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VIRAGE(s) - Saison 1 et 2

Virages - Sols en ville - Réinventer la fabrique urbaine

Virages - Sols en ville - Réinventer la fabrique urbaine

18min |26/06/2024
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Description

Que savons des sols qui se trouvent sous nos pieds ? Les sols de nos villes ne sont pas uniquement des surfaces sur lesquelles nous nous déplaçons et construisons. Ce sont aussi des milieux vivants qui remplissent des fonctions essentielles à l’habitabilité de la Terre.


Cependant, ils subissent de fortes pressions. Dégradés, lessivés, artificialisés, épuisés, les sols urbains sont soumis à des dommages aux conséquences délétères, et parfois irréparables. Selon les types de sol, 100 à 1000 ans sont nécessaires pour créer 1 cm de sol. En cause, notre méconnaissance des sols et nos pratiques d’aménagement. Alors n’est-il pas de temps de changer de regard ? Sommes nous prêts à prendre le virage ?

Audrey Guiraud, environnementaliste et responsable de l’agence Citadia Sud-Ouest (groupe SCET), nous invite à changer de regard sur la fabrique de la ville, dans le podcast Virages, en convoquant un nouvel imaginaire urbain : ménager plutôt qu'aménager le territoire. Il est temps d’envisager les sols non plus en tant que simple surface à construire, mais comme une épaisseur vivante dont il faut préserver la qualité pour améliorer l’habitabilité des villes et faire face aux changements climatiques.


Enregistré à Montauban, le 16 juin 2024

Invité : Audrey Guiraud

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage. Saison 2, épisode 1, un podcast de la Caisse des dépôts. Maintenant Axel, s'écria le professeur d'une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notre voyage commence. Ces quelques mots, extraits du Voyage au centre de la Terre, pourraient être le début de notre conversation d'aujourd'hui, dans laquelle je serai bien sûr Axel, tandis qu'Audrey Guiraud, directrice d'études et responsable de l'agence Sud-Ouest chez Evenconseil, serait l'enthousiaste professeur Lidenbrock. Sans aller aussi loin ni profond que Jules Verne, nous allons tenter de saisir la richesse et l'importance des sols que nous foulons sans plus même y penser, de mesurer le danger que fait peser sur eux et sur nous leur artificialisation galopante, Mais surtout, nous porterons nos regards sur les solutions proposées pour prévenir ce danger, les virages que nous pourrions prendre à l'avenir. Bonjour Audrey Kéron.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Alors avant de nous plonger dans notre sujet, et on va vraiment plonger dedans puisqu'on va même aller sous terre, puisque nous allons parler des espaces naturels qui nous entourent et donc des sols en particulier, j'ai une question pour vous qui avait sillonné la Guyane pendant 12 ans, mais j'imagine bien d'autres espaces naturels encore. Pourquoi diriez-vous que la nature est importante pour vous ? Qu'est-ce qu'elle vous apporte ? Quelles relations vous entretenez avec elle ?

  • Speaker #1

    Mon rapport à la nature a toujours été une évidence, puisqu'effectivement j'ai très vite su que non seulement je voulais être toujours connectée à la nature, mais en plus que ça soit aussi mon travail, ma vie au quotidien. J'ai effectivement... J'ai eu la chance de partir en Guyane, de sillonner la Guyane, la forêt amazonienne, mais aussi en pirogue, de très nombreuses missions au cœur de la nature. J'ai eu l'occasion de monter sur le Haut-Maroni, au-dessus de Maripasoula, Antekumpata, vivre dans ces espaces comme le Maroni, avec les communautés bouchinangues. Aujourd'hui, je continue à sillonner les territoires des Landes en passant par les Pyrénées-Orientales ou même à Montauban où je vis aujourd'hui. Et ce que j'aime, c'est la diversité des paysages. Je suis quelqu'un de très curieux et je trouve ça très enrichissant de comprendre les relations de l'homme et de la nature.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir partagé avec nous un petit peu de votre nature, au propre comme au figuré. Alors allons-y pour les sols. La loi Climat et Résilience d'août 2021 semble marquer un tournant dans la prise de conscience. que nos sols sont des organismes vivants et dont les ressources ne sont pas infinies et qu'ils courent présentement un danger lié à leur artificialisation. Quels sont selon vous les symptômes qui rendent d'un coup cette urgence évidente pour tout le monde et font que personne ne peut plus ignorer la situation ?

  • Speaker #1

    Alors beaucoup de facteurs aujourd'hui, notamment des problématiques dans l'espace urbain où on voit bien sûr des problématiques d'inondations, de ruissellement, mais aussi des problèmes beaucoup plus récents et beaucoup plus forts qui sont ceux notamment du retrait et gonflement des argiles où aujourd'hui on voit craquer des maisons. qui ont peut-être 100 ans. Et ça, c'est vraiment une réalité qu'on peut vivre. Et c'est la manière dont on a aménagé et continué à imperméabiliser les sols, notamment les sols urbains, puisque les sols ne respirent plus. Les sols sont tellement compactés qu'ils sont, même s'ils ne sont pas sous du bitume, complètement imperméables. On a des sols... qui ne sont plus vivants. Aujourd'hui, on a des sols qui sont morts dans les espaces urbains.

  • Speaker #0

    On sent bien quand vous en parlez qu'on est vraiment au pied du mur, que ce soit les individus, les élus, les collectivités dans leur ensemble. On a envie de se poser la question et du coup, je vais la poser à vous. Comment on en est arrivé là ? Qu'est-ce qui a fait dans nos pratiques, dans nos politiques, dans notre approche du territoire ? On s'est laissé glisser si loin au pied du mur.

  • Speaker #1

    On a oublié de se connecter à l'essentiel, c'est-à-dire aux vivants. et et à ce qui nous entourait. Et donc, on n'a pas construit ou bâti la ville comme on a pu le faire avant, en fait, en fonction de ce qu'on avait, du sol, de la géographie du territoire, mais par rapport à des besoins. Donc, non seulement on a bâti en surface, mais tout ce qui nous gênait, en fait, a été enterré, notamment tout ce qui est réseau. Aujourd'hui, même si le regard est quand même en train d'évoluer, on perçoit vraiment le sol comme une... une surface presque inerte sur laquelle on va déposer des constructions.

  • Speaker #0

    Si on prend un petit peu de recul, et pour être certain que chacun prenne la mesure du sujet et de ses enjeux, si on devait définir les fonctions primordiales du sol dans nos équilibres à tous, qu'est-ce que vous citeriez ?

  • Speaker #1

    Alors, beaucoup de choses, mais peut-être d'abord revenir sur la notion de ce que c'est un sol. donc on se rend compte qu'on est sur... Une vision abstraite, finalement, on a du mal à vraiment se dire de quoi on parle quand on parle vraiment de sol. Donc, on parle de terre végétale et les scientifiques parlent des fois de terre animale, tellement on a de micro-organismes, d'éléments qui sont vivants dans le sol. Et aujourd'hui, il recouvre quatre fonctions, celui de la biomasse, de la régulation de l'eau. c'est un énorme moyen de pouvoir stocker du carbone. Il faut savoir que le sol stocke trois fois plus que l'atmosphère. Et bien sûr, un réservoir de biodiversité.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez le sentiment, vous qui accompagnez tous les aménageurs de l'espace urbain notamment, est-ce que vous avez le sentiment que cette connaissance est suffisamment partagée par ceux qui pratiquent les sols ?

  • Speaker #1

    C'est des réflexions nouvelles qui ont été apportées notamment... Grâce à cette loi, la loi climat résilience, aujourd'hui, avec les notions de zéro artificialisation nette, ça nous a permis d'ébaucher la question d'arrêter de consommer l'espace, parce qu'on s'intéresse à ces espaces qu'on va vouloir préserver.

  • Speaker #0

    Alors justement, au rayon des solutions déployées pour préserver nos sols, l'objectif ZAN, zéro artificialisation nette, qui est porté par la loi climat et résilience que vous évoquiez, cet objectif engage les territoires à respecter un objectif chiffré. Est-ce que de votre point de vue, cette approche quantitative, d'abord est-ce qu'elle vous convient et est-ce qu'elle vous semble suffisante pour restaurer l'équilibre de nos sols et le ménager dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    La loi climat résilience on est vraiment sur des notions de sobriété foncière. Pour autant, dans cette loi, il est clairement précisé que l'artificialisation, c'est bien l'altération durable de toute ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques. Donc on voit bien ces interrelations qu'on peut avoir avec toutes les fonctionnalités. Et du coup, on est bien dans des injonctions un peu contradictoires, où on va être sur du quantitatif, sur des éléments qui ne le sont pas. puisqu'on voit qu'on ne peut pas remplacer un sol par rapport au rôle qu'il va jouer, les fonctionnalités avec l'ensemble de son environnement, avec une simple comptabilité de ce qu'on va pouvoir artificialiser et désartificialiser. Alors que finalement, tout ce qu'on vient de se dire, tout ce qu'on a perdu et les besoins qu'on a de se reconnecter au sol et de ses fonctionnalités, on est bien sur une approche qualitative et donc une approche beaucoup plus complexe finalement. puisque les fonctionnalités et la manière dont ces espaces communiquent entre eux, c'est tout ce qu'on ne voit pas en fait, c'est l'invisible, c'est le sol. On a beaucoup d'espaces agricoles comme des espaces interstitiels, des espaces vides finalement dans l'espace urbain, qui ne sont pas utilisés ni pour se déplacer, ni pour vivre. C'est très intéressant parce qu'on se rend compte que souvent ces espaces sont maillés les uns avec les autres, mais c'est un regard qu'il faut complètement changer, qu'il faut complètement inverser. Et donc, on s'intéresse à une... nouvelle trame qui est celui de la trame brune, celui de la continuité des sols et de la manière dont ces espaces, ces sols communiquent entre eux. Alors, aujourd'hui, on est vraiment au balbutiement des réflexions puisqu'en fait, on manque de données. Donc, il y a énormément de travaux qui sont lancés, de recherches. On demande en fait aux documents d'urbanisme, aux aménageurs de l'intégrer au travers de schémas de cohérence territoriale, de les dessiner, de les cartographier. Mais on a encore beaucoup de difficultés à pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Et ces espaces-là, ces espaces interstitiels, jusqu'où on peut leur redonner des propriétés qui sont utiles à notre équilibre en termes de stockage de carbone, en termes de circulation de l'eau, en termes de végétalisation et d'îlot-spresher ?

