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VIRAGE(s) - Saison 1 et 2

Virages - Quel avenir pour l'eau ? Réparer, atténuer et adapter

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13min |11/10/2024
Play
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13min |11/10/2024
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Description

Aurons-nous toujours une eau de qualité, abondante et peu coûteuse à notre disposition ?

La qualité et la disponibilité de l’eau ne cessent de se dégrader et de s’amenuiser sous les effets du changement climatique, affectant le cycle de l’eau, et de la pression anthropique (irrigation à grande échelle, transformation des cours d’eau et du paysage, rejets chimiques dans les milieux aquatiques, dégradation des sources de captages…), tandis que s’exacerbent les tensions suscitées autour du partage de l’eau et de sa raréfaction.

 

Quelles sont les solutions pour réparer et apaiser ? La vision qui s’impose aujourd’hui passe par la remise en cause - ou du moins l’adaptation - des pratiques intensives, agricoles et industrielles, l’adoption de solutions fondées sur la nature, mais aussi la mise en place de lieux de négociations élargies pour parvenir à un partage équitable entre tous.

Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? Quel rôle peuvent ou doivent jouer les pouvoirs publics ? Sommes-nous prêts à prendre le virage ?

Eclairage avec François Bafoil, directeur de recherche émérite au CNRS dans le podcast Virages.


Enregistré à Sèvres, le 27 septembre 2024

Invitée : François Bafoil

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media

Editeur : Caisse des Dépôts


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage, saison 2, épisode 4, un podcast de la Caisse des dépôts. Dès 1964, la première grande loi française sur l'eau entendait répondre au conflit d'usage sur la ressource en eau en mettant acteurs et usagers autour d'une même table. Il s'agissait à l'époque des agences de bassin, aïeul des agences de l'eau. Ces oppositions, résultat de l'industrialisation progressive du pays au XIXe et XXe siècles, concernaient la répartition de la ressource et sa qualité. A ces deux registres de tensions s'en ajoute aujourd'hui un troisième. Il s'agit des tensions suscitées par la rareté de la ressource, ou tout du moins les craintes qui entourent sa disponibilité future. Quelles sont les solutions pour apaiser et rassérener ? Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? C'est ce que nous allons explorer avec François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS. Bonjour François.

  • Speaker #1

    Bonjour Guillaume.

  • Speaker #0

    Alors, avant de nous plonger dans les enjeux de la gestion qu'on a commencé à évoquer, est-ce que pour planter le décor, vous pourriez nous décrire la structure et le fonctionnement de ce qu'on appelle un bassin versant ?

  • Speaker #1

    Un bassin versant, ça se définit par fondamentalement un partage des eaux, par les crêtes, le ruissellement gravitaire des eaux dans des vallées alluviales où vous trouvez les fleuves qui, eux, se définissent par un amont et un aval qui se versent dans un exutoire. Et l'ensemble de ce fleuve, de ces ruisseaux, de ces rivières se mesure aussi par les eaux superficielles et les eaux profondes. Et ces trois dimensions, disons de la... hauteur, de la longueur et de la surface profondeur entraînent finalement les activités économiques, l'agriculture dans plutôt la luviale, les centrales électriques plutôt sur les montagnes, les pêches, etc. plutôt dans les territoires avals.

  • Speaker #0

    Pourquoi cette question des conflits d'usages se fait plus pressante maintenant qu'elle ne l'a jamais été ? En tout cas, c'est l'impression qu'on a.

  • Speaker #1

    Il y a deux ensembles qu'il faut bien définir. C'est l'anthropique, c'est-à-dire la responsabilité de la main humaine, de l'homme, et puis le climatique. L'anthropique, finalement, en ce qui concerne l'eau, il est sous la contrainte de deux périodes. La première qui demeure jusqu'à présent, c'est ce qu'on a appelé la modernisation, c'est la civilisation industrielle, le fait que les industries se mettent le long des rivières, le long des fleuves, et évidemment... déversent les déchets, etc., sans aucun contrôle. Donc ça, c'est ce premier effet de la modernisation industrielle. Elle se double, après 1945, de la modernisation agricole, qui va avoir des effets considérables jusqu'à aujourd'hui. Elle se traduit par le fait que les exploitants, sous la pression effectivement du politique qui leur a demandé, finalement, de produire beaucoup plus, ils vont éliminer tous les obstacles sur leur chemin pour aller à l'exploitation, pour aller à la ferme, pour revenir à la ferme. Les obstacles, c'est les obstacles naturels que sont les méandres. Et hop, on va couper les méandres. et on va aller tout droit. Du coup, on va rejeter l'eau vers son exutoire, la mer, etc. très rapidement. Avec le coût de quoi ? Le coût des zones humides. Je rappelle quand même, on perd 75% des zones humides depuis la fin du 19e siècle.

  • Speaker #0

    En changeant les virages en ligne droite.

  • Speaker #1

    En changeant les virages en ligne droite. Il y avait les haies. Donc, je rappelle quand même qu'on élimine, on a éliminé 22 000 km de haies par an. On n'en replante que 4000. Ça, c'était le premier point. Et deuxièmement, On a drainé les territoires et on a drainé notamment près des rivières. On a drainé près des rivières pour faire en sorte qu'on n'ait plus affaire aux marais, aux zones humides, etc. et qu'on gagne du terrain pour les cultiver. Alors l'effet de tout cela, c'est que du point de vue des ruissellements, ça cumule avec les boules, etc. Et du point de vue des drains, les sols ne remplissent plus leurs fonctions d'éponge, de lessivage, etc. Tout ce qui a pu être utilisé comme intrants, pesticides, etc. ne sont plus nettoyées, ne sont plus éliminées et donc partent directement ou restent. Ça, c'est le premier bloc, disons, de contraintes. Et le deuxième bloc de contraintes, ça se caractérise par, globalement, des phénomènes de sécheresse qui sont plus longues, plus intenses en été et des phénomènes de pluviométrie qui sont plus longues et plus intenses à des périodes différentes en hiver.

  • Speaker #0

    On a donc un problème de quantité, un problème de qualité. Les deux s'entremêlent parce qu'avec moins de quantité, la qualité baisse aussi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est ça l'enjeu.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a... Aujourd'hui, une visibilité claire sur les ressources disponibles en eau et les besoins en eau qu'on a, c'est-à-dire, est-ce qu'on sait ce qu'on prélève et ce qu'on consomme ?

  • Speaker #1

    En ce qui concerne les prélèvements, on est en France, je lis les chiffres, on est à presque 33 milliards de mètres cubes d'eau douce. 33 milliards.

  • Speaker #0

    Prélevés.

  • Speaker #1

    Prélevés. Consommés, 4 milliards. Entre deux, on a reversé.

  • Speaker #0

    Dans quel état exactement est-ce qu'elle est restituée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas restituée dans le même état où elle a été prélevée. C'est-à-dire que si on considère l'eau des centrales nucléaires, elle est évidemment chaude. Alors je ne dis pas qu'elle est aussi chaude, puisqu'elle a servi effectivement à refroidir les centrales, mais elle est chaude. Si on considère les autres secteurs industriels, ça peut être les aciéries, les papeteries, etc. Il y a toute la question des produits chimiques qui se posent, il y a toute la question des polluants qui sont extrêmement importants. Troisième, c'est évidemment l'agriculture, qui se pose avec la question des intrants, les produits phytosanitaires, pardon, les pesticides, les nitrates, etc. Donc cette eau n'est pas de même nature.

  • Speaker #0

    Quelle piste on a aujourd'hui devant nous pour préserver la ressource en eau ? Et quand on dit préserver, il s'agit bien sûr aussi bien de quantité que de qualité.

