- Speaker #0
Bonjour Sandrine, on est ravis de t'accueillir sur notre podcast. Donc tu es Sandrine Donzel, je vais un peu te présenter avant de te donner la parole. Et tu es donc psychopraticienne en France, donc entre Lyon et Chambéry,
- Speaker #1
tu me corriges si je me trompe. C'est ça,
- Speaker #0
c'est ça. C'est juste, chouette. Et tu reçois aussi en distanciel, voilà, surtout des parents, d'autres situations aussi. c'est comme un sien familial surtout Maintenant, tu as d'autres spécialités peut-être que je ne connais pas ?
- Speaker #1
Alors non, c'est vrai que je suis bien spécialisée sur la famille, l'accompagnement parental. Forcément, quand on touche à la famille, j'accompagne aussi pas mal de couples. Et puis, il m'arrive de faire du coaching professionnel et aussi j'ai beaucoup d'accompagnements qui tournent autour du burn-out, souvent d'ailleurs familial, parental.
- Speaker #0
Ah oui, ok, super. Donc, c'est le burn-out, même le burn-out professionnel. Oui, voilà, aussi. Ok, super, j'en apprends encore sur toi. Et pourtant, ça fait longtemps qu'on se connaît quand même. On travaille toutes les deux avec ce fameux modèle systémique de Palo Alto que maintenant, normalement, les auditeurs de ce podcast connaissent un peu puisque, voilà, j'en parle. Le podcast s'appelle « Des pistes pour avancer autrement » parce qu'effectivement, l'idée, c'est de proposer des pistes concrètes pour... réagir autrement quand on se retrouve face à un problème. Donc, a priori, on réagit comme on veut, mais une fois que ça ne marche pas quand on essaye, ça vaut la peine d'essayer autre chose. Et c'est un peu ça ce qu'on va essayer de proposer. Et on a choisi ensemble de parler de la culpabilité. On aurait pu prendre plein de sujets, mais la culpabilité... Et en fait, c'est pas mal parce que, comme tu es spécialiste des burn-out aussi, c'est quand même quelque chose qui est aussi présent dans les personnes qui se retrouvent en burn-out. Et donc, voilà, je pense que c'est chouette de pouvoir en parler avec toi. donc alors Donc l'idée, c'est de se dire, justement, quand on se sent coupable, alors il y a déjà deux situations. Il y a des situations où on se sent coupable de manière, parce qu'on a vraiment fait une connerie. Puis il y a quand même pas mal de gens qui se sentent coupables sans avoir rien fait de mal, quelque part. Est-ce que tu es d'accord avec ça ? Oui, je suis.
- Speaker #1
Je suis d'accord avec ça et j'allais dire, c'est très très bien de se sentir coupable quand on a fait une connerie et qu'on a fait du mal à quelqu'un, parce que c'est la culpabilité qui va faire qu'on va aller peut-être s'excuser, essayer de réparer le mal qu'on a fait. Donc ça, c'est le côté très positif de la culpabilité. C'est important de ressentir de la culpabilité. Donc moi, je suis toujours un peu embêtée quand j'entends ces injonctions à arrêter de culpabiliser. D'abord, ce n'est pas possible. C'est difficile. On ne choisit pas. C'est ça. Et puis, la culpabilité, c'est quand même une très jolie émotion. C'est l'émotion qui nous amène à prendre soin des autres, à faire attention aux autres. Donc, ce serait dommage de s'en passer.
- Speaker #0
Exact. Oui, moi, je pose souvent la question, je dis, imaginez que Poutine ait de la culpabilité, qu'est-ce que ça changerait ? Ou imaginez qu'Hitler en ait eu. Et je trouve que ça recadre bien quand même l'utilité, effectivement, de cette fameuse culpabilité. qui, comme tu le dis très justement, est un peu diabolisée.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Elle est assez mal vue dans beaucoup de domaines. Alors, particulièrement, il y a beaucoup d'injonctions faites aux femmes, mais l'injonction à arrêter de culpabiliser en est une. Et ça m'embête beaucoup.
- Speaker #0
Oui, d'autant que, comme on le disait, l'émotion vient. Mais du coup, effectivement, quand on a cette émotion qui vient, comme tu le dis justement, en fait il faudrait l'écouter quelque part pour pouvoir s'excuser, réparer, c'est ça que tu disais ?
