- Speaker #0
Bonjour, vous écoutez le podcast de Virage. On vous donne des pistes pour aller de l'avant, parfois à contre-courant. Si face à un problème, vous vous êtes déjà dit, j'ai tout essayé, je ne sais plus quoi faire, vous êtes au bon endroit. Je suis Marina Blanchard, psychologue, formatrice et fondatrice de Virage. Mon école s'inscrit dans la lignée de sel de Palo Alto, c'est-à-dire de la thérapie brève systémique. Aujourd'hui, je suis avec Sébastien, Sébastien Baffré, qui a 24 ans et qui va nous éclairer, me donner le point de vue des jeunes. Je suis ravie d'échanger avec lui pour avoir justement cette vision différente. Bonjour Sébastien.
- Speaker #1
Bonjour Marina.
- Speaker #0
Voilà, on se retrouve aujourd'hui pour ne pas s'ennuyer. Tant mieux. Parce que l'idée aujourd'hui c'était de parler des jeunes qui, et peut-être des moins jeunes aussi parfois, qui ne supportent plus l'ennui, qui très vite saturent dans un boulot, qui ont besoin d'activité, etc. et qui du coup cherchent un peu tout le temps la dose d'adrénaline suivante.
- Speaker #1
Oui, c'est un sujet qui est très actuel aussi. Je ne sais pas si c'était comme dans les générations d'avant, mais autour de moi, même moi, on a toujours envie d'avoir quelque chose à faire. C'est un peu excitant. Je ne me vois pas faire une journée chez moi seul sans rien foutre. Je veux toujours avoir de la dopamine, chercher un truc à faire. Et dès que je n'en ai plus... Ça fait un peu peur, je ne sais pas si c'est à cause des réseaux sociaux, des téléphones ou quoi, mais il y a un peu ce truc qui est existant.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Et donc, c'est vrai qu'il y a pas mal d'adultes, je parlais avec une DRH il n'y a pas très longtemps, donc une directrice ressources humaines, elle me disait, oui, les jeunes, ils changent très vite de boulot, ils en veulent toujours plus, etc. C'est vraiment pas évident. Il y a une espèce d'insatisfaction qui est très présente. Dans ma génération, on a cette impression que les jeunes sont beaucoup insatisfaits. Je ne sais pas si toi, tu...
- Speaker #1
Oui, mais j'ai entendu justement une statistique là-dessus. C'est que 62% des jeunes belges envisageaient de changer de boulot.
- Speaker #0
Ah oui, c'est ça.
- Speaker #1
Parce que justement, c'est quand même une grosse partie. En fait, tout le monde... Comme si, comment dire, dès qu'il y a des choses qui nous irritent un peu dans notre boulot, ou qu'en fait... On n'est pas complètement heureux dans ce qu'on fait, mais on va vite changer. Parce qu'on nous a quand même bassiné depuis qu'on est petit. En tout cas, moi, dans mon environnement, tes jeunes profitent, ils font ce que tu veux dans la vie. Il y a des gens de 50 ans qui faisaient des burn-out, qui me disaient, mais non, moi, je n'ai pas assez fait la fête quand j'étais jeune. Et il y a un peu ce truc de se dire, ok, nous, alors ok, on les écoute. Moi, mon job, il y a telle partie...
- Speaker #0
Et puis, c'est chouette d'entendre. Fais-toi plaisir, il y a pire.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. et du coup ben euh Dans mon job, il y a 70% de mon job qui me fait chier. J'ai l'impression que je n'ai aucun impact. Je vais tout de suite changer. Je ne vais pas me poser la question de... Je m'en fous du reste.
- Speaker #0
Alors que c'est vrai que l'ennui peut être une phase à un moment donné. D'abord, dans tous les jobs, il y en a. Moi, je trouve que j'ai un métier passionnant. Mais quand je fais mon administratif, quand je dois retrouver pour la compta mes factures et tout ça, c'est super ennuyeux. Mais... Ça fait partie du job d'entrepreneur. J'ai un peu l'impression que cette notion-là d'ennui, je ne sais pas si toi tu l'expliques, tu dis qu'il y a eu les messages. Peut-être qu'effectivement le burnout, qui s'est quand même beaucoup multiplié, fait peur plus, et que du coup on a cette impression que... Oh, si je suis dans un boulot qui ne me convient pas, il ne faut pas que je me fasse enfermer dans ce boulot.
