- Speaker #0
Bonjour, je m'appelle Pauline Maria, bienvenue dans Virage. Le podcast est sur la vie et ses tournants qui nous font rire, parfois pleurer, mais qui toujours nous inspirent. Je suis ravie de vous accueillir dans cette quatrième saison de Virage qui promet d'être riche d'invités incroyables. Si vous voulez ne rien rater et soutenir ce podcast, je vous invite à vous abonner sur votre plateforme d'écoute. Et pour venir avec moi en coulisses, vous pouvez me suivre sur Instagram, pauline-du-bas-virage et sur TikTok, virage.podcast. Je vous laisse avec l'invité du jour et je vous souhaite une très bonne écoute.
- Speaker #1
Bonjour Mara. Bonjour.
- Speaker #0
Comment ça va ?
- Speaker #1
Ça va très bien, il fait chaud mais ça va.
- Speaker #0
Ouais, là ça va, on est un peu... Je trouve que ça va.
- Speaker #1
On a trouvé un petit refuge pour calfrer.
- Speaker #0
Exactement. Je suis super contente qu'on enregistre ensemble un épisode qui promet être super intéressant puisqu'on va parler de toi et de ta vision, qui est un peu une vision qu'on a en commun. On va parler féminisme et liberté, on va parler de ta carrière. T'as commencé en tant que mannequin et t'as dénoncé un petit peu les dictates de la beauté qui pouvait être et rester dans ce métier.
- Speaker #1
Ouais, en partie, ouais. Il y a tellement d'autres trucs que j'ai essayé de dénoncer, c'est pas facile, mais...
- Speaker #0
Ouais. Et ça, finalement, quand t'as commencé à le dénoncer et à choisir ta liberté, j'ai l'impression que c'est aussi là que tu t'es complètement révélée. Ouais. Et que t'as commencé à vraiment aussi créer une communauté et finalement à... Être plus heureuse et plus alignée avec ce que tu faisais ?
- Speaker #1
Complètement. C'est-à-dire que la liberté... En fait, c'est un petit peu paradoxal. Parce que quand j'ai commencé le mannequinat, c'était en 2013, quelque chose comme ça. Donc, j'avais 18 ans. Je pensais m'acheter ma liberté. D'ailleurs, je ne peux pas remettre ça en cause. J'ai acheté ma liberté parce que ça me payait mes études. Alors que mes parents n'avaient pas forcément les thunes pour me faire vivre. À l'époque, j'habitais à Bordeaux, donc toutes ces questions financières, c'était moi qui ai dû les prendre en charge. Et le mannequinat m'a offert une liberté. Mais en même temps, ça a un prix et ça, je l'ai découvert assez rapidement. C'est que je pense que toutes les carrières qui sont vites et fortes, où il y a beaucoup d'argent, même si à l'époque, je bossais pour Leclerc et ses discount, il n'y avait pas beaucoup d'argent, mais ça s'est arrangé après. Mais tout ce qui est un peu des métiers d'image où on fait très vite des carrières avec de l'argent qui rentre très vite, ça a un prix derrière. Et c'est ce que j'ai découvert par la suite. Le mannequinat, c'est très sombre. Aujourd'hui encore, c'est toujours aussi sombre. Ça fait longtemps que j'ai arrêté, justement, comme tu disais, pour être beaucoup plus... C'était même pas plus libre, en fait, en devenant créatrice de contenu. C'était plus en sécurité.
- Speaker #0
Tu la places où, la nuance ?
- Speaker #1
Bon, déjà, c'est vrai... que la transition s'est faite par un risque qui était de faire exactement ce que je voulais dans un endroit où on ne me le permettait pas. Mais même sur des questions d'apparence, le jour où j'ai décidé que non, j'allais me laisser pousser les cheveux, c'est une liberté, mais c'est à partir de tous ces petits risques-là que je me suis libérée. Mais la sécurité, elle est venue du fait que j'étais plus un produit mais un acteur de la communication. Parce que lorsqu'on est mannequin, et aujourd'hui je travaille encore dans la mode, donc c'est à peu près les mêmes industries, mais je ne suis pas placée au même endroit. Mannequin, j'étais objet, j'avais mon mot à dire sur rien. Et c'est des choses que je comprends, je n'ai pas envie de remettre ça en cause. C'est des choses que je comprends. Moi, je suis payée pour me rendre sur un set, pour porter des vêtements que je n'ai pas choisis, pour faire des... poses, des actions que je n'ai pas choisies. Et ça fait partie du métier, ce n'est pas grave. Mais, à force, et avec tout ce qu'il y a autour, donc la prédation, la pression sur le corps et l'apparence, ça c'est des choses qui s'ajoutent. Mais, là où je voulais en venir, c'est qu'aujourd'hui, je ne suis plus objet, je suis actrice, presque sur un point d'égal avec mes clients. Aujourd'hui, on parle de collaboration. Aujourd'hui, il n'y a pas de client qui peut me dire « je veux qu'elle ait les cheveux courts » , il y a toujours des castings, des profils qu'ils aimeraient mettre en avant, mais il y a moins cette pression de critères très précis, et surtout de shaping, où on te prend comme une page vierge et on te transforme.
- Speaker #0
En tout cas, toi, tu sais ce que tu as envie d'être. et de dégager. Et donc, tu l'imposes finalement. C'est-à-dire que si on veut autre chose, c'est quelqu'un d'autre.
- Speaker #1
Voilà. Et c'est dommage parce qu'on pourrait croire que c'est le cas avec le mannequinat, mais ce n'est pas aussi vrai que ça. Je me souviens, à l'époque, moi, j'ai toujours été considérée comme trop grosse. Pour le mannequinat, c'est dingue, c'est grave. C'est hyper grave. Trop grosse, trop commerciale pour certains jobs, et puis en même temps, pas assez pour d'autres trucs. C'était jamais assez. Et dans le mannequinat, il y a vraiment une compétition qui est sur un sujet aussi injuste et aussi incontrôlable que la maigreur, le corps, juste le physique, la beauté d'une personne. et en fait c'est frustrant parce que j'y pense aujourd'hui ça ne peut pas changer, ça ne changera pas je suis pas sûre qu'on ouvre vraiment le métier à d'autres profils mais c'est juste imbuvable et souvent j'ai parfois des abonnés qui me posent des questions sur j'aimerais trop devenir mannequin mais je fais moins d'un mètre soixante dix mais j'ai plus de trente ans mais je Je réponds pas forcément aux standards de beauté. Et à chaque fois, je me retrouve dans une situation où, d'un côté, j'ai envie de dire « Ah, c'est dommage, et j'ai des contre-exemples, il y a des gens qui arrivent malgré tout ça, mais le chemin, il est tellement dur, j'ai qu'une envie, c'est de dire franchement...
- Speaker #0
Fais autre chose.
- Speaker #1
Fais autre chose. Parce que même moi qui fais 1m78, qui fais 1m34, qui suis complètement dans les standards vraiment de beauté, presque... patriarcale, à part les poils et certains trucs, mais même moi, j'ai galéré au point de m'en rendre malade, d'être malheureuse pendant des années. J'ai pas des années plus malheureuses que mes années de mannequinat. Aujourd'hui, c'est complètement différent.
- Speaker #0
Et ça, comment tu l'expliques ? Parce que je sais que quand t'as pris la parole au moment, justement, où il y a eu on va y revenir, ben, les poils, tu disais que pendant des années, ça t'avait complexé.
- Speaker #1
Ah ouais, j'avais pas le droit, surtout.
- Speaker #0
Ouais, et comment on fait ? quand on grandit en ayant un complexe et qu'ensuite on est surexposé et que des gens appuient sur ce complexe-là, comment on fait pour construire une confiance en soi ?
- Speaker #1
C'est très intéressant. Il faut quand même rappeler plusieurs trucs. Moi, j'ai toujours été très poilue. J'ai des poils sur le ventre. Ceux-là, c'est un peu ceux que je peux le moins cacher. J'ai une tolérance aux poils, vu que j'en ai plein depuis très longtemps, qui est assez élevée. C'est-à-dire qu'avoir du poil aux pattes, ça ne m'a jamais empêchée de mettre des robes. Mon poil de ventre, ça ne m'a jamais empêchée de me balader dans la rue en crop top, jamais. Mais pendant le mannequinat, c'était interdit. Donc, je devais soit le décolorer, soit l'épiler. Et même en l'épilant ou en le décolorant, cette zone-là n'était jamais... Même le maillot, je me souviens, on m'a demandé de faire du laser. Mais le laser, à l'époque, je n'avais pas l'argent pour me le payer.
