- Nathalie
Je reçois à nouveau en interview Cloé Neher, psychopraticienne, présidente de la merveilleuse association Les Déesses Sucrées, pour nous parler des troubles des conduites alimentaires, autrement dit les TCA. Je vous rappelle chers auditeurs que vous pouvez retrouver la première interview de Cloé dans l'épisode 20 du podcast. Bienvenue sur le podcast Vivre le diabète à la recherche de l'équilibre. Je suis Nathalie, diabétique de type 1 depuis février 2010. Je m'adresse à toi qui viens de déclarer un diabète, à toi qui es diabétique de type 1 ou de type 2, ou à toi qui es en pré-diabète. Je m'adresse également à toute personne désireuse de savoir ce qu'est le diabète vu par une patiente diabétique. Je te laisse maintenant avec l'épisode du jour.
- Dastri
Dans la vie, il y a des moments qui piquent et des objets qui piquent. Mais on pourra toujours compter sur les boîtes Dastri. La boîte jaune pour éliminer ce qui pique en sécurité. La boîte violette pour recycler ce qui pique quand c'est connecté. Dastri, des boîtes pour la vie.
- Nathalie
Bonjour Cloé, je suis heureuse de te recevoir à nouveau en interview.
- Cloé
Bonjour Nathalie, merci beaucoup pour cet espace de parole, je suis ravie aussi.
- Nathalie
Alors Cloé, peux-tu te présenter ?
- Cloé
Alors, je m'appelle Cloé Neher, j'ai 32 ans, je vis avec un diabète de type 1 depuis mes 14 ans, donc ça va faire bientôt 18 ans. J'ai écrit un livre sur ma maladie, donc un témoignage psycho-émotionnel sur le diabète de type 1 dans le quotidien du jeune femme de 14 ans, adolescente. Puis j'ai créé l'association nationale Les Déesses Sucrées, dont tu es toi-même ambassadrice pour la Corse. Et pour aller plus loin dans ma volonté d'aider mes pairs et mes semblables, je me suis totalement reconvertie et je suis devenue psychopraticienne en thérapie brève. Et je m'occupe tout spécifiquement d'accompagner les personnes vivant avec un diabète de type 1 ou de troubles des conduites alimentaires.
- Nathalie
Peux-tu nous expliquer ce qu'on entend par troubles des conduites alimentaires, autrement dit TCA, en général, et chez les personnes atteintes de diabète de type 1 ?
- Cloé
Eh bien en fait, les troubles des conduites alimentaires, c'est une pathologie psychologique, on parle vraiment d'une maladie mentale. Et en fait, tout simplement, elle se caractérise, cette pathologie mentale, par des préoccupations extrêmes concernant le poids, la forme, l'alimentation et ou l'image corporelle. Donc ça, c'est vraiment le haut de l'iceberg. Et en réalité, c'est tout simplement l'expression d'une souffrance qui utilise la nourriture comme support. Et ce n'est pas un choix, en fait, c'est la meilleure solution à cet instant-là pour les personnes qui sont en souffrance et qui ont ce trouble. Effectivement, ces préoccupations mènent à des comportements qui sont perturbés et malsains pour les personnes, parce qu'il s'agit de restrictions ou au contraire de prises alimentaires excessives, de jeûne, de comptage des calories, de vomissements, d'utilisation abusive de laxatifs et ou d'activités physiques. excessives, ce sont des comportements qui gravitent autour de certains de ces troubles. Et puis, ça altère totalement le fonctionnement physique, psychologique et social d'une personne. Et en général, on peut se parler d'une perte de contrôle du comportement, ce qui entraîne une grande souffrance et un isolement.
- Nathalie
Quels types de TCA sont les plus fréquents chez les patients ?
- Cloé
Donc, on a parmi les plus connus l'anorexie. Il y en a de plusieurs sortes. Donc il y a l'anorexie mentale restrictive, ce sont des personnes qui mangent très très peu. Il y a aussi l'anorexie vomitive, ce sont des personnes qui ont un fonctionnement anorexique et qui en plus se font vomir sans qu'il y ait de crise de compulsion. Il y a l'anorexie boulimie, ce sont des personnes qui se restreignent et qui ont des décompensations ensuite sur la nourriture, des crises et des purges ensuite. Donc il y a à la fois restriction et compulsion alimentaire suivie d'une purge. Quand on se parle de purge, c'est vomissements ou laxatifs. Et puis, il y a aussi l'anorexie dépressive. C'est quand la dépression qui est déjà là va mener vers une perte d'appétit et donc la personne, dans la perte de poids finalement, trouve de la complaisance et de la satisfaction. Donc en fait, l'anorexie, c'est majoritairement ça, mais il y a aussi deux types un peu moins communs, comme l'anorexie mentale masculine. Donc ce sont des hommes, et souvent des jeunes hommes d'ailleurs, qui sont à la recherche d'un corps musclé et sec. Et puis il y a aussi l'anorexie mentale prépubère. Donc ici il y a moins d'obsessions corporelles, mais il y a plus de plaintes somatiques fonctionnelles en fait. C'est-à-dire que le corps est synonyme de plus de douleurs et de gênes et d'inconforts. Et puis il y a des comorbidités de type anxieuse, comme parfois les métophobies, c'est-à-dire la peur de vomir. Et la néophobie, c'est l'horreur de la nouveauté, en fait. Grosso modo, l'anorexie, c'est une peur morbide de prendre du poids, de devenir gros, et ou un désir de maigrir, qui est couplé à une grande insatisfaction corporelle. Et donc, ça se traduit par une forte restriction des apports énergétiques et une restriction cognitive, c'est-à-dire beaucoup de privations en lien avec une frustration qui se chronicise, si tu veux. Ensuite, tu as donc la boulimie. On peut se parler de boulimie avec purge. Donc quand je parle de purge, même si c'est un terme qui n'est pas forcément tout le temps apprécié, en fait, moi, je parle de vomissements ou de laxatifs qui font suite à la crise de compulsion. Et puis, il y a aussi la boulimie sans purge, c'est-à-dire que ces personnes-là, après la crise de compulsion, justement compensent via une activité sportive poussée et extrême parfois. Ou par le biais du jeûne, en fait, c'est-à-dire en se privant de nourriture pour limiter un petit peu les dégâts engendrés par la crise de compulsion. Et en fait, qu'est-ce que c'est qu'une crise de boulimie ? C'est tout simplement l'ingestion d'une énorme quantité de nourriture en très peu de temps. Donc, on peut vraiment se parler de gavage, c'est presque du gobage, avec une perte totale de contrôle, c'est-à-dire qu'il y a aucune notion de plaisir, c'est très automatique, très robotique. Et donc du coup, a posteriori, il y a vraiment cette tension, cette douleur qui amène la personne à la volonté de se purger ou de compenser. Donc ces crises-là, généralement, elles arrivent en face d'un stress, soit en réponse à un stress, soit par anticipation d'un stress. Et puis il faut savoir que ça requiert une organisation logistique qui est colossale. L'impact financier, il est vraiment, vraiment important aussi parce que ça coûte de l'argent. Et puis, en fait, il y a aussi cette honte qu'on peut ressentir de se faire subir ça, en fait. Une honte assez gigantesque à l'idée d'échouer face à ces exigences de perfection qui souvent sont en toile de fond et qu'on s'impose. Il faut savoir que l'action de se gaver, de