- Speaker #0
Bonjour, vous écoutez le podcast de Virage. On vous donne des pistes pour aller de l'avant, parfois à contre-courant. Si face à un problème, vous vous êtes déjà dit, j'ai tout essayé, je ne sais plus quoi faire, vous êtes au bon endroit. Je suis Marina Blanchard, psychologue, formatrice et fondatrice de Virage. Mon école s'inscrit dans la lignée de sel de Palo Alto, c'est-à-dire de la thérapie brève systémique. Je suis avec Antoinette Van de Kerco aujourd'hui. Antoinette est neuropsychologue. et spécialisé dans les traumatismes. Nous allons donc essayer de vous aider, de vous donner des pistes autour de ces problématiques de trauma que nous vivons tous un jour ou l'autre.
- Speaker #1
Bonjour Antoine.
- Speaker #0
Bonjour Amina.
- Speaker #1
Alors on se retrouve pour parler d'un point important dans les problématiques de trauma, c'est la dissociation. Alors c'est un grand mot, c'est un mot parfois qui fait peur, alors pour certains ça va vous... pas vous parler du tout de cet épisode, vous allez le trouver trop psy ou trop complexe, mais je trouve que c'est quand même intéressant de pouvoir en parler et que on permet aux personnes qui nous écoutent de comprendre, de savoir ce que c'est, et de se dire aussi que ce n'est pas toujours si grave. Je te laisse.
- Speaker #2
Effectivement, on va souvent parler de dissociation, notamment au moment du traumatisme, c'est-à-dire qu'on va se retrouver face à un danger où on se rend compte qu'on n'a pas de solution, et donc le cerveau nous débranche. Et le fait d'être débranché comme ça, en fait, c'est une façon aussi de ne pas devoir subir consciemment, en tout cas, la violence à laquelle on fait face et face à laquelle on n'a pas le contrôle.
- Speaker #1
C'est une protection.
- Speaker #2
C'est une protection, exactement. Et donc, ce qui fait que souvent, les gens vont raconter aussi quand ils ont des souvenirs de traumatisme. Parfois, ils vont aussi se sentir complètement déconnectés de leur corps. Ils ne se rappellent pas vraiment comment ils se sentaient. Ça veut aussi dire que comme il y a très peu de régions cérébrales qui sont actives, puisqu'on est dissocié, que notre cerveau est débranché, ça va aussi générer l'impression que le souvenir est très flou, qu'on ne se rappelle pas très bien de ce qui s'est passé. On a un peu l'impression qu'en fait, ce n'est pas vraiment nous à qui c'est arrivé, c'est un peu comme si c'était dans un film. Tout ça, c'est un peu un vocabulaire qui peut nous faire penser et qui peut mettre sur la piste. qui a vraiment eu une dissociation au moment de l'événement, et donc un traumatisme. Et donc, on sait aussi que lorsqu'on va subir, enfin, lorsqu'on va expérimenter de la dissociation au moment d'un traumatisme, c'est aussi quelque chose qui va être un facteur de risque pour développer vraiment un trouble de stress post-traumatique après, et aussi de développer une façon de se dissocier de ses sentiments, de ses émotions. dans la vie pour se protéger. Parce qu'effectivement, si face à l'impensable, à l'incontrôlable, j'arrive à me dissocier et à ne pas être en connexion avec ces émotions qui sont extrêmement désagréables, du coup, peut-être que c'est comme si je fais un apprentissage, qu'en fait, c'est une bonne solution. Et donc, souvent, des gens qui ont vécu certains traumatismes voient un peu avoir comme un mécanisme, une façon de pouvoir se protéger et de se dissocier. Un peu dans... dans la vie, dans le quotidien, pour pouvoir ne pas ressentir les émotions qui sont désagréables.
- Speaker #1
Donc, en fait, la dissociation, quand elle survient, c'est plutôt salvateur au moment où ça arrive. Et tu dis souvent, ça veut dire qu'il y a un risque, finalement, de trauma plus grand, mais pas forcément quand même, parce qu'on peut aussi se dissocier au moment du trauma.
- Speaker #2
Tout à fait. En fait, ce que je voulais dire par là, c'est simplement que dans les statistiques, on observe que les gens vont plus avoir tendance à développer des troubles de stress post-traumatique et aussi une façon de se dissocier dans la vie après lorsqu'on sait qu'au moment du traumatisme,
- Speaker #1
il y a eu cette dissociation. Parce que se dissocier dans la vie, ça peut aussi être salvateur. Je m'ennuie à une réunion, je pars dans ma tête, je pense à mon week-end, au projet et ça peut être quelque chose de bien aussi. Donc parfois, c'est un apprentissage qui peut être bon ou bien...
