers assez macabre. Et la mort est quelque chose qui a toujours été, parfois moins, mais quand même très présenté. Maintenant, bon, effectivement, il y a beaucoup d'enfants qui vivent des choses terribles. Mais bon, vous me disiez ?

  • Speaker #0

    On parlait justement de, est-ce que c'était vrai ou faux ? Donc c'est vrai, vous marchiez le long de cette façade d'immeuble au sixième étage.

  • Speaker #1

    Oui, enfin bon, maintenant, il y a tellement des choses terribles, tous les enfants partout dans le monde, que si vous voulez, bon, un rembord d'immeuble.

  • Speaker #0

    Alors, vrai ou faux, petite, on vous a fait votre thème astral, et c'était écrit que vous seriez écrivain.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, c'est très curieux parce qu'en fait, c'est mon père qui me l'avait offert. Et c'était une énorme machine. C'était, je crois que c'était IBM. Et c'était au Champs-Élysées. Et les gens allaient faire leur thème astral. Et c'est dommage parce que ça sortait comme un papier fax. Et donc, le truc s'est effacé au bout d'un temps. Mais c'était très, très long. Et ça se déroulait comme une espèce d'énorme langue de papier, etc. Et à l'intérieur, il y a marqué que j'allais devenir écrivain. Mais moi, je suis l'actrice. Je ne vais pas devenir écrivain. Et en fait, j'étais inscrite et les M étaient justes.

  • Speaker #0

    Tu as toujours raison.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, c'est curieux. Là, le machine, les BM, ont raison.

  • Speaker #0

    C'est amusant. Vrai ou faux, vous vous êtes mise à écrire sur vous parce que vous en aviez marre qu'on raconte votre vie à votre place.

  • Speaker #1

    Non, je me suis mise à écrire sur moi parce que c'est un travail que je faisais depuis longtemps et que j'avais commencé à écrire à Nanterre, en fait. Et même avant, j'y avais bien longtemps. Et j'écrivais d'autres choses. J'écrivais même des choses qui n'étaient pas du tout autobiographiques, etc. Sauf que c'est des choses qui se font lentement, parce que j'ai toujours eu dans ma vie des bagarres autres. La vie est une jungle dans laquelle il faut se bagarrer. Et à un moment donné, j'ai trouvé des éditeurs et la possibilité de me ressaisir. Vous savez, il faut un cadre quand même pour écrire. Ça a une certaine forme de luxe aussi. Il faut le trouver, quoi. Donc voilà, j'ai trouvé la manière, enfin, de pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Votre livre « Grand amour » qui vient de paraître, clôt une trilogie ?

  • Speaker #1

    De l'enfance, j'arrête avec l'autobiographie.

  • Speaker #0

    Justement.

  • Speaker #1

    Mais là, j'arrête. Il y a eu deux films et trois livres.

  • Speaker #0

    Donc justement, en fait, c'est la question que j'allais vous poser. Quelle est la part de fiction ou du romanesque, de romancer en tout cas, dans ce que vous écrivez ? Et dans ce que vous auriez éventuellement envie d'écrire ensuite ?

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a deux types de gens. Il y a des gens qui ont des vies formidables, qui puissent en faire des romans. Et puis il y a des gens qui ont des vies qui ne sont pas formidables, mais qui font des romans et qui inventent des choses. Disons que là, j'ai inventé des choses, une part de romanesque. et une part de réalité, parce que je trouvais que ma vie était romanesque. Donc, ces deux éléments se sont conjugués pour faire la livre. Après, les souvenirs, ils se choisissent. Il y a eu des choix, des volontés d'aller dans une direction plutôt que dans une autre. Le dernier livre, c'est une histoire d'amour. Celui d'avant, c'est ma rencontre avec Christian Louboutin, qui était une histoire d'amitié. Celui d'avant, c'était l'histoire avec mon père, qu'on disait qu'il était un nazi. Et c'est une enquête sur mon père à travers des femmes. qui ne voulait pas d'hommes. Là, on comprend que ma mère me photographie, etc. Donc, elle met en place ce dispositif. C'est où on est au tout début. Et moi, j'ai fait cette enquête sur mon père, dont j'avais toujours eu peur qu'il tue des gens, etc. J'ai fait des recherches et j'ai trouvé certaines choses sur le mal, en fait, l'histoire du mal, parce qu'on me disait que c'était un terrible nazi, etc. Et donc, de m'approprier un tout petit peu son histoire. Je suis allée en Allemagne faire des recherches, mais c'était compliqué pour moi parce que mon père ne m'avait pas reconnue. Donc je n'avais aucune légitimité, en fait, nulle part. Alors il aurait fallu que j'ai de l'argent, que j'aille chez du lit de détective, qui n'existe plus mais qui marche très bien, ou que j'engage un détective. Donc en fait, j'ai fait avec les moyens du bord, comme on dit.

  • Speaker #0

    Il y a toujours une quête dans tout ce que vous faites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    C'est quoi la quête aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là, je ne peux pas parler du prochain livre.

  • Speaker #0

    Il y aura un prochain livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis en train d'entraîner dessus, oui. Mais je ne peux pas en parler parce que c'est assez vaste. Il n'y aura pas de chômage, il n'y aura pas d'enfants stomatisés, il n'y aura pas d'abus. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses folles, mais on n'est pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    C'est réjouissant ou ça effraie d'écrire quand on est Eva Ionesco ?

  • Speaker #1

    L'écriture, ça mange toute la vie. Donc, quand on écrit, on n'a pas d'autre vie. Moi, j'en m'en vais, je m'éloigne, je vis seule, j'écris seule. De temps en temps, je reviens à Paris, je vois des amis, etc. Mais pour écrire et faire des livres, on n'a pas de vie. La vie, elle est dans les livres. Moi, je suis à un âge maintenant, ma vie, je peux toujours vivre, mais elle est quand même faite. Donc, si vous voulez, la vie, c'est les livres. C'est fini, j'espère.

  • Speaker #0

    Vous vivez encore plein de choses. J'espère.

  • Speaker #1

    Mais j'espère que voilà, j'espère d'abord que les livres seront traduits, que ces films auront...

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnages qui sont croqués dans ce livre Grand Amour. Évidemment, certaines personnes sont décédées, je pense à l'impact à 10, mais d'autres sont toujours là, comme Pierre et Gilles, comme C'est le Grand Amour, Charles Surya. Vous revoyez un peu cette bande ?

  • Speaker #1

    Pierre et Gilles, on se voit régulièrement. Charles, on s'est toujours vus, on est amis. Parfois, il n'y va pas vivre à New York pendant des années, donc je ne le vois pas forcément. Mais on est restés liés, amis, soudés et on se revoit. J'aime bien cette idée-là d'écrire aussi pour les amis. C'est Ville Morin. qui écrivait aussi des choses comme ça. Alors, je n'aime pas tout d'elle, mais dans Proust, il y a cette idée-là aussi. Mais bon, elle est un peu fallacieuse, mais bon, elle existe. Mais oui, j'aime bien cette idée d'écrire aussi pour ses amis qui, finalement, forment une famille.

  • Speaker #0

    Il fallait mettre cela pour papier pour mieux s'en souvenir.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    Il y a un côté testament.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Il en a pensé quoi, Charles Serruya, à la lecture du livre ?

  • Speaker #1

    Il a aimé.

  • Speaker #0

    J'imagine.

  • Speaker #1

    Il a aimé, il a aimé.

  • Speaker #0

    C'est un beau témoignage.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un beau témoignage. Oui, il a aimé, bien sûr.

  • Speaker #0

    Il y a une page dans ce livre, j'hésitais à la lire, où vous racontez toutes les personnes que vous voyez quand vous êtes à New York. Il y a toute une... J'allais dire une galerie de portraits, mais c'est avec le recul.

  • Speaker #1

    J'aime bien dire, elle m'a marqué les listes, tout ce qu'il y a, tous les sacs, tous les détails de vêtements, tous les gens qu'il y avait, les marqués, etc. C'est une tradition d'écrire comme ça. Moi, j'ai beaucoup lu dans les livres. Bonit de Cazlan, Je reviens à Pouce, enfin il y a plein de gens qui écrivent de cette manière en fait.

  • Speaker #0

    Est-ce que de montrer ce foisonnement c'est une façon également de dire, aujourd'hui c'est un peu plus chiant qu'hier, la vie, la fête, ou Paris ?

  • Speaker #1

    Non, aujourd'hui je pense pas que c'est plus chiant, c'est juste que moi mon action elle se passe dans les années 80, je fais des allers-retours avec le présent assez régulièrement, donc tout ne se passe pas complètement là, puisqu'il y a des allers-retours passé-présent. Il se trouve que dans ce livre, on traverse une fête, mais je dois dire que dans le dernier, je m'attache plutôt à la relation et que c'est devenu comme un décor de fond. Je disais d'ailleurs une phrase quand on traversait ces fêtes, comme d'autres ont voulu faire la guerre. Enfin, je veux dire, il y a quelque chose de dérisoire.

  • Speaker #0

    Vous faites la fête aujourd'hui encore ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    de temps en temps pas trop.

  • Speaker #1

    De temps en temps pas trop ? Oui, de temps en temps,

  • Speaker #0

    oui. J'espère bien. Ce podcast s'appelle Un Café au Comptoir. On a une tradition à la fin de ce podcast, c'est de faire un quiz, de poser des questions sur l'univers de la boisson, du café, tout ça. Alors, première question, qu'est-ce qui s'est passé au bain-douche en 1984 avec Gainsbourg pour que tout l'alcool disparaisse ? Est-ce que vous avez une idée ? Tout l'alcool un soir ? 1984 au bain douche tout l'alcool a disparu.

  • Speaker #1

    Je ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #0

    Tu ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas au courant.

  • Speaker #0

    Et bien un soir de 1984 Serge Gainsbourg débarque au bain douche déjà bien imbibé. Il est assez agacé parce qu'il y a beaucoup de monde donc il donne un billet au patron et il dit « Servez tout le monde, je paye pour tout le monde » . Et en une heure le bar était absolument vidé. Pour la petite histoire il paraît qu'il a fait lui-même revenir de l'alcool d'un hôtel d'à côté. Il y avait des comportements exubérants à ce moment là.

  • Speaker #1

    Surtout lui, il était très connu pour ses comportements exubérants. C'est quand même un peu son trait de caractère. Il était un peu marqué exubérant.

  • Speaker #0

    Vous l'avez croisé ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Parce que mon ami Bambou...

  • Speaker #0

    Son ex-femme ?

  • Speaker #1

    Son ex-femme qui est dans le livre aussi, qui porte un pseudo nuit, enfin son nom quoi. C'était notre amie.

  • Speaker #0

    Vous avez visité sa maison ou pas ? Depuis qu'elle est ouverte ?

  • Speaker #1

    Non, non, ça me fait peur.

  • Speaker #0

    C'est étrange ? Oui, bon, je ne peux pas en venir. Que s'est-il passé au Palace un soir de 1982 avec une baignoire remplie de champagne ?

  • Speaker #1

    C'était au cours d'une fête, c'était sur, je crois, alors soit c'est Paquita qui se baignait pour faire... les paquitanes, ou alors c'était je pense un truc pour réaliser les fantasmes. Chacun devait faire des fantasmes, mais je pense que Paquita voulait se faire mettre dans un chaudron. Alors c'est pas une baignoire, c'est un chaudron, il se faisait dévorer par des Africains. Fantasme de Paquita. Et sinon il y avait aussi une baignoire sous verre. Et on visitait des filles qui étaient dans des baignoires avec du champagne, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc, moi j'avais entendu parler de cette histoire qu'un soir de 1982, une héritière suisse qui se faisait appeler la baronne avait décidé que boire du champagne ne suffisait plus, elle veut se baigner dedans et elle a fait vider plus de 100 bouteilles de mouettes et chandons pour la remplir. Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait possible.

  • Speaker #0

    Encore une fois, la folie du moment. Dernière question, qu'est-ce qui a fait que le mojito devienne le cocktail le plus prisé du Studio 54 en 1980 ?

  • Speaker #1

    Alors ça franchement, c'est une question.

  • Speaker #0

    C'est un Pianca Jäger qui demande un mojito au bar du Studio 54. Le barman lui dit, on ne sert pas ça ici, c'est trop provincial. Le gars se fait virer, évidemment. Et donc le lendemain, le patron, pour s'excuser, fait venir un mixologue cubain, un barman cubain, qui fait des mojitos pour tout le monde. Et ça devient tout le gratin, ça devient vraiment le cocktail le plus prisé du moment.

  • Speaker #1

    C'est brésilien, mojito ?

  • Speaker #0

    C'est cubain.

  • Speaker #1

    C'est cubain.

  • Speaker #0

    ou si tu baisses le jour bien sûr c'est plus basse non mais là on est au café là c'est le matin tranquille merci beaucoup et bien on est d'avoir répondu à ces questions le livre du moment c'est comment t'amour aux éditions Robert Laffont et je le conseille énormément pour toutes les personnes qui écoutent ce podcast merci beaucoup vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien allez sur Apple Podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, ça nous en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

Description

Actrice, réalisatrice et autrice, Eva Ionesco revient sur son parcours hors norme. De son enfance hypersexualisée sous l’emprise de sa mère photographe à sa libération artistique, elle raconte comment l’écriture lui a permis de reprendre le contrôle de son histoire.