- Speaker #0
Et parce que tout ça, c'est à tes frères en plus. Oui,
- Speaker #1
bien sûr, bien sûr. Pour répondre à ta question, je pense que... Il y a eu plusieurs trucs. Déjà, on m'a tellement cassée psychologiquement sur des aspects de physique qu'avec le temps, je me suis désensibilisée. C'est quoi ? C'est des poils. Moi, je me trouve belle. J'ai une carrière de mannequin. C'est que forcément... En fait, c'est bête, mais lorsqu'on est très complexé, la première chose qu'on va essayer de chercher, c'est la validation de l'extérieur. Ce n'est pas le plus serein, mais... Mine de rien, ça marche. Ça n'a jamais entravé ma vie, ni personnelle, ni très privée, ni professionnelle, même s'ils ont toujours râlé et qu'on m'a toujours dit que ça ne s'était pas bien. Au final, mine de rien, j'ai toujours réussi à forcer le système. Et aujourd'hui, le complexe, en fait, il vient de l'extérieur et il est validé de l'extérieur. Je pense qu'il faut vraiment arriver à se placer par rapport à ça. Ce n'est pas moi qui suis complexée avec mes poils. C'est à partir du moment où les autres m'ont dit. ça c'est l'étude Vrel en V que je me suis dit ah ouais ils ont peut-être raison et en fait donc à force d'être surstimulée par rapport à ça je pense que je suis revenue à un état où je me suis dit mais en fait moi personnellement dans ma vie privée en dehors du boulot ça ne m'a jamais posé problème et c'est de cette pensée là que j'ai eu en fait une rébellion après moi j'ai un côté aussi provocateur tout à l'heure je disais que je correspondais quand même aux critères patriarcaux Je sais que j'ai des cheveux longs, je suis maigre, je suis blanche. Tout ça, c'est des standards qui sont quand même privilégiés, mis en avant. Et donc, lorsque je me montre avec des poils, là, il y a une dissonance. Ça dérange. Ça dérange principalement des hommes. Et c'est là où je trouve ça intéressant. Parce que je trouve qu'il y a beaucoup de femmes qui ont des poils. ... Mais si c'est des femmes qui sont peut-être moins standards dans leur apparence, elles sauront critiquer, ça j'en doute pas. Mais il y a quelque chose d'énervant. En tout cas, moi, je l'ai vu, c'était principalement des gens qui sont encore très enfermés dans un système vraiment patriarcal. Ils ne supportent pas. Comment ça se fait que cette femme qui répond à tous les critères, soit poilue, ça ne correspond pas ? Ça les a encore plus dérangées. Et c'est là où on a essayé aussi de me trouver un paradoxe sur le fait de « oui, mais tu t'épiles les aisselles, tu t'épiles le maillot, pourquoi pas le ventre ? » Parce qu'en fait, tout simplement, le ventre, je n'ai pas envie. Et c'est là où je parle vraiment de mon expérience, de comment je l'ai vécu moi dans mon histoire étant mannequin. Mais je trouve ça intéressant aussi d'avoir une voix des gens qui évoluent dans des milieux privilégiés de beauté pour dire aussi, mais même moi, je n'y échappe pas. Donc en fait, c'est ça que j'essaie aussi de dire sur les réseaux. C'est que j'espère vraiment, j'espère que les gens ne voient pas comme un excès d'arrogance. Mais c'est genre... Si même moi, je ne parviens pas à être immunisée contre la violence des critères de beauté, personne ne peut y arriver. Donc c'est pour ça qu'il est impératif de prendre un chemin de rébellion et de suracceptation de soi. Parce que même des top modèles, des mannequins de Victoria's Secret, même ces femmes-là sont sujettes à des critiques, sont sujettes à... des troubles alimentaires sont sujettes à des énormes doutes sur soi-même. Donc, il est impératif de comprendre qu'il n'y a pas d'issue.
- Speaker #0
Déjà, si tu dis que toi, on t'a toujours dit que tu étais en surpoids, ça veut dire quand même qu'il y a un très gros problème du culte de la maigreur et que c'est un peu le terreau des troubles du comportement alimentaire. Parce qu'en plus, quand tu commences le mannequinat, en général, tu es jeune. Donc, quand tu sors tout juste de l'adolescence, tu n'es pas encore... construite, t'as pas encore bâti vraiment une confiance en toi qui vient avec le temps, et donc ça peut complètement te broyer.
- Speaker #1
Ah mais moi, j'ai été anorexique pendant bien 3-4 ans, alors que j'ai toujours eu une nature et une génétique minces et maigres, mais ce qu'ils veulent, ce à quoi ils s'attendent, surtout dans la mode, ce n'est pas atteignable. Ce n'est atteignable que au détriment de soi.
- Speaker #0
De ta santé.
- Speaker #1
Voilà, donc c'est impossible. Toutes mes copines, je dis bien toutes mes amies, toutes mes collègues, toutes à l'unanimité, ont dû maigrir, ont dû faire attention à leur poids, ont dû passer par des étapes de troubles alimentaires, se sont vues critiquer sur leur centimètre de hanche. Même des filles qui, de base, sont longilignes et font un 34-36, même ces filles-là n'y échappent pas. C'est une bataille. Donc, il n'y a pas d'issue. C'est encore arrivé, pas plus tard que la semaine dernière à une amie à moi, c'est en plus des humiliations dans les agences, c'est des mails envoyés à tous les agents, à tous les clients en disant ça ne va pas du tout, nous avons été surpris de constater que X a pris une taille, or, nanana, et c'est des humiliations publiques. Moi quand j'avais mes poils, quand j'étais à Londres Je me souviens en fait je m'épilais tellement Qu'au bout d'un moment ma peau était abîmée, était irritée. Et c'était un client qui avait demandé un rabais sur mon tarif parce qu'il y avait du Photoshop à faire sur ma peau qui était abîmée, en fait, abîmée ma peau, a trop irrité ma peau en épilant constamment. Parce qu'il ne fallait pas que j'ai un poil, sauf que j'en ai partout. Bref, et on m'avait convoquée dans le bureau. Donc, c'est un bureau ouvert avec tous les agents, des gens qui me connaissent, des gens qui ne me connaissent pas, d'autres mannequins qui passent par là en rendez-vous. avec les photos de mon maillot en 4K affiché en grand, limite la petite baguette de professeur en disant « c'est quoi ça ? »
- Speaker #0
C'est horrible. Ouais,
- Speaker #1
j'avais 21 ans, 22 ans, et en fait, je ne pouvais rien dire. Puis après, c'est vraiment, tu sais, on dit ça pour toi, fais-toi du laser, ça va pas. Et le truc, c'est que les agents, ils ont quand même, les agents de mannequinat un peu de l'ancienne génération, ont toujours un peu ce placement de fausse gentillesse, de... C'est pour toi, c'est pour les clients. Ils sont complètement complices d'un système qui est fait pour détruire quelqu'un. Parce que, encore une fois, ça ne va jamais. Il y a des gens pour qui ce n'est pas un problème, moi c'est vraiment le truc. J'ai vu aussi des collègues à qui les cheveux ça n'allait jamais, on leur faisait des coupes très courtes pour que ce soit androgyne. Puis en fait, ah bah non, elle n'a plus de clients, donc il fallait faire repousser. Puis non, en fait, on va faire en sorte que tu sois blonde. En fait, on est vraiment un brouillon pour des gens qui... qui s'amusent à nous déposséder.
- Speaker #0
C'est ce que j'allais dire. J'allais dire finalement, tu n'es plus maîtresse de ce à quoi tu as envie de ressembler.
- Speaker #1
Lorsqu'on signe un contrat en agence de mannequin, il y a une clause qui dit qu'on s'engage, et ça peut être un motif de rupture, on s'engage à garder... la même apparence. Donc, c'est évidemment le point. Pas de tatouage nouveau. Mais les cheveux, moi, ça a été le plus difficile aussi. C'est pareil, en fait. Ils étaient soit toujours trop longs, soit... Une fois, on les a coupés de force. On m'a fait un carré de force sur un shoot parce qu'en fait, finalement, on voulait un carré alors que j'avais les cheveux longs.
- Speaker #0
Et t'as rien pu dire. Tu peux pas choisir.
- Speaker #1
Je ne suis pas maîtresse de mon corps. Et ça, au bout d'un moment, ça dure un certain temps. Là aujourd'hui, j'ai un regard plutôt négatif et lassé parce que ça m'a épuisée pendant dix ans. Il est bien clair que lorsqu'on veut être mannequin, et ça peut être un choix, c'est des choses qu'il faut avoir en tête. Il peut y avoir de très belles carrières qui se passent bien. Enfin, il vaut mieux être enfant d'eux pour que ça se passe bien. Donc éviter aux prédations sexuelles, éviter... Les infamies des agences, il vaut mieux être quand même un enfant déjà connu, parce que sinon c'est beaucoup plus dur. Mais il y a des gens pour qui ça ne pose pas de problème de jouer le jeu et de maintenir leur poids et leur physique. Il n'y a pas de souci. De mon expérience, c'est pour ça que j'ai fait le choix d'arrêter pour me tourner vers la création de contenu, c'est que c'était sensiblement la même chose. Je travaille avec davantage de clients, mais cette fois, si j'ai envie d'avoir les cheveux jusqu'aux fesses, j'ai les cheveux. jusqu'aux fesses. Mais j'apprends à me réappartenir, on en est là. C'était un bonheur, je me souviens, même de pouvoir me faire les ongles, parce que c'est pareil, le mannequin doit se présenter à chaque job avec les cheveux de la manière où ça a été vu sur l'épaule, les ongles nus, partout. En fait, on doit être tellement vierge de tout qu'il n'est pas vraiment permis d'exprimer une personnalité. particulière. Le droit à la personnalité pour les mannequins, il n'est réservé qu'à un très petit nombre d'individus qui sont souvent, comme je l'ai dit, soit des enfants d'eux, soit des gens qui sont très originaux de base et qui ont été repérés comme ça, les grandes maisons. Il y a une période où ils aimaient beaucoup les physiques atypiques. C'est les seuls qui peuvent se permettre d'exprimer qui ils sont.