- Speaker #1
Et tout de suite, je change,
- Speaker #0
moi. Je change, oui, c'est ça.
- Speaker #1
Mais moi, je ne sais pas. Personnellement, moi, quand j'étais... Je ne sais pas si ça peut expliquer ça, mais c'est vrai que depuis qu'on avait comme une enfance fabuleuse, en tout cas pour moi, ça dépend de chacun, évidemment, mais dans un des environnements où il y avait de l'argent, etc. Et du coup, on recevait quand même des jouets super sympas. Et quand tu rentrais de l'école, tu avais même des jeux vidéo pour certains. tu avais toujours des activités à faire en permanence chez toi. Donc moi, je n'avais pas besoin d'aller dehors, en fait. Oui,
- Speaker #0
avec les vidéos et Internet, c'est infini.
- Speaker #1
En plus, c'est infini, c'est ça. Et même rien que j'ai tout le temps des jouets. Je me souviens d'être à l'école et d'avoir toujours... Je sais que je vais rentrer, je vais pouvoir jouer à tel truc. Et je vais pouvoir m'amuser à l'infini chez moi. Et j'ai toujours des envies. Et quand on devient adulte, après passer l'adolescence, tu as de moins en moins d'envies vraiment... Comment dire ? procure de la dopamine ou du plaisir vraiment puissant. Et du coup, ben oui, effectivement, tu trouves moins de sens à... Enfin, tu veux quelque chose qui soit super chouette, quoi. Dans ton job, t'es vraiment... plein de dopamine,
- Speaker #0
un truc qui te donne de l'énergie tout le temps alors qu'en fait la plupart des jobs c'est être parfois devant son bureau et faire des trucs assez classiques t'as pas appris à t'ennuyer en fait t'as pas eu des moments où c'est vrai que moi je me rappelle enfant m'ennuyais à certains moments parce qu'on avait pas internet a ouvert une espèce de comme je disais, d'infinies ressources. Nous, ça n'existait pas. Donc moi, si à la télé, on regardait des trucs, c'était bien. Mais quand c'était fini, c'était plus l'heure où il y avait des trucs pour nous, il n'y avait plus à la télé. Donc il fallait trouver d'autres activités. Donc on avait des jouets aussi. J'ai aussi grandi dans un milieu plutôt favorisé. Je n'ai pas du tout le plan, mais je pense que c'est vrai. Parfois, on était dehors dans le jardin, il fallait trouver une activité, un truc à faire. Ça nous tombait peut-être moins du ciel. J'ai l'impression que les jeunes d'aujourd'hui ont eues. Une enfance où ça tombait un peu du ciel. Oui,
- Speaker #1
c'est ça. Et donc... Oui, c'est ça. Imaginons que je suis un jeune de 25 ans. J'ai changé quatre fois de job parce que j'ai fait des études assez classiques. J'ai fait sciences économiques, on va dire. Et voilà, en fait, ça ne me plaît pas du tout. Et je reste insatisfait dans ma vie. Qu'est-ce que tu conseillerais à des gens comme ça de faire ? Qu'est-ce qu'ils peuvent faire s'ils ne trouvent plus aucun plaisir dans ce qu'ils font ? Il n'y a plus rien qui les maintient en vie de plaisir, à part manger peut-être ou des choses comme ça basiques.
- Speaker #0
En fait, c'est intéressant parce que déjà, tu mentionnes le mot plaisir comme si c'était l'objectif en soi.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai.