  • Speaker #1

    L'un des enjeux fondamentaux, c'est de réparer. Il faut réparer, il faut restaurer en s'appuyant sur ce que l'on appelle la nature et les solutions fondées sur la nature. Ça, c'est extrêmement important. Remettre des haies, remettre... des arbres replantés, etc. Avec cette contrainte fondamentale que maintenant, avec le climat, on ne peut pas utiliser les mêmes arbres dans les mêmes territoires et qu'il faut adapter. C'est l'autre mot-clé, l'adaptation. Le troisième point qui est extrêmement important, c'est l'évolution des pratiques agricoles. Évidemment, on ne peut plus produire comme on a produit antérieurement. On ne peut plus faire de l'irrigation au même titre que l'on en a fait antérieurement, même si l'irrigation demeure un impératif, mais la question est de la modalité. Je prends l'exemple de la Garonne. Il s'appelle ce projet, le projet Ramage. Ramage, c'est un projet qui est porté par un syndicat, le syndicat de la Garonne, qui est aidé de Voix Nationale de France, VNF, et qui est aidé par un laboratoire qui est à Bordeaux. Donc voilà, ça c'est extrêmement important pour la gouvernance, c'est-à-dire la gouvernance politique et technique de l'objet. L'objet, c'est de favoriser l'infiltration dans le sol, dans la nappe alluviale de la Garonne, où le débit est fort avec des canalisations. Ça, c'est un enjeu, évidemment, les canalisations, c'est un enjeu très important. On l'infiltre dans la nappe, d'accord, où elle est conservée. L'avantage, évidemment, c'est qu'on a la biodiversité, c'est qu'on a les zones humides, etc.

  • Speaker #0

    Elle est au frais ?

  • Speaker #1

    Elle est au frais. C'est quand même déjà très haut. Et puis ensuite, lorsque l'étiage est bas et lorsqu'on en a besoin, en été, on la reverse.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de l'impact de l'industrie sur les prélèvements de la ressource en eau aujourd'hui. Est-ce que de ce côté-là, on a des pistes qui permettent d'envisager l'impact de l'industrie sur la ressource en eau et son utilisation de façon différente d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ça,c'est un des enjeux de ce qu'on appelle l'EIT, l'écologie industrielle territoriale. L'idée est la même, c'est finalement d'équilibrer les prélèvements et les dépenses en s'en resservant, de sorte qu'on ait surtout une mutualisation, une mutualisation finalement de l'eau entre différents objectifs. Et le principe qui prévaut à l'activité de l'écologie industrielle, c'est celui-ci. Finalement, dans des territoires particuliers, l'exemple type, c'est évidemment celui de Dunkerque, mais il y en a d'autres, c'est de mutualiser finalement l'eau, ce qui implique évidemment des contraintes infrastructurelles considérables. Alors, il n'y a pas que l'eau. Il y a des matières, d'autres matières, etc. Mais en tous les cas, c'est de mutualiser afin de réduire finalement les rejets, les déchets, etc. Et à l'intérieur de cela, de se servir aussi de ces rejets pour les remettre dans le circuit. Le maître mot, finalement, c'est 1 l'économie circulaire, donc, on est dans une moindre dépense et on en attend finalement des efforts de réduction de la consommation, c'est-à-dire de sobriété.

  • Speaker #0

    On a parlé de l'industrie, le deuxième grand personnage qui a de l'impact sur la ressource en eau dont vous avez parlé, c'est évidemment l'agriculture. Est-ce que dans ce champ-là, on a aussi des pratiques qui changent et qui nous montrent le chemin ?

  • Speaker #1

    Alors on a beaucoup de pratiques qui changent à un niveau très micro. Donc au niveau local, il faut souligner que ça bouge, il faut souligner quand même qu'il y a une prise de conscience. Le politique doit intervenir pour garantir les marchés qu'il propose aux exploitants qui sont prêts de changer. Si l'exploitant n'a pas la garantie que son revenu est sécurisé, il ne changera pas. Seul le politique au niveau intercommunal, au niveau départemental, au niveau régional, doit s'impliquer. Je prends l'exemple du chanvre. Quel est l'avantage du chanvre ? Par rapport à notre sujet, ça ne consomme pas d'eau, le chanvre. Des fleurs jusqu'aux racines, tout est bon. Vous avez une série de secteurs aval qui ouvrent, qui offrent des débouchés à la transformation du chanvre, qui sont considérables. Si le politique n'est pas là pour accompagner, pour soutenir d'abord, orienter, etc., ça ne peut pas marcher.

  • Speaker #0

    Le politique, c'est mettre tout le monde autour de la table, c'est ce qu'on disait. Est-ce que vous avez l'exemple, François, d'une table qui pourrait servir d'exemple aujourd'hui pour que la gouvernance soit mieux organisée ?

  • Speaker #1

    Il y a deux cas en France, en Moselle et dans l'Aube, où vous avez un syndicat qui a toutes les fonctions de l'eau. À la différence du paysage français qui est disséminé, où la gestion de l'eau est disséminée entre différentes institutions, organisations, organismes, etc. Là, vous avez un syndicat, le syndicat de l'Aube, le SDDEA, qui a plus de 330 personnes. Vous avez 83 métiers dans cette organisation. On a la réponse à votre question de la jonction du politique, de la gestion de l'eau, de la technique et de la démocratie, puisqu'il faut ajouter à cela, et c'est le dernier point, ils ont mis au point ce qu'on appelle un observatoire qui, chaque année, se réunit et donne la parole aux élus et aux citoyens dans différents ateliers, où ils recueillent les évaluations, les avis, les opinions, les projets, les propositions de tout cet ensemble qui constitue, à côté du politique, la société civile, et c'est extrêmement important.

  • Speaker #0

    Quelle est la bonne échelle territoriale, selon vous, pour organiser ces gouvernances ?

  • Speaker #1

    Je pense que la bonne échelle, c'est celle où les coopérations sont rendues possibles, c'est-à-dire l'action publique et l'action collective. Du fait que plusieurs fleuves en France prennent leurs sources dans des pays étrangers a une implication directe sur la gestion de la quantité et de la qualité de ces fleuves. Et on doit à l'Europe d'avoir créé, c'est un des tout premiers programmes européens, d'avoir créé ce que l'on appelle le programme Interreg qui se décline au niveau régional, au niveau infrarégional, jusqu'à des territoires extrêmement limités, réduits, pour favoriser notamment la continuité écologique, les gouvernances partagées entre ces deux pays.

  • Speaker #0

    Pour continuer cette conversation passionnante sur l'eau, si vous deviez conseiller à ceux qui vous écoutent un ouvrage, un livre, pour leur permettre de construire leur propre culture et d'approfondir, lequel choisiriez-vous avant tous les autres ?

  • Speaker #1

    Pour être très synthétique, je vais en citer un qui vient de paraître en septembre 24 aux éditions Le Cavalier, sous la direction de Rémi Barbier et de Sarah Fernandez, et qui s'intitule « Idées reçues sur l'eau et sa gestion » . Ce petit ouvrage de 135 pages, il reprend tous les thèmes qu'on a examinés tous les deux durant cet entretien, la gouvernance les quantités et la qualité, les problèmes de la police, de l'eau et des conflits, et les problèmes des coûts de l'eau avec les infrastructures et des prix en fonction de la consommation. C'est un petit ouvrage tout à fait bien écrit et tout à fait passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS, d'avoir énuméré quelques virages à prendre avec nous. J'ai bien noté que les virages valaient mieux que la ligne droite en ce qui concerne l'eau. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts et on se retrouve très vite pour de nouveaux virages.