- Speaker #0
Et toi, ça t'a pris du temps à te réapproprier, à réapprendre ? Parce que j'imagine qu'au début, quand on claque la porte de cette profession, on doit se dire qui je suis maintenant que je suis maîtresse de mon corps, qui j'ai envie d'être ?
- Speaker #1
Je pense que de toute façon, ça, c'est un processus qui prend toute une vie parce qu'on est, puis on n'est plus. Mais en tout cas, le fait de pouvoir faire très exactement ce que je veux, quand je le désire, au moment où je le désire, ça a été... très libérateur et ça m'a aussi sauvée d'une certaine manière parce que même au niveau de l'emploi du temps, ça on n'en parle pas aussi, mais c'est pareil, quand j'étais mannequin, je ne pouvais rien planifier. Si j'étais appelée pour aller travailler le lendemain, il faut être vraiment surdisponible. C'est un métier qui encore une fois, parce qu'à chaque fois que je parle de ça, on me dit, oui, mais ma pauvre, c'est comme ça, il ne fallait pas le faire.
- Speaker #0
Ouais, mais ça, tu vois, je ne suis pas trop d'accord parce qu'en fait, au final, dès qu'une femme ose prendre la parole sur n'importe quel sujet, on va la silencier. Dans n'importe quel sujet, je pense à la parentalité. Tu vois, par exemple, quand une femme ose parler d'une difficulté qu'elle rencontre, t'as choisi d'avoir des enfants, donc maintenant t'assumes. En fait, personne n'a dit qu'on n'assumait pas, mais maintenant, on a quand même le droit. de s'affirmer et de parler des choses qui sont plus difficiles, qui vont, qui ne vont pas.
- Speaker #1
Il y a toujours deux vérités, deux choses peuvent être vraies en même temps. Autant ce métier a été super, il m'a permis de voyager dans le monde, de gagner mon propre argent. Mais il y a tellement d'aspects négatifs qu'il est important d'en parler. Et je me souviens, j'avais déjà parlé, par exemple, du trafic d'humains que c'était. Bon, trafic d'humains, c'était un petit peu une phrase catchy.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que tu entends par trafic d'êtres humains, justement ?
- Speaker #1
Si tu veux, moi, mon ancien agent, c'est Jean-Luc Brunel. Jean-Luc Brunel qui a été en cavale avant d'être assassiné parce que lui, il trafiquait des mineurs. Et c'était mon ancien agent. À 18 ans, on m'a envoyé dîner avec lui en me disant, il faut que tu sois gentil avec Jean-Luc. Parce que voilà, c'est Jean-Luc, tu comprends, c'est lui qui a lancé telle et telle fille. C'est lui qui peut t'offrir une carrière de fou et tout. Ok, c'est qui ce gars ? À l'époque, je n'avais pas conscience de qui c'était. Personne ne me l'a dit. Il ne m'est rien arrivé. Puis aussi, j'étais majeure. Mais je sais que... Dans quel sens ?
- Speaker #0
Ça ne l'intéresse pas, les majeures ?
- Speaker #1
Lui, il envoyait plutôt des filles qui avaient 13 ans. C'est des filles qui arrivent des pays de l'Est, qui ont besoin de travailler très fort et qui ne se rendent pas compte, qui ont dit que l'escorting, c'est normal. Voilà, toutes ces choses-là. Donc moi, je l'ai vue plein de fois. À chaque fois, on a essayé de me mettre dans ses pattes. Bon, je pense ne pas avoir été une candidate... très intéressante pour lui. Dieu merci. Mais après, c'était plutôt les photographes, moi, où j'ai eu des agressions sexuelles, en veux-tu, en voilà.
- Speaker #0
Toi, tu l'as vécu ?
- Speaker #1
Oui, oui, ça, oui. Pour le coup, c'est les photographes, moi, qui ont essayé. Je me suis fait enfermer dans une salle de bain pendant un test d'un mec qui, aujourd'hui, est en prison pour viol. Des photographes qui tentent systématiquement d'établir un...
- Speaker #0
Un contact ?
- Speaker #1
Ouais, un contact de drague qui te fout ta poil sur des photos. C'était une autre époque, c'était avant MeToo. Et une fois que le mouvement MeToo est sorti et qu'il y a eu des collègues qui ont fait des listes de photographes à éviter, où maintenant on leur disait « mais c'est fini maintenant, on sait, et on va parler » , ça s'est calmé. Et en plus de ça, je suis sortie du système. Aujourd'hui, je ne suis plus avec des hommes que je ne connais pas. C'est là où je trouve ça injuste, c'est que ce qui m'a permis aussi de sortir du danger du mannequinat, c'est que mannequin, j'étais seule constamment, c'est-à-dire qu'on m'envoie à l'autre bout du monde seule, et qu'aujourd'hui... Je ne suis jamais seule sur les productions, je ne suis jamais seule sur les sets. J'ai toujours un référent avec moi, que ce soit une personne de mon agence, mon agent, parce que c'est comme ça qu'on travaille.
- Speaker #0
Parce que tu as été marquée par ce manque de sécurité d'être seule ?
- Speaker #1
Parce qu'en fait, c'est la norme dans l'influence, dans la création de contenu, à ce stade-là. Puis il y a aussi le fait qu'aujourd'hui, avec le poids sur les réseaux, je ne suis plus une... proie potentielle parce que je suis devenue, à mon tour, plus dangereuse. C'est-à-dire que si jamais je devais parler, et encore que, aujourd'hui, je trouverais ça gonflé, sachant que en une story sur TikTok, maintenant ça va très vite, je peux maintenant parler. À l'époque, quand j'étais jeune, je n'avais aucune voix, même en en parlant à mon agent, quand je m'étais fait agresser, ou à chaque fois que j'avais des mauvaises expériences avec les photographes et que je leur disais, il était bizarre quand même. Il m'a demandé de faire ça et ça. Je n'étais pas écoutée. On me disait, oui, mais les photos, écoute. Mon quotidien, c'était de me rendre au domicile de photographe, être seule avec un mec qui a le double de mon âge et qui me dit de poser, qui me montre des photos de nu, qui me dit, on va faire ça et ça. Seule avec un homme dans une pièce que je ne connais pas, sans personne, sans chaperon. C'était tous les jours. Et aujourd'hui, plus.
- Speaker #0
Quand on a parlé aussi téléphoniquement, tu me disais que c'est difficile quand tu t'en prends à ce milieu-là. C'est un lobby qui est extrêmement puissant et qu'on essaie un petit peu, donc non seulement de te silencier, mais en plus un peu de te, alors le mot va peut-être être un peu fort, mais te détruire.
- Speaker #1
Je pense que ce n'est pas forcément propre à l'industrie du mannequinat, c'est propre à l'humain qui ne supporte pas d'être invité à ouvrir les yeux sur l'État. d'un milieu. C'est pareil dans la musique, c'est pareil dans le cinéma, c'est pareil partout. Je pense que lorsqu'on dit « il se passe ça quand même, c'est pas normal » , c'est pareil aussi sur les réseaux, il y a beaucoup de trucs qui se passent en ce moment. Lorsqu'on dit « telle personne n'a pas été correcte, voilà pourquoi » , il y a tout de suite une espèce de joute qui s'ouvre où on essaie de décrédibiliser, ça c'est l'outil premier des agresseurs qui veulent perpétrer... une situation d'oppression, c'est toujours de décrédibiliser. C'est-à-dire, oui, mais... Alors, quand j'avais dit que le mannequinat, c'était... En plus de ça, à part pour le trafic d'humains ou juste la prédation, lorsque je dis que c'est dur physiquement, que ça entraîne à ci et ça, c'est des faits. C'est plus négatif que positif. Je suis bien consciente qu'il y a des critères pour le mannequinat. Mais ce que j'entendais, c'était... Ça me fait rire. Oui, bon, elle n'a pas eu une grande carrière, c'est pour ça qu'aujourd'hui, elle crache dans la soupe ou elle a le seum, c'est pour ça qu'elle n'est pas contente, donc elle râle. Mais en fait, c'est le cas encore aujourd'hui. Et même aux plus grandes sphères, aux plus grandes strates de ce milieu, même les top modèles subissent tel ou tel truc, que ce soit même de la prédation ou juste une pression. Parce qu'après, il y a l'âge. Aujourd'hui, par exemple, c'est plus ça qu'on va voir, c'est la chirurgie. Oui. toutes ces choses-là.
