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EP 64 Florence Belkacem : Cueillir les signes envoyés par nos mort.e.s tant aimé.e.s. cover
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Virage

EP 64 Florence Belkacem : Cueillir les signes envoyés par nos mort.e.s tant aimé.e.s.

EP 64 Florence Belkacem : Cueillir les signes envoyés par nos mort.e.s tant aimé.e.s.

38min |08/05/2025
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Description

Et si les morts continuaient à nous parler ?

Dans cet épisode je reçois la journaliste et autrice Florence Belkacem. Ensemble, nous parlons de son livre Cueilleuse de signes, un récit intime, largement autobiographique, qui explore ces messages discrets que les êtres aimés peuvent nous envoyer depuis l’au-delà.


Tout commence avec un domino. Un voisin le tend à Florence en lui disant : « Il est à vous. Vous comprendrez plus tard. »

Plus tard, c’est la mort de son père.

Elle part en Kabylie, sur les traces de sa famille paternelle. Là-bas, elle découvre que le domino est le jeu le plus populaire. Elle en est persuadée : un fil invisible la relie à cette terre et à ceux qui l’ont précédée.


À la mort de sa mère, ce sont des coccinelles qui viennent à elle. Dans les moments de chagrin ou de doute, elles apparaissent. Pour Florence, il n’y a pas de hasard : sa mère continue de veiller sur elle, autrement.


Elle découvre aussi qu’elle porte le prénom de son arrière-grand-mère, dont elle ignorait jusqu’à l’existence. Et au fil de ce deuil, c’est toute une mémoire transgénérationnelle qui se réveille.


Un épisode sensible et lumineux, pour celles et ceux qui ont aimé, perdu, espéré — et qui se demandent si, parfois, l’invisible ne cherche pas simplement à nous susurrer : « Je ne suis pas loin, je veille sur toi."


Bonne écoute !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Bonjour Florence.

  • Speaker #1

    Bonjour Pauline.

  • Speaker #0

    Comment ça va ?

  • Speaker #1

    Écoutez, ça me fait tout drôle de me retrouver face à l'héroïne de mon livre, Cueilleuse de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, moi aussi j'ai été très contente. On est ici pour parler de ton nouveau roman, Cueilleuse de signes, un livre très fort. qui parle de ces signes que nous envoient les personnes qui nous sont chères et que nous avons perdu, des petits signes parfois très discrets auxquels il faut prêter attention, et qui est développé dans un roman, qui est un roman mais qui est aussi très fortement inspiré de ton histoire personnelle, dont nous allons parler, tu l'as dit, l'héroïne s'appelle Pauline, donc c'est vrai que forcément moi la lecture m'a beaucoup troublée, parce que je pense que c'est ça qui est bien quand on lit, c'est de pouvoir s'identifier totalement au personnage principal pour... Dans un livre comme celui-ci aussi, pouvoir lire les propres signes que nous avons vécu, pour moi ça a été très facile. Ça a été une autoroute comme le personnage principal s'appelle Pauline. J'aimerais que tu me dises s'il te plaît, comment l'envie t'est venue d'écrire ce livre ? Parce que j'ai l'impression que ça a été comme un besoin presque impérieux de l'écrire.

  • Speaker #1

    Alors le déclic en fait, c'est un domino qu'un jour un voisin d'immeuble me remet. Il y a cinq ans, il vient taper à ma porte et il me dit écoutez Florence, j'ai trouvé ce domino. à la sortie d'un théâtre, et il ne fait pas écho à ma vie. Je pense qu'il vous est destiné, un jour, peut-être vous comprendrez. Il se trouve qu'en octobre 2024, je suis invitée au salon international du livre algé, le SILA, Annie Ernaud étant la présidente d'honneur prix Nobel de littérature, mais hélas, les autorités ont annulé son visa 48 heures avant, sous prétexte qu'elle demandait la libération de deux journalistes algériens. Point final, je referme la parenthèse. Et donc... Comme j'avais un visa, mon mari m'a fait la surprise. On était au mois d'octobre. À Noël, il m'offre deux billets pour la Kabylie. J'étais un peu réticente parce que j'avais la trouille d'aller dans ce pays où papa, grand-père étaient nés et dont on ne savait quasiment rien. Et j'étais stupéfaite quand nous sommes allées en Grande Kabylie, au pied de la montagne d'Urdjura. C'est une montagne qui culmine à plus de 2000 mètres et qui change au gré des heures. de la journée, enfin, elles se teintent de doré, de rose, de mort dorée, etc. Et le soir, dans les rues, des tablés de joueurs de domino. Et là, je lui ai dit à mon mari, c'est quand même étrange, c'est incroyable. Et en fait, je me suis renseignée et j'ai dit, mais pourquoi le domino ? Donc, tous ces gens m'ont dit, depuis la période coloniale, c'est le passe-temps favori des cabiles. Et le domino, c'est sacré dans la vie d'un cabile, parce que dans une partie de domino, on raconte sa vie. Ça crée du lien social, etc. Et donc, je me suis dit que ce domino, visiblement, devait m'emmener sur les terres de papa et de grand-père.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est fou, c'est que finalement, ça aurait pu être quelque chose presque d'anodin que tu vis quand ton voisin arrive. On s'imagine facilement pouvoir le vivre et se dire qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et puis, plus il prêtait attention. Là, j'ai l'impression, en tout cas à la lecture du livre, Que tu l'avais quand même mis dans un coin de ta tête, tu l'avais mis quand même visible sur ton bureau. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça.

  • Speaker #0

    En attendant quand même de voir à quel moment l'histoire allait se révéler.

  • Speaker #1

    Et je le prenais dans les mains parce que c'était une belle pièce. Je pense que c'est un domino qui date des années 60, c'est une pièce en baquelite. Alors, petite chose qui m'a aussi frappée ensuite en Kabylie, d'un côté il y a trois points et de l'autre un point. Et j'ai compris qu'en fait, le un point, c'était moi. Et les trois points, c'est mes grands-parents et papa. C'est vrai que je le caressais, ce domino, je le prenais. Mais jamais j'aurais pensé, enfin jamais j'aurais pensé, et j'aurais dû m'en souvenir à ce moment-là, que papa nous avait appris à jouer au domino, que dans la famille de Lorraine, puisque maman était Lorraine, les oncles et les tantes jouaient au domino. Et à ce moment-là, quand on me l'a remis, même pendant plusieurs années, je ne pensais plus, les images avaient disparu, elles étaient enfouies dans un coin de ma mémoire, et elles ont ressurgi. De façon spectaculaire et vraiment avec une très grande force et une beauté incroyable en Kabili.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est dingue, c'est qu'à aucun moment quand ce voisin vient te donner ce domino, tu ne te dis, il est fou et tu en rigoles.

  • Speaker #1

    Oui, j'en riais quand il m'a dit un jour, vous comprendrez. Alors c'est vrai que sur le moment, je me suis dit un jour, je comprendrai. Et là, pour le coup, je pense que vraiment, le sous-titre du livre, c'est Peut-on échapper à son destin ? Moi, je considère qu'on n'échappe pas forcément à son destin. Moi, en tous les cas, j'étais reliée par un fil invisible à la cave Billy, et je ne le savais pas. C'est Spinoza qui dit, les hommes se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs désirs, mais ignorants des causes qui les déterminent. Et moi, je suis assez dans cette philosophie-là, même si après, Sartre a dit que finalement, d'invoquer... le déterminisme. Le destin, c'était une forme de lâcheté parce qu'on ne voulait pas assumer ses responsabilités. Mais maintenant, on peut aussi parfois défier le destin. Je pense qu'il y a des moments où tout n'est pas lié au destin non plus. Il y a aussi le hasard qui entre en jeu quand même. J'ouvre la porte dans le livre. Je ne la referme pas à celui qui lit ou celle qui lit de se faire sa propre idée.

  • Speaker #0

    Et si on remonte un petit peu dans le temps, avant de perdre tes parents, Quel était ton rapport à la mort ?

  • Speaker #1

    J'étais terrorisée par la mort, par les morts, mais même encore jusqu'à la mort de maman. Maman m'a réconciliée avec la mort, avec cette coccinelle qui a surgi dans l'église alors qu'il faisait 5 degrés en Lorraine, il faisait froid. Moi j'avais eu aussi un choc, parce que quand j'avais 10 ans, ou 9 ans, je ne sais plus, Pauline le raconte dans le livre, quand mon oncle est décédé d'un arrêt cardiaque ou d'une rupture d'un névrisme, il avait 38 ans. En plus, c'était la veille de l'anniversaire. C'était horrible parce que dans la maison, c'était l'anniversaire de ma cousine, qui était beaucoup plus âgée que moi, qui avait déjà 15 ans ou 16 ans.

  • Speaker #0

    Qui perdait son papa,

  • Speaker #1

    du coup. Qui perdait son papa. Et donc, c'était horrible. C'était la mort dans un lieu de fête où il y avait des plateaux, de petits fours. C'était terrible. Et moi, je me souviens, le jour de l'enterrement, quelques instants avant la mise en bière, Ma tante a voulu que je lui dise au revoir. Cajou, c'était son surnom, s'appelait Casimir je crois. Il était beau dans son costume, mais j'ai été terrifiée, terrifiée.

  • Speaker #0

    Parce que t'avais quel âge ?

  • Speaker #1

    8-9 ans, j'avais eu tellement peur. Ensuite j'étais accrochée à maman, et je pense que mon angoisse de me retrouver seule dans une maison la nuit vient de là. J'ai toujours peur. Et après, tout ce qui était film, fantôme, je ne voulais pas voir. Et même maman à la mort, je n'ai pas voulu. aller la voir. Je n'en avais pas le courage jusqu'au jour où elle est dans le cercueil et je la trouve pâle le jour de l'enterrement et que je demande au tanopracteur qui était très gentil. Il m'a apporté la palette de maquillage. Moi, je la maquillais toujours quand j'étais petite et j'adorais, et même pas petite encore quand j'avais 40 ans et tout. Et il m'a tendu le pinceau. J'ai voulu la maquiller et je n'ai pas pu parce que la mort instaure une frontière entre les vivants et ceux qui ne sont plus là. Et puis, j'ai même pas voulu, quand on a cloué le cercueil, qu'on a refermé, je suis sortie. C'était insoutenable pour moi, insoutenable. Et heureusement qu'il y a eu cette coccinelle ensuite et après, plusieurs coccinelles. Et c'est là que j'ai compris qu'elle me faisait signe. Mais jamais je n'aurais pensé que des âmes disparues pouvaient envoyer des signes. Pour moi, c'était totalement dingo. C'était dinguerie totale. c'était... Les gens qui me racontaient ça, il y a encore très peu, parce que j'évitais toutes ces conversations. Pour moi, c'était des illuminés.

  • Speaker #0

    Oui, tu étais très cartésienne.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et puis en tant que journaliste, etc. Enfin, j'ai une réputation de quelqu'un de rigoureux, de cartésien, etc. Mais jamais j'aurais pu penser ça. Mais force est de reconnaître que quand vous avez une coccinelle à l'enterrement, puis après une aux vacances, enfin on était en janvier, après une aux vacances de Pâques, dans la maison de famille en Lorraine, alors que toutes les fenêtres sont fermées et qu'il fait froid encore. Et puis encore une autre à Noël. Et puis encore une autre et encore une autre. Et quand elle vient se poser à des moments de découragement, où même je disais « Maman, aide-moi, il faut que je continue la radio, il faut que je sois prise pour la rentrée prochaine et tout. » Et bim, j'avais une coccinelle qui venait. Mais de toute façon, je pense que voir des signes, il faut des chocs. Le choc, c'est la mort. C'est la mort de l'être aimé. Tant qu'on n'a pas été dans la souffrance, qu'on n'a pas perdu des êtres chers, ben oui, on ne peut pas imaginer ça.

  • Speaker #0

    On n'est plus cartésien.

  • Speaker #1

    C'est impossible.

  • Speaker #0

    Et quels étaient les discours que tu entendais quand tu étais petite par tes parents justement concernant la mort ? Est-ce qu'ils partageaient peut-être des choses ? Parce que par exemple, ce que tu racontes dans le livre par rapport à l'histoire familiale de ton père, c'est qu'elle était chargée d'histoires très difficiles. Toute une partie dont il n'a pas eu connaissance.

  • Speaker #1

    Jusqu'aux obsèques de mon grand-père où il a appris que cette femme qu'il avait élevée jusqu'à ses 7 ans, ce n'était pas sa maman mais c'était sa tante. Et papa s'est effondré en larmes. On n'a jamais rien su. C'était tabou. Maman, on ne parlait pas de la Kabylie parce que papa pensait qu'il avait été abandonné par son père à la naissance. Ce n'était pas ça l'histoire. Et je ne comprends même pas comment mon grand-père a pu garder en lui ce secret pendant plus de 30 ans.

  • Speaker #0

    À l'époque, on pensait davantage qu'on protégeait les enfants en ne leur disant pas, alors qu'aujourd'hui...

  • Speaker #1

    Maman, oui, dans les histoires de Lorraine, de la famille, il y avait toujours des histoires un peu de... de mort, de mort, de choses bizarres. Mais je ne prêtais pas attention et on n'en parlait pas forcément.

  • Speaker #0

    On parlait des personnes qui étaient mortes, en tout cas. Ce n'était pas tabou la mort dans ta famille ?

  • Speaker #1

    Non, mais on n'en parlait pas beaucoup. Peut-être que papa en lui, peut-être que dans sa mémoire, il y avait une souffrance. Peut-être, comme il ne savait pas que sa maman était morte, elle était peut-être en lui et que finalement, ça peut-être l'empêchait de parler de la mort. Lui, il parlait de la vie. C'était quelqu'un de très gai, de très heureux. Bon, maman, maman Lorraine, elle avait eu son petit amoureux qui s'était fait fusiller pendant la Seconde Guerre par les Allemands. Il y avait beaucoup d'angoisse quand même en elle. Elle avait peur aussi de la nuit. Je pense qu'elle était plus introvertie et plus angoissée, maman. Par certaines choses, sans doute du passé lié à la Seconde Guerre mondiale, où elle avait aussi une amie juive, la Gestapo avait fait une descente, elle se souvient que quelqu'un tapait la porte, « You de raus » dehors, etc. Et elle a perdu cette copine aussi. Il y avait des angoisses chez maman.

  • Speaker #0

    Elle a cohabité avec la mort ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a eu des choses quand même. D'ailleurs, j'ai un peu des frissons. je pense, je pense, papa c'était pas pareil papa il avait trouvé le bonheur avec maman très jeune, à 22 ans, il l'avait rencontré dans une brasserie alsacienne il s'est fait passer pour un italien il était heureux papa et puis il avait eu trois filles bien sûr il était comme sa maman il avait pas de frères et soeurs puisque sa maman est morte en lui donnant la vie, enfin elle s'est éteinte probablement quelques heures après donc lui c'était son bonheur c'était sa famille, il avait construit quelque chose ... Alors qu'il avait, c'était très dur pour papa de se retrouver chez les Pères Blancs quand cette tante meurt à 7 ans et que tout à coup on lui met un petit bermuda, on lui met une chemise, il a un béret sur la tête, il y a une photo de lui, il est beau mais il a les mains le long du corps, il s'accroche presque à son corps et puis il a des yeux, des beaux yeux noirs mais plein de souffrance et des bottines très hautes qui devaient peut-être l'empêcher. tellement de courir, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    C'est comme s'il avait perdu deux mamans. Parce qu'à 7 ans, il perd sa tante qu'il pense être sa maman. Oui, c'est ça. Mais ensuite, quand son père est enterré, il découvre qu'en fait, sa mère n'était pas vraiment sa mère. C'est ce jour-là, il a dû perdre une maman une deuxième fois. Ça a dû être très dur dans son histoire.

  • Speaker #1

    Oui, parce que d'autant qu'à l'enterrement, il a dit au déjeuner, il y avait très peu de monde, il a dit de mes trois filles, c'est Florence qui ressemble le plus à maman. Je me souviens quand elle me portait sur ses épaules dans les oliviers, les filiers. Elle était forte, elle était grande, elle avait des cheveux blonds vénitiens, des yeux clairs. Et là, il y avait un cousin qui était là et que papa ne connaissait pas trop bien. Et il lui a dit, mais qu'est-ce que tu racontes ? C'était pas ta maman dont tu parles ? Et mon père s'est complètement, tout à coup, un peu crispé. Il a dit, qu'est-ce que tu sais, toi ? Et le cousin lui a répondu, ce que je sais, c'est que tu ne sais pas. Et papa a dit, quoi ? « C'était pas ta maman. » cette femme dont tu parles, c'était ta tante épais à son âme, elle est morte quand tu as eu 7 ans et ensuite ton père de Paris t'a fait maître chez les Pères Blancs et papa s'est effondré en larmes le pauvre,

  • Speaker #0

    grandir avec un secret de famille pour la construction c'est très difficile,

  • Speaker #1

    et puis il y a eu la guerre d'Algérie aussi attention, papa était à Paris il a été pris dans une rafle pendant 2 jours maman, enfin elle raconte c'était terrible et il a eu des angoisses, attention mais il avait ce côté très sociable, très allant vers l'autre, souriant. Mais par exemple, moi, j'ai fait sur le tard en 2018, quand je me suis inscrite à la boxe française et tout. Et après, je me suis dit, mais c'est fou, parce que papa, il boxait quand j'étais avec lui, il boxait. Et je pense qu'il avait appris à se défendre sur les paires blancs. Parce que ça a dû être dur quand il était petit, avec les autres camarades et tout. Mais il n'en a jamais parlé de ça. Ou alors... Moi, j'étais la troisième fille, alors je ne sais pas, mais je n'ai pas su. On n'a pas su.

  • Speaker #0

    Peut-être qu'il voulait protéger ses enfants aussi et ne pas parler.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il était dans le déni. Papa, il n'a même pas appris le kabyle. Il a dû l'apprendre quand il était petit. Il ne savait pas parler le kabyle. Et mon grand-père, je me souviens de scènes où mon grand-père se fâchait, tapait sur la... Il lui parlait en kabyle. Et papa lui disait, moi j'étais là parfois, je ne comprends pas ce que tu me dis. J'ai appris le français, moi, pas le kabyle. Mon grand-père était fou de rage, mais il se défendait.

  • Speaker #0

    Mais c'est presque la même douleur. Par exemple, dans ma famille, du côté de ma grand-mère, il y a des personnes qui ont vécu les camps de concentration et qui ont eu la même réaction. Ils n'auraient pas supporté qu'il y ait un prénom à connotation juive qui soit donné, par exemple, parce qu'ils ont toujours peur que ça revienne. Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Donc pareil,

  • Speaker #0

    pour tout ce qui est de circoncire un enfant, etc. C'est un sujet qui est très difficile dans leur histoire. Donc j'imagine que c'était un petit peu la même chose. Quand on a vécu une grosse douleur, c'est difficile d'y passer. Moi, il y a quelque chose qui m'a beaucoup touchée dans le début de ton livre. Et c'est là où j'aimerais qu'on en discute. Quand tu racontes une petite scène qui est presque anodine quand on la vit, une scène d'un déjeuner pendant laquelle tu vas te blottir contre ta mère. Et en fait, c'est des scènes toutes simples quand on les vit, des scènes qu'on prend pour acquis et qui ensuite nous hantent et nous réapparaissent. En l'occurrence, je crois qu'il te réapparaît dans un rêve.

  • Speaker #1

    Non, non, ça m'a ce souvenir. Oui, je commence le livre sur le souvenir de maman dans notre famille de Lorraine. quand il y avait toujours des grandes tablées de temps, de voisins. Et c'est vrai que même quand j'étais maman déjà, j'adorais venir poser mes mains autour de son cou, de coller ma joue contre sa joue, à table. Je me levais tout à coup au moment du dessert et tout. Et que j'avais besoin de la sentir. Et alors comme elle était très pudique et réservée, maman, et qu'elle n'était pas dans la démonstration, il fallait se tenir et tout. Elle mettait les mains sur les miennes parfois, mais je sentais en moi qu'elle était tellement... Ça lui faisait tellement du bien, tellement heureuse. Et je ne sais pas pourquoi, j'y pensais cette nuit d'ailleurs en m'endormant, c'est bizarre. Pourquoi pendant des mois, ça revenait tout le temps, je me voyais poser les mains sur son cou et descendre jusqu'à son cœur. J'en ai fait un poème d'ailleurs dans le livre où je sens sa tiédeur, sa chaleur, ses mains sur les miennes, etc. Et pourquoi pendant quatre mois, je me disais... C'est tellement, je ressens tellement ça. Après je me suis dit, elle a dû me dire, tu vois je suis toujours là, l'amour c'est un pas finalement, c'est ça ? Je ne suis plus là mais je vous donne toujours de l'amour.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi justement, selon toi, ces moments de vie, qui quand on les vit sont tout simples, mais qui ensuite laissent une empreinte dans le cœur et dans le cerveau ? Et on se les rejoue, je pense que tout le monde qui nous écoute a déjà vécu ça avec des personnes qui sont parties. De revivre un petit peu ces scènes, est-ce que ça aussi c'est des signes ? Est-ce que le cerveau sélectionne ces moments ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a une mémoire finalement. Tu sais, il y a une chose qui m'a frappée aussi, c'est que ma fille, parfois elle reproduit les mêmes gestes. C'est-à-dire que si on est dans un dîner, elle va arriver et elle va venir poser aussi ses mains. Là peut-être un peu moins, bon elle va avoir 22 ans, donc peut-être un peu moins. Mais elle l'a fait ça aussi, elle le refera sans doute je pense. Ça se perpétue, il y a une transmission dont on n'est pas forcément conscient. Une transmission des gestes.

  • Speaker #0

    La transmission, c'est le sujet du livre, même la transmission, et c'est ça que je trouve très fort dans le livre qui m'a beaucoup marquée, c'est ce que nous donnent nos ancêtres qu'ils ne connaissent pas. Et ça, moi ça me met des frissons d'en parler. Et c'est ce que toi tu as découvert, ça je pense que c'est une partie qui n'est pas romancée. tu peux me le dire sur la Kabylie avec les choses surnaturelles qui me sont arrivées ça c'était fou ça c'était quelque chose et du coup toi j'ai l'impression que tu as l'impression que cette arrière-grand-mère que tu n'as pas eu la chance de connaître et dont je porte le prénom et je ne le savais pas et je pense que papa ne le savait pas non plus ça c'est une découverte que tu as faite dans les recherches que tu as oui oui quand on va en Grande Kabylie on va parce

  • Speaker #1

    qu'en fait on ne sait rien sur cette famille et tout je me permets c'était vrai ...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a un cousin qui téléphone et qui meurt.

  • Speaker #1

    Oui, je l'avais interrogé.