Description

Aurons-nous toujours une eau de qualité, abondante et peu coûteuse à notre disposition ?

La qualité et la disponibilité de l’eau ne cessent de se dégrader et de s’amenuiser sous les effets du changement climatique, affectant le cycle de l’eau, et de la pression anthropique (irrigation à grande échelle, transformation des cours d’eau et du paysage, rejets chimiques dans les milieux aquatiques, dégradation des sources de captages…), tandis que s’exacerbent les tensions suscitées autour du partage de l’eau et de sa raréfaction.

 

Quelles sont les solutions pour réparer et apaiser ? La vision qui s’impose aujourd’hui passe par la remise en cause - ou du moins l’adaptation - des pratiques intensives, agricoles et industrielles, l’adoption de solutions fondées sur la nature, mais aussi la mise en place de lieux de négociations élargies pour parvenir à un partage équitable entre tous.

Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? Quel rôle peuvent ou doivent jouer les pouvoirs publics ? Sommes-nous prêts à prendre le virage ?

Eclairage avec François Bafoil, directeur de recherche émérite au CNRS dans le podcast Virages.


Enregistré à Sèvres, le 27 septembre 2024

Invitée : François Bafoil

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media

Editeur : Caisse des Dépôts


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage, saison 2, épisode 4, un podcast de la Caisse des dépôts. Dès 1964, la première grande loi française sur l'eau entendait répondre au conflit d'usage sur la ressource en eau en mettant acteurs et usagers autour d'une même table. Il s'agissait à l'époque des agences de bassin, aïeul des agences de l'eau. Ces oppositions, résultat de l'industrialisation progressive du pays au XIXe et XXe siècles, concernaient la répartition de la ressource et sa qualité. A ces deux registres de tensions s'en ajoute aujourd'hui un troisième. Il s'agit des tensions suscitées par la rareté de la ressource, ou tout du moins les craintes qui entourent sa disponibilité future. Quelles sont les solutions pour apaiser et rassérener ? Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? C'est ce que nous allons explorer avec François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS. Bonjour François.

  • Speaker #1

    Bonjour Guillaume.

  • Speaker #0

    Alors, avant de nous plonger dans les enjeux de la gestion qu'on a commencé à évoquer, est-ce que pour planter le décor, vous pourriez nous décrire la structure et le fonctionnement de ce qu'on appelle un bassin versant ?

  • Speaker #1

    Un bassin versant, ça se définit par fondamentalement un partage des eaux, par les crêtes, le ruissellement gravitaire des eaux dans des vallées alluviales où vous trouvez les fleuves qui, eux, se définissent par un amont et un aval qui se versent dans un exutoire. Et l'ensemble de ce fleuve, de ces ruisseaux, de ces rivières se mesure aussi par les eaux superficielles et les eaux profondes. Et ces trois dimensions, disons de la... hauteur, de la longueur et de la surface profondeur entraînent finalement les activités économiques, l'agriculture dans plutôt la luviale, les centrales électriques plutôt sur les montagnes, les pêches, etc. plutôt dans les territoires avals.

  • Speaker #0

    Pourquoi cette question des conflits d'usages se fait plus pressante maintenant qu'elle ne l'a jamais été ? En tout cas, c'est l'impression qu'on a.

  • Speaker #1

    Il y a deux ensembles qu'il faut bien définir. C'est l'anthropique, c'est-à-dire la responsabilité de la main humaine, de l'homme, et puis le climatique. L'anthropique, finalement, en ce qui concerne l'eau, il est sous la contrainte de deux périodes. La première qui demeure jusqu'à présent, c'est ce qu'on a appelé la modernisation, c'est la civilisation industrielle, le fait que les industries se mettent le long des rivières, le long des fleuves, et évidemment... déversent les déchets, etc., sans aucun contrôle. Donc ça, c'est ce premier effet de la modernisation industrielle. Elle se double, après 1945, de la modernisation agricole, qui va avoir des effets considérables jusqu'à aujourd'hui. Elle se traduit par le fait que les exploitants, sous la pression effectivement du politique qui leur a demandé, finalement, de produire beaucoup plus, ils vont éliminer tous les obstacles sur leur chemin pour aller à l'exploitation, pour aller à la ferme, pour revenir à la ferme. Les obstacles, c'est les obstacles naturels que sont les méandres. Et hop, on va couper les méandres. et on va aller tout droit. Du coup, on va rejeter l'eau vers son exutoire, la mer, etc. très rapidement. Avec le coût de quoi ? Le coût des zones humides. Je rappelle quand même, on perd 75% des zones humides depuis la fin du 19e siècle.

  • Speaker #0

    En changeant les virages en ligne droite.

  • Speaker #1

    En changeant les virages en ligne droite. Il y avait les haies. Donc, je rappelle quand même qu'on élimine, on a éliminé 22 000 km de haies par an. On n'en replante que 4000. Ça, c'était le premier point. Et deuxièmement, On a drainé les territoires et on a drainé notamment près des rivières. On a drainé près des rivières pour faire en sorte qu'on n'ait plus affaire aux marais, aux zones humides, etc. et qu'on gagne du terrain pour les cultiver. Alors l'effet de tout cela, c'est que du point de vue des ruissellements, ça cumule avec les boules, etc. Et du point de vue des drains, les sols ne remplissent plus leurs fonctions d'éponge, de lessivage, etc. Tout ce qui a pu être utilisé comme intrants, pesticides, etc. ne sont plus nettoyées, ne sont plus éliminées et donc partent directement ou restent. Ça, c'est le premier bloc, disons, de contraintes. Et le deuxième bloc de contraintes, ça se caractérise par, globalement, des phénomènes de sécheresse qui sont plus longues, plus intenses en été et des phénomènes de pluviométrie qui sont plus longues et plus intenses à des périodes différentes en hiver.

  • Speaker #0

    On a donc un problème de quantité, un problème de qualité. Les deux s'entremêlent parce qu'avec moins de quantité, la qualité baisse aussi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est ça l'enjeu.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a... Aujourd'hui, une visibilité claire sur les ressources disponibles en eau et les besoins en eau qu'on a, c'est-à-dire, est-ce qu'on sait ce qu'on prélève et ce qu'on consomme ?

  • Speaker #1

    En ce qui concerne les prélèvements, on est en France, je lis les chiffres, on est à presque 33 milliards de mètres cubes d'eau douce. 33 milliards.

  • Speaker #0

    Prélevés.

  • Speaker #1

    Prélevés. Consommés, 4 milliards. Entre deux, on a reversé.

  • Speaker #0

    Dans quel état exactement est-ce qu'elle est restituée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas restituée dans le même état où elle a été prélevée. C'est-à-dire que si on considère l'eau des centrales nucléaires, elle est évidemment chaude. Alors je ne dis pas qu'elle est aussi chaude, puisqu'elle a servi effectivement à refroidir les centrales, mais elle est chaude. Si on considère les autres secteurs industriels, ça peut être les aciéries, les papeteries, etc. Il y a toute la question des produits chimiques qui se posent, il y a toute la question des polluants qui sont extrêmement importants. Troisième, c'est évidemment l'agriculture, qui se pose avec la question des intrants, les produits phytosanitaires, pardon, les pesticides, les nitrates, etc. Donc cette eau n'est pas de même nature.

  • Speaker #0

    Quelle piste on a aujourd'hui devant nous pour préserver la ressource en eau ? Et quand on dit préserver, il s'agit bien sûr aussi bien de quantité que de qualité.