  • Speaker #1

    Alors c'est des espaces qui peuvent être considérés notamment pour tout ce qui est renaturation des sols, puisque aujourd'hui on doit faire avec. Et notamment ce maillage des interstices en lien avec la trame brute, une continuité des sols justement, c'est des réflexions assez nouvelles qui nous obligent à travailler en dentelle, d'être dans une approche très qualitative, très fine en fait de ces espaces-là. qui appellent aussi des compétences nouvelles autour des sols.

  • Speaker #0

    On va parler un peu d'avenir, pour se donner du baume au coeur, parce qu'on voit bien qu'il y a plein de choses à régler. Vous accompagnez des territoires dans leur mission d'aménagement. Vous avez sans doute même des oreilles qui portent au-delà de vos territoires d'action et qui entendent peut-être ce qui se fait ailleurs, au-delà de chez nous. Est-ce que vous avez en tête, est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez entendu parler d'initiatives qui ouvrent la voie à l'approche qualitative que vous appelez de vos voeux au sujet des sols et qui pourraient demain être adoptés à grande échelle pour porter secours à nos sols et réformer former vraiment en profondeur nos pratiques d'aménagement et le regard qu'on pose sur nos sols.

  • Speaker #1

    Dans le cadre de cette loi climat résilience, il y a eu des appels à manifestation d'intérêt en France autour d'expériences sur des territoires. Et alors il se trouve que nous avions accompagné il y a quelques années un territoire du côté des Landes, Marraine-Adour-Côte-Sud, donc la communauté de communes de Max. Merci. Et c'est un territoire expérimental qui a beaucoup intéressé l'ADEME parce qu'il y a une très forte pression en termes d'urbanisme. On a des enjeux très forts autour de la submersion marine, des risques. On a vraiment un très bon cas d'école avec des remontées de nappes. Et donc, ils ont répondu favorablement à cet appel à manifestation. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient travaillé, suite à ce PLUI, sur un nouveau projet de territoire. En se disant, finalement, ce qui nous intéresse, c'est la question des ressources. En fait, ce qu'on veut, c'est garder notre alimentation, garder la qualité de nos espaces et donc de nos ressources naturelles. La loi ZAN est arrivée et donc ils ont décidé de s'intéresser à leur sol et de réinterroger le plan local d'urbanisme intercommunal à l'aune de la qualité des sols. Dans les Landes, on est sur un sol plutôt sableux. Et en réalité, quand ils ont commencé à travailler vraiment sur la constitution des sols, on s'est rendu compte qu'on avait des espaces argileux, limonaux, sableux. On n'avait pas un sol homogène comme on avait pu l'imaginer. Et quand ils ont fait ce travail très approfondi sur les sols, cela a remis en question les choix d'aménagement qui avaient pu être portés et donc parfois des achats qui avaient été faits pour. pour faire des constructions, mais il se trouve qu'il y avait un tel potentiel agronomique, une telle qualité des sols, où parfois, tout simplement, c'était des zones humides qui jouent un rôle d'éponge, un rôle majeur en termes de biodiversité sur le territoire, qu'ils ont renoncé à certains espaces.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui fait aujourd'hui que ça ne se passe pas toujours comme ça ? Qu'est-ce qui freine le... L'exploration aussi minutieuse, approfondie de la qualité et des potentiels des sols. Et qu'est-ce qu'il faut faire pour desserrer ces freins ?

  • Speaker #1

    Le premier, c'est le coût. Le coût engagé et la durée. J'étais hier justement dans les Landes. On a des endroits où on est venu construire des parkings, mais il y avait des gros problématiques à l'aval de ruisse allemand, des problématiques de remontée de nappes. Et donc là, ils se sont lancés dans la désimperméabilisation en lien avec le fonds vert instruit par l'agence de l'eau. Et les coûts s'élèvent à 1,7 million d'euros. Il faut imaginer qu'il y a 10 ans, en fait, on a payé la construction de ce parking. Et aujourd'hui, les communes payent la désimperméabilisation. Et quand on parlait de lever des freins, en fait, c'est vraiment tout le travail, notre travail aussi, de pédagogie et de prise de hauteur en se disant, est-ce qu'on continue à mettre des rustines où, effectivement, on est dans l'anticipation et dans la prise de conscience du renoncement de la consommation de certains espaces pour le rôle rendu aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez vu ou entendu d'autres choses qui vous laissent penser qu'on va dans le bon sens, que les esprits se délient et s'ouvrent à de nouvelles approches ?

  • Speaker #1

    Je travaille sur des territoires qu'on appelle des SCOT, des schémas de cohérence territoriale. C'est des territoires très vastes qui recouvrent plusieurs EPCI, c'est-à-dire plusieurs communautés de communes. Et en fait, j'entends de paroles d'élus, on va peut-être réfléchir différemment et ne plus aménager, mais ménager les sols. Merci. Et j'ai entendu dernièrement la notion de, et les sols, est-ce qu'il ne faudrait pas les considérer comme un bien commun aujourd'hui et pas uniquement une valeur foncière ?

  • Speaker #0

    Juste pour être sûr de bien comprendre, quand vous parlez que le sol devienne un bien commun, est-ce que c'est vraiment refondre ? Totalement la notion de propriété du sol ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on achète un sol, on achète du foncier, mais on ne prend pas en compte les valeurs, le rôle rendu par les sols. Et cette notion de bien commun, elle est à son balbutiement. Et il n'y a pas la notion du vivant dans cette approche.

  • Speaker #0

    Audrey, si vous voulez bien, on va finir sur une note un petit peu plus personnelle et directement liée au thème de ce podcast, les virages. Si je vous demande, Audrey, le virage le plus important que vous ayez eu à négocier jusqu'ici, que me diriez-vous ?

  • Speaker #1

    C'est celui du métier que je fais aujourd'hui, c'est-à-dire celui de la planification et de la réflexion sur le long terme. finalement on réfléchit dans l'anticipation et quel héritage on va laisser sur les territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a un virage que vous n'avez pas encore pris et que vous comptez bien prendre ou espérez prendre ?

  • Speaker #1

    Le virage que je n'ai pas pris, mais je pense qu'on devrait tous prendre, c'est notre reconnexion au vivant. Je l'ai dit plusieurs fois, mais c'est vrai que dans cette approche des sols, on a vraiment cette notion du vivant. Et aujourd'hui, il ne prend pas assez de place dans notre quotidien. on sait à un moment donné que déconnectée de l'évidence. Le sol, on l'a dit, c'est une ressource non renouvelable, c'est-à-dire qu'à l'échelle de l'homme, elle ne viendra pas se reconstituer. C'est 8 mm pour 100 ans de reconstitution d'un sol et il est important d'en prendre conscience aujourd'hui. Et clairement, c'est un virage qu'on devrait tous prendre et moi aussi.

  • Speaker #0

    Un dernier virage, c'est celui que vous aurez fait prendre un livre que vous avez lu et qui vous a... bouleversée, désarçonnée, interrogée au point de prendre un virage.

  • Speaker #1

    Il se trouve que je lis actuellement, je ne l'ai pas encore terminé, le livre de John Steinbeck, Les raisins de la colère. Et toute la première partie m'a beaucoup marquée, puisque c'est l'histoire d'une famille qui, après le krach de 1929, face à la crise, décide de partir sur la route. en Californie notamment, ils n'ont plus rien pour vivre en fait. Les sols sont secs et il y a vraiment toute cette partie très descriptive de sols complètement arides, de sols qu'on est venus épuiser. Et donc voilà, j'ai trouvé que ce lien avec le sol, c'est un livre d'il y a presque 100 ans, et il montre en fait la manière dont l'homme se détache de la terre et la terre devient un support à ce moment-là. Et on n'est plus dans un lien viscéral avec la Terre. Donc voilà, ça m'avait beaucoup marquée avant de savoir que j'allais faire le podcast.

  • Speaker #0

    Eh bien, lire les raisons de la colère pour se reconnecter au vivant. Tous vos virages sont connectés, comme la trame brune, les uns avec les autres. Merci beaucoup, Audrey et Guiraud. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts. C'était le premier épisode de cette deuxième saison et on se retrouve dans quelques semaines pour un nouvel épisode. où on s'intéressera aux forêts.