  • Speaker #0

    Il avait dit qu'il faut y aller sur les traces.

  • Speaker #1

    Oui, c'était le cousin Amran qui disait qu'il fallait qu'on aille pour la famille. Après, il est mort. Parce que je voulais le faire parler de papa. Lui était un peu plus jeune que papa, mais il connaissait, il savait bien. Il connaissait un peu certaines histoires, mais je n'ai pas eu grand-chose de lui.

  • Speaker #0

    C'est ton instinct de journaliste qui t'a incité à aller creuser dans cette histoire ? Tu as senti qu'il y avait quelque chose, des cases à remplir ?

  • Speaker #1

    Je voulais connaître la vérité. Je pense que finalement, je me suis rendue compte de ça. Si mon grand-père, intuitivement, instinctivement, m'a donné le prénom de sa maman, c'est peut-être pour une raison. Dans Les Trois Filles, c'est moi qui suis devenue journaliste, qui transmet l'information, qui fait la lumière parfois sur des faits. Et je pense que j'étais presque choisie pour faire la lumière sur l'histoire de la famille. Parce que mon grand-père, je pense qu'il est mort intranquille. Parce que quand il est mort, il n'a pas dit la vérité à son fils. L'intranquillité de l'âme. Il est mort intranquille, mon grand-père. Et en fait, je pense que moi, j'étais missionnée pour dire que non, il n'avait pas abandonné son enfant. Il était terrassé par le chagrin. Et s'il était resté au village en Kabylie, il aurait été remarié de force. Probablement, peut-être. à une autre fille et qu'il aimait trop cette jeune fille. T'as ça dit, ils avaient 4 ans de différence. Mais en fait, tout ce que j'avais imaginé, je me suis pas trompée. C'est fou. C'est fou. Parce qu'elle est morte à 21 ans, elle l'a épousée à 18 ans, lui il en avait 24. C'est un amour fou, fou, fou. Et sa mère, elle est morte aussi jeune, probablement encore en couche, vers l'âge de 30 ans. Il n'a pas eu de frères et soeurs, mon cousin, mon grand-père. Et je pense que j'étais, je pense oui. Quand je vais au bureau de l'état civil pour... trouver des papiers, on allait de mairie en mairie, c'était compliqué, ils trouvaient rien et tout. Et tout à coup, il y a une fonctionnaire qui m'a dit je vais vous aider, je vais essayer. Et elle trouve l'acte de naissance de mes grands-parents en 1924, en avril, le 28 avril. Et nous, on est en Kabylie le 2 avril. Comment c'est possible ? Et 100 ans avant, ils se sont mariés. Et elle me donne, elle me ressort l'acte de naissance de papa et elle me donne ses papiers. Je tremble tellement que je me fais tomber. Et quand je ramasse l'acte de naissance, Mais je crie tout fort, j'ai dit « Oh ! Il y a mon nom ! Il y a mon nom sur l'acte de mariage ! » Au-dessus de la mention « acte de mariage » , je vois Florence Belkacem. Et je dis « Mais il y a mon nom ! Il y a mon nom ! » Et mon mari me dit « Qu'est-ce que tu racontes ? Ça date de 1924 ! C'est impossible ! Qu'est-ce que tu racontes ? » Mais je dis « J'ai vu mon nom ! Il y a mon nom ! » Et il me prend le papier des mains et il me dit « Il est où ton nom ? » Je vois « Il n'y a pas de nom. » Je dis « Il était là, juste au-dessus. » Et en descendant avec mon devoir, tout à coup, je vais voir. Je me dis, mais je porte le prénom. mais c'est moi qui porte le prénom de l'arrière-grand-mère de la mère de mon grand-père je savais pas, il me l'a jamais dit et tout mais j'étais, mais je tremblais j'avais des larmes, c'était tellement fort et moi qui ai toujours détesté ce prénom je le rayais de tous les documents administratifs pour les passeports, je le donnais même pas enfin fou, j'avais des choses incroyables mais j'ai honte maintenant, c'est fou quoi alors mon mari hyper cartésien c'est Hugo, le mari de Pauline dans un dîner Et puis une amie lui dit mais alors toi comment tu as vécu ça, le fait que Florence ait vu son nom ? Et il dit toi tu l'as pas vu ? Et là il pose un temps d'arrêt et il dit si en fait je dois dire que je l'ai vu. Je lui dis comment ? Tu l'as vu ? T'as vu quoi ? Bah ton nom je l'ai vu. Je lui ai dit, tu ne me l'as pas dit ? Mais dans le bureau de l'état civil, il m'a fait passer pour une dingue. En disant, quoi ? Ça date de 1924, ce n'est pas possible et tout. Elle lui a dit, mais alors comment ? Attends, comment tu expliques ça ? Et il a dit, ah bah, Florence a vu son nom. Moi aussi, je l'ai vu parce que c'est de l'auto-persuasion.

  • Speaker #0

    C'est sûr que c'est ce qu'on disait juste avant de commencer. Quand on veut rationaliser, on peut toujours. Après, il faut être attentif.

  • Speaker #1

    Sauf qu'après, il a eu un drôle de tour que je ne jouais pas. À mon avis, l'arrière-grand-mère.

  • Speaker #0

    qui est racontée oui

  • Speaker #1

    On ne va pas tout dire, mais là, il n'était pas lourd. En me disant, je me dis, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'il y a ? Il me dit, il y a quelque chose de bizarre qui s'est produit. Là, je suis sûre que ce sont mes grands-mères qui se sont vengées.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est toujours fou, parce que parfois, les personnes qui sont un petit peu réticentes à ce genre d'expérience, on dit que du coup, ils en vivent moins. Mais là,

  • Speaker #1

    le fait qu'il ait vécu aussi,

  • Speaker #0

    c'est quand même assez fou.

  • Speaker #1

    Mais vous savez, dans les signes, On est partis quelques jours dans le sud, près de Béziers. Donc on était à Sète, là où Paul Valéry est enterré au cimetière marin. Il en a fait une poésie et tout. Je voulais absolument aller sur la tombe de Paul Valéry. Donc on y va, c'est absolument somptueux, ce cimetière qui surplombe la Méditerranée. Le ciel était bleu, comme dans mes livres. Et au retour, on quitte le cimetière, on prend la voiture et tout, c'est pas moi qui conduisais. Et mon mari me disait, on va aller voir, on va monter sur le Mont-Clair ou le Soin-Clair pour voir toute la vue, toute la région sur Béziers, sur Sète et tout. Et là, je vois une impasse, une rue et tout à coup, je vois Scarabée. Et je dis, je viens de voir Scarabée. Je lui dis, mais j'ai rêvé ou quoi ? J'ai vu Scarabée en grand. Et alors, il me dit, non, non, moi aussi, je l'ai vue. Je lui dis, tu l'as vue ? Oui, je l'ai vue, oui, il y a une rue. Et puis, visiblement, c'est indiqué, il y a un petit... nom de rue et il me dit mais tu as réagi plus vite que moi et donc on a fait demi-tour et je me suis arrêtée. Impasse du scarabée. Dans le livre il y a un scarabée, j'ai des manifestations de scarabée. Voilà la touche de fantastique c'est le scarabée qui me parle, qui me raconte mes origines. Mais on était scotché. Il y avait l'ancienne nom impasse du scarabée écrit comme ça je sais pas quoi à l'encre et de l'autre côté le vrai petit panneau là pour indiquer le nom. Mais là ce que me disait mon mari il y avait quand même très peu de probabilité. pour qu'on tombe sur l'impasse du Scarabée. Et figure-toi qu'en France, on a regardé, il a regardé, tu vois, il a fait une recherche. Oui,

  • Speaker #0

    lui-même il était troublé.

  • Speaker #1

    Oui, il y a deux endroits où il y a l'impasse du Scarabée, à Sète, près du cimetière là, et puis à Béziers. C'est tout, c'est les deux seuls endroits dans toute la France. Comment, comment est-ce possible ? Je veux bien, je veux bien que ce soit possible.

  • Speaker #0

    De pile tomber dessus.

  • Speaker #1

    Alors, si c'est le hasard, mais merci le hasard, parce que moi j'étais emplie de joie. deux jours auparavant, en m'endormant, je parlais à mes grand-mères en disant « Oh, le livre, ceux qui le lisent, ils aiment, merci, vous êtes dedans, vous m'avez bien aidée, tout ça. » Je leur disais ça. Et c'est vrai que pour la première fois, je dis la première fois parce que jamais je n'ai ni dit à maman « Fais-moi un signe » , jamais. Je crois que d'abord, il ne faut pas dire. Il ne faut pas demander aux gens des signes, en fait. Je pense que les signes viennent d'eux-mêmes. Mais je leur ai dit « Je ne sais pas si vous m'entendez. » Mais c'est à cette arrière-grand-mère dont je porte le prénom et à ta salle dite, la grand-mère. Et bim, on tombe sur l'impasse du scarabée. Donc qu'est-ce que j'en conclue ? J'en conclue qu'elle m'a entendu, peut-être, et qu'elle me font signe. Parce que c'est gros, scarabée, hein ? Oui. Faire scarabée, hein ? C'est pas rue Jules Leroy ou je sais pas quoi. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Scarabée. Toi, t'en as vu ? Non,

  • Speaker #0

    j'en ai jamais vu,

  • Speaker #1

    ouais. D'accord. Scarabée. Scarabée. Scarabée, c'est l'Égypte quand même. C'est le dieu qui est pris, qui fait passer... les âmes des défunts vers l'au-delà. Alors ça aussi, ça l'a intrigué quand même mon mari. On était quand même... C'est pas si courant quand même. Alors oui, on peut dire qu'on peut imaginer qu'on fait des supputations, on sentait... Bon, si c'est pas ça, c'est pas grave. Ça m'aura donné de la joie sur le moment. Tant qu'à faire, je prends la joie.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr. Mais bien sûr. C'est tellement rassurant et réconfortant quand on perd quelqu'un qu'on aime. Et puis même, je trouve, pour nous, en se projetant dans notre propre mort, quand on est parent, par exemple, c'est insupportable.

  • Speaker #1

    Oui, ça, je ne sais pas, j'ai eu des larmes aux yeux, là, il n'y a pas longtemps, en pensant à ma fille. J'ai une fille, elle est unique, mais ce n'est pas grave, je lui enverrai plein de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est réconfortant de se dire qu'en fait, on pourra continuer à l'équider d'une certaine manière.

  • Speaker #1

    J'espère, j'espère, j'espère qu'on peut aussi se tromper. Dans le livre, je parle du pari de Pascal sur l'existence de la religion. Quand vous croyez en Dieu, vous avez tout à gagner. L'immortalité de l'âme, la résurrection des corps, le paradis. Mais si au final... Une fois que vous êtes mort, qu'il n'y a rien, vous ne serez pas puni, mais vous aurez juste passé du temps à faire des prières inutiles. Mais ça vous aura donné de la force pour certains, de la sérénité. Moi je dis la même chose aux gens qui sont dans la souffrance, la désespérance, et qui ne croient en rien, ni en Dieu, ni en une transcendance, et parfois pas dans les signes. Si vous percevez des signes, et que ça vous donne de la joie, et que ça vous réconforte, il faut croire.

  • Speaker #0

    Il faut les prendre.

  • Speaker #1

    Il faut les prendre. Voilà, parce que les vies sont difficiles quand même. C'est dur quand, dans ce livre, Pauline parle de son ami Thomas, de la boxe. Là, pour le coup, c'est moi. Et j'étais en pleine écriture de ce livre. J'apprends, trois semaines après, qu'il s'est tiré une balle dans la tête. Il était ingénieur chez Orange. Il s'est suicidé et que dans son sac à dos, il était convoqué à un entretien de licenciement. Donc, il devait rendre son badge Orange, son téléphone Orange, son ordinateur Orange. Et au lieu de s'y présenter... Il est allé, il a pris le train pour Annecy, qu'il aimait tant, Annecy, le lac, les montagnes. Sur mon portable, j'ai retrouvé plein d'images, de photos. Je sais même où il a fait son dernier repas, mais Thomas ne devait pas mourir. Il ne devait pas se tuer. Et j'ai appris par Instagram, son frère n'a trouvé qu'Instagram pour me trouver. Il n'avait pas mon téléphone. Il a trouvé trois semaines après en me disant Thomas est mort. J'étais dans un état, parce que je savais que... Je savais, il ne me répondait plus, il ne m'envoyait plus de messages, rien. Et en fait, dans son téléphone portable, il m'avait écrit un message d'adieu que son frère m'a donné, en disant qu'il ne voulait pas quitter la vie, qu'il aimait trop la vie, mais qu'il n'avait pas d'autre issue parce qu'il était allé sur le projet de trop à Orange, et qu'il aurait pu être poursuivi. Tout ça était faux, enfin, poursuivi, je ne sais pas, qu'il avait fait de graves erreurs. Il a dû subir une pression. C'était un garçon qui était intelligent, c'était quelqu'un de très consciencieux. Je n'ai pas pu accepter qu'il soit mort. Je ne peux pas accepter sa mort comme ça. C'est impossible. Et il est venu dans mes rêves. Et le rêve où je me réveille, je suis en larmes et je le vois. On est à la salle de boxe et il est à l'entrée de la salle de boxe et je vois qu'il est en tenue mais qu'il n'a pas ses gants, qu'il n'a pas enlevé ses lunettes et je vois dans le rêve que ses yeux sont embués de larmes. Et je l'appelle et je lui dis Thomas, mais viens, t'es gampre. Et qu'il me répond, Florence, non, pardonne-moi, je ne voulais pas. Je n'avais pas d'autre issue. J'ai aimé la vie et je l'aime toujours.

  • Speaker #0

    Mais je ne pouvais pas continuer comme ça. Et là je suis, je me réveille, je suis en larmes. En larmes, en larmes. Et après j'ai fait un autre rêve où je le vois, je suis dans un cimetière et je suis avec mon ami prêtre, Père Michel-Marie Sorkin, mon prêtre qui chante. Il est accoudé sur un monument funéraire. Le monument funéraire est noir et il y a des phrases qui sont gravées en blanc. Et tout à coup, il me dit « Cette phrase est pour toi, lis-la. » Et je lis « Tu étais dans mes yeux » . Donc ça, c'était très dur. Et heureusement qu'il est revenu dans un autre rêve où c'était des Ausha. Et j'ai compris qu'il savait que j'avais deux Ausha, Thomas. Et qu'il est revenu avec sa maman. Il avait perdu sa maman à l'âge de 17 ans d'une sclérose en plaques. Et le rêve, c'est... On est... Ma fille, mon mari, on est assis sur la banquette du salon. Et il y a nos trois Ausha qui sont près de nous. Et moi, je rêve que je vois une chatte blanche avec des yeux bleus magnifiques qui vient Et elle est suivie d'un petit. Et cette chatte s'arrête devant moi avec des yeux pleins d'amour. Et dans le rêve, mes Ausha vont voir le petit chat comme s'ils le reconnaissaient. Et la maman va vers lui et toilette son petit. Et j'ai compris que Thomas avait retrouvé sa maman. Moi aussi, j'ai beaucoup de mal à... Ça m'a beaucoup réconfortée. Mais bon, c'est quand même difficile.

  • Speaker #1

    Et Thomas t'a choisi aussi. Du coup, en te laissant un mot. que son frère t'a transmis.

  • Speaker #0

    En disant qu'il avait été très heureux. À mes côtés, on avait passé des super moments. Et il a fini par ne m'oublier pas. Mais je ne l'oublie pas.

  • Speaker #1

    Mais du coup, il t'a choisi aussi pour son histoire.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il est certainement soulagé. Mais se mettre une balle dans la tête, comme il l'a fait face aux montagnes et aux lacs. Mais je pense que la nature, paradoxalement, lui a donné la force. Parce que lui, il croyait au signe, Thomas. Il avait perdu son père aussi et il disait que les oiseaux étaient des émissaires et tout. Et je pense que paradoxalement, la beauté d'Annecy et de son lac lui a donné la force de se tuer. Mais c'est quelqu'un qui n'aurait jamais dû quitter la vie. Mais je suis contente qu'il soit dans le livre et je suis contente qu'on en parle. Merci Pauline.

  • Speaker #1

    Merci de partager cette histoire. Et par rapport à tout ce que tu as découvert, à tous les signes que tu reçois tous les jours, comme c'est quand même ton histoire familiale, est-ce que les autres membres de ta famille sont réceptifs ? à ces signes ? Est-ce que tu es entendue, par exemple, quand on parle avec tes sœurs ?

  • Speaker #0

    Ma sœur aînée, elle est très cartésienne. Elle est plus réservée. L'autre sœur, qui est entre elle et moi, la sœur cadette, elle est beaucoup plus, je crois, beaucoup plus sensible, connectée. Elle perçoit beaucoup de choses. Elle a une intuition très développée, très fine. En fait, je me suis souvenue d'une histoire, c'est que ma grand-mère de Lorraine, je crois qu'en Lorraine, parfois, il faisait tourner les tables. Donc c'est bizarre, grand-mère maternelle, ma grand-mère Oma. J'ai le souvenir de ça, tout à coup ça m'est revenu. Avec ma grand-mère Oma, je suis moins connectée. Parce qu'il y avait la barrière de la langue, il y avait le lorrain, l'allemand. C'était plus compliqué, j'étais petite et c'est pas facile.

  • Speaker #1

    Et quel est ton rapport avec tes morts aujourd'hui dans ta vie de tous les jours ?

  • Speaker #0

    Je pense à eux, ils sont là, je leur parle. J'ai une anecdote très drôle aussi. C'est bizarre. Un set, là, il s'est passé des choses. On prenait notre petit déjeuner. On était dans un hôtel au bord d'un petit port et tout. Une terrasse. Mais les gens pouvaient venir, évidemment, prendre des petits déj et tout. Et puis, la veille, au soir, j'avais aperçu un couple de gens avec leur petit-fils et puis les parents du petit-fils et tout. Et puis, je trouvais que le père ressemblait. étrangement à Thomas, mais 30 ans de plus, parce que Thomas avait 50 ans quand il est mort. Et bon, ça m'avait frappé, cette ressemblance. Et le lendemain, je les retrouve, je suis en train de prendre mon petit déjeuner, je ne sais pas où était mon mari et tout, et puis les voilà qui s'assiaient avec sa femme. Enfin, ils ont un certain âge, 75 ans, 77, je ne sais pas. Et puis, je trouve vraiment qu'ils ressemblent aussi à Thomas. Et puis après, je l'entends parler, enfin, il te commandait des viennoiseries, il n'en avait plus, la serveuse. Il a dit, je vais chercher, parce que Thomas était très généreux, je vais chercher des viennoiseries. Le voilà qui s'en va. Et en le voyant marcher, je me disais, c'est incroyable. Il avait une sorte de sac à dos comme Thomas et tout, noir. Et je pense à Thomas. Je me dis, c'est drôle et tout. Et sa femme avait donc reste seule. Elle buvait son café. Et elle avait une casquette bleu-marine. Elle était un peu au ralenti, mais tout. Et tout à coup, je vois une plume de duvet blanche. J'ai fait une photo d'ailleurs. Qui tombe, qui voltige au-dessus de sa tête. Et qui vient se poser sur sa casquette. J'ai... éclatée de rire. Mais j'ai eu un fou rire parce que je voyais, donc elle continuait, je voyais sa plume poser comme ça, élégamment et tout. Donc mon mari revient et je lui dis regarde, je lui explique. Et il me disait oui c'est vrai qu'il ressemble à Thomas et tout. Et je me suis dit est-ce que Thomas m'a dit, m'a vu la scène et s'est peut-être dit Florence t'as bien vu. Oui t'as raison, ce type me ressemble. Bon dans 30 ans mais c'est vrai. Il me ressemble, c'est bien vu. Et qu'il m'a envoyé cette plume. Du coup je me suis dit peut-être qu'il est toujours là Thomas quoi. Ça me fait rire quoi, c'est tellement drôle et ça lui ressemble. Il envoie une plume pour dire oui oui t'as raison. Il me ressemble et tout, mais tu vois, je suis là quand même. Je te vois.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu dirais que maintenant que tu as réussi à écrire ce livre, ça t'a apaisée ? Est-ce que tu penses que c'est une partie de ton histoire qui était importante ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, je me sens apaisée. Je me sens enrichie d'une histoire. Quand on parlait de la double culture, tout ça, je ne comprenais jamais. En plus, la Kabylie, c'est tellement beau, mais c'est tellement magnifique. C'est des montagnes, de la verdure. des rivières qui coulent, c'est ça. Et puis je trouve que les Kabiles, c'est vraiment un peuple, c'est un beau peuple, érudit, et puis ils sont toujours, même s'ils ont beaucoup souffert, parce que ce sont les artisans quand même de Grimbel-Kessem, aucun lien de parenté avec moi, mais c'était l'artisan de l'indépendance algérienne. Et bien malgré ça, ils sont très attachés à la France. Ils ont un amour de la France. La nature, vous savez, Et là aussi, oui, je me souviens à Béjaïa, au matin, au réveil, je n'en ai pas parlé dans le livre parce que les gens... Là, pour le coup, ça faisait un peu trop. Mais j'étais sur le balcon et je regardais la mer et tout. Et puis, la montagne du Mont-Babor, petite chaîne de montagne en petite cabillie. Et puis, sur le mur, tout à coup, je vois un papillon qui dessine une ombre. Et il dessinait presque un thé. Et je me suis dit que c'était peut-être le thé de ma grand-mère, de Tassadit. Voilà, c'était... Et donc, je suis riche de tout ça maintenant. De cette beauté des paysages, de cette culture, aussi de l'ouverture des gens, du peuple kabyle. Courageux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Florence. Double merci. Merci d'être venue en discuter avec moi. Et puis, merci pour le livre. Voilà, j'en recommande la lecture à tout le monde. Et notamment, les personnes qui sont en train de vivre un deuil. Moi, je l'ai lu à une période où je vivais aussi un deuil et où j'avais aussi, par ce deuil, des espèces de pièces de puzzle de mon histoire qui étaient remises ensemble. Et c'est quelque chose que je conseille et qui peut accompagner les gens parce qu'en fait, on se sent beaucoup moins seul. On se rend compte que, déjà, on est nombreux et nombreux à vivre ces choses-là. Et surtout... Ça invite à écouter davantage son intuition et à se dire que rien n'est rompu et que ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu le temps, par exemple, de partager certaines choses, comme Pauline l'a vécu dans le livre « Cueilleuse de signes » avec certaines personnes, qu'il faut forcément vivre dans une culpabilité et qu'on peut encore continuer à écrire une histoire familiale après le départ des personnes qui nous sont chères. Donc, merci pour ce livre. Je vous conseille de le lire et merci pour cette... conversation super intéressante et riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Pauline, merci beaucoup.