- Speaker #0
C'est vrai qu'on vit dans une société patriarcale et agiste et pour le coup, on ne supporte pas que les femmes puissent être libres et correspondre à ce à quoi elles ont envie de correspondre. En fait, il faudrait qu'on suive ce que le patriarcat attend de nous. Et par exemple, on l'a beaucoup vu avec Sex and the City, qui continue avec It's Just Like That et les actrices, forcément, Breaking News, elles ont vieilli puisque le temps a passé. Et on le rappelle, c'est un privilège de vieillir. Et elles se font critiquer sur leur physique parce qu'en fait, elles ne renvoient pas l'image qu'on attend de leur âge. Si elles avaient décidé de jouer dans une série ou dans un film, la grand-mère, gâteau, etc. Ou la maman, etc. Pas de problème. Mais là, c'est des femmes libres qui décident d'avoir une vie sexuelle épanouie. Et ça dérange forcément.
- Speaker #1
C'est très menaçant.
- Speaker #0
C'est très menaçant. Et je trouvais ça fort, tu vois, parce que pareil, on va beaucoup utiliser pour les femmes le fait d'être courageuse. Tu vois Pamela Anderson qui va décider de plus se maquiller. Elle est hyper courageuse. En fait, pas du tout. Juste, elle est, elle avance, elle marche. Et pareil, Sarah Jessica Parker, elle dit qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Que j'arrête de vieillir ?
- Speaker #1
En fait, cette ode à la jeunesse, c'est surtout une ode à la soumission pour moi. Vraiment, pour faire une circulaire, le mannequinat, c'est aussi ça. On veut des femmes sans forme, qui sont préservés dans un... une jeunesse éternelle et puis une fois qu'elles ne le sont plus, on change. Pour Sex and the City, il est insupportable, je pense, aux yeux du patriarcat, que des femmes passées la trentaine, j'ai même envie de te dire, passées la trentaine ou en tout cas en âge d'avoir des enfants, de ne peut-être pas en avoir, d'avoir une vie sexuelle épanouie, 40 ans, 50 ans, 60 ans, pourquoi s'arrêter ? Parce que ça implique aussi qu'une femme de 40 ans, elle n'est plus aussi soumise, elle n'est plus aussi impressionnable. On ne peut plus la former, on ne peut plus lui dire fais-ci, fais-ça, parce qu'elle se connaît et qu'elle a plus de caractère. Et qu'elle n'a plus, je pense, le temps et l'énergie de correspondre à telle ou telle chose. Les commentaires qu'on va voir, moi je tombe dessus de temps en temps sur les réseaux sociaux, c'est à son grand âge, elle a 30 ans. Oui mais biologiquement les hommes sont plus attirés par les femmes de 20 ans, non. Je pense que les hommes sont plus attirés par le fait de ne pas avoir à évoluer eux-mêmes.
- Speaker #0
Et puis aussi, à quel moment le goal de la vie d'une femme, c'est d'être attirante pour un homme ?
- Speaker #1
Ah bah oui, ça c'est leur fantasme.
- Speaker #0
Mais c'est ça, c'est quand même triste, on a d'autres fonctions dans la vie et d'autres objectifs de vie que de répondre.
- Speaker #1
J'espère bien.
- Speaker #0
Bah ouais, tu vois.
- Speaker #1
Il y a aussi quand même, et c'est là où on parlait de ça au début, mais toute notre génération, elle est quand même en train de changer grandement les choses. On met énormément de poids aujourd'hui sur la sororité, ce qui est quand même bien plus épanouissant que de passer sa vie à essayer de correspondre aux critères masculins, car encore une fois, le critère masculin n'est jamais assez satisfaisant, il sera toujours mis en compétition. C'est ça aussi, c'est que la domination de l'homme passe par la compétition entre nous, entre femmes. aliéné la sororité, parce que c'est quand même aujourd'hui notre force première. On est des êtres sociaux, nous femmes, qui sommes très nourries par nos liens féminins. En tout cas, moi je le suis et je trouve que c'est quand même bien plus épanouissant. On arrive à créer des communautés de soins, d'écoute, d'évolution, de partage, que les hommes, certains hommes sont capables de le faire, beaucoup n'en ont même pas l'idée. Et en fait, le fait de nous garder soumises par le fait de réfléchir à notre apparence, de perdre beaucoup de temps et d'énergie sur un régime, ne pas vieillir, correspondre vraiment aux standards qu'ils ont instaurés, c'est ne pas dépenser cette énergie autre part, dans des sphères plus saines.
- Speaker #0
Je suis 100% d'accord avec toi et d'ailleurs on en parlait aussi, il y a énormément de charges qui pèsent sur les épaules d'une femme. la charge émotionnelle et affective.
- Speaker #1
Un de mes sujets préférés.
- Speaker #0
C'est quand même assez impressionnant. Les femmes ont beaucoup entre les mains la santé mentale des autres.
- Speaker #1
C'est fou. C'est dingue. J'en parlais encore avec mes amis, mes sœurs, les heures qu'on passe. J'adore d'une certaine manière, mais les heures qu'on passe à essayer de décortiquer entre nous. On cède. Mais même sur sur Par exemple, il y en a une qui arrive en disant « Ah, je ressens ça en ce moment. » Toutes, collectivement, être là. Pourquoi ? Comment ? Ça a commencé à quel moment ? Ok, quelles sont tes aspirations ? Est-ce que tu vois une solution ? Qu'est-ce que tu penserais de ça ? Je vois, en fait, le soutien qu'on est capable d'apporter, le soutien psychologique qu'on est capable de s'apporter les unes aux autres. Et même dans le cadre, par exemple, d'une relation romantique, je me rends compte, en fait, des heures. passer, à essayer de démêler une situation, d'essayer de comprendre pourquoi il fait ça. OK, est-ce qu'on pourrait le voir d'un autre genre vraiment ? C'est des heures et des heures et des heures en groupe et seul. Moi, je passe des heures carrées quand il m'arrive une embrouille avec mon mec ou une situation avec un homme. Je suis comme ça, j'essaie de me dire alors attends, est-ce qu'il aurait pu avoir ça ? D'accord, est-ce que c'est moi ? Est-ce que c'est mon attachement ? Est-ce que j'utilise des trucs de thérapie ? Je me renseigne, je lis. Je dépense de l'énergie pour me comprendre, pour essayer d'être plus en phase avec moi, avec les autres. Et vraiment, je rencontre, mais on n'est pas au même stade en fait.
- Speaker #0
Oui, et d'ailleurs, tellement peu d'hommes qui vont en thérapie parce qu'ils ont décidé par eux-mêmes d'aller en thérapie. Mon Dieu ! Déjà, peu d'hommes qui vont en thérapie. Les statistiques, les chiffres ne mentent pas. Mais quand on prend ceux qui y vont, je suis sûre... qu'il y en a très peu qui y vont parce qu'ils ont décidé de prendre leur santé mentale en main et la plupart en général y vont parce qu'une femme de leur entourage leur a dit d'y aller.
- Speaker #1
C'est souvent leur partenaire qui arrive à un moment en mode là il faut que tu ailles en thérapie parce que c'est plus possible.
- Speaker #0
Et c'est souvent la même chose, tu vois par exemple les chiffres d'octolib qui sont tombés sur les prises de rendez-vous dans la parentalité par exemple. Même quand on se réjouit que les pères fassent mieux aujourd'hui etc et aillent chez le médecin je crois que c'est 84% des rendez-vous qui ont été pris par les femmes sur Doctolib. Finalement, c'est chouette d'y aller, mais si tu y vas et qu'on t'a préparé le sac, qu'on t'a donné le carnet de santé, etc., il y a des parents,
- Speaker #1
des pères qui ne savent même pas la date de naissance de leurs enfants. Franchement, les allergies...
- Speaker #0
Ça peut être un peu aussi glorifié par moments dans certains milieux. Je pense à la chanson de Youssoupha, Mon Roi, que je trouve par ailleurs très belle, très bien écrite, etc. Moi aussi, j'aime beaucoup. Mais tu vois, il dit par exemple, je ne connais même pas ta pointure.
- Speaker #1
Ouais, moi aussi, j'ai bugué. Parce qu'autant que c'était une belle chanson pour son fils, mais il y a plein de trucs où en fait, il se révèle lui-même être un père à moitié. franchement il le dit on va sortir les paroles de suite Dieu sait que j'aime cet artiste et que je trouve qu'il dénonce toujours des trucs très intéressants mais alors cette chanson là c'est vrai qu'elle est un peu aigre douce parce que oui je ne connais pas ta peinture il y a plusieurs lignes comme ça et c'est pas tellement montré du doigt mis en avant tu vois ouais parce qu'on est encore dans un cheminement où en fait on devrait être contente que les Merci. pères aident, on vit sous le même toit, il est hors de question que quelqu'un m'aide. Ce n'est pas ma charge.
