- Speaker #0
Bonjour, vous écoutez le podcast de Virage. On vous donne des pistes pour aller de l'avant, parfois à contre-courant. Si face à un problème, vous vous êtes déjà dit, j'ai tout essayé, je ne sais plus quoi faire, vous êtes au bon endroit. Je suis Marina Blanchard, psychologue, formatrice et fondatrice de Virage. Mon école s'inscrit dans la lignée de sel de Palo Alto, c'est-à-dire de la thérapie brève systémique. Aujourd'hui, je suis avec Sébastien, Sébastien Baffré, qui a 24 ans. et qui va nous éclairer, me donner le point de vue des jeunes. Je suis ravie d'échanger avec lui pour avoir justement cette vision différente. Bonjour Sébastien.
- Speaker #1
Bonjour Marina.
- Speaker #0
Je suis contente de te retrouver pour parler d'une situation qui nous a été confiée par une auditrice qui s'appelle Karine. Et Karine nous consulte parce que son fils, donc évidemment il s'agit de jeunes, puisque c'est là et souvent c'est autour de ça qu'on parle. Enfin, nos sujets tournent. Karine est inquiète parce que son fils de 28 ans, en fait, est constamment branché sur l'écologie et anxieux par rapport à l'avenir de la planète.
- Speaker #1
Ah oui, je vois ce que c'est le terme. Il y a beaucoup de jeunes qui sont touchés par ça. Voilà,
- Speaker #0
on parle d'écoute. Voilà, exactement. Oui, c'est un sujet très actuel qui a évidemment tout à fait lieu d'être parce qu'effectivement, c'est une vraie réalité. Maintenant, voilà, Karine, ce qui l'inquiète, c'est que son fils, c'est comme s'il avait mis... entre parenthèses sa vie, tout est un peu à l'arrêt, il a un boulot mais il n'est pas satisfait. En fait, il a cherché un boulot qui pouvait contribuer à sauver la planète, si on peut dire. Et il trouve que là où il est, c'est trop administratif, c'est pas satisfaisant, c'est pas assez efficace. Il n'a pas l'impression de ne pas avoir d'impact. Voilà, c'est ça, exactement.
- Speaker #1
Au final, tout va dans la mauvaise direction. C'est un peu fataliste, la mentalité aussi, parfois, de se dire, ok, c'est fini, dans 20 ans, tout le monde est mort.
- Speaker #0
justement lui pense pas ça il se dit il faut faire des choses mais il ne sait pas trop quoi et d'après Karine il trouve que c'est jamais assez quand il fait quelque chose je pense pas qu'il soit fataliste de ce que j'ai compris mais probablement et à mon avis c'est ce qui elle parle aussi d'un peu de déprime et probablement qu'il y a des moments où il doit se dire en fait c'est foutu et donc comme tu dis à ce moment là il donne le fatalisme ... Et un peu tomber dans la déprime. Et puis après, il se dit, mais non, il faut faire, etc. Mais il ne sait pas trop quoi faire.
- Speaker #1
Il est éraillé entre les deux un peu aussi, de se dire, OK, ce que je fais n'est pas assez, comme tu le disais avant.
- Speaker #0
C'est ça. Et donc, l'idée, ce serait peut-être d'aider Karine à trouver des pistes, parce qu'elle... Bon, je lui ai demandé ce qu'elle essayait de faire. Elle dit qu'elle essaye de le secouer, de lui dire, mais attends, regarde les beaux côtés de la vie, etc. Et ça, je pense que c'est important. Et voilà, c'est peut-être intéressant de... de le dire, qu'en faisant ça, je pense que Karine part évidemment de bonnes intentions et que ça peut marcher, mais si vraiment il est dans l'anxiété ou dans quelque chose un peu plus déprime, plus on va essayer de lui montrer le beau, plus lui va se faire argumenter le moche, ou enfin justement tout ce qui l'inquiète, d'autant plus qu'il est très nourri par des médias, il est beaucoup sur Youtube, et...