  • Speaker #1

    À très bientôt Florence.

  • Speaker #0

    Ah oui, à très bientôt.

  • Speaker #2

    Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine.

Description

Et si les morts continuaient à nous parler ?

Dans cet épisode je reçois la journaliste et autrice Florence Belkacem. Ensemble, nous parlons de son livre Cueilleuse de signes, un récit intime, largement autobiographique, qui explore ces messages discrets que les êtres aimés peuvent nous envoyer depuis l’au-delà.


Tout commence avec un domino. Un voisin le tend à Florence en lui disant : « Il est à vous. Vous comprendrez plus tard. »

Plus tard, c’est la mort de son père.

Elle part en Kabylie, sur les traces de sa famille paternelle. Là-bas, elle découvre que le domino est le jeu le plus populaire. Elle en est persuadée : un fil invisible la relie à cette terre et à ceux qui l’ont précédée.


À la mort de sa mère, ce sont des coccinelles qui viennent à elle. Dans les moments de chagrin ou de doute, elles apparaissent. Pour Florence, il n’y a pas de hasard : sa mère continue de veiller sur elle, autrement.


Elle découvre aussi qu’elle porte le prénom de son arrière-grand-mère, dont elle ignorait jusqu’à l’existence. Et au fil de ce deuil, c’est toute une mémoire transgénérationnelle qui se réveille.


Un épisode sensible et lumineux, pour celles et ceux qui ont aimé, perdu, espéré — et qui se demandent si, parfois, l’invisible ne cherche pas simplement à nous susurrer : « Je ne suis pas loin, je veille sur toi."


Bonne écoute !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Bonjour Florence.

  • Speaker #1

    Bonjour Pauline.

  • Speaker #0

    Comment ça va ?

  • Speaker #1

    Écoutez, ça me fait tout drôle de me retrouver face à l'héroïne de mon livre, Cueilleuse de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, moi aussi j'ai été très contente. On est ici pour parler de ton nouveau roman, Cueilleuse de signes, un livre très fort. qui parle de ces signes que nous envoient les personnes qui nous sont chères et que nous avons perdu, des petits signes parfois très discrets auxquels il faut prêter attention, et qui est développé dans un roman, qui est un roman mais qui est aussi très fortement inspiré de ton histoire personnelle, dont nous allons parler, tu l'as dit, l'héroïne s'appelle Pauline, donc c'est vrai que forcément moi la lecture m'a beaucoup troublée, parce que je pense que c'est ça qui est bien quand on lit, c'est de pouvoir s'identifier totalement au personnage principal pour... Dans un livre comme celui-ci aussi, pouvoir lire les propres signes que nous avons vécu, pour moi ça a été très facile. Ça a été une autoroute comme le personnage principal s'appelle Pauline. J'aimerais que tu me dises s'il te plaît, comment l'envie t'est venue d'écrire ce livre ? Parce que j'ai l'impression que ça a été comme un besoin presque impérieux de l'écrire.

  • Speaker #1

    Alors le déclic en fait, c'est un domino qu'un jour un voisin d'immeuble me remet. Il y a cinq ans, il vient taper à ma porte et il me dit écoutez Florence, j'ai trouvé ce domino. à la sortie d'un théâtre, et il ne fait pas écho à ma vie. Je pense qu'il vous est destiné, un jour, peut-être vous comprendrez. Il se trouve qu'en octobre 2024, je suis invitée au salon international du livre algé, le SILA, Annie Ernaud étant la présidente d'honneur prix Nobel de littérature, mais hélas, les autorités ont annulé son visa 48 heures avant, sous prétexte qu'elle demandait la libération de deux journalistes algériens. Point final, je referme la parenthèse. Et donc... Comme j'avais un visa, mon mari m'a fait la surprise. On était au mois d'octobre. À Noël, il m'offre deux billets pour la Kabylie. J'étais un peu réticente parce que j'avais la trouille d'aller dans ce pays où papa, grand-père étaient nés et dont on ne savait quasiment rien. Et j'étais stupéfaite quand nous sommes allées en Grande Kabylie, au pied de la montagne d'Urdjura. C'est une montagne qui culmine à plus de 2000 mètres et qui change au gré des heures. de la journée, enfin, elles se teintent de doré, de rose, de mort dorée, etc. Et le soir, dans les rues, des tablés de joueurs de domino. Et là, je lui ai dit à mon mari, c'est quand même étrange, c'est incroyable. Et en fait, je me suis renseignée et j'ai dit, mais pourquoi le domino ? Donc, tous ces gens m'ont dit, depuis la période coloniale, c'est le passe-temps favori des cabiles. Et le domino, c'est sacré dans la vie d'un cabile, parce que dans une partie de domino, on raconte sa vie. Ça crée du lien social, etc. Et donc, je me suis dit que ce domino, visiblement, devait m'emmener sur les terres de papa et de grand-père.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est fou, c'est que finalement, ça aurait pu être quelque chose presque d'anodin que tu vis quand ton voisin arrive. On s'imagine facilement pouvoir le vivre et se dire qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et puis, plus il prêtait attention. Là, j'ai l'impression, en tout cas à la lecture du livre, Que tu l'avais quand même mis dans un coin de ta tête, tu l'avais mis quand même visible sur ton bureau. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça.

  • Speaker #0

    En attendant quand même de voir à quel moment l'histoire allait se révéler.

  • Speaker #1

    Et je le prenais dans les mains parce que c'était une belle pièce. Je pense que c'est un domino qui date des années 60, c'est une pièce en baquelite. Alors, petite chose qui m'a aussi frappée ensuite en Kabylie, d'un côté il y a trois points et de l'autre un point. Et j'ai compris qu'en fait, le un point, c'était moi. Et les trois points, c'est mes grands-parents et papa. C'est vrai que je le caressais, ce domino, je le prenais. Mais jamais j'aurais pensé, enfin jamais j'aurais pensé, et j'aurais dû m'en souvenir à ce moment-là, que papa nous avait appris à jouer au domino, que dans la famille de Lorraine, puisque maman était Lorraine, les oncles et les tantes jouaient au domino. Et à ce moment-là, quand on me l'a remis, même pendant plusieurs années, je ne pensais plus, les images avaient disparu, elles étaient enfouies dans un coin de ma mémoire, et elles ont ressurgi. De façon spectaculaire et vraiment avec une très grande force et une beauté incroyable en Kabili.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est dingue, c'est qu'à aucun moment quand ce voisin vient te donner ce domino, tu ne te dis, il est fou et tu en rigoles.

  • Speaker #1

    Oui, j'en riais quand il m'a dit un jour, vous comprendrez. Alors c'est vrai que sur le moment, je me suis dit un jour, je comprendrai. Et là, pour le coup, je pense que vraiment, le sous-titre du livre, c'est Peut-on échapper à son destin ? Moi, je considère qu'on n'échappe pas forcément à son destin. Moi, en tous les cas, j'étais reliée par un fil invisible à la cave Billy, et je ne le savais pas. C'est Spinoza qui dit, les hommes se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs désirs, mais ignorants des causes qui les déterminent. Et moi, je suis assez dans cette philosophie-là, même si après, Sartre a dit que finalement, d'invoquer... le déterminisme. Le destin, c'était une forme de lâcheté parce qu'on ne voulait pas assumer ses responsabilités. Mais maintenant, on peut aussi parfois défier le destin. Je pense qu'il y a des moments où tout n'est pas lié au destin non plus. Il y a aussi le hasard qui entre en jeu quand même. J'ouvre la porte dans le livre. Je ne la referme pas à celui qui lit ou celle qui lit de se faire sa propre idée.

  • Speaker #0

    Et si on remonte un petit peu dans le temps, avant de perdre tes parents, Quel était ton rapport à la mort ?

  • Speaker #1

    J'étais terrorisée par la mort, par les morts, mais même encore jusqu'à la mort de maman. Maman m'a réconciliée avec la mort, avec cette coccinelle qui a surgi dans l'église alors qu'il faisait 5 degrés en Lorraine, il faisait froid. Moi j'avais eu aussi un choc, parce que quand j'avais 10 ans, ou 9 ans, je ne sais plus, Pauline le raconte dans le livre, quand mon oncle est décédé d'un arrêt cardiaque ou d'une rupture d'un névrisme, il avait 38 ans. En plus, c'était la veille de l'anniversaire. C'était horrible parce que dans la maison, c'était l'anniversaire de ma cousine, qui était beaucoup plus âgée que moi, qui avait déjà 15 ans ou 16 ans.

  • Speaker #0

    Qui perdait son papa,

  • Speaker #1

    du coup. Qui perdait son papa. Et donc, c'était horrible. C'était la mort dans un lieu de fête où il y avait des plateaux, de petits fours. C'était terrible. Et moi, je me souviens, le jour de l'enterrement, quelques instants avant la mise en bière, Ma tante a voulu que je lui dise au revoir. Cajou, c'était son surnom, s'appelait Casimir je crois. Il était beau dans son costume, mais j'ai été terrifiée, terrifiée.

  • Speaker #0

    Parce que t'avais quel âge ?

  • Speaker #1

    8-9 ans, j'avais eu tellement peur. Ensuite j'étais accrochée à maman, et je pense que mon angoisse de me retrouver seule dans une maison la nuit vient de là. J'ai toujours peur. Et après, tout ce qui était film, fantôme, je ne voulais pas voir. Et même maman à la mort, je n'ai pas voulu. aller la voir. Je n'en avais pas le courage jusqu'au jour où elle est dans le cercueil et je la trouve pâle le jour de l'enterrement et que je demande au tanopracteur qui était très gentil. Il m'a apporté la palette de maquillage. Moi, je la maquillais toujours quand j'étais petite et j'adorais, et même pas petite encore quand j'avais 40 ans et tout. Et il m'a tendu le pinceau. J'ai voulu la maquiller et je n'ai pas pu parce que la mort instaure une frontière entre les vivants et ceux qui ne sont plus là. Et puis, j'ai même pas voulu, quand on a cloué le cercueil, qu'on a refermé, je suis sortie. C'était insoutenable pour moi, insoutenable. Et heureusement qu'il y a eu cette coccinelle ensuite et après, plusieurs coccinelles. Et c'est là que j'ai compris qu'elle me faisait signe. Mais jamais je n'aurais pensé que des âmes disparues pouvaient envoyer des signes. Pour moi, c'était totalement dingo. C'était dinguerie totale. c'était... Les gens qui me racontaient ça, il y a encore très peu, parce que j'évitais toutes ces conversations. Pour moi, c'était des illuminés.

  • Speaker #0

    Oui, tu étais très cartésienne.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et puis en tant que journaliste, etc. Enfin, j'ai une réputation de quelqu'un de rigoureux, de cartésien, etc. Mais jamais j'aurais pu penser ça. Mais force est de reconnaître que quand vous avez une coccinelle à l'enterrement, puis après une aux vacances, enfin on était en janvier, après une aux vacances de Pâques, dans la maison de famille en Lorraine, alors que toutes les fenêtres sont fermées et qu'il fait froid encore. Et puis encore une autre à Noël. Et puis encore une autre et encore une autre. Et quand elle vient se poser à des moments de découragement, où même je disais « Maman, aide-moi, il faut que je continue la radio, il faut que je sois prise pour la rentrée prochaine et tout. » Et bim, j'avais une coccinelle qui venait. Mais de toute façon, je pense que voir des signes, il faut des chocs. Le choc, c'est la mort. C'est la mort de l'être aimé. Tant qu'on n'a pas été dans la souffrance, qu'on n'a pas perdu des êtres chers, ben oui, on ne peut pas imaginer ça.

  • Speaker #0

    On n'est plus cartésien.

  • Speaker #1

    C'est impossible.

  • Speaker #0

    Et quels étaient les discours que tu entendais quand tu étais petite par tes parents justement concernant la mort ? Est-ce qu'ils partageaient peut-être des choses ? Parce que par exemple, ce que tu racontes dans le livre par rapport à l'histoire familiale de ton père, c'est qu'elle était chargée d'histoires très difficiles. Toute une partie dont il n'a pas eu connaissance.

  • Speaker #1

    Jusqu'aux obsèques de mon grand-père où il a appris que cette femme qu'il avait élevée jusqu'à ses 7 ans, ce n'était pas sa maman mais c'était sa tante. Et papa s'est effondré en larmes. On n'a jamais rien su. C'était tabou. Maman, on ne parlait pas de la Kabylie parce que papa pensait qu'il avait été abandonné par son père à la naissance. Ce n'était pas ça l'histoire. Et je ne comprends même pas comment mon grand-père a pu garder en lui ce secret pendant plus de 30 ans.

  • Speaker #0

    À l'époque, on pensait davantage qu'on protégeait les enfants en ne leur disant pas, alors qu'aujourd'hui...

  • Speaker #1

    Maman, oui, dans les histoires de Lorraine, de la famille, il y avait toujours des histoires un peu de... de mort, de mort, de choses bizarres. Mais je ne prêtais pas attention et on n'en parlait pas forcément.

  • Speaker #0

    On parlait des personnes qui étaient mortes, en tout cas. Ce n'était pas tabou la mort dans ta famille ?

  • Speaker #1

    Non, mais on n'en parlait pas beaucoup. Peut-être que papa en lui, peut-être que dans sa mémoire, il y avait une souffrance. Peut-être, comme il ne savait pas que sa maman était morte, elle était peut-être en lui et que finalement, ça peut-être l'empêchait de parler de la mort. Lui, il parlait de la vie. C'était quelqu'un de très gai, de très heureux. Bon, maman, maman Lorraine, elle avait eu son petit amoureux qui s'était fait fusiller pendant la Seconde Guerre par les Allemands. Il y avait beaucoup d'angoisse quand même en elle. Elle avait peur aussi de la nuit. Je pense qu'elle était plus introvertie et plus angoissée, maman. Par certaines choses, sans doute du passé lié à la Seconde Guerre mondiale, où elle avait aussi une amie juive, la Gestapo avait fait une descente, elle se souvient que quelqu'un tapait la porte, « You de raus » dehors, etc. Et elle a perdu cette copine aussi. Il y avait des angoisses chez maman.

  • Speaker #0

    Elle a cohabité avec la mort ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a eu des choses quand même. D'ailleurs, j'ai un peu des frissons. je pense, je pense, papa c'était pas pareil papa il avait trouvé le bonheur avec maman très jeune, à 22 ans, il l'avait rencontré dans une brasserie alsacienne il s'est fait passer pour un italien il était heureux papa et puis il avait eu trois filles bien sûr il était comme sa maman il avait pas de frères et soeurs puisque sa maman est morte en lui donnant la vie, enfin elle s'est éteinte probablement quelques heures après donc lui c'était son bonheur c'était sa famille, il avait construit quelque chose ... Alors qu'il avait, c'était très dur pour papa de se retrouver chez les Pères Blancs quand cette tante meurt à 7 ans et que tout à coup on lui met un petit bermuda, on lui met une chemise, il a un béret sur la tête, il y a une photo de lui, il est beau mais il a les mains le long du corps, il s'accroche presque à son corps et puis il a des yeux, des beaux yeux noirs mais plein de souffrance et des bottines très hautes qui devaient peut-être l'empêcher. tellement de courir, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    C'est comme s'il avait perdu deux mamans. Parce qu'à 7 ans, il perd sa tante qu'il pense être sa maman. Oui, c'est ça. Mais ensuite, quand son père est enterré, il découvre qu'en fait, sa mère n'était pas vraiment sa mère. C'est ce jour-là, il a dû perdre une maman une deuxième fois. Ça a dû être très dur dans son histoire.

  • Speaker #1

    Oui, parce que d'autant qu'à l'enterrement, il a dit au déjeuner, il y avait très peu de monde, il a dit de mes trois filles, c'est Florence qui ressemble le plus à maman. Je me souviens quand elle me portait sur ses épaules dans les oliviers, les filiers. Elle était forte, elle était grande, elle avait des cheveux blonds vénitiens, des yeux clairs. Et là, il y avait un cousin qui était là et que papa ne connaissait pas trop bien. Et il lui a dit, mais qu'est-ce que tu racontes ? C'était pas ta maman dont tu parles ? Et mon père s'est complètement, tout à coup, un peu crispé. Il a dit, qu'est-ce que tu sais, toi ? Et le cousin lui a répondu, ce que je sais, c'est que tu ne sais pas. Et papa a dit, quoi ? « C'était pas ta maman. » cette femme dont tu parles, c'était ta tante épais à son âme, elle est morte quand tu as eu 7 ans et ensuite ton père de Paris t'a fait maître chez les Pères Blancs et papa s'est effondré en larmes le pauvre,

  • Speaker #0

    grandir avec un secret de famille pour la construction c'est très difficile,

  • Speaker #1

    et puis il y a eu la guerre d'Algérie aussi attention, papa était à Paris il a été pris dans une rafle pendant 2 jours maman, enfin elle raconte c'était terrible et il a eu des angoisses, attention mais il avait ce côté très sociable, très allant vers l'autre, souriant. Mais par exemple, moi, j'ai fait sur le tard en 2018, quand je me suis inscrite à la boxe française et tout. Et après, je me suis dit, mais c'est fou, parce que papa, il boxait quand j'étais avec lui, il boxait. Et je pense qu'il avait appris à se défendre sur les paires blancs. Parce que ça a dû être dur quand il était petit, avec les autres camarades et tout. Mais il n'en a jamais parlé de ça. Ou alors... Moi, j'étais la troisième fille, alors je ne sais pas, mais je n'ai pas su. On n'a pas su.

  • Speaker #0

    Peut-être qu'il voulait protéger ses enfants aussi et ne pas parler.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il était dans le déni. Papa, il n'a même pas appris le kabyle. Il a dû l'apprendre quand il était petit. Il ne savait pas parler le kabyle. Et mon grand-père, je me souviens de scènes où mon grand-père se fâchait, tapait sur la... Il lui parlait en kabyle. Et papa lui disait, moi j'étais là parfois, je ne comprends pas ce que tu me dis. J'ai appris le français, moi, pas le kabyle. Mon grand-père était fou de rage, mais il se défendait.

  • Speaker #0

    Mais c'est presque la même douleur. Par exemple, dans ma famille, du côté de ma grand-mère, il y a des personnes qui ont vécu les camps de concentration et qui ont eu la même réaction. Ils n'auraient pas supporté qu'il y ait un prénom à connotation juive qui soit donné, par exemple, parce qu'ils ont toujours peur que ça revienne. Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Donc pareil,

  • Speaker #0

    pour tout ce qui est de circoncire un enfant, etc. C'est un sujet qui est très difficile dans leur histoire. Donc j'imagine que c'était un petit peu la même chose. Quand on a vécu une grosse douleur, c'est difficile d'y passer. Moi, il y a quelque chose qui m'a beaucoup touchée dans le début de ton livre. Et c'est là où j'aimerais qu'on en discute. Quand tu racontes une petite scène qui est presque anodine quand on la vit, une scène d'un déjeuner pendant laquelle tu vas te blottir contre ta mère. Et en fait, c'est des scènes toutes simples quand on les vit, des scènes qu'on prend pour acquis et qui ensuite nous hantent et nous réapparaissent. En l'occurrence, je crois qu'il te réapparaît dans un rêve.

  • Speaker #1

    Non, non, ça m'a ce souvenir. Oui, je commence le livre sur le souvenir de maman dans notre famille de Lorraine. quand il y avait toujours des grandes tablées de temps, de voisins. Et c'est vrai que même quand j'étais maman déjà, j'adorais venir poser mes mains autour de son cou, de coller ma joue contre sa joue, à table. Je me levais tout à coup au moment du dessert et tout. Et que j'avais besoin de la sentir. Et alors comme elle était très pudique et réservée, maman, et qu'elle n'était pas dans la démonstration, il fallait se tenir et tout. Elle mettait les mains sur les miennes parfois, mais je sentais en moi qu'elle était tellement... Ça lui faisait tellement du bien, tellement heureuse. Et je ne sais pas pourquoi, j'y pensais cette nuit d'ailleurs en m'endormant, c'est bizarre. Pourquoi pendant des mois, ça revenait tout le temps, je me voyais poser les mains sur son cou et descendre jusqu'à son cœur. J'en ai fait un poème d'ailleurs dans le livre où je sens sa tiédeur, sa chaleur, ses mains sur les miennes, etc. Et pourquoi pendant quatre mois, je me disais... C'est tellement, je ressens tellement ça. Après je me suis dit, elle a dû me dire, tu vois je suis toujours là, l'amour c'est un pas finalement, c'est ça ? Je ne suis plus là mais je vous donne toujours de l'amour.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi justement, selon toi, ces moments de vie, qui quand on les vit sont tout simples, mais qui ensuite laissent une empreinte dans le cœur et dans le cerveau ? Et on se les rejoue, je pense que tout le monde qui nous écoute a déjà vécu ça avec des personnes qui sont parties. De revivre un petit peu ces scènes, est-ce que ça aussi c'est des signes ? Est-ce que le cerveau sélectionne ces moments ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a une mémoire finalement. Tu sais, il y a une chose qui m'a frappée aussi, c'est que ma fille, parfois elle reproduit les mêmes gestes. C'est-à-dire que si on est dans un dîner, elle va arriver et elle va venir poser aussi ses mains. Là peut-être un peu moins, bon elle va avoir 22 ans, donc peut-être un peu moins. Mais elle l'a fait ça aussi, elle le refera sans doute je pense. Ça se perpétue, il y a une transmission dont on n'est pas forcément conscient. Une transmission des gestes.

  • Speaker #0

    La transmission, c'est le sujet du livre, même la transmission, et c'est ça que je trouve très fort dans le livre qui m'a beaucoup marquée, c'est ce que nous donnent nos ancêtres qu'ils ne connaissent pas. Et ça, moi ça me met des frissons d'en parler. Et c'est ce que toi tu as découvert, ça je pense que c'est une partie qui n'est pas romancée. tu peux me le dire sur la Kabylie avec les choses surnaturelles qui me sont arrivées ça c'était fou ça c'était quelque chose et du coup toi j'ai l'impression que tu as l'impression que cette arrière-grand-mère que tu n'as pas eu la chance de connaître et dont je porte le prénom et je ne le savais pas et je pense que papa ne le savait pas non plus ça c'est une découverte que tu as faite dans les recherches que tu as oui oui quand on va en Grande Kabylie on va parce

  • Speaker #1

    qu'en fait on ne sait rien sur cette famille et tout je me permets c'était vrai ...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a un cousin qui téléphone et qui meurt.

  • Speaker #1

    Oui, je l'avais interrogé.

  • Speaker #0

    Il avait dit qu'il faut y aller sur les traces.