Dans cet épisode, elle évoque son dernier roman Grand Amour (Robert Laffont), l’amour salvateur, les abus de l’enfance, les années Palace, Paris comme personnage, et l’art comme moyen de survie. Un témoignage fort sur la mémoire, la littérature autobiographique, le féminisme et la reconstruction.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Eva Ionesco :

https://www.instagram.com/ionescoeva


Dernier roman

Grand amour (éditions Robert Laffont)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au comptoir. Mon invité du jour est associé pour toujours à l'image d'une petite fille. Pourtant, les années ont passé depuis le temps où sa mère la mettait en scène devant son objectif. Photographié de ses 4 à 12 ans dans les postures équivoques, explicites. érotisée, elle a dû batailler ferme au début des années 80 pour s'extirper des griffes maternelles. Révélée comme autrice en 2017, elle était plutôt connue jusque-là pour sa carrière de comédienne. Après une formation théâtrale dispensée par Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers, on a pu la voir jouer dans quelques dizaines de films avant qu'elle ne passe à la réalisation. Son premier long-métrage en 2011, My Little Princess, elle co-signe aussi le scénario et pose ainsi la première pierre de ce qui va constituer l'essence de son œuvre. La narration de son vécu. Avec elle, impossible de dissocier la femme de l'artiste, qu'elle choisisse de s'exprimer au travers du cinéma ou sous une forme littéraire. L'épopée autobiographique qu'elle déroule inlassablement lui permet de se réapproprier son histoire, tout en dénonçant les abus d'un temps et d'un système dont elle a été la victime. Raconter, témoigner, c'est aussi une façon de penser ses plaies et, paradoxalement, de sublimer une époque qui, si dure qu'elle fut pour elle, n'en a pas été néanmoins exaltante à vivre. dans son dernier roman, Grand Amour, paru aux éditions Robert Laffont. On la suit entre la fin des années 70 et le début des années 80, entre sa mère et ses amis, entre les centres de la dasse et les boîtes de nuit, entre le jour et les nuits, entre une enfance volée et une adolescence dont elle a profité dans l'infraction. C'est au cœur de Décor Trash, en mutation, qu'elle nous parle d'amour. Parce qu'avec elle, c'est comme ça. Eros et Thanatos ne sont jamais très loin l'un de l'autre et que parfois la lumière jaillit. là où on ne l'attendait pas. Ainsi, la très jeune adolescente de son livre retrouve une forme d'innocence dans les bras d'un amoureux bien plus âgé qu'elle. Les scènes de tripes sont écrites au passé simple, tandis que des métaphores très littéraires gomment le glauque de situations décrites. À l'expression de sa haine envers certaines relations de sa mère succède l'hommage qu'elle rend à des personnages sulfureux de ce monde disparu. Et toujours sur le fil, toujours ambivalente, son écriture captive le lecteur, fasciné par sa capacité à se survivre, à se réinventer. Et aussi, comme j'ai souhaité en apprendre davantage sur cette icône des nuits parisiennes, femme écrivain passionnée et passionnante, je l'ai conviée à partager avec moi un café au comptoir. Bonjour Eva Ionesco.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Paris est très présent dans votre livre et c'est presque un personnage en soi. Est-ce que l'inspiration elle vient aussi de là, des endroits, des rues, du béton ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est certain que Paris m'inspire énormément. D'abord parce que je suis parisienne et que la ville en elle-même est un territoire, le territoire qui font partie de mes livres, que j'aime explorer, que nous avons exploré, et que j'aimais rendre, parce que je trouve que c'est romanesque de rendre un certain Paris qui n'est plus, en comparaison à ce Paris aussi qui y est maintenant. Donc il y a des allers-retours entre le passé et le présent assez réguliers, parce que ça réfère à la mémoire et donc aux réminiscences. et aux souvenirs, tout ça. Donc j'aime travailler avec cette matière du souvenir et de ce qui reste, et aussi des souvenirs, des souvenirs. Donc effectivement, tout ça forme des liens dans mon livre. Paris est au cœur, mais il y a aussi d'autres villes. Il y a Londres, il y a New York. Voilà, j'aime beaucoup les voyages. J'aime beaucoup l'idée de voyager dans les livres parce que je viens du pays de l'Est et l'idée en moi du voyage est fortement ancrée. Et ces livres-là, je les ai écrits avec ça, avec cette idée de voyage aussi.

  • Speaker #0

    Le souvenir du souvenir, c'est l'expression que vous avez employée. Est-ce que quand on écrit, on essaie de sublimer ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Quand on se met à travailler, il y a très peu de temps où l'écriture vient et elle est là. C'est quelque chose qui est préparé, c'est quelque chose qui est désiré. Parfois non. Il y a toujours une contradiction dans l'écriture entre ce qu'on veut dire, ce qu'on ne veut pas dire, ce qu'on pourrait dire, ce qui va se dévoiler. Donc tous ces livres qui forment une trilogie avec ces deux films, il y a effectivement des choses qui apparaissent qui n'étaient pas du tout... effectivement prévue parce que l'écriture c'est aussi de l'imprévisible. C'est ce qu'on n'a pas forcément envie de dire et qui sort de manière assez crue. Je pense que Duras en a très bien parlé, de dire qu'on ne peut pas forcément arriver à vivre ou pas forcément à dire comment on bataille avec ça et qu'est-ce que c'est que l'écriture aussi. Ce n'est pas simplement des récits de vie, c'est comment est-ce que les mots en arrivent là, sur cette page.

  • Speaker #0

    Il y a des personnes pour qui faire un livre c'est une thérapie. mais pour vous, vous en faites une création. C'est-à-dire qu'on est vraiment sur une œuvre littéraire. Quand on lit vos livres, on sent qu'il y a une volonté de travailler le mot. C'est né comment ? Est-ce que vous vivez ça comme un travail réellement ? Ou est-ce que ça vous vient comme ça, l'envie de faire fleurir le langage ?

  • Speaker #1

    Écrire, c'est quelque chose qui peut faire beaucoup de mal comme faire beaucoup de bien. La thérapie, pour moi, ne se pose pas. Après, si des gens peuvent arriver à s'y retrouver, parce que moi j'ai des gens qui m'arrêtent dans la rue qui me disent « Ah, ça nous a fait tellement de bien, on a compris des choses, on a compris… » Voilà, dans la Bagoudoua, par exemple, qui ne faisait pas partie de la trilogie, ou dans des moments sur l'enfance, les gens arrivent à se resituer, à comprendre ce que c'est aussi qu'une enfance qui a été… quand même, comme la mienne, à la fois sublimée, traumatisante, mais enfin aussi qui passait par des choses extrêmement dures, qui ont marqué une enfance, on va dire, difficile, comme ces enfances difficiles dont on parle de plus en plus maintenant. J'ai eu cette enfance difficile-là. Que les gens puissent se repérer, voir des choses, et apprendre aussi sur qu'est-ce que c'est qu'une petite fille hypersexualisée, qu'est-ce que c'est que cette histoire de la sexualité, quoi. Cette histoire de la sexualité, du monde autour, du monde de l'art, du monde des interdits, comment on vit avec son corps. Qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête de cette petite fille ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'autres gens ? Parce que tout ne se passe pas que dans ma tête, principalement. Enfin bon, on suit un personnage qui est tout simple, mais il n'y a pas que moi. Je ne suis pas totalement coussante. Il y a le monde. Je suis dans un monde et ce monde aussi est très central. C'est pour ça que je le décris beaucoup. Parce que je suis un personnage qui fait partie d'un monde que je décris. Donc tout n'est pas totalement que centré sur ce personnage de petite fille qui grandit entre 4 ans et 17 ans.

  • Speaker #0

    C'est l'intégration de tout ce qui est autour.

  • Speaker #1

    Il y a aussi la narration de tout ce qui est autour et qui forme, alors pour certains c'est peut-être des documents, on peut y voir énormément de choses. Le dernier livre est un livre sur l'amour, un amour certes aujourd'hui ça ne pourrait pas exister, c'est une époque qui était les années 80, Charles et moi on est tombés amoureux, donc je parle de cette aventure amoureuse qui m'a marquée puisqu'elle a été salvatrice. Et ce qui est salvatrice, c'est quelque chose qui ne fait pas du mal, parce que je pense que les prédateurs font du mal, et on le sait. Ce qui est salvateur ne fait pas de mal. Donc c'est quelque chose de très intime, voilà. C'est quelque chose d'unique aussi, et c'est pour ça que j'ai tenu à en rendre compte, parce que c'est une relation totalement magique, portée par des instances angéliques. Vraiment, vraiment je le pense, et nous le pensons. Enfin voilà, donc j'ai voulu rendre compte de ça dans ce livre, de cet amour qui sauve, de cet amour qui sauve dans un monde effectivement où il y a Il y a des prédateurs qui courent après la petite fille et le monde est terrible. La justice est complètement, on va dire, mafieuse. Vraiment, la justice n'est pas juste, on va dire. Dans son destin, il y a les centres qui sont très importants dans les livres. Je ne fais qu'à des centres, peu de gens font cas de ça. J'en ai peu parlé en interview. C'est vrai que c'est quelque chose de très sensible, parce que... Ces jeunes filles ont rarement la parole et je ne pense pas du tout que ce soit voyeuriste ni rien.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous leur dédiez ce livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je leur dédie ce livre parce que j'ai le souvenir que quand on était ensemble, on se disait un jour, on va quand même essayer de dire ce qui s'est passé. On voulait dire, on écrivait des lettres au président. C'était tellement incroyable. On se disait, mais ce n'est pas possible que nous, êtres humains, nous puissions vivre comme ça.

  • Speaker #0

    Il y a des choses qu'on lit entre les lignes parce que vous témoignez d'une certaine intimité. Ce n'est pas cru non plus, c'est-à-dire qu'il y a certaines personnes qui se disent « Ah oui, peut-être que ça va être difficile à lire, peut-être que ça va être une sorte de témoignage » . Pas du tout, on est dans quelque chose de complètement différent, on est dans un récit un peu émerveillé, dans une certaine noirceur. Mais il y a des très beaux passages presque oniriques, où vous partez dans de très longues phrases, mais en dévoilant tout un paysage, tout un univers, comme quand vous allez décrire Paris, décrire le ciel, la couleur du ciel. Et à côté de ça, effectivement, l'enfer, si vous me permettez que je puisse dire cela, l'enfer de la DAS, l'enfer de certaines choses que vous ne décrivez pas directement, mais où on devine qu'il y a effectivement des sévices, des abus, où il y a une certaine dureté de la vie, comme on peut le voir dans l'actualité, on entend parler de Bétharame, on entend parler de choses comme ça. Est-ce que c'est à peu près ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Là, je relis des choses de Julien Gras, qui s'attache extrêmement à la couleur du ciel, à la forme des villes, Merci. Donc j'aime les descriptions, j'aime les descriptions chez Julien Gracq, j'aime les descriptions chez Proust. Et c'est plus que des descriptions, c'est vraiment une matière organique dans laquelle l'écriture se coule et où arrivent les choses. C'est un fil, donc les descriptions c'est aussi quelque chose qui est un fil conducteur qui est à la fois conscient et inconscient, qui mène. Et effectivement, je m'attache beaucoup à cette chose du bien. Alors il y a le bien et il y a le mal. et donc... Voilà, ça aussi, entre les choses qui sont entre le bien, le mal, sans toujours porter de jugement. On m'en a fait le reproche, on m'a dit « Oui, mais alors, tu n'écris pas selon la grille actuelle, il faut faire ton autocritique » . Bon, moi, je suis romancière, il y a des gens qui font très bien les autocritiques de leurs livres. Ils sont remerciés pour ce qu'ils font, ils ont des tas de prix. Moi, je ne fais pas des livres plaidoyés, ni des livres avec des autocritiques. J'aurais pu faire un préambule avec marqué quelque chose dedans.

  • Speaker #0

    Avec des trigger warnings, des choses comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est juste qu'il faut peut-être faire des avertissements dans les livres, dans les films, peut-être. Je n'ai vraiment rien contre. Peut-être que c'est nécessaire. Mais en tout cas, non, il n'y a pas d'autocritique. Pour reprendre votre question, oui, c'est très brutal. Cette relation est très curieuse parce qu'en fait, j'étais jeune. Charles était 13 ans et demi, presque 14. Donc voilà, quand même. Et Charles était plus âgé que moi. On est tombés amoureux. On devait se marier. J'ai failli avoir un enfant. Il est devenu mon tuteur. Alors, personne n'ose le dire. Mais oui, il y a quelque chose de Lolita aussi. Parce que Lolita, c'était quelque chose chez Nabokov qui était sorti de son esprit, qu'il avait inventé. Ça, personne n'ose le dire parce que maintenant, on dit « Oh là là, Lolita, c'est terrible, etc. » Non, c'est la vérité. J'étais une Lolita et j'ai vécu dans mon corps et dans ma tête quelque chose qui était proche. Sauf que Charles n'était pas un prédateur, mais un poète.

  • Speaker #0

    Et vous n'étiez pas sous emprise ?

  • Speaker #1

    Non, je n'étais pas sous emprise. J'étais libre. On vivait librement. On vivait avec une bande de jeunes gens. Et je ne parle pas de ça. Mon livre n'est pas... Cette histoire n'est pas l'histoire d'une emprise amoureuse, mais d'une délivrance amoureuse. Et ça, c'est ce que j'ai voulu faire passer dans mon livre. Alors c'est peut-être un peu à contre-courant de tout ce qu'on entend maintenant, etc. Mais je veux dire, c'est important d'avoir cette voix-là, c'est important qu'on l'entende, c'est important de dire entre nous les femmes, voilà, nous il nous est arrivé ça, mais là, moi il m'est arrivé ça. Alors peut-être qu'à six mois de différence, ou un an et demi de différence, on n'est peut-être pas tous d'accord, mais voilà, ça m'est arrivé. C'est la vérité. Voilà, c'est une parole qui peut aussi compter, ne pas être contestée. Ça ne veut pas du tout dire que je suis con. Vous voyez ce que je veux dire ? Non, bien sûr. Je ne milite pas du tout dans un camp. Je ne milite pas du tout pour que les jeunes filles soient... Non, non, non, non, non, non, non. Il ne s'agit pas du tout de ça. Donc, il faut vraiment, vraiment...