- Speaker #1
Moi j'ai l'impression que si ma mère ou quoi me disait ça... On me disait maintenant on regarde les beaux côtés de la vie, ça va, écoute, il y a encore des choses qui sont belles, et que toi tu es nourri par des choses qui te disent qu'en fait il y a telle population de pingouins qui est en train de mourir, tu te dis que c'est beaucoup plus grave et que l'os n'est pas au courant. Donc j'ai l'impression que c'est ça aussi, moi dans ma tête, ça serait ça, et te dire voilà, ça sert à rien ce que tu me dis maman, je veux pas voir les beaux côtés des choses, sachant que c'est horrible, tout le monde va, on fonce dans le mur complètement.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, exactement. Et ce qu'elle dit, c'est que du coup, lui, il se renchérit encore avec toutes les horreurs qu'il a vues, lues, entendues. Et donc, elle a l'impression que ça ne marche pas du tout. Parce que quand elle fait ça, il en rajoute des couches,
- Speaker #1
presque. Et après, il est encore plus déprimé.
- Speaker #0
Après, sans doute qu'il est plus déprimé ou plus anxieux, puisqu'il a revalidé et repassé partout pour convaincre sa maman. C'est ça. du négatif, il repasse par le négatif. Donc je pense que ça, c'est peut-être quelque chose de précieux à entendre, c'est de se dire, quand on a quelqu'un auprès de nous qui est dans quelque chose de négatif, que ce soit d'ailleurs l'éco-anxiété ou autre chose, vouloir le convaincre du positif risque de l'amener à argumenter, à sur-argumenter le négatif, et donc à s'en convaincre encore un peu plus.
- Speaker #1
Mais dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait alors ?
- Speaker #0
C'est ça, alors, Karine, moi j'aurais tendance à dire à Karine, de dire à son fils s'écoutent si tu as envie d'en parler, je suis là. et de voir l'écouter vraiment parce que c'est seulement quand il s'en dira complètement écouté qu'il aura moins besoin de tout le temps déversé l'action etc s'il a le sentiment que sa maman a pris conscience des dangers pour la planète je pense qu'il va moins de voir les serres augmenter tout le temps ce qui va être soulageant peut-être pour la maman mais aussi pour lui en fait il va moins tout le temps entre d'essayer de parler de ça. Et puis, je pense aussi peut-être voir avec lui dans quelle échelle, dans quelle mesure ils peuvent, ils peuvent être actifs. Il y a un peu l'idée du colibri, je ne sais pas si tu vois.
- Speaker #1
Très bien, de Pierre Rabhi.
- Speaker #0
Oui, de Pierre Rabhi, bien vu.
- Speaker #1
Exactement. C'est un peu dur, je trouve, parce que... Quand tu te penses à ça, enfin oui, moi je connais bien l'histoire du colibri qui va éteindre le feu en faisant une petite goutte et le pélican qui ne fait rien. C'est ça. Pour répéter l'histoire. Mais en même temps, là c'est ça, tous les pélicans ne font rien. Et du coup, toi, ta petite goutte, est-ce qu'elle va vraiment avoir de l'impact ? Et donc, c'est ça que tu dis, il y a la tête de l'enfant, et du coup, la maman qui va l'écouter. Mais après, l'enfant, une fois qu'il aura tout déversé, ça ne va rien changer.
- Speaker #0
La question après, ça va être quelle action on peut faire dans notre mesure.
- Speaker #1
Pour ne plus être stagnant.
- Speaker #0
Pour ne plus être stagnant, parce qu'autant au moins faire quand même quelque chose, même si c'est dans une mesure limitée, et même si effectivement, les pélicans, on pourrait prendre l'image des politiciens, ils n'en font certainement pas assez pour ce jeune. J'imagine qu'il se dit, oui, c'est incroyable, il n'y a pas assez d'énergie qui est mise pour sauver cette planète. Je pense, c'est se dire, en tout cas, c'est en faisant, c'est tous les petits gestes que chacun fait, font, qui vont ralentir des choses. Mais c'est vrai que, bon voilà, il ne va pas sauver la planète tout seul, ça c'est vrai. Mais ne pas le faire va le rendre encore plus malade.