  • Speaker #1

    L'un des enjeux fondamentaux, c'est de réparer. Il faut réparer, il faut restaurer en s'appuyant sur ce que l'on appelle la nature et les solutions fondées sur la nature. Ça, c'est extrêmement important. Remettre des haies, remettre... des arbres replantés, etc. Avec cette contrainte fondamentale que maintenant, avec le climat, on ne peut pas utiliser les mêmes arbres dans les mêmes territoires et qu'il faut adapter. C'est l'autre mot-clé, l'adaptation. Le troisième point qui est extrêmement important, c'est l'évolution des pratiques agricoles. Évidemment, on ne peut plus produire comme on a produit antérieurement. On ne peut plus faire de l'irrigation au même titre que l'on en a fait antérieurement, même si l'irrigation demeure un impératif, mais la question est de la modalité. Je prends l'exemple de la Garonne. Il s'appelle ce projet, le projet Ramage. Ramage, c'est un projet qui est porté par un syndicat, le syndicat de la Garonne, qui est aidé de Voix Nationale de France, VNF, et qui est aidé par un laboratoire qui est à Bordeaux. Donc voilà, ça c'est extrêmement important pour la gouvernance, c'est-à-dire la gouvernance politique et technique de l'objet. L'objet, c'est de favoriser l'infiltration dans le sol, dans la nappe alluviale de la Garonne, où le débit est fort avec des canalisations. Ça, c'est un enjeu, évidemment, les canalisations, c'est un enjeu très important. On l'infiltre dans la nappe, d'accord, où elle est conservée. L'avantage, évidemment, c'est qu'on a la biodiversité, c'est qu'on a les zones humides, etc.

  • Speaker #0

    Elle est au frais ?

  • Speaker #1

    Elle est au frais. C'est quand même déjà très haut. Et puis ensuite, lorsque l'étiage est bas et lorsqu'on en a besoin, en été, on la reverse.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de l'impact de l'industrie sur les prélèvements de la ressource en eau aujourd'hui. Est-ce que de ce côté-là, on a des pistes qui permettent d'envisager l'impact de l'industrie sur la ressource en eau et son utilisation de façon différente d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ça,c'est un des enjeux de ce qu'on appelle l'EIT, l'écologie industrielle territoriale. L'idée est la même, c'est finalement d'équilibrer les prélèvements et les dépenses en s'en resservant, de sorte qu'on ait surtout une mutualisation, une mutualisation finalement de l'eau entre différents objectifs. Et le principe qui prévaut à l'activité de l'écologie industrielle, c'est celui-ci. Finalement, dans des territoires particuliers, l'exemple type, c'est évidemment celui de Dunkerque, mais il y en a d'autres, c'est de mutualiser finalement l'eau, ce qui implique évidemment des contraintes infrastructurelles considérables. Alors, il n'y a pas que l'eau. Il y a des matières, d'autres matières, etc. Mais en tous les cas, c'est de mutualiser afin de réduire finalement les rejets, les déchets, etc. Et à l'intérieur de cela, de se servir aussi de ces rejets pour les remettre dans le circuit. Le maître mot, finalement, c'est 1 l'économie circulaire, donc, on est dans une moindre dépense et on en attend finalement des efforts de réduction de la consommation, c'est-à-dire de sobriété.

  • Speaker #0

    On a parlé de l'industrie, le deuxième grand personnage qui a de l'impact sur la ressource en eau dont vous avez parlé, c'est évidemment l'agriculture. Est-ce que dans ce champ-là, on a aussi des pratiques qui changent et qui nous montrent le chemin ?

  • Speaker #1

    Alors on a beaucoup de pratiques qui changent à un niveau très micro. Donc au niveau local, il faut souligner que ça bouge, il faut souligner quand même qu'il y a une prise de conscience. Le politique doit intervenir pour garantir les marchés qu'il propose aux exploitants qui sont prêts de changer. Si l'exploitant n'a pas la garantie que son revenu est sécurisé, il ne changera pas. Seul le politique au niveau intercommunal, au niveau départemental, au niveau régional, doit s'impliquer. Je prends l'exemple du chanvre. Quel est l'avantage du chanvre ? Par rapport à notre sujet, ça ne consomme pas d'eau, le chanvre. Des fleurs jusqu'aux racines, tout est bon. Vous avez une série de secteurs aval qui ouvrent, qui offrent des débouchés à la transformation du chanvre, qui sont considérables. Si le politique n'est pas là pour accompagner, pour soutenir d'abord, orienter, etc., ça ne peut pas marcher.

  • Speaker #0

    Le politique, c'est mettre tout le monde autour de la table, c'est ce qu'on disait. Est-ce que vous avez l'exemple, François, d'une table qui pourrait servir d'exemple aujourd'hui pour que la gouvernance soit mieux organisée ?

  • Speaker #1

    Il y a deux cas en France, en Moselle et dans l'Aube, où vous avez un syndicat qui a toutes les fonctions de l'eau. À la différence du paysage français qui est disséminé, où la gestion de l'eau est disséminée entre différentes institutions, organisations, organismes, etc. Là, vous avez un syndicat, le syndicat de l'Aube, le SDDEA, qui a plus de 330 personnes. Vous avez 83 métiers dans cette organisation. On a la réponse à votre question de la jonction du politique, de la gestion de l'eau, de la technique et de la démocratie, puisqu'il faut ajouter à cela, et c'est le dernier point, ils ont mis au point ce qu'on appelle un observatoire qui, chaque année, se réunit et donne la parole aux élus et aux citoyens dans différents ateliers, où ils recueillent les évaluations, les avis, les opinions, les projets, les propositions de tout cet ensemble qui constitue, à côté du politique, la société civile, et c'est extrêmement important.

  • Speaker #0

    Quelle est la bonne échelle territoriale, selon vous, pour organiser ces gouvernances ?

  • Speaker #1

    Je pense que la bonne échelle, c'est celle où les coopérations sont rendues possibles, c'est-à-dire l'action publique et l'action collective. Du fait que plusieurs fleuves en France prennent leurs sources dans des pays étrangers a une implication directe sur la gestion de la quantité et de la qualité de ces fleuves. Et on doit à l'Europe d'avoir créé, c'est un des tout premiers programmes européens, d'avoir créé ce que l'on appelle le programme Interreg qui se décline au niveau régional, au niveau infrarégional, jusqu'à des territoires extrêmement limités, réduits, pour favoriser notamment la continuité écologique, les gouvernances partagées entre ces deux pays.

  • Speaker #0

    Pour continuer cette conversation passionnante sur l'eau, si vous deviez conseiller à ceux qui vous écoutent un ouvrage, un livre, pour leur permettre de construire leur propre culture et d'approfondir, lequel choisiriez-vous avant tous les autres ?

  • Speaker #1

    Pour être très synthétique, je vais en citer un qui vient de paraître en septembre 24 aux éditions Le Cavalier, sous la direction de Rémi Barbier et de Sarah Fernandez, et qui s'intitule « Idées reçues sur l'eau et sa gestion » . Ce petit ouvrage de 135 pages, il reprend tous les thèmes qu'on a examinés tous les deux durant cet entretien, la gouvernance les quantités et la qualité, les problèmes de la police, de l'eau et des conflits, et les problèmes des coûts de l'eau avec les infrastructures et des prix en fonction de la consommation. C'est un petit ouvrage tout à fait bien écrit et tout à fait passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS, d'avoir énuméré quelques virages à prendre avec nous. J'ai bien noté que les virages valaient mieux que la ligne droite en ce qui concerne l'eau. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts et on se retrouve très vite pour de nouveaux virages.