  • Speaker #1

    Oui, c'était le cousin Amran qui disait qu'il fallait qu'on aille pour la famille. Après, il est mort. Parce que je voulais le faire parler de papa. Lui était un peu plus jeune que papa, mais il connaissait, il savait bien. Il connaissait un peu certaines histoires, mais je n'ai pas eu grand-chose de lui.

  • Speaker #0

    C'est ton instinct de journaliste qui t'a incité à aller creuser dans cette histoire ? Tu as senti qu'il y avait quelque chose, des cases à remplir ?

  • Speaker #1

    Je voulais connaître la vérité. Je pense que finalement, je me suis rendue compte de ça. Si mon grand-père, intuitivement, instinctivement, m'a donné le prénom de sa maman, c'est peut-être pour une raison. Dans Les Trois Filles, c'est moi qui suis devenue journaliste, qui transmet l'information, qui fait la lumière parfois sur des faits. Et je pense que j'étais presque choisie pour faire la lumière sur l'histoire de la famille. Parce que mon grand-père, je pense qu'il est mort intranquille. Parce que quand il est mort, il n'a pas dit la vérité à son fils. L'intranquillité de l'âme. Il est mort intranquille, mon grand-père. Et en fait, je pense que moi, j'étais missionnée pour dire que non, il n'avait pas abandonné son enfant. Il était terrassé par le chagrin. Et s'il était resté au village en Kabylie, il aurait été remarié de force. Probablement, peut-être. à une autre fille et qu'il aimait trop cette jeune fille. T'as ça dit, ils avaient 4 ans de différence. Mais en fait, tout ce que j'avais imaginé, je me suis pas trompée. C'est fou. C'est fou. Parce qu'elle est morte à 21 ans, elle l'a épousée à 18 ans, lui il en avait 24. C'est un amour fou, fou, fou. Et sa mère, elle est morte aussi jeune, probablement encore en couche, vers l'âge de 30 ans. Il n'a pas eu de frères et soeurs, mon cousin, mon grand-père. Et je pense que j'étais, je pense oui. Quand je vais au bureau de l'état civil pour... trouver des papiers, on allait de mairie en mairie, c'était compliqué, ils trouvaient rien et tout. Et tout à coup, il y a une fonctionnaire qui m'a dit je vais vous aider, je vais essayer. Et elle trouve l'acte de naissance de mes grands-parents en 1924, en avril, le 28 avril. Et nous, on est en Kabylie le 2 avril. Comment c'est possible ? Et 100 ans avant, ils se sont mariés. Et elle me donne, elle me ressort l'acte de naissance de papa et elle me donne ses papiers. Je tremble tellement que je me fais tomber. Et quand je ramasse l'acte de naissance, Mais je crie tout fort, j'ai dit « Oh ! Il y a mon nom ! Il y a mon nom sur l'acte de mariage ! » Au-dessus de la mention « acte de mariage » , je vois Florence Belkacem. Et je dis « Mais il y a mon nom ! Il y a mon nom ! » Et mon mari me dit « Qu'est-ce que tu racontes ? Ça date de 1924 ! C'est impossible ! Qu'est-ce que tu racontes ? » Mais je dis « J'ai vu mon nom ! Il y a mon nom ! » Et il me prend le papier des mains et il me dit « Il est où ton nom ? » Je vois « Il n'y a pas de nom. » Je dis « Il était là, juste au-dessus. » Et en descendant avec mon devoir, tout à coup, je vais voir. Je me dis, mais je porte le prénom. mais c'est moi qui porte le prénom de l'arrière-grand-mère de la mère de mon grand-père je savais pas, il me l'a jamais dit et tout mais j'étais, mais je tremblais j'avais des larmes, c'était tellement fort et moi qui ai toujours détesté ce prénom je le rayais de tous les documents administratifs pour les passeports, je le donnais même pas enfin fou, j'avais des choses incroyables mais j'ai honte maintenant, c'est fou quoi alors mon mari hyper cartésien c'est Hugo, le mari de Pauline dans un dîner Et puis une amie lui dit mais alors toi comment tu as vécu ça, le fait que Florence ait vu son nom ? Et il dit toi tu l'as pas vu ? Et là il pose un temps d'arrêt et il dit si en fait je dois dire que je l'ai vu. Je lui dis comment ? Tu l'as vu ? T'as vu quoi ? Bah ton nom je l'ai vu. Je lui ai dit, tu ne me l'as pas dit ? Mais dans le bureau de l'état civil, il m'a fait passer pour une dingue. En disant, quoi ? Ça date de 1924, ce n'est pas possible et tout. Elle lui a dit, mais alors comment ? Attends, comment tu expliques ça ? Et il a dit, ah bah, Florence a vu son nom. Moi aussi, je l'ai vu parce que c'est de l'auto-persuasion.

  • Speaker #0

    C'est sûr que c'est ce qu'on disait juste avant de commencer. Quand on veut rationaliser, on peut toujours. Après, il faut être attentif.

  • Speaker #1

    Sauf qu'après, il a eu un drôle de tour que je ne jouais pas. À mon avis, l'arrière-grand-mère.

  • Speaker #0

    qui est racontée oui

  • Speaker #1

    On ne va pas tout dire, mais là, il n'était pas lourd. En me disant, je me dis, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'il y a ? Il me dit, il y a quelque chose de bizarre qui s'est produit. Là, je suis sûre que ce sont mes grands-mères qui se sont vengées.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est toujours fou, parce que parfois, les personnes qui sont un petit peu réticentes à ce genre d'expérience, on dit que du coup, ils en vivent moins. Mais là,

  • Speaker #1

    le fait qu'il ait vécu aussi,

  • Speaker #0

    c'est quand même assez fou.

  • Speaker #1

    Mais vous savez, dans les signes, On est partis quelques jours dans le sud, près de Béziers. Donc on était à Sète, là où Paul Valéry est enterré au cimetière marin. Il en a fait une poésie et tout. Je voulais absolument aller sur la tombe de Paul Valéry. Donc on y va, c'est absolument somptueux, ce cimetière qui surplombe la Méditerranée. Le ciel était bleu, comme dans mes livres. Et au retour, on quitte le cimetière, on prend la voiture et tout, c'est pas moi qui conduisais. Et mon mari me disait, on va aller voir, on va monter sur le Mont-Clair ou le Soin-Clair pour voir toute la vue, toute la région sur Béziers, sur Sète et tout. Et là, je vois une impasse, une rue et tout à coup, je vois Scarabée. Et je dis, je viens de voir Scarabée. Je lui dis, mais j'ai rêvé ou quoi ? J'ai vu Scarabée en grand. Et alors, il me dit, non, non, moi aussi, je l'ai vue. Je lui dis, tu l'as vue ? Oui, je l'ai vue, oui, il y a une rue. Et puis, visiblement, c'est indiqué, il y a un petit... nom de rue et il me dit mais tu as réagi plus vite que moi et donc on a fait demi-tour et je me suis arrêtée. Impasse du scarabée. Dans le livre il y a un scarabée, j'ai des manifestations de scarabée. Voilà la touche de fantastique c'est le scarabée qui me parle, qui me raconte mes origines. Mais on était scotché. Il y avait l'ancienne nom impasse du scarabée écrit comme ça je sais pas quoi à l'encre et de l'autre côté le vrai petit panneau là pour indiquer le nom. Mais là ce que me disait mon mari il y avait quand même très peu de probabilité. pour qu'on tombe sur l'impasse du Scarabée. Et figure-toi qu'en France, on a regardé, il a regardé, tu vois, il a fait une recherche. Oui,

  • Speaker #0

    lui-même il était troublé.

  • Speaker #1

    Oui, il y a deux endroits où il y a l'impasse du Scarabée, à Sète, près du cimetière là, et puis à Béziers. C'est tout, c'est les deux seuls endroits dans toute la France. Comment, comment est-ce possible ? Je veux bien, je veux bien que ce soit possible.

  • Speaker #0

    De pile tomber dessus.

  • Speaker #1

    Alors, si c'est le hasard, mais merci le hasard, parce que moi j'étais emplie de joie. deux jours auparavant, en m'endormant, je parlais à mes grand-mères en disant « Oh, le livre, ceux qui le lisent, ils aiment, merci, vous êtes dedans, vous m'avez bien aidée, tout ça. » Je leur disais ça. Et c'est vrai que pour la première fois, je dis la première fois parce que jamais je n'ai ni dit à maman « Fais-moi un signe » , jamais. Je crois que d'abord, il ne faut pas dire. Il ne faut pas demander aux gens des signes, en fait. Je pense que les signes viennent d'eux-mêmes. Mais je leur ai dit « Je ne sais pas si vous m'entendez. » Mais c'est à cette arrière-grand-mère dont je porte le prénom et à ta salle dite, la grand-mère. Et bim, on tombe sur l'impasse du scarabée. Donc qu'est-ce que j'en conclue ? J'en conclue qu'elle m'a entendu, peut-être, et qu'elle me font signe. Parce que c'est gros, scarabée, hein ? Oui. Faire scarabée, hein ? C'est pas rue Jules Leroy ou je sais pas quoi. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Scarabée. Toi, t'en as vu ? Non,

  • Speaker #0

    j'en ai jamais vu,

  • Speaker #1

    ouais. D'accord. Scarabée. Scarabée. Scarabée, c'est l'Égypte quand même. C'est le dieu qui est pris, qui fait passer... les âmes des défunts vers l'au-delà. Alors ça aussi, ça l'a intrigué quand même mon mari. On était quand même... C'est pas si courant quand même. Alors oui, on peut dire qu'on peut imaginer qu'on fait des supputations, on sentait... Bon, si c'est pas ça, c'est pas grave. Ça m'aura donné de la joie sur le moment. Tant qu'à faire, je prends la joie.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr. Mais bien sûr. C'est tellement rassurant et réconfortant quand on perd quelqu'un qu'on aime. Et puis même, je trouve, pour nous, en se projetant dans notre propre mort, quand on est parent, par exemple, c'est insupportable.

  • Speaker #1

    Oui, ça, je ne sais pas, j'ai eu des larmes aux yeux, là, il n'y a pas longtemps, en pensant à ma fille. J'ai une fille, elle est unique, mais ce n'est pas grave, je lui enverrai plein de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est réconfortant de se dire qu'en fait, on pourra continuer à l'équider d'une certaine manière.

  • Speaker #1

    J'espère, j'espère, j'espère qu'on peut aussi se tromper. Dans le livre, je parle du pari de Pascal sur l'existence de la religion. Quand vous croyez en Dieu, vous avez tout à gagner. L'immortalité de l'âme, la résurrection des corps, le paradis. Mais si au final... Une fois que vous êtes mort, qu'il n'y a rien, vous ne serez pas puni, mais vous aurez juste passé du temps à faire des prières inutiles. Mais ça vous aura donné de la force pour certains, de la sérénité. Moi je dis la même chose aux gens qui sont dans la souffrance, la désespérance, et qui ne croient en rien, ni en Dieu, ni en une transcendance, et parfois pas dans les signes. Si vous percevez des signes, et que ça vous donne de la joie, et que ça vous réconforte, il faut croire.

  • Speaker #0

    Il faut les prendre.

  • Speaker #1

    Il faut les prendre. Voilà, parce que les vies sont difficiles quand même. C'est dur quand, dans ce livre, Pauline parle de son ami Thomas, de la boxe. Là, pour le coup, c'est moi. Et j'étais en pleine écriture de ce livre. J'apprends, trois semaines après, qu'il s'est tiré une balle dans la tête. Il était ingénieur chez Orange. Il s'est suicidé et que dans son sac à dos, il était convoqué à un entretien de licenciement. Donc, il devait rendre son badge Orange, son téléphone Orange, son ordinateur Orange. Et au lieu de s'y présenter... Il est allé, il a pris le train pour Annecy, qu'il aimait tant, Annecy, le lac, les montagnes. Sur mon portable, j'ai retrouvé plein d'images, de photos. Je sais même où il a fait son dernier repas, mais Thomas ne devait pas mourir. Il ne devait pas se tuer. Et j'ai appris par Instagram, son frère n'a trouvé qu'Instagram pour me trouver. Il n'avait pas mon téléphone. Il a trouvé trois semaines après en me disant Thomas est mort. J'étais dans un état, parce que je savais que... Je savais, il ne me répondait plus, il ne m'envoyait plus de messages, rien. Et en fait, dans son téléphone portable, il m'avait écrit un message d'adieu que son frère m'a donné, en disant qu'il ne voulait pas quitter la vie, qu'il aimait trop la vie, mais qu'il n'avait pas d'autre issue parce qu'il était allé sur le projet de trop à Orange, et qu'il aurait pu être poursuivi. Tout ça était faux, enfin, poursuivi, je ne sais pas, qu'il avait fait de graves erreurs. Il a dû subir une pression. C'était un garçon qui était intelligent, c'était quelqu'un de très consciencieux. Je n'ai pas pu accepter qu'il soit mort. Je ne peux pas accepter sa mort comme ça. C'est impossible. Et il est venu dans mes rêves. Et le rêve où je me réveille, je suis en larmes et je le vois. On est à la salle de boxe et il est à l'entrée de la salle de boxe et je vois qu'il est en tenue mais qu'il n'a pas ses gants, qu'il n'a pas enlevé ses lunettes et je vois dans le rêve que ses yeux sont embués de larmes. Et je l'appelle et je lui dis Thomas, mais viens, t'es gampre. Et qu'il me répond, Florence, non, pardonne-moi, je ne voulais pas. Je n'avais pas d'autre issue. J'ai aimé la vie et je l'aime toujours.

  • Speaker #0

    Mais je ne pouvais pas continuer comme ça. Et là je suis, je me réveille, je suis en larmes. En larmes, en larmes. Et après j'ai fait un autre rêve où je le vois, je suis dans un cimetière et je suis avec mon ami prêtre, Père Michel-Marie Sorkin, mon prêtre qui chante. Il est accoudé sur un monument funéraire. Le monument funéraire est noir et il y a des phrases qui sont gravées en blanc. Et tout à coup, il me dit « Cette phrase est pour toi, lis-la. » Et je lis « Tu étais dans mes yeux » . Donc ça, c'était très dur. Et heureusement qu'il est revenu dans un autre rêve où c'était des Ausha. Et j'ai compris qu'il savait que j'avais deux Ausha, Thomas. Et qu'il est revenu avec sa maman. Il avait perdu sa maman à l'âge de 17 ans d'une sclérose en plaques. Et le rêve, c'est... On est... Ma fille, mon mari, on est assis sur la banquette du salon. Et il y a nos trois Ausha qui sont près de nous. Et moi, je rêve que je vois une chatte blanche avec des yeux bleus magnifiques qui vient Et elle est suivie d'un petit. Et cette chatte s'arrête devant moi avec des yeux pleins d'amour. Et dans le rêve, mes Ausha vont voir le petit chat comme s'ils le reconnaissaient. Et la maman va vers lui et toilette son petit. Et j'ai compris que Thomas avait retrouvé sa maman. Moi aussi, j'ai beaucoup de mal à... Ça m'a beaucoup réconfortée. Mais bon, c'est quand même difficile.

  • Speaker #1

    Et Thomas t'a choisi aussi. Du coup, en te laissant un mot. que son frère t'a transmis.

  • Speaker #0

    En disant qu'il avait été très heureux. À mes côtés, on avait passé des super moments. Et il a fini par ne m'oublier pas. Mais je ne l'oublie pas.

  • Speaker #1

    Mais du coup, il t'a choisi aussi pour son histoire.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il est certainement soulagé. Mais se mettre une balle dans la tête, comme il l'a fait face aux montagnes et aux lacs. Mais je pense que la nature, paradoxalement, lui a donné la force. Parce que lui, il croyait au signe, Thomas. Il avait perdu son père aussi et il disait que les oiseaux étaient des émissaires et tout. Et je pense que paradoxalement, la beauté d'Annecy et de son lac lui a donné la force de se tuer. Mais c'est quelqu'un qui n'aurait jamais dû quitter la vie. Mais je suis contente qu'il soit dans le livre et je suis contente qu'on en parle. Merci Pauline.

  • Speaker #1

    Merci de partager cette histoire. Et par rapport à tout ce que tu as découvert, à tous les signes que tu reçois tous les jours, comme c'est quand même ton histoire familiale, est-ce que les autres membres de ta famille sont réceptifs ? à ces signes ? Est-ce que tu es entendue, par exemple, quand on parle avec tes sœurs ?

  • Speaker #0

    Ma sœur aînée, elle est très cartésienne. Elle est plus réservée. L'autre sœur, qui est entre elle et moi, la sœur cadette, elle est beaucoup plus, je crois, beaucoup plus sensible, connectée. Elle perçoit beaucoup de choses. Elle a une intuition très développée, très fine. En fait, je me suis souvenue d'une histoire, c'est que ma grand-mère de Lorraine, je crois qu'en Lorraine, parfois, il faisait tourner les tables. Donc c'est bizarre, grand-mère maternelle, ma grand-mère Oma. J'ai le souvenir de ça, tout à coup ça m'est revenu. Avec ma grand-mère Oma, je suis moins connectée. Parce qu'il y avait la barrière de la langue, il y avait le lorrain, l'allemand. C'était plus compliqué, j'étais petite et c'est pas facile.

  • Speaker #1

    Et quel est ton rapport avec tes morts aujourd'hui dans ta vie de tous les jours ?

  • Speaker #0

    Je pense à eux, ils sont là, je leur parle. J'ai une anecdote très drôle aussi. C'est bizarre. Un set, là, il s'est passé des choses. On prenait notre petit déjeuner. On était dans un hôtel au bord d'un petit port et tout. Une terrasse. Mais les gens pouvaient venir, évidemment, prendre des petits déj et tout. Et puis, la veille, au soir, j'avais aperçu un couple de gens avec leur petit-fils et puis les parents du petit-fils et tout. Et puis, je trouvais que le père ressemblait. étrangement à Thomas, mais 30 ans de plus, parce que Thomas avait 50 ans quand il est mort. Et bon, ça m'avait frappé, cette ressemblance. Et le lendemain, je les retrouve, je suis en train de prendre mon petit déjeuner, je ne sais pas où était mon mari et tout, et puis les voilà qui s'assiaient avec sa femme. Enfin, ils ont un certain âge, 75 ans, 77, je ne sais pas. Et puis, je trouve vraiment qu'ils ressemblent aussi à Thomas. Et puis après, je l'entends parler, enfin, il te commandait des viennoiseries, il n'en avait plus, la serveuse. Il a dit, je vais chercher, parce que Thomas était très généreux, je vais chercher des viennoiseries. Le voilà qui s'en va. Et en le voyant marcher, je me disais, c'est incroyable. Il avait une sorte de sac à dos comme Thomas et tout, noir. Et je pense à Thomas. Je me dis, c'est drôle et tout. Et sa femme avait donc reste seule. Elle buvait son café. Et elle avait une casquette bleu-marine. Elle était un peu au ralenti, mais tout. Et tout à coup, je vois une plume de duvet blanche. J'ai fait une photo d'ailleurs. Qui tombe, qui voltige au-dessus de sa tête. Et qui vient se poser sur sa casquette. J'ai... éclatée de rire. Mais j'ai eu un fou rire parce que je voyais, donc elle continuait, je voyais sa plume poser comme ça, élégamment et tout. Donc mon mari revient et je lui dis regarde, je lui explique. Et il me disait oui c'est vrai qu'il ressemble à Thomas et tout. Et je me suis dit est-ce que Thomas m'a dit, m'a vu la scène et s'est peut-être dit Florence t'as bien vu. Oui t'as raison, ce type me ressemble. Bon dans 30 ans mais c'est vrai. Il me ressemble, c'est bien vu. Et qu'il m'a envoyé cette plume. Du coup je me suis dit peut-être qu'il est toujours là Thomas quoi. Ça me fait rire quoi, c'est tellement drôle et ça lui ressemble. Il envoie une plume pour dire oui oui t'as raison. Il me ressemble et tout, mais tu vois, je suis là quand même. Je te vois.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu dirais que maintenant que tu as réussi à écrire ce livre, ça t'a apaisée ? Est-ce que tu penses que c'est une partie de ton histoire qui était importante ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, je me sens apaisée. Je me sens enrichie d'une histoire. Quand on parlait de la double culture, tout ça, je ne comprenais jamais. En plus, la Kabylie, c'est tellement beau, mais c'est tellement magnifique. C'est des montagnes, de la verdure. des rivières qui coulent, c'est ça. Et puis je trouve que les Kabiles, c'est vraiment un peuple, c'est un beau peuple, érudit, et puis ils sont toujours, même s'ils ont beaucoup souffert, parce que ce sont les artisans quand même de Grimbel-Kessem, aucun lien de parenté avec moi, mais c'était l'artisan de l'indépendance algérienne. Et bien malgré ça, ils sont très attachés à la France. Ils ont un amour de la France. La nature, vous savez, Et là aussi, oui, je me souviens à Béjaïa, au matin, au réveil, je n'en ai pas parlé dans le livre parce que les gens... Là, pour le coup, ça faisait un peu trop. Mais j'étais sur le balcon et je regardais la mer et tout. Et puis, la montagne du Mont-Babor, petite chaîne de montagne en petite cabillie. Et puis, sur le mur, tout à coup, je vois un papillon qui dessine une ombre. Et il dessinait presque un thé. Et je me suis dit que c'était peut-être le thé de ma grand-mère, de Tassadit. Voilà, c'était... Et donc, je suis riche de tout ça maintenant. De cette beauté des paysages, de cette culture, aussi de l'ouverture des gens, du peuple kabyle. Courageux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Florence. Double merci. Merci d'être venue en discuter avec moi. Et puis, merci pour le livre. Voilà, j'en recommande la lecture à tout le monde. Et notamment, les personnes qui sont en train de vivre un deuil. Moi, je l'ai lu à une période où je vivais aussi un deuil et où j'avais aussi, par ce deuil, des espèces de pièces de puzzle de mon histoire qui étaient remises ensemble. Et c'est quelque chose que je conseille et qui peut accompagner les gens parce qu'en fait, on se sent beaucoup moins seul. On se rend compte que, déjà, on est nombreux et nombreux à vivre ces choses-là. Et surtout... Ça invite à écouter davantage son intuition et à se dire que rien n'est rompu et que ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu le temps, par exemple, de partager certaines choses, comme Pauline l'a vécu dans le livre « Cueilleuse de signes » avec certaines personnes, qu'il faut forcément vivre dans une culpabilité et qu'on peut encore continuer à écrire une histoire familiale après le départ des personnes qui nous sont chères. Donc, merci pour ce livre. Je vous conseille de le lire et merci pour cette... conversation super intéressante et riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Pauline, merci beaucoup.

  • Speaker #1

    À très bientôt Florence.

  • Speaker #0

    Ah oui, à très bientôt.