  • Speaker #0

    Adresser le propos.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Absolument. Et d'ailleurs, quand on vous suit sur Instagram, vous êtes assez présentes. Eh bien, on voit que les prédateurs, vous les dégommez. Parfois, ça vous arrive de faire des stories. Moi, je suis cela. Et je dis, ah, et là... Eva Ionesco est assez énervée et certaines personnes sont directement visées. Et on sent très fort que vous avez envie de protéger l'enfant.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai toujours milité pour l'enfance. Vous savez, moi, j'ai bagarré énormément. Mes premiers processus, je ne les ai pas eus contre ma mère. C'est le film My Little Princess. Ça, on l'oublie et je tiens à le retenir. À partir du moment où j'ai fait My Little Princess, qui a été distribuée dans le monde entier, on m'a entendu, on a entendu et j'ai pu gagner. Donc si vous voulez, l'art, ça peut aussi servir à ça. Ça peut aussi servir à mener des combats. Ça ne sert pas qu'à ça, mais ça peut servir. Et je pense que maintenant, les artistes ont pour certains la responsabilité de plus en plus d'introduire dans leur manière de travailler quelque chose qui peut être de l'ordre d'un combat, du féminisme, de l'enfance. Et c'est important d'avoir cette responsabilité-là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas que la quête du beau.

  • Speaker #1

    Non, mais bon, la quête du beau,

  • Speaker #0

    si vous voulez... On a ça pour l'artisanat.

  • Speaker #1

    Même quand vous lisez Gracq... et des gens qui sont dans cette quête du beau, fondamentalement, où font les fils qui sont en arrière-fond et tout ça, c'est pas du tout ça d'où ça émerge, c'est encore autre chose. Donc, il ne faut pas confondre la stylistique des gens qui veulent faire du beau et vraiment leur pensée profonde. Alors, chez certains, ça ne se lit pas. Bon, je suis désolée pour eux.

  • Speaker #0

    Vous parlez beaucoup de références littéraires dans votre livre. On sent que vous lisez beaucoup. Comment s'est né, en fait, cet attrait de la littérature ? Est-ce que c'est quelqu'un ? Est-ce que c'est vous-même ?

  • Speaker #1

    Non, mais moi, je lisais beaucoup. beaucoup à l'époque déjà, quand j'étais jeune, et j'ai fait pendant dix ans des études théâtrales assez poussées. J'ai joué les textes, j'ai lu des textes, j'ai étudié les textes, et j'ai étudié aussi les textes d'auteurs. Les gens font du théâtre, et les gens écrivent des pièces, et ils font des livres. Donc j'ai toujours lu, en fait. J'ai toujours lu, j'ai non seulement lu, mais j'ai interprété les textes. Pendant des années. Donc si vous voulez, les mots pour moi c'est quelque chose qui était très important puisque je devais passer par le fait de les jouer pendant des années. Je les fais pendant des années. Après je me suis arrêtée de jouer au théâtre. Là j'ai envie de me remettre à écrire du théâtre. Mais de mes 17 ans à mes 30 ans, je n'ai fait que ça. J'étais tout le temps en train de travailler avec les mots. Donc ça ne m'est pas venu par une aspiration, c'était une volonté de me coltiner la langue. Mais en passant par le corps, par le fait d'être actif. C'est pour ça qu'on trouve peut-être que mon écriture est cinématographique. Il y a quand même tout un travail derrière qui fait que certaines choses sont faites comme des scènes. Il y a aussi cette idée-là.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant dans cette écriture également, c'est que c'est une écriture qui n'est pas stylisée de façon actuelle. Ce que j'entends par là, c'est qu'on sent que vous aimez bien le passé simple. Beaucoup d'éditeurs ont envie de le gommer et de dire « non, non, non, les gens ne lisent plus cela » . Non, non, gardez votre style. Vous maîtrisez cela ?

  • Speaker #1

    Pour l'instant, c'est comme ça. Peut-être qu'après, ça va changer. Il y a des périodes, oui. Dans la vie, il y a des périodes avec des styles, des choses qu'on... Voilà. Il y a des sujets qui mènent aussi à d'autres choses.

  • Speaker #0

    Mais là, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #1

    Voilà, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #0

    Yonesco va faire un vrai ou faux Eva Ionesco, vrai ou faux, vers 6 ans, vous passiez par la fenêtre de l'appartement où vous habitiez, au sixième étage, pour marcher sur un petit rebord le long de la façade de l'immeuble.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'étais une petite fille très suicidaire.

  • Speaker #0

    À 6 ans.

  • Speaker #1

    Mais très tôt, parce que j'étais dans des situations qui étaient extrêmement violentes et où en fait, il fallait que je sorte de cette situation. Mais je n'avais pas les moyens de le sortir parce que j'étais trop petite. On voit les enfants parfois, on se dit, on ne comprend pas, ils font des crises par terre, ils se roulent, bon ben c'est des crises d'enfants. Moi j'étais suicidaire, je passais par les fenêtres, je traversais le boulevard en courant, je commettais des choses violentes sur moi-même, je m'attaquais. Je n'attaquais pas les autres enfants, mais je m'attaquais moi. Donc c'est difficile parce que je veux dire, quand on est en souffrance, etc., on pense à la mort. Donc très tôt, très jeune, j'ai pensé à la mort. La mort a toujours été présente. J'ai vu aussi dans un univers assez macabre. Et la mort est quelque chose qui a toujours été, parfois moins, mais quand même très présenté. Maintenant, bon, effectivement, il y a beaucoup d'enfants qui vivent des choses terribles. Mais bon, vous me disiez ?

  • Speaker #0

    On parlait justement de, est-ce que c'était vrai ou faux ? Donc c'est vrai, vous marchiez le long de cette façade d'immeuble au sixième étage.

  • Speaker #1

    Oui, enfin bon, maintenant, il y a tellement des choses terribles, tous les enfants partout dans le monde, que si vous voulez, bon, un rembord d'immeuble.

  • Speaker #0

    Alors, vrai ou faux, petite, on vous a fait votre thème astral, et c'était écrit que vous seriez écrivain.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, c'est très curieux parce qu'en fait, c'est mon père qui me l'avait offert. Et c'était une énorme machine. C'était, je crois que c'était IBM. Et c'était au Champs-Élysées. Et les gens allaient faire leur thème astral. Et c'est dommage parce que ça sortait comme un papier fax. Et donc, le truc s'est effacé au bout d'un temps. Mais c'était très, très long. Et ça se déroulait comme une espèce d'énorme langue de papier, etc. Et à l'intérieur, il y a marqué que j'allais devenir écrivain. Mais moi, je suis l'actrice. Je ne vais pas devenir écrivain. Et en fait, j'étais inscrite et les M étaient justes.

  • Speaker #0

    Tu as toujours raison.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, c'est curieux. Là, le machine, les BM, ont raison.

  • Speaker #0

    C'est amusant. Vrai ou faux, vous vous êtes mise à écrire sur vous parce que vous en aviez marre qu'on raconte votre vie à votre place.

  • Speaker #1

    Non, je me suis mise à écrire sur moi parce que c'est un travail que je faisais depuis longtemps et que j'avais commencé à écrire à Nanterre, en fait. Et même avant, j'y avais bien longtemps. Et j'écrivais d'autres choses. J'écrivais même des choses qui n'étaient pas du tout autobiographiques, etc. Sauf que c'est des choses qui se font lentement, parce que j'ai toujours eu dans ma vie des bagarres autres. La vie est une jungle dans laquelle il faut se bagarrer. Et à un moment donné, j'ai trouvé des éditeurs et la possibilité de me ressaisir. Vous savez, il faut un cadre quand même pour écrire. Ça a une certaine forme de luxe aussi. Il faut le trouver, quoi. Donc voilà, j'ai trouvé la manière, enfin, de pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Votre livre « Grand amour » qui vient de paraître, clôt une trilogie ?

  • Speaker #1

    De l'enfance, j'arrête avec l'autobiographie.

  • Speaker #0

    Justement.

  • Speaker #1

    Mais là, j'arrête. Il y a eu deux films et trois livres.

  • Speaker #0

    Donc justement, en fait, c'est la question que j'allais vous poser. Quelle est la part de fiction ou du romanesque, de romancer en tout cas, dans ce que vous écrivez ? Et dans ce que vous auriez éventuellement envie d'écrire ensuite ?

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a deux types de gens. Il y a des gens qui ont des vies formidables, qui puissent en faire des romans. Et puis il y a des gens qui ont des vies qui ne sont pas formidables, mais qui font des romans et qui inventent des choses. Disons que là, j'ai inventé des choses, une part de romanesque. et une part de réalité, parce que je trouvais que ma vie était romanesque. Donc, ces deux éléments se sont conjugués pour faire la livre. Après, les souvenirs, ils se choisissent. Il y a eu des choix, des volontés d'aller dans une direction plutôt que dans une autre. Le dernier livre, c'est une histoire d'amour. Celui d'avant, c'est ma rencontre avec Christian Louboutin, qui était une histoire d'amitié. Celui d'avant, c'était l'histoire avec mon père, qu'on disait qu'il était un nazi. Et c'est une enquête sur mon père à travers des femmes. qui ne voulait pas d'hommes. Là, on comprend que ma mère me photographie, etc. Donc, elle met en place ce dispositif. C'est où on est au tout début. Et moi, j'ai fait cette enquête sur mon père, dont j'avais toujours eu peur qu'il tue des gens, etc. J'ai fait des recherches et j'ai trouvé certaines choses sur le mal, en fait, l'histoire du mal, parce qu'on me disait que c'était un terrible nazi, etc. Et donc, de m'approprier un tout petit peu son histoire. Je suis allée en Allemagne faire des recherches, mais c'était compliqué pour moi parce que mon père ne m'avait pas reconnue. Donc je n'avais aucune légitimité, en fait, nulle part. Alors il aurait fallu que j'ai de l'argent, que j'aille chez du lit de détective, qui n'existe plus mais qui marche très bien, ou que j'engage un détective. Donc en fait, j'ai fait avec les moyens du bord, comme on dit.

  • Speaker #0

    Il y a toujours une quête dans tout ce que vous faites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    C'est quoi la quête aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là, je ne peux pas parler du prochain livre.

  • Speaker #0

    Il y aura un prochain livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis en train d'entraîner dessus, oui. Mais je ne peux pas en parler parce que c'est assez vaste. Il n'y aura pas de chômage, il n'y aura pas d'enfants stomatisés, il n'y aura pas d'abus. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses folles, mais on n'est pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    C'est réjouissant ou ça effraie d'écrire quand on est Eva Ionesco ?

  • Speaker #1

    L'écriture, ça mange toute la vie. Donc, quand on écrit, on n'a pas d'autre vie. Moi, j'en m'en vais, je m'éloigne, je vis seule, j'écris seule. De temps en temps, je reviens à Paris, je vois des amis, etc. Mais pour écrire et faire des livres, on n'a pas de vie. La vie, elle est dans les livres. Moi, je suis à un âge maintenant, ma vie, je peux toujours vivre, mais elle est quand même faite. Donc, si vous voulez, la vie, c'est les livres. C'est fini, j'espère.

  • Speaker #0

    Vous vivez encore plein de choses. J'espère.

  • Speaker #1

    Mais j'espère que voilà, j'espère d'abord que les livres seront traduits, que ces films auront...

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnages qui sont croqués dans ce livre Grand Amour. Évidemment, certaines personnes sont décédées, je pense à l'impact à 10, mais d'autres sont toujours là, comme Pierre et Gilles, comme C'est le Grand Amour, Charles Surya. Vous revoyez un peu cette bande ?

  • Speaker #1

    Pierre et Gilles, on se voit régulièrement. Charles, on s'est toujours vus, on est amis. Parfois, il n'y va pas vivre à New York pendant des années, donc je ne le vois pas forcément. Mais on est restés liés, amis, soudés et on se revoit. J'aime bien cette idée-là d'écrire aussi pour les amis. C'est Ville Morin. qui écrivait aussi des choses comme ça. Alors, je n'aime pas tout d'elle, mais dans Proust, il y a cette idée-là aussi. Mais bon, elle est un peu fallacieuse, mais bon, elle existe. Mais oui, j'aime bien cette idée d'écrire aussi pour ses amis qui, finalement, forment une famille.

  • Speaker #0

    Il fallait mettre cela pour papier pour mieux s'en souvenir.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    Il y a un côté testament.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Il en a pensé quoi, Charles Serruya, à la lecture du livre ?

  • Speaker #1

    Il a aimé.

  • Speaker #0

    J'imagine.

  • Speaker #1

    Il a aimé, il a aimé.

  • Speaker #0

    C'est un beau témoignage.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un beau témoignage. Oui, il a aimé, bien sûr.

  • Speaker #0

    Il y a une page dans ce livre, j'hésitais à la lire, où vous racontez toutes les personnes que vous voyez quand vous êtes à New York. Il y a toute une... J'allais dire une galerie de portraits, mais c'est avec le recul.

  • Speaker #1

    J'aime bien dire, elle m'a marqué les listes, tout ce qu'il y a, tous les sacs, tous les détails de vêtements, tous les gens qu'il y avait, les marqués, etc. C'est une tradition d'écrire comme ça. Moi, j'ai beaucoup lu dans les livres. Bonit de Cazlan, Je reviens à Pouce, enfin il y a plein de gens qui écrivent de cette manière en fait.

  • Speaker #0

    Est-ce que de montrer ce foisonnement c'est une façon également de dire, aujourd'hui c'est un peu plus chiant qu'hier, la vie, la fête, ou Paris ?

  • Speaker #1

    Non, aujourd'hui je pense pas que c'est plus chiant, c'est juste que moi mon action elle se passe dans les années 80, je fais des allers-retours avec le présent assez régulièrement, donc tout ne se passe pas complètement là, puisqu'il y a des allers-retours passé-présent. Il se trouve que dans ce livre, on traverse une fête, mais je dois dire que dans le dernier, je m'attache plutôt à la relation et que c'est devenu comme un décor de fond. Je disais d'ailleurs une phrase quand on traversait ces fêtes, comme d'autres ont voulu faire la guerre. Enfin, je veux dire, il y a quelque chose de dérisoire.

  • Speaker #0

    Vous faites la fête aujourd'hui encore ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    de temps en temps pas trop.