- Speaker #1
Oui, c'est ça en fait. Mais du coup, je me dis, moi, à la place du jeûne, ce que j'aimerais bien faire, c'est plutôt faire des choses qui ont un impact concret.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Dans mes mains. Oui. Oui. Parce que souvent... Moi j'ai des connaissances qui travaillent peut-être dans la décarbonation. Oui oui oui. Et en fait ce qui est horrible, ce paradoxe, c'est que tu fais des choses bien, tu décarbones des entreprises, mais tu ne vois pas le concret. C'est juste du CO2 qui est insensible à l'oeil.
- Speaker #0
Oui oui c'est ça, évidemment.
- Speaker #1
Qui est en moins en plus, donc tu ne sais même pas vraiment ce que tu fais. J'ai l'impression que du coup, mais après peut-être que ce jeune il fait autre chose, je ne sais pas ce qu'il fait, mais par exemple dépolluer une rivière,
- Speaker #0
là tu as quelque Je suis devenu... Oui, oui, oui, c'est ça, de voir vraiment du résultat, même voir la faune qui reprend ou la flore, etc. Et avoir tout à fait engagé dans des...
- Speaker #1
Et donc tout ça, après, peut-être qu'il le fait déjà et du coup peut-être qu'il est encore stagnant et qu'il a quand même ce truc fataliste et qu'il a quand même encore besoin d'en parler.
- Speaker #0
Oui, non, ce que j'ai compris, c'est qu'il faisait pas... Il était plutôt... Il est, je crois, dans une association qui, effectivement, est au service de la planète. Là, j'ai pas les détails, honnêtement. Mais qu'il trouve qu'il y a beaucoup d'administratifs, il y a beaucoup... Donc un peu comme tu dis, il n'y a peut-être pas de traces visuelles de ce qu'il fait, ou de traces expérientielles, j'ai envie de dire, et qu'il contribue parce qu'en faisant telle chose, ça aide à ce que... Mais il n'est pas en train d'enlever la pollution et de la prendre dans les mains, ou avec une pelle ou je ne sais pas quoi, et de nettoyer. Et donc peut-être qu'effectivement, ça pourrait être intéressant pour lui. Et ça peut aussi ne pas... Et ça, je pense que c'est important, ça n'est pas obligé d'être son job, ça peut être à côté, parce qu'il peut se dire, voilà, mon job me permet de gagner ma vie suffisamment que pour partir, je ne sais pas moi, faire ça en Amazonie et aller aider. Et donc, le fait de gagner de l'argent peut être du sens, peut prendre sens du coup par son job, pour faire autre chose, pour mettre cet argent dans un projet, ça peut être aussi ça, parce que... Et tu as raison, je trouve que c'est intéressant de se dire, peut-être chercher des traces visuelles, ou des traces en tout cas, avoir l'impression de marquer une face dans ce combat écologique, qui a tout à fait son sens évidemment. Et je pense que c'est ça, c'est important, c'est que la maman puisse aussi le rejoindre dans le sens que ça a, et peut-être aussi voir elle, est-ce que lui attend des choses de sa part ?
- Speaker #1
En fait, c'est ça que je me dis, dans un premier temps, la Karine, parce que c'est pour elle que la situation est compliquée. Oui,
- Speaker #0
son fils souffre apparemment, mais oui, en tout cas,
- Speaker #1
oui. Elle est malheureuse de le voir souffrir. Donc, comme tu disais, d'abord de l'écouter. Et après, j'ai l'impression que tu me proposes aussi d'être proposée des activités, peut-être, avec lui.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
D'avoir du sens pour lui.
- Speaker #0
Soit de proposer des activités, soit de même lui dire qu'est-ce que tu me proposes de faire, moi ? Oui,
- Speaker #1
c'est ça.