  • Speaker #2

    Très vite.

Description

Que savons des sols qui se trouvent sous nos pieds ? Les sols de nos villes ne sont pas uniquement des surfaces sur lesquelles nous nous déplaçons et construisons. Ce sont aussi des milieux vivants qui remplissent des fonctions essentielles à l’habitabilité de la Terre.


Cependant, ils subissent de fortes pressions. Dégradés, lessivés, artificialisés, épuisés, les sols urbains sont soumis à des dommages aux conséquences délétères, et parfois irréparables. Selon les types de sol, 100 à 1000 ans sont nécessaires pour créer 1 cm de sol. En cause, notre méconnaissance des sols et nos pratiques d’aménagement. Alors n’est-il pas de temps de changer de regard ? Sommes nous prêts à prendre le virage ?

Audrey Guiraud, environnementaliste et responsable de l’agence Citadia Sud-Ouest (groupe SCET), nous invite à changer de regard sur la fabrique de la ville, dans le podcast Virages, en convoquant un nouvel imaginaire urbain : ménager plutôt qu'aménager le territoire. Il est temps d’envisager les sols non plus en tant que simple surface à construire, mais comme une épaisseur vivante dont il faut préserver la qualité pour améliorer l’habitabilité des villes et faire face aux changements climatiques.


Enregistré à Montauban, le 16 juin 2024

Invité : Audrey Guiraud

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage. Saison 2, épisode 1, un podcast de la Caisse des dépôts. Maintenant Axel, s'écria le professeur d'une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notre voyage commence. Ces quelques mots, extraits du Voyage au centre de la Terre, pourraient être le début de notre conversation d'aujourd'hui, dans laquelle je serai bien sûr Axel, tandis qu'Audrey Guiraud, directrice d'études et responsable de l'agence Sud-Ouest chez Evenconseil, serait l'enthousiaste professeur Lidenbrock. Sans aller aussi loin ni profond que Jules Verne, nous allons tenter de saisir la richesse et l'importance des sols que nous foulons sans plus même y penser, de mesurer le danger que fait peser sur eux et sur nous leur artificialisation galopante, Mais surtout, nous porterons nos regards sur les solutions proposées pour prévenir ce danger, les virages que nous pourrions prendre à l'avenir. Bonjour Audrey Kéron.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Alors avant de nous plonger dans notre sujet, et on va vraiment plonger dedans puisqu'on va même aller sous terre, puisque nous allons parler des espaces naturels qui nous entourent et donc des sols en particulier, j'ai une question pour vous qui avait sillonné la Guyane pendant 12 ans, mais j'imagine bien d'autres espaces naturels encore. Pourquoi diriez-vous que la nature est importante pour vous ? Qu'est-ce qu'elle vous apporte ? Quelles relations vous entretenez avec elle ?

  • Speaker #1

    Mon rapport à la nature a toujours été une évidence, puisqu'effectivement j'ai très vite su que non seulement je voulais être toujours connectée à la nature, mais en plus que ça soit aussi mon travail, ma vie au quotidien. J'ai effectivement... J'ai eu la chance de partir en Guyane, de sillonner la Guyane, la forêt amazonienne, mais aussi en pirogue, de très nombreuses missions au cœur de la nature. J'ai eu l'occasion de monter sur le Haut-Maroni, au-dessus de Maripasoula, Antekumpata, vivre dans ces espaces comme le Maroni, avec les communautés bouchinangues. Aujourd'hui, je continue à sillonner les territoires des Landes en passant par les Pyrénées-Orientales ou même à Montauban où je vis aujourd'hui. Et ce que j'aime, c'est la diversité des paysages. Je suis quelqu'un de très curieux et je trouve ça très enrichissant de comprendre les relations de l'homme et de la nature.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir partagé avec nous un petit peu de votre nature, au propre comme au figuré. Alors allons-y pour les sols. La loi Climat et Résilience d'août 2021 semble marquer un tournant dans la prise de conscience. que nos sols sont des organismes vivants et dont les ressources ne sont pas infinies et qu'ils courent présentement un danger lié à leur artificialisation. Quels sont selon vous les symptômes qui rendent d'un coup cette urgence évidente pour tout le monde et font que personne ne peut plus ignorer la situation ?

  • Speaker #1

    Alors beaucoup de facteurs aujourd'hui, notamment des problématiques dans l'espace urbain où on voit bien sûr des problématiques d'inondations, de ruissellement, mais aussi des problèmes beaucoup plus récents et beaucoup plus forts qui sont ceux notamment du retrait et gonflement des argiles où aujourd'hui on voit craquer des maisons. qui ont peut-être 100 ans. Et ça, c'est vraiment une réalité qu'on peut vivre. Et c'est la manière dont on a aménagé et continué à imperméabiliser les sols, notamment les sols urbains, puisque les sols ne respirent plus. Les sols sont tellement compactés qu'ils sont, même s'ils ne sont pas sous du bitume, complètement imperméables. On a des sols... qui ne sont plus vivants. Aujourd'hui, on a des sols qui sont morts dans les espaces urbains.

  • Speaker #0

    On sent bien quand vous en parlez qu'on est vraiment au pied du mur, que ce soit les individus, les élus, les collectivités dans leur ensemble. On a envie de se poser la question et du coup, je vais la poser à vous. Comment on en est arrivé là ? Qu'est-ce qui a fait dans nos pratiques, dans nos politiques, dans notre approche du territoire ? On s'est laissé glisser si loin au pied du mur.

  • Speaker #1

    On a oublié de se connecter à l'essentiel, c'est-à-dire aux vivants. et et à ce qui nous entourait. Et donc, on n'a pas construit ou bâti la ville comme on a pu le faire avant, en fait, en fonction de ce qu'on avait, du sol, de la géographie du territoire, mais par rapport à des besoins. Donc, non seulement on a bâti en surface, mais tout ce qui nous gênait, en fait, a été enterré, notamment tout ce qui est réseau. Aujourd'hui, même si le regard est quand même en train d'évoluer, on perçoit vraiment le sol comme une... une surface presque inerte sur laquelle on va déposer des constructions.

  • Speaker #0

    Si on prend un petit peu de recul, et pour être certain que chacun prenne la mesure du sujet et de ses enjeux, si on devait définir les fonctions primordiales du sol dans nos équilibres à tous, qu'est-ce que vous citeriez ?

  • Speaker #1

    Alors, beaucoup de choses, mais peut-être d'abord revenir sur la notion de ce que c'est un sol. donc on se rend compte qu'on est sur... Une vision abstraite, finalement, on a du mal à vraiment se dire de quoi on parle quand on parle vraiment de sol. Donc, on parle de terre végétale et les scientifiques parlent des fois de terre animale, tellement on a de micro-organismes, d'éléments qui sont vivants dans le sol. Et aujourd'hui, il recouvre quatre fonctions, celui de la biomasse, de la régulation de l'eau. c'est un énorme moyen de pouvoir stocker du carbone. Il faut savoir que le sol stocke trois fois plus que l'atmosphère. Et bien sûr, un réservoir de biodiversité.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez le sentiment, vous qui accompagnez tous les aménageurs de l'espace urbain notamment, est-ce que vous avez le sentiment que cette connaissance est suffisamment partagée par ceux qui pratiquent les sols ?

  • Speaker #1

    C'est des réflexions nouvelles qui ont été apportées notamment... Grâce à cette loi, la loi climat résilience, aujourd'hui, avec les notions de zéro artificialisation nette, ça nous a permis d'ébaucher la question d'arrêter de consommer l'espace, parce qu'on s'intéresse à ces espaces qu'on va vouloir préserver.

  • Speaker #0

    Alors justement, au rayon des solutions déployées pour préserver nos sols, l'objectif ZAN, zéro artificialisation nette, qui est porté par la loi climat et résilience que vous évoquiez, cet objectif engage les territoires à respecter un objectif chiffré. Est-ce que de votre point de vue, cette approche quantitative, d'abord est-ce qu'elle vous convient et est-ce qu'elle vous semble suffisante pour restaurer l'équilibre de nos sols et le ménager dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    La loi climat résilience on est vraiment sur des notions de sobriété foncière. Pour autant, dans cette loi, il est clairement précisé que l'artificialisation, c'est bien l'altération durable de toute ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques. Donc on voit bien ces interrelations qu'on peut avoir avec toutes les fonctionnalités. Et du coup, on est bien dans des injonctions un peu contradictoires, où on va être sur du quantitatif, sur des éléments qui ne le sont pas. puisqu'on voit qu'on ne peut pas remplacer un sol par rapport au rôle qu'il va jouer, les fonctionnalités avec l'ensemble de son environnement, avec une simple comptabilité de ce qu'on va pouvoir artificialiser et désartificialiser. Alors que finalement, tout ce qu'on vient de se dire, tout ce qu'on a perdu et les besoins qu'on a de se reconnecter au sol et de ses fonctionnalités, on est bien sur une approche qualitative et donc une approche beaucoup plus complexe finalement. puisque les fonctionnalités et la manière dont ces espaces communiquent entre eux, c'est tout ce qu'on ne voit pas en fait, c'est l'invisible, c'est le sol. On a beaucoup d'espaces agricoles comme des espaces interstitiels, des espaces vides finalement dans l'espace urbain, qui ne sont pas utilisés ni pour se déplacer, ni pour vivre. C'est très intéressant parce qu'on se rend compte que souvent ces espaces sont maillés les uns avec les autres, mais c'est un regard qu'il faut complètement changer, qu'il faut complètement inverser. Et donc, on s'intéresse à une... nouvelle trame qui est celui de la trame brune, celui de la continuité des sols et de la manière dont ces espaces, ces sols communiquent entre eux. Alors, aujourd'hui, on est vraiment au balbutiement des réflexions puisqu'en fait, on manque de données. Donc, il y a énormément de travaux qui sont lancés, de recherches. On demande en fait aux documents d'urbanisme, aux aménageurs de l'intégrer au travers de schémas de cohérence territoriale, de les dessiner, de les cartographier. Mais on a encore beaucoup de difficultés à pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Et ces espaces-là, ces espaces interstitiels, jusqu'où on peut leur redonner des propriétés qui sont utiles à notre équilibre en termes de stockage de carbone, en termes de circulation de l'eau, en termes de végétalisation et d'îlot-spresher ?