- Speaker #0
Tu vis ici, en fait. Mais de toute façon, même les femmes, quoi qu'elles fassent, c'est sans cesse commenté. Tu vois, par exemple, j'ai reçu Lio ici, et je l'aime d'amour, etc. Elle était si là ? J'adore Lio. Eh bien, tu vois, par exemple, récemment, elle a tristement vécu un drame. Elle a perdu son fils. Et elle a été tellement critiquée pour le fait de reprendre sa carrière, etc. En fait, moi, je disais, je suis persuadée qu'un homme, on l'aurait son courage. En fait, on l'aurait son courage de remonter sur scène, etc. Malgré le drame qui vit. Et nous, les femmes, on est sans cesse critiquées. Ce qu'on fait, c'est jamais suffisant.
- Speaker #1
Dans le même genre, il y a l'ex-femme de Kobe Bryant, qui est donc décédée dans le crash d'un hélicoptère avec sa fille. Donc, son ex-femme est enceinte. Je crois qu'il est décédé. il y a 4 ans, si je ne me trompe pas, quelque chose comme ça. Il y a eu un mouvement de révolte d'hommes qui disaient « Mais comment c'est possible ? Voilà les femmes. » Donc, elle n'a pas le droit, après un deuil comme ça, de recommencer à vivre.
- Speaker #0
Oui, de continuer le cours de sa vie, en fait.
- Speaker #1
En fait, ce n'est pas la propriété de son mari. En fait, il y a vraiment quelque chose. Le deuil en lui-même, à la base, il est complètement sexiste parce qu'on imposait aux femmes de porter du noir pour symboliser leur deuil. Et elles n'avaient pas le droit de rire, pas le droit de sourire. En fait, elles devaient incarner le deuil pendant un an, je ne sais plus exactement le temps que c'est. Mais à la base, elles incarnaient le deuil, pas les hommes. Et elle devait vraiment remplir des conditions, j'ai envie de dire, de pudeur et de modestie qui fait qu'elle n'avait pas le droit de ressentir de la joie. Mais même l'affaire Pellico, pour l'amour du ciel, c'est-à-dire que première des magazines, alors Gisèle Pellico apparemment file le parfait amour avec une nouvelle personne. bon bah ça ne l'a pas trop traumatisé mais pardon mais je suis choquée en fait de ce monde dans lequel je suis On dicte même comment la femme devrait se comporter dans telle et telle situation.
- Speaker #0
Au lieu de se réjouir pour elle, en fait, qu'après l'horreur qu'elle a vécue.
- Speaker #1
Mais ayant vécu moi-même un deuil qui m'a bien cassée, vécu des traumas de ci, de là, le seul objectif pour s'en sortir, c'est d'essayer de reconquérir la joie. Quand on choisit de continuer, de survivre. C'est une quête de se réapproprier le bonheur, les émotions, de réapprendre à vivre. Un deuil, ça ne nous quitte jamais. Un trauma, ça ne nous quitte jamais. C'est bien des gens qui ne sont jamais allés en thérapie pour dire ça. Gisèle Pellicot, elle sera traumatisée à vie. Vous pouvez vous endormir, elle sera traumatisée à vie. Mais le fait qu'on impose à une femme de souffrir jusqu'à la fin des temps, parce que sinon en fait Elle n'était pas sincère. C'est un dictat. C'est une forme de totalitarisme émotionnel, dangereux, aberrant. C'est du patriarcat. De ces hommes qui, eux, n'ont pas été invités par le patriarcat à ressentir des émotions qui ne supportent que personne en ressente sans leur aval, sans leur contrôle. C'est dramatique.
- Speaker #0
Oui, on est très binaire, surtout quand il s'agit des femmes. Oui. Et justement, par rapport à ce que tu disais, tu vois, c'est ce que je disais qui, moi, me plaît beaucoup sur ce que tu dégages et ce que tu incarnes. C'est vraiment cette liberté et notamment cette liberté d'expression et de ne pas enfermer, par exemple, ton compte dans une case. Tu vois, tu parles beaucoup de santé mentale, tu parles beaucoup de deuil. Je pense qu'à ta manière, tu aides beaucoup à travers tes prises de parole. tu vois, tu as des personnes un peu jeunes qui vivent des immenses chagrins qui perdent quelqu'un qu'ils aiment ou qui vivent des traumas ou quoi que ce soit, ton contenu peut leur faire du bien. Et tu peux avoir cette satisfaction que tu n'aurais peut-être pas eue si tu avais continué sur le chemin du mannequinat.
- Speaker #1
Oui, et puis très lisse. Voilà. Oui, tout à fait. Et d'une influence qui, pour le coup, il y a aussi des dictats où il y a une image lisse et gaie, gairette, et toujours plus... privilégié que d'arriver et parler de deuil, santé mentale et tout. Mais il y a plus de richesses et de choses intéressantes lorsqu'on est honnête. La vie, c'est dur. D'où qu'on vienne, on a tous un bagage. On a tous vécu des choses plus ou moins dramatiques, plus ou moins traumatiques. Mais je ne connais personne qui n'ait jamais souffert. Il n'y a pas de hiérarchie dans la souffrance. En revanche, il y a une... vérité dans cette vie-là, c'est qu'on va tous souffrir. Donc pourquoi faire comme si ça n'existait pas ? Pourquoi faire comme si... Surtout Instagram, c'est quand même un lieu assez horrifique de...
- Speaker #0
De l'eugénisme.
- Speaker #1
Oui, c'est même pas du perfectionnisme, c'est une fausse vitrine de magie et de richesse et de tout va bien et tout, puis tu creuses un peu et en fait les gens derrière sont effondrés. Moi, combien de fois je croise des collègues sur des événements et tout, Je connais leur contenu, c'est des gens qui sont dans un truc de la vie est chouette, la vie est chouette. Ils ont raison, mais une positivité toxique qui moi me dérange beaucoup sur les réseaux. Et en fait, moi, je les croise en event et pendant deux heures, j'entends en fait tout ce qui traverse. Et pendant deux heures, je me dis mais c'était impalpable sur les réseaux. Ah bah oui, mais non, mais parce que... Bah non, mais... C'est difficile aussi de parler de soi et des choses qui nous arrivent.
- Speaker #0
D'être vulnérable.
- Speaker #1
Voilà, d'être vulnérable sur les réseaux, je suis entièrement d'accord. Mais il y a quelque chose que je vois et que je remarque et qui, moi, me gonfle sur les réseaux, mais qui me gonfle, c'est l'entêtement des influenceurs à vouloir faire en sorte que tout est beau, tout est rose. Alors que ce n'est pas le cas dans leur vie personnelle.
- Speaker #0
Et tu penses que c'est important d'être vulnérable, justement, sur les réseaux sociaux ?
- Speaker #1
Il est important d'être vulnérable dans la vie.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Et les réseaux sociaux, maintenant, font partie de la vie. Je comprends, encore une fois, je comprends que ça peut être très dangereux. Il faut faire attention. Ça s'apprend à être vulnérable sur les réseaux. On ne peut pas tout dire, on ne peut pas tout faire. Moi, lorsque je partage des trucs sur Internet, je choisis quand même ce que je partage. Les sujets que j'ai partagés jusqu'alors, je sais qu'on ne peut pas me faire du mal dessus. Il ne faudrait pas, par exemple, le décès de mon père. Moi, ça me fait rire parce qu'il y a encore des gens qui essaient de me faire mal avec ça. en mode ça se voit qu'elle a pas de père ou heureusement que ton père est mort comme ça il voit pas des trucs genre si je me poste en maillot des trucs comme ça ou encore une fois le patriarcat comme si mon père en plus ça vous auriez connu mon père 100% de mon côté pas de souci même mais j'ai posté un truc y'a pas longtemps j'ai emmené mon père en concert mais c'est cendre et ça me fait rire et quelqu'un qui m'a commandé Ah bah trop tard, parce que la caption c'était j'emmène mon père au concert de son groupe préféré. Quelqu'un me dit ouais, un peu trop tard quand même. Et il y a des gens qui vont essayer de prendre cet angle-là. Moi aujourd'hui, je suis à un stade de mon deuil où je me dis, oh là là, c'est d'une tristesse en fait d'essayer de faire ça. Mais peut-être que dans la première année où mon père est décédé, où j'étais encore très fragile, d'ailleurs je ne parlais pas de deuil à cette époque, ça m'aurait fait trop de mal. qu'on me rappelle qu'il soit mort et tout. Aujourd'hui, ça me fait pas mal. C'est comme les poils. Quand on me dit, « Trasé, t'es trop dégueu. » Oh là là. Ouais, change de disque. Oh là, puis en plus, la honte. Aujourd'hui, ça m'empêche pas de travailler. Ni pour en plus de ça. Le pire, c'est que quand c'est sorti cette histoire, c'était une marque de maillots. C'était un shoot pour Passionata. Et eux, ils étaient complètement OK. Pour le coup, tu vois, je clashais un peu l'industrie. Il y avait quand même certaines marques. C'est pas les plus grandes. mais il y a quand même certaines marques qui se disent,
- Speaker #0
non c'est cool eux ils t'ont soutenu par exemple oui,
- Speaker #1
mais j'étais déjà influenceuse à la base peut-être que c'était aussi eux un coup de com en se disant, ben voilà on prend une meuf qui a des poils parce que c'est ok, il y a des marques qui jouent cette carte là, pourquoi pas, je préfère que ce soit dans ce sens là mais je veux dire, oui mais j'ai été payée pour mes poils j'ai pas envie de rentrer dans des trucs un peu nauséabonds, mais les gars pourquoi je me raserais, ça ne me pose aucun souci, c'est pas parce qu'un inconnu sur internet me dit qu'il trouve ça moche et qu'il ne me toucherait jamais avec un bâton, je dis là, mais déjà !