  • Speaker #1

    De temps en temps pas trop ? Oui, de temps en temps,

  • Speaker #0

    oui. J'espère bien. Ce podcast s'appelle Un Café au Comptoir. On a une tradition à la fin de ce podcast, c'est de faire un quiz, de poser des questions sur l'univers de la boisson, du café, tout ça. Alors, première question, qu'est-ce qui s'est passé au bain-douche en 1984 avec Gainsbourg pour que tout l'alcool disparaisse ? Est-ce que vous avez une idée ? Tout l'alcool un soir ? 1984 au bain douche tout l'alcool a disparu.

  • Speaker #1

    Je ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #0

    Tu ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas au courant.

  • Speaker #0

    Et bien un soir de 1984 Serge Gainsbourg débarque au bain douche déjà bien imbibé. Il est assez agacé parce qu'il y a beaucoup de monde donc il donne un billet au patron et il dit « Servez tout le monde, je paye pour tout le monde » . Et en une heure le bar était absolument vidé. Pour la petite histoire il paraît qu'il a fait lui-même revenir de l'alcool d'un hôtel d'à côté. Il y avait des comportements exubérants à ce moment là.

  • Speaker #1

    Surtout lui, il était très connu pour ses comportements exubérants. C'est quand même un peu son trait de caractère. Il était un peu marqué exubérant.

  • Speaker #0

    Vous l'avez croisé ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Parce que mon ami Bambou...

  • Speaker #0

    Son ex-femme ?

  • Speaker #1

    Son ex-femme qui est dans le livre aussi, qui porte un pseudo nuit, enfin son nom quoi. C'était notre amie.

  • Speaker #0

    Vous avez visité sa maison ou pas ? Depuis qu'elle est ouverte ?

  • Speaker #1

    Non, non, ça me fait peur.

  • Speaker #0

    C'est étrange ? Oui, bon, je ne peux pas en venir. Que s'est-il passé au Palace un soir de 1982 avec une baignoire remplie de champagne ?

  • Speaker #1

    C'était au cours d'une fête, c'était sur, je crois, alors soit c'est Paquita qui se baignait pour faire... les paquitanes, ou alors c'était je pense un truc pour réaliser les fantasmes. Chacun devait faire des fantasmes, mais je pense que Paquita voulait se faire mettre dans un chaudron. Alors c'est pas une baignoire, c'est un chaudron, il se faisait dévorer par des Africains. Fantasme de Paquita. Et sinon il y avait aussi une baignoire sous verre. Et on visitait des filles qui étaient dans des baignoires avec du champagne, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc, moi j'avais entendu parler de cette histoire qu'un soir de 1982, une héritière suisse qui se faisait appeler la baronne avait décidé que boire du champagne ne suffisait plus, elle veut se baigner dedans et elle a fait vider plus de 100 bouteilles de mouettes et chandons pour la remplir. Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait possible.

  • Speaker #0

    Encore une fois, la folie du moment. Dernière question, qu'est-ce qui a fait que le mojito devienne le cocktail le plus prisé du Studio 54 en 1980 ?

  • Speaker #1

    Alors ça franchement, c'est une question.

  • Speaker #0

    C'est un Pianca Jäger qui demande un mojito au bar du Studio 54. Le barman lui dit, on ne sert pas ça ici, c'est trop provincial. Le gars se fait virer, évidemment. Et donc le lendemain, le patron, pour s'excuser, fait venir un mixologue cubain, un barman cubain, qui fait des mojitos pour tout le monde. Et ça devient tout le gratin, ça devient vraiment le cocktail le plus prisé du moment.

  • Speaker #1

    C'est brésilien, mojito ?

  • Speaker #0

    C'est cubain.

  • Speaker #1

    C'est cubain.

  • Speaker #0

    ou si tu baisses le jour bien sûr c'est plus basse non mais là on est au café là c'est le matin tranquille merci beaucoup et bien on est d'avoir répondu à ces questions le livre du moment c'est comment t'amour aux éditions Robert Laffont et je le conseille énormément pour toutes les personnes qui écoutent ce podcast merci beaucoup vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien allez sur Apple Podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, ça nous en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

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Description

Actrice, réalisatrice et autrice, Eva Ionesco revient sur son parcours hors norme. De son enfance hypersexualisée sous l’emprise de sa mère photographe à sa libération artistique, elle raconte comment l’écriture lui a permis de reprendre le contrôle de son histoire.


Dans cet épisode, elle évoque son dernier roman Grand Amour (Robert Laffont), l’amour salvateur, les abus de l’enfance, les années Palace, Paris comme personnage, et l’art comme moyen de survie. Un témoignage fort sur la mémoire, la littérature autobiographique, le féminisme et la reconstruction.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Eva Ionesco :

https://www.instagram.com/ionescoeva


Dernier roman

Grand amour (éditions Robert Laffont)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au comptoir. Mon invité du jour est associé pour toujours à l'image d'une petite fille. Pourtant, les années ont passé depuis le temps où sa mère la mettait en scène devant son objectif. Photographié de ses 4 à 12 ans dans les postures équivoques, explicites. érotisée, elle a dû batailler ferme au début des années 80 pour s'extirper des griffes maternelles. Révélée comme autrice en 2017, elle était plutôt connue jusque-là pour sa carrière de comédienne. Après une formation théâtrale dispensée par Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers, on a pu la voir jouer dans quelques dizaines de films avant qu'elle ne passe à la réalisation. Son premier long-métrage en 2011, My Little Princess, elle co-signe aussi le scénario et pose ainsi la première pierre de ce qui va constituer l'essence de son œuvre. La narration de son vécu. Avec elle, impossible de dissocier la femme de l'artiste, qu'elle choisisse de s'exprimer au travers du cinéma ou sous une forme littéraire. L'épopée autobiographique qu'elle déroule inlassablement lui permet de se réapproprier son histoire, tout en dénonçant les abus d'un temps et d'un système dont elle a été la victime. Raconter, témoigner, c'est aussi une façon de penser ses plaies et, paradoxalement, de sublimer une époque qui, si dure qu'elle fut pour elle, n'en a pas été néanmoins exaltante à vivre. dans son dernier roman, Grand Amour, paru aux éditions Robert Laffont. On la suit entre la fin des années 70 et le début des années 80, entre sa mère et ses amis, entre les centres de la dasse et les boîtes de nuit, entre le jour et les nuits, entre une enfance volée et une adolescence dont elle a profité dans l'infraction. C'est au cœur de Décor Trash, en mutation, qu'elle nous parle d'amour. Parce qu'avec elle, c'est comme ça. Eros et Thanatos ne sont jamais très loin l'un de l'autre et que parfois la lumière jaillit. là où on ne l'attendait pas. Ainsi, la très jeune adolescente de son livre retrouve une forme d'innocence dans les bras d'un amoureux bien plus âgé qu'elle. Les scènes de tripes sont écrites au passé simple, tandis que des métaphores très littéraires gomment le glauque de situations décrites. À l'expression de sa haine envers certaines relations de sa mère succède l'hommage qu'elle rend à des personnages sulfureux de ce monde disparu. Et toujours sur le fil, toujours ambivalente, son écriture captive le lecteur, fasciné par sa capacité à se survivre, à se réinventer. Et aussi, comme j'ai souhaité en apprendre davantage sur cette icône des nuits parisiennes, femme écrivain passionnée et passionnante, je l'ai conviée à partager avec moi un café au comptoir. Bonjour Eva Ionesco.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Paris est très présent dans votre livre et c'est presque un personnage en soi. Est-ce que l'inspiration elle vient aussi de là, des endroits, des rues, du béton ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est certain que Paris m'inspire énormément. D'abord parce que je suis parisienne et que la ville en elle-même est un territoire, le territoire qui font partie de mes livres, que j'aime explorer, que nous avons exploré, et que j'aimais rendre, parce que je trouve que c'est romanesque de rendre un certain Paris qui n'est plus, en comparaison à ce Paris aussi qui y est maintenant. Donc il y a des allers-retours entre le passé et le présent assez réguliers, parce que ça réfère à la mémoire et donc aux réminiscences. et aux souvenirs, tout ça. Donc j'aime travailler avec cette matière du souvenir et de ce qui reste, et aussi des souvenirs, des souvenirs. Donc effectivement, tout ça forme des liens dans mon livre. Paris est au cœur, mais il y a aussi d'autres villes. Il y a Londres, il y a New York. Voilà, j'aime beaucoup les voyages. J'aime beaucoup l'idée de voyager dans les livres parce que je viens du pays de l'Est et l'idée en moi du voyage est fortement ancrée. Et ces livres-là, je les ai écrits avec ça, avec cette idée de voyage aussi.

  • Speaker #0

    Le souvenir du souvenir, c'est l'expression que vous avez employée. Est-ce que quand on écrit, on essaie de sublimer ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Quand on se met à travailler, il y a très peu de temps où l'écriture vient et elle est là. C'est quelque chose qui est préparé, c'est quelque chose qui est désiré. Parfois non. Il y a toujours une contradiction dans l'écriture entre ce qu'on veut dire, ce qu'on ne veut pas dire, ce qu'on pourrait dire, ce qui va se dévoiler. Donc tous ces livres qui forment une trilogie avec ces deux films, il y a effectivement des choses qui apparaissent qui n'étaient pas du tout... effectivement prévue parce que l'écriture c'est aussi de l'imprévisible. C'est ce qu'on n'a pas forcément envie de dire et qui sort de manière assez crue. Je pense que Duras en a très bien parlé, de dire qu'on ne peut pas forcément arriver à vivre ou pas forcément à dire comment on bataille avec ça et qu'est-ce que c'est que l'écriture aussi. Ce n'est pas simplement des récits de vie, c'est comment est-ce que les mots en arrivent là, sur cette page.

  • Speaker #0

    Il y a des personnes pour qui faire un livre c'est une thérapie. mais pour vous, vous en faites une création. C'est-à-dire qu'on est vraiment sur une œuvre littéraire. Quand on lit vos livres, on sent qu'il y a une volonté de travailler le mot. C'est né comment ? Est-ce que vous vivez ça comme un travail réellement ? Ou est-ce que ça vous vient comme ça, l'envie de faire fleurir le langage ?

  • Speaker #1

    Écrire, c'est quelque chose qui peut faire beaucoup de mal comme faire beaucoup de bien. La thérapie, pour moi, ne se pose pas. Après, si des gens peuvent arriver à s'y retrouver, parce que moi j'ai des gens qui m'arrêtent dans la rue qui me disent « Ah, ça nous a fait tellement de bien, on a compris des choses, on a compris… » Voilà, dans la Bagoudoua, par exemple, qui ne faisait pas partie de la trilogie, ou dans des moments sur l'enfance, les gens arrivent à se resituer, à comprendre ce que c'est aussi qu'une enfance qui a été… quand même, comme la mienne, à la fois sublimée, traumatisante, mais enfin aussi qui passait par des choses extrêmement dures, qui ont marqué une enfance, on va dire, difficile, comme ces enfances difficiles dont on parle de plus en plus maintenant. J'ai eu cette enfance difficile-là. Que les gens puissent se repérer, voir des choses, et apprendre aussi sur qu'est-ce que c'est qu'une petite fille hypersexualisée, qu'est-ce que c'est que cette histoire de la sexualité, quoi. Cette histoire de la sexualité, du monde autour, du monde de l'art, du monde des interdits, comment on vit avec son corps. Qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête de cette petite fille ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'autres gens ? Parce que tout ne se passe pas que dans ma tête, principalement. Enfin bon, on suit un personnage qui est tout simple, mais il n'y a pas que moi. Je ne suis pas totalement coussante. Il y a le monde. Je suis dans un monde et ce monde aussi est très central. C'est pour ça que je le décris beaucoup. Parce que je suis un personnage qui fait partie d'un monde que je décris. Donc tout n'est pas totalement que centré sur ce personnage de petite fille qui grandit entre 4 ans et 17 ans.

  • Speaker #0

    C'est l'intégration de tout ce qui est autour.

  • Speaker #1

    Il y a aussi la narration de tout ce qui est autour et qui forme, alors pour certains c'est peut-être des documents, on peut y voir énormément de choses. Le dernier livre est un livre sur l'amour, un amour certes aujourd'hui ça ne pourrait pas exister, c'est une époque qui était les années 80, Charles et moi on est tombés amoureux, donc je parle de cette aventure amoureuse qui m'a marquée puisqu'elle a été salvatrice. Et ce qui est salvatrice, c'est quelque chose qui ne fait pas du mal, parce que je pense que les prédateurs font du mal, et on le sait. Ce qui est salvateur ne fait pas de mal. Donc c'est quelque chose de très intime, voilà. C'est quelque chose d'unique aussi, et c'est pour ça que j'ai tenu à en rendre compte, parce que c'est une relation totalement magique, portée par des instances angéliques. Vraiment, vraiment je le pense, et nous le pensons. Enfin voilà, donc j'ai voulu rendre compte de ça dans ce livre, de cet amour qui sauve, de cet amour qui sauve dans un monde effectivement où il y a Il y a des prédateurs qui courent après la petite fille et le monde est terrible. La justice est complètement, on va dire, mafieuse. Vraiment, la justice n'est pas juste, on va dire. Dans son destin, il y a les centres qui sont très importants dans les livres. Je ne fais qu'à des centres, peu de gens font cas de ça. J'en ai peu parlé en interview. C'est vrai que c'est quelque chose de très sensible, parce que... Ces jeunes filles ont rarement la parole et je ne pense pas du tout que ce soit voyeuriste ni rien.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous leur dédiez ce livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je leur dédie ce livre parce que j'ai le souvenir que quand on était ensemble, on se disait un jour, on va quand même essayer de dire ce qui s'est passé. On voulait dire, on écrivait des lettres au président. C'était tellement incroyable. On se disait, mais ce n'est pas possible que nous, êtres humains, nous puissions vivre comme ça.