  • Speaker #1

    Alors c'est des espaces qui peuvent être considérés notamment pour tout ce qui est renaturation des sols, puisque aujourd'hui on doit faire avec. Et notamment ce maillage des interstices en lien avec la trame brute, une continuité des sols justement, c'est des réflexions assez nouvelles qui nous obligent à travailler en dentelle, d'être dans une approche très qualitative, très fine en fait de ces espaces-là. qui appellent aussi des compétences nouvelles autour des sols.

  • Speaker #0

    On va parler un peu d'avenir, pour se donner du baume au coeur, parce qu'on voit bien qu'il y a plein de choses à régler. Vous accompagnez des territoires dans leur mission d'aménagement. Vous avez sans doute même des oreilles qui portent au-delà de vos territoires d'action et qui entendent peut-être ce qui se fait ailleurs, au-delà de chez nous. Est-ce que vous avez en tête, est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez entendu parler d'initiatives qui ouvrent la voie à l'approche qualitative que vous appelez de vos voeux au sujet des sols et qui pourraient demain être adoptés à grande échelle pour porter secours à nos sols et réformer former vraiment en profondeur nos pratiques d'aménagement et le regard qu'on pose sur nos sols.

  • Speaker #1

    Dans le cadre de cette loi climat résilience, il y a eu des appels à manifestation d'intérêt en France autour d'expériences sur des territoires. Et alors il se trouve que nous avions accompagné il y a quelques années un territoire du côté des Landes, Marraine-Adour-Côte-Sud, donc la communauté de communes de Max. Merci. Et c'est un territoire expérimental qui a beaucoup intéressé l'ADEME parce qu'il y a une très forte pression en termes d'urbanisme. On a des enjeux très forts autour de la submersion marine, des risques. On a vraiment un très bon cas d'école avec des remontées de nappes. Et donc, ils ont répondu favorablement à cet appel à manifestation. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient travaillé, suite à ce PLUI, sur un nouveau projet de territoire. En se disant, finalement, ce qui nous intéresse, c'est la question des ressources. En fait, ce qu'on veut, c'est garder notre alimentation, garder la qualité de nos espaces et donc de nos ressources naturelles. La loi ZAN est arrivée et donc ils ont décidé de s'intéresser à leur sol et de réinterroger le plan local d'urbanisme intercommunal à l'aune de la qualité des sols. Dans les Landes, on est sur un sol plutôt sableux. Et en réalité, quand ils ont commencé à travailler vraiment sur la constitution des sols, on s'est rendu compte qu'on avait des espaces argileux, limonaux, sableux. On n'avait pas un sol homogène comme on avait pu l'imaginer. Et quand ils ont fait ce travail très approfondi sur les sols, cela a remis en question les choix d'aménagement qui avaient pu être portés et donc parfois des achats qui avaient été faits pour. pour faire des constructions, mais il se trouve qu'il y avait un tel potentiel agronomique, une telle qualité des sols, où parfois, tout simplement, c'était des zones humides qui jouent un rôle d'éponge, un rôle majeur en termes de biodiversité sur le territoire, qu'ils ont renoncé à certains espaces.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui fait aujourd'hui que ça ne se passe pas toujours comme ça ? Qu'est-ce qui freine le... L'exploration aussi minutieuse, approfondie de la qualité et des potentiels des sols. Et qu'est-ce qu'il faut faire pour desserrer ces freins ?

  • Speaker #1

    Le premier, c'est le coût. Le coût engagé et la durée. J'étais hier justement dans les Landes. On a des endroits où on est venu construire des parkings, mais il y avait des gros problématiques à l'aval de ruisse allemand, des problématiques de remontée de nappes. Et donc là, ils se sont lancés dans la désimperméabilisation en lien avec le fonds vert instruit par l'agence de l'eau. Et les coûts s'élèvent à 1,7 million d'euros. Il faut imaginer qu'il y a 10 ans, en fait, on a payé la construction de ce parking. Et aujourd'hui, les communes payent la désimperméabilisation. Et quand on parlait de lever des freins, en fait, c'est vraiment tout le travail, notre travail aussi, de pédagogie et de prise de hauteur en se disant, est-ce qu'on continue à mettre des rustines où, effectivement, on est dans l'anticipation et dans la prise de conscience du renoncement de la consommation de certains espaces pour le rôle rendu aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez vu ou entendu d'autres choses qui vous laissent penser qu'on va dans le bon sens, que les esprits se délient et s'ouvrent à de nouvelles approches ?

  • Speaker #1

    Je travaille sur des territoires qu'on appelle des SCOT, des schémas de cohérence territoriale. C'est des territoires très vastes qui recouvrent plusieurs EPCI, c'est-à-dire plusieurs communautés de communes. Et en fait, j'entends de paroles d'élus, on va peut-être réfléchir différemment et ne plus aménager, mais ménager les sols. Merci. Et j'ai entendu dernièrement la notion de, et les sols, est-ce qu'il ne faudrait pas les considérer comme un bien commun aujourd'hui et pas uniquement une valeur foncière ?

  • Speaker #0

    Juste pour être sûr de bien comprendre, quand vous parlez que le sol devienne un bien commun, est-ce que c'est vraiment refondre ? Totalement la notion de propriété du sol ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on achète un sol, on achète du foncier, mais on ne prend pas en compte les valeurs, le rôle rendu par les sols. Et cette notion de bien commun, elle est à son balbutiement. Et il n'y a pas la notion du vivant dans cette approche.

  • Speaker #0

    Audrey, si vous voulez bien, on va finir sur une note un petit peu plus personnelle et directement liée au thème de ce podcast, les virages. Si je vous demande, Audrey, le virage le plus important que vous ayez eu à négocier jusqu'ici, que me diriez-vous ?

  • Speaker #1

    C'est celui du métier que je fais aujourd'hui, c'est-à-dire celui de la planification et de la réflexion sur le long terme. finalement on réfléchit dans l'anticipation et quel héritage on va laisser sur les territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a un virage que vous n'avez pas encore pris et que vous comptez bien prendre ou espérez prendre ?

  • Speaker #1

    Le virage que je n'ai pas pris, mais je pense qu'on devrait tous prendre, c'est notre reconnexion au vivant. Je l'ai dit plusieurs fois, mais c'est vrai que dans cette approche des sols, on a vraiment cette notion du vivant. Et aujourd'hui, il ne prend pas assez de place dans notre quotidien. on sait à un moment donné que déconnectée de l'évidence. Le sol, on l'a dit, c'est une ressource non renouvelable, c'est-à-dire qu'à l'échelle de l'homme, elle ne viendra pas se reconstituer. C'est 8 mm pour 100 ans de reconstitution d'un sol et il est important d'en prendre conscience aujourd'hui. Et clairement, c'est un virage qu'on devrait tous prendre et moi aussi.

  • Speaker #0

    Un dernier virage, c'est celui que vous aurez fait prendre un livre que vous avez lu et qui vous a... bouleversée, désarçonnée, interrogée au point de prendre un virage.

  • Speaker #1

    Il se trouve que je lis actuellement, je ne l'ai pas encore terminé, le livre de John Steinbeck, Les raisins de la colère. Et toute la première partie m'a beaucoup marquée, puisque c'est l'histoire d'une famille qui, après le krach de 1929, face à la crise, décide de partir sur la route. en Californie notamment, ils n'ont plus rien pour vivre en fait. Les sols sont secs et il y a vraiment toute cette partie très descriptive de sols complètement arides, de sols qu'on est venus épuiser. Et donc voilà, j'ai trouvé que ce lien avec le sol, c'est un livre d'il y a presque 100 ans, et il montre en fait la manière dont l'homme se détache de la terre et la terre devient un support à ce moment-là. Et on n'est plus dans un lien viscéral avec la Terre. Donc voilà, ça m'avait beaucoup marquée avant de savoir que j'allais faire le podcast.

  • Speaker #0

    Eh bien, lire les raisons de la colère pour se reconnecter au vivant. Tous vos virages sont connectés, comme la trame brune, les uns avec les autres. Merci beaucoup, Audrey et Guiraud. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts. C'était le premier épisode de cette deuxième saison et on se retrouve dans quelques semaines pour un nouvel épisode. où on s'intéressera aux forêts.