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Description

Aurons-nous toujours une eau de qualité, abondante et peu coûteuse à notre disposition ?

La qualité et la disponibilité de l’eau ne cessent de se dégrader et de s’amenuiser sous les effets du changement climatique, affectant le cycle de l’eau, et de la pression anthropique (irrigation à grande échelle, transformation des cours d’eau et du paysage, rejets chimiques dans les milieux aquatiques, dégradation des sources de captages…), tandis que s’exacerbent les tensions suscitées autour du partage de l’eau et de sa raréfaction.

 

Quelles sont les solutions pour réparer et apaiser ? La vision qui s’impose aujourd’hui passe par la remise en cause - ou du moins l’adaptation - des pratiques intensives, agricoles et industrielles, l’adoption de solutions fondées sur la nature, mais aussi la mise en place de lieux de négociations élargies pour parvenir à un partage équitable entre tous.

Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? Quel rôle peuvent ou doivent jouer les pouvoirs publics ? Sommes-nous prêts à prendre le virage ?

Eclairage avec François Bafoil, directeur de recherche émérite au CNRS dans le podcast Virages.


Enregistré à Sèvres, le 27 septembre 2024

Invitée : François Bafoil

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media

Editeur : Caisse des Dépôts


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage, saison 2, épisode 4, un podcast de la Caisse des dépôts. Dès 1964, la première grande loi française sur l'eau entendait répondre au conflit d'usage sur la ressource en eau en mettant acteurs et usagers autour d'une même table. Il s'agissait à l'époque des agences de bassin, aïeul des agences de l'eau. Ces oppositions, résultat de l'industrialisation progressive du pays au XIXe et XXe siècles, concernaient la répartition de la ressource et sa qualité. A ces deux registres de tensions s'en ajoute aujourd'hui un troisième. Il s'agit des tensions suscitées par la rareté de la ressource, ou tout du moins les craintes qui entourent sa disponibilité future. Quelles sont les solutions pour apaiser et rassérener ? Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? C'est ce que nous allons explorer avec François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS. Bonjour François.

  • Speaker #1

    Bonjour Guillaume.

  • Speaker #0

    Alors, avant de nous plonger dans les enjeux de la gestion qu'on a commencé à évoquer, est-ce que pour planter le décor, vous pourriez nous décrire la structure et le fonctionnement de ce qu'on appelle un bassin versant ?

  • Speaker #1

    Un bassin versant, ça se définit par fondamentalement un partage des eaux, par les crêtes, le ruissellement gravitaire des eaux dans des vallées alluviales où vous trouvez les fleuves qui, eux, se définissent par un amont et un aval qui se versent dans un exutoire. Et l'ensemble de ce fleuve, de ces ruisseaux, de ces rivières se mesure aussi par les eaux superficielles et les eaux profondes. Et ces trois dimensions, disons de la... hauteur, de la longueur et de la surface profondeur entraînent finalement les activités économiques, l'agriculture dans plutôt la luviale, les centrales électriques plutôt sur les montagnes, les pêches, etc. plutôt dans les territoires avals.

  • Speaker #0

    Pourquoi cette question des conflits d'usages se fait plus pressante maintenant qu'elle ne l'a jamais été ? En tout cas, c'est l'impression qu'on a.

  • Speaker #1

    Il y a deux ensembles qu'il faut bien définir. C'est l'anthropique, c'est-à-dire la responsabilité de la main humaine, de l'homme, et puis le climatique. L'anthropique, finalement, en ce qui concerne l'eau, il est sous la contrainte de deux périodes. La première qui demeure jusqu'à présent, c'est ce qu'on a appelé la modernisation, c'est la civilisation industrielle, le fait que les industries se mettent le long des rivières, le long des fleuves, et évidemment... déversent les déchets, etc., sans aucun contrôle. Donc ça, c'est ce premier effet de la modernisation industrielle. Elle se double, après 1945, de la modernisation agricole, qui va avoir des effets considérables jusqu'à aujourd'hui. Elle se traduit par le fait que les exploitants, sous la pression effectivement du politique qui leur a demandé, finalement, de produire beaucoup plus, ils vont éliminer tous les obstacles sur leur chemin pour aller à l'exploitation, pour aller à la ferme, pour revenir à la ferme. Les obstacles, c'est les obstacles naturels que sont les méandres. Et hop, on va couper les méandres. et on va aller tout droit. Du coup, on va rejeter l'eau vers son exutoire, la mer, etc. très rapidement. Avec le coût de quoi ? Le coût des zones humides. Je rappelle quand même, on perd 75% des zones humides depuis la fin du 19e siècle.

  • Speaker #0

    En changeant les virages en ligne droite.

  • Speaker #1

    En changeant les virages en ligne droite. Il y avait les haies. Donc, je rappelle quand même qu'on élimine, on a éliminé 22 000 km de haies par an. On n'en replante que 4000. Ça, c'était le premier point. Et deuxièmement, On a drainé les territoires et on a drainé notamment près des rivières. On a drainé près des rivières pour faire en sorte qu'on n'ait plus affaire aux marais, aux zones humides, etc. et qu'on gagne du terrain pour les cultiver. Alors l'effet de tout cela, c'est que du point de vue des ruissellements, ça cumule avec les boules, etc. Et du point de vue des drains, les sols ne remplissent plus leurs fonctions d'éponge, de lessivage, etc. Tout ce qui a pu être utilisé comme intrants, pesticides, etc. ne sont plus nettoyées, ne sont plus éliminées et donc partent directement ou restent. Ça, c'est le premier bloc, disons, de contraintes. Et le deuxième bloc de contraintes, ça se caractérise par, globalement, des phénomènes de sécheresse qui sont plus longues, plus intenses en été et des phénomènes de pluviométrie qui sont plus longues et plus intenses à des périodes différentes en hiver.

  • Speaker #0

    On a donc un problème de quantité, un problème de qualité. Les deux s'entremêlent parce qu'avec moins de quantité, la qualité baisse aussi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est ça l'enjeu.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a... Aujourd'hui, une visibilité claire sur les ressources disponibles en eau et les besoins en eau qu'on a, c'est-à-dire, est-ce qu'on sait ce qu'on prélève et ce qu'on consomme ?

  • Speaker #1

    En ce qui concerne les prélèvements, on est en France, je lis les chiffres, on est à presque 33 milliards de mètres cubes d'eau douce. 33 milliards.

  • Speaker #0

    Prélevés.

  • Speaker #1

    Prélevés. Consommés, 4 milliards. Entre deux, on a reversé.

  • Speaker #0

    Dans quel état exactement est-ce qu'elle est restituée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas restituée dans le même état où elle a été prélevée. C'est-à-dire que si on considère l'eau des centrales nucléaires, elle est évidemment chaude. Alors je ne dis pas qu'elle est aussi chaude, puisqu'elle a servi effectivement à refroidir les centrales, mais elle est chaude. Si on considère les autres secteurs industriels, ça peut être les aciéries, les papeteries, etc. Il y a toute la question des produits chimiques qui se posent, il y a toute la question des polluants qui sont extrêmement importants. Troisième, c'est évidemment l'agriculture, qui se pose avec la question des intrants, les produits phytosanitaires, pardon, les pesticides, les nitrates, etc. Donc cette eau n'est pas de même nature.

  • Speaker #0

    Quelle piste on a aujourd'hui devant nous pour préserver la ressource en eau ? Et quand on dit préserver, il s'agit bien sûr aussi bien de quantité que de qualité.