- Speaker #1
En tout cas, on peut ressentir de la culpabilité quand on a réellement fait quelque chose de problématique. Donc ça vaut le coup de se dire à quelle attente, implicite ou explicite, est-ce que je n'ai pas répondu ? qu'est-ce que j'ai fait de problématique, qu'est-ce que je pense avoir fait de problématique qui génère cette culpabilité. Et ça, ça permet déjà aussi de prendre du recul sur est-ce que vraiment j'ai fait quelque chose que je pense mal ou pas ?
- Speaker #0
C'est justement ça qui est difficile. Est-ce que vraiment j'ai fait ou pas quelque chose de mal ? Alors, c'est un peu là que j'aurais envie de te questionner. Comment est-ce savoir, d'après toi, enfin j'ai un peu une idée, mais je trouve que c'est intéressant d'avoir ton avis, savoir si on a fait quelque chose de mal vraiment ou si c'est juste une mauvaise culpabilité, une fausse culpabilité qui nous fait nous sentir coupables alors qu'en fait, on n'a pas du tout mal fait. Si tu veux, je prends un exemple. Oui,
- Speaker #1
vas-y, prends un exemple.
- Speaker #0
Je vais te faire un exemple concret. Par exemple, je me sens coupable parce que mon mari me dit que je ne m'occupe. je ne prends pas assez de temps avec lui, que je ne suis pas assez avec lui, etc. Et donc je me sens coupable. Mais en fait, de l'extérieur, je dirais objectivement, on pourrait se dire que cette femme-là, non, en fait, elle prend du temps, elle fait des trucs, elle est disponible. Maintenant, peut-être que pour lui, c'est jamais assez. Mais comment, de la place de la femme, savoir ?
- Speaker #1
Alors déjà, moi, je trouve qu'il y a un élément intéressant à regarder. OK, il me dit qu'il faudrait que je passe plus de temps avec lui. Si je le fais, est-ce qu'effectivement... Il me remercie et il trouve que c'est chouette que j'ai fait l'effort et ça baisse ses attentes, etc. Ça veut dire que sans doute, c'était entre guillemets une vraie culpabilité. Si quand je le fais, c'est encore jamais assez et qu'il y a encore un autre truc et encore un autre truc et que je me retrouve à me dire, ah ben oui, c'est encore pas assez, il faut encore que je fasse un effort supplémentaire, etc. Là, c'est probablement qu'il y a un problème. et que c'est une attente.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
c'est ça. C'est ça, c'est ça. Et là, il y a le piège du toujours plus avec la culpabilité. C'est-à-dire que ce que je vois souvent chez les gens qui sont piégés par leur culpabilité, c'est qu'ils répondent aux attentes. Et ils se disent, ben voilà, c'est chouette, ça fait de moi une chouette personne, j'entretiens une bonne relation, etc. Mais les personnes en face ne deviennent pas moins exigeantes ou plus sympas avec elles. Elles deviennent au contraire plus exigeantes. C'est ça, elles ne montrent pas de satisfaction. Et en fait, c'est aussi une question de limite. C'est-à-dire que la personne dépasse ses propres limites, fait des choses, des efforts supplémentaires. Et l'autre en face n'en montre pas de reconnaissance quelque part. Et en rajoute, recontinue à donner. demander et la personne qui se sent coupable, finalement, quelque part, parfois, espère qu'à un moment donné, elle va en faire suffisamment pour que l'autre dise, mais c'est bon, j'arrête de demander. Bon, ben, souvent, c'est pas ça qui arrive, en fait.
