- Nathalie
Une voix, un combat, un espoir. Découvrez comment une jeune femme allie diabète de type 1, projet solidaire et îles des Comores. Vivre le diabète à la recherche de l'équilibre. Le podcast qui vous accompagne au quotidien avec des conseils et des témoignages inspirants autour du diabète. Aujourd'hui, je vous amène à la rencontre de Keila, une chanteuse qui vit avec un diabète de type 1 qui lance le projet Soignes tes maux pour venir en aide aux enfants diabétiques de type 1 des Comores, où l'accès à l'insuline et au suivi médical reste encore un défi quotidien. Ensemble, on parle de résilience, de musique et de solidarité. Un épisode plein d'émotions, de lumière et d'humanité. On retrouve Keila avec le clip de sa chanson Maladie, le 14 novembre, Journée Mondiale du Diabète. Je suis Nathalie, j'ai un diabète de type 1 depuis février 2010. Je m'adresse à toutes les personnes concernées par le diabète, patients, aidants ou simplement celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre cette maladie. Tous mes contenus sont gratuits. Si vous aimez mon podcast, vous avez la possibilité de soutenir mon travail grâce à la plateforme Tipeee dont vous trouverez le lien dans les notes de l'épisode. Ou bien vous pouvez toujours être un relais en partageant mes contenus. Merci pour votre soutien. Et avant de commencer, si cet épisode vous plaît, pensez à vous abonner, à le partager, à laisser 5 étoiles et un petit mot doux sur votre plateforme d'écoute préférée ou bien sur ma chaîne YouTube. Ça aide énormément à faire grandir ce podcast et à toucher encore plus de monde. Bonne écoute et n'oubliez pas, plus vous apprenez sur votre maladie, mieux vous la gérez. Je vous laisse maintenant avec l'épisode du jour. Bonjour Keila !
- Keila
Bonjour Nathalie, ça va ?
- Nathalie
Ça va. Alors Keila, peux-tu te présenter en quelques mots s'il te plaît ?
- Keila
Alors, je suis chanteuse et comédienne. J'ai sorti mon premier EP, donc un mini-album, il y a de ça deux ans, qui s'appelle Pure. Et dedans, je me livre sur une chanson qui s'appelle Maladie, où je parle de mon histoire, de mon diabète. Et voilà, ça va bientôt faire dix ans que je suis diabétique.
- Nathalie
Justement, ce diabète, il est arrivé comment et il est entré comment dans ta vie ?
- Keila
Alors, j'avais 17 ans et j'étais vraiment sur une fin d'année scolaire avec le bac en préparation. À cette époque-là, je faisais énormément de danse, j'avais plus de 15 heures par semaine et on était en plein gala, répétition. Donc, c'est arrivé à un moment de ma vie où je ne m'y attendais pas du tout. J'avais pas mal d'activités et au retour de vacances, j'étais partie à Madagascar, avec de la famille, justement, je venais d'avoir mon bac avec mention très bien, tout roulait, tout allait bien. Et en rentrant, on était assez inquiété parce que j'avais perdu plus de 10 kilos. Je mangeais excessivement, j'avais tout le temps besoin d'uriner, tout le temps soif. Et donc, on a décidé de faire des tests et c'est à ce moment-là que le diagnostic il a été... Il a été clair, j'étais à plus de 8 grammes de sucre dans le sang. Donc, il a fallu m'hospitaliser d'urgence à l'hôpital de La Réunion sur Saint Denis.
- Nathalie
Une sacrée épreuve comme tous même. Et tu es née à La Réunion, c'est ça ? Ou pas du tout ?
- Keila
Alors non, je suis arrivée à La Réunion, j'avais 12-13 ans. Avant ça, j'étais sur Paris et après, j'étais partie à Londres. Donc la Réunion, c'est arrivé un peu comme un hasard. On a passé des vacances avec ma mère et puis l'amour lui est tombé dessus. Et donc, on a décidé de rester sur l'île. C'est devenu une île d'adoption. Et pile au passage où justement, j'ai appris que j'étais diabétique, j'ai fait une semaine d'hospitalisation à la Réunion et je partais rem'installer en métropole pour mes études supérieures. Pareil, ça a été un choc et puis il a fallu vite s'adapter. Les questions sont venues plus tard parce qu'il fallait vite apprendre à s'injecter, vite reprendre le rythme. Là, c'était un passage en école supérieure. Donc sur le coup, depuis petite, j'ai l'habitude de m'adapter à des nouveaux milieux. Et puis là, le diabète, c'était un peu ça. C'était bon, c'est nouveau, on va l'entamer. Mais pas mal de peurs sont venues après, à la suite.