  • Speaker #2

    Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine.

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Description

Et si les morts continuaient à nous parler ?

Dans cet épisode je reçois la journaliste et autrice Florence Belkacem. Ensemble, nous parlons de son livre Cueilleuse de signes, un récit intime, largement autobiographique, qui explore ces messages discrets que les êtres aimés peuvent nous envoyer depuis l’au-delà.


Tout commence avec un domino. Un voisin le tend à Florence en lui disant : « Il est à vous. Vous comprendrez plus tard. »

Plus tard, c’est la mort de son père.

Elle part en Kabylie, sur les traces de sa famille paternelle. Là-bas, elle découvre que le domino est le jeu le plus populaire. Elle en est persuadée : un fil invisible la relie à cette terre et à ceux qui l’ont précédée.


À la mort de sa mère, ce sont des coccinelles qui viennent à elle. Dans les moments de chagrin ou de doute, elles apparaissent. Pour Florence, il n’y a pas de hasard : sa mère continue de veiller sur elle, autrement.


Elle découvre aussi qu’elle porte le prénom de son arrière-grand-mère, dont elle ignorait jusqu’à l’existence. Et au fil de ce deuil, c’est toute une mémoire transgénérationnelle qui se réveille.


Un épisode sensible et lumineux, pour celles et ceux qui ont aimé, perdu, espéré — et qui se demandent si, parfois, l’invisible ne cherche pas simplement à nous susurrer : « Je ne suis pas loin, je veille sur toi."


Bonne écoute !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Bonjour Florence.

  • Speaker #1

    Bonjour Pauline.

  • Speaker #0

    Comment ça va ?

  • Speaker #1

    Écoutez, ça me fait tout drôle de me retrouver face à l'héroïne de mon livre, Cueilleuse de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, moi aussi j'ai été très contente. On est ici pour parler de ton nouveau roman, Cueilleuse de signes, un livre très fort. qui parle de ces signes que nous envoient les personnes qui nous sont chères et que nous avons perdu, des petits signes parfois très discrets auxquels il faut prêter attention, et qui est développé dans un roman, qui est un roman mais qui est aussi très fortement inspiré de ton histoire personnelle, dont nous allons parler, tu l'as dit, l'héroïne s'appelle Pauline, donc c'est vrai que forcément moi la lecture m'a beaucoup troublée, parce que je pense que c'est ça qui est bien quand on lit, c'est de pouvoir s'identifier totalement au personnage principal pour... Dans un livre comme celui-ci aussi, pouvoir lire les propres signes que nous avons vécu, pour moi ça a été très facile. Ça a été une autoroute comme le personnage principal s'appelle Pauline. J'aimerais que tu me dises s'il te plaît, comment l'envie t'est venue d'écrire ce livre ? Parce que j'ai l'impression que ça a été comme un besoin presque impérieux de l'écrire.

  • Speaker #1

    Alors le déclic en fait, c'est un domino qu'un jour un voisin d'immeuble me remet. Il y a cinq ans, il vient taper à ma porte et il me dit écoutez Florence, j'ai trouvé ce domino. à la sortie d'un théâtre, et il ne fait pas écho à ma vie. Je pense qu'il vous est destiné, un jour, peut-être vous comprendrez. Il se trouve qu'en octobre 2024, je suis invitée au salon international du livre algé, le SILA, Annie Ernaud étant la présidente d'honneur prix Nobel de littérature, mais hélas, les autorités ont annulé son visa 48 heures avant, sous prétexte qu'elle demandait la libération de deux journalistes algériens. Point final, je referme la parenthèse. Et donc... Comme j'avais un visa, mon mari m'a fait la surprise. On était au mois d'octobre. À Noël, il m'offre deux billets pour la Kabylie. J'étais un peu réticente parce que j'avais la trouille d'aller dans ce pays où papa, grand-père étaient nés et dont on ne savait quasiment rien. Et j'étais stupéfaite quand nous sommes allées en Grande Kabylie, au pied de la montagne d'Urdjura. C'est une montagne qui culmine à plus de 2000 mètres et qui change au gré des heures. de la journée, enfin, elles se teintent de doré, de rose, de mort dorée, etc. Et le soir, dans les rues, des tablés de joueurs de domino. Et là, je lui ai dit à mon mari, c'est quand même étrange, c'est incroyable. Et en fait, je me suis renseignée et j'ai dit, mais pourquoi le domino ? Donc, tous ces gens m'ont dit, depuis la période coloniale, c'est le passe-temps favori des cabiles. Et le domino, c'est sacré dans la vie d'un cabile, parce que dans une partie de domino, on raconte sa vie. Ça crée du lien social, etc. Et donc, je me suis dit que ce domino, visiblement, devait m'emmener sur les terres de papa et de grand-père.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est fou, c'est que finalement, ça aurait pu être quelque chose presque d'anodin que tu vis quand ton voisin arrive. On s'imagine facilement pouvoir le vivre et se dire qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et puis, plus il prêtait attention. Là, j'ai l'impression, en tout cas à la lecture du livre, Que tu l'avais quand même mis dans un coin de ta tête, tu l'avais mis quand même visible sur ton bureau. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça.

  • Speaker #0

    En attendant quand même de voir à quel moment l'histoire allait se révéler.

  • Speaker #1

    Et je le prenais dans les mains parce que c'était une belle pièce. Je pense que c'est un domino qui date des années 60, c'est une pièce en baquelite. Alors, petite chose qui m'a aussi frappée ensuite en Kabylie, d'un côté il y a trois points et de l'autre un point. Et j'ai compris qu'en fait, le un point, c'était moi. Et les trois points, c'est mes grands-parents et papa. C'est vrai que je le caressais, ce domino, je le prenais. Mais jamais j'aurais pensé, enfin jamais j'aurais pensé, et j'aurais dû m'en souvenir à ce moment-là, que papa nous avait appris à jouer au domino, que dans la famille de Lorraine, puisque maman était Lorraine, les oncles et les tantes jouaient au domino. Et à ce moment-là, quand on me l'a remis, même pendant plusieurs années, je ne pensais plus, les images avaient disparu, elles étaient enfouies dans un coin de ma mémoire, et elles ont ressurgi. De façon spectaculaire et vraiment avec une très grande force et une beauté incroyable en Kabili.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est dingue, c'est qu'à aucun moment quand ce voisin vient te donner ce domino, tu ne te dis, il est fou et tu en rigoles.

  • Speaker #1

    Oui, j'en riais quand il m'a dit un jour, vous comprendrez. Alors c'est vrai que sur le moment, je me suis dit un jour, je comprendrai. Et là, pour le coup, je pense que vraiment, le sous-titre du livre, c'est Peut-on échapper à son destin ? Moi, je considère qu'on n'échappe pas forcément à son destin. Moi, en tous les cas, j'étais reliée par un fil invisible à la cave Billy, et je ne le savais pas. C'est Spinoza qui dit, les hommes se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs désirs, mais ignorants des causes qui les déterminent. Et moi, je suis assez dans cette philosophie-là, même si après, Sartre a dit que finalement, d'invoquer... le déterminisme. Le destin, c'était une forme de lâcheté parce qu'on ne voulait pas assumer ses responsabilités. Mais maintenant, on peut aussi parfois défier le destin. Je pense qu'il y a des moments où tout n'est pas lié au destin non plus. Il y a aussi le hasard qui entre en jeu quand même. J'ouvre la porte dans le livre. Je ne la referme pas à celui qui lit ou celle qui lit de se faire sa propre idée.

  • Speaker #0

    Et si on remonte un petit peu dans le temps, avant de perdre tes parents, Quel était ton rapport à la mort ?

  • Speaker #1

    J'étais terrorisée par la mort, par les morts, mais même encore jusqu'à la mort de maman. Maman m'a réconciliée avec la mort, avec cette coccinelle qui a surgi dans l'église alors qu'il faisait 5 degrés en Lorraine, il faisait froid. Moi j'avais eu aussi un choc, parce que quand j'avais 10 ans, ou 9 ans, je ne sais plus, Pauline le raconte dans le livre, quand mon oncle est décédé d'un arrêt cardiaque ou d'une rupture d'un névrisme, il avait 38 ans. En plus, c'était la veille de l'anniversaire. C'était horrible parce que dans la maison, c'était l'anniversaire de ma cousine, qui était beaucoup plus âgée que moi, qui avait déjà 15 ans ou 16 ans.

  • Speaker #0

    Qui perdait son papa,

  • Speaker #1

    du coup. Qui perdait son papa. Et donc, c'était horrible. C'était la mort dans un lieu de fête où il y avait des plateaux, de petits fours. C'était terrible. Et moi, je me souviens, le jour de l'enterrement, quelques instants avant la mise en bière, Ma tante a voulu que je lui dise au revoir. Cajou, c'était son surnom, s'appelait Casimir je crois. Il était beau dans son costume, mais j'ai été terrifiée, terrifiée.

  • Speaker #0

    Parce que t'avais quel âge ?

  • Speaker #1

    8-9 ans, j'avais eu tellement peur. Ensuite j'étais accrochée à maman, et je pense que mon angoisse de me retrouver seule dans une maison la nuit vient de là. J'ai toujours peur. Et après, tout ce qui était film, fantôme, je ne voulais pas voir. Et même maman à la mort, je n'ai pas voulu. aller la voir. Je n'en avais pas le courage jusqu'au jour où elle est dans le cercueil et je la trouve pâle le jour de l'enterrement et que je demande au tanopracteur qui était très gentil. Il m'a apporté la palette de maquillage. Moi, je la maquillais toujours quand j'étais petite et j'adorais, et même pas petite encore quand j'avais 40 ans et tout. Et il m'a tendu le pinceau. J'ai voulu la maquiller et je n'ai pas pu parce que la mort instaure une frontière entre les vivants et ceux qui ne sont plus là. Et puis, j'ai même pas voulu, quand on a cloué le cercueil, qu'on a refermé, je suis sortie. C'était insoutenable pour moi, insoutenable. Et heureusement qu'il y a eu cette coccinelle ensuite et après, plusieurs coccinelles. Et c'est là que j'ai compris qu'elle me faisait signe. Mais jamais je n'aurais pensé que des âmes disparues pouvaient envoyer des signes. Pour moi, c'était totalement dingo. C'était dinguerie totale. c'était... Les gens qui me racontaient ça, il y a encore très peu, parce que j'évitais toutes ces conversations. Pour moi, c'était des illuminés.

  • Speaker #0

    Oui, tu étais très cartésienne.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et puis en tant que journaliste, etc. Enfin, j'ai une réputation de quelqu'un de rigoureux, de cartésien, etc. Mais jamais j'aurais pu penser ça. Mais force est de reconnaître que quand vous avez une coccinelle à l'enterrement, puis après une aux vacances, enfin on était en janvier, après une aux vacances de Pâques, dans la maison de famille en Lorraine, alors que toutes les fenêtres sont fermées et qu'il fait froid encore. Et puis encore une autre à Noël. Et puis encore une autre et encore une autre. Et quand elle vient se poser à des moments de découragement, où même je disais « Maman, aide-moi, il faut que je continue la radio, il faut que je sois prise pour la rentrée prochaine et tout. » Et bim, j'avais une coccinelle qui venait. Mais de toute façon, je pense que voir des signes, il faut des chocs. Le choc, c'est la mort. C'est la mort de l'être aimé. Tant qu'on n'a pas été dans la souffrance, qu'on n'a pas perdu des êtres chers, ben oui, on ne peut pas imaginer ça.

  • Speaker #0

    On n'est plus cartésien.

  • Speaker #1

    C'est impossible.

  • Speaker #0

    Et quels étaient les discours que tu entendais quand tu étais petite par tes parents justement concernant la mort ? Est-ce qu'ils partageaient peut-être des choses ? Parce que par exemple, ce que tu racontes dans le livre par rapport à l'histoire familiale de ton père, c'est qu'elle était chargée d'histoires très difficiles. Toute une partie dont il n'a pas eu connaissance.

  • Speaker #1

    Jusqu'aux obsèques de mon grand-père où il a appris que cette femme qu'il avait élevée jusqu'à ses 7 ans, ce n'était pas sa maman mais c'était sa tante. Et papa s'est effondré en larmes. On n'a jamais rien su. C'était tabou. Maman, on ne parlait pas de la Kabylie parce que papa pensait qu'il avait été abandonné par son père à la naissance. Ce n'était pas ça l'histoire. Et je ne comprends même pas comment mon grand-père a pu garder en lui ce secret pendant plus de 30 ans.

  • Speaker #0

    À l'époque, on pensait davantage qu'on protégeait les enfants en ne leur disant pas, alors qu'aujourd'hui...

  • Speaker #1

    Maman, oui, dans les histoires de Lorraine, de la famille, il y avait toujours des histoires un peu de... de mort, de mort, de choses bizarres. Mais je ne prêtais pas attention et on n'en parlait pas forcément.

  • Speaker #0

    On parlait des personnes qui étaient mortes, en tout cas. Ce n'était pas tabou la mort dans ta famille ?

  • Speaker #1

    Non, mais on n'en parlait pas beaucoup. Peut-être que papa en lui, peut-être que dans sa mémoire, il y avait une souffrance. Peut-être, comme il ne savait pas que sa maman était morte, elle était peut-être en lui et que finalement, ça peut-être l'empêchait de parler de la mort. Lui, il parlait de la vie. C'était quelqu'un de très gai, de très heureux. Bon, maman, maman Lorraine, elle avait eu son petit amoureux qui s'était fait fusiller pendant la Seconde Guerre par les Allemands. Il y avait beaucoup d'angoisse quand même en elle. Elle avait peur aussi de la nuit. Je pense qu'elle était plus introvertie et plus angoissée, maman. Par certaines choses, sans doute du passé lié à la Seconde Guerre mondiale, où elle avait aussi une amie juive, la Gestapo avait fait une descente, elle se souvient que quelqu'un tapait la porte, « You de raus » dehors, etc. Et elle a perdu cette copine aussi. Il y avait des angoisses chez maman.

  • Speaker #0

    Elle a cohabité avec la mort ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a eu des choses quand même. D'ailleurs, j'ai un peu des frissons. je pense, je pense, papa c'était pas pareil papa il avait trouvé le bonheur avec maman très jeune, à 22 ans, il l'avait rencontré dans une brasserie alsacienne il s'est fait passer pour un italien il était heureux papa et puis il avait eu trois filles bien sûr il était comme sa maman il avait pas de frères et soeurs puisque sa maman est morte en lui donnant la vie, enfin elle s'est éteinte probablement quelques heures après donc lui c'était son bonheur c'était sa famille, il avait construit quelque chose ... Alors qu'il avait, c'était très dur pour papa de se retrouver chez les Pères Blancs quand cette tante meurt à 7 ans et que tout à coup on lui met un petit bermuda, on lui met une chemise, il a un béret sur la tête, il y a une photo de lui, il est beau mais il a les mains le long du corps, il s'accroche presque à son corps et puis il a des yeux, des beaux yeux noirs mais plein de souffrance et des bottines très hautes qui devaient peut-être l'empêcher. tellement de courir, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    C'est comme s'il avait perdu deux mamans. Parce qu'à 7 ans, il perd sa tante qu'il pense être sa maman. Oui, c'est ça. Mais ensuite, quand son père est enterré, il découvre qu'en fait, sa mère n'était pas vraiment sa mère. C'est ce jour-là, il a dû perdre une maman une deuxième fois. Ça a dû être très dur dans son histoire.

  • Speaker #1

    Oui, parce que d'autant qu'à l'enterrement, il a dit au déjeuner, il y avait très peu de monde, il a dit de mes trois filles, c'est Florence qui ressemble le plus à maman. Je me souviens quand elle me portait sur ses épaules dans les oliviers, les filiers. Elle était forte, elle était grande, elle avait des cheveux blonds vénitiens, des yeux clairs. Et là, il y avait un cousin qui était là et que papa ne connaissait pas trop bien. Et il lui a dit, mais qu'est-ce que tu racontes ? C'était pas ta maman dont tu parles ? Et mon père s'est complètement, tout à coup, un peu crispé. Il a dit, qu'est-ce que tu sais, toi ? Et le cousin lui a répondu, ce que je sais, c'est que tu ne sais pas. Et papa a dit, quoi ? « C'était pas ta maman. » cette femme dont tu parles, c'était ta tante épais à son âme, elle est morte quand tu as eu 7 ans et ensuite ton père de Paris t'a fait maître chez les Pères Blancs et papa s'est effondré en larmes le pauvre,

  • Speaker #0

    grandir avec un secret de famille pour la construction c'est très difficile,

  • Speaker #1

    et puis il y a eu la guerre d'Algérie aussi attention, papa était à Paris il a été pris dans une rafle pendant 2 jours maman, enfin elle raconte c'était terrible et il a eu des angoisses, attention mais il avait ce côté très sociable, très allant vers l'autre, souriant. Mais par exemple, moi, j'ai fait sur le tard en 2018, quand je me suis inscrite à la boxe française et tout. Et après, je me suis dit, mais c'est fou, parce que papa, il boxait quand j'étais avec lui, il boxait. Et je pense qu'il avait appris à se défendre sur les paires blancs. Parce que ça a dû être dur quand il était petit, avec les autres camarades et tout. Mais il n'en a jamais parlé de ça. Ou alors... Moi, j'étais la troisième fille, alors je ne sais pas, mais je n'ai pas su. On n'a pas su.

  • Speaker #0

    Peut-être qu'il voulait protéger ses enfants aussi et ne pas parler.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il était dans le déni. Papa, il n'a même pas appris le kabyle. Il a dû l'apprendre quand il était petit. Il ne savait pas parler le kabyle. Et mon grand-père, je me souviens de scènes où mon grand-père se fâchait, tapait sur la... Il lui parlait en kabyle. Et papa lui disait, moi j'étais là parfois, je ne comprends pas ce que tu me dis. J'ai appris le français, moi, pas le kabyle. Mon grand-père était fou de rage, mais il se défendait.

  • Speaker #0

    Mais c'est presque la même douleur. Par exemple, dans ma famille, du côté de ma grand-mère, il y a des personnes qui ont vécu les camps de concentration et qui ont eu la même réaction. Ils n'auraient pas supporté qu'il y ait un prénom à connotation juive qui soit donné, par exemple, parce qu'ils ont toujours peur que ça revienne. Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Donc pareil,

  • Speaker #0

    pour tout ce qui est de circoncire un enfant, etc. C'est un sujet qui est très difficile dans leur histoire. Donc j'imagine que c'était un petit peu la même chose. Quand on a vécu une grosse douleur, c'est difficile d'y passer. Moi, il y a quelque chose qui m'a beaucoup touchée dans le début de ton livre. Et c'est là où j'aimerais qu'on en discute. Quand tu racontes une petite scène qui est presque anodine quand on la vit, une scène d'un déjeuner pendant laquelle tu vas te blottir contre ta mère. Et en fait, c'est des scènes toutes simples quand on les vit, des scènes qu'on prend pour acquis et qui ensuite nous hantent et nous réapparaissent. En l'occurrence, je crois qu'il te réapparaît dans un rêve.

  • Speaker #1

    Non, non, ça m'a ce souvenir. Oui, je commence le livre sur le souvenir de maman dans notre famille de Lorraine. quand il y avait toujours des grandes tablées de temps, de voisins. Et c'est vrai que même quand j'étais maman déjà, j'adorais venir poser mes mains autour de son cou, de coller ma joue contre sa joue, à table. Je me levais tout à coup au moment du dessert et tout. Et que j'avais besoin de la sentir. Et alors comme elle était très pudique et réservée, maman, et qu'elle n'était pas dans la démonstration, il fallait se tenir et tout. Elle mettait les mains sur les miennes parfois, mais je sentais en moi qu'elle était tellement... Ça lui faisait tellement du bien, tellement heureuse. Et je ne sais pas pourquoi, j'y pensais cette nuit d'ailleurs en m'endormant, c'est bizarre. Pourquoi pendant des mois, ça revenait tout le temps, je me voyais poser les mains sur son cou et descendre jusqu'à son cœur. J'en ai fait un poème d'ailleurs dans le livre où je sens sa tiédeur, sa chaleur, ses mains sur les miennes, etc. Et pourquoi pendant quatre mois, je me disais... C'est tellement, je ressens tellement ça. Après je me suis dit, elle a dû me dire, tu vois je suis toujours là, l'amour c'est un pas finalement, c'est ça ? Je ne suis plus là mais je vous donne toujours de l'amour.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi justement, selon toi, ces moments de vie, qui quand on les vit sont tout simples, mais qui ensuite laissent une empreinte dans le cœur et dans le cerveau ? Et on se les rejoue, je pense que tout le monde qui nous écoute a déjà vécu ça avec des personnes qui sont parties. De revivre un petit peu ces scènes, est-ce que ça aussi c'est des signes ? Est-ce que le cerveau sélectionne ces moments ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a une mémoire finalement. Tu sais, il y a une chose qui m'a frappée aussi, c'est que ma fille, parfois elle reproduit les mêmes gestes. C'est-à-dire que si on est dans un dîner, elle va arriver et elle va venir poser aussi ses mains. Là peut-être un peu moins, bon elle va avoir 22 ans, donc peut-être un peu moins. Mais elle l'a fait ça aussi, elle le refera sans doute je pense. Ça se perpétue, il y a une transmission dont on n'est pas forcément conscient. Une transmission des gestes.

  • Speaker #0

    La transmission, c'est le sujet du livre, même la transmission, et c'est ça que je trouve très fort dans le livre qui m'a beaucoup marquée, c'est ce que nous donnent nos ancêtres qu'ils ne connaissent pas. Et ça, moi ça me met des frissons d'en parler. Et c'est ce que toi tu as découvert, ça je pense que c'est une partie qui n'est pas romancée. tu peux me le dire sur la Kabylie avec les choses surnaturelles qui me sont arrivées ça c'était fou ça c'était quelque chose et du coup toi j'ai l'impression que tu as l'impression que cette arrière-grand-mère que tu n'as pas eu la chance de connaître et dont je porte le prénom et je ne le savais pas et je pense que papa ne le savait pas non plus ça c'est une découverte que tu as faite dans les recherches que tu as oui oui quand on va en Grande Kabylie on va parce

  • Speaker #1

    qu'en fait on ne sait rien sur cette famille et tout je me permets c'était vrai ...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a un cousin qui téléphone et qui meurt.

  • Speaker #1

    Oui, je l'avais interrogé.

  • Speaker #0

    Il avait dit qu'il faut y aller sur les traces.

  • Speaker #1

    Oui, c'était le cousin Amran qui disait qu'il fallait qu'on aille pour la famille. Après, il est mort. Parce que je voulais le faire parler de papa. Lui était un peu plus jeune que papa, mais il connaissait, il savait bien. Il connaissait un peu certaines histoires, mais je n'ai pas eu grand-chose de lui.