  • Speaker #2

    Très vite.

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Description

Que savons des sols qui se trouvent sous nos pieds ? Les sols de nos villes ne sont pas uniquement des surfaces sur lesquelles nous nous déplaçons et construisons. Ce sont aussi des milieux vivants qui remplissent des fonctions essentielles à l’habitabilité de la Terre.


Cependant, ils subissent de fortes pressions. Dégradés, lessivés, artificialisés, épuisés, les sols urbains sont soumis à des dommages aux conséquences délétères, et parfois irréparables. Selon les types de sol, 100 à 1000 ans sont nécessaires pour créer 1 cm de sol. En cause, notre méconnaissance des sols et nos pratiques d’aménagement. Alors n’est-il pas de temps de changer de regard ? Sommes nous prêts à prendre le virage ?

Audrey Guiraud, environnementaliste et responsable de l’agence Citadia Sud-Ouest (groupe SCET), nous invite à changer de regard sur la fabrique de la ville, dans le podcast Virages, en convoquant un nouvel imaginaire urbain : ménager plutôt qu'aménager le territoire. Il est temps d’envisager les sols non plus en tant que simple surface à construire, mais comme une épaisseur vivante dont il faut préserver la qualité pour améliorer l’habitabilité des villes et faire face aux changements climatiques.


Enregistré à Montauban, le 16 juin 2024

Invité : Audrey Guiraud

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage. Saison 2, épisode 1, un podcast de la Caisse des dépôts. Maintenant Axel, s'écria le professeur d'une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notre voyage commence. Ces quelques mots, extraits du Voyage au centre de la Terre, pourraient être le début de notre conversation d'aujourd'hui, dans laquelle je serai bien sûr Axel, tandis qu'Audrey Guiraud, directrice d'études et responsable de l'agence Sud-Ouest chez Evenconseil, serait l'enthousiaste professeur Lidenbrock. Sans aller aussi loin ni profond que Jules Verne, nous allons tenter de saisir la richesse et l'importance des sols que nous foulons sans plus même y penser, de mesurer le danger que fait peser sur eux et sur nous leur artificialisation galopante, Mais surtout, nous porterons nos regards sur les solutions proposées pour prévenir ce danger, les virages que nous pourrions prendre à l'avenir. Bonjour Audrey Kéron.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Alors avant de nous plonger dans notre sujet, et on va vraiment plonger dedans puisqu'on va même aller sous terre, puisque nous allons parler des espaces naturels qui nous entourent et donc des sols en particulier, j'ai une question pour vous qui avait sillonné la Guyane pendant 12 ans, mais j'imagine bien d'autres espaces naturels encore. Pourquoi diriez-vous que la nature est importante pour vous ? Qu'est-ce qu'elle vous apporte ? Quelles relations vous entretenez avec elle ?

  • Speaker #1

    Mon rapport à la nature a toujours été une évidence, puisqu'effectivement j'ai très vite su que non seulement je voulais être toujours connectée à la nature, mais en plus que ça soit aussi mon travail, ma vie au quotidien. J'ai effectivement... J'ai eu la chance de partir en Guyane, de sillonner la Guyane, la forêt amazonienne, mais aussi en pirogue, de très nombreuses missions au cœur de la nature. J'ai eu l'occasion de monter sur le Haut-Maroni, au-dessus de Maripasoula, Antekumpata, vivre dans ces espaces comme le Maroni, avec les communautés bouchinangues. Aujourd'hui, je continue à sillonner les territoires des Landes en passant par les Pyrénées-Orientales ou même à Montauban où je vis aujourd'hui. Et ce que j'aime, c'est la diversité des paysages. Je suis quelqu'un de très curieux et je trouve ça très enrichissant de comprendre les relations de l'homme et de la nature.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir partagé avec nous un petit peu de votre nature, au propre comme au figuré. Alors allons-y pour les sols. La loi Climat et Résilience d'août 2021 semble marquer un tournant dans la prise de conscience. que nos sols sont des organismes vivants et dont les ressources ne sont pas infinies et qu'ils courent présentement un danger lié à leur artificialisation. Quels sont selon vous les symptômes qui rendent d'un coup cette urgence évidente pour tout le monde et font que personne ne peut plus ignorer la situation ?

  • Speaker #1

    Alors beaucoup de facteurs aujourd'hui, notamment des problématiques dans l'espace urbain où on voit bien sûr des problématiques d'inondations, de ruissellement, mais aussi des problèmes beaucoup plus récents et beaucoup plus forts qui sont ceux notamment du retrait et gonflement des argiles où aujourd'hui on voit craquer des maisons. qui ont peut-être 100 ans. Et ça, c'est vraiment une réalité qu'on peut vivre. Et c'est la manière dont on a aménagé et continué à imperméabiliser les sols, notamment les sols urbains, puisque les sols ne respirent plus. Les sols sont tellement compactés qu'ils sont, même s'ils ne sont pas sous du bitume, complètement imperméables. On a des sols... qui ne sont plus vivants. Aujourd'hui, on a des sols qui sont morts dans les espaces urbains.

  • Speaker #0

    On sent bien quand vous en parlez qu'on est vraiment au pied du mur, que ce soit les individus, les élus, les collectivités dans leur ensemble. On a envie de se poser la question et du coup, je vais la poser à vous. Comment on en est arrivé là ? Qu'est-ce qui a fait dans nos pratiques, dans nos politiques, dans notre approche du territoire ? On s'est laissé glisser si loin au pied du mur.

  • Speaker #1

    On a oublié de se connecter à l'essentiel, c'est-à-dire aux vivants. et et à ce qui nous entourait. Et donc, on n'a pas construit ou bâti la ville comme on a pu le faire avant, en fait, en fonction de ce qu'on avait, du sol, de la géographie du territoire, mais par rapport à des besoins. Donc, non seulement on a bâti en surface, mais tout ce qui nous gênait, en fait, a été enterré, notamment tout ce qui est réseau. Aujourd'hui, même si le regard est quand même en train d'évoluer, on perçoit vraiment le sol comme une... une surface presque inerte sur laquelle on va déposer des constructions.

  • Speaker #0

    Si on prend un petit peu de recul, et pour être certain que chacun prenne la mesure du sujet et de ses enjeux, si on devait définir les fonctions primordiales du sol dans nos équilibres à tous, qu'est-ce que vous citeriez ?

  • Speaker #1

    Alors, beaucoup de choses, mais peut-être d'abord revenir sur la notion de ce que c'est un sol. donc on se rend compte qu'on est sur... Une vision abstraite, finalement, on a du mal à vraiment se dire de quoi on parle quand on parle vraiment de sol. Donc, on parle de terre végétale et les scientifiques parlent des fois de terre animale, tellement on a de micro-organismes, d'éléments qui sont vivants dans le sol. Et aujourd'hui, il recouvre quatre fonctions, celui de la biomasse, de la régulation de l'eau. c'est un énorme moyen de pouvoir stocker du carbone. Il faut savoir que le sol stocke trois fois plus que l'atmosphère. Et bien sûr, un réservoir de biodiversité.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez le sentiment, vous qui accompagnez tous les aménageurs de l'espace urbain notamment, est-ce que vous avez le sentiment que cette connaissance est suffisamment partagée par ceux qui pratiquent les sols ?

  • Speaker #1

    C'est des réflexions nouvelles qui ont été apportées notamment... Grâce à cette loi, la loi climat résilience, aujourd'hui, avec les notions de zéro artificialisation nette, ça nous a permis d'ébaucher la question d'arrêter de consommer l'espace, parce qu'on s'intéresse à ces espaces qu'on va vouloir préserver.

  • Speaker #0

    Alors justement, au rayon des solutions déployées pour préserver nos sols, l'objectif ZAN, zéro artificialisation nette, qui est porté par la loi climat et résilience que vous évoquiez, cet objectif engage les territoires à respecter un objectif chiffré. Est-ce que de votre point de vue, cette approche quantitative, d'abord est-ce qu'elle vous convient et est-ce qu'elle vous semble suffisante pour restaurer l'équilibre de nos sols et le ménager dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    La loi climat résilience on est vraiment sur des notions de sobriété foncière. Pour autant, dans cette loi, il est clairement précisé que l'artificialisation, c'est bien l'altération durable de toute ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques. Donc on voit bien ces interrelations qu'on peut avoir avec toutes les fonctionnalités. Et du coup, on est bien dans des injonctions un peu contradictoires, où on va être sur du quantitatif, sur des éléments qui ne le sont pas. puisqu'on voit qu'on ne peut pas remplacer un sol par rapport au rôle qu'il va jouer, les fonctionnalités avec l'ensemble de son environnement, avec une simple comptabilité de ce qu'on va pouvoir artificialiser et désartificialiser. Alors que finalement, tout ce qu'on vient de se dire, tout ce qu'on a perdu et les besoins qu'on a de se reconnecter au sol et de ses fonctionnalités, on est bien sur une approche qualitative et donc une approche beaucoup plus complexe finalement. puisque les fonctionnalités et la manière dont ces espaces communiquent entre eux, c'est tout ce qu'on ne voit pas en fait, c'est l'invisible, c'est le sol. On a beaucoup d'espaces agricoles comme des espaces interstitiels, des espaces vides finalement dans l'espace urbain, qui ne sont pas utilisés ni pour se déplacer, ni pour vivre. C'est très intéressant parce qu'on se rend compte que souvent ces espaces sont maillés les uns avec les autres, mais c'est un regard qu'il faut complètement changer, qu'il faut complètement inverser. Et donc, on s'intéresse à une... nouvelle trame qui est celui de la trame brune, celui de la continuité des sols et de la manière dont ces espaces, ces sols communiquent entre eux. Alors, aujourd'hui, on est vraiment au balbutiement des réflexions puisqu'en fait, on manque de données. Donc, il y a énormément de travaux qui sont lancés, de recherches. On demande en fait aux documents d'urbanisme, aux aménageurs de l'intégrer au travers de schémas de cohérence territoriale, de les dessiner, de les cartographier. Mais on a encore beaucoup de difficultés à pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Et ces espaces-là, ces espaces interstitiels, jusqu'où on peut leur redonner des propriétés qui sont utiles à notre équilibre en termes de stockage de carbone, en termes de circulation de l'eau, en termes de végétalisation et d'îlot-spresher ?