  • Speaker #0

    Il y a des choses qu'on lit entre les lignes parce que vous témoignez d'une certaine intimité. Ce n'est pas cru non plus, c'est-à-dire qu'il y a certaines personnes qui se disent « Ah oui, peut-être que ça va être difficile à lire, peut-être que ça va être une sorte de témoignage » . Pas du tout, on est dans quelque chose de complètement différent, on est dans un récit un peu émerveillé, dans une certaine noirceur. Mais il y a des très beaux passages presque oniriques, où vous partez dans de très longues phrases, mais en dévoilant tout un paysage, tout un univers, comme quand vous allez décrire Paris, décrire le ciel, la couleur du ciel. Et à côté de ça, effectivement, l'enfer, si vous me permettez que je puisse dire cela, l'enfer de la DAS, l'enfer de certaines choses que vous ne décrivez pas directement, mais où on devine qu'il y a effectivement des sévices, des abus, où il y a une certaine dureté de la vie, comme on peut le voir dans l'actualité, on entend parler de Bétharame, on entend parler de choses comme ça. Est-ce que c'est à peu près ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Là, je relis des choses de Julien Gras, qui s'attache extrêmement à la couleur du ciel, à la forme des villes, Merci. Donc j'aime les descriptions, j'aime les descriptions chez Julien Gracq, j'aime les descriptions chez Proust. Et c'est plus que des descriptions, c'est vraiment une matière organique dans laquelle l'écriture se coule et où arrivent les choses. C'est un fil, donc les descriptions c'est aussi quelque chose qui est un fil conducteur qui est à la fois conscient et inconscient, qui mène. Et effectivement, je m'attache beaucoup à cette chose du bien. Alors il y a le bien et il y a le mal. et donc... Voilà, ça aussi, entre les choses qui sont entre le bien, le mal, sans toujours porter de jugement. On m'en a fait le reproche, on m'a dit « Oui, mais alors, tu n'écris pas selon la grille actuelle, il faut faire ton autocritique » . Bon, moi, je suis romancière, il y a des gens qui font très bien les autocritiques de leurs livres. Ils sont remerciés pour ce qu'ils font, ils ont des tas de prix. Moi, je ne fais pas des livres plaidoyés, ni des livres avec des autocritiques. J'aurais pu faire un préambule avec marqué quelque chose dedans.

  • Speaker #0

    Avec des trigger warnings, des choses comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est juste qu'il faut peut-être faire des avertissements dans les livres, dans les films, peut-être. Je n'ai vraiment rien contre. Peut-être que c'est nécessaire. Mais en tout cas, non, il n'y a pas d'autocritique. Pour reprendre votre question, oui, c'est très brutal. Cette relation est très curieuse parce qu'en fait, j'étais jeune. Charles était 13 ans et demi, presque 14. Donc voilà, quand même. Et Charles était plus âgé que moi. On est tombés amoureux. On devait se marier. J'ai failli avoir un enfant. Il est devenu mon tuteur. Alors, personne n'ose le dire. Mais oui, il y a quelque chose de Lolita aussi. Parce que Lolita, c'était quelque chose chez Nabokov qui était sorti de son esprit, qu'il avait inventé. Ça, personne n'ose le dire parce que maintenant, on dit « Oh là là, Lolita, c'est terrible, etc. » Non, c'est la vérité. J'étais une Lolita et j'ai vécu dans mon corps et dans ma tête quelque chose qui était proche. Sauf que Charles n'était pas un prédateur, mais un poète.

  • Speaker #0

    Et vous n'étiez pas sous emprise ?

  • Speaker #1

    Non, je n'étais pas sous emprise. J'étais libre. On vivait librement. On vivait avec une bande de jeunes gens. Et je ne parle pas de ça. Mon livre n'est pas... Cette histoire n'est pas l'histoire d'une emprise amoureuse, mais d'une délivrance amoureuse. Et ça, c'est ce que j'ai voulu faire passer dans mon livre. Alors c'est peut-être un peu à contre-courant de tout ce qu'on entend maintenant, etc. Mais je veux dire, c'est important d'avoir cette voix-là, c'est important qu'on l'entende, c'est important de dire entre nous les femmes, voilà, nous il nous est arrivé ça, mais là, moi il m'est arrivé ça. Alors peut-être qu'à six mois de différence, ou un an et demi de différence, on n'est peut-être pas tous d'accord, mais voilà, ça m'est arrivé. C'est la vérité. Voilà, c'est une parole qui peut aussi compter, ne pas être contestée. Ça ne veut pas du tout dire que je suis con. Vous voyez ce que je veux dire ? Non, bien sûr. Je ne milite pas du tout dans un camp. Je ne milite pas du tout pour que les jeunes filles soient... Non, non, non, non, non, non, non. Il ne s'agit pas du tout de ça. Donc, il faut vraiment, vraiment...

  • Speaker #0

    Adresser le propos.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Absolument. Et d'ailleurs, quand on vous suit sur Instagram, vous êtes assez présentes. Eh bien, on voit que les prédateurs, vous les dégommez. Parfois, ça vous arrive de faire des stories. Moi, je suis cela. Et je dis, ah, et là... Eva Ionesco est assez énervée et certaines personnes sont directement visées. Et on sent très fort que vous avez envie de protéger l'enfant.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai toujours milité pour l'enfance. Vous savez, moi, j'ai bagarré énormément. Mes premiers processus, je ne les ai pas eus contre ma mère. C'est le film My Little Princess. Ça, on l'oublie et je tiens à le retenir. À partir du moment où j'ai fait My Little Princess, qui a été distribuée dans le monde entier, on m'a entendu, on a entendu et j'ai pu gagner. Donc si vous voulez, l'art, ça peut aussi servir à ça. Ça peut aussi servir à mener des combats. Ça ne sert pas qu'à ça, mais ça peut servir. Et je pense que maintenant, les artistes ont pour certains la responsabilité de plus en plus d'introduire dans leur manière de travailler quelque chose qui peut être de l'ordre d'un combat, du féminisme, de l'enfance. Et c'est important d'avoir cette responsabilité-là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas que la quête du beau.

  • Speaker #1

    Non, mais bon, la quête du beau,

  • Speaker #0

    si vous voulez... On a ça pour l'artisanat.

  • Speaker #1

    Même quand vous lisez Gracq... et des gens qui sont dans cette quête du beau, fondamentalement, où font les fils qui sont en arrière-fond et tout ça, c'est pas du tout ça d'où ça émerge, c'est encore autre chose. Donc, il ne faut pas confondre la stylistique des gens qui veulent faire du beau et vraiment leur pensée profonde. Alors, chez certains, ça ne se lit pas. Bon, je suis désolée pour eux.

  • Speaker #0

    Vous parlez beaucoup de références littéraires dans votre livre. On sent que vous lisez beaucoup. Comment s'est né, en fait, cet attrait de la littérature ? Est-ce que c'est quelqu'un ? Est-ce que c'est vous-même ?

  • Speaker #1

    Non, mais moi, je lisais beaucoup. beaucoup à l'époque déjà, quand j'étais jeune, et j'ai fait pendant dix ans des études théâtrales assez poussées. J'ai joué les textes, j'ai lu des textes, j'ai étudié les textes, et j'ai étudié aussi les textes d'auteurs. Les gens font du théâtre, et les gens écrivent des pièces, et ils font des livres. Donc j'ai toujours lu, en fait. J'ai toujours lu, j'ai non seulement lu, mais j'ai interprété les textes. Pendant des années. Donc si vous voulez, les mots pour moi c'est quelque chose qui était très important puisque je devais passer par le fait de les jouer pendant des années. Je les fais pendant des années. Après je me suis arrêtée de jouer au théâtre. Là j'ai envie de me remettre à écrire du théâtre. Mais de mes 17 ans à mes 30 ans, je n'ai fait que ça. J'étais tout le temps en train de travailler avec les mots. Donc ça ne m'est pas venu par une aspiration, c'était une volonté de me coltiner la langue. Mais en passant par le corps, par le fait d'être actif. C'est pour ça qu'on trouve peut-être que mon écriture est cinématographique. Il y a quand même tout un travail derrière qui fait que certaines choses sont faites comme des scènes. Il y a aussi cette idée-là.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant dans cette écriture également, c'est que c'est une écriture qui n'est pas stylisée de façon actuelle. Ce que j'entends par là, c'est qu'on sent que vous aimez bien le passé simple. Beaucoup d'éditeurs ont envie de le gommer et de dire « non, non, non, les gens ne lisent plus cela » . Non, non, gardez votre style. Vous maîtrisez cela ?

  • Speaker #1

    Pour l'instant, c'est comme ça. Peut-être qu'après, ça va changer. Il y a des périodes, oui. Dans la vie, il y a des périodes avec des styles, des choses qu'on... Voilà. Il y a des sujets qui mènent aussi à d'autres choses.

  • Speaker #0

    Mais là, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #1

    Voilà, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #0

    Yonesco va faire un vrai ou faux Eva Ionesco, vrai ou faux, vers 6 ans, vous passiez par la fenêtre de l'appartement où vous habitiez, au sixième étage, pour marcher sur un petit rebord le long de la façade de l'immeuble.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'étais une petite fille très suicidaire.

  • Speaker #0

    À 6 ans.

  • Speaker #1

    Mais très tôt, parce que j'étais dans des situations qui étaient extrêmement violentes et où en fait, il fallait que je sorte de cette situation. Mais je n'avais pas les moyens de le sortir parce que j'étais trop petite. On voit les enfants parfois, on se dit, on ne comprend pas, ils font des crises par terre, ils se roulent, bon ben c'est des crises d'enfants. Moi j'étais suicidaire, je passais par les fenêtres, je traversais le boulevard en courant, je commettais des choses violentes sur moi-même, je m'attaquais. Je n'attaquais pas les autres enfants, mais je m'attaquais moi. Donc c'est difficile parce que je veux dire, quand on est en souffrance, etc., on pense à la mort. Donc très tôt, très jeune, j'ai pensé à la mort. La mort a toujours été présente. J'ai vu aussi dans un univers assez macabre. Et la mort est quelque chose qui a toujours été, parfois moins, mais quand même très présenté. Maintenant, bon, effectivement, il y a beaucoup d'enfants qui vivent des choses terribles. Mais bon, vous me disiez ?

  • Speaker #0

    On parlait justement de, est-ce que c'était vrai ou faux ? Donc c'est vrai, vous marchiez le long de cette façade d'immeuble au sixième étage.

  • Speaker #1

    Oui, enfin bon, maintenant, il y a tellement des choses terribles, tous les enfants partout dans le monde, que si vous voulez, bon, un rembord d'immeuble.

  • Speaker #0

    Alors, vrai ou faux, petite, on vous a fait votre thème astral, et c'était écrit que vous seriez écrivain.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, c'est très curieux parce qu'en fait, c'est mon père qui me l'avait offert. Et c'était une énorme machine. C'était, je crois que c'était IBM. Et c'était au Champs-Élysées. Et les gens allaient faire leur thème astral. Et c'est dommage parce que ça sortait comme un papier fax. Et donc, le truc s'est effacé au bout d'un temps. Mais c'était très, très long. Et ça se déroulait comme une espèce d'énorme langue de papier, etc. Et à l'intérieur, il y a marqué que j'allais devenir écrivain. Mais moi, je suis l'actrice. Je ne vais pas devenir écrivain. Et en fait, j'étais inscrite et les M étaient justes.

  • Speaker #0

    Tu as toujours raison.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, c'est curieux. Là, le machine, les BM, ont raison.

  • Speaker #0

    C'est amusant. Vrai ou faux, vous vous êtes mise à écrire sur vous parce que vous en aviez marre qu'on raconte votre vie à votre place.

  • Speaker #1

    Non, je me suis mise à écrire sur moi parce que c'est un travail que je faisais depuis longtemps et que j'avais commencé à écrire à Nanterre, en fait. Et même avant, j'y avais bien longtemps. Et j'écrivais d'autres choses. J'écrivais même des choses qui n'étaient pas du tout autobiographiques, etc. Sauf que c'est des choses qui se font lentement, parce que j'ai toujours eu dans ma vie des bagarres autres. La vie est une jungle dans laquelle il faut se bagarrer. Et à un moment donné, j'ai trouvé des éditeurs et la possibilité de me ressaisir. Vous savez, il faut un cadre quand même pour écrire. Ça a une certaine forme de luxe aussi. Il faut le trouver, quoi. Donc voilà, j'ai trouvé la manière, enfin, de pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Votre livre « Grand amour » qui vient de paraître, clôt une trilogie ?

  • Speaker #1

    De l'enfance, j'arrête avec l'autobiographie.

  • Speaker #0

    Justement.

  • Speaker #1

    Mais là, j'arrête. Il y a eu deux films et trois livres.

  • Speaker #0

    Donc justement, en fait, c'est la question que j'allais vous poser. Quelle est la part de fiction ou du romanesque, de romancer en tout cas, dans ce que vous écrivez ? Et dans ce que vous auriez éventuellement envie d'écrire ensuite ?

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a deux types de gens. Il y a des gens qui ont des vies formidables, qui puissent en faire des romans. Et puis il y a des gens qui ont des vies qui ne sont pas formidables, mais qui font des romans et qui inventent des choses. Disons que là, j'ai inventé des choses, une part de romanesque. et une part de réalité, parce que je trouvais que ma vie était romanesque. Donc, ces deux éléments se sont conjugués pour faire la livre. Après, les souvenirs, ils se choisissent. Il y a eu des choix, des volontés d'aller dans une direction plutôt que dans une autre. Le dernier livre, c'est une histoire d'amour. Celui d'avant, c'est ma rencontre avec Christian Louboutin, qui était une histoire d'amitié. Celui d'avant, c'était l'histoire avec mon père, qu'on disait qu'il était un nazi. Et c'est une enquête sur mon père à travers des femmes. qui ne voulait pas d'hommes. Là, on comprend que ma mère me photographie, etc. Donc, elle met en place ce dispositif. C'est où on est au tout début. Et moi, j'ai fait cette enquête sur mon père, dont j'avais toujours eu peur qu'il tue des gens, etc. J'ai fait des recherches et j'ai trouvé certaines choses sur le mal, en fait, l'histoire du mal, parce qu'on me disait que c'était un terrible nazi, etc. Et donc, de m'approprier un tout petit peu son histoire. Je suis allée en Allemagne faire des recherches, mais c'était compliqué pour moi parce que mon père ne m'avait pas reconnue. Donc je n'avais aucune légitimité, en fait, nulle part. Alors il aurait fallu que j'ai de l'argent, que j'aille chez du lit de détective, qui n'existe plus mais qui marche très bien, ou que j'engage un détective. Donc en fait, j'ai fait avec les moyens du bord, comme on dit.