- Speaker #0
Et c'est peut-être pas toujours l'objectif d'un job, en fait. Alors, je me rends bien compte qu'aujourd'hui, on a envie de faire un boulot, évidemment, qui nous plaît. Évidemment, ça a tout à fait... Enfin, moi, je respecte tout à fait, et je trouve que c'est génial, cette exigence qu'ont les jeunes de vouloir, justement, un truc qui leur plaît, qui a du sens, etc. Mais il y a un peu une confusion dans « ça me plaît tout le temps » . En fait, on peut avoir un boulot qui a du sens pour nous, qui nous plaît, mais avec vraiment des moments où pendant un mois, on se tape un truc qu'on aime moins, etc. Et donc moi, ce que j'aurais envie de conseiller, c'est de pouvoir accepter cette insatisfaction, accepter l'ennui comme une phase qui passe, en fait. Évidemment, on passe si c'est constant, évidemment, on passe si pendant deux ans, je m'ennuie au boulot, ça n'a aucun sens. voilà mais euh comme une phase, et pas se dire il faut absolument que ce soit, je ne vais pas dire, je ne crois pas qu'ils se disent 100% plaisir tout le temps, mais quand même, je pense que la barre est mise trop haut au niveau du plaisir. Alors, la vie est à la fois un jeu, et en même temps, ce n'est pas tout le temps drôle comme jeu, et pouvoir accepter ces phases-là, en fait.
- Speaker #1
Oui, mais le problème aussi, mais du coup, dans ce cas-là, imaginons que on accepte ça comme une phase, Moi, personnellement, j'ai aussi cette peur de rester calé dans une vie. C'est horrible de dire ça, mais quand tu as eu une enfance superbe ou une période de ta vie qui est superbe, de se dire, ok, maintenant, à partir de maintenant, ma vie, ça va être 50% de phase d'ennui et 50%, j'ai un peu de bonheur. Et du coup, je reste dans mon métier, je ne change pas parce que je suis plus ou moins confortable. Il y a quand même cette peur-là. Oui,
- Speaker #0
pour moi, il y a vraiment cette idée... De ne pas croire, parce que sinon on est fichu en fait, qu'on doit être tout le temps bien. Ça c'est vraiment la base, ne pas croire qu'on doit être tout le temps bien. Maintenant, effectivement, on ne peut pas non plus se dire, j'accepte d'être tout le temps mal ou d'être coincé dans une vie, comme tu dis, qui est les 20% satisfaisante et les 80% je m'ennuie, etc. Donc ça je pense que c'est important d'avoir ces exigences. Mais je pense que c'est le regard qu'on porte sur les choses qui va. pouvoir faire changer aussi. Je pense que si on a la barre très très haut, etc., on ne va jamais trouver cette vie satisfaisante. Et donc, même si on se dit, je ne veux pas être dans une vie qui ne soit pas satisfaisante, si on veut trop, trop, trop du positif, forcément qu'on va être déçu. Et donc, je pense que c'est important de se dire, voilà, moi j'accepte tel degré de difficulté, de contrarité, de pesant, d'ennui. Maintenant, Je pense qu'on est aussi responsable, nous, de mettre du plaisir dans l'ennui, d'essayer de donner du sens. Et moi, j'avais lu un jour, et ça m'aide, moi justement, quand je fais mon administratif qui m'embête vraiment, pour rester polie, je me dis, quel est le sens de cet administratif ? Et donc, en fait, il ne faut pas confondre ennui et sens. Et ce n'est pas parce qu'on s'ennuie dans quelque chose que ça n'a pas de sens de passer par là. Et moi, je me dis, ça a du sens, cet administratif, c'est pour... que mes trucs soient en ordre, ma comptoir soit en ordre, que je continue à avoir le label de qualité que j'ai pour mon entreprise, des choses comme ça. Et donc, ça redonne du sens et ça permet d'accepter l'ennui. Et donc, je pense que c'est cette confusion-là qui aujourd'hui, j'ai l'impression, est parfois présente. C'est, je confonds un job qui a du sens et un job qui est plaisant. Et on peut avoir du sens sans être... plaisant tout le temps et je pense qu'on peut chercher le sens et c'est important de garder l'idée que ça doit avoir du sens ce que je fais et ça peut être simplement le sens de gagner ma vie et comme on disait dans un épisode précédent du coup mettre cet argent là au service de vacances satisfaisantes ou de voilà donc ça peut être juste ce sens là mais retrouver le sens ça c'est important mais je pense que l'ennui on peut tous se retrouver à un moment ou à un autre à faire un truc qu'on a moins envie de faire et ça Bien sûr. Si on ne l'accepte pas. Donc c'est vrai que moi, mon conseil pour un jeune qui se dirait « il faut que ma vie reste aussi excitante que mon enfance l'a été » , je pense que c'est évidemment de trouver un job qui lui colle le mieux possible. De trouver un lieu de vie qui lui plaise, qui n'a pas que le job. Un lieu de vie, je vis à la campagne, donc moi je suis contente d'aller voir, moi par exemple si je parle de moi, je suis contente d'aller voir les tomates qu'on a plantées. voir où elles en sont, si on a des qui deviennent rouges, qu'on peut les prendre. Et ça, pour moi, ça fait partie de ma vie et de choses. Alors, c'est évidemment pas excitant, peut-être comme un jeu vidéo, ça donne pas la même dopamine, mais quand même, c'est du plaisir et ça nourrit.