  • Speaker #1

    Alors c'est des espaces qui peuvent être considérés notamment pour tout ce qui est renaturation des sols, puisque aujourd'hui on doit faire avec. Et notamment ce maillage des interstices en lien avec la trame brute, une continuité des sols justement, c'est des réflexions assez nouvelles qui nous obligent à travailler en dentelle, d'être dans une approche très qualitative, très fine en fait de ces espaces-là. qui appellent aussi des compétences nouvelles autour des sols.

  • Speaker #0

    On va parler un peu d'avenir, pour se donner du baume au coeur, parce qu'on voit bien qu'il y a plein de choses à régler. Vous accompagnez des territoires dans leur mission d'aménagement. Vous avez sans doute même des oreilles qui portent au-delà de vos territoires d'action et qui entendent peut-être ce qui se fait ailleurs, au-delà de chez nous. Est-ce que vous avez en tête, est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez entendu parler d'initiatives qui ouvrent la voie à l'approche qualitative que vous appelez de vos voeux au sujet des sols et qui pourraient demain être adoptés à grande échelle pour porter secours à nos sols et réformer former vraiment en profondeur nos pratiques d'aménagement et le regard qu'on pose sur nos sols.

  • Speaker #1

    Dans le cadre de cette loi climat résilience, il y a eu des appels à manifestation d'intérêt en France autour d'expériences sur des territoires. Et alors il se trouve que nous avions accompagné il y a quelques années un territoire du côté des Landes, Marraine-Adour-Côte-Sud, donc la communauté de communes de Max. Merci. Et c'est un territoire expérimental qui a beaucoup intéressé l'ADEME parce qu'il y a une très forte pression en termes d'urbanisme. On a des enjeux très forts autour de la submersion marine, des risques. On a vraiment un très bon cas d'école avec des remontées de nappes. Et donc, ils ont répondu favorablement à cet appel à manifestation. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient travaillé, suite à ce PLUI, sur un nouveau projet de territoire. En se disant, finalement, ce qui nous intéresse, c'est la question des ressources. En fait, ce qu'on veut, c'est garder notre alimentation, garder la qualité de nos espaces et donc de nos ressources naturelles. La loi ZAN est arrivée et donc ils ont décidé de s'intéresser à leur sol et de réinterroger le plan local d'urbanisme intercommunal à l'aune de la qualité des sols. Dans les Landes, on est sur un sol plutôt sableux. Et en réalité, quand ils ont commencé à travailler vraiment sur la constitution des sols, on s'est rendu compte qu'on avait des espaces argileux, limonaux, sableux. On n'avait pas un sol homogène comme on avait pu l'imaginer. Et quand ils ont fait ce travail très approfondi sur les sols, cela a remis en question les choix d'aménagement qui avaient pu être portés et donc parfois des achats qui avaient été faits pour. pour faire des constructions, mais il se trouve qu'il y avait un tel potentiel agronomique, une telle qualité des sols, où parfois, tout simplement, c'était des zones humides qui jouent un rôle d'éponge, un rôle majeur en termes de biodiversité sur le territoire, qu'ils ont renoncé à certains espaces.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui fait aujourd'hui que ça ne se passe pas toujours comme ça ? Qu'est-ce qui freine le... L'exploration aussi minutieuse, approfondie de la qualité et des potentiels des sols. Et qu'est-ce qu'il faut faire pour desserrer ces freins ?

  • Speaker #1

    Le premier, c'est le coût. Le coût engagé et la durée. J'étais hier justement dans les Landes. On a des endroits où on est venu construire des parkings, mais il y avait des gros problématiques à l'aval de ruisse allemand, des problématiques de remontée de nappes. Et donc là, ils se sont lancés dans la désimperméabilisation en lien avec le fonds vert instruit par l'agence de l'eau. Et les coûts s'élèvent à 1,7 million d'euros. Il faut imaginer qu'il y a 10 ans, en fait, on a payé la construction de ce parking. Et aujourd'hui, les communes payent la désimperméabilisation. Et quand on parlait de lever des freins, en fait, c'est vraiment tout le travail, notre travail aussi, de pédagogie et de prise de hauteur en se disant, est-ce qu'on continue à mettre des rustines où, effectivement, on est dans l'anticipation et dans la prise de conscience du renoncement de la consommation de certains espaces pour le rôle rendu aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez vu ou entendu d'autres choses qui vous laissent penser qu'on va dans le bon sens, que les esprits se délient et s'ouvrent à de nouvelles approches ?

  • Speaker #1

    Je travaille sur des territoires qu'on appelle des SCOT, des schémas de cohérence territoriale. C'est des territoires très vastes qui recouvrent plusieurs EPCI, c'est-à-dire plusieurs communautés de communes. Et en fait, j'entends de paroles d'élus, on va peut-être réfléchir différemment et ne plus aménager, mais ménager les sols. Merci. Et j'ai entendu dernièrement la notion de, et les sols, est-ce qu'il ne faudrait pas les considérer comme un bien commun aujourd'hui et pas uniquement une valeur foncière ?

  • Speaker #0

    Juste pour être sûr de bien comprendre, quand vous parlez que le sol devienne un bien commun, est-ce que c'est vraiment refondre ? Totalement la notion de propriété du sol ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on achète un sol, on achète du foncier, mais on ne prend pas en compte les valeurs, le rôle rendu par les sols. Et cette notion de bien commun, elle est à son balbutiement. Et il n'y a pas la notion du vivant dans cette approche.

  • Speaker #0

    Audrey, si vous voulez bien, on va finir sur une note un petit peu plus personnelle et directement liée au thème de ce podcast, les virages. Si je vous demande, Audrey, le virage le plus important que vous ayez eu à négocier jusqu'ici, que me diriez-vous ?

  • Speaker #1

    C'est celui du métier que je fais aujourd'hui, c'est-à-dire celui de la planification et de la réflexion sur le long terme. finalement on réfléchit dans l'anticipation et quel héritage on va laisser sur les territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a un virage que vous n'avez pas encore pris et que vous comptez bien prendre ou espérez prendre ?

  • Speaker #1

    Le virage que je n'ai pas pris, mais je pense qu'on devrait tous prendre, c'est notre reconnexion au vivant. Je l'ai dit plusieurs fois, mais c'est vrai que dans cette approche des sols, on a vraiment cette notion du vivant. Et aujourd'hui, il ne prend pas assez de place dans notre quotidien. on sait à un moment donné que déconnectée de l'évidence. Le sol, on l'a dit, c'est une ressource non renouvelable, c'est-à-dire qu'à l'échelle de l'homme, elle ne viendra pas se reconstituer. C'est 8 mm pour 100 ans de reconstitution d'un sol et il est important d'en prendre conscience aujourd'hui. Et clairement, c'est un virage qu'on devrait tous prendre et moi aussi.

  • Speaker #0

    Un dernier virage, c'est celui que vous aurez fait prendre un livre que vous avez lu et qui vous a... bouleversée, désarçonnée, interrogée au point de prendre un virage.

  • Speaker #1

    Il se trouve que je lis actuellement, je ne l'ai pas encore terminé, le livre de John Steinbeck, Les raisins de la colère. Et toute la première partie m'a beaucoup marquée, puisque c'est l'histoire d'une famille qui, après le krach de 1929, face à la crise, décide de partir sur la route. en Californie notamment, ils n'ont plus rien pour vivre en fait. Les sols sont secs et il y a vraiment toute cette partie très descriptive de sols complètement arides, de sols qu'on est venus épuiser. Et donc voilà, j'ai trouvé que ce lien avec le sol, c'est un livre d'il y a presque 100 ans, et il montre en fait la manière dont l'homme se détache de la terre et la terre devient un support à ce moment-là. Et on n'est plus dans un lien viscéral avec la Terre. Donc voilà, ça m'avait beaucoup marquée avant de savoir que j'allais faire le podcast.

  • Speaker #0

    Eh bien, lire les raisons de la colère pour se reconnecter au vivant. Tous vos virages sont connectés, comme la trame brune, les uns avec les autres. Merci beaucoup, Audrey et Guiraud. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts. C'était le premier épisode de cette deuxième saison et on se retrouve dans quelques semaines pour un nouvel épisode. où on s'intéressera aux forêts.

  • Speaker #2

    Très vite.