- Speaker #0
C'est ça. Donc, ça voudrait dire qu'en se disant, est-ce que, en fait, je me sens coupable ? Est-ce que, en fait, vraiment, je suis coupable ou pas ? Je vais écouter ma culpabilité qui me dit, je devrais faire ça plus ou je devrais faire ça moins, enfin, voilà. je m'adapte en fonction de ma culpabilité et selon que ça s'apaise parce qu'en fait je vois que en face que j'ai plus cette demande ou ces reproches parce que souvent ce sont les reproches qui nous font nous sentir coupables, alors si ça s'apaise, c'est qu'en fait c'était ok c'est vrai que sans doute je ne donnais pas assez ou sans doute que je faisais trop ça ou trop ça, enfin que les reproches étaient justifiés, si par contre les reproches se maintiennent, j'entre dans un jeu malsain quelque part enfin est-ce que tu es d'accord de dire ça ? Oui C'est... un genre relationnel malsain quelque part, où l'autre me pompe tout ce que je peux donner, m'épuise, parce qu'il joue sur cette culpabilité, il me manipule, pourrait-on dire, avec cette culpabilité, consciemment ou tout à fait inconsciemment, parce que ça peut être complètement inconsciemment, je ne suis pas en train de dire qu'il y a un méchant, mais c'est un jeu à deux, où plus la personne coupable donne, plus l'autre demande, puisque ça vient, je continue à demander, etc. On peut tous être... d'ailleurs des deux côtés, mais du coup, c'est intéressant, je trouve, parce que c'est vraiment en agissant qu'on va savoir mieux juger si ce que je ressentais était quelque part juste ou pas juste. Exactement. Imaginons, je me rends compte alors que cette culpabilité, en fait, que l'autre est insatiable, que la demande est persistante et qu'il y a une insatisfaction permanente, qu'on continue à me renvoyer des reproches et des messages qui... Du coup, continuer à me culpabiliser dans un premier temps, là, je me dis, non, en fait, je ne suis pas coupable. Et donc ? Parce que je fais quoi, alors ? Parce que du coup, on sort un peu de la culpabilité, mais quand même, oui.
- Speaker #1
En fait, la culpabilité, elle nous pousserait à donner toujours plus. Et toute la difficulté, c'est que quand on se rend compte qu'en donnant toujours plus, il n'y a plus de limite, c'est-à-dire que l'autre est un peu entretenu dans son confort. Et finalement, considèrent que ce qu'on fait, alors ça, on le voit souvent avec les ados, ils considèrent que ce que font leurs parents, c'est normal. Et que si les parents continuent à faire des efforts, faire des efforts, ils dévalorisent complètement. En fait, ils ne voient pas pourquoi on leur refuse. Voilà. Bon, bref. Et là, on est confronté souvent à poser ses limites ou exercer une autorité. ça implique de faire vivre à l'autre quelque chose qui n'est pas très agréable pour lui. Et c'est souvent ça qu'on essaye d'éviter en faisant des efforts. C'est là qu'elle est la culpabilité. Quand je pose une limite, quand je dis non, ça, ça ne va pas être possible pour moi. Ben oui, c'est désagréable pour l'autre, il n'a pas envie d'entendre. Ça lui serait beaucoup plus agréable que je lui dise, mais oui, bien sûr, il n'y a pas de problème.
- Speaker #0
Bien évidemment, bien évidemment. Et donc, c'est ce qui fait d'ailleurs que lui va essayer de repousser sur le bouton de la culpabilité et que nous, on va devoir barricader ce bouton-là, en fait.
- Speaker #1
C'est ça, c'est ça. En tout cas, bien se préparer au fait que l'autre va probablement, encore une fois, faussairement… pas méchamment, pas de façon mal intentionnée, mais parce qu'il y a un certain confort, un certain bénéfice à le faire. Donc, il va rappuyer sur ce bouton-là et ça va être important d'être préparé à « c'est possible que ça me fasse culpabiliser, mais si je ne veux pas me laisser reprendre dans cette dynamique qui peut me mener, on parlait de burn-out tout à l'heure, qui peut me mener à l'épuisement ou au burn-out, je vais devoir apprendre peut-être à dire un peu plus non et à donner moins. » un discours Je dis souvent à mes patients et à mes patientes, surtout, c'est vos noms qui donnent de la valeur à vos « oui » , mais je crois t'avoir entendu dire ça déjà.
- Speaker #0
Oui, oui, mais je suis complètement d'accord avec ce que tu dis. Je trouve ça intéressant, tu le dis autrement. Je trouve que c'est justement intéressant de l'entendre comme ça. Et effectivement, c'est le fait de pouvoir, quelque part, mettre ses limites qui fait que ça devient appréciable quand on les enlève ou quand on les… on les franchit, quoi, exactement. Et donc, je trouve que c'est très intéressant, parce que ça veut dire que quelqu'un, si on devait retenir quelque chose de cet épisode, pour quelqu'un qui, régulièrement, se sent coupable, surtout, est-ce qu'on pourrait dire, Sandrine, que c'est surtout dans une relation avec une même personne qui me fait régulièrement me sentir coupable, que je peux plus me poser la question, en fait, de cette culpabilité, est-ce qu'elle est juste ou pas ?
