- Speaker #0
Bonjour et bienvenue à tous dans le podcast de Virage. Je m'appelle Valentin Ausha et comme toutes les semaines, je suis en présence de Marina Blanchard. Marina qui va nous parler aujourd'hui de Jérôme, prénom d'emprunt. Jérôme a 45 ans et s'accroche à son travail qu'il aime et n'a pas envie de perdre malgré un épuisement manifeste.
- Speaker #1
Bonjour, vous écoutez le podcast de Virage. On vous donne des pistes pour aller de l'avant, parfois à contre-courant. Je suis Marina Blanchard, psychologue, formatrice et fondatrice de Virage. Mon école s'inscrit. dans la lignée de sel de Palo Alto, c'est-à-dire de la thérapie brève systémique.
- Speaker #0
Marina, Jérôme, 45 ans, est manager dans une entreprise pharmaceutique. Jérôme travaille beaucoup et il aime son travail, mais depuis quelques semaines, voire quelques mois, il fait face à un épuisement.
- Speaker #1
Oui, Jérôme se retrouve dans une situation assez malheureusement classique aujourd'hui. Beaucoup de personnes se retrouvent dans cette situation où ils aiment ce qu'ils font. Ils sont très engagés, ils ont envie de très bien faire, parfois même ils sont perfectionnistes, mais ils sont en tout cas dans une recherche de ne pas décevoir les autres, ni soi-même d'ailleurs, et de rester efficace et utile au maximum, donc de tout donner. Et quand on donne tout, on se vide doucement. Et donc Jérôme se retrouve dans cette situation où il sent que l'épuisement est là, et en même temps, il n'est pas vraiment prêt à lâcher, parce qu'il se dit qu'il a peut-être encore un peu de jus qu'il peut aller chercher quelque part. Même s'il dit lui-même « j'ai plus de jus » , c'est intéressant.
- Speaker #0
Oui, on voit qu'on est vraiment typiquement dans une sorte d'affrontement interne entre la volonté, le rationnel, les réflexes naturels et logiques pour quelqu'un qui est très jusqu'au boutiste, et puis le message qui est envoyé par son corps, qui est en porte-à-faux, en tout cas en contradiction, avec vraiment la vision du monde et la volonté. Comment, du coup, dans ce cas-là, Jérôme a-t-il tendance à réagir face à cet épuisement ?
- Speaker #1
Mais du coup, il s'accroche, donc il se force, il s'efforce, il va aller puiser au bout du bout de ses ressources, et évidemment, il s'abîme, il s'use, et progressivement, le fait, j'ai envie de dire, même plus il va continuer à puiser, plus il s'use et il se fatigue, et donc quand il vient consulter, alors ça dépend de quel Jérôme on parle, mais ici, dans ce cas-ci, Jérôme vient tard, certaines personnes vont venir plus tôt. mais ne vont pas être prêtes à lâcher non plus. Ici, Jérôme vient tard et à la fois il dit qu'il n'a plus de jus et à la fois il dit qu'il doit continuer, qu'il ne peut pas s'arrêter. Alors finalement, ce qui le fait, je pense, basculer, c'est le fait de lui remettre la responsabilité dans les mains par un choix qu'on appelle nous l'alternative stratégique, qui est une alternative entre continuer à faire comme il fait, c'est-à-dire continuer à se vider, à s'épuiser, jusqu'au moment, avec évidemment pour conséquence les mêmes conséquences que maintenant, donc plus il s'épuise, plus il se fatigue, plus il se donne, plus il s'épatique et plus il s'épuise, ou, et c'est l'autre branche de l'alternative, choisir de se reposer pour mieux rebondir après, pour pouvoir prendre le temps de récupérer, ce qui a un coût à court terme, puisque ça veut dire qu'il doit avoir un certificat, il doit annoncer à son boulot qu'il renonce. momentanément, mais je veux dire qu'il se met en arrêt de travail, ce qui n'est pas forcément facile pour tout le monde.
- Speaker #0
Oui, c'est même contre-nature dans son cas précis. Dans ce cas-ci, tu l'as laissé là-dessus en fin de séance pour illustrer quelque part, lui redonner, comme tu dis, sa responsabilité. Comment cette tâche, comme on l'appelle en thérapie brève systémique, s'est-elle déroulée ? Et dans quel état et avec quelles intentions as-tu retrouvé Jérôme en seconde séance ?
- Speaker #1
Alors, il revient en disant qu'il a pris. que son médecin l'a arrêté. Donc il a été voir le médecin et il a arrêté de travailler. Mais du coup, il se sent ultra culpabilisé. Il se sent mal de ne pas être à son boulot, etc.
- Speaker #0
Oui, et quelque part, c'est cohérent. C'est un peu un réflexe naturel pour quelqu'un qui a décidé de faire un choix aussi contre nature de s'en vouloir.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Malgré le fait, en plus, que ça avait été bien accueilli dans son entreprise, contrairement à toutes ses attentes. Et donc ça, c'était aussi intéressant de mettre en avant ... Le fait que malgré... En fait, dans ces tentatives de régulation, il y a le fait de continuer la lutte et d'y aller malgré que je n'ai plus de force, et puis aussi de cacher aux autres, évidemment, que je n'ai plus de force, parce qu'il y a une forme de honte pour certaines personnes, entre autres ici, pour Jérôme, c'est un peu la honte de se montrer faible, de se dire je suis un peu au bout du rouleau, et du coup, c'est vrai que c'est intéressant de voir que... L'annoncer, finalement, en fait, je pense que les autres, moi je pense vraiment que les autres le voient parfois même avant la personne elle-même, et donc que son N plus 1 n'était pas choqué, étonné, et ça a été accordé très facilement, enfin accordé, ça n'est pas le choix, mais je veux dire, c'était sans problème. Mais du coup, le problème, c'est que Jérôme ne s'est pas arrêté pour autant, parce que c'est quelqu'un qui est dans l'action, c'est quelqu'un qui a très peur de se sentir inutile, et donc voilà, c'est vraiment quelqu'un qui doit faire des choses. pour se sentir peut-être existé aussi, et du coup, qui a continué à en faire beaucoup.