  • Speaker #1

    L'un des enjeux fondamentaux, c'est de réparer. Il faut réparer, il faut restaurer en s'appuyant sur ce que l'on appelle la nature et les solutions fondées sur la nature. Ça, c'est extrêmement important. Remettre des haies, remettre... des arbres replantés, etc. Avec cette contrainte fondamentale que maintenant, avec le climat, on ne peut pas utiliser les mêmes arbres dans les mêmes territoires et qu'il faut adapter. C'est l'autre mot-clé, l'adaptation. Le troisième point qui est extrêmement important, c'est l'évolution des pratiques agricoles. Évidemment, on ne peut plus produire comme on a produit antérieurement. On ne peut plus faire de l'irrigation au même titre que l'on en a fait antérieurement, même si l'irrigation demeure un impératif, mais la question est de la modalité. Je prends l'exemple de la Garonne. Il s'appelle ce projet, le projet Ramage. Ramage, c'est un projet qui est porté par un syndicat, le syndicat de la Garonne, qui est aidé de Voix Nationale de France, VNF, et qui est aidé par un laboratoire qui est à Bordeaux. Donc voilà, ça c'est extrêmement important pour la gouvernance, c'est-à-dire la gouvernance politique et technique de l'objet. L'objet, c'est de favoriser l'infiltration dans le sol, dans la nappe alluviale de la Garonne, où le débit est fort avec des canalisations. Ça, c'est un enjeu, évidemment, les canalisations, c'est un enjeu très important. On l'infiltre dans la nappe, d'accord, où elle est conservée. L'avantage, évidemment, c'est qu'on a la biodiversité, c'est qu'on a les zones humides, etc.

  • Speaker #0

    Elle est au frais ?

  • Speaker #1

    Elle est au frais. C'est quand même déjà très haut. Et puis ensuite, lorsque l'étiage est bas et lorsqu'on en a besoin, en été, on la reverse.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de l'impact de l'industrie sur les prélèvements de la ressource en eau aujourd'hui. Est-ce que de ce côté-là, on a des pistes qui permettent d'envisager l'impact de l'industrie sur la ressource en eau et son utilisation de façon différente d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ça,c'est un des enjeux de ce qu'on appelle l'EIT, l'écologie industrielle territoriale. L'idée est la même, c'est finalement d'équilibrer les prélèvements et les dépenses en s'en resservant, de sorte qu'on ait surtout une mutualisation, une mutualisation finalement de l'eau entre différents objectifs. Et le principe qui prévaut à l'activité de l'écologie industrielle, c'est celui-ci. Finalement, dans des territoires particuliers, l'exemple type, c'est évidemment celui de Dunkerque, mais il y en a d'autres, c'est de mutualiser finalement l'eau, ce qui implique évidemment des contraintes infrastructurelles considérables. Alors, il n'y a pas que l'eau. Il y a des matières, d'autres matières, etc. Mais en tous les cas, c'est de mutualiser afin de réduire finalement les rejets, les déchets, etc. Et à l'intérieur de cela, de se servir aussi de ces rejets pour les remettre dans le circuit. Le maître mot, finalement, c'est 1 l'économie circulaire, donc, on est dans une moindre dépense et on en attend finalement des efforts de réduction de la consommation, c'est-à-dire de sobriété.

  • Speaker #0

    On a parlé de l'industrie, le deuxième grand personnage qui a de l'impact sur la ressource en eau dont vous avez parlé, c'est évidemment l'agriculture. Est-ce que dans ce champ-là, on a aussi des pratiques qui changent et qui nous montrent le chemin ?

  • Speaker #1

    Alors on a beaucoup de pratiques qui changent à un niveau très micro. Donc au niveau local, il faut souligner que ça bouge, il faut souligner quand même qu'il y a une prise de conscience. Le politique doit intervenir pour garantir les marchés qu'il propose aux exploitants qui sont prêts de changer. Si l'exploitant n'a pas la garantie que son revenu est sécurisé, il ne changera pas. Seul le politique au niveau intercommunal, au niveau départemental, au niveau régional, doit s'impliquer. Je prends l'exemple du chanvre. Quel est l'avantage du chanvre ? Par rapport à notre sujet, ça ne consomme pas d'eau, le chanvre. Des fleurs jusqu'aux racines, tout est bon. Vous avez une série de secteurs aval qui ouvrent, qui offrent des débouchés à la transformation du chanvre, qui sont considérables. Si le politique n'est pas là pour accompagner, pour soutenir d'abord, orienter, etc., ça ne peut pas marcher.

  • Speaker #0

    Le politique, c'est mettre tout le monde autour de la table, c'est ce qu'on disait. Est-ce que vous avez l'exemple, François, d'une table qui pourrait servir d'exemple aujourd'hui pour que la gouvernance soit mieux organisée ?

  • Speaker #1

    Il y a deux cas en France, en Moselle et dans l'Aube, où vous avez un syndicat qui a toutes les fonctions de l'eau. À la différence du paysage français qui est disséminé, où la gestion de l'eau est disséminée entre différentes institutions, organisations, organismes, etc. Là, vous avez un syndicat, le syndicat de l'Aube, le SDDEA, qui a plus de 330 personnes. Vous avez 83 métiers dans cette organisation. On a la réponse à votre question de la jonction du politique, de la gestion de l'eau, de la technique et de la démocratie, puisqu'il faut ajouter à cela, et c'est le dernier point, ils ont mis au point ce qu'on appelle un observatoire qui, chaque année, se réunit et donne la parole aux élus et aux citoyens dans différents ateliers, où ils recueillent les évaluations, les avis, les opinions, les projets, les propositions de tout cet ensemble qui constitue, à côté du politique, la société civile, et c'est extrêmement important.

  • Speaker #0

    Quelle est la bonne échelle territoriale, selon vous, pour organiser ces gouvernances ?

  • Speaker #1

    Je pense que la bonne échelle, c'est celle où les coopérations sont rendues possibles, c'est-à-dire l'action publique et l'action collective. Du fait que plusieurs fleuves en France prennent leurs sources dans des pays étrangers a une implication directe sur la gestion de la quantité et de la qualité de ces fleuves. Et on doit à l'Europe d'avoir créé, c'est un des tout premiers programmes européens, d'avoir créé ce que l'on appelle le programme Interreg qui se décline au niveau régional, au niveau infrarégional, jusqu'à des territoires extrêmement limités, réduits, pour favoriser notamment la continuité écologique, les gouvernances partagées entre ces deux pays.

  • Speaker #0

    Pour continuer cette conversation passionnante sur l'eau, si vous deviez conseiller à ceux qui vous écoutent un ouvrage, un livre, pour leur permettre de construire leur propre culture et d'approfondir, lequel choisiriez-vous avant tous les autres ?

  • Speaker #1

    Pour être très synthétique, je vais en citer un qui vient de paraître en septembre 24 aux éditions Le Cavalier, sous la direction de Rémi Barbier et de Sarah Fernandez, et qui s'intitule « Idées reçues sur l'eau et sa gestion » . Ce petit ouvrage de 135 pages, il reprend tous les thèmes qu'on a examinés tous les deux durant cet entretien, la gouvernance les quantités et la qualité, les problèmes de la police, de l'eau et des conflits, et les problèmes des coûts de l'eau avec les infrastructures et des prix en fonction de la consommation. C'est un petit ouvrage tout à fait bien écrit et tout à fait passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS, d'avoir énuméré quelques virages à prendre avec nous. J'ai bien noté que les virages valaient mieux que la ligne droite en ce qui concerne l'eau. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts et on se retrouve très vite pour de nouveaux virages.

Description

Aurons-nous toujours une eau de qualité, abondante et peu coûteuse à notre disposition ?