- Speaker #1
En fait, être excité par ses passions à côté de la vie et essayer de les nourrir de plus en plus à l'aide de son travail.
- Speaker #0
Voilà, c'est ça. Moi, je pense qu'il faut combiner les deux et pas tout balancer dans le travail, parce qu'on sait que c'est quelque chose qui, à moyen et à long terme... peut-être, ne donnera pas assez de sens, mais essayer d'avoir des patients aussi à côté. Et donc, on est responsable aussi du sens qu'on met dans notre vie. C'est quelque chose que j'ai dit souvent aux patients, quand ils me disent, voilà, je cherche le sens de ma vie. Je dis, en fait, les philosophes qui ont cherché le sens de la vie, ils ont dit qu'ils n'en avaient pas, puisqu'on meurt à la fin. Mais par contre, on peut en donner nous, et ça, chacun, on ne va pas donner le même sens, toi ou moi, on n'a pas forcément les mêmes actions qui vont pour nous avoir du sens. quoi. Et donc ça, je pense que c'est important.
- Speaker #1
C'est important. Mais du coup, en fait, j'ai l'impression que c'est plus facile de se dire, moi, ça donnerait beaucoup plus de sens si je travaillais pour moi. C'est-à-dire que j'étais en tant qu'entrepreneur, tu vois. Se dire, j'ai un projet à moi. Et comme tu disais, la compta, là, ça a du sens. Mais c'est vrai que quand tu travailles dans un job pour un employé, pour une grosse boîte, c'est plus dur à trouver ce sens-là. Et donc là, le seul sens qui te reste, c'est le sens de gagner sa vie.
- Speaker #0
Ça peut, mais tu peux quand même te dire, voilà, je travaille pour un produit qui me plaît, et ce produit, même si c'est dans une grosse boîte, une multinationale, mais qu'on travaille sur un produit, alors je vais prendre un exemple, parce que ça me parle, j'ai une approche, la chaux, voilà, la chaux, c'est un beau produit, c'est un beau produit, c'est un produit bio, naturel, qui a plein de facultés, qui aide au traitement des fumées, enfin, dans plein de choses comme ça. et donc Je trouve que ça a du sens si c'est un produit qui est porteur, qui contribue quelque part. Et donc même si j'ai un tout petit rôle dans cette entreprise-là, je me dis que pour moi c'est plus facile de se dire que je contribue à la production de la show que je contribue à la production d'armes. Mais peut-être pour d'autres personnes ça a du sens parce que les armes... J'ai un ami qui est militaire, il dit que l'armée c'est insupportable pour moi quand j'entends des gens qui critiquent l'armée parce que... L'armée, elle est là pour protéger les citoyens, elle est là pour permettre... Et ça a du sens. Et donc, lui, il travaille dans l'armée et il trouve beaucoup de sens là où d'autres, certainement, vont dire « Oh, il travaille dans l'armée, moi, ça n'a aucun sens pour moi. » Et je pense que c'est vraiment personnel et c'est chouette qu'on n'ait pas tous les mêmes objets qui nous portent et nous donnent du sens. Voilà, donc, écoute, Sébastien, merci.
- Speaker #1
Merci à toi pour ton expertise.
- Speaker #0
J'espère que ça donne quelques pistes et on se retrouve bientôt. Au revoir. Merci de votre écoute. Ça nous encourage de voir le nombre d'écoutes qui augmente de semaine en semaine. Donc, nous vous remercions du fond du cœur et nous espérons vous retrouver très bientôt.