  • Speaker #0

    Il y a toujours une quête dans tout ce que vous faites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    C'est quoi la quête aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là, je ne peux pas parler du prochain livre.

  • Speaker #0

    Il y aura un prochain livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis en train d'entraîner dessus, oui. Mais je ne peux pas en parler parce que c'est assez vaste. Il n'y aura pas de chômage, il n'y aura pas d'enfants stomatisés, il n'y aura pas d'abus. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses folles, mais on n'est pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    C'est réjouissant ou ça effraie d'écrire quand on est Eva Ionesco ?

  • Speaker #1

    L'écriture, ça mange toute la vie. Donc, quand on écrit, on n'a pas d'autre vie. Moi, j'en m'en vais, je m'éloigne, je vis seule, j'écris seule. De temps en temps, je reviens à Paris, je vois des amis, etc. Mais pour écrire et faire des livres, on n'a pas de vie. La vie, elle est dans les livres. Moi, je suis à un âge maintenant, ma vie, je peux toujours vivre, mais elle est quand même faite. Donc, si vous voulez, la vie, c'est les livres. C'est fini, j'espère.

  • Speaker #0

    Vous vivez encore plein de choses. J'espère.

  • Speaker #1

    Mais j'espère que voilà, j'espère d'abord que les livres seront traduits, que ces films auront...

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnages qui sont croqués dans ce livre Grand Amour. Évidemment, certaines personnes sont décédées, je pense à l'impact à 10, mais d'autres sont toujours là, comme Pierre et Gilles, comme C'est le Grand Amour, Charles Surya. Vous revoyez un peu cette bande ?

  • Speaker #1

    Pierre et Gilles, on se voit régulièrement. Charles, on s'est toujours vus, on est amis. Parfois, il n'y va pas vivre à New York pendant des années, donc je ne le vois pas forcément. Mais on est restés liés, amis, soudés et on se revoit. J'aime bien cette idée-là d'écrire aussi pour les amis. C'est Ville Morin. qui écrivait aussi des choses comme ça. Alors, je n'aime pas tout d'elle, mais dans Proust, il y a cette idée-là aussi. Mais bon, elle est un peu fallacieuse, mais bon, elle existe. Mais oui, j'aime bien cette idée d'écrire aussi pour ses amis qui, finalement, forment une famille.

  • Speaker #0

    Il fallait mettre cela pour papier pour mieux s'en souvenir.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    Il y a un côté testament.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Il en a pensé quoi, Charles Serruya, à la lecture du livre ?

  • Speaker #1

    Il a aimé.

  • Speaker #0

    J'imagine.

  • Speaker #1

    Il a aimé, il a aimé.

  • Speaker #0

    C'est un beau témoignage.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un beau témoignage. Oui, il a aimé, bien sûr.

  • Speaker #0

    Il y a une page dans ce livre, j'hésitais à la lire, où vous racontez toutes les personnes que vous voyez quand vous êtes à New York. Il y a toute une... J'allais dire une galerie de portraits, mais c'est avec le recul.

  • Speaker #1

    J'aime bien dire, elle m'a marqué les listes, tout ce qu'il y a, tous les sacs, tous les détails de vêtements, tous les gens qu'il y avait, les marqués, etc. C'est une tradition d'écrire comme ça. Moi, j'ai beaucoup lu dans les livres. Bonit de Cazlan, Je reviens à Pouce, enfin il y a plein de gens qui écrivent de cette manière en fait.

  • Speaker #0

    Est-ce que de montrer ce foisonnement c'est une façon également de dire, aujourd'hui c'est un peu plus chiant qu'hier, la vie, la fête, ou Paris ?

  • Speaker #1

    Non, aujourd'hui je pense pas que c'est plus chiant, c'est juste que moi mon action elle se passe dans les années 80, je fais des allers-retours avec le présent assez régulièrement, donc tout ne se passe pas complètement là, puisqu'il y a des allers-retours passé-présent. Il se trouve que dans ce livre, on traverse une fête, mais je dois dire que dans le dernier, je m'attache plutôt à la relation et que c'est devenu comme un décor de fond. Je disais d'ailleurs une phrase quand on traversait ces fêtes, comme d'autres ont voulu faire la guerre. Enfin, je veux dire, il y a quelque chose de dérisoire.

  • Speaker #0

    Vous faites la fête aujourd'hui encore ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    de temps en temps pas trop.

  • Speaker #1

    De temps en temps pas trop ? Oui, de temps en temps,

  • Speaker #0

    oui. J'espère bien. Ce podcast s'appelle Un Café au Comptoir. On a une tradition à la fin de ce podcast, c'est de faire un quiz, de poser des questions sur l'univers de la boisson, du café, tout ça. Alors, première question, qu'est-ce qui s'est passé au bain-douche en 1984 avec Gainsbourg pour que tout l'alcool disparaisse ? Est-ce que vous avez une idée ? Tout l'alcool un soir ? 1984 au bain douche tout l'alcool a disparu.

  • Speaker #1

    Je ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #0

    Tu ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas au courant.

  • Speaker #0

    Et bien un soir de 1984 Serge Gainsbourg débarque au bain douche déjà bien imbibé. Il est assez agacé parce qu'il y a beaucoup de monde donc il donne un billet au patron et il dit « Servez tout le monde, je paye pour tout le monde » . Et en une heure le bar était absolument vidé. Pour la petite histoire il paraît qu'il a fait lui-même revenir de l'alcool d'un hôtel d'à côté. Il y avait des comportements exubérants à ce moment là.

  • Speaker #1

    Surtout lui, il était très connu pour ses comportements exubérants. C'est quand même un peu son trait de caractère. Il était un peu marqué exubérant.

  • Speaker #0

    Vous l'avez croisé ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Parce que mon ami Bambou...

  • Speaker #0

    Son ex-femme ?

  • Speaker #1

    Son ex-femme qui est dans le livre aussi, qui porte un pseudo nuit, enfin son nom quoi. C'était notre amie.

  • Speaker #0

    Vous avez visité sa maison ou pas ? Depuis qu'elle est ouverte ?

  • Speaker #1

    Non, non, ça me fait peur.

  • Speaker #0

    C'est étrange ? Oui, bon, je ne peux pas en venir. Que s'est-il passé au Palace un soir de 1982 avec une baignoire remplie de champagne ?

  • Speaker #1

    C'était au cours d'une fête, c'était sur, je crois, alors soit c'est Paquita qui se baignait pour faire... les paquitanes, ou alors c'était je pense un truc pour réaliser les fantasmes. Chacun devait faire des fantasmes, mais je pense que Paquita voulait se faire mettre dans un chaudron. Alors c'est pas une baignoire, c'est un chaudron, il se faisait dévorer par des Africains. Fantasme de Paquita. Et sinon il y avait aussi une baignoire sous verre. Et on visitait des filles qui étaient dans des baignoires avec du champagne, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc, moi j'avais entendu parler de cette histoire qu'un soir de 1982, une héritière suisse qui se faisait appeler la baronne avait décidé que boire du champagne ne suffisait plus, elle veut se baigner dedans et elle a fait vider plus de 100 bouteilles de mouettes et chandons pour la remplir. Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait possible.

  • Speaker #0

    Encore une fois, la folie du moment. Dernière question, qu'est-ce qui a fait que le mojito devienne le cocktail le plus prisé du Studio 54 en 1980 ?

  • Speaker #1

    Alors ça franchement, c'est une question.

  • Speaker #0

    C'est un Pianca Jäger qui demande un mojito au bar du Studio 54. Le barman lui dit, on ne sert pas ça ici, c'est trop provincial. Le gars se fait virer, évidemment. Et donc le lendemain, le patron, pour s'excuser, fait venir un mixologue cubain, un barman cubain, qui fait des mojitos pour tout le monde. Et ça devient tout le gratin, ça devient vraiment le cocktail le plus prisé du moment.

  • Speaker #1

    C'est brésilien, mojito ?

  • Speaker #0

    C'est cubain.

  • Speaker #1

    C'est cubain.

  • Speaker #0

    ou si tu baisses le jour bien sûr c'est plus basse non mais là on est au café là c'est le matin tranquille merci beaucoup et bien on est d'avoir répondu à ces questions le livre du moment c'est comment t'amour aux éditions Robert Laffont et je le conseille énormément pour toutes les personnes qui écoutent ce podcast merci beaucoup vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien allez sur Apple Podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, ça nous en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

Description

Actrice, réalisatrice et autrice, Eva Ionesco revient sur son parcours hors norme. De son enfance hypersexualisée sous l’emprise de sa mère photographe à sa libération artistique, elle raconte comment l’écriture lui a permis de reprendre le contrôle de son histoire.


Dans cet épisode, elle évoque son dernier roman Grand Amour (Robert Laffont), l’amour salvateur, les abus de l’enfance, les années Palace, Paris comme personnage, et l’art comme moyen de survie. Un témoignage fort sur la mémoire, la littérature autobiographique, le féminisme et la reconstruction.


présenté par Alexis Himeros :

https://www.instagram.com/alexishimeros/



instagram Eva Ionesco :

https://www.instagram.com/ionescoeva


Dernier roman

Grand amour (éditions Robert Laffont)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au comptoir. Mon invité du jour est associé pour toujours à l'image d'une petite fille. Pourtant, les années ont passé depuis le temps où sa mère la mettait en scène devant son objectif. Photographié de ses 4 à 12 ans dans les postures équivoques, explicites. érotisée, elle a dû batailler ferme au début des années 80 pour s'extirper des griffes maternelles. Révélée comme autrice en 2017, elle était plutôt connue jusque-là pour sa carrière de comédienne. Après une formation théâtrale dispensée par Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers, on a pu la voir jouer dans quelques dizaines de films avant qu'elle ne passe à la réalisation. Son premier long-métrage en 2011, My Little Princess, elle co-signe aussi le scénario et pose ainsi la première pierre de ce qui va constituer l'essence de son œuvre. La narration de son vécu. Avec elle, impossible de dissocier la femme de l'artiste, qu'elle choisisse de s'exprimer au travers du cinéma ou sous une forme littéraire. L'épopée autobiographique qu'elle déroule inlassablement lui permet de se réapproprier son histoire, tout en dénonçant les abus d'un temps et d'un système dont elle a été la victime. Raconter, témoigner, c'est aussi une façon de penser ses plaies et, paradoxalement, de sublimer une époque qui, si dure qu'elle fut pour elle, n'en a pas été néanmoins exaltante à vivre. dans son dernier roman, Grand Amour, paru aux éditions Robert Laffont. On la suit entre la fin des années 70 et le début des années 80, entre sa mère et ses amis, entre les centres de la dasse et les boîtes de nuit, entre le jour et les nuits, entre une enfance volée et une adolescence dont elle a profité dans l'infraction. C'est au cœur de Décor Trash, en mutation, qu'elle nous parle d'amour. Parce qu'avec elle, c'est comme ça. Eros et Thanatos ne sont jamais très loin l'un de l'autre et que parfois la lumière jaillit. là où on ne l'attendait pas. Ainsi, la très jeune adolescente de son livre retrouve une forme d'innocence dans les bras d'un amoureux bien plus âgé qu'elle. Les scènes de tripes sont écrites au passé simple, tandis que des métaphores très littéraires gomment le glauque de situations décrites. À l'expression de sa haine envers certaines relations de sa mère succède l'hommage qu'elle rend à des personnages sulfureux de ce monde disparu. Et toujours sur le fil, toujours ambivalente, son écriture captive le lecteur, fasciné par sa capacité à se survivre, à se réinventer. Et aussi, comme j'ai souhaité en apprendre davantage sur cette icône des nuits parisiennes, femme écrivain passionnée et passionnante, je l'ai conviée à partager avec moi un café au comptoir. Bonjour Eva Ionesco.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Paris est très présent dans votre livre et c'est presque un personnage en soi. Est-ce que l'inspiration elle vient aussi de là, des endroits, des rues, du béton ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est certain que Paris m'inspire énormément. D'abord parce que je suis parisienne et que la ville en elle-même est un territoire, le territoire qui font partie de mes livres, que j'aime explorer, que nous avons exploré, et que j'aimais rendre, parce que je trouve que c'est romanesque de rendre un certain Paris qui n'est plus, en comparaison à ce Paris aussi qui y est maintenant. Donc il y a des allers-retours entre le passé et le présent assez réguliers, parce que ça réfère à la mémoire et donc aux réminiscences. et aux souvenirs, tout ça. Donc j'aime travailler avec cette matière du souvenir et de ce qui reste, et aussi des souvenirs, des souvenirs. Donc effectivement, tout ça forme des liens dans mon livre. Paris est au cœur, mais il y a aussi d'autres villes. Il y a Londres, il y a New York. Voilà, j'aime beaucoup les voyages. J'aime beaucoup l'idée de voyager dans les livres parce que je viens du pays de l'Est et l'idée en moi du voyage est fortement ancrée. Et ces livres-là, je les ai écrits avec ça, avec cette idée de voyage aussi.

  • Speaker #0

    Le souvenir du souvenir, c'est l'expression que vous avez employée. Est-ce que quand on écrit, on essaie de sublimer ce qui s'est passé ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Quand on se met à travailler, il y a très peu de temps où l'écriture vient et elle est là. C'est quelque chose qui est préparé, c'est quelque chose qui est désiré. Parfois non. Il y a toujours une contradiction dans l'écriture entre ce qu'on veut dire, ce qu'on ne veut pas dire, ce qu'on pourrait dire, ce qui va se dévoiler. Donc tous ces livres qui forment une trilogie avec ces deux films, il y a effectivement des choses qui apparaissent qui n'étaient pas du tout... effectivement prévue parce que l'écriture c'est aussi de l'imprévisible. C'est ce qu'on n'a pas forcément envie de dire et qui sort de manière assez crue. Je pense que Duras en a très bien parlé, de dire qu'on ne peut pas forcément arriver à vivre ou pas forcément à dire comment on bataille avec ça et qu'est-ce que c'est que l'écriture aussi. Ce n'est pas simplement des récits de vie, c'est comment est-ce que les mots en arrivent là, sur cette page.