manger beaucoup pendant les crises, c'est un moyen pour la personne de sentir son corps, de se sentir vivante. Et le côté très néfaste de ce genre de comportement, le vomissement derrière la purge par le biais de vomissement, a un impact physiologique qui peut être très grave au niveau de l'immunité, des hormones, des organes. Ensuite, tu as l'hyperphagie. L'hyperphagie, ce sont des crises de compulsion alimentaire. comme dans la boulimie, mais il n'y a pas de purge, ni de compensation. C'est-à-dire que la personne garde tout ce qu'elle a ingéré à l'intérieur d'elle-même. Donc en fait, là aussi, on vient manger tout ce qui est mangeable pendant les crises, sans recherche de goût, sans recherche de plaisir. C'est vraiment une pure alimentation émotionnelle qui vient agir en pansement face à une souffrance qui peut être existentielle en fait. Il y a des grandes tensions internes, et en fait, cette prise alimentaire, en fait, elle intervient comme un doudou pour se sentir apaisée, exister, en fait. Elle fait office d'anesthésiant d'une souffrance intérieure qui est insupportable. Et puis ensuite, tu as l'orthorexie. Donc l'orthorexie, c'est une obsession qui est maladive, en fait, pour l'alimentation parfaite et saine. Ce sont des personnes qui passent beaucoup, beaucoup de temps à planifier, à préparer leur repas, à lire les étiquettes. Elles ont des listes d'aliments autorisées et interdites. Elles ont des règles rigides qu'elles suivent de manière très stricte. Et puis du coup, elles ont très peur des aliments qui ne sont pas préparés dans des conditions qui sont optimales, dans des conditions hygiéniques parfaites. Et puis si elles viennent déroger à leurs règles alimentaires, ces personnes-là peuvent se sentir vraiment en proie à de la culpabilité, de la honte et de l'anxiété. Et puis tu as un trouble alimentaire qui est très spécifique au diabète, notamment de type 1, donc la diaboulimie qui est une contraction entre diabète et boulimie. Il s'agit tout simplement en fait d'une omission ou d'une diminution donc drastique, volontaire, consciente de l'insuline dans le but d'atteindre l'hyperglycémie et donc de perdre du poids. C'est-à-dire qu'on a donc un schéma de restriction dans le quotidien. des compulsions alimentaires et une auto-restriction insulinique. Et ça, en fait, c'est le moyen de compenser pour la personne. Pourquoi ? Parce que finalement, la mise en place du traitement par insuline, elle induit forcément une reprise de poids suite au diagnostic du diabète. Et certaines personnes ayant une obsession liée au poids utilisent ce biais de contrôle de leur masse corporelle, en fait. C'est-à-dire qu'elles surfent sur la carence induite. volontairement en insuline pour perdre du poids. Voilà. Ensuite, il y a d'autres types de troubles des conduites alimentaires. Je ne vais pas les expliquer ici, mais il y a le mérycisme, il y a la potomanie, il y a les arfides, les phobies alimentaires, le night eating disorder, il y a le grignotage perpétuel. Et puis, on peut aussi se parler du mâché-recraché, dans les troubles les moins médiatisés, les moins communs.
- Nathalie
Et les personnes diabétiques, en fait, elles peuvent avoir toutes ces formes-là ? que celles liées vraiment au diabète.
- Cloé
Oui, tout à fait, bien sûr. En ayant un diabète de type 1, on peut aussi, bien sûr, être touché par l'anorexie mentale, par l'hyperphagie et par la boulimie. Bien sûr, la diaboulimie est très spécifique au diabétique. En revanche, on peut souffrir d'un autre type de comportement alimentaire, de troubles du comportement alimentaire en étant diabétique.
- Nathalie
Et est-ce que ces troubles apparaissent plutôt chez les femmes en général ?
- Cloé
Oui, tout à fait. Si tu veux, on va se parler un petit peu chiffres maintenant. On sait aujourd'hui du coup, entre 0,3 et 1,5% de la population de diabétiques de type 1 souffrent d'anorexie mentale. Donc ça, c'est à peu près pareil que pour la population normale. Il y a 1% à 2% des diabétiques de type 1 qui souffrent de boulimie. Et ça, donc, c'est plus que la population normale et entre 6 et 7 % des diabétiques de type 1 souffrent de diaboulimie. Intéressant aussi, on a 13% a priori d'adultes DT1 qui souffrent d'orthorexie. Et 81% d'enfants et d'adolescents diabétiques de type 1 qui en souffrent aussi, d'orthorexie. Donc tu vois, c'est vraiment des chiffres parlants. Il y a d'autres types de TCA plus atypiques, qui représentent 4 à 8% de la population de diabétiques de type 1. Donc ce sont des personnes qui... Parfois, se font vomir, parfois utilisent des laxatifs ou des diurétiques. Parfois, on recourt à des régimes restrictifs, des périodes de jeûne, de l'activité physique excessive ou des excès alimentaires après une hypoglycémie. Par exemple, c'est beaucoup plus fréquent tout ça que pour la population générale. Et pour répondre à ta question, du coup, en fait, il y a des études qui montrent que 10% des adolescentes qui vivent avec un diabète de type 1 ont un diagnostic de TCA. versus donc 4% de la population adolescente normale. Les jeunes femmes qui vivent avec un diabète de type 1 ont deux fois plus de risques de développer un TCA. Et on sait que 30 à 40% des filles en fin d'adolescence et parfois des jeunes femmes sautent ou diminuent parfois délibérément leur dose d'insuline pour contrôler leur poids. Donc pourquoi ça touche plus le sexe féminin ? Alors déjà, de manière générale, les TCA, ils concernent 20% des femmes et 15% des hommes en France. 90% des personnes touchées par les TCA sont des femmes. Donc ça, c'est ce même sens parlé de diabète. Et puis pourquoi ? Tout simplement parce qu'on a cette éducation qui est empreinte d'injections sociétales. On a été élevés et éduqués avec ces standards de beauté qui incitent à la minceur. Le rapport qu'on a à notre poids, il est profondément lié au contrôle. C'est-à-dire qu'on nous responsabilise, on nous hyper responsabilise même sur la gestion de notre poids. On a cette idée qui persiste encore aujourd'hui, que la femme doit être mince pour être désirable, que la femme doit être mince pour être crédible dans la société. Et du coup, le surpoids, il peut être perçu comme une faiblesse, en fait. Ça, c'est très inhérent, surtout au sexe féminin. Et puis le diabète, si je refais un pont avec le diabète, en fait, le diabète, il touche le rapport au corps et au poids. En fait, il vient majorer l'obsession autour du... contrôle du poids. Et ce qui est formidable, c'est qu'on a un outil à disposition, la restriction de l'insuline. C'est-à-dire qu'on peut utiliser notre traitement pour avoir l'influence sur notre poids, tout simplement. Il faut savoir que la source des TCA, en fait, elle gravite autour de trois thématiques. Elle prend vraiment racine dans trois thématiques très importantes. L'alimentation, le poids et l'image de soi et le diabète de type 1, en fait. il fragilise ces trois piliers dans la vie d'une patiente. Donc, ça pourrait expliquer qu'il y ait plus de troubles des conditions alimentaires chez les femmes que chez les hommes, en fait.