La qualité et la disponibilité de l’eau ne cessent de se dégrader et de s’amenuiser sous les effets du changement climatique, affectant le cycle de l’eau, et de la pression anthropique (irrigation à grande échelle, transformation des cours d’eau et du paysage, rejets chimiques dans les milieux aquatiques, dégradation des sources de captages…), tandis que s’exacerbent les tensions suscitées autour du partage de l’eau et de sa raréfaction.

 

Quelles sont les solutions pour réparer et apaiser ? La vision qui s’impose aujourd’hui passe par la remise en cause - ou du moins l’adaptation - des pratiques intensives, agricoles et industrielles, l’adoption de solutions fondées sur la nature, mais aussi la mise en place de lieux de négociations élargies pour parvenir à un partage équitable entre tous.

Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? Quel rôle peuvent ou doivent jouer les pouvoirs publics ? Sommes-nous prêts à prendre le virage ?

Eclairage avec François Bafoil, directeur de recherche émérite au CNRS dans le podcast Virages.


Enregistré à Sèvres, le 27 septembre 2024

Invitée : François Bafoil

Musiques : Guy et Elisabeth Skornik

Production : Go On Media

Editeur : Caisse des Dépôts


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Virage, saison 2, épisode 4, un podcast de la Caisse des dépôts. Dès 1964, la première grande loi française sur l'eau entendait répondre au conflit d'usage sur la ressource en eau en mettant acteurs et usagers autour d'une même table. Il s'agissait à l'époque des agences de bassin, aïeul des agences de l'eau. Ces oppositions, résultat de l'industrialisation progressive du pays au XIXe et XXe siècles, concernaient la répartition de la ressource et sa qualité. A ces deux registres de tensions s'en ajoute aujourd'hui un troisième. Il s'agit des tensions suscitées par la rareté de la ressource, ou tout du moins les craintes qui entourent sa disponibilité future. Quelles sont les solutions pour apaiser et rassérener ? Est-il possible de concilier des intérêts divergents ? Comment remettre tout le monde autour de la table ? C'est ce que nous allons explorer avec François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS. Bonjour François.

  • Speaker #1

    Bonjour Guillaume.

  • Speaker #0

    Alors, avant de nous plonger dans les enjeux de la gestion qu'on a commencé à évoquer, est-ce que pour planter le décor, vous pourriez nous décrire la structure et le fonctionnement de ce qu'on appelle un bassin versant ?

  • Speaker #1

    Un bassin versant, ça se définit par fondamentalement un partage des eaux, par les crêtes, le ruissellement gravitaire des eaux dans des vallées alluviales où vous trouvez les fleuves qui, eux, se définissent par un amont et un aval qui se versent dans un exutoire. Et l'ensemble de ce fleuve, de ces ruisseaux, de ces rivières se mesure aussi par les eaux superficielles et les eaux profondes. Et ces trois dimensions, disons de la... hauteur, de la longueur et de la surface profondeur entraînent finalement les activités économiques, l'agriculture dans plutôt la luviale, les centrales électriques plutôt sur les montagnes, les pêches, etc. plutôt dans les territoires avals.

  • Speaker #0

    Pourquoi cette question des conflits d'usages se fait plus pressante maintenant qu'elle ne l'a jamais été ? En tout cas, c'est l'impression qu'on a.

  • Speaker #1

    Il y a deux ensembles qu'il faut bien définir. C'est l'anthropique, c'est-à-dire la responsabilité de la main humaine, de l'homme, et puis le climatique. L'anthropique, finalement, en ce qui concerne l'eau, il est sous la contrainte de deux périodes. La première qui demeure jusqu'à présent, c'est ce qu'on a appelé la modernisation, c'est la civilisation industrielle, le fait que les industries se mettent le long des rivières, le long des fleuves, et évidemment... déversent les déchets, etc., sans aucun contrôle. Donc ça, c'est ce premier effet de la modernisation industrielle. Elle se double, après 1945, de la modernisation agricole, qui va avoir des effets considérables jusqu'à aujourd'hui. Elle se traduit par le fait que les exploitants, sous la pression effectivement du politique qui leur a demandé, finalement, de produire beaucoup plus, ils vont éliminer tous les obstacles sur leur chemin pour aller à l'exploitation, pour aller à la ferme, pour revenir à la ferme. Les obstacles, c'est les obstacles naturels que sont les méandres. Et hop, on va couper les méandres. et on va aller tout droit. Du coup, on va rejeter l'eau vers son exutoire, la mer, etc. très rapidement. Avec le coût de quoi ? Le coût des zones humides. Je rappelle quand même, on perd 75% des zones humides depuis la fin du 19e siècle.

  • Speaker #0

    En changeant les virages en ligne droite.

  • Speaker #1

    En changeant les virages en ligne droite. Il y avait les haies. Donc, je rappelle quand même qu'on élimine, on a éliminé 22 000 km de haies par an. On n'en replante que 4000. Ça, c'était le premier point. Et deuxièmement, On a drainé les territoires et on a drainé notamment près des rivières. On a drainé près des rivières pour faire en sorte qu'on n'ait plus affaire aux marais, aux zones humides, etc. et qu'on gagne du terrain pour les cultiver. Alors l'effet de tout cela, c'est que du point de vue des ruissellements, ça cumule avec les boules, etc. Et du point de vue des drains, les sols ne remplissent plus leurs fonctions d'éponge, de lessivage, etc. Tout ce qui a pu être utilisé comme intrants, pesticides, etc. ne sont plus nettoyées, ne sont plus éliminées et donc partent directement ou restent. Ça, c'est le premier bloc, disons, de contraintes. Et le deuxième bloc de contraintes, ça se caractérise par, globalement, des phénomènes de sécheresse qui sont plus longues, plus intenses en été et des phénomènes de pluviométrie qui sont plus longues et plus intenses à des périodes différentes en hiver.

  • Speaker #0

    On a donc un problème de quantité, un problème de qualité. Les deux s'entremêlent parce qu'avec moins de quantité, la qualité baisse aussi.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est ça l'enjeu.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on a... Aujourd'hui, une visibilité claire sur les ressources disponibles en eau et les besoins en eau qu'on a, c'est-à-dire, est-ce qu'on sait ce qu'on prélève et ce qu'on consomme ?

  • Speaker #1

    En ce qui concerne les prélèvements, on est en France, je lis les chiffres, on est à presque 33 milliards de mètres cubes d'eau douce. 33 milliards.

  • Speaker #0

    Prélevés.

  • Speaker #1

    Prélevés. Consommés, 4 milliards. Entre deux, on a reversé.

  • Speaker #0

    Dans quel état exactement est-ce qu'elle est restituée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas restituée dans le même état où elle a été prélevée. C'est-à-dire que si on considère l'eau des centrales nucléaires, elle est évidemment chaude. Alors je ne dis pas qu'elle est aussi chaude, puisqu'elle a servi effectivement à refroidir les centrales, mais elle est chaude. Si on considère les autres secteurs industriels, ça peut être les aciéries, les papeteries, etc. Il y a toute la question des produits chimiques qui se posent, il y a toute la question des polluants qui sont extrêmement importants. Troisième, c'est évidemment l'agriculture, qui se pose avec la question des intrants, les produits phytosanitaires, pardon, les pesticides, les nitrates, etc. Donc cette eau n'est pas de même nature.

  • Speaker #0

    Quelle piste on a aujourd'hui devant nous pour préserver la ressource en eau ? Et quand on dit préserver, il s'agit bien sûr aussi bien de quantité que de qualité.