- Speaker #0
Du haut de, je ne sais pas quel âge elle a, mes 50 ans, peut-être, je n'en sais rien. Du haut de mes 50 ans, qu'est-ce que tu imagines que je pourrais faire ? Et de nouveau, être acceptée aussi. Les limites,
- Speaker #1
quoi. Oui, voilà. Moi, je n'ai pas encore d'enfant ni rien, mais pour une femme qui a 45 ans ou quoi, il faut mettre de côté son humilité et se dire, OK, mon fils a raison, j'y vais. Oui,
- Speaker #0
mais je pense que ça, quand même, oui, ça, moi, ça me semble accessible. Maintenant, la question, c'est aussi l'humilité par rapport à la planète, quoi. C'est ce qu'on peut faire aussi. Donc, c'est de l'humilité à plusieurs niveaux. Mais moi, je pense demander à son fils, en se disant, il est plus spécialiste que moi là-dedans. Mais en tout cas, ce qui sera intéressant, c'est voir avec lui, comment il peut même peut-être regarder avec lui l'un ou l'autre documentaire sur YouTube et tout ça, et puis se dire avec lui comment est-ce qu'on peut transformer ça en action, mais dans une mesure qui sera évidemment frustrante, évidemment limitée. Il y a un peu une acceptation aussi de la limite de ce qu'on peut faire, de notre pouvoir, notre pouvoir d'action. Et ça, je pense que c'est vraiment le travail. Bon, ça peut-être son fils devrait être accompagné pour le faire, mais vraiment le travail à faire. Pour moi, dans l'éco-anxiété, c'est de pouvoir reconnaître la justesse de cette anxiété-là, mais après de pouvoir aussi reconnaître les limites de nos possibilités d'action et pouvoir vivre avec le fait, comme on le fait tous, parce que toi et moi, c'est aussi que la planète, elle ne va pas très bien, mais pouvoir vivre malgré ça et avec ça en se disant qu'on fait dans nos...
- Speaker #1
Dans ce qu'on peut faire, dans ce qu'on a du possible. Et après tout ça, imaginons que Karine a fait toutes ces actions qu'on lui propose, donc l'écouter, imaginons que son fils, en fait, il est toujours déprimé, qu'il, même après ses actions, il est quand même engrainé par son algorithme, ce qui lui montre des choses horribles, en fait. Oui,
- Speaker #0
tout à fait.
- Speaker #1
Est-ce que tu conseillerais d'aller voir, alors, peut-être un psy ?
- Speaker #0
Oui, alors moi, je le ferais consulter. En fait, idéalement, à un moment donné, peut-être qu'il faudrait qu'il constate que l'algorithme, comme tu dis, lui montre des choses horribles qui le rendent encore plus impuissant, encore plus mal, et que peut-être à un moment, il faudra couper avec ça. Mais ça, je pense que ce n'est pas sa maman qui peut lui dire, regardez ça, parce que ça n'a pas du tout marché, il va être furieux, il va dire, toi tu es inconsciente, tu t'en fous, etc. Je pense que ça, ça ne peut pas venir à sa mère, mais je pense que ça peut être un travail avec un psy qui peut lui faire prendre conscience que plus il regarde ça, plus il est mal, plus il se sent impuissant, ça ne change rien au monde. Au contraire, même regarder des vidéos, ça consomme encore, on pourrait dire ça. Mais j'ai envie de dire vraiment, oui, et ça je pense que c'est quelque chose de quand même important, et j'ai envie d'élargir même le sujet là, en disant quand on regarde des trucs en boucle et qu'on a l'impression qu'en fait chaque fois que je vois ça, ça me fait du tort, à un moment donné il faut pouvoir arrêter, même si le sujet m'intéresse, mais quelque chose qui m'intéresse et qui me fait du mal, parfois il vaut mieux que je m'y intéresse un peu moins. surtout quand il y a de l'impuissance il y a vraiment cette notion de jusqu'où c'est utile que je regarde ces vidéos alors si je passe à l'action derrière la vidéo et que ça me permet de bouger, de faire des choses c'est très bien, si je les regarde en boucle on me sent de plus en plus mal, de plus en plus coincé, de plus en plus déprimé et de moins en moins actif parce que j'ai même plus l'énergie d'y aller Et même, j'ai envie de dire, ça pollue la terre sans l'aider. C'est aggravant, c'est aggravant. Voilà, je ne sais pas si on aura répondu à Karine.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
on l'espère. On l'espère, on l'espère. Et je te souhaite une bonne fin de journée.
- Speaker #1
Merci à toi aussi. A la prochaine.
- Speaker #0
Au revoir. Vous pouvez aussi nous suivre sur Instagram, sur la page Virage Thérapeute Brèl. On vous y retrouve très vite.