  • Speaker #0

    C'est ton instinct de journaliste qui t'a incité à aller creuser dans cette histoire ? Tu as senti qu'il y avait quelque chose, des cases à remplir ?

  • Speaker #1

    Je voulais connaître la vérité. Je pense que finalement, je me suis rendue compte de ça. Si mon grand-père, intuitivement, instinctivement, m'a donné le prénom de sa maman, c'est peut-être pour une raison. Dans Les Trois Filles, c'est moi qui suis devenue journaliste, qui transmet l'information, qui fait la lumière parfois sur des faits. Et je pense que j'étais presque choisie pour faire la lumière sur l'histoire de la famille. Parce que mon grand-père, je pense qu'il est mort intranquille. Parce que quand il est mort, il n'a pas dit la vérité à son fils. L'intranquillité de l'âme. Il est mort intranquille, mon grand-père. Et en fait, je pense que moi, j'étais missionnée pour dire que non, il n'avait pas abandonné son enfant. Il était terrassé par le chagrin. Et s'il était resté au village en Kabylie, il aurait été remarié de force. Probablement, peut-être. à une autre fille et qu'il aimait trop cette jeune fille. T'as ça dit, ils avaient 4 ans de différence. Mais en fait, tout ce que j'avais imaginé, je me suis pas trompée. C'est fou. C'est fou. Parce qu'elle est morte à 21 ans, elle l'a épousée à 18 ans, lui il en avait 24. C'est un amour fou, fou, fou. Et sa mère, elle est morte aussi jeune, probablement encore en couche, vers l'âge de 30 ans. Il n'a pas eu de frères et soeurs, mon cousin, mon grand-père. Et je pense que j'étais, je pense oui. Quand je vais au bureau de l'état civil pour... trouver des papiers, on allait de mairie en mairie, c'était compliqué, ils trouvaient rien et tout. Et tout à coup, il y a une fonctionnaire qui m'a dit je vais vous aider, je vais essayer. Et elle trouve l'acte de naissance de mes grands-parents en 1924, en avril, le 28 avril. Et nous, on est en Kabylie le 2 avril. Comment c'est possible ? Et 100 ans avant, ils se sont mariés. Et elle me donne, elle me ressort l'acte de naissance de papa et elle me donne ses papiers. Je tremble tellement que je me fais tomber. Et quand je ramasse l'acte de naissance, Mais je crie tout fort, j'ai dit « Oh ! Il y a mon nom ! Il y a mon nom sur l'acte de mariage ! » Au-dessus de la mention « acte de mariage » , je vois Florence Belkacem. Et je dis « Mais il y a mon nom ! Il y a mon nom ! » Et mon mari me dit « Qu'est-ce que tu racontes ? Ça date de 1924 ! C'est impossible ! Qu'est-ce que tu racontes ? » Mais je dis « J'ai vu mon nom ! Il y a mon nom ! » Et il me prend le papier des mains et il me dit « Il est où ton nom ? » Je vois « Il n'y a pas de nom. » Je dis « Il était là, juste au-dessus. » Et en descendant avec mon devoir, tout à coup, je vais voir. Je me dis, mais je porte le prénom. mais c'est moi qui porte le prénom de l'arrière-grand-mère de la mère de mon grand-père je savais pas, il me l'a jamais dit et tout mais j'étais, mais je tremblais j'avais des larmes, c'était tellement fort et moi qui ai toujours détesté ce prénom je le rayais de tous les documents administratifs pour les passeports, je le donnais même pas enfin fou, j'avais des choses incroyables mais j'ai honte maintenant, c'est fou quoi alors mon mari hyper cartésien c'est Hugo, le mari de Pauline dans un dîner Et puis une amie lui dit mais alors toi comment tu as vécu ça, le fait que Florence ait vu son nom ? Et il dit toi tu l'as pas vu ? Et là il pose un temps d'arrêt et il dit si en fait je dois dire que je l'ai vu. Je lui dis comment ? Tu l'as vu ? T'as vu quoi ? Bah ton nom je l'ai vu. Je lui ai dit, tu ne me l'as pas dit ? Mais dans le bureau de l'état civil, il m'a fait passer pour une dingue. En disant, quoi ? Ça date de 1924, ce n'est pas possible et tout. Elle lui a dit, mais alors comment ? Attends, comment tu expliques ça ? Et il a dit, ah bah, Florence a vu son nom. Moi aussi, je l'ai vu parce que c'est de l'auto-persuasion.

  • Speaker #0

    C'est sûr que c'est ce qu'on disait juste avant de commencer. Quand on veut rationaliser, on peut toujours. Après, il faut être attentif.

  • Speaker #1

    Sauf qu'après, il a eu un drôle de tour que je ne jouais pas. À mon avis, l'arrière-grand-mère.

  • Speaker #0

    qui est racontée oui

  • Speaker #1

    On ne va pas tout dire, mais là, il n'était pas lourd. En me disant, je me dis, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'il y a ? Il me dit, il y a quelque chose de bizarre qui s'est produit. Là, je suis sûre que ce sont mes grands-mères qui se sont vengées.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est toujours fou, parce que parfois, les personnes qui sont un petit peu réticentes à ce genre d'expérience, on dit que du coup, ils en vivent moins. Mais là,

  • Speaker #1

    le fait qu'il ait vécu aussi,

  • Speaker #0

    c'est quand même assez fou.

  • Speaker #1

    Mais vous savez, dans les signes, On est partis quelques jours dans le sud, près de Béziers. Donc on était à Sète, là où Paul Valéry est enterré au cimetière marin. Il en a fait une poésie et tout. Je voulais absolument aller sur la tombe de Paul Valéry. Donc on y va, c'est absolument somptueux, ce cimetière qui surplombe la Méditerranée. Le ciel était bleu, comme dans mes livres. Et au retour, on quitte le cimetière, on prend la voiture et tout, c'est pas moi qui conduisais. Et mon mari me disait, on va aller voir, on va monter sur le Mont-Clair ou le Soin-Clair pour voir toute la vue, toute la région sur Béziers, sur Sète et tout. Et là, je vois une impasse, une rue et tout à coup, je vois Scarabée. Et je dis, je viens de voir Scarabée. Je lui dis, mais j'ai rêvé ou quoi ? J'ai vu Scarabée en grand. Et alors, il me dit, non, non, moi aussi, je l'ai vue. Je lui dis, tu l'as vue ? Oui, je l'ai vue, oui, il y a une rue. Et puis, visiblement, c'est indiqué, il y a un petit... nom de rue et il me dit mais tu as réagi plus vite que moi et donc on a fait demi-tour et je me suis arrêtée. Impasse du scarabée. Dans le livre il y a un scarabée, j'ai des manifestations de scarabée. Voilà la touche de fantastique c'est le scarabée qui me parle, qui me raconte mes origines. Mais on était scotché. Il y avait l'ancienne nom impasse du scarabée écrit comme ça je sais pas quoi à l'encre et de l'autre côté le vrai petit panneau là pour indiquer le nom. Mais là ce que me disait mon mari il y avait quand même très peu de probabilité. pour qu'on tombe sur l'impasse du Scarabée. Et figure-toi qu'en France, on a regardé, il a regardé, tu vois, il a fait une recherche. Oui,

  • Speaker #0

    lui-même il était troublé.

  • Speaker #1

    Oui, il y a deux endroits où il y a l'impasse du Scarabée, à Sète, près du cimetière là, et puis à Béziers. C'est tout, c'est les deux seuls endroits dans toute la France. Comment, comment est-ce possible ? Je veux bien, je veux bien que ce soit possible.

  • Speaker #0

    De pile tomber dessus.

  • Speaker #1

    Alors, si c'est le hasard, mais merci le hasard, parce que moi j'étais emplie de joie. deux jours auparavant, en m'endormant, je parlais à mes grand-mères en disant « Oh, le livre, ceux qui le lisent, ils aiment, merci, vous êtes dedans, vous m'avez bien aidée, tout ça. » Je leur disais ça. Et c'est vrai que pour la première fois, je dis la première fois parce que jamais je n'ai ni dit à maman « Fais-moi un signe » , jamais. Je crois que d'abord, il ne faut pas dire. Il ne faut pas demander aux gens des signes, en fait. Je pense que les signes viennent d'eux-mêmes. Mais je leur ai dit « Je ne sais pas si vous m'entendez. » Mais c'est à cette arrière-grand-mère dont je porte le prénom et à ta salle dite, la grand-mère. Et bim, on tombe sur l'impasse du scarabée. Donc qu'est-ce que j'en conclue ? J'en conclue qu'elle m'a entendu, peut-être, et qu'elle me font signe. Parce que c'est gros, scarabée, hein ? Oui. Faire scarabée, hein ? C'est pas rue Jules Leroy ou je sais pas quoi. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Scarabée. Toi, t'en as vu ? Non,

  • Speaker #0

    j'en ai jamais vu,

  • Speaker #1

    ouais. D'accord. Scarabée. Scarabée. Scarabée, c'est l'Égypte quand même. C'est le dieu qui est pris, qui fait passer... les âmes des défunts vers l'au-delà. Alors ça aussi, ça l'a intrigué quand même mon mari. On était quand même... C'est pas si courant quand même. Alors oui, on peut dire qu'on peut imaginer qu'on fait des supputations, on sentait... Bon, si c'est pas ça, c'est pas grave. Ça m'aura donné de la joie sur le moment. Tant qu'à faire, je prends la joie.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr. Mais bien sûr. C'est tellement rassurant et réconfortant quand on perd quelqu'un qu'on aime. Et puis même, je trouve, pour nous, en se projetant dans notre propre mort, quand on est parent, par exemple, c'est insupportable.

  • Speaker #1

    Oui, ça, je ne sais pas, j'ai eu des larmes aux yeux, là, il n'y a pas longtemps, en pensant à ma fille. J'ai une fille, elle est unique, mais ce n'est pas grave, je lui enverrai plein de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est réconfortant de se dire qu'en fait, on pourra continuer à l'équider d'une certaine manière.

  • Speaker #1

    J'espère, j'espère, j'espère qu'on peut aussi se tromper. Dans le livre, je parle du pari de Pascal sur l'existence de la religion. Quand vous croyez en Dieu, vous avez tout à gagner. L'immortalité de l'âme, la résurrection des corps, le paradis. Mais si au final... Une fois que vous êtes mort, qu'il n'y a rien, vous ne serez pas puni, mais vous aurez juste passé du temps à faire des prières inutiles. Mais ça vous aura donné de la force pour certains, de la sérénité. Moi je dis la même chose aux gens qui sont dans la souffrance, la désespérance, et qui ne croient en rien, ni en Dieu, ni en une transcendance, et parfois pas dans les signes. Si vous percevez des signes, et que ça vous donne de la joie, et que ça vous réconforte, il faut croire.

  • Speaker #0

    Il faut les prendre.

  • Speaker #1

    Il faut les prendre. Voilà, parce que les vies sont difficiles quand même. C'est dur quand, dans ce livre, Pauline parle de son ami Thomas, de la boxe. Là, pour le coup, c'est moi. Et j'étais en pleine écriture de ce livre. J'apprends, trois semaines après, qu'il s'est tiré une balle dans la tête. Il était ingénieur chez Orange. Il s'est suicidé et que dans son sac à dos, il était convoqué à un entretien de licenciement. Donc, il devait rendre son badge Orange, son téléphone Orange, son ordinateur Orange. Et au lieu de s'y présenter... Il est allé, il a pris le train pour Annecy, qu'il aimait tant, Annecy, le lac, les montagnes. Sur mon portable, j'ai retrouvé plein d'images, de photos. Je sais même où il a fait son dernier repas, mais Thomas ne devait pas mourir. Il ne devait pas se tuer. Et j'ai appris par Instagram, son frère n'a trouvé qu'Instagram pour me trouver. Il n'avait pas mon téléphone. Il a trouvé trois semaines après en me disant Thomas est mort. J'étais dans un état, parce que je savais que... Je savais, il ne me répondait plus, il ne m'envoyait plus de messages, rien. Et en fait, dans son téléphone portable, il m'avait écrit un message d'adieu que son frère m'a donné, en disant qu'il ne voulait pas quitter la vie, qu'il aimait trop la vie, mais qu'il n'avait pas d'autre issue parce qu'il était allé sur le projet de trop à Orange, et qu'il aurait pu être poursuivi. Tout ça était faux, enfin, poursuivi, je ne sais pas, qu'il avait fait de graves erreurs. Il a dû subir une pression. C'était un garçon qui était intelligent, c'était quelqu'un de très consciencieux. Je n'ai pas pu accepter qu'il soit mort. Je ne peux pas accepter sa mort comme ça. C'est impossible. Et il est venu dans mes rêves. Et le rêve où je me réveille, je suis en larmes et je le vois. On est à la salle de boxe et il est à l'entrée de la salle de boxe et je vois qu'il est en tenue mais qu'il n'a pas ses gants, qu'il n'a pas enlevé ses lunettes et je vois dans le rêve que ses yeux sont embués de larmes. Et je l'appelle et je lui dis Thomas, mais viens, t'es gampre. Et qu'il me répond, Florence, non, pardonne-moi, je ne voulais pas. Je n'avais pas d'autre issue. J'ai aimé la vie et je l'aime toujours.

  • Speaker #0

    Mais je ne pouvais pas continuer comme ça. Et là je suis, je me réveille, je suis en larmes. En larmes, en larmes. Et après j'ai fait un autre rêve où je le vois, je suis dans un cimetière et je suis avec mon ami prêtre, Père Michel-Marie Sorkin, mon prêtre qui chante. Il est accoudé sur un monument funéraire. Le monument funéraire est noir et il y a des phrases qui sont gravées en blanc. Et tout à coup, il me dit « Cette phrase est pour toi, lis-la. » Et je lis « Tu étais dans mes yeux » . Donc ça, c'était très dur. Et heureusement qu'il est revenu dans un autre rêve où c'était des Ausha. Et j'ai compris qu'il savait que j'avais deux Ausha, Thomas. Et qu'il est revenu avec sa maman. Il avait perdu sa maman à l'âge de 17 ans d'une sclérose en plaques. Et le rêve, c'est... On est... Ma fille, mon mari, on est assis sur la banquette du salon. Et il y a nos trois Ausha qui sont près de nous. Et moi, je rêve que je vois une chatte blanche avec des yeux bleus magnifiques qui vient Et elle est suivie d'un petit. Et cette chatte s'arrête devant moi avec des yeux pleins d'amour. Et dans le rêve, mes Ausha vont voir le petit chat comme s'ils le reconnaissaient. Et la maman va vers lui et toilette son petit. Et j'ai compris que Thomas avait retrouvé sa maman. Moi aussi, j'ai beaucoup de mal à... Ça m'a beaucoup réconfortée. Mais bon, c'est quand même difficile.

  • Speaker #1

    Et Thomas t'a choisi aussi. Du coup, en te laissant un mot. que son frère t'a transmis.

  • Speaker #0

    En disant qu'il avait été très heureux. À mes côtés, on avait passé des super moments. Et il a fini par ne m'oublier pas. Mais je ne l'oublie pas.

  • Speaker #1

    Mais du coup, il t'a choisi aussi pour son histoire.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il est certainement soulagé. Mais se mettre une balle dans la tête, comme il l'a fait face aux montagnes et aux lacs. Mais je pense que la nature, paradoxalement, lui a donné la force. Parce que lui, il croyait au signe, Thomas. Il avait perdu son père aussi et il disait que les oiseaux étaient des émissaires et tout. Et je pense que paradoxalement, la beauté d'Annecy et de son lac lui a donné la force de se tuer. Mais c'est quelqu'un qui n'aurait jamais dû quitter la vie. Mais je suis contente qu'il soit dans le livre et je suis contente qu'on en parle. Merci Pauline.

  • Speaker #1

    Merci de partager cette histoire. Et par rapport à tout ce que tu as découvert, à tous les signes que tu reçois tous les jours, comme c'est quand même ton histoire familiale, est-ce que les autres membres de ta famille sont réceptifs ? à ces signes ? Est-ce que tu es entendue, par exemple, quand on parle avec tes sœurs ?

  • Speaker #0

    Ma sœur aînée, elle est très cartésienne. Elle est plus réservée. L'autre sœur, qui est entre elle et moi, la sœur cadette, elle est beaucoup plus, je crois, beaucoup plus sensible, connectée. Elle perçoit beaucoup de choses. Elle a une intuition très développée, très fine. En fait, je me suis souvenue d'une histoire, c'est que ma grand-mère de Lorraine, je crois qu'en Lorraine, parfois, il faisait tourner les tables. Donc c'est bizarre, grand-mère maternelle, ma grand-mère Oma. J'ai le souvenir de ça, tout à coup ça m'est revenu. Avec ma grand-mère Oma, je suis moins connectée. Parce qu'il y avait la barrière de la langue, il y avait le lorrain, l'allemand. C'était plus compliqué, j'étais petite et c'est pas facile.

  • Speaker #1

    Et quel est ton rapport avec tes morts aujourd'hui dans ta vie de tous les jours ?

  • Speaker #0

    Je pense à eux, ils sont là, je leur parle. J'ai une anecdote très drôle aussi. C'est bizarre. Un set, là, il s'est passé des choses. On prenait notre petit déjeuner. On était dans un hôtel au bord d'un petit port et tout. Une terrasse. Mais les gens pouvaient venir, évidemment, prendre des petits déj et tout. Et puis, la veille, au soir, j'avais aperçu un couple de gens avec leur petit-fils et puis les parents du petit-fils et tout. Et puis, je trouvais que le père ressemblait. étrangement à Thomas, mais 30 ans de plus, parce que Thomas avait 50 ans quand il est mort. Et bon, ça m'avait frappé, cette ressemblance. Et le lendemain, je les retrouve, je suis en train de prendre mon petit déjeuner, je ne sais pas où était mon mari et tout, et puis les voilà qui s'assiaient avec sa femme. Enfin, ils ont un certain âge, 75 ans, 77, je ne sais pas. Et puis, je trouve vraiment qu'ils ressemblent aussi à Thomas. Et puis après, je l'entends parler, enfin, il te commandait des viennoiseries, il n'en avait plus, la serveuse. Il a dit, je vais chercher, parce que Thomas était très généreux, je vais chercher des viennoiseries. Le voilà qui s'en va. Et en le voyant marcher, je me disais, c'est incroyable. Il avait une sorte de sac à dos comme Thomas et tout, noir. Et je pense à Thomas. Je me dis, c'est drôle et tout. Et sa femme avait donc reste seule. Elle buvait son café. Et elle avait une casquette bleu-marine. Elle était un peu au ralenti, mais tout. Et tout à coup, je vois une plume de duvet blanche. J'ai fait une photo d'ailleurs. Qui tombe, qui voltige au-dessus de sa tête. Et qui vient se poser sur sa casquette. J'ai... éclatée de rire. Mais j'ai eu un fou rire parce que je voyais, donc elle continuait, je voyais sa plume poser comme ça, élégamment et tout. Donc mon mari revient et je lui dis regarde, je lui explique. Et il me disait oui c'est vrai qu'il ressemble à Thomas et tout. Et je me suis dit est-ce que Thomas m'a dit, m'a vu la scène et s'est peut-être dit Florence t'as bien vu. Oui t'as raison, ce type me ressemble. Bon dans 30 ans mais c'est vrai. Il me ressemble, c'est bien vu. Et qu'il m'a envoyé cette plume. Du coup je me suis dit peut-être qu'il est toujours là Thomas quoi. Ça me fait rire quoi, c'est tellement drôle et ça lui ressemble. Il envoie une plume pour dire oui oui t'as raison. Il me ressemble et tout, mais tu vois, je suis là quand même. Je te vois.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu dirais que maintenant que tu as réussi à écrire ce livre, ça t'a apaisée ? Est-ce que tu penses que c'est une partie de ton histoire qui était importante ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, je me sens apaisée. Je me sens enrichie d'une histoire. Quand on parlait de la double culture, tout ça, je ne comprenais jamais. En plus, la Kabylie, c'est tellement beau, mais c'est tellement magnifique. C'est des montagnes, de la verdure. des rivières qui coulent, c'est ça. Et puis je trouve que les Kabiles, c'est vraiment un peuple, c'est un beau peuple, érudit, et puis ils sont toujours, même s'ils ont beaucoup souffert, parce que ce sont les artisans quand même de Grimbel-Kessem, aucun lien de parenté avec moi, mais c'était l'artisan de l'indépendance algérienne. Et bien malgré ça, ils sont très attachés à la France. Ils ont un amour de la France. La nature, vous savez, Et là aussi, oui, je me souviens à Béjaïa, au matin, au réveil, je n'en ai pas parlé dans le livre parce que les gens... Là, pour le coup, ça faisait un peu trop. Mais j'étais sur le balcon et je regardais la mer et tout. Et puis, la montagne du Mont-Babor, petite chaîne de montagne en petite cabillie. Et puis, sur le mur, tout à coup, je vois un papillon qui dessine une ombre. Et il dessinait presque un thé. Et je me suis dit que c'était peut-être le thé de ma grand-mère, de Tassadit. Voilà, c'était... Et donc, je suis riche de tout ça maintenant. De cette beauté des paysages, de cette culture, aussi de l'ouverture des gens, du peuple kabyle. Courageux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Florence. Double merci. Merci d'être venue en discuter avec moi. Et puis, merci pour le livre. Voilà, j'en recommande la lecture à tout le monde. Et notamment, les personnes qui sont en train de vivre un deuil. Moi, je l'ai lu à une période où je vivais aussi un deuil et où j'avais aussi, par ce deuil, des espèces de pièces de puzzle de mon histoire qui étaient remises ensemble. Et c'est quelque chose que je conseille et qui peut accompagner les gens parce qu'en fait, on se sent beaucoup moins seul. On se rend compte que, déjà, on est nombreux et nombreux à vivre ces choses-là. Et surtout... Ça invite à écouter davantage son intuition et à se dire que rien n'est rompu et que ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu le temps, par exemple, de partager certaines choses, comme Pauline l'a vécu dans le livre « Cueilleuse de signes » avec certaines personnes, qu'il faut forcément vivre dans une culpabilité et qu'on peut encore continuer à écrire une histoire familiale après le départ des personnes qui nous sont chères. Donc, merci pour ce livre. Je vous conseille de le lire et merci pour cette... conversation super intéressante et riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Pauline, merci beaucoup.

  • Speaker #1

    À très bientôt Florence.

  • Speaker #0

    Ah oui, à très bientôt.

  • Speaker #2

    Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine.

Description

Et si les morts continuaient à nous parler ?