- Speaker #0
Je n'ai pas envie que tu me touches.
- Speaker #1
Ah mais pour le moins du monde, impossible. Et puis vraiment, genre, pas de soucis de ce côté-là. Moi, ça ne me dérange pas. Je n'ai pas de soucis niveau boulot. Ça me rapporte des sous parfois. Ben non, je vais les garder, tu vois. Mais il faut faire attention. Je sais qu'il y a des gens, des fois je tombe sur des contenus qui me font un peu de la peine parce que c'est peut-être des plus jeunes qui ont révélé des trucs ou qui se sont montrés avec... dans des situations un petit peu difficiles et qui après en fait ont des vagues d'harcèlement et ne savent plus comment s'en sortir et sont même peinés du coup que les gens appuient sur cette faille qu'ils ont essayé de partager pour fédérer puis au final ça se retrouve ça se retourne contre eux ils peuvent plus fédérer et c'est vraiment ça devient une arme contre eux bon Il faut être conscient que lorsqu'on partage des trucs, ça peut toujours être une arme. Bien sûr. Donc, il faut faire quand même attention.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que tu penses aussi de l'image que les jeunes filles ont d'elles-mêmes de par justement ce qui ressort de la société, que ce soit le mannequinat, même les réseaux sociaux, etc. Qu'est-ce que tu penses qu'on pourrait mettre en place pour que les générations qui arrivent connaissent moins de troubles du comportement alimentaire, qu'elles aient moins une santé mentale fragile, une estime d'elles un peu plus tôt ?
- Speaker #1
Ah là là, mais si j'avais la solution, il faudrait que je sois ministre. C'est vrai qu'il y a un ministère d'ailleurs, le ministère de la santé mentale. J'adorais faire partie du ministère de la santé mentale. Non, mais le ministère de la santé, ça, par rapport à la santé mentale aujourd'hui, aujourd'hui, il n'y a jamais eu autant de problèmes de santé mentale auparavant, parce qu'on s'y attarde aussi, donc on remarque. Qu'est-ce qui pourrait aider ? On n'est pas encore très bien rodés au niveau des réseaux sociaux. Je dis toujours, l'espace digital, c'est un espace... qui est contrôlable. Donc, il faut choisir son algorithme. Donc, passer beaucoup de temps sur des contenus qui nous font du bien. Moi, des fois, je me rends compte que mon algorithme est complètement à l'envers parce que je me suis trop attardée sur des choses qui m'angoissent. Et en fait, c'est assez catchy, les trucs qui angoissent ou qui génèrent une émotion. Les réseaux se nourrissent des émotions des gens. C'est la monnaie, car c'est de l'attention. Et qu'on est des êtres très sensibles qui réagissons non-stop. Donc, en fait... Des fois, je suis sur TikTok et je me rends compte que tout mon contenu, c'est des trucs très extrêmes. Donc, des faits divers, un peu choquants, que des histoires qui vont moi m'activer, qui me tiennent à la gorge et ça m'insécurise et ça m'enrage aussi. Et là, je me dis, OK, il est temps de réassainir. Et là, je vais faire l'effort. Je le fais ça en vrai une fois par mois. Chaque fois, je me fais avoir, mais bon. Une fois par mois, je fais en sorte de contrôler mon algorithme. Je regarde des trucs qui me font du bien. Et c'est là où tu trouves des créateurs qui vont parler avec nuances de sujets qui te font du bien. Ou pas, juste des créateurs qui te font du bien, des créateurs qui sonnent à la bonne porte, qui t'apportent quelque chose. Les réseaux, c'est super puissant. Et si on apprenait aux jeunes qu'ils ont le pouvoir et le contrôle sur ce qu'ils regardent, on a le droit de cliquer ne pas intéresser. On a le droit de bloquer des gens qui nous angoissent ou qui nous trigger sur des... Par exemple, sur le physique, sur des trucs alimentaires. Moi, quand j'étais au plus mal, je me souviens, j'ai fait une vague de blocages, de comptes, en fait, de filles où je me comparais trop. Ça me rendait pas bien. Là, c'est bon, je les ai sorties de la prison. J'y vais plus, mais je les ai débloquées. Et justement, ça m'a fait du bien de les débloquer parce que c'était une page aussi qui se tournait en mode. C'est bon, les filles,
- Speaker #0
ça va mieux. et du coup,
- Speaker #1
je n'ai plus besoin de vous bloquer. Mais ce n'est pas interdit de bloquer les gens. Ce n'est pas interdit de concevoir un espace digital qui est sain pour nous. Mais ça, c'est aussi une prise de conscience qui vient avec le temps. Je passe beaucoup de temps sur les réseaux, forcément. Donc, j'ai appris à trouver des outils, mais c'est possible. Et si les influenceurs sont trop angoissants parce que tout va bien, Il y a des influenceurs qui vont parler de santé mentale. Il y a des influenceurs qui ont un autre angle. Il y a même des influenceurs pour qui l'image n'est pas juste bling bling, thunes, mariages, bébés, trucs somptueux. Il y a plein de gens qui ont une grosse empreinte digitale, pour le coup, mais qui sont dans un autre game. Il faut rappeler aux gens que, comme dans leur vie, en dehors des réseaux, On a le pouvoir et je pense qu'il y aura toujours dans la mode des meufs comme ça. Il y aura toujours des acteurs de la mode qui feront de ce milieu quelque chose de nauséabond. Il faut condamner fermement. Il y a plein de choses qui sont en train de se mettre en place. Là, en ce moment aussi, on a l'Assemblée nationale qui est en train de discuter de l'impact des réseaux sociaux, notamment de TikTok et des influenceurs. Ils sont en train de légiférer sur ce qui est possible de faire et pas. Les réseaux sociaux sont trop... récent pour être parfait donc là il faut voilà ça va ça va être de mieux en mieux j'ose l'espérer j'ai envie de dire comme dans tout de toute façon mon conseil général pour tout pour se sentir bien sur les réseaux pour sentir bien dans son corps c'est de se sentir bien avec soi même la qualité de nos relations interpersonnelles fait que on est moins tenté par tel ou tel truc en cultivant justement des amitiés, en cultivant une sororité, en s'éduquant aussi entre nous, en refusant quelques aspects du patriarcat justement en faisant acte de rébellion par nos relations saines et interpersonnelles, pour moi je trouve qu'il est plus simple de ne pas envier, de ne pas jalouser, de ne pas se comparer. Il faut être heureux dans sa vie. Pour moi, ça passe par ça.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que tu penses du fait que souvent, les créatrices et créateurs de contenu sont harcelés pour prendre position sur des sujets de société ?