- Nathalie
Et les facteurs psychologiques et sociaux augmentent plus pour un diabète de type 1 que pour une personne non diabétique. C'est ce que tu es en train de nous dire.
- Cloé
Ben ouais, si tu veux, je peux te parler un petit peu plus de cette prévalence. Du coup, pourquoi le diabète de type 1 peut en fait majorer ou peut donner naissance aux troubles des conduites alimentaires, en fait, il y a plein de trucs dont il faut parler. Déjà, la maladie chronique et sa charge mentale ont de forts impacts psychologiques dans la vie. C'est-à-dire que les diabétiques de type 1, aujourd'hui, on sait qu'ils ont deux fois plus de chances de connaître un épisode de dépression modérée à sévère que la population générale. Donc, ça vaut aussi pour le développement d'un trouble, en fait, pathologie mentale. J'aime à dire que le diabète, il abîme. Le soi aussi, il abîme l'individu dans le sens où quand il arrive, il agit comme un marteau qui donne un grand coup dans l'individualité. On peut ressentir un sentiment qui se situe à la croisée entre l'abandon, la trahison, l'injustice. On a envie de demander à notre corps, mais purée, pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu me laisses ? Pourquoi tu me lâches ? Donc on a un rapport de corps qui se complexifie. Parfois, on a peur, on a envie de se venger. Et du coup, on utilise le contrôle comme stratégie de défense, comme mécanisme de protection pour essayer de retrouver de la souveraineté et du pouvoir. Et donc, on a aussi, à l'annonce du diabète, parfois une perte de confiance en soi, une baisse drastique de l'estime personnelle. Donc, ça peut aussi donner naissance à ce genre de troubles, si tu veux. La charge mentale dans le diabète, elle pèse très lourde. très lourds, tu le sais mieux que personne, le fait de penser nuit et jour à ses glycémies, d'anticiper chaque activité, de devoir changer, recharger ses dispositifs médicaux, prévoir de quoi se resucrer, gérer le ravitaillement en pharmacie, planifier, préparer ses rendez-vous médicaux, bref, il y a beaucoup de choses qui saturent l'espace mental, et du coup parfois on peut en venir au burn-out, c'est-à-dire qu'on se retrouve investi de manière prolongée dans des situations exigeantes, donc il y a un épuisement physique, émotionnel et mental qui donne lieu à de la frustration, et donc on pète un câble, on pète les plombs et on peut développer des comportements d'auto prise en charge parfois complètement incohérents. Et on remarque qu'il y a deux dérives comportementales possibles dans le diabète de type 1 l'idéal c'est de rester au milieu mais si on s'éloigne vers les extrêmes peut basculer vers la psychorégidité, donc le surinvestissement. Si tu traduis ça sous le prisme des TCA, ce serait plutôt basculer vers une anorexie mentale, une restriction de la prise alimentaire et de la frustration et de la privation. Ou alors, le deuxième choix, la deuxième tangente, ce serait au contraire le sous-investissement, l'abandon partiel ou total du parcours de soins, si tu veux. Et tout ça, qu'est-ce que ça donne ? On l'a dit, ça peut... complètement déformer la relation à l'alimentation. Donc soit elle peut être légèrement troublée ou elle peut vraiment se caractériser et être définie, identifiée comme un trouble des conditions alimentaires. Le comportement sportif, il peut être toxique ou anéanti. Les relations sociales s'en trouvent altérées, que ce soit avec des proches ou les pros de santé ou au travail. Le rapport au corps, t'imagines bien qu'il devient de plus en plus conflictuel avec, eh bien... une image de soi, un amour de soi et un rapport au dispositif qui peut vraiment être très compliqué à vivre. Voilà.
- Nathalie
Et quels sont les facteurs de risque ?
- Cloé
Il faut savoir que, pour nous, l'alimentation, c'est un biais de contrôle. On ne va pas se mentir. C'est-à-dire que le diabète, c'est une maladie de contrôle continu. L'alimentation, elle fait partie du traitement. C'est une variable d'ajustement des glycémies, en fait. Et puis... lorsqu'on prend ça très à cœur et puis qu'on bascule un petit peu vers un comportement toxique, on peut ne plus voir les assiettes que comme des chiffres en fait, comme un amoncellement de chiffres qu'il faut compter et qui vont venir ou pas perturber la glycémie. Du coup on s'éloigne d'une alimentation intuitive, instinctive, on perd nos sensations de faim, de satiété, et puis la notion de plaisir elle s'éloigne de plus en plus, on a du mal à se raccrocher à elle. Il y a une forme de distorsion qui s'installe. On peut se demander, est-ce que je mange pour moi finalement ou est-ce que je mange pour faire plaisir à ma glycémie ? Et puis, il y a cette relation compliquée avec le sucre, puisque le sucre est à la fois un remède et un poison. Et c'est pareil pour l'insuline. En fonction du dosage, ça peut à la fois nous sauver comme nous mettre très très mal. La promotion du régime IG bas, il a pu faire du mal et il peut encore faire du mal aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que manger moins de sucre, manger moins chargé en glucides, ça promet un meilleur contrôle glycémique. Plus de courbes plates, moins de pics, moins de yo-yo, une meilleure hémoglobine glyquée, moins d'insuline, des bolus plus faibles et donc plus de confort. Moins de risques associés à la prise de poids aussi, puisque moins on mange et dans l'imaginaire des gens, moins il y a de chances de prendre du poids. Pourquoi ? parce que notamment il y a encore cette idée très prégnante que l'insuline fait grossir. L'hôpital et les régimes restrictifs aussi, qui ont pu être promus, alors plus trop maintenant, mais il fut un temps, les hôpitaux mettaient vraiment en lumière ces régimes restrictifs pauvres en glucides. Et donc du coup, les soignants, sans parfois en avoir conscience, ils ont pu biaiser et abîmer cette relation qu'on a à la nourriture. Nous incitant, en fait, si tu veux, au contrôle, à la rigidité, à exclure certaines catégories d'aliments, en nous faisant peur du sucre. Puis nous, on s'est aussi acclimatés, habitués à ce discours qui prônait vraiment les régimes pauvres en glucides. Et puis, on a normalisé quelque part la diabolisation de certains aliments et puis on s'est calqué à cette notion d'interdit. Donc du coup, pendant longtemps, les gens adhéraient à ce discours-là. Et puis ensuite, on est passé à l'insulinothérapie fonctionnelle et à une forme d'alimentation beaucoup plus libre. Donc ça, c'est super pour les nouvelles générations, puisque finalement, on nous impose beaucoup moins de restrictions, de privations, il n'y a plus vraiment ces notions d'interdit. Mais pour les personnes qui ont connu l'avant-après, c'est-à-dire les régimes restrictifs, puis l'insulinothérapie fonctionnelle et l'alimentation libre, en fait, cette forme de liberté rendue... Elle a pu, en fait, faire basculer certains vers l'hyperphagie, notamment d'aliments sucrés, si tu veux. Puisque ces aliments-là, ils ont été exclus de l'alimentation, de la diète. Et lorsque, finalement, on y redonne accès, il y a une espèce de vengeance, en fait. On a envie de se venger, de manger du sucre, de compenser un peu pour toute cette frustration qu'on nous a imposée. Et donc, ces personnes-là qui basculent vers l'hyperphagie... sont un peu en proie à des crises de compulsion qui sont parfois extrêmement rapides, qui suscitent beaucoup de honte. Et donc, ces personnes peuvent se cacher, ne pas en parler, ne pas vouloir être vues. Et il faut savoir que la culpabilité vient majorer ensuite le contrôle. Donc, en fait, c'est un cercle vicieux.
- Nathalie
Pourquoi a-t-on peur de l'insuline ?
- Cloé
La peur de l'insuline, c'est aussi un truc très prégnant, c'est une croyance qui a la vie dure. Il y a beaucoup de méconnaissances, de mésinformations autour de ce sujet-là. Ce que je peux t'en dire, c'est qu'il y a certaines personnes qui ont peur de grossir en lien avec la nécessité de traiter une hypoglycémie et donc d'ingérer du sucre. La peur des hypoglycémies, elle peut entraîner un mésusage aussi de l'insuline ou alors des resucrages qui peuvent être inadaptés, beaucoup trop grands et importants. Et puis, on peut aussi se parler de l'insatisfaction liée à la reprise de poids qui est consécutive à l'instauration de l'insuline. Parce que généralement, quand on tombe malade, on a perdu beaucoup de poids à cause de l'état de l'hyperglycémie chronique. Quand on met en place le traitement par insuline, on se regorge d'eau, on reprend forme comme une plante. Et il y a certaines personnes à qui ça ne plaît pas du tout. Donc, il y a cette assimilation, cette... équivalence complexe qui se traduit par l'insuline fait grossir. Voilà, donc ça c'est aussi un truc très important dont il faut parler finalement.
- Nathalie
Quels sont les facteurs psychologiques ou sociaux qui rendent les personnes diabétiques de type 1 plus vulnérables au TCA ?
- Cloé
Et puis, je voulais te citer quelques chiffres aussi intéressants, en fait, issus d'une étude qui a été menée par l'association de Brigitte Ballandras, qui est une psychologue spécialisée sur les TCA et qui connaît très bien le diabète. Donc, elle est présidente d'une asso qui s'appelle Affects et Aliments. Il y a eu une étude menée entre avril 2021 et janvier 2022, avec le soutien d'Allyriane Mazard, que tu connais bien, et Elsa Pardo-Gracia, qui est donc ma binôme sur l'association. C'est une étude qui a été menée anonymement sur Internet. Il y a eu 514 répondants diabétiques de type 1, dont 87% de femmes. On a compris que 62% des personnes diabétiques de type 1 ont eu des problèmes de poids ou de TCA. Parmi ces personnes-là, quasiment la totalité pense que c'est en lien avec le diabète. 88% des participants ont déjà eu l'impression de se priver pour contrôler leur diabète ou leur poids. 89% des participants affirment avoir déjà ressenti de la culpabilité après avoir mangé certains aliments. Et puis 67% affirment se surinjecter de l'insuline volontairement pour pouvoir s'autoriser un plaisir sucré. Voilà. Et puis pour finir, un chiffre impactant aussi, 55% d'entre eux confessent être en souffrance vis-à-vis du diabète et de la nourriture. Je vous ai parlé beaucoup du coup des facteurs et des marqueurs aggravants qui peuvent donner naissance au TCA chez les diabétiques de type 1. Il faut savoir que de manière un petit peu plus globale, il y a d'autres facteurs qui sont importants à identifier ici. Les TCA y trouvent leur source chez des personnes qui généralement ont une grande difficulté à gérer leurs émotions. Et on sait que les émotions, c'est un sujet, notamment pour nous, personnes vivant avec un diabète de type 1, parce qu'il y a à la fois les émotions qui sont suscitées par... la charge mentale et la vie quotidienne avec la maladie. Et puis, il y a aussi des émotions en lien avec des phénomènes physiologiques. Le fait d'être en hypoglycémie, en hyperglycémie, ça met le corps dans des états d'alerte qui viennent avoir des impacts concrets sur le corps. Par exemple, on sait que le cerveau est un grand consommateur de glucose et lorsqu'il manque de sucre, il peut y avoir une altération de la régulation des émotions. Et pareil, ça peut venir... perturber la production et la transmission des neurotransmetteurs. Pareil, ça vient jouer sur l'humeur. Et puis, pareil, le stress qui est induit par les fluctuations glycémiques, il vient perturber l'humeur aussi. Si on se parle de l'hyperglycémie aussi, on sait que l'inflammation provoquée par l'hyperglycémie dans l'organisme peut avoir un impact sur l'humeur, tout comme le stress oxydatif en lien avec un taux de glucose élevé, du coup. Et puis les hyperglycémies qui se chronicisent et qui parfois débouchent sur des complications de différents types ont forcément un impact sur l'humeur et sur la qualité de vie au global. Donc voilà, il y a un lien avec les émotions et avec la manière dont on les gère. Et je refais le lien avec le diabète ici parce que vivre avec un diabète, c'est devoir gérer au quotidien son taux de glycémie et donc ça prend la tête. Il y a beaucoup d'émotions qui peuvent se succéder ou vivre ensemble d'ailleurs. L'anxiété, la lassitude, la fatigue psychologique, la colère, la frustration, la tristesse, l'injustice, la culpabilité, la honte. Tout ça, c'est des choses qu'on peut ressentir. Et malheureusement, les TCA, ils aiment bien ça pour se développer. Il y a des facteurs familiaux aussi. On peut se parler de susceptibilité génétique. Donc on sait qu'il y a des parents, s'il y a des parents proches en fait qui souffrent ou qui ont souffert de TCA, il y a plus de chances que la personne en développe. Il y a des études qui sont toujours en cours d'ailleurs et qui montrent en fait qu'il y aurait des gènes spécifiques en lien avec l'apparition des TCA. Et puis il y a tout ce qui concerne la transmission indirecte, tu sais, des traits de personnalité. Par exemple, les traits de personnalité anxieux, perfectionnistes. Voilà, tout ça, ça se transmet aussi. Il y a des facteurs familiaux autres que ça aussi, comme par exemple, qu'est-ce que c'est que le modèle familial par rapport à ça ? Est-ce qu'il y a des comportements alimentaires problématiques qui se propagent d'un membre à l'autre ? Est-ce qu'il y a des problèmes de communication, des conflits ? Est-ce que l'environnement familial est stressant ? Est-ce qu'il y a eu de la maltraitance infantile ? On sait que malheureusement, les troubles des conduites alimentaires touchent beaucoup les personnes qui ont notamment subi des traumas et des violences d'ordre sexuel. malheureusement. Voilà, si l'enfant est exposé à de l'adversité, à de la violence, à des troubles de l'attachement, qu'il n'a pas réussi à construire des liens sécurisants avec ses figures d'attachement, c'est compliqué et ça peut donner naissance à ce genre de pathologie psychologique. Le surpoids et l'obésité aussi sont des facteurs propices à l'émergence des TCA. Pourquoi ? Parce que généralement, il y a de l'insatisfaction corporelle. On l'a dit tout à l'heure, les normes sociétales valorisent beaucoup la minceur et donc il y a une quête incessante de perte de poids. Chez les personnes atteintes d'obésité ou de surpoids, souvent, malheureusement, il y a une mauvaise estime intra-personnelle, une mauvaise estime de soi en lien aussi avec des jugements extérieurs de la discrimination et donc ça vient majorer le mal-être et donc les comportements alimentaires toxiques. Dans une quête de reprise de pouvoir sur sa vie. Le surpoids, l'obésité... les régimes yo-yo ça n'aide pas du tout, la peur de grossir ça n'aide pas du tout, les déséquilibres hormonaux forcément ils viennent influencer l'appétit, le métabolisme, et donc du coup ça favorise les comportements alimentaires complètement désordonnés. Le fait d'être une femme, j'en ai beaucoup parlé tout à l'heure, donc ça je ne vais pas forcément revenir dessus. Les traits de personnalité anxieux et sujets à la dépression par exemple, eh bien ils comptent aussi dans l'apparition des TCA. Il y a des facteurs biologiques, il y a des facteurs psychologiques aussi et des facteurs plutôt sociaux. Donc j'explique vite fait, en gros, la génétique fait qu'il y a des prédispositions à ce genre de particularité. Il peut y avoir eu des événements de vie stressants, des schémas précoces de pensée qui se sont développés pendant l'enfance et qui font qu'on tend vers l'anxiété, vers la déprime ou la dépression, en lien aussi avec beaucoup de pensées négatives qui sont cultivées.
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Et puis, il y a aussi des facteurs sociaux dans la dépression, dans l'anxiété, à savoir l'isolement social et les facteurs culturels, comme par exemple le fait qu'il y ait beaucoup d'attentes, de normes, de valeurs et de manières d'exprimer ses émotions qui peuvent aussi mettre beaucoup de pression. Donc la satisfaction corporelle et la mauvaise estime de soi, j'en ai parlé. Tout ça à cause notamment des idéaux de beauté qui sont imposés, les médias, la pub, les réseaux sociaux. Voilà, donc... On est confronté à ces images de corps qui sont irréalistes, qui sont perfectionnées. Il y a la pression sociale, l'idée qu'il faut être mince, être musclé, avoir un certain type de corps. Et puis, comme on vit en société, comme on fait partie d'un système gigantesque, on n'est pas à l'abri de la comparaison et des critiques et des jugements, comme je le disais. Donc, ça peut venir vraiment appuyer très fort sur ce sentiment d'insuffisance et d'insatisfaction. corporelle. On en vient à développer des troubles de l'image corporelle, de la dysmorphophobie, c'est le fait d'avoir des préoccupations excessives et irréalistes pour un défaut physique qui est perçu et qui est ressenti. Et puis, les maladies chroniques comme le diabète de type 1 peuvent entraîner des changements physiques qui peuvent être en lien avec une détérioration de l'image de soi. Et puis, les changements hormonaux aussi, parfois, peuvent être en lien avec l'insatisfaction corporelle dont on parle, c'est-à-dire que... les hormones, quand elles fluctuent beaucoup, ont un impact sur la manière dont on se ressent, dont on se perçoit. Et puis, alors là, ça va nous intéresser, le trait de personnalité perfectionniste. Souvent, il caractérise beaucoup, beaucoup, beaucoup les schémas de pensée et de fonctionnement des personnes vivant avec un diabète de type 1. Ce trait de personnalité perfectionniste, il est né notamment grâce à l'éducation, quand il y a eu des exigences élevées, des récompenses aussi en lien avec la performance. Ben voilà. ça alimente tout ça. Comme je disais, la culture avec les valeurs culturelles. Par exemple, tu vois les cultures dans lesquelles on valorise vachement l'excellence, dans lesquelles il y a beaucoup de compétition, de rivalité, forcément, ça n'aide pas. Et puis, les autres facteurs psychologiques, tout simplement, parmi ceux qu'on peut citer, il y aurait peut-être la peur de l'échec, l'anxiété dont on a parlé, le petit tyran interne, le critique intérieur qui vient prendre le monopole de notre personne et qui... impose sa tyrannie par le biais du besoin de contrôle pour compenser la faible estime de soi. Et puis, comme je le disais, il y a des facteurs biologiques et des prédispositions génétiques.
- Nathalie
Et en ce qui concerne l'adolescence ?
- Cloé
Et puis l'adolescence, parce qu'on en a pas mal parlé. L'adolescence, pour moi, c'est un âge qui est très charnière, dans le sens où c'est un énorme chantier, l'adolescence. Il y a beaucoup de choses qui bougent dans le corps d'un point de vue physique, physiologique, hormonal. Tout est en pagaille, en fait. Tout se déconstruit pour se reconstruire. Et du coup, il y a une quête de soi, il y a une quête de construction identitaire qui peut être très souffrante. Et donc, du coup, le diabète, il est particulièrement difficile à vivre pendant cette période parce qu'on a envie de liberté, on a besoin d'être libre, de se sentir maître de soi. On a besoin de se sentir en conformité aussi avec notre communauté d'amis, etc. et la maladie, elle est là comme un boulet, quoi. Elle est ressentie comme un boulet, on n'en veut plus, on n'a plus envie de se soigner, on ne sait pas quoi en faire. Et ça peut être vraiment, vraiment compliqué à surmonter comme période. Cette transition entre l'enfance et l'adolescence, elle est aussi souvent très vectrice de ce genre de troubles, troubles du comportement alimentaire. Donc voilà, ça va souvent avec un abandon du parcours de soins, malheureusement. Toit total, soie partielle. Mais voilà, on a parfois à faire à des adolescents qui se cherchent, ne savent pas qui ils sont, mais ils n'ont certainement pas envie de se définir par le biais de la maladie. Et du coup, la souffrance qu'ils ressentent s'exprime parfois par le biais de ce comportement alimentaire qui peut être très, très déformé.
- Nathalie
Quelles sont les conséquences physiques et psychologiques des TCA chez les diabétiques de type 1 ?
- Cloé
Alors, très important, du coup, les conséquences. Quand on a un trouble des conduites alimentaires en lien avec notre diabète de type 1, c'est qu'on n'adhère pas ou peu au traitement qui est mis en place. Forcément, il y a un déséquilibre glycémique qui peut être très grave. Une augmentation du risque de complications aiguës et chroniques. Et une altération globale de la qualité de vie.
- Nathalie
Comment peut-on détecter les signes d'un TCA chez une personne diabétique ? Existe-t-il des signaux d'alerte spécifiques ?
- Cloé
Je dirais que parmi les signes évocateurs d'un TCA, il y a l'hémoglobine glyquée quand elle est très élevée. Là, on peut se dire qu'il y a des hyperglycémies chroniques et qui évoquent en fait l'hyperphagie boulimique, la boulimie ou la diaboulimie. Et donc, ça fait fortement penser soit à une gestion du diabète qui est mauvaise, soit à un abandon partiel ou total du traitement, si tu veux. La glyquée, quand elle est très très basse, au contraire, ça peut faire penser à des hypoglycémies trop fréquentes, du coup. Donc du coup, si on creuse un peu plus loin, ça pourrait être en lien aussi avec de la restriction et avec des apports énergétiques et notamment des apports en glucides qui sont très insuffisants. Donc ça, ça peut être vraiment deux marqueurs de TCA, en fait. Et puis, je dirais, d'un point de vue plus général que si les sujets d'alimentation, de poids et du diabète, si ces sujets-là sont très délicats pour la personne, s'il y a une susceptibilité plus, plus, plus, on va dire, autour de ces sujets-là, ça peut mettre la puce à l'oreille. De même que les exigences élevées, l'inflexibilité, le refus de la personne face au compromis, face à l'improvisation, etc. S'il y a de la résistance, s'il y a un refus drastique de tout ça, Et si la personne semble être dans des règles, dans des cadres très très rigides, très fixes, ça peut mettre la puce à l'oreille aussi. Puis le refus de parler de la maladie, la colère, la résistance envers et contre sa maladie, ça fait penser aussi un petit peu à ça. Ça peut, du moins, de même que je dirais l'isolement social, le fait que la personne parfois disparaisse. décline les invitations, qu'elle s'astreigne, qu'elle se limite au strict minimum à rester chez elle, à faire peu de choses, ça peut aussi mettre la puce à l'oreille. De même que globalement, un comportement qui a l'air d'être un petit peu bizarre, d'évoquer un mal-être, une souffrance, de l'irritabilité, tout ça, c'est des choses qu'on va regarder.
- Nathalie
Du coup, comment on peut les aider ? Comment on peut les accompagner ? Et toi, comment tu accompagnes ? Parce que tu accompagnes les patients diabétiques. Comment tu fais ? Quelles sont les solutions qu'on peut leur donner ?
- Cloé
Aujourd'hui, on sait que la thérapie cognitivo-comportementale est très efficace pour accompagner les troubles des conduites alimentaires, notamment pour les personnes souffrant de boulimie et d'hyperphagie. On sait que la thérapie systémique et familiale est très efficace, notamment pour les adolescentes, les jeunes personnes atteintes d'anorexie mentale. Puis on se parle aussi de thérapie à médiation corporelle ou artistique. Donc c'est toutes les thérapies psychocorporelles. Et puis l'art-thérapie aussi, qui fonctionne bien. Et puis aussi les thérapies de pleine conscience, toutes les techniques de pleine conscience, telles que la méditation, lorsqu'elles sont mises en place correctement, progressivement, et de manière adaptée par rapport à l'état de santé de la personne et j'ai envie de dire à son état psychologique aussi, bien sûr. Moi, comment je travaille pour répondre à ta question ? On va dire que mon travail s'axe autour de trois grands piliers. Le premier pilier, ça va être une partie qui s'apparente un petit peu peut-être à de la psychanalyse, mais moi j'utilise plutôt des outils d'art-thérapie pour aller revisiter l'histoire de vie du patient. comprendre ce qui l'a fragilisé, autour de quoi se sont cristallisées ces difficultés. Donc là, on va regarder un petit peu quels ont été les moments forts, les moments beaucoup moins positifs de sa vie, pour extraire les schémas, les mécanismes de défense et de protection qui ont été mis en place par la personne. On va venir se repérer aussi sur le chemin de l'acceptation et du deuil et du pardon par rapport à la maladie. Donc ça, c'est vraiment un premier pilier qui est orienté un peu plus vers le passé, vers l'histoire de la personne. Ensuite, il y a une partie qui va vraiment être en lien avec la reconnexion au corps et l'instauration, la réinstauration en fait de la sécurité intrapersonnelle. Donc on va venir faire des pratiques de régulation du système nerveux, voir comment on peut se reconnecter au sens à l'instant présent, se familiariser ou se refamiliariser avec des expériences de plaisir physique et puis venir reconnecter aussi à la créativité, à l'inspiration, à la passion. Et puis, pourquoi c'est important de faire ce travail autour du corps ? Tout simplement parce que le corps, il peut être perçu comme un traître dans la gestion du diabète. On peut l'oublier, l'ignorer, le redouter, le martyriser. On peut le juger comme étant incapable aussi. Et donc du coup, la réappropriation de ce corps médicalisé, avec les dispositifs, etc., qui sont visibles, c'est un enjeu. donc moi je travaillais aussi beaucoup autour de ça. Puis après, il y a aussi tout un travail de dépoussiérage, on va dire, de la vraie personnalité, de la vraie identité du patient, puisque, évidemment, le trouble TCA, c'est une maladie, mais ce n'est pas lui. Voilà, donc généralement, quand on est en proie, en prise de tout ça, on a l'impression que le trouble, c'est nous, mais non, c'est pas nous. Donc il y a aussi l'enjeu de venir remettre à jour et sous les projecteurs, en fait, les aspirations profondes de la personne pour lui permettre de reprendre le dessus. Donc, on va venir réidentifier les valeurs, les forces, les ressources internes. On va venir travailler la conscience de soi. Et puis, il y a tout un chapitre aussi autour de l'affirmation de soi. Donc, comment est-ce qu'on va venir travailler son assertivité, son rapport à l'autre ? Parce qu'il y a aussi cet enjeu de retrouver de la sécurité en soi, mais aussi dans ses liens interpersonnels avec les autres. Ensuite, quand on aura finalement identifié la fonction du trouble. On va pouvoir, quand je parle de fonction, c'est-à-dire pourquoi le trouble est là, qu'est-ce qu'il vient protéger, de quoi est-ce qu'il sauve la personne, qu'est-ce qu'il vient dire de ses difficultés et de ses vulnérabilités. Ensuite, on va pouvoir zoomer sur le fonctionnement du trouble, c'est-à-dire on va faire connaissance avec le trouble et on va venir étudier les comportements alimentaires ou physiques ou comportementaux d'ordre général que ce trouble-là pousse à adopter. Donc du coup, là, on va venir approfondir notre analyse du rapport à l'alimentation, du rapport au poids, à l'apparence, à l'estime, à l'image. Et donc du coup, on va venir travailler sur les comportements, les comportements de crise ou les comportements de restriction. Et puis, on va venir aussi travailler très intensément sur les cognitions, c'est-à-dire toutes les croyances dysfonctionnelles qui font barrage au bien-être, finalement. Et tout ça... Du coup, moi, je le travaille grâce à plusieurs approches thérapeutiques issues donc des thérapies brèves auxquelles je suis formée. Je t'en cite quelques-unes. Donc, il y a la Gestalt-thérapie que j'aime beaucoup, beaucoup parce qu'on va venir travailler via des exercices de jeux de rôle, de psychodrames, de monodrames. Donc ça, c'est super puissant. Je travaille aussi en psychologie positive, humaniste, en thérapie narrative, j'en ai parlé. J'utilise des outils de thérapie cognitivo-comportementale aussi, bien sûr. J'utilise certains protocoles de PNL, de programmation neurolinguistique, quand j'estime que c'est propice et que ça va être utile et intéressant. Et puis j'utilise beaucoup l'art-thérapie, que je trouve être un formidable biais d'accès à l'inconscient et une manière magnifique de se reconnecter à soi, à son corps. Et puis notamment, je peux travailler avec les cartes associatives. Donc c'est des cartes de tarot, si tu veux, d'oracle, mais ce n'est pas pour faire du tarot, c'est juste... pour avoir accès à l'inconscient. Et puis, il y a aussi une partie, qui est forcément moins la mienne, puisque moi, je fais de la psycho, je ne suis pas diététicienne, mais je vais venir quand même faire de la psychoéducation autour de l'acte de manger, en fait. Pourquoi est-ce qu'on mange ? À quoi ça sert ? Je vais aborder ça, le fait que manger n'est pas juste un biais de contrôle du poids. Il y a toute une éducation aussi à faire autour de l'acte de manger. Voilà à peu près comment je travaille.
- Nathalie
Est-ce que la prise en charge pluridisciplinaire, diabétos, psychologues, diététiciens, etc. ont une importance ? Je suppose que oui, qu'il y a une importance et qu'il faut travailler avec toute cette approche pluridisciplinaire. Est-ce que tu peux nous en dire deux mots là-dessus sur l'importance de cette prise en charge ? Et est-ce qu'il y a prise en charge ?
- Cloé
Alors oui, elle est fondamentale, cette prise en charge multidimensionnelle. Imagine une fleur, si tu veux qu'elle pousse, en fait, il ne te suffit pas juste d'avoir une graine. Il te faut du terreau, un sol fertile, des conditions météorologiques propices, beaucoup de soleil, enfin voilà, c'est un travail d'équipe pour sortir des TCA. Le diabéto, effectivement, il va s'occuper de tout ce qui concerne la gestion du traitement insulinique. La diététicienne ou le diététicien, il s'occupe de l'aspect purement nutritionnel, en lien avec les prises alimentaires et le poids, même s'il fait beaucoup de psychologie aussi, le dièt, mais voilà, il s'occupe vraiment du lien à l'alimentation. Et les psychos, donc quand je parle de psychos, ça peut être le psychiatre. Un psychologue ou un psychopraticien ou n'importe quel thérapeute gravitant dans la sphère de la psychologie va venir, lui, s'occuper du rapport qu'entretient la personne avec ces sujets-là, sur la sphère vraiment psycho-émotionnelle, en fait, si tu veux. Et donc voilà, on peut, pour les cas de TCA qui sont vraiment très importants, très sévères, très graves, le psychiatre, il est non négociable, parce que parfois il faut avoir accès à une prise en charge médicamenteuse. Après, on peut avoir recours à un psychologue et ou, j'insiste sur le et ou, avec d'autres types de thérapeutes alternatifs dont moi je fais partie, puisque vraiment, dans les TCA, il s'agit de trouver la méthode qui est la plus adaptée à soi. Donc voilà, certains vont trouver beaucoup de bénéfices dans, par exemple, la sophrologie, d'autres dans la méditation, d'autres dans le Qigong, d'autres dans, j'en sais rien moi, des thérapies plus énergétiques, enfin voilà. C'est vraiment à chacun de composer finalement sa mélodie du rétablissement.
- Nathalie
Toi qui es en plus diabétique de type 1 et qui as eu l'expérience des TCA, tu es d'autant plus légitime, c'est un grand mot, mais je veux dire, dans tes accompagnements, je suppose que ça impacte et que tu dois aider plus en conscience et en vérité, je veux dire, si j'ose dire. Voilà, et ça, est-ce que tu peux nous expliquer si c'est difficile ? Si c'est un plus, voilà, tu vois, toute cette petite balance qui fait que, voilà, de parler avec toi, ça doit être peut-être plus facile. Ou pas ?
- Cloé
Ouais, si, si. Alors, je pense qu'il y a beaucoup de réassurance qui peut être trouvée grâce au fait que je suis moi-même touchée par la pathologie du diabète et grâce au fait que... J'ai vécu de l'anorexie mentale. Donc je pense que lorsque les personnes savent que je maîtrise les deux pathologies et que je comprends les interactions entre les deux pathologies qui forment une comorbidité, je pense qu'il y a de la réassurance qui peut être trouvée là-dedans. Et un sentiment de soulagement, de se dire "Ah bah elle comprend en fait, elle comprend, elle sait ce que je vis". Alors bien sûr tous les vécus sont différents et pas comparables, mais voilà quand même, on se parle le même langage. Donc je pense que c'est forcément un plus, sachant que des personnes diabétiques formées en psychologie qui en plus s'intéressent aux troubles des conduites alimentaires, il n'y en a pas 72 non plus je pense. Donc je pense que c'est une plus-value effectivement. Maintenant je suis très claire sur le fait que si j'en suis là aujourd'hui, c'est parce que j'ai travaillé sur moi énormément, que mes troubles des conduites alimentaires sont très loin derrière moi. Et si ce n'était pas le cas aujourd'hui, je ne serais pas en capacité d'accompagner si tu veux en fait. Et ce serait complètement délétère et pour moi, et pour la personne en face. Ça provoquerait beaucoup de transferts, et de contre-transfert d'ailleurs aussi, et je serais incapable d'être une source d'aide pour la personne finalement. C'est aussi grâce à tout ce recul que j'ai aujourd'hui, et au fait que je suis capable de ne pas déposer ma subjectivité sur le vécu de l'autre, que je suis capable d'accompagner. Voilà, pour répondre à ta question.
- Nathalie
Alors, q uels conseils donnerais-tu aux familles et aux proches pour soutenir une personne confrontée à ses troubles, mais aussi et surtout aux patients ?