- Speaker #2
Exactement. En fait, après, ça dépend. Il n'y a pas de consensus là-dessus. Mais en tout cas, certains modèles veulent que... Enfin, expliquent que la dissociation, en fait, c'est quelque chose que tout le monde expérimente d'une façon ou d'une autre. Et donc, effectivement, il y a le fait d'être un peu dans sa bulle. C'est pas... J'entends à la radio des nouvelles qui me dépriment le matin. Bon, juste, du coup, je pense à autre chose et je pense à ma journée qui... Voilà, ce que j'ai à faire de ma journée. Je vais chez le médecin et je vais me faire piquer pour un vaccin. Et en fait, je déteste les aiguilles. Peut-être je tourne la tête et je commence à chanter, donc je commence déjà à me mettre dans un... Je ne suis pas à 100% en train de me connecter à l'aiguille qui est en train de me piquer, mais je suis en même temps un peu là, en même temps un peu ailleurs. C'est ça la dissociation, c'est en fait de ne pas être à 100% là où on est, mais aussi un petit peu ailleurs. et donc c'est une façon de se protéger tous et toutes en tout cas selon certains modèles On va l'expérimenter dans le quotidien. Là, je suis venue ici jusqu'à Louvain-la-Neuve pour faire le podcast avec toi. Je n'ai pas intégré, conscientisé chacune des sorties d'autoroute. Voilà, c'est passé. Et puis, je me suis rendue compte que j'étais déjà à Louvain-la-Neuve. Et donc, c'est aussi une forme de dissociation si on s'en tient à ces modèles-là. Et donc, on estime qu'au plus, il va y avoir de la souffrance, au plus, peut-être, cette façon de se dissocier de ce qu'on ressent va devenir un peu plus automatique et un peu plus présente et qu'on va peut-être... potentiellement aussi développés comme des parties de nous ou un trouble de stress post-traumatique, des choses qu'on va complètement mettre de côté, auxquelles en général on n'a pas accès, mais qui en un coup du coup viennent nous hanter dans le présent lorsqu'il y a un déclencheur. Et évidemment, si on reste sur ce continuum, il y a le fait que tous et toutes on expérimente ça dans le quotidien, la façon vraiment d'être dissocié au niveau plus traumatique, et puis, certaines personnes vont même jusqu'à parler des troubles dissociatifs de l'identité, qui sont notamment sur l'autre extrême de nous. de cette dissociation. Je ne sais même plus qui je suis. J'ai tellement vécu certaines choses qui étaient difficiles et insupportables que les parts de moi qui ont vécu ça sont vraiment presque comme une autre identité de moi. Et donc, c'est vraiment ça. Donc, on va avoir des identités multiples en fonction des différents noyaux dramatiques. Et donc, c'est aussi important de se dire que, de nouveau, comme tu dis, le fait de se dissocier, ce n'est pas un problème en soi. C'est quand on n'a pas le contrôle dessus. Donc, vraiment... si dans le quotidien, on va avoir cette capacité à se dissocier, mais que c'est conscient qu'on sait qu'on le fait parce qu'en fait, ça nous aide, qu'on n'a pas envie d'être en connexion avec la réalité, mais que c'est vraiment une décision consciente et éclairée, on va quand même qu'on se le dise quand même, en général, assez peu le cas. Si vraiment on est tout à fait OK avec notre réalité, on ne va pas avoir tout le temps tendance à le faire, mais bon, en théorie, oui.
- Speaker #1
En tout cas, ça peut poser des questions sur notre réalité. Alors, on peut consulter beaucoup de choses. Tout à fait. Peut-être, je dois revoir... mon boulot, parce que ça ne me convient pas, je suis tout le temps en train d'essayer de m'échapper dès que je peux. Ça dit autre chose.