Dans cet épisode je reçois la journaliste et autrice Florence Belkacem. Ensemble, nous parlons de son livre Cueilleuse de signes, un récit intime, largement autobiographique, qui explore ces messages discrets que les êtres aimés peuvent nous envoyer depuis l’au-delà.


Tout commence avec un domino. Un voisin le tend à Florence en lui disant : « Il est à vous. Vous comprendrez plus tard. »

Plus tard, c’est la mort de son père.

Elle part en Kabylie, sur les traces de sa famille paternelle. Là-bas, elle découvre que le domino est le jeu le plus populaire. Elle en est persuadée : un fil invisible la relie à cette terre et à ceux qui l’ont précédée.


À la mort de sa mère, ce sont des coccinelles qui viennent à elle. Dans les moments de chagrin ou de doute, elles apparaissent. Pour Florence, il n’y a pas de hasard : sa mère continue de veiller sur elle, autrement.


Elle découvre aussi qu’elle porte le prénom de son arrière-grand-mère, dont elle ignorait jusqu’à l’existence. Et au fil de ce deuil, c’est toute une mémoire transgénérationnelle qui se réveille.


Un épisode sensible et lumineux, pour celles et ceux qui ont aimé, perdu, espéré — et qui se demandent si, parfois, l’invisible ne cherche pas simplement à nous susurrer : « Je ne suis pas loin, je veille sur toi."


Bonne écoute !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Bonjour Florence.

  • Speaker #1

    Bonjour Pauline.

  • Speaker #0

    Comment ça va ?

  • Speaker #1

    Écoutez, ça me fait tout drôle de me retrouver face à l'héroïne de mon livre, Cueilleuse de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, moi aussi j'ai été très contente. On est ici pour parler de ton nouveau roman, Cueilleuse de signes, un livre très fort. qui parle de ces signes que nous envoient les personnes qui nous sont chères et que nous avons perdu, des petits signes parfois très discrets auxquels il faut prêter attention, et qui est développé dans un roman, qui est un roman mais qui est aussi très fortement inspiré de ton histoire personnelle, dont nous allons parler, tu l'as dit, l'héroïne s'appelle Pauline, donc c'est vrai que forcément moi la lecture m'a beaucoup troublée, parce que je pense que c'est ça qui est bien quand on lit, c'est de pouvoir s'identifier totalement au personnage principal pour... Dans un livre comme celui-ci aussi, pouvoir lire les propres signes que nous avons vécu, pour moi ça a été très facile. Ça a été une autoroute comme le personnage principal s'appelle Pauline. J'aimerais que tu me dises s'il te plaît, comment l'envie t'est venue d'écrire ce livre ? Parce que j'ai l'impression que ça a été comme un besoin presque impérieux de l'écrire.

  • Speaker #1

    Alors le déclic en fait, c'est un domino qu'un jour un voisin d'immeuble me remet. Il y a cinq ans, il vient taper à ma porte et il me dit écoutez Florence, j'ai trouvé ce domino. à la sortie d'un théâtre, et il ne fait pas écho à ma vie. Je pense qu'il vous est destiné, un jour, peut-être vous comprendrez. Il se trouve qu'en octobre 2024, je suis invitée au salon international du livre algé, le SILA, Annie Ernaud étant la présidente d'honneur prix Nobel de littérature, mais hélas, les autorités ont annulé son visa 48 heures avant, sous prétexte qu'elle demandait la libération de deux journalistes algériens. Point final, je referme la parenthèse. Et donc... Comme j'avais un visa, mon mari m'a fait la surprise. On était au mois d'octobre. À Noël, il m'offre deux billets pour la Kabylie. J'étais un peu réticente parce que j'avais la trouille d'aller dans ce pays où papa, grand-père étaient nés et dont on ne savait quasiment rien. Et j'étais stupéfaite quand nous sommes allées en Grande Kabylie, au pied de la montagne d'Urdjura. C'est une montagne qui culmine à plus de 2000 mètres et qui change au gré des heures. de la journée, enfin, elles se teintent de doré, de rose, de mort dorée, etc. Et le soir, dans les rues, des tablés de joueurs de domino. Et là, je lui ai dit à mon mari, c'est quand même étrange, c'est incroyable. Et en fait, je me suis renseignée et j'ai dit, mais pourquoi le domino ? Donc, tous ces gens m'ont dit, depuis la période coloniale, c'est le passe-temps favori des cabiles. Et le domino, c'est sacré dans la vie d'un cabile, parce que dans une partie de domino, on raconte sa vie. Ça crée du lien social, etc. Et donc, je me suis dit que ce domino, visiblement, devait m'emmener sur les terres de papa et de grand-père.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est fou, c'est que finalement, ça aurait pu être quelque chose presque d'anodin que tu vis quand ton voisin arrive. On s'imagine facilement pouvoir le vivre et se dire qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Et puis, plus il prêtait attention. Là, j'ai l'impression, en tout cas à la lecture du livre, Que tu l'avais quand même mis dans un coin de ta tête, tu l'avais mis quand même visible sur ton bureau. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça.

  • Speaker #0

    En attendant quand même de voir à quel moment l'histoire allait se révéler.

  • Speaker #1

    Et je le prenais dans les mains parce que c'était une belle pièce. Je pense que c'est un domino qui date des années 60, c'est une pièce en baquelite. Alors, petite chose qui m'a aussi frappée ensuite en Kabylie, d'un côté il y a trois points et de l'autre un point. Et j'ai compris qu'en fait, le un point, c'était moi. Et les trois points, c'est mes grands-parents et papa. C'est vrai que je le caressais, ce domino, je le prenais. Mais jamais j'aurais pensé, enfin jamais j'aurais pensé, et j'aurais dû m'en souvenir à ce moment-là, que papa nous avait appris à jouer au domino, que dans la famille de Lorraine, puisque maman était Lorraine, les oncles et les tantes jouaient au domino. Et à ce moment-là, quand on me l'a remis, même pendant plusieurs années, je ne pensais plus, les images avaient disparu, elles étaient enfouies dans un coin de ma mémoire, et elles ont ressurgi. De façon spectaculaire et vraiment avec une très grande force et une beauté incroyable en Kabili.

  • Speaker #0

    Mais ce qui est dingue, c'est qu'à aucun moment quand ce voisin vient te donner ce domino, tu ne te dis, il est fou et tu en rigoles.

  • Speaker #1

    Oui, j'en riais quand il m'a dit un jour, vous comprendrez. Alors c'est vrai que sur le moment, je me suis dit un jour, je comprendrai. Et là, pour le coup, je pense que vraiment, le sous-titre du livre, c'est Peut-on échapper à son destin ? Moi, je considère qu'on n'échappe pas forcément à son destin. Moi, en tous les cas, j'étais reliée par un fil invisible à la cave Billy, et je ne le savais pas. C'est Spinoza qui dit, les hommes se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs désirs, mais ignorants des causes qui les déterminent. Et moi, je suis assez dans cette philosophie-là, même si après, Sartre a dit que finalement, d'invoquer... le déterminisme. Le destin, c'était une forme de lâcheté parce qu'on ne voulait pas assumer ses responsabilités. Mais maintenant, on peut aussi parfois défier le destin. Je pense qu'il y a des moments où tout n'est pas lié au destin non plus. Il y a aussi le hasard qui entre en jeu quand même. J'ouvre la porte dans le livre. Je ne la referme pas à celui qui lit ou celle qui lit de se faire sa propre idée.

  • Speaker #0

    Et si on remonte un petit peu dans le temps, avant de perdre tes parents, Quel était ton rapport à la mort ?

  • Speaker #1

    J'étais terrorisée par la mort, par les morts, mais même encore jusqu'à la mort de maman. Maman m'a réconciliée avec la mort, avec cette coccinelle qui a surgi dans l'église alors qu'il faisait 5 degrés en Lorraine, il faisait froid. Moi j'avais eu aussi un choc, parce que quand j'avais 10 ans, ou 9 ans, je ne sais plus, Pauline le raconte dans le livre, quand mon oncle est décédé d'un arrêt cardiaque ou d'une rupture d'un névrisme, il avait 38 ans. En plus, c'était la veille de l'anniversaire. C'était horrible parce que dans la maison, c'était l'anniversaire de ma cousine, qui était beaucoup plus âgée que moi, qui avait déjà 15 ans ou 16 ans.

  • Speaker #0

    Qui perdait son papa,

  • Speaker #1

    du coup. Qui perdait son papa. Et donc, c'était horrible. C'était la mort dans un lieu de fête où il y avait des plateaux, de petits fours. C'était terrible. Et moi, je me souviens, le jour de l'enterrement, quelques instants avant la mise en bière, Ma tante a voulu que je lui dise au revoir. Cajou, c'était son surnom, s'appelait Casimir je crois. Il était beau dans son costume, mais j'ai été terrifiée, terrifiée.

  • Speaker #0

    Parce que t'avais quel âge ?

  • Speaker #1

    8-9 ans, j'avais eu tellement peur. Ensuite j'étais accrochée à maman, et je pense que mon angoisse de me retrouver seule dans une maison la nuit vient de là. J'ai toujours peur. Et après, tout ce qui était film, fantôme, je ne voulais pas voir. Et même maman à la mort, je n'ai pas voulu. aller la voir. Je n'en avais pas le courage jusqu'au jour où elle est dans le cercueil et je la trouve pâle le jour de l'enterrement et que je demande au tanopracteur qui était très gentil. Il m'a apporté la palette de maquillage. Moi, je la maquillais toujours quand j'étais petite et j'adorais, et même pas petite encore quand j'avais 40 ans et tout. Et il m'a tendu le pinceau. J'ai voulu la maquiller et je n'ai pas pu parce que la mort instaure une frontière entre les vivants et ceux qui ne sont plus là. Et puis, j'ai même pas voulu, quand on a cloué le cercueil, qu'on a refermé, je suis sortie. C'était insoutenable pour moi, insoutenable. Et heureusement qu'il y a eu cette coccinelle ensuite et après, plusieurs coccinelles. Et c'est là que j'ai compris qu'elle me faisait signe. Mais jamais je n'aurais pensé que des âmes disparues pouvaient envoyer des signes. Pour moi, c'était totalement dingo. C'était dinguerie totale. c'était... Les gens qui me racontaient ça, il y a encore très peu, parce que j'évitais toutes ces conversations. Pour moi, c'était des illuminés.

  • Speaker #0

    Oui, tu étais très cartésienne.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et puis en tant que journaliste, etc. Enfin, j'ai une réputation de quelqu'un de rigoureux, de cartésien, etc. Mais jamais j'aurais pu penser ça. Mais force est de reconnaître que quand vous avez une coccinelle à l'enterrement, puis après une aux vacances, enfin on était en janvier, après une aux vacances de Pâques, dans la maison de famille en Lorraine, alors que toutes les fenêtres sont fermées et qu'il fait froid encore. Et puis encore une autre à Noël. Et puis encore une autre et encore une autre. Et quand elle vient se poser à des moments de découragement, où même je disais « Maman, aide-moi, il faut que je continue la radio, il faut que je sois prise pour la rentrée prochaine et tout. » Et bim, j'avais une coccinelle qui venait. Mais de toute façon, je pense que voir des signes, il faut des chocs. Le choc, c'est la mort. C'est la mort de l'être aimé. Tant qu'on n'a pas été dans la souffrance, qu'on n'a pas perdu des êtres chers, ben oui, on ne peut pas imaginer ça.

  • Speaker #0

    On n'est plus cartésien.

  • Speaker #1

    C'est impossible.

  • Speaker #0

    Et quels étaient les discours que tu entendais quand tu étais petite par tes parents justement concernant la mort ? Est-ce qu'ils partageaient peut-être des choses ? Parce que par exemple, ce que tu racontes dans le livre par rapport à l'histoire familiale de ton père, c'est qu'elle était chargée d'histoires très difficiles. Toute une partie dont il n'a pas eu connaissance.

  • Speaker #1

    Jusqu'aux obsèques de mon grand-père où il a appris que cette femme qu'il avait élevée jusqu'à ses 7 ans, ce n'était pas sa maman mais c'était sa tante. Et papa s'est effondré en larmes. On n'a jamais rien su. C'était tabou. Maman, on ne parlait pas de la Kabylie parce que papa pensait qu'il avait été abandonné par son père à la naissance. Ce n'était pas ça l'histoire. Et je ne comprends même pas comment mon grand-père a pu garder en lui ce secret pendant plus de 30 ans.

  • Speaker #0

    À l'époque, on pensait davantage qu'on protégeait les enfants en ne leur disant pas, alors qu'aujourd'hui...

  • Speaker #1

    Maman, oui, dans les histoires de Lorraine, de la famille, il y avait toujours des histoires un peu de... de mort, de mort, de choses bizarres. Mais je ne prêtais pas attention et on n'en parlait pas forcément.

  • Speaker #0

    On parlait des personnes qui étaient mortes, en tout cas. Ce n'était pas tabou la mort dans ta famille ?

  • Speaker #1

    Non, mais on n'en parlait pas beaucoup. Peut-être que papa en lui, peut-être que dans sa mémoire, il y avait une souffrance. Peut-être, comme il ne savait pas que sa maman était morte, elle était peut-être en lui et que finalement, ça peut-être l'empêchait de parler de la mort. Lui, il parlait de la vie. C'était quelqu'un de très gai, de très heureux. Bon, maman, maman Lorraine, elle avait eu son petit amoureux qui s'était fait fusiller pendant la Seconde Guerre par les Allemands. Il y avait beaucoup d'angoisse quand même en elle. Elle avait peur aussi de la nuit. Je pense qu'elle était plus introvertie et plus angoissée, maman. Par certaines choses, sans doute du passé lié à la Seconde Guerre mondiale, où elle avait aussi une amie juive, la Gestapo avait fait une descente, elle se souvient que quelqu'un tapait la porte, « You de raus » dehors, etc. Et elle a perdu cette copine aussi. Il y avait des angoisses chez maman.

  • Speaker #0

    Elle a cohabité avec la mort ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'il y a eu des choses quand même. D'ailleurs, j'ai un peu des frissons. je pense, je pense, papa c'était pas pareil papa il avait trouvé le bonheur avec maman très jeune, à 22 ans, il l'avait rencontré dans une brasserie alsacienne il s'est fait passer pour un italien il était heureux papa et puis il avait eu trois filles bien sûr il était comme sa maman il avait pas de frères et soeurs puisque sa maman est morte en lui donnant la vie, enfin elle s'est éteinte probablement quelques heures après donc lui c'était son bonheur c'était sa famille, il avait construit quelque chose ... Alors qu'il avait, c'était très dur pour papa de se retrouver chez les Pères Blancs quand cette tante meurt à 7 ans et que tout à coup on lui met un petit bermuda, on lui met une chemise, il a un béret sur la tête, il y a une photo de lui, il est beau mais il a les mains le long du corps, il s'accroche presque à son corps et puis il a des yeux, des beaux yeux noirs mais plein de souffrance et des bottines très hautes qui devaient peut-être l'empêcher. tellement de courir, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    C'est comme s'il avait perdu deux mamans. Parce qu'à 7 ans, il perd sa tante qu'il pense être sa maman. Oui, c'est ça. Mais ensuite, quand son père est enterré, il découvre qu'en fait, sa mère n'était pas vraiment sa mère. C'est ce jour-là, il a dû perdre une maman une deuxième fois. Ça a dû être très dur dans son histoire.

  • Speaker #1

    Oui, parce que d'autant qu'à l'enterrement, il a dit au déjeuner, il y avait très peu de monde, il a dit de mes trois filles, c'est Florence qui ressemble le plus à maman. Je me souviens quand elle me portait sur ses épaules dans les oliviers, les filiers. Elle était forte, elle était grande, elle avait des cheveux blonds vénitiens, des yeux clairs. Et là, il y avait un cousin qui était là et que papa ne connaissait pas trop bien. Et il lui a dit, mais qu'est-ce que tu racontes ? C'était pas ta maman dont tu parles ? Et mon père s'est complètement, tout à coup, un peu crispé. Il a dit, qu'est-ce que tu sais, toi ? Et le cousin lui a répondu, ce que je sais, c'est que tu ne sais pas. Et papa a dit, quoi ? « C'était pas ta maman. » cette femme dont tu parles, c'était ta tante épais à son âme, elle est morte quand tu as eu 7 ans et ensuite ton père de Paris t'a fait maître chez les Pères Blancs et papa s'est effondré en larmes le pauvre,

  • Speaker #0

    grandir avec un secret de famille pour la construction c'est très difficile,

  • Speaker #1

    et puis il y a eu la guerre d'Algérie aussi attention, papa était à Paris il a été pris dans une rafle pendant 2 jours maman, enfin elle raconte c'était terrible et il a eu des angoisses, attention mais il avait ce côté très sociable, très allant vers l'autre, souriant. Mais par exemple, moi, j'ai fait sur le tard en 2018, quand je me suis inscrite à la boxe française et tout. Et après, je me suis dit, mais c'est fou, parce que papa, il boxait quand j'étais avec lui, il boxait. Et je pense qu'il avait appris à se défendre sur les paires blancs. Parce que ça a dû être dur quand il était petit, avec les autres camarades et tout. Mais il n'en a jamais parlé de ça. Ou alors... Moi, j'étais la troisième fille, alors je ne sais pas, mais je n'ai pas su. On n'a pas su.

  • Speaker #0

    Peut-être qu'il voulait protéger ses enfants aussi et ne pas parler.

  • Speaker #1

    Je pense qu'il était dans le déni. Papa, il n'a même pas appris le kabyle. Il a dû l'apprendre quand il était petit. Il ne savait pas parler le kabyle. Et mon grand-père, je me souviens de scènes où mon grand-père se fâchait, tapait sur la... Il lui parlait en kabyle. Et papa lui disait, moi j'étais là parfois, je ne comprends pas ce que tu me dis. J'ai appris le français, moi, pas le kabyle. Mon grand-père était fou de rage, mais il se défendait.

  • Speaker #0

    Mais c'est presque la même douleur. Par exemple, dans ma famille, du côté de ma grand-mère, il y a des personnes qui ont vécu les camps de concentration et qui ont eu la même réaction. Ils n'auraient pas supporté qu'il y ait un prénom à connotation juive qui soit donné, par exemple, parce qu'ils ont toujours peur que ça revienne. Oui, oui, oui.

  • Speaker #1

    Donc pareil,

  • Speaker #0

    pour tout ce qui est de circoncire un enfant, etc. C'est un sujet qui est très difficile dans leur histoire. Donc j'imagine que c'était un petit peu la même chose. Quand on a vécu une grosse douleur, c'est difficile d'y passer. Moi, il y a quelque chose qui m'a beaucoup touchée dans le début de ton livre. Et c'est là où j'aimerais qu'on en discute. Quand tu racontes une petite scène qui est presque anodine quand on la vit, une scène d'un déjeuner pendant laquelle tu vas te blottir contre ta mère. Et en fait, c'est des scènes toutes simples quand on les vit, des scènes qu'on prend pour acquis et qui ensuite nous hantent et nous réapparaissent. En l'occurrence, je crois qu'il te réapparaît dans un rêve.

  • Speaker #1

    Non, non, ça m'a ce souvenir. Oui, je commence le livre sur le souvenir de maman dans notre famille de Lorraine. quand il y avait toujours des grandes tablées de temps, de voisins. Et c'est vrai que même quand j'étais maman déjà, j'adorais venir poser mes mains autour de son cou, de coller ma joue contre sa joue, à table. Je me levais tout à coup au moment du dessert et tout. Et que j'avais besoin de la sentir. Et alors comme elle était très pudique et réservée, maman, et qu'elle n'était pas dans la démonstration, il fallait se tenir et tout. Elle mettait les mains sur les miennes parfois, mais je sentais en moi qu'elle était tellement... Ça lui faisait tellement du bien, tellement heureuse. Et je ne sais pas pourquoi, j'y pensais cette nuit d'ailleurs en m'endormant, c'est bizarre. Pourquoi pendant des mois, ça revenait tout le temps, je me voyais poser les mains sur son cou et descendre jusqu'à son cœur. J'en ai fait un poème d'ailleurs dans le livre où je sens sa tiédeur, sa chaleur, ses mains sur les miennes, etc. Et pourquoi pendant quatre mois, je me disais... C'est tellement, je ressens tellement ça. Après je me suis dit, elle a dû me dire, tu vois je suis toujours là, l'amour c'est un pas finalement, c'est ça ? Je ne suis plus là mais je vous donne toujours de l'amour.

  • Speaker #0

    Et c'est quoi justement, selon toi, ces moments de vie, qui quand on les vit sont tout simples, mais qui ensuite laissent une empreinte dans le cœur et dans le cerveau ? Et on se les rejoue, je pense que tout le monde qui nous écoute a déjà vécu ça avec des personnes qui sont parties. De revivre un petit peu ces scènes, est-ce que ça aussi c'est des signes ? Est-ce que le cerveau sélectionne ces moments ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y a une mémoire finalement. Tu sais, il y a une chose qui m'a frappée aussi, c'est que ma fille, parfois elle reproduit les mêmes gestes. C'est-à-dire que si on est dans un dîner, elle va arriver et elle va venir poser aussi ses mains. Là peut-être un peu moins, bon elle va avoir 22 ans, donc peut-être un peu moins. Mais elle l'a fait ça aussi, elle le refera sans doute je pense. Ça se perpétue, il y a une transmission dont on n'est pas forcément conscient. Une transmission des gestes.

  • Speaker #0

    La transmission, c'est le sujet du livre, même la transmission, et c'est ça que je trouve très fort dans le livre qui m'a beaucoup marquée, c'est ce que nous donnent nos ancêtres qu'ils ne connaissent pas. Et ça, moi ça me met des frissons d'en parler. Et c'est ce que toi tu as découvert, ça je pense que c'est une partie qui n'est pas romancée. tu peux me le dire sur la Kabylie avec les choses surnaturelles qui me sont arrivées ça c'était fou ça c'était quelque chose et du coup toi j'ai l'impression que tu as l'impression que cette arrière-grand-mère que tu n'as pas eu la chance de connaître et dont je porte le prénom et je ne le savais pas et je pense que papa ne le savait pas non plus ça c'est une découverte que tu as faite dans les recherches que tu as oui oui quand on va en Grande Kabylie on va parce

  • Speaker #1

    qu'en fait on ne sait rien sur cette famille et tout je me permets c'était vrai ...

  • Speaker #0

    Dans le livre, il y a un cousin qui téléphone et qui meurt.

  • Speaker #1

    Oui, je l'avais interrogé.

  • Speaker #0

    Il avait dit qu'il faut y aller sur les traces.

  • Speaker #1

    Oui, c'était le cousin Amran qui disait qu'il fallait qu'on aille pour la famille. Après, il est mort. Parce que je voulais le faire parler de papa. Lui était un peu plus jeune que papa, mais il connaissait, il savait bien. Il connaissait un peu certaines histoires, mais je n'ai pas eu grand-chose de lui.