- Cloé
Aux proches, je leur dirais de se renseigner sur les troubles des conduites alimentaires parce que plus ils en sauront, plus ils pourront comprendre ce que vit le proche et comment l'aider. Consulter un pro aussi, fondamental, parce qu'on ne peut pas aider tout seul son proche sur ce type de problématiques. Rejoindre un groupe de soutien aussi pour soi en tant que proche, ça peut être intéressant aussi pour aller récupérer du feedback, des conseils et même un soutien psychologique et du réconfort. Communiquer avec votre proche avec bienveillance aussi, c'est-à-dire que vous êtes autorisé évidemment à exprimer votre inquiétude, mais avec douceur. Éviter les conseils non sollicités aussi parce que ça, ça peut être pire que mieux. Et puis, important, mais venir valider les émotions de la personne. C'est-à-dire que même si les émotions de votre proche vous semblent difficiles à comprendre, c'est essentiel de les reconnaître et de les valider. Et puis, de manière douce et bienveillante, proposer à votre proche de se faire accompagner. Donc, ça peut être de la suggestion progressive. Et puis, un petit peu de prévention aussi. Insister sur l'importance... d'un suivi sans toutefois forcer la personne parce que comme je l'ai dit c'est le principe de réactance plus vous forcez quelqu'un à faire quelque chose moins il va le faire voilà et puis un autre conseil ce serait prenez soin de vous en tant que proche. Vous avez le droit de fixer vos limites parce que s'épuiser émotionnellement là-dedans, ce n'est pas très aidant. Et comme je le disais, ne pas hésiter à soi-même solliciter du soutien, que ce soit auprès de vos proches, de vos amis ou même d'un professionnel qui puisse vous aider à traverser ça. Et puis mes conseils pour une personne qui souffrirait de diabète et de TCA, Grosso modo, c'est un peu ça aussi. C'est d'abord peut-être se renseigner sur ce que c'est et avoir le réflexe au bout d'un moment de se dire là, il y a une souffrance. Je ressens en mon corps, je ressens en moi que quelque chose ne va pas. Donc je vais agir, je vais changer de trajectoire. Alors il ne s'agit pas de trouver des solutions tout seul et d'être en autonomie, mais voilà, faire le premier pas vers de l'aide, vers du soutien. Voilà, donc on répète, une aide multidimensionnelle, pluridisciplinaire, parce qu'on a besoin d'être aidé sur plein d'aspects différents, et puis essayer de cultiver au maximum la bienveillance envers soi, l'autocompassion, ne pas se mettre de pression, ne pas se fixer d'objectifs inatteignables tout de suite. Voilà, donc voilà, ce seraient mes conseils en premier lieu.
- Nathalie
Comment est-ce possible de prévenir l'apparition des TCA chez des personnes diabétiques ?
- Cloé
Prévenir, ça devrait pouvoir exister et être beaucoup plus solide, la prévention aujourd'hui en matière de TCA. Chez les patients diabétiques de type 1, notamment jeunes, je pense, même si ça touche tout le monde, bien sûr, je pense qu'on devrait nous sensibiliser beaucoup plus au potentiel qu'a la maladie de venir impacter notre confiance en nous, notre estime personnelle. notre lien à l'alimentation. Donc, faire beaucoup plus de psychoéducation, de psychopédagogie, proposer des prises en charge psychologiques, diététiques, qui vont venir faire barrage à l'émergence de ce type de comportement, si tu veux. Donc, ça dev... En fait, bien que le fait d'en parler pour un professionnel de santé, je donne l'exemple d'un diabétologue, simplement de dire, attention, restez attentif à la manière dont vous abordez votre... façon de vous nourrir, parce que vous pourriez développer peut-être un rapport biaisé à l'alimentation. Rien que ça, ça pourrait déjà être une première pierre. Et puis, un suivi plus proche, plus solide sur ces sphères-là pourrait vraiment être aidant, même si beaucoup de diabétologues ne comprennent pas et ne savent pas comment accompagner sur ces sujets. Donc voilà, c'est un peu compliqué comme question. Mais en parler plus. Déjà, en parler plus, je pense, c'est une bonne idée.
- Nathalie
Y a-t-il des ressources pour en savoir plus sur les TCA et les prévenir ?
- Cloé
Oui, des ressources, il y en a beaucoup. Impossible de ne pas citer la Fédération française anorexie boulimie, la FFAB. C'est une association qui propose de nombreuses ressources, notamment des guides, des articles, des informations sur les différents types de TCA. Ils organisent des événements de sensibilisation. Y a l'association... Affects et Aliments, que je mentionnais un peu plus tôt, piloté par Brigitte Ballandra. Il y a le GHU Paris et son pôle CMME, qui s'occupe des troubles des conduites alimentaires aussi, qui peut être consulté. Il y a beaucoup de psychologues, notamment, qui prennent la parole sur les réseaux. Il y a beaucoup de psychologues qui prennent la parole sur ces sujets-là. Il y a des diététiciennes. Et notamment, je connais deux filles, donc diabétiques de type 1, qui accompagnent sur les TCA. Des diététiciennes formées, bien sûr. Il y a Anaïs Gaillot. Et puis, il y a Marie-Annalia Agullo. Je ne sais pas comment ça se prononce. Désolée, Marie-Annalia, si tu nous écoutes. Et puis, il y a moi. Déjà, j'ai beaucoup parlé des troubles des conduites alimentaires dans mon livre 1,12 g. Il y a l'association, les Déesses Sucrées, qui ne parle pas directement des TCA, mais bon, l'alimentation fait partie des sujets qu'on aborde. Et puis, clin d'œil spécial à mes amis qui font un travail formidable autour des piliers de l'hygiène de vie, dans le diabète de type 1, donc Clotilde et Allyriane. Et avec Allyriane notamment, j'ai beaucoup parlé des TCA. On a créé du contenu toutes les deux là-dessus. Clotilde a notamment fait un podcast avec une psychologue sur le sujet. Et puis, on a aussi Line Dumasdelage, psychologue spécialisée sur le diabète. Et donc, moi-même aussi, psychopraticienne spécialisée sur le diabète et les TCA. Voilà. dans les ressources ça me paraît déjà bien sachant que voilà il y a beaucoup d'informations déjà en ligne sur internet donc voilà. Nathalie : Tu as quelques mots à nous dire en conclusion. Cloé: Le mot de la fin, pour moi, ce serait à destination des personnes qui m'écoutent, qui vivent avec un diabète de type 1 et qui seraient concernées par un trouble des conditions alimentaires. Souvenez-vous que vous ne mangez pas pour votre glycémie. Vous ne mangez pas pour elle et vous ne lui devez rien.
- Nathalie
Merci infiniment Cloé pour toutes ces explications sur les TCA. Merci d'avoir partagé avec nous ton expérience. Merci d'être cette femme si aspirante. Au revoir à toutes et à tous et prenez bien soin de vous.
- Cloé
Merci beaucoup à toi Nathalie, je vous souhaite à tous et à toutes une bonne fin d'écoute et à bientôt sur les réseaux.
- Nathalie
Je te remercie pour ton écoute, si cet épisode t'a plu, que tu souhaites soutenir le podcast, je t'invite à le partager autour de toi, à t'abonner pour être averti du prochain épisode, à laisser 5 étoiles et un avis sur ta plateforme d'écoute. Tu as la possibilité aussi de me contacter, soit sur mon compte Instagram, soit par e-mail que tu trouveras dans les notes du podcast. Je te dis à très vite pour un nouvel épisode de Vivre le diabète à la recherche de l'équilibre. Prends bien soin de toi.