- Speaker #0
Ah oui, c'est ça, donc Jérôme s'arrête de travailler, c'est une chose, mais Jérôme ne s'arrête pas pour autant.
- Speaker #1
C'est ça, exactement, exactement.
- Speaker #0
Et donc, Corollaire... quasiment inévitable dans certains cas, continue à s'épuiser.
- Speaker #1
Mais oui, et donc il se retrouve, il a beau avoir arrêté de travailler, j'ai envie de dire, il n'est pas plus reposé quand je le revois, il est avec cette culpabilité de je dois retourner, je ne peux pas m'arrêter quand même, je ne vais pas quand même me mettre au lit pendant la journée, enfin voilà, des choses comme ça. Alors que oui, alors là, moi je travaille souvent sur l'axe de, d'abord, pourquoi vous êtes en congé, vous pensez, pourquoi vous avez un congé de maladie, c'est pour faire des choses. Et là, pour certaines personnes, et entre autres pour Jérôme, qui avait un sens du devoir, etc., je dis que c'est un peu honteux, en fait, de faire d'autres choses pendant votre congé, alors que vous avez un congé, votre médecin, il vous le donne pour vous reposer, et vous ne respectez pas le médecin.
- Speaker #0
Ah, mais tu retournes l'argument.
- Speaker #1
Voilà, un peu, oui. De la culpabilité, que soi-disant, je dois faire des choses. Je dis, ben, en fait, non. Quand on est payé pour ne rien faire, c'est pour ne rien faire, et ce n'est pas pour faire d'autres choses. Donc ça, quand même, je trouve qu'il y a pas mal de personnes de ce style-là, ce sont des gens qui veulent très bien faire qui veulent être dans Et donc, ça fonctionne pas mal.
- Speaker #0
C'est vraiment une façon de s'attaquer au cœur de la tentative de régulation.
- Speaker #1
Oui, oui.
- Speaker #0
C'est vraiment de prendre, et là, on est déjà dans un 180 degrés.
- Speaker #1
C'est ça. En fait, on s'attaque un peu au moteur qui est la culpabilité, qui amène toujours à faire plus, plus, plus. Il faut recadrer quelque part cette culpabilité. Et puis, moi aussi, je mets en avant le fait qu'est-ce qu'il ne se sentira pas plus coupable de continuer à forcer, et du coup... de se retrouver, je ne sais pas moi, hospitalisé en psychiatrie, arrêté pour deux ans au lieu de pour quelques mois, pour essayer de l'aider à accepter cet arrêt, en fait, et ce repos qui peut, qui est même la seule manière de se rebooster, de repartir quelque part au boulot après.
- Speaker #0
Il y a toujours un risque dans ce cas-là pour le thérapeute qui est en face de lui, c'est un peu la volonté de, quelque part, forcer malgré lui, le patient à s'arrêter. C'est compliqué. parfois contre-productif.
- Speaker #1
Oui, et c'est pour ça que c'est toujours important d'aller sur... C'est pour ça que je parlais de responsabilisation au début. Toujours aller en mode questionnement. Est-ce que vous préfériez, finalement, continuer et vous retrouver peut-être à l'hôpital psychiatrique, mais au moins vous saurez que vous avez tout, tout, tout donné ? Ou bien est-ce que vous préférez vous arrêter maintenant pour reprendre, peut-être un peu plus tôt, en sachant que vous êtes peut-être arrêté effectivement à un moment où vous pourriez encore, peut-être qu'en pressant vraiment le citron, je dirais, il y aura encore un peu de doute. de gouttelettes de jus qui vont sortir, mais à un moment donné, le citron, je ne vais pas dire qu'il va être à jeter, mais il va falloir beaucoup plus de temps. Et donc, ça, c'est un peu à vous de choisir. Et donc, c'est important, c'est très important ce que tu amènes, Valentin, parce que c'est vraiment important que ce soit la personne qui choisisse et que ce ne soit pas nous comme thérapeute, comme coach, qui voulons imposer notre manière de voir les choses. C'est important que nous, on reste dans le non-vouloir et pas se dire, il faut que la personne s'arrête. parfois il faut même se dire, moi je m'en fiche, il s'arrête ou il s'arrête pas, c'est lui qui décide, mais on lui amène quand même les conséquences qu'il a tendance à ne pas regarder, en fait, s'il craque vraiment, vraiment, vraiment. Parce que très souvent, en plus dans des situations de burn-out comme ça, en fait, après qu'un jour j'ai l'impression d'aller un peu mieux, je recommence un peu à redonner du jus, et en fait je retombe, et je retombe plus bas à la limite, et je suis encore plus découragée, je me dis comment est-ce que je vais... remonter, voilà, même en me reposant 15 jours, je ne suis pas arrivée. Oui, parce que si on a poussé loin, il faut beaucoup plus que 15 jours, malheureusement.
- Speaker #0
Merci Marina, belle conclusion pour cette séance et à la semaine prochaine.
- Speaker #1
À la semaine prochaine. Si vous avez aimé cet épisode et que vous souhaitez nous le faire savoir, mettez-nous 5 étoiles. Vous pouvez aussi nous rejoindre sur le site www.virageaupluriel-consultationaupluriel.com pour avoir d'autres pistes pour avancer. autre mieux. A bientôt !