  • Speaker #0

    Il y a des personnes pour qui faire un livre c'est une thérapie. mais pour vous, vous en faites une création. C'est-à-dire qu'on est vraiment sur une œuvre littéraire. Quand on lit vos livres, on sent qu'il y a une volonté de travailler le mot. C'est né comment ? Est-ce que vous vivez ça comme un travail réellement ? Ou est-ce que ça vous vient comme ça, l'envie de faire fleurir le langage ?

  • Speaker #1

    Écrire, c'est quelque chose qui peut faire beaucoup de mal comme faire beaucoup de bien. La thérapie, pour moi, ne se pose pas. Après, si des gens peuvent arriver à s'y retrouver, parce que moi j'ai des gens qui m'arrêtent dans la rue qui me disent « Ah, ça nous a fait tellement de bien, on a compris des choses, on a compris… » Voilà, dans la Bagoudoua, par exemple, qui ne faisait pas partie de la trilogie, ou dans des moments sur l'enfance, les gens arrivent à se resituer, à comprendre ce que c'est aussi qu'une enfance qui a été… quand même, comme la mienne, à la fois sublimée, traumatisante, mais enfin aussi qui passait par des choses extrêmement dures, qui ont marqué une enfance, on va dire, difficile, comme ces enfances difficiles dont on parle de plus en plus maintenant. J'ai eu cette enfance difficile-là. Que les gens puissent se repérer, voir des choses, et apprendre aussi sur qu'est-ce que c'est qu'une petite fille hypersexualisée, qu'est-ce que c'est que cette histoire de la sexualité, quoi. Cette histoire de la sexualité, du monde autour, du monde de l'art, du monde des interdits, comment on vit avec son corps. Qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête de cette petite fille ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'autres gens ? Parce que tout ne se passe pas que dans ma tête, principalement. Enfin bon, on suit un personnage qui est tout simple, mais il n'y a pas que moi. Je ne suis pas totalement coussante. Il y a le monde. Je suis dans un monde et ce monde aussi est très central. C'est pour ça que je le décris beaucoup. Parce que je suis un personnage qui fait partie d'un monde que je décris. Donc tout n'est pas totalement que centré sur ce personnage de petite fille qui grandit entre 4 ans et 17 ans.

  • Speaker #0

    C'est l'intégration de tout ce qui est autour.

  • Speaker #1

    Il y a aussi la narration de tout ce qui est autour et qui forme, alors pour certains c'est peut-être des documents, on peut y voir énormément de choses. Le dernier livre est un livre sur l'amour, un amour certes aujourd'hui ça ne pourrait pas exister, c'est une époque qui était les années 80, Charles et moi on est tombés amoureux, donc je parle de cette aventure amoureuse qui m'a marquée puisqu'elle a été salvatrice. Et ce qui est salvatrice, c'est quelque chose qui ne fait pas du mal, parce que je pense que les prédateurs font du mal, et on le sait. Ce qui est salvateur ne fait pas de mal. Donc c'est quelque chose de très intime, voilà. C'est quelque chose d'unique aussi, et c'est pour ça que j'ai tenu à en rendre compte, parce que c'est une relation totalement magique, portée par des instances angéliques. Vraiment, vraiment je le pense, et nous le pensons. Enfin voilà, donc j'ai voulu rendre compte de ça dans ce livre, de cet amour qui sauve, de cet amour qui sauve dans un monde effectivement où il y a Il y a des prédateurs qui courent après la petite fille et le monde est terrible. La justice est complètement, on va dire, mafieuse. Vraiment, la justice n'est pas juste, on va dire. Dans son destin, il y a les centres qui sont très importants dans les livres. Je ne fais qu'à des centres, peu de gens font cas de ça. J'en ai peu parlé en interview. C'est vrai que c'est quelque chose de très sensible, parce que... Ces jeunes filles ont rarement la parole et je ne pense pas du tout que ce soit voyeuriste ni rien.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous leur dédiez ce livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je leur dédie ce livre parce que j'ai le souvenir que quand on était ensemble, on se disait un jour, on va quand même essayer de dire ce qui s'est passé. On voulait dire, on écrivait des lettres au président. C'était tellement incroyable. On se disait, mais ce n'est pas possible que nous, êtres humains, nous puissions vivre comme ça.

  • Speaker #0

    Il y a des choses qu'on lit entre les lignes parce que vous témoignez d'une certaine intimité. Ce n'est pas cru non plus, c'est-à-dire qu'il y a certaines personnes qui se disent « Ah oui, peut-être que ça va être difficile à lire, peut-être que ça va être une sorte de témoignage » . Pas du tout, on est dans quelque chose de complètement différent, on est dans un récit un peu émerveillé, dans une certaine noirceur. Mais il y a des très beaux passages presque oniriques, où vous partez dans de très longues phrases, mais en dévoilant tout un paysage, tout un univers, comme quand vous allez décrire Paris, décrire le ciel, la couleur du ciel. Et à côté de ça, effectivement, l'enfer, si vous me permettez que je puisse dire cela, l'enfer de la DAS, l'enfer de certaines choses que vous ne décrivez pas directement, mais où on devine qu'il y a effectivement des sévices, des abus, où il y a une certaine dureté de la vie, comme on peut le voir dans l'actualité, on entend parler de Bétharame, on entend parler de choses comme ça. Est-ce que c'est à peu près ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Là, je relis des choses de Julien Gras, qui s'attache extrêmement à la couleur du ciel, à la forme des villes, Merci. Donc j'aime les descriptions, j'aime les descriptions chez Julien Gracq, j'aime les descriptions chez Proust. Et c'est plus que des descriptions, c'est vraiment une matière organique dans laquelle l'écriture se coule et où arrivent les choses. C'est un fil, donc les descriptions c'est aussi quelque chose qui est un fil conducteur qui est à la fois conscient et inconscient, qui mène. Et effectivement, je m'attache beaucoup à cette chose du bien. Alors il y a le bien et il y a le mal. et donc... Voilà, ça aussi, entre les choses qui sont entre le bien, le mal, sans toujours porter de jugement. On m'en a fait le reproche, on m'a dit « Oui, mais alors, tu n'écris pas selon la grille actuelle, il faut faire ton autocritique » . Bon, moi, je suis romancière, il y a des gens qui font très bien les autocritiques de leurs livres. Ils sont remerciés pour ce qu'ils font, ils ont des tas de prix. Moi, je ne fais pas des livres plaidoyés, ni des livres avec des autocritiques. J'aurais pu faire un préambule avec marqué quelque chose dedans.

  • Speaker #0

    Avec des trigger warnings, des choses comme ça ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est juste qu'il faut peut-être faire des avertissements dans les livres, dans les films, peut-être. Je n'ai vraiment rien contre. Peut-être que c'est nécessaire. Mais en tout cas, non, il n'y a pas d'autocritique. Pour reprendre votre question, oui, c'est très brutal. Cette relation est très curieuse parce qu'en fait, j'étais jeune. Charles était 13 ans et demi, presque 14. Donc voilà, quand même. Et Charles était plus âgé que moi. On est tombés amoureux. On devait se marier. J'ai failli avoir un enfant. Il est devenu mon tuteur. Alors, personne n'ose le dire. Mais oui, il y a quelque chose de Lolita aussi. Parce que Lolita, c'était quelque chose chez Nabokov qui était sorti de son esprit, qu'il avait inventé. Ça, personne n'ose le dire parce que maintenant, on dit « Oh là là, Lolita, c'est terrible, etc. » Non, c'est la vérité. J'étais une Lolita et j'ai vécu dans mon corps et dans ma tête quelque chose qui était proche. Sauf que Charles n'était pas un prédateur, mais un poète.

  • Speaker #0

    Et vous n'étiez pas sous emprise ?

  • Speaker #1

    Non, je n'étais pas sous emprise. J'étais libre. On vivait librement. On vivait avec une bande de jeunes gens. Et je ne parle pas de ça. Mon livre n'est pas... Cette histoire n'est pas l'histoire d'une emprise amoureuse, mais d'une délivrance amoureuse. Et ça, c'est ce que j'ai voulu faire passer dans mon livre. Alors c'est peut-être un peu à contre-courant de tout ce qu'on entend maintenant, etc. Mais je veux dire, c'est important d'avoir cette voix-là, c'est important qu'on l'entende, c'est important de dire entre nous les femmes, voilà, nous il nous est arrivé ça, mais là, moi il m'est arrivé ça. Alors peut-être qu'à six mois de différence, ou un an et demi de différence, on n'est peut-être pas tous d'accord, mais voilà, ça m'est arrivé. C'est la vérité. Voilà, c'est une parole qui peut aussi compter, ne pas être contestée. Ça ne veut pas du tout dire que je suis con. Vous voyez ce que je veux dire ? Non, bien sûr. Je ne milite pas du tout dans un camp. Je ne milite pas du tout pour que les jeunes filles soient... Non, non, non, non, non, non, non. Il ne s'agit pas du tout de ça. Donc, il faut vraiment, vraiment...

  • Speaker #0

    Adresser le propos.

  • Speaker #1

    Oui, voilà.

  • Speaker #0

    Absolument. Et d'ailleurs, quand on vous suit sur Instagram, vous êtes assez présentes. Eh bien, on voit que les prédateurs, vous les dégommez. Parfois, ça vous arrive de faire des stories. Moi, je suis cela. Et je dis, ah, et là... Eva Ionesco est assez énervée et certaines personnes sont directement visées. Et on sent très fort que vous avez envie de protéger l'enfant.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai toujours milité pour l'enfance. Vous savez, moi, j'ai bagarré énormément. Mes premiers processus, je ne les ai pas eus contre ma mère. C'est le film My Little Princess. Ça, on l'oublie et je tiens à le retenir. À partir du moment où j'ai fait My Little Princess, qui a été distribuée dans le monde entier, on m'a entendu, on a entendu et j'ai pu gagner. Donc si vous voulez, l'art, ça peut aussi servir à ça. Ça peut aussi servir à mener des combats. Ça ne sert pas qu'à ça, mais ça peut servir. Et je pense que maintenant, les artistes ont pour certains la responsabilité de plus en plus d'introduire dans leur manière de travailler quelque chose qui peut être de l'ordre d'un combat, du féminisme, de l'enfance. Et c'est important d'avoir cette responsabilité-là.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas que la quête du beau.

  • Speaker #1

    Non, mais bon, la quête du beau,

  • Speaker #0

    si vous voulez... On a ça pour l'artisanat.

  • Speaker #1

    Même quand vous lisez Gracq... et des gens qui sont dans cette quête du beau, fondamentalement, où font les fils qui sont en arrière-fond et tout ça, c'est pas du tout ça d'où ça émerge, c'est encore autre chose. Donc, il ne faut pas confondre la stylistique des gens qui veulent faire du beau et vraiment leur pensée profonde. Alors, chez certains, ça ne se lit pas. Bon, je suis désolée pour eux.

  • Speaker #0

    Vous parlez beaucoup de références littéraires dans votre livre. On sent que vous lisez beaucoup. Comment s'est né, en fait, cet attrait de la littérature ? Est-ce que c'est quelqu'un ? Est-ce que c'est vous-même ?

  • Speaker #1

    Non, mais moi, je lisais beaucoup. beaucoup à l'époque déjà, quand j'étais jeune, et j'ai fait pendant dix ans des études théâtrales assez poussées. J'ai joué les textes, j'ai lu des textes, j'ai étudié les textes, et j'ai étudié aussi les textes d'auteurs. Les gens font du théâtre, et les gens écrivent des pièces, et ils font des livres. Donc j'ai toujours lu, en fait. J'ai toujours lu, j'ai non seulement lu, mais j'ai interprété les textes. Pendant des années. Donc si vous voulez, les mots pour moi c'est quelque chose qui était très important puisque je devais passer par le fait de les jouer pendant des années. Je les fais pendant des années. Après je me suis arrêtée de jouer au théâtre. Là j'ai envie de me remettre à écrire du théâtre. Mais de mes 17 ans à mes 30 ans, je n'ai fait que ça. J'étais tout le temps en train de travailler avec les mots. Donc ça ne m'est pas venu par une aspiration, c'était une volonté de me coltiner la langue. Mais en passant par le corps, par le fait d'être actif. C'est pour ça qu'on trouve peut-être que mon écriture est cinématographique. Il y a quand même tout un travail derrière qui fait que certaines choses sont faites comme des scènes. Il y a aussi cette idée-là.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant dans cette écriture également, c'est que c'est une écriture qui n'est pas stylisée de façon actuelle. Ce que j'entends par là, c'est qu'on sent que vous aimez bien le passé simple. Beaucoup d'éditeurs ont envie de le gommer et de dire « non, non, non, les gens ne lisent plus cela » . Non, non, gardez votre style. Vous maîtrisez cela ?

  • Speaker #1

    Pour l'instant, c'est comme ça. Peut-être qu'après, ça va changer. Il y a des périodes, oui. Dans la vie, il y a des périodes avec des styles, des choses qu'on... Voilà. Il y a des sujets qui mènent aussi à d'autres choses.

  • Speaker #0

    Mais là, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #1

    Voilà, ça allait bien avec ça.

  • Speaker #0

    Yonesco va faire un vrai ou faux Eva Ionesco, vrai ou faux, vers 6 ans, vous passiez par la fenêtre de l'appartement où vous habitiez, au sixième étage, pour marcher sur un petit rebord le long de la façade de l'immeuble.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'étais une petite fille très suicidaire.

  • Speaker #0

    À 6 ans.

