- Speaker #0
Donc Marion, on a enregistré ensemble un épisode très intéressant dans lequel on a parlé notamment de ton spectacle Cracage, un spectacle qui invite à la vulnérabilité et au fait de réussir à exprimer ses émotions pour éviter justement de craquer. Ou vous le verrez en regardant le spectacle que craquer finalement c'est pas forcément négatif et ça peut faire dur bien, et repartir un peu plus sereinement après le craquage. et j'avais envie de discuter avec toi Est-ce que suite à ton spectacle, tu as reçu beaucoup de témoignages de personnes qui sont venues finalement presque nourrir ton spectacle en te disant « Merci, j'ai craqué à tel moment, je me suis reconnue et ça fait vraiment du bien d'avoir l'impression de se voir sur scène » .
- Speaker #1
Oui, j'ai eu des témoignages très forts, que ce soit très léger, du genre « Ah ben ça y est » . J'ai enfin dit à mon mari que j'en pouvais plus de ce truc là,
- Speaker #2
quand on avait été au mariage de ma copine, il avait dit ça et j'avais pas supporté, ça fait deux mois que je le garde pour moi.
- Speaker #1
Donc ça bon, très léger on s'en remet, mais ça tient une boule dans un couple pendant deux mois. Et puis j'ai des gens aussi qui m'écrivent en disant, mon compagnon voulait vous remercier parce que suite à notre venue à votre spectacle dans telle ville... il a réuni ses enfants et il a enfin dit de quelle origine il était. Il n'avait jamais parlé de ses origines, donc les enfants à 20 ans découvrent de quelles origines ils sont. Et puis, dans le plus inaudible aussi, une femme qui m'a dit « Il se trouve que j'ai le même prénom que le personnage qui traite de l'inceste dans votre scène. Et suite à votre spectacle, j'ai pris la parole et j'ai enfin dit à mes sœurs ce qui s'était passé, petite. » J'ai vraiment de tout. Et donc les gens, des fois, m'attendent, me le disent en direct, souvent concernant les messages les plus durs. Les gens, je sors très vite moi de scène parce que je sais que les gens ont besoin de vite me toucher, me parler, me dire juste un coucou, un merci et ils partent. Et on ne se connaît pas du tout, mais il y a besoin juste d'un contact et puis ils s'en vont. Et j'ai compris quoi.
- Speaker #0
Ouais, vous venez de passer un moment assez fort ensemble finalement.
- Speaker #1
Ouais, c'est ça.
- Speaker #0
Et ça faisait partie de ton but quand tu as fait ton spectacle que justement de libérer la parole sur beaucoup de sujets et d'inviter les gens à prendre leur place ?
- Speaker #1
Ah oui, oui, totalement. C'est un peu ce que je me souhaitais à moi-même, donc j'ai envie de le partager. J'ai envie, à travers le divertissement pur, le rire, le théâtre, les personnages. Moi j'aime beaucoup écrire comme des scènes cinématographiques, donc c'est un peu comme un film, on voit défiler un peu 16 personnages, on voit défiler un peu nos vies, les gens qu'on connaît, nous-mêmes. Moi je suis un peu des 16, même si c'est des hommes, des femmes, des vieux, des jeunes. J'ai envie et j'espérais que les gens se reconnaissent ou reconnaissent un proche. C'est vrai qu'on a un tel bouche à oreille magnifique à Paris en tournée que je comprends que c'est ce qui se passe. C'est qu'en sortant de la salle, ils se disent « Je reviens la semaine prochaine avec ma soeur. » « Je reviens la semaine prochaine avec ma boulangère. » « J'ai pris des places à mon cousin pour Noël. » Et en fait,
- Speaker #3
chacun veut que un de leur famille ou de leurs amis voit cette scène en particulier ou ce message général.
- Speaker #1
Donc c'est drôle.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que tu dirais à une personne qui est sur le point de craquer, qui sent un peu la cocotte minute qui monte, qui monte, qui monte, qui sent qu'elle va craquer, mais à qui ça fait très peur, parce que souvent se voir au bord du craquage, ça terrifie.
- Speaker #1
Ah oui, il faut en parler à une tierce personne, un ami, quelqu'un qui n'est pas concerné par les choses à dire, et puis écrire. Mettre sur papier pourquoi tu es en colère, pourquoi tu es triste, qu'est-ce qui s'est passé concrètement, qu'est-ce que tu as envie de dire. En fait, écrire, à partir du moment où c'est craché, c'est en face de nous. C'est plus des pensées qui nous traversent, c'est plus impalpable. Là, d'un coup, ça existe. C'est « Ah oui, je suis pas folle, on m'a vraiment dit cette phrase. Eh oui, ça fait pas du bien. Non. Ok, donc tu es légitime à avoir cette colère. Oui. » Maintenant, comme ça commence à sortir, bizarrement, le jour où on va vraiment en parler à la personne concernée, on vient pas en criant, finalement. Parce que ça a déjà été expédié, déjà sorti. Évidemment, c'est un événement de le dire à la personne concernée, que ce soit au boulot, la famille, les amis, le couple. c'est quelque chose d'affronter le regard de la personne qui nous a blessés ou à qui on doit dire quelque chose dans tous les cas. Mais c'est vrai que quand on a sorti les mots une première fois à l'oral avec quelqu'un ou sur papier, ce n'est pas pareil. On est beaucoup plus fort, beaucoup plus apaisé. On n'attend presque rien de l'autre en face. C'est sorti.
- Speaker #0
Eh bien super,
- Speaker #1
je te remercie beaucoup.
- Speaker #0
De rien. Et encore une fois, je vous recommande de voir son spectacle Cracage qui fait réfléchir et qui invite à prendre en compte davantage nos émotions.
- Speaker #1
Avec plaisir.
- Speaker #0
Bonne journée.