- Speaker #2
Mais du coup, ce n'est pas forcément un problème de se dissocier. Le problème, c'est quand ça devient quelque chose d'automatique et incontrôlable, incontrôlé, ce qui est souvent le cas quand des personnes ont vécu des traumatismes, c'est qu'en fait, elles vont avoir tendance à se dissocier dès que quelque chose est un petit peu déclenchant, dès qu'il y a un petit peu une émotion désagréable qui s'allume à l'intérieur du corps, directement, je me déconnecte pour pouvoir ne pas ressentir. Et donc, ça génère deux problèmes. Le premier problème, je dirais que c'est qu'en fait, quand on n'est pas connecté à ce qu'on ressent à l'intérieur du corps, ça veut dire qu'on ne ressent pas ses émotions. Or, tu le sais très bien, mais une émotion, ça a deux fonctions. C'est d'identifier quels besoins on a, et puis ça nous permet de mettre en place une action pour pouvoir combler ses besoins, ou en tout cas profiter de ses besoins qui sont comblés. Et donc, si jamais on ne ressent pas à l'intérieur ses émotions, on ne sait plus très bien de quoi est-ce qu'on a besoin, qu'est-ce qui est ok pour nous, qu'est-ce qui l'est pas. On perd un petit peu ses antennes aussi, où est le danger, où est-ce qu'il ne l'est pas.
- Speaker #1
C'est un tableau de bord important quand même.
- Speaker #2
Exactement, donc on perd vraiment notre boussole intérieure et puis aussi dans les cas des émotions plus agréables, alors du coup, on n'y a pas accès non plus, donc on n'a pas ce truc qui fait « waouh, j'ai la niaque ce matin, j'ai envie de me lever, je suis heureuse, je suis heureux, j'ai envie de croquer la vie à pleines dents » . Ça, on ne l'a pas non plus, on a plus cet élan pour la vie parce qu'on se dissocie. Donc ça c'est quand même le premier problème, c'est ça ? Oui,
- Speaker #1
c'en est un.
- Speaker #2
Un gros problème. Et un deuxième problème, c'est qu'en fait, il y a des personnes qui vont être tellement dissociées de façon automatique et incontrôlées dans le quotidien, dès que quelque chose les déclenche. Souvent, elles n'ont même pas conscience de ce qui les déclenche. Donc, potentiellement, d'un moment à l'autre, peuvent se retrouver tout à fait déconnectées de la réalité. C'est des gens qui vont vraiment partir en mode automatique, qui ont parfois des trous de mémoire, des trous noirs dans leur journée. Ils ne savent pas ce qu'ils ont fait pendant 4, 5, 6 heures d'affilée. Donc on peut quand même imaginer à quel point c'est dangereux pour soi-même et aussi pour l'autre. Si on prend une voiture, le volant d'une voiture, si on traverse la rue, en fait si on est complètement déconnecté de ce qui se passe, on se met complètement en danger et on met aussi l'autre en danger. Et donc évidemment tout ça, ça c'est problématique effectivement. Et donc c'est quelque chose qui va se travailler, c'est d'essayer de comprendre qu'est-ce qui déclenche et quand est-ce que je peux quand même essayer de... De supporter certaines choses qui se passent sans que ça m'envahisse complètement et que j'ai besoin de me déconnecter.
- Speaker #1
Et retravailler alors les choses vers le fait d'éviter cette dissociation, finalement, ou en tout cas, de trouver d'autres manières de gérer les événements de ma vie que de me dissocier.
- Speaker #2
En tout cas, comprendre qu'est-ce qui la déclenche et au moment où ça me déclenche, est-ce que j'en ai besoin et réellement j'ai tout fait anciennement ou est-ce que je me dis que je peux faire autre chose comme moi-même ? Et que ce soit vraiment un choix, en fait. Que ce ne soit pas quelque chose qui s'impose à nous. On n'a même pas conscience.
- Speaker #1
Du choix.
- Speaker #2
Oui,
- Speaker #1
du choix. C'est important. Le travail de tout thérapeute, c'est de redonner des choix à ses patients. Et ici, c'est de redonner le choix de faire autrement que cette dissociation qui, effectivement, comme tu dis, met en danger de deux façons.
- Speaker #2
Ou de l'utiliser consciemment.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Oui, oui, oui. Ça, c'est une ressource quand même intéressante à utiliser de temps en temps. Super. Écoute, merci. On se retrouve encore pour un épisode où on va parler de l'entourage, alors des personnes qui ont peut-être des traumas ou pas, ou si dans votre entourage, vous avez l'impression qu'il y a quelqu'un qui n'est pas bien, comment est-ce qu'on peut réagir, y réagir le moins mal possible ou le mieux possible, quelque part.
- Speaker #2
À très vite.
- Speaker #0
Si vous suivez ce podcast, n'hésitez pas à le partager à d'autres personnes auxquelles vous pensez qu'il peut faire du bien.
- Speaker #2
Merci à vous !