- Speaker #1
La prise de position politique, c'est compliqué pour moi. Je pense qu'il y a une toute petite hypocrisie ou en tout cas, il y a quelque chose de très bizarre a demandé que... n'importe qui qui a un peu de followers soit un porte-parole pour telle et telle chose. Et c'est jamais un porte-parole, c'est toujours le porte-parole pour sa vision à soi. Il y a beaucoup de gens qui harcèlent pour qu'il y ait un positionnement. Parfois le positionnement, il y a des influenceurs qui s'en sortent en postant trois stories et une cagnotte, et puis c'est tout. Et aujourd'hui j'ai l'impression que les utilisateurs de réseaux sociaux imposent aux gens de parler de sujets dont ils n'ont pas vraiment de connaissances ou même de se plier en quatre pour poster des stories. Moi, j'adorerais mettre fin à la guerre, partout, quel qu'elle soit. J'adorerais. Aujourd'hui, ce n'est pas possible. Ce n'est même pas prendre position qui change les choses. Je pense qu'on n'a pas bien placé le curseur. Il y a des gens qui le font de manière naturelle parce que soit c'est leur angle, soit c'est des influenceurs politiques, soit c'est des personnages comme ça qui sont concernés ou qui sont acteurs de ce milieu-là, soit qu'ils ont envie de se mettre là-dedans, mais on n'est pas tous capables, très sincèrement. moi je me rends compte que personnellement, je suis tellement angoissée, je ne suis pas capable de gérer. ce genre de prise de position. Parce que derrière, c'est des vagues de haine comme on n'en a jamais vu. Ce n'est pas que je ne prends pas position, parce que pour le coup, les divers sujets actuels, c'est au cœur de la plupart de mes discussions avec mes proches, mes amis. Mais comme je disais, même avec la vulnérabilité, il faut être prêt, lorsqu'on s'expose sur les réseaux sociaux, à assumer les conséquences. Très sincèrement, Moi, les conséquences d'une prise de parole ou d'un activisme et d'un épuisement et d'une frustration aussi, parce que oui, je peux faire des stories, ça n'arrêtera jamais rien, je ne suis pas capable de le vivre psychologiquement. Donc en fait, je ne servirai à rien. Je préfère laisser la place aux autres sur les réseaux, parce qu'encore une fois, moi, dans la vie de tous les jours, ça existe.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Mais sur les réseaux, c'est plus compliqué. Et puis, c'est même le fait, par exemple, que je dise oui. ou non, si je réponds oui, si je réponds non, si je réponds au milieu, si je réponds toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, ça n'ira pas pour quelqu'un. Et aujourd'hui, il y a une telle virulence sur les réseaux sociaux qui est nourrie d'une frustration, d'une rage que les gens ont qui s'explique parce qu'on est tous impuissants, on est dans un monde qui perd la tête, on a des gouvernements qui n'écoutent rien, qui ne font plus leur travail. Donc en fait, ils se tournent vers quoi ? Vers des influenceurs. C'est dommage. J'en veux beaucoup au gouvernement de tous les pays de ne jamais essayer de se mouiller. Parce qu'en fait, ils attendent justement que les influenceurs fassent le travail. Parce qu'il y en a un qui a réussi une fois et depuis, on va se tourner vers nous. À la base, ce n'est pas à nous de le faire. Ce que je veux dire, c'est que ça ne plaira pas. Sauf qu'aujourd'hui, quand ça ne plaît pas aux gens sur les réseaux, la réponse est d'une violence. Je ne te dis pas à quel point il faut être... armé psychologiquement pour subir à petite ou grande échelle ce que les gens sont capables de faire.
- Speaker #0
Et ça t'arrive encore d'être blessée par exemple aujourd'hui maintenant que tu es une femme accomplie et construite etc. ça t'arrive encore d'être blessée par des réactions à certains de tes contenus ?
- Speaker #1
Bien sûr je mentirais, ce n'était pas le cas. Ça m'arrive quand j'ai l'impression qu'on n'a pas compris ce que j'ai fait. Même quand je fais des blagues ou qu'on n'a pas compris ma position ou j'écris beaucoup et moi mon Mon angle, c'est un entonnoir à l'envers. Donc, je n'ai pas la prétention d'avoir une vérité. Lorsque je parle d'une expérience qui m'est personnelle, lorsqu'on me répond des insultes, ou genre, oui, mais tu oublies ça, ah bon, mais tu as fait ça, mais ce n'est pas... En fait, la force que les gens ont dans l'incompréhension, comment dire, la conviction qu'ils ont pour faire exprès de ne pas comprendre, c'est ça qui me blesse, parce que personne n'a envie d'être sur les réseaux pour choper. choqués, pour blessés, pour... Enfin, pour choqués peut-être, mais on n'a pas envie de blesser notre communauté. Donc, en fait, si j'oublie de mentionner un aspect du truc, si je fais une blague et qu'en fait, elle passe pas, ouais, c'est pas que ça me blesse, mais en fait, ça m'agace parce que les gens sont devenus... incapable de penser critique. Et vraiment, et aujourd'hui, mais je pense que c'est une conséquence de notre surexposition et de notre surindividualité, surindividualisation dans notre processus de pensée, on ne supporte plus le désaccord et lorsqu'on n'est pas intégré, c'est un sujet... Oui, mais what about me ? Ça, en anglais, c'est le what about me-ism, où c'est, tu parles de quelque chose, par exemple, si je parle... Tu vois, même le deuil de mon père, ah oui, au moins t'en as eu un. Ah oui, mais bon,
- Speaker #0
pour l'amour du ciel.
- Speaker #1
Ah oui, au moins t'en as eu un, il y a des gens qui n'ont jamais eu de père, donc estime-toi heureuse. Vous êtes sérieux ?
- Speaker #0
Tes deuils, tes tristesses, tes émotions t'appartiennent. Donc t'as encore le droit d'en faire ce que tu veux.
- Speaker #1
Oui, mais non. C'est pour ça que la prise de position politique est quasi impossible.
- Speaker #0
Et depuis que t'as commencé à parler de santé mentale, t'as l'impression que t'as ouvert une brèche ? Que ça a été bien accueilli par ta communauté ?
- Speaker #1
Ma communauté, oui. Les gens qui ne me connaissent pas, qui tombent sur certains trucs, doivent se dire que je suis un peu drama. Mais aujourd'hui, ma communauté est fondée principalement là-dessus. C'est des femmes qui me ressemblent beaucoup, qui ont presque à l'unanimité vécu des traumas sensibles aux miens. Donc on se comprend beaucoup et elles s'autorisent à me parler de beaucoup de leurs histoires personnelles. Donc c'est là où il faut aussi faire attention. Il y a des jours où je ne suis pas capable de recevoir tout émotionnellement. En fait, c'est ça, c'est que les réseaux, il y a toujours un prix à payer et le prix à payer, c'est le retour, qu'il soit négatif ou positif. Parfois, il est plutôt lourd. Quand on est très sensible comme moi et très angoissé de nature et surtout avec peu de disponibilité émotionnelle, parfois c'est très dur, même quand c'est positif. D'avoir autant de messages de gens qui me racontent leurs histoires de vie, qui ont confiance en moi, qui mettent aussi, par exemple, beaucoup d'attentes sur moi, qui ont besoin que je leur écrive, qui ont besoin que je leur réponde, qui ont besoin de... Oui,
- Speaker #0
que tu prennes presque la place d'une thérapeute, en fait.
- Speaker #1
ou d'une grande sœur il y a un peu de ça quand je suis dispo émotionnellement c'est avec plaisir que je le fais mais du coup si la prochaine fois qu'elles essaient je ne le suis pas il y a des fois des incompréhensions parfois pareil Il y a des gens que je déçois parce que je n'ai pas été capable d'être représente à un autre moment. Et aussi, du coup, on vit dans une culpabilité. Les réseaux, c'est beaucoup de culpabilité. En tout cas, c'est comme ça que je le vis. En force d'avoir peur de blesser quelqu'un, on se blesse soi-même. Là, j'ai l'impression de l'avoir déçu. Oh là là, mais j'espère que... Surtout quand on crée des liens avec une communauté sur des choses de l'ordre de l'émotionnel, ça me fait de la peine. Même quand on me raconte des trucs. que je ne peux pas y répondre ou que j'ai dû arrêter de lire le message. Ça m'arrive, c'est horrible, mais je lis beaucoup de choses et je réponds à 70%. C'est énorme. Du coup, les 30 qui restent, c'est pour me préserver. Mais il y a des jours où c'est trop.
- Speaker #0
Et tu penses que tu aurais pu être féministe si tu étais restée dans le mannequinat ?
- Speaker #1
Oui, parce que je l'étais déjà. Le truc, c'est que justement, ça n'a fait qu'accroître. mon féminisme, parce que je me suis bien dit qu'il y avait un problème. Moi, je voulais vivre... En fait, j'étais dans un féminisme d'indépendance quand j'étais petite, parce que mes parents m'ont tous les deux inculqué le truc de t'es débrouillarde et tu peux faire des sous par toi-même. Et moi, j'aimais la photo, et il n'y a pas de contre-indication féministe à aimer et poser, et la mode, et la photo. Donc, moi, j'étais partie là-dessus. Par contre, c'est après que je me suis dit Oula, ça c'est plus des endroits ?
- Speaker #0
Oui, c'est ce que je voulais dire. Parce que justement, je pense qu'on a la même définition du féminisme et que le féminisme, c'est de permettre aux femmes de choisir exactement ce qu'elles veulent être et ce qu'elles veulent faire. Donc pour le coup, ce n'est pas le fait d'être mannequin. C'est vraiment ce que ce milieu impose.
- Speaker #1
Il n'est pas féministe par nature. Le mannequinat, ce n'est pas un métier féministe par nature. Mais il peut se féminister à force de changer. Et puis aussi, Dieu merci, il va y avoir de nouvelles générations qui sont plus conscientes. qui vont aussi avoir une façon de travailler différente, qui vont aider à transformer le milieu. Ouais, à la base, moi, c'était pour être indépendante financièrement, ne dépendre de personne, d'aucun homme, ne pas chercher à me marier, ne pas chercher à me mettre en danger ou mettre mon intégrité à rude épreuve parce que j'ai besoin d'un homme dans ma vie. Aussi, ne pas m'enfermer à faire des enfants trop tôt ou juste ne pas faire tourner ma vie aussi autour des hommes. ou d'un partenaire, le mannequinat, ça m'a servi quand même à être...