Description

Que savons des sols qui se trouvent sous nos pieds ? Les sols de nos villes ne sont pas uniquement des surfaces sur lesquelles nous nous déplaçons et construisons. Ce sont aussi des milieux vivants qui remplissent des fonctions essentielles à l’habitabilité de la Terre.


Cependant, ils subissent de fortes pressions. Dégradés, lessivés, artificialisés, épuisés, les sols urbains sont soumis à des dommages aux conséquences délétères, et parfois irréparables. Selon les types de sol, 100 à 1000 ans sont nécessaires pour créer 1 cm de sol. En cause, notre méconnaissance des sols et nos pratiques d’aménagement. Alors n’est-il pas de temps de changer de regard ? Sommes nous prêts à prendre le virage ?

Audrey Guiraud, environnementaliste et responsable de l’agence Citadia Sud-Ouest (groupe SCET), nous invite à changer de regard sur la fabrique de la ville, dans le podcast Virages, en convoquant un nouvel imaginaire urbain : ménager plutôt qu'aménager le territoire. Il est temps d’envisager les sols non plus en tant que simple surface à construire, mais comme une épaisseur vivante dont il faut préserver la qualité pour améliorer l’habitabilité des villes et faire face aux changements climatiques.


Enregistré à Montauban, le 16 juin 2024

Invité : Audrey Guiraud

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage. Saison 2, épisode 1, un podcast de la Caisse des dépôts. Maintenant Axel, s'écria le professeur d'une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notre voyage commence. Ces quelques mots, extraits du Voyage au centre de la Terre, pourraient être le début de notre conversation d'aujourd'hui, dans laquelle je serai bien sûr Axel, tandis qu'Audrey Guiraud, directrice d'études et responsable de l'agence Sud-Ouest chez Evenconseil, serait l'enthousiaste professeur Lidenbrock. Sans aller aussi loin ni profond que Jules Verne, nous allons tenter de saisir la richesse et l'importance des sols que nous foulons sans plus même y penser, de mesurer le danger que fait peser sur eux et sur nous leur artificialisation galopante, Mais surtout, nous porterons nos regards sur les solutions proposées pour prévenir ce danger, les virages que nous pourrions prendre à l'avenir. Bonjour Audrey Kéron.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Alors avant de nous plonger dans notre sujet, et on va vraiment plonger dedans puisqu'on va même aller sous terre, puisque nous allons parler des espaces naturels qui nous entourent et donc des sols en particulier, j'ai une question pour vous qui avait sillonné la Guyane pendant 12 ans, mais j'imagine bien d'autres espaces naturels encore. Pourquoi diriez-vous que la nature est importante pour vous ? Qu'est-ce qu'elle vous apporte ? Quelles relations vous entretenez avec elle ?

  • Speaker #1

    Mon rapport à la nature a toujours été une évidence, puisqu'effectivement j'ai très vite su que non seulement je voulais être toujours connectée à la nature, mais en plus que ça soit aussi mon travail, ma vie au quotidien. J'ai effectivement... J'ai eu la chance de partir en Guyane, de sillonner la Guyane, la forêt amazonienne, mais aussi en pirogue, de très nombreuses missions au cœur de la nature. J'ai eu l'occasion de monter sur le Haut-Maroni, au-dessus de Maripasoula, Antekumpata, vivre dans ces espaces comme le Maroni, avec les communautés bouchinangues. Aujourd'hui, je continue à sillonner les territoires des Landes en passant par les Pyrénées-Orientales ou même à Montauban où je vis aujourd'hui. Et ce que j'aime, c'est la diversité des paysages. Je suis quelqu'un de très curieux et je trouve ça très enrichissant de comprendre les relations de l'homme et de la nature.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup d'avoir partagé avec nous un petit peu de votre nature, au propre comme au figuré. Alors allons-y pour les sols. La loi Climat et Résilience d'août 2021 semble marquer un tournant dans la prise de conscience. que nos sols sont des organismes vivants et dont les ressources ne sont pas infinies et qu'ils courent présentement un danger lié à leur artificialisation. Quels sont selon vous les symptômes qui rendent d'un coup cette urgence évidente pour tout le monde et font que personne ne peut plus ignorer la situation ?

  • Speaker #1

    Alors beaucoup de facteurs aujourd'hui, notamment des problématiques dans l'espace urbain où on voit bien sûr des problématiques d'inondations, de ruissellement, mais aussi des problèmes beaucoup plus récents et beaucoup plus forts qui sont ceux notamment du retrait et gonflement des argiles où aujourd'hui on voit craquer des maisons. qui ont peut-être 100 ans. Et ça, c'est vraiment une réalité qu'on peut vivre. Et c'est la manière dont on a aménagé et continué à imperméabiliser les sols, notamment les sols urbains, puisque les sols ne respirent plus. Les sols sont tellement compactés qu'ils sont, même s'ils ne sont pas sous du bitume, complètement imperméables. On a des sols... qui ne sont plus vivants. Aujourd'hui, on a des sols qui sont morts dans les espaces urbains.

  • Speaker #0

    On sent bien quand vous en parlez qu'on est vraiment au pied du mur, que ce soit les individus, les élus, les collectivités dans leur ensemble. On a envie de se poser la question et du coup, je vais la poser à vous. Comment on en est arrivé là ? Qu'est-ce qui a fait dans nos pratiques, dans nos politiques, dans notre approche du territoire ? On s'est laissé glisser si loin au pied du mur.

  • Speaker #1

    On a oublié de se connecter à l'essentiel, c'est-à-dire aux vivants. et et à ce qui nous entourait. Et donc, on n'a pas construit ou bâti la ville comme on a pu le faire avant, en fait, en fonction de ce qu'on avait, du sol, de la géographie du territoire, mais par rapport à des besoins. Donc, non seulement on a bâti en surface, mais tout ce qui nous gênait, en fait, a été enterré, notamment tout ce qui est réseau. Aujourd'hui, même si le regard est quand même en train d'évoluer, on perçoit vraiment le sol comme une... une surface presque inerte sur laquelle on va déposer des constructions.

  • Speaker #0

    Si on prend un petit peu de recul, et pour être certain que chacun prenne la mesure du sujet et de ses enjeux, si on devait définir les fonctions primordiales du sol dans nos équilibres à tous, qu'est-ce que vous citeriez ?

  • Speaker #1

    Alors, beaucoup de choses, mais peut-être d'abord revenir sur la notion de ce que c'est un sol. donc on se rend compte qu'on est sur... Une vision abstraite, finalement, on a du mal à vraiment se dire de quoi on parle quand on parle vraiment de sol. Donc, on parle de terre végétale et les scientifiques parlent des fois de terre animale, tellement on a de micro-organismes, d'éléments qui sont vivants dans le sol. Et aujourd'hui, il recouvre quatre fonctions, celui de la biomasse, de la régulation de l'eau. c'est un énorme moyen de pouvoir stocker du carbone. Il faut savoir que le sol stocke trois fois plus que l'atmosphère. Et bien sûr, un réservoir de biodiversité.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez le sentiment, vous qui accompagnez tous les aménageurs de l'espace urbain notamment, est-ce que vous avez le sentiment que cette connaissance est suffisamment partagée par ceux qui pratiquent les sols ?

  • Speaker #1

    C'est des réflexions nouvelles qui ont été apportées notamment... Grâce à cette loi, la loi climat résilience, aujourd'hui, avec les notions de zéro artificialisation nette, ça nous a permis d'ébaucher la question d'arrêter de consommer l'espace, parce qu'on s'intéresse à ces espaces qu'on va vouloir préserver.

  • Speaker #0

    Alors justement, au rayon des solutions déployées pour préserver nos sols, l'objectif ZAN, zéro artificialisation nette, qui est porté par la loi climat et résilience que vous évoquiez, cet objectif engage les territoires à respecter un objectif chiffré. Est-ce que de votre point de vue, cette approche quantitative, d'abord est-ce qu'elle vous convient et est-ce qu'elle vous semble suffisante pour restaurer l'équilibre de nos sols et le ménager dans l'avenir ?

  • Speaker #1

    La loi climat résilience on est vraiment sur des notions de sobriété foncière. Pour autant, dans cette loi, il est clairement précisé que l'artificialisation, c'est bien l'altération durable de toute ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques. Donc on voit bien ces interrelations qu'on peut avoir avec toutes les fonctionnalités. Et du coup, on est bien dans des injonctions un peu contradictoires, où on va être sur du quantitatif, sur des éléments qui ne le sont pas. puisqu'on voit qu'on ne peut pas remplacer un sol par rapport au rôle qu'il va jouer, les fonctionnalités avec l'ensemble de son environnement, avec une simple comptabilité de ce qu'on va pouvoir artificialiser et désartificialiser. Alors que finalement, tout ce qu'on vient de se dire, tout ce qu'on a perdu et les besoins qu'on a de se reconnecter au sol et de ses fonctionnalités, on est bien sur une approche qualitative et donc une approche beaucoup plus complexe finalement. puisque les fonctionnalités et la manière dont ces espaces communiquent entre eux, c'est tout ce qu'on ne voit pas en fait, c'est l'invisible, c'est le sol. On a beaucoup d'espaces agricoles comme des espaces interstitiels, des espaces vides finalement dans l'espace urbain, qui ne sont pas utilisés ni pour se déplacer, ni pour vivre. C'est très intéressant parce qu'on se rend compte que souvent ces espaces sont maillés les uns avec les autres, mais c'est un regard qu'il faut complètement changer, qu'il faut complètement inverser. Et donc, on s'intéresse à une... nouvelle trame qui est celui de la trame brune, celui de la continuité des sols et de la manière dont ces espaces, ces sols communiquent entre eux. Alors, aujourd'hui, on est vraiment au balbutiement des réflexions puisqu'en fait, on manque de données. Donc, il y a énormément de travaux qui sont lancés, de recherches. On demande en fait aux documents d'urbanisme, aux aménageurs de l'intégrer au travers de schémas de cohérence territoriale, de les dessiner, de les cartographier. Mais on a encore beaucoup de difficultés à pouvoir le faire.