  • Speaker #1

    L'un des enjeux fondamentaux, c'est de réparer. Il faut réparer, il faut restaurer en s'appuyant sur ce que l'on appelle la nature et les solutions fondées sur la nature. Ça, c'est extrêmement important. Remettre des haies, remettre... des arbres replantés, etc. Avec cette contrainte fondamentale que maintenant, avec le climat, on ne peut pas utiliser les mêmes arbres dans les mêmes territoires et qu'il faut adapter. C'est l'autre mot-clé, l'adaptation. Le troisième point qui est extrêmement important, c'est l'évolution des pratiques agricoles. Évidemment, on ne peut plus produire comme on a produit antérieurement. On ne peut plus faire de l'irrigation au même titre que l'on en a fait antérieurement, même si l'irrigation demeure un impératif, mais la question est de la modalité. Je prends l'exemple de la Garonne. Il s'appelle ce projet, le projet Ramage. Ramage, c'est un projet qui est porté par un syndicat, le syndicat de la Garonne, qui est aidé de Voix Nationale de France, VNF, et qui est aidé par un laboratoire qui est à Bordeaux. Donc voilà, ça c'est extrêmement important pour la gouvernance, c'est-à-dire la gouvernance politique et technique de l'objet. L'objet, c'est de favoriser l'infiltration dans le sol, dans la nappe alluviale de la Garonne, où le débit est fort avec des canalisations. Ça, c'est un enjeu, évidemment, les canalisations, c'est un enjeu très important. On l'infiltre dans la nappe, d'accord, où elle est conservée. L'avantage, évidemment, c'est qu'on a la biodiversité, c'est qu'on a les zones humides, etc.

  • Speaker #0

    Elle est au frais ?

  • Speaker #1

    Elle est au frais. C'est quand même déjà très haut. Et puis ensuite, lorsque l'étiage est bas et lorsqu'on en a besoin, en été, on la reverse.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de l'impact de l'industrie sur les prélèvements de la ressource en eau aujourd'hui. Est-ce que de ce côté-là, on a des pistes qui permettent d'envisager l'impact de l'industrie sur la ressource en eau et son utilisation de façon différente d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Ça,c'est un des enjeux de ce qu'on appelle l'EIT, l'écologie industrielle territoriale. L'idée est la même, c'est finalement d'équilibrer les prélèvements et les dépenses en s'en resservant, de sorte qu'on ait surtout une mutualisation, une mutualisation finalement de l'eau entre différents objectifs. Et le principe qui prévaut à l'activité de l'écologie industrielle, c'est celui-ci. Finalement, dans des territoires particuliers, l'exemple type, c'est évidemment celui de Dunkerque, mais il y en a d'autres, c'est de mutualiser finalement l'eau, ce qui implique évidemment des contraintes infrastructurelles considérables. Alors, il n'y a pas que l'eau. Il y a des matières, d'autres matières, etc. Mais en tous les cas, c'est de mutualiser afin de réduire finalement les rejets, les déchets, etc. Et à l'intérieur de cela, de se servir aussi de ces rejets pour les remettre dans le circuit. Le maître mot, finalement, c'est 1 l'économie circulaire, donc, on est dans une moindre dépense et on en attend finalement des efforts de réduction de la consommation, c'est-à-dire de sobriété.

  • Speaker #0

    On a parlé de l'industrie, le deuxième grand personnage qui a de l'impact sur la ressource en eau dont vous avez parlé, c'est évidemment l'agriculture. Est-ce que dans ce champ-là, on a aussi des pratiques qui changent et qui nous montrent le chemin ?

  • Speaker #1

    Alors on a beaucoup de pratiques qui changent à un niveau très micro. Donc au niveau local, il faut souligner que ça bouge, il faut souligner quand même qu'il y a une prise de conscience. Le politique doit intervenir pour garantir les marchés qu'il propose aux exploitants qui sont prêts de changer. Si l'exploitant n'a pas la garantie que son revenu est sécurisé, il ne changera pas. Seul le politique au niveau intercommunal, au niveau départemental, au niveau régional, doit s'impliquer. Je prends l'exemple du chanvre. Quel est l'avantage du chanvre ? Par rapport à notre sujet, ça ne consomme pas d'eau, le chanvre. Des fleurs jusqu'aux racines, tout est bon. Vous avez une série de secteurs aval qui ouvrent, qui offrent des débouchés à la transformation du chanvre, qui sont considérables. Si le politique n'est pas là pour accompagner, pour soutenir d'abord, orienter, etc., ça ne peut pas marcher.

  • Speaker #0

    Le politique, c'est mettre tout le monde autour de la table, c'est ce qu'on disait. Est-ce que vous avez l'exemple, François, d'une table qui pourrait servir d'exemple aujourd'hui pour que la gouvernance soit mieux organisée ?

  • Speaker #1

    Il y a deux cas en France, en Moselle et dans l'Aube, où vous avez un syndicat qui a toutes les fonctions de l'eau. À la différence du paysage français qui est disséminé, où la gestion de l'eau est disséminée entre différentes institutions, organisations, organismes, etc. Là, vous avez un syndicat, le syndicat de l'Aube, le SDDEA, qui a plus de 330 personnes. Vous avez 83 métiers dans cette organisation. On a la réponse à votre question de la jonction du politique, de la gestion de l'eau, de la technique et de la démocratie, puisqu'il faut ajouter à cela, et c'est le dernier point, ils ont mis au point ce qu'on appelle un observatoire qui, chaque année, se réunit et donne la parole aux élus et aux citoyens dans différents ateliers, où ils recueillent les évaluations, les avis, les opinions, les projets, les propositions de tout cet ensemble qui constitue, à côté du politique, la société civile, et c'est extrêmement important.

  • Speaker #0

    Quelle est la bonne échelle territoriale, selon vous, pour organiser ces gouvernances ?

  • Speaker #1

    Je pense que la bonne échelle, c'est celle où les coopérations sont rendues possibles, c'est-à-dire l'action publique et l'action collective. Du fait que plusieurs fleuves en France prennent leurs sources dans des pays étrangers a une implication directe sur la gestion de la quantité et de la qualité de ces fleuves. Et on doit à l'Europe d'avoir créé, c'est un des tout premiers programmes européens, d'avoir créé ce que l'on appelle le programme Interreg qui se décline au niveau régional, au niveau infrarégional, jusqu'à des territoires extrêmement limités, réduits, pour favoriser notamment la continuité écologique, les gouvernances partagées entre ces deux pays.

  • Speaker #0

    Pour continuer cette conversation passionnante sur l'eau, si vous deviez conseiller à ceux qui vous écoutent un ouvrage, un livre, pour leur permettre de construire leur propre culture et d'approfondir, lequel choisiriez-vous avant tous les autres ?

  • Speaker #1

    Pour être très synthétique, je vais en citer un qui vient de paraître en septembre 24 aux éditions Le Cavalier, sous la direction de Rémi Barbier et de Sarah Fernandez, et qui s'intitule « Idées reçues sur l'eau et sa gestion » . Ce petit ouvrage de 135 pages, il reprend tous les thèmes qu'on a examinés tous les deux durant cet entretien, la gouvernance les quantités et la qualité, les problèmes de la police, de l'eau et des conflits, et les problèmes des coûts de l'eau avec les infrastructures et des prix en fonction de la consommation. C'est un petit ouvrage tout à fait bien écrit et tout à fait passionnant.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup François Bafoil, directeur de recherche et mérite au CNRS, d'avoir énuméré quelques virages à prendre avec nous. J'ai bien noté que les virages valaient mieux que la ligne droite en ce qui concerne l'eau. Virage est un podcast de la Caisse des dépôts et on se retrouve très vite pour de nouveaux virages.

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