- Speaker #0
Indépendante financièrement.
- Speaker #1
Et ça, l'indépendance financière, sincèrement, c'est la base de tout. C'est le pouvoir d'une femme aujourd'hui. Les femmes ont en plus une capacité à générer de l'argent pour elles-mêmes dont les hommes s'emparent. J'ai une grosse déconvenue avec mon ancienne agence d'influence. qui nous a volé de l'argent à hauteur de millions d'euros, à nous toutes, au sein de notre agence d'influence, des millions d'euros. Et en fait, au final, je me dis... Donc c'est un homme, évidemment, c'est assez dur, on m'a volé beaucoup d'argent, mais au final, ce travail, c'est moi qui l'ai généré.
- Speaker #0
On te l'a volé par des manœuvres malhonnêtes, en fait,
- Speaker #1
en ne te disant pas les mêmes...
- Speaker #0
Ah,
- Speaker #1
mais il ne nous a juste jamais payé. Donc, il empochait nos salaires et il faisait ce qu'il voulait avec. Il ne les reversait pas. Donc, on a eu des gros problèmes avec ça. Mais après coup, je me suis dit, mais en fait, quelle tristesse d'utiliser des femmes pour voler leur argent. Et ça aussi dans le mannequinat aujourd'hui. La commission d'agence en France, 70% dans le mannequinat. C'est-à-dire que si une mannequin travaille pour un tarif journalier de 1000 euros, elle en touche 300, sur lesquels elle doit payer des impôts. Il ne faut pas déconner. Et c'est en ça qu'il y a du trafic et que c'est un trafic injuste parce que les femmes sont capables de générer de l'argent. Plus que n'importe qui d'autre en fait. Et surtout parce qu'on arrive, on a compris que même l'influence, influence, mannequinat à la base, c'est quand même des métiers qui sont occupés principalement par des femmes. Et en tout cas dans mon milieu qui est la mode. c'est les femmes. Et il y a toujours un mec pour saisir l'opportunité, pour nous voler de l'argent, nous exploiter, mentir sur les salaires, mentir sur les commissions. Donc c'est pour ça qu'en fait...
- Speaker #0
Not all men, but always men.
- Speaker #1
Ça ne changera jamais. Là où je veux en venir, c'est que la femme ne peut se libérer que par... c'est horrible mais l'argent ne peut pas dépendre d'un homme, il l'avait compris à l'époque le fait de ne pas avoir de compte bancaire le fait de ne pas pouvoir bosser sans l'aval du mari, le fait de d'être coincé à la maison avec les enfants aujourd'hui combien de nos grands-mères n'ont pas ou peu de retraite parce qu'en fait elles se sont arrêtées de bosser pour élever les gosses et puis au final aujourd'hui enfin voilà.
- Speaker #0
Mais bon tu vois ça reste quand même très marqué et très pesant parce que tu vois après par exemple quand on veut des enfants et qu'on en a du coup Quand une femme va sortir à un moment, on va toujours lui demander « Mais qui garde tes enfants ? » Alors qu'un mec, jamais, mais jamais, tu vois, s'il sort, on va lui demander qui garde ses enfants. C'est une évidence qu'ils sont avec leur mère.
- Speaker #1
La route est encore très longue. C'est fou parce que quoi qu'on fasse, c'est jamais assez bien. Et ça me fait penser au monologue de Barbie qui, moi, m'avait fait pleurer au cinéma parce que ce n'est jamais assez bien. Si tu choisis de ne pas avoir d'enfant, tu es égoïste, tu loupes une opportunité, on va te faire culpabiliser, peut-être que ça aurait été la plus belle histoire de ta vie, peut-être pas, mais tu n'es pas une vraie femme, nan nan nan. Si tu choisis d'avoir des gamins et de les élever, il faut faire attention, il faut être sûr que financièrement ça va suivre, qu'il y a un contrat de mariage intéressant. si on est marié. Il y a beaucoup de femmes qui ne sont pas mariées qui ne cotisent pas. qui se sacrifient pour garder les gamins, parce qu'il faut bien que quelqu'un les garde. Donc, en fait, elles retardent le moment où elles seront dépendantes de quelqu'un, tout en étant... en vivant à côté de leur vie de femme. Ensuite, si tu choisis de privilégier ta carrière alors que tu as des enfants, bravo, quelle mauvaise mère. Et puis les gamins, ils n'ont pas de mère. Quel enfer ! Comment on fait pour gagner dans ce monde-là ? Comment on fait pour ne pas se faire avoir, vraiment, financièrement ? Je l'ai vu à tous les étages de ma vie, chez toutes les femmes de ma famille et de mon entourage. Ce qu'il faut mettre en place pour être sûre de ne pas se retrouver dans la merde et de ne pas se retrouver, une fois, avec trois gosses sous le bras, un mari, en fait, qui fait ce qu'il veut, parce que c'est lui qui a le pouvoir. pognon, tu peux pas te barrer, ça va plus c'est une relation abusive mais qu'est-ce que tu fais, tu peux pas te barrer t'as trois gamins C'est pour ça que je suis contente quand même d'avoir plus, malgré tout, malgré l'enfer que ça a été dans mon corps principalement. Mais ça m'a permis aussi de prendre goût au fait d'être celle qui génère mon propre argent.
- Speaker #0
Et dans le mannequinat, à proprement parler, pour finir sur ça, est-ce que tu penses que les stéréotypes de beauté et de représentation ont besoin d'évoluer au sein même de l'industrie ?
- Speaker #1
Oui. de toute évidence. Je ne vois même pas d'argument contre. C'est à l'intérieur du milieu que ça se joue. Comme je te disais, je pense que ça va être les nouveaux acteurs, les nouveaux directeurs de casting, les nouveaux clients, les gens avec un cerveau nouveau, des nouvelles éducations qui vont avoir envie d'inclure davantage de gens. Il y en a plein qui le font déjà, mais ce n'est pas les plus grandes maisons. En plus de ça, alors... Quand il y avait un gros mouvement inclusif, notamment sur d'autres tailles que le 32-34, il y a eu un moment où on avait d'autres morphologies sur le runway. Je peux te dire que c'est fini. Moi qui assiste à beaucoup de Fashion Week, là, on se faisait la réflexion les saisons dernières, on est revenu en loose day à les mêmes corps qu'avant. Donc en fait, le problème aussi de la mode, c'est que c'est des gens qui ont toujours... peur de ne plus vendre et donc ils suivent toujours les trends. Lorsque c'est une trend d'inclure tel type de personnes, ils le font. Mais le jour, la seconde où ça passe de mode, où le spotlight est sur autre chose, ils reviennent à leur truc. Donc c'est pour ça que ça ne peut passer que par la vision des acteurs en elles-mêmes, leur valeur à eux. C'est tellement sclérosé, même en en parlant euh... Ça ne change pas, ça ne bouge pas. Mais non, c'est impossible. C'est un milieu qui est très fermé. Il faudrait un grand boom, un grand truc, un truc assez choquant, mais que ça vienne de l'intérieur. Pour ça, ça vient de l'intérieur.
- Speaker #0
Quelqu'un qui mettrait un coup dans la fourmilière.
- Speaker #1
Oui, quelqu'un qui... En fait, tu sais quoi ? Je sais très exactement comment ça va se passer. Il faudrait, parce que les gens de la mode sont quand même des gros peureux, il faudrait que quelqu'un qui ait énormément de succès, ou en fait, quelqu'un qui soit porté aussi par la voix... populaire, donc sur les réseaux sociaux par exemple, que quelqu'un qui buzz sur des valeurs nouvelles, mais pas qui buzz simplement, quelqu'un qui arrive à fonctionner durablement avec ces valeurs-là de base et son essence de base, si cette personne-là arrive à avoir une activité pérenne, les autres vont se jeter dessus parce qu'il y a un des trucs principaux dans la mode, c'est qu'il y a peu de risques qui sont pris et que ils ne veulent faire Merci. que ce qui a été testé par les autres avant. Donc le jour où il y en a un qui prend un risque et qui s'impose avec ça comme identité, pas comme trend, pas comme mode temporaire, comme essence et nature et que ça a porté ses fruits, les autres le feront. Mais pour ça, il faut que quelqu'un prenne des risques. Et que ça suive et que ça change les mentalités. Elles changeront. Elles changeront. Tout change. Mais ça va prendre du temps.
- Speaker #0
Je te remercie beaucoup Mara. C'était un échange super intéressant. Je te remercie d'être venue. A bientôt !
- Speaker #1
Merci !
- Speaker #0
Voilà, le moment est venu de se quitter. J'espère que vous avez apprécié cet épisode. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouvel invité, un nouveau parcours et se faire embarquer dans un nouveau virage. En attendant, prenez soin de vous et bonne semaine !