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Est-ce qu'on peut... pas tellement dire de manière générale. Alors, souvent, on voit les mêmes mécanismes dans différentes relations, mais je trouve que c'est plus efficace, si on veut se sortir de ce cercle vicieux-là, de le regarder relation par relation. Comment ça se passe avec mon enfant numéro un, mon enfant numéro deux, avec mon mari, avec mon chef, avec mes collègues, avec mon amie Martine, avec mon amie Sophie, avec, etc., etc., avec la boulangère. Ça, on est vraiment sur des choses spécifiques, on peut s'entraîner, on peut faire des choses très précises, très concrètes, qui sont plus aidantes, je trouve.
- Speaker #0
C'est ça. Et donc, pour chaque relation, se dire, voilà, je donne encore une fois parce que je me sens coupable, mais maintenant, si cette fois-ci, c'est quand même encore pas assez, le problème, il est chez l'autre ou dans la relation, mais ce n'est pas en fait moi qui ne donne pas assez. Parce que finalement, c'est ça, en fait.
- Speaker #1
Exactement. L'important,
- Speaker #0
comme prise de conscience, c'est de se dire, ce n'est pas ma faute. c'est bien le terme pour la culpabilité. ce n'est pas ma faute si l'autre n'est pas satisfait. C'est peut-être, alors ça peut être un peu ma faute parce que j'ai trop donné avant et que donc je l'ai habitué à quelque chose. Mais donc, ça veut dire que si je veux l'aider à être plus satisfait, il faut que j'arrête de donner.
- Speaker #1
Exactement. Quelque part.
- Speaker #0
Exactement. C'est un peu une manière de pouvoir avoir, alors je ne dis pas qu'on change l'autre, mais une emprise en tout cas sur la satisfaction de quelqu'un d'autre, c'est de prendre conscience et cette idée du non qui donne la valeur au oui, c'est que finalement, Pour que l'autre soit plus satisfait, il faut que je lui donne moins. Parce que du coup, quand je vais lui donner, ça va être plus satisfaisant pour lui. Et moi, je vais me sentir moins coupable en permanence dans une relation d'insatisfaction finalement réciproque.
- Speaker #1
Exactement, exactement, exactement. Je donne souvent un exemple aux gens. Je leur dis, en fait, si vous dites oui tout le temps, il y a forcément un moment où ce n'est pas possible parce que vous avez deux contraintes en même temps. Vous ne pouvez pas vous couper en deux. Et donc, vous dites oui, puis après, vous revenez sur vos oui. Non, finalement, ce n'est pas possible. Ou alors, vous faites moins bien et ce n'est pas au top. Et quand vous faites moins bien ou que vous ne faites pas, les gens, ils sont déçus. Alors que si vous apprenez à dire peut-être, plutôt que dire oui par défaut, vous dites non par défaut. Mais que vous revenez en disant, écoute, je t'ai dit non, mais finalement, ça va être possible. Je vais pouvoir te rendre ce service, je vais pouvoir. En fait, les gens, ils ne sont pas déçus, ils sont super contents.
- Speaker #0
Oui, oui, tout à fait. Tout à fait, c'est clair. C'est une belle fin pour l'épisode parce que je trouve que c'est super. C'est vrai qu'apprendre à dire non pour revenir avec un oui, plutôt que dire oui pour revenir avec un non, il n'y a pas photo. Moi, je préfère quelqu'un qui me dit non et puis qui tout d'un coup me dit « Ah, finalement, j'ai pu. » Ça donne l'impression que je suis très importante, la personne a fait un effort, elle a essayé, etc. Et donc, elle me donne deux fois plus que la personne qui me dit oui et puis qui me dit non. Et là, il y a une déception. et ancrée. C'est une toute autre attente. Et effectivement, c'est un très bel exemple. C'est une très belle illustration. Je te remercie en tout cas. Et je te propose qu'on se retrouve pour un épisode supplémentaire parce que je trouve que ça vaudrait la peine quand même de centrer un peu le sujet sur la culpabilité des parents, des mamans, peut-être plus que des papas, mais enfin encore que, les papas aussi peuvent se sentir coupables. Et donc, sans reparler, on se retrouve dans un prochain épisode tout bientôt. Ça te tente ?
- Speaker #1
Eh bien, avec grand plaisir.
- Speaker #0
Super. Écoute, alors à très bientôt, Sandrine.