  • Speaker #1

    Mais très tôt, parce que j'étais dans des situations qui étaient extrêmement violentes et où en fait, il fallait que je sorte de cette situation. Mais je n'avais pas les moyens de le sortir parce que j'étais trop petite. On voit les enfants parfois, on se dit, on ne comprend pas, ils font des crises par terre, ils se roulent, bon ben c'est des crises d'enfants. Moi j'étais suicidaire, je passais par les fenêtres, je traversais le boulevard en courant, je commettais des choses violentes sur moi-même, je m'attaquais. Je n'attaquais pas les autres enfants, mais je m'attaquais moi. Donc c'est difficile parce que je veux dire, quand on est en souffrance, etc., on pense à la mort. Donc très tôt, très jeune, j'ai pensé à la mort. La mort a toujours été présente. J'ai vu aussi dans un univers assez macabre. Et la mort est quelque chose qui a toujours été, parfois moins, mais quand même très présenté. Maintenant, bon, effectivement, il y a beaucoup d'enfants qui vivent des choses terribles. Mais bon, vous me disiez ?

  • Speaker #0

    On parlait justement de, est-ce que c'était vrai ou faux ? Donc c'est vrai, vous marchiez le long de cette façade d'immeuble au sixième étage.

  • Speaker #1

    Oui, enfin bon, maintenant, il y a tellement des choses terribles, tous les enfants partout dans le monde, que si vous voulez, bon, un rembord d'immeuble.

  • Speaker #0

    Alors, vrai ou faux, petite, on vous a fait votre thème astral, et c'était écrit que vous seriez écrivain.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, c'est très curieux parce qu'en fait, c'est mon père qui me l'avait offert. Et c'était une énorme machine. C'était, je crois que c'était IBM. Et c'était au Champs-Élysées. Et les gens allaient faire leur thème astral. Et c'est dommage parce que ça sortait comme un papier fax. Et donc, le truc s'est effacé au bout d'un temps. Mais c'était très, très long. Et ça se déroulait comme une espèce d'énorme langue de papier, etc. Et à l'intérieur, il y a marqué que j'allais devenir écrivain. Mais moi, je suis l'actrice. Je ne vais pas devenir écrivain. Et en fait, j'étais inscrite et les M étaient justes.

  • Speaker #0

    Tu as toujours raison.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, c'est curieux. Là, le machine, les BM, ont raison.

  • Speaker #0

    C'est amusant. Vrai ou faux, vous vous êtes mise à écrire sur vous parce que vous en aviez marre qu'on raconte votre vie à votre place.

  • Speaker #1

    Non, je me suis mise à écrire sur moi parce que c'est un travail que je faisais depuis longtemps et que j'avais commencé à écrire à Nanterre, en fait. Et même avant, j'y avais bien longtemps. Et j'écrivais d'autres choses. J'écrivais même des choses qui n'étaient pas du tout autobiographiques, etc. Sauf que c'est des choses qui se font lentement, parce que j'ai toujours eu dans ma vie des bagarres autres. La vie est une jungle dans laquelle il faut se bagarrer. Et à un moment donné, j'ai trouvé des éditeurs et la possibilité de me ressaisir. Vous savez, il faut un cadre quand même pour écrire. Ça a une certaine forme de luxe aussi. Il faut le trouver, quoi. Donc voilà, j'ai trouvé la manière, enfin, de pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Votre livre « Grand amour » qui vient de paraître, clôt une trilogie ?

  • Speaker #1

    De l'enfance, j'arrête avec l'autobiographie.

  • Speaker #0

    Justement.

  • Speaker #1

    Mais là, j'arrête. Il y a eu deux films et trois livres.

  • Speaker #0

    Donc justement, en fait, c'est la question que j'allais vous poser. Quelle est la part de fiction ou du romanesque, de romancer en tout cas, dans ce que vous écrivez ? Et dans ce que vous auriez éventuellement envie d'écrire ensuite ?

  • Speaker #1

    Vous savez, il y a deux types de gens. Il y a des gens qui ont des vies formidables, qui puissent en faire des romans. Et puis il y a des gens qui ont des vies qui ne sont pas formidables, mais qui font des romans et qui inventent des choses. Disons que là, j'ai inventé des choses, une part de romanesque. et une part de réalité, parce que je trouvais que ma vie était romanesque. Donc, ces deux éléments se sont conjugués pour faire la livre. Après, les souvenirs, ils se choisissent. Il y a eu des choix, des volontés d'aller dans une direction plutôt que dans une autre. Le dernier livre, c'est une histoire d'amour. Celui d'avant, c'est ma rencontre avec Christian Louboutin, qui était une histoire d'amitié. Celui d'avant, c'était l'histoire avec mon père, qu'on disait qu'il était un nazi. Et c'est une enquête sur mon père à travers des femmes. qui ne voulait pas d'hommes. Là, on comprend que ma mère me photographie, etc. Donc, elle met en place ce dispositif. C'est où on est au tout début. Et moi, j'ai fait cette enquête sur mon père, dont j'avais toujours eu peur qu'il tue des gens, etc. J'ai fait des recherches et j'ai trouvé certaines choses sur le mal, en fait, l'histoire du mal, parce qu'on me disait que c'était un terrible nazi, etc. Et donc, de m'approprier un tout petit peu son histoire. Je suis allée en Allemagne faire des recherches, mais c'était compliqué pour moi parce que mon père ne m'avait pas reconnue. Donc je n'avais aucune légitimité, en fait, nulle part. Alors il aurait fallu que j'ai de l'argent, que j'aille chez du lit de détective, qui n'existe plus mais qui marche très bien, ou que j'engage un détective. Donc en fait, j'ai fait avec les moyens du bord, comme on dit.

  • Speaker #0

    Il y a toujours une quête dans tout ce que vous faites.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    C'est quoi la quête aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ah là, je ne peux pas parler du prochain livre.

  • Speaker #0

    Il y aura un prochain livre ?

  • Speaker #1

    Oui, je suis en train d'entraîner dessus, oui. Mais je ne peux pas en parler parce que c'est assez vaste. Il n'y aura pas de chômage, il n'y aura pas d'enfants stomatisés, il n'y aura pas d'abus. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses folles, mais on n'est pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    C'est réjouissant ou ça effraie d'écrire quand on est Eva Ionesco ?

  • Speaker #1

    L'écriture, ça mange toute la vie. Donc, quand on écrit, on n'a pas d'autre vie. Moi, j'en m'en vais, je m'éloigne, je vis seule, j'écris seule. De temps en temps, je reviens à Paris, je vois des amis, etc. Mais pour écrire et faire des livres, on n'a pas de vie. La vie, elle est dans les livres. Moi, je suis à un âge maintenant, ma vie, je peux toujours vivre, mais elle est quand même faite. Donc, si vous voulez, la vie, c'est les livres. C'est fini, j'espère.

  • Speaker #0

    Vous vivez encore plein de choses. J'espère.

  • Speaker #1

    Mais j'espère que voilà, j'espère d'abord que les livres seront traduits, que ces films auront...

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de personnages qui sont croqués dans ce livre Grand Amour. Évidemment, certaines personnes sont décédées, je pense à l'impact à 10, mais d'autres sont toujours là, comme Pierre et Gilles, comme C'est le Grand Amour, Charles Surya. Vous revoyez un peu cette bande ?

  • Speaker #1

    Pierre et Gilles, on se voit régulièrement. Charles, on s'est toujours vus, on est amis. Parfois, il n'y va pas vivre à New York pendant des années, donc je ne le vois pas forcément. Mais on est restés liés, amis, soudés et on se revoit. J'aime bien cette idée-là d'écrire aussi pour les amis. C'est Ville Morin. qui écrivait aussi des choses comme ça. Alors, je n'aime pas tout d'elle, mais dans Proust, il y a cette idée-là aussi. Mais bon, elle est un peu fallacieuse, mais bon, elle existe. Mais oui, j'aime bien cette idée d'écrire aussi pour ses amis qui, finalement, forment une famille.

  • Speaker #0

    Il fallait mettre cela pour papier pour mieux s'en souvenir.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    Il y a un côté testament.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Il en a pensé quoi, Charles Serruya, à la lecture du livre ?

  • Speaker #1

    Il a aimé.

  • Speaker #0

    J'imagine.

  • Speaker #1

    Il a aimé, il a aimé.

  • Speaker #0

    C'est un beau témoignage.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un beau témoignage. Oui, il a aimé, bien sûr.

  • Speaker #0

    Il y a une page dans ce livre, j'hésitais à la lire, où vous racontez toutes les personnes que vous voyez quand vous êtes à New York. Il y a toute une... J'allais dire une galerie de portraits, mais c'est avec le recul.

  • Speaker #1

    J'aime bien dire, elle m'a marqué les listes, tout ce qu'il y a, tous les sacs, tous les détails de vêtements, tous les gens qu'il y avait, les marqués, etc. C'est une tradition d'écrire comme ça. Moi, j'ai beaucoup lu dans les livres. Bonit de Cazlan, Je reviens à Pouce, enfin il y a plein de gens qui écrivent de cette manière en fait.

  • Speaker #0

    Est-ce que de montrer ce foisonnement c'est une façon également de dire, aujourd'hui c'est un peu plus chiant qu'hier, la vie, la fête, ou Paris ?

  • Speaker #1

    Non, aujourd'hui je pense pas que c'est plus chiant, c'est juste que moi mon action elle se passe dans les années 80, je fais des allers-retours avec le présent assez régulièrement, donc tout ne se passe pas complètement là, puisqu'il y a des allers-retours passé-présent. Il se trouve que dans ce livre, on traverse une fête, mais je dois dire que dans le dernier, je m'attache plutôt à la relation et que c'est devenu comme un décor de fond. Je disais d'ailleurs une phrase quand on traversait ces fêtes, comme d'autres ont voulu faire la guerre. Enfin, je veux dire, il y a quelque chose de dérisoire.

  • Speaker #0

    Vous faites la fête aujourd'hui encore ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    de temps en temps pas trop.

  • Speaker #1

    De temps en temps pas trop ? Oui, de temps en temps,

  • Speaker #0

    oui. J'espère bien. Ce podcast s'appelle Un Café au Comptoir. On a une tradition à la fin de ce podcast, c'est de faire un quiz, de poser des questions sur l'univers de la boisson, du café, tout ça. Alors, première question, qu'est-ce qui s'est passé au bain-douche en 1984 avec Gainsbourg pour que tout l'alcool disparaisse ? Est-ce que vous avez une idée ? Tout l'alcool un soir ? 1984 au bain douche tout l'alcool a disparu.

  • Speaker #1

    Je ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #0

    Tu ne sortais plus en 1984.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, je ne suis pas au courant.

  • Speaker #0

    Et bien un soir de 1984 Serge Gainsbourg débarque au bain douche déjà bien imbibé. Il est assez agacé parce qu'il y a beaucoup de monde donc il donne un billet au patron et il dit « Servez tout le monde, je paye pour tout le monde » . Et en une heure le bar était absolument vidé. Pour la petite histoire il paraît qu'il a fait lui-même revenir de l'alcool d'un hôtel d'à côté. Il y avait des comportements exubérants à ce moment là.

  • Speaker #1

    Surtout lui, il était très connu pour ses comportements exubérants. C'est quand même un peu son trait de caractère. Il était un peu marqué exubérant.

  • Speaker #0

    Vous l'avez croisé ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Parce que mon ami Bambou...

  • Speaker #0

    Son ex-femme ?

  • Speaker #1

    Son ex-femme qui est dans le livre aussi, qui porte un pseudo nuit, enfin son nom quoi. C'était notre amie.

  • Speaker #0

    Vous avez visité sa maison ou pas ? Depuis qu'elle est ouverte ?

  • Speaker #1

    Non, non, ça me fait peur.

  • Speaker #0

    C'est étrange ? Oui, bon, je ne peux pas en venir. Que s'est-il passé au Palace un soir de 1982 avec une baignoire remplie de champagne ?

  • Speaker #1

    C'était au cours d'une fête, c'était sur, je crois, alors soit c'est Paquita qui se baignait pour faire... les paquitanes, ou alors c'était je pense un truc pour réaliser les fantasmes. Chacun devait faire des fantasmes, mais je pense que Paquita voulait se faire mettre dans un chaudron. Alors c'est pas une baignoire, c'est un chaudron, il se faisait dévorer par des Africains. Fantasme de Paquita. Et sinon il y avait aussi une baignoire sous verre. Et on visitait des filles qui étaient dans des baignoires avec du champagne, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Il y a un truc, moi j'avais entendu parler de cette histoire qu'un soir de 1982, une héritière suisse qui se faisait appeler la baronne avait décidé que boire du champagne ne suffisait plus, elle veut se baigner dedans et elle a fait vider plus de 100 bouteilles de mouettes et chandons pour la remplir. Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait possible.

  • Speaker #0

    Encore une fois, la folie du moment. Dernière question, qu'est-ce qui a fait que le mojito devienne le cocktail le plus prisé du Studio 54 en 1980 ?

  • Speaker #1

    Alors ça franchement, c'est une question.

  • Speaker #0

    C'est un Pianca Jäger qui demande un mojito au bar du Studio 54. Le barman lui dit, on ne sert pas ça ici, c'est trop provincial. Le gars se fait virer, évidemment. Et donc le lendemain, le patron, pour s'excuser, fait venir un mixologue cubain, un barman cubain, qui fait des mojitos pour tout le monde. Et ça devient tout le gratin, ça devient vraiment le cocktail le plus prisé du moment.

  • Speaker #1

    C'est brésilien, mojito ?

  • Speaker #0

    C'est cubain.

  • Speaker #1

    C'est cubain.

  • Speaker #0

    ou si tu baisses le jour bien sûr c'est plus basse non mais là on est au café là c'est le matin tranquille merci beaucoup et bien on est d'avoir répondu à ces questions le livre du moment c'est comment t'amour aux éditions Robert Laffont et je le conseille énormément pour toutes les personnes qui écoutent ce podcast merci beaucoup vous avez écouté un café au comptoir petit mot habituel de chaque fin de podcast et bien allez sur Apple Podcast mettez 5 étoiles c'est encore mieux Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, ça nous en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très très bientôt pour un nouveau café.

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