  • Speaker #0

    Et ces espaces-là, ces espaces interstitiels, jusqu'où on peut leur redonner des propriétés qui sont utiles à notre équilibre en termes de stockage de carbone, en termes de circulation de l'eau, en termes de végétalisation et d'îlot-spresher ?

  • Speaker #1

    Alors c'est des espaces qui peuvent être considérés notamment pour tout ce qui est renaturation des sols, puisque aujourd'hui on doit faire avec. Et notamment ce maillage des interstices en lien avec la trame brute, une continuité des sols justement, c'est des réflexions assez nouvelles qui nous obligent à travailler en dentelle, d'être dans une approche très qualitative, très fine en fait de ces espaces-là. qui appellent aussi des compétences nouvelles autour des sols.

  • Speaker #0

    On va parler un peu d'avenir, pour se donner du baume au coeur, parce qu'on voit bien qu'il y a plein de choses à régler. Vous accompagnez des territoires dans leur mission d'aménagement. Vous avez sans doute même des oreilles qui portent au-delà de vos territoires d'action et qui entendent peut-être ce qui se fait ailleurs, au-delà de chez nous. Est-ce que vous avez en tête, est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez entendu parler d'initiatives qui ouvrent la voie à l'approche qualitative que vous appelez de vos voeux au sujet des sols et qui pourraient demain être adoptés à grande échelle pour porter secours à nos sols et réformer former vraiment en profondeur nos pratiques d'aménagement et le regard qu'on pose sur nos sols.

  • Speaker #1

    Dans le cadre de cette loi climat résilience, il y a eu des appels à manifestation d'intérêt en France autour d'expériences sur des territoires. Et alors il se trouve que nous avions accompagné il y a quelques années un territoire du côté des Landes, Marraine-Adour-Côte-Sud, donc la communauté de communes de Max. Merci. Et c'est un territoire expérimental qui a beaucoup intéressé l'ADEME parce qu'il y a une très forte pression en termes d'urbanisme. On a des enjeux très forts autour de la submersion marine, des risques. On a vraiment un très bon cas d'école avec des remontées de nappes. Et donc, ils ont répondu favorablement à cet appel à manifestation. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient travaillé, suite à ce PLUI, sur un nouveau projet de territoire. En se disant, finalement, ce qui nous intéresse, c'est la question des ressources. En fait, ce qu'on veut, c'est garder notre alimentation, garder la qualité de nos espaces et donc de nos ressources naturelles. La loi ZAN est arrivée et donc ils ont décidé de s'intéresser à leur sol et de réinterroger le plan local d'urbanisme intercommunal à l'aune de la qualité des sols. Dans les Landes, on est sur un sol plutôt sableux. Et en réalité, quand ils ont commencé à travailler vraiment sur la constitution des sols, on s'est rendu compte qu'on avait des espaces argileux, limonaux, sableux. On n'avait pas un sol homogène comme on avait pu l'imaginer. Et quand ils ont fait ce travail très approfondi sur les sols, cela a remis en question les choix d'aménagement qui avaient pu être portés et donc parfois des achats qui avaient été faits pour. pour faire des constructions, mais il se trouve qu'il y avait un tel potentiel agronomique, une telle qualité des sols, où parfois, tout simplement, c'était des zones humides qui jouent un rôle d'éponge, un rôle majeur en termes de biodiversité sur le territoire, qu'ils ont renoncé à certains espaces.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qui fait aujourd'hui que ça ne se passe pas toujours comme ça ? Qu'est-ce qui freine le... L'exploration aussi minutieuse, approfondie de la qualité et des potentiels des sols. Et qu'est-ce qu'il faut faire pour desserrer ces freins ?

  • Speaker #1

    Le premier, c'est le coût. Le coût engagé et la durée. J'étais hier justement dans les Landes. On a des endroits où on est venu construire des parkings, mais il y avait des gros problématiques à l'aval de ruisse allemand, des problématiques de remontée de nappes. Et donc là, ils se sont lancés dans la désimperméabilisation en lien avec le fonds vert instruit par l'agence de l'eau. Et les coûts s'élèvent à 1,7 million d'euros. Il faut imaginer qu'il y a 10 ans, en fait, on a payé la construction de ce parking. Et aujourd'hui, les communes payent la désimperméabilisation. Et quand on parlait de lever des freins, en fait, c'est vraiment tout le travail, notre travail aussi, de pédagogie et de prise de hauteur en se disant, est-ce qu'on continue à mettre des rustines où, effectivement, on est dans l'anticipation et dans la prise de conscience du renoncement de la consommation de certains espaces pour le rôle rendu aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez vu ou entendu d'autres choses qui vous laissent penser qu'on va dans le bon sens, que les esprits se délient et s'ouvrent à de nouvelles approches ?

  • Speaker #1

    Je travaille sur des territoires qu'on appelle des SCOT, des schémas de cohérence territoriale. C'est des territoires très vastes qui recouvrent plusieurs EPCI, c'est-à-dire plusieurs communautés de communes. Et en fait, j'entends de paroles d'élus, on va peut-être réfléchir différemment et ne plus aménager, mais ménager les sols. Merci. Et j'ai entendu dernièrement la notion de, et les sols, est-ce qu'il ne faudrait pas les considérer comme un bien commun aujourd'hui et pas uniquement une valeur foncière ?

  • Speaker #0

    Juste pour être sûr de bien comprendre, quand vous parlez que le sol devienne un bien commun, est-ce que c'est vraiment refondre ? Totalement la notion de propriété du sol ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on achète un sol, on achète du foncier, mais on ne prend pas en compte les valeurs, le rôle rendu par les sols. Et cette notion de bien commun, elle est à son balbutiement. Et il n'y a pas la notion du vivant dans cette approche.

  • Speaker #0

    Audrey, si vous voulez bien, on va finir sur une note un petit peu plus personnelle et directement liée au thème de ce podcast, les virages. Si je vous demande, Audrey, le virage le plus important que vous ayez eu à négocier jusqu'ici, que me diriez-vous ?

  • Speaker #1

    C'est celui du métier que je fais aujourd'hui, c'est-à-dire celui de la planification et de la réflexion sur le long terme. finalement on réfléchit dans l'anticipation et quel héritage on va laisser sur les territoires.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il y a un virage que vous n'avez pas encore pris et que vous comptez bien prendre ou espérez prendre ?

  • Speaker #1

    Le virage que je n'ai pas pris, mais je pense qu'on devrait tous prendre, c'est notre reconnexion au vivant. Je l'ai dit plusieurs fois, mais c'est vrai que dans cette approche des sols, on a vraiment cette notion du vivant. Et aujourd'hui, il ne prend pas assez de place dans notre quotidien. on sait à un moment donné que déconnectée de l'évidence. Le sol, on l'a dit, c'est une ressource non renouvelable, c'est-à-dire qu'à l'échelle de l'homme, elle ne viendra pas se reconstituer. C'est 8 mm pour 100 ans de reconstitution d'un sol et il est important d'en prendre conscience aujourd'hui. Et clairement, c'est un virage qu'on devrait tous prendre et moi aussi.

  • Speaker #0

    Un dernier virage, c'est celui que vous aurez fait prendre un livre que vous avez lu et qui vous a... bouleversée, désarçonnée, interrogée au point de prendre un virage.

  • Speaker #1

    Il se trouve que je lis actuellement, je ne l'ai pas encore terminé, le livre de John Steinbeck, Les raisins de la colère. Et toute la première partie m'a beaucoup marquée, puisque c'est l'histoire d'une famille qui, après le krach de 1929, face à la crise, décide de partir sur la route. en Californie notamment, ils n'ont plus rien pour vivre en fait. Les sols sont secs et il y a vraiment toute cette partie très descriptive de sols complètement arides, de sols qu'on est venus épuiser. Et donc voilà, j'ai trouvé que ce lien avec le sol, c'est un livre d'il y a presque 100 ans, et il montre en fait la manière dont l'homme se détache de la terre et la terre devient un support à ce moment-là. Et on n'est plus dans un lien viscéral avec la Terre. Donc voilà, ça m'avait beaucoup marquée avant de savoir que j'allais faire le podcast.

  • Speaker #0

    Eh bien, lire les raisons de la colère pour se reconnecter au vivant. Tous vos virages sont connectés, comme la trame brune, les uns avec les autres. Merci beaucoup, Audrey et Guiraud. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts. C'était le premier épisode de cette deuxième saison et on se retrouve dans quelques semaines pour un nouvel épisode. où on s'intéressera aux forêts.

  • Speaker #2

    Très vite.

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