  • Speaker #0

    C'est ton instinct de journaliste qui t'a incité à aller creuser dans cette histoire ? Tu as senti qu'il y avait quelque chose, des cases à remplir ?

  • Speaker #1

    Je voulais connaître la vérité. Je pense que finalement, je me suis rendue compte de ça. Si mon grand-père, intuitivement, instinctivement, m'a donné le prénom de sa maman, c'est peut-être pour une raison. Dans Les Trois Filles, c'est moi qui suis devenue journaliste, qui transmet l'information, qui fait la lumière parfois sur des faits. Et je pense que j'étais presque choisie pour faire la lumière sur l'histoire de la famille. Parce que mon grand-père, je pense qu'il est mort intranquille. Parce que quand il est mort, il n'a pas dit la vérité à son fils. L'intranquillité de l'âme. Il est mort intranquille, mon grand-père. Et en fait, je pense que moi, j'étais missionnée pour dire que non, il n'avait pas abandonné son enfant. Il était terrassé par le chagrin. Et s'il était resté au village en Kabylie, il aurait été remarié de force. Probablement, peut-être. à une autre fille et qu'il aimait trop cette jeune fille. T'as ça dit, ils avaient 4 ans de différence. Mais en fait, tout ce que j'avais imaginé, je me suis pas trompée. C'est fou. C'est fou. Parce qu'elle est morte à 21 ans, elle l'a épousée à 18 ans, lui il en avait 24. C'est un amour fou, fou, fou. Et sa mère, elle est morte aussi jeune, probablement encore en couche, vers l'âge de 30 ans. Il n'a pas eu de frères et soeurs, mon cousin, mon grand-père. Et je pense que j'étais, je pense oui. Quand je vais au bureau de l'état civil pour... trouver des papiers, on allait de mairie en mairie, c'était compliqué, ils trouvaient rien et tout. Et tout à coup, il y a une fonctionnaire qui m'a dit je vais vous aider, je vais essayer. Et elle trouve l'acte de naissance de mes grands-parents en 1924, en avril, le 28 avril. Et nous, on est en Kabylie le 2 avril. Comment c'est possible ? Et 100 ans avant, ils se sont mariés. Et elle me donne, elle me ressort l'acte de naissance de papa et elle me donne ses papiers. Je tremble tellement que je me fais tomber. Et quand je ramasse l'acte de naissance, Mais je crie tout fort, j'ai dit « Oh ! Il y a mon nom ! Il y a mon nom sur l'acte de mariage ! » Au-dessus de la mention « acte de mariage » , je vois Florence Belkacem. Et je dis « Mais il y a mon nom ! Il y a mon nom ! » Et mon mari me dit « Qu'est-ce que tu racontes ? Ça date de 1924 ! C'est impossible ! Qu'est-ce que tu racontes ? » Mais je dis « J'ai vu mon nom ! Il y a mon nom ! » Et il me prend le papier des mains et il me dit « Il est où ton nom ? » Je vois « Il n'y a pas de nom. » Je dis « Il était là, juste au-dessus. » Et en descendant avec mon devoir, tout à coup, je vais voir. Je me dis, mais je porte le prénom. mais c'est moi qui porte le prénom de l'arrière-grand-mère de la mère de mon grand-père je savais pas, il me l'a jamais dit et tout mais j'étais, mais je tremblais j'avais des larmes, c'était tellement fort et moi qui ai toujours détesté ce prénom je le rayais de tous les documents administratifs pour les passeports, je le donnais même pas enfin fou, j'avais des choses incroyables mais j'ai honte maintenant, c'est fou quoi alors mon mari hyper cartésien c'est Hugo, le mari de Pauline dans un dîner Et puis une amie lui dit mais alors toi comment tu as vécu ça, le fait que Florence ait vu son nom ? Et il dit toi tu l'as pas vu ? Et là il pose un temps d'arrêt et il dit si en fait je dois dire que je l'ai vu. Je lui dis comment ? Tu l'as vu ? T'as vu quoi ? Bah ton nom je l'ai vu. Je lui ai dit, tu ne me l'as pas dit ? Mais dans le bureau de l'état civil, il m'a fait passer pour une dingue. En disant, quoi ? Ça date de 1924, ce n'est pas possible et tout. Elle lui a dit, mais alors comment ? Attends, comment tu expliques ça ? Et il a dit, ah bah, Florence a vu son nom. Moi aussi, je l'ai vu parce que c'est de l'auto-persuasion.

  • Speaker #0

    C'est sûr que c'est ce qu'on disait juste avant de commencer. Quand on veut rationaliser, on peut toujours. Après, il faut être attentif.

  • Speaker #1

    Sauf qu'après, il a eu un drôle de tour que je ne jouais pas. À mon avis, l'arrière-grand-mère.

  • Speaker #0

    qui est racontée oui

  • Speaker #1

    On ne va pas tout dire, mais là, il n'était pas lourd. En me disant, je me dis, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce qu'il y a ? Il me dit, il y a quelque chose de bizarre qui s'est produit. Là, je suis sûre que ce sont mes grands-mères qui se sont vengées.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est toujours fou, parce que parfois, les personnes qui sont un petit peu réticentes à ce genre d'expérience, on dit que du coup, ils en vivent moins. Mais là,

  • Speaker #1

    le fait qu'il ait vécu aussi,

  • Speaker #0

    c'est quand même assez fou.

  • Speaker #1

    Mais vous savez, dans les signes, On est partis quelques jours dans le sud, près de Béziers. Donc on était à Sète, là où Paul Valéry est enterré au cimetière marin. Il en a fait une poésie et tout. Je voulais absolument aller sur la tombe de Paul Valéry. Donc on y va, c'est absolument somptueux, ce cimetière qui surplombe la Méditerranée. Le ciel était bleu, comme dans mes livres. Et au retour, on quitte le cimetière, on prend la voiture et tout, c'est pas moi qui conduisais. Et mon mari me disait, on va aller voir, on va monter sur le Mont-Clair ou le Soin-Clair pour voir toute la vue, toute la région sur Béziers, sur Sète et tout. Et là, je vois une impasse, une rue et tout à coup, je vois Scarabée. Et je dis, je viens de voir Scarabée. Je lui dis, mais j'ai rêvé ou quoi ? J'ai vu Scarabée en grand. Et alors, il me dit, non, non, moi aussi, je l'ai vue. Je lui dis, tu l'as vue ? Oui, je l'ai vue, oui, il y a une rue. Et puis, visiblement, c'est indiqué, il y a un petit... nom de rue et il me dit mais tu as réagi plus vite que moi et donc on a fait demi-tour et je me suis arrêtée. Impasse du scarabée. Dans le livre il y a un scarabée, j'ai des manifestations de scarabée. Voilà la touche de fantastique c'est le scarabée qui me parle, qui me raconte mes origines. Mais on était scotché. Il y avait l'ancienne nom impasse du scarabée écrit comme ça je sais pas quoi à l'encre et de l'autre côté le vrai petit panneau là pour indiquer le nom. Mais là ce que me disait mon mari il y avait quand même très peu de probabilité. pour qu'on tombe sur l'impasse du Scarabée. Et figure-toi qu'en France, on a regardé, il a regardé, tu vois, il a fait une recherche. Oui,

  • Speaker #0

    lui-même il était troublé.

  • Speaker #1

    Oui, il y a deux endroits où il y a l'impasse du Scarabée, à Sète, près du cimetière là, et puis à Béziers. C'est tout, c'est les deux seuls endroits dans toute la France. Comment, comment est-ce possible ? Je veux bien, je veux bien que ce soit possible.

  • Speaker #0

    De pile tomber dessus.

  • Speaker #1

    Alors, si c'est le hasard, mais merci le hasard, parce que moi j'étais emplie de joie. deux jours auparavant, en m'endormant, je parlais à mes grand-mères en disant « Oh, le livre, ceux qui le lisent, ils aiment, merci, vous êtes dedans, vous m'avez bien aidée, tout ça. » Je leur disais ça. Et c'est vrai que pour la première fois, je dis la première fois parce que jamais je n'ai ni dit à maman « Fais-moi un signe » , jamais. Je crois que d'abord, il ne faut pas dire. Il ne faut pas demander aux gens des signes, en fait. Je pense que les signes viennent d'eux-mêmes. Mais je leur ai dit « Je ne sais pas si vous m'entendez. » Mais c'est à cette arrière-grand-mère dont je porte le prénom et à ta salle dite, la grand-mère. Et bim, on tombe sur l'impasse du scarabée. Donc qu'est-ce que j'en conclue ? J'en conclue qu'elle m'a entendu, peut-être, et qu'elle me font signe. Parce que c'est gros, scarabée, hein ? Oui. Faire scarabée, hein ? C'est pas rue Jules Leroy ou je sais pas quoi. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ça.

  • Speaker #1

    Scarabée. Toi, t'en as vu ? Non,

  • Speaker #0

    j'en ai jamais vu,

  • Speaker #1

    ouais. D'accord. Scarabée. Scarabée. Scarabée, c'est l'Égypte quand même. C'est le dieu qui est pris, qui fait passer... les âmes des défunts vers l'au-delà. Alors ça aussi, ça l'a intrigué quand même mon mari. On était quand même... C'est pas si courant quand même. Alors oui, on peut dire qu'on peut imaginer qu'on fait des supputations, on sentait... Bon, si c'est pas ça, c'est pas grave. Ça m'aura donné de la joie sur le moment. Tant qu'à faire, je prends la joie.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr. Mais bien sûr. C'est tellement rassurant et réconfortant quand on perd quelqu'un qu'on aime. Et puis même, je trouve, pour nous, en se projetant dans notre propre mort, quand on est parent, par exemple, c'est insupportable.

  • Speaker #1

    Oui, ça, je ne sais pas, j'ai eu des larmes aux yeux, là, il n'y a pas longtemps, en pensant à ma fille. J'ai une fille, elle est unique, mais ce n'est pas grave, je lui enverrai plein de signes.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est réconfortant de se dire qu'en fait, on pourra continuer à l'équider d'une certaine manière.

  • Speaker #1

    J'espère, j'espère, j'espère qu'on peut aussi se tromper. Dans le livre, je parle du pari de Pascal sur l'existence de la religion. Quand vous croyez en Dieu, vous avez tout à gagner. L'immortalité de l'âme, la résurrection des corps, le paradis. Mais si au final... Une fois que vous êtes mort, qu'il n'y a rien, vous ne serez pas puni, mais vous aurez juste passé du temps à faire des prières inutiles. Mais ça vous aura donné de la force pour certains, de la sérénité. Moi je dis la même chose aux gens qui sont dans la souffrance, la désespérance, et qui ne croient en rien, ni en Dieu, ni en une transcendance, et parfois pas dans les signes. Si vous percevez des signes, et que ça vous donne de la joie, et que ça vous réconforte, il faut croire.

  • Speaker #0

    Il faut les prendre.

  • Speaker #1

    Il faut les prendre. Voilà, parce que les vies sont difficiles quand même. C'est dur quand, dans ce livre, Pauline parle de son ami Thomas, de la boxe. Là, pour le coup, c'est moi. Et j'étais en pleine écriture de ce livre. J'apprends, trois semaines après, qu'il s'est tiré une balle dans la tête. Il était ingénieur chez Orange. Il s'est suicidé et que dans son sac à dos, il était convoqué à un entretien de licenciement. Donc, il devait rendre son badge Orange, son téléphone Orange, son ordinateur Orange. Et au lieu de s'y présenter... Il est allé, il a pris le train pour Annecy, qu'il aimait tant, Annecy, le lac, les montagnes. Sur mon portable, j'ai retrouvé plein d'images, de photos. Je sais même où il a fait son dernier repas, mais Thomas ne devait pas mourir. Il ne devait pas se tuer. Et j'ai appris par Instagram, son frère n'a trouvé qu'Instagram pour me trouver. Il n'avait pas mon téléphone. Il a trouvé trois semaines après en me disant Thomas est mort. J'étais dans un état, parce que je savais que... Je savais, il ne me répondait plus, il ne m'envoyait plus de messages, rien. Et en fait, dans son téléphone portable, il m'avait écrit un message d'adieu que son frère m'a donné, en disant qu'il ne voulait pas quitter la vie, qu'il aimait trop la vie, mais qu'il n'avait pas d'autre issue parce qu'il était allé sur le projet de trop à Orange, et qu'il aurait pu être poursuivi. Tout ça était faux, enfin, poursuivi, je ne sais pas, qu'il avait fait de graves erreurs. Il a dû subir une pression. C'était un garçon qui était intelligent, c'était quelqu'un de très consciencieux. Je n'ai pas pu accepter qu'il soit mort. Je ne peux pas accepter sa mort comme ça. C'est impossible. Et il est venu dans mes rêves. Et le rêve où je me réveille, je suis en larmes et je le vois. On est à la salle de boxe et il est à l'entrée de la salle de boxe et je vois qu'il est en tenue mais qu'il n'a pas ses gants, qu'il n'a pas enlevé ses lunettes et je vois dans le rêve que ses yeux sont embués de larmes. Et je l'appelle et je lui dis Thomas, mais viens, t'es gampre. Et qu'il me répond, Florence, non, pardonne-moi, je ne voulais pas. Je n'avais pas d'autre issue. J'ai aimé la vie et je l'aime toujours.

  • Speaker #0

    Mais je ne pouvais pas continuer comme ça. Et là je suis, je me réveille, je suis en larmes. En larmes, en larmes. Et après j'ai fait un autre rêve où je le vois, je suis dans un cimetière et je suis avec mon ami prêtre, Père Michel-Marie Sorkin, mon prêtre qui chante. Il est accoudé sur un monument funéraire. Le monument funéraire est noir et il y a des phrases qui sont gravées en blanc. Et tout à coup, il me dit « Cette phrase est pour toi, lis-la. » Et je lis « Tu étais dans mes yeux » . Donc ça, c'était très dur. Et heureusement qu'il est revenu dans un autre rêve où c'était des Ausha. Et j'ai compris qu'il savait que j'avais deux Ausha, Thomas. Et qu'il est revenu avec sa maman. Il avait perdu sa maman à l'âge de 17 ans d'une sclérose en plaques. Et le rêve, c'est... On est... Ma fille, mon mari, on est assis sur la banquette du salon. Et il y a nos trois Ausha qui sont près de nous. Et moi, je rêve que je vois une chatte blanche avec des yeux bleus magnifiques qui vient Et elle est suivie d'un petit. Et cette chatte s'arrête devant moi avec des yeux pleins d'amour. Et dans le rêve, mes Ausha vont voir le petit chat comme s'ils le reconnaissaient. Et la maman va vers lui et toilette son petit. Et j'ai compris que Thomas avait retrouvé sa maman. Moi aussi, j'ai beaucoup de mal à... Ça m'a beaucoup réconfortée. Mais bon, c'est quand même difficile.

  • Speaker #1

    Et Thomas t'a choisi aussi. Du coup, en te laissant un mot. que son frère t'a transmis.

  • Speaker #0

    En disant qu'il avait été très heureux. À mes côtés, on avait passé des super moments. Et il a fini par ne m'oublier pas. Mais je ne l'oublie pas.

  • Speaker #1

    Mais du coup, il t'a choisi aussi pour son histoire.

  • Speaker #0

    Non, mais je pense qu'il est certainement soulagé. Mais se mettre une balle dans la tête, comme il l'a fait face aux montagnes et aux lacs. Mais je pense que la nature, paradoxalement, lui a donné la force. Parce que lui, il croyait au signe, Thomas. Il avait perdu son père aussi et il disait que les oiseaux étaient des émissaires et tout. Et je pense que paradoxalement, la beauté d'Annecy et de son lac lui a donné la force de se tuer. Mais c'est quelqu'un qui n'aurait jamais dû quitter la vie. Mais je suis contente qu'il soit dans le livre et je suis contente qu'on en parle. Merci Pauline.

  • Speaker #1

    Merci de partager cette histoire. Et par rapport à tout ce que tu as découvert, à tous les signes que tu reçois tous les jours, comme c'est quand même ton histoire familiale, est-ce que les autres membres de ta famille sont réceptifs ? à ces signes ? Est-ce que tu es entendue, par exemple, quand on parle avec tes sœurs ?

  • Speaker #0

    Ma sœur aînée, elle est très cartésienne. Elle est plus réservée. L'autre sœur, qui est entre elle et moi, la sœur cadette, elle est beaucoup plus, je crois, beaucoup plus sensible, connectée. Elle perçoit beaucoup de choses. Elle a une intuition très développée, très fine. En fait, je me suis souvenue d'une histoire, c'est que ma grand-mère de Lorraine, je crois qu'en Lorraine, parfois, il faisait tourner les tables. Donc c'est bizarre, grand-mère maternelle, ma grand-mère Oma. J'ai le souvenir de ça, tout à coup ça m'est revenu. Avec ma grand-mère Oma, je suis moins connectée. Parce qu'il y avait la barrière de la langue, il y avait le lorrain, l'allemand. C'était plus compliqué, j'étais petite et c'est pas facile.

  • Speaker #1

    Et quel est ton rapport avec tes morts aujourd'hui dans ta vie de tous les jours ?

  • Speaker #0

    Je pense à eux, ils sont là, je leur parle. J'ai une anecdote très drôle aussi. C'est bizarre. Un set, là, il s'est passé des choses. On prenait notre petit déjeuner. On était dans un hôtel au bord d'un petit port et tout. Une terrasse. Mais les gens pouvaient venir, évidemment, prendre des petits déj et tout. Et puis, la veille, au soir, j'avais aperçu un couple de gens avec leur petit-fils et puis les parents du petit-fils et tout. Et puis, je trouvais que le père ressemblait. étrangement à Thomas, mais 30 ans de plus, parce que Thomas avait 50 ans quand il est mort. Et bon, ça m'avait frappé, cette ressemblance. Et le lendemain, je les retrouve, je suis en train de prendre mon petit déjeuner, je ne sais pas où était mon mari et tout, et puis les voilà qui s'assiaient avec sa femme. Enfin, ils ont un certain âge, 75 ans, 77, je ne sais pas. Et puis, je trouve vraiment qu'ils ressemblent aussi à Thomas. Et puis après, je l'entends parler, enfin, il te commandait des viennoiseries, il n'en avait plus, la serveuse. Il a dit, je vais chercher, parce que Thomas était très généreux, je vais chercher des viennoiseries. Le voilà qui s'en va. Et en le voyant marcher, je me disais, c'est incroyable. Il avait une sorte de sac à dos comme Thomas et tout, noir. Et je pense à Thomas. Je me dis, c'est drôle et tout. Et sa femme avait donc reste seule. Elle buvait son café. Et elle avait une casquette bleu-marine. Elle était un peu au ralenti, mais tout. Et tout à coup, je vois une plume de duvet blanche. J'ai fait une photo d'ailleurs. Qui tombe, qui voltige au-dessus de sa tête. Et qui vient se poser sur sa casquette. J'ai... éclatée de rire. Mais j'ai eu un fou rire parce que je voyais, donc elle continuait, je voyais sa plume poser comme ça, élégamment et tout. Donc mon mari revient et je lui dis regarde, je lui explique. Et il me disait oui c'est vrai qu'il ressemble à Thomas et tout. Et je me suis dit est-ce que Thomas m'a dit, m'a vu la scène et s'est peut-être dit Florence t'as bien vu. Oui t'as raison, ce type me ressemble. Bon dans 30 ans mais c'est vrai. Il me ressemble, c'est bien vu. Et qu'il m'a envoyé cette plume. Du coup je me suis dit peut-être qu'il est toujours là Thomas quoi. Ça me fait rire quoi, c'est tellement drôle et ça lui ressemble. Il envoie une plume pour dire oui oui t'as raison. Il me ressemble et tout, mais tu vois, je suis là quand même. Je te vois.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu dirais que maintenant que tu as réussi à écrire ce livre, ça t'a apaisée ? Est-ce que tu penses que c'est une partie de ton histoire qui était importante ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, je me sens apaisée. Je me sens enrichie d'une histoire. Quand on parlait de la double culture, tout ça, je ne comprenais jamais. En plus, la Kabylie, c'est tellement beau, mais c'est tellement magnifique. C'est des montagnes, de la verdure. des rivières qui coulent, c'est ça. Et puis je trouve que les Kabiles, c'est vraiment un peuple, c'est un beau peuple, érudit, et puis ils sont toujours, même s'ils ont beaucoup souffert, parce que ce sont les artisans quand même de Grimbel-Kessem, aucun lien de parenté avec moi, mais c'était l'artisan de l'indépendance algérienne. Et bien malgré ça, ils sont très attachés à la France. Ils ont un amour de la France. La nature, vous savez, Et là aussi, oui, je me souviens à Béjaïa, au matin, au réveil, je n'en ai pas parlé dans le livre parce que les gens... Là, pour le coup, ça faisait un peu trop. Mais j'étais sur le balcon et je regardais la mer et tout. Et puis, la montagne du Mont-Babor, petite chaîne de montagne en petite cabillie. Et puis, sur le mur, tout à coup, je vois un papillon qui dessine une ombre. Et il dessinait presque un thé. Et je me suis dit que c'était peut-être le thé de ma grand-mère, de Tassadit. Voilà, c'était... Et donc, je suis riche de tout ça maintenant. De cette beauté des paysages, de cette culture, aussi de l'ouverture des gens, du peuple kabyle. Courageux.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup, Florence. Double merci. Merci d'être venue en discuter avec moi. Et puis, merci pour le livre. Voilà, j'en recommande la lecture à tout le monde. Et notamment, les personnes qui sont en train de vivre un deuil. Moi, je l'ai lu à une période où je vivais aussi un deuil et où j'avais aussi, par ce deuil, des espèces de pièces de puzzle de mon histoire qui étaient remises ensemble. Et c'est quelque chose que je conseille et qui peut accompagner les gens parce qu'en fait, on se sent beaucoup moins seul. On se rend compte que, déjà, on est nombreux et nombreux à vivre ces choses-là. Et surtout... Ça invite à écouter davantage son intuition et à se dire que rien n'est rompu et que ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu le temps, par exemple, de partager certaines choses, comme Pauline l'a vécu dans le livre « Cueilleuse de signes » avec certaines personnes, qu'il faut forcément vivre dans une culpabilité et qu'on peut encore continuer à écrire une histoire familiale après le départ des personnes qui nous sont chères. Donc, merci pour ce livre. Je vous conseille de le lire et merci pour cette... conversation super intéressante et riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Pauline, merci beaucoup.

  • Speaker #1

    À très bientôt Florence.

  • Speaker #0

    Ah oui, à très bientôt.

  • Speaker #2

    Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine.

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