- Nathalie
De l'annonce à aujourd'hui, en quoi le diabète a-t-il transformé ta vie ? Et qu'est-ce qu'il t'a apporté ou appris sur le plan personnel ?
- Keila
Le diabète m'a appris énormément de choses sur moi-même. Déjà, j'ai pu faire le constat que je refoulais beaucoup de choses, beaucoup d'émotions. J'ai toujours eu cette tendance à rassurer les gens qui étaient autour de moi, à vouloir contenter les gens autour, sans forcément extérioriser mes propres émotions. Donc, l'arrivée du diabète, ça m'a recentrée, en fait. J'ai appris à me replacer moi au centre aussi de ma vie de remettre mes émotions parce que finalement ils étaient légitimes d'exister toutes ces émotions là et que j'ai gardé je pense que le diabète ça arrivait comme une bénédiction parce que j'ai pris le temps aussi de comprendre mon corps de me réapproprier finalement voilà c'est... Moi qui faisais énormément de sport à cette époque-là, pleine de vie, j'ai appris, j'ai rencontré un nouveau corps qui ressentait de la fatigue, je pense que j'ai une bonne endurance. Je suis rarement fatiguée. Puis avec le diabète, c'était le constat qu'une hypoglycémie, en fait, ça me... Ça me casse comme toute personne et puis il y a toujours cette frayeur de si je la gère mal. Voilà, donc mes grosses frayeurs, ça a été pendant longtemps les hypoglycémies. Encore aujourd'hui, j'apprends à déconstruire certaines choses et justement à mettre des outils en place pour éviter ou du moins pour avoir les bons réflexes lors d'une hypoglycémie ou lors d'une hyperglycémie. Donc aujourd'hui, j'apprends à être vigilante, j'apprends à être à l'écoute de mon propre corps et à mettre les choses en place pour justement m'assurer la sécurité. Moi justement, pendant les sept premières années de mon diabète, je me suis beaucoup isolée. Je n'en parlais pas autour de moi, mes amis les plus proches n'étaient pas au courant. Et c'est vraiment à la conception de mon album, donc j'avais fait toutes les chansons, et puis à une semaine avant mon départ aux Comores, je sais pas, il y a eu un déblocage où j'ai pu et j'ai réussi à écrire enfin sur mon diabète. Alors ça faisait plusieurs années que j'essayais, mais en fait, j'arrivais pas. Il y avait un gros blocage et puis le titre maladie, il est sorti comme une urgence en moi. Et ma colère, elle est ressortie, les mots que j'osais pas dire. Et puis, j'ai longtemps hésité à l'intégrer à l'album, jusqu'au moment où je me suis dit, mais cet album-là, je veux que ça soit un cheminement vers la guérison qui parle de moi, et si je suis totalement honnête et si je reste sincère avec cette première démarche, le son maladie doit exister dans ce projet. Et en le sortant, j'ai eu plein d'amis à moi qui m'ont dit, mais attends, du coup, t'es diabétique ! On n'était pas au courant ! Même des collègues de travail, des personnes avec qui j'ai fait des résidences de théâtre et des metteurs en scène. Et donc, ça a été le début d'un dialogue. Et puis même des personnes autour de moi qui étaient diabétiques que je ne savais pas, qui m'ont aussi également accompagnée. Et puis là, aujourd'hui, avec le projet Soignes tes maux, que je suis en train de mettre en place, qu'on parlera un peu après, ça m'a permis justement de faire des rencontres, de parler à des personnes qui vivent le même quotidien que moi. Et c'est un soulagement. C'est vraiment un soulagement. Et maintenant, je me rends compte, alors qu'avant, vraiment, je ne voulais pas. Je ne voulais pas du tout en parler.
- Nathalie
Oui, et ça fait du bien d'en parler, pourtant. C'est ça qui nous conforte, qui nous réconforte. Ça nous aide, en fait. Ça nous soutient, ça nous aide. Et justement, du coup, tu nous parlais de ta carrière artistique. Comment tu es arrivée à ça, à devenir chanteuse, actrice ? Comment c'est arrivé ?
- Keila
Alors moi, depuis toute petite, j'ai toujours aimé la musique. Et j'ai eu la chance, à mes 7-8 ans, de faire un concours de chant dans mon école primaire. À ce moment-là, j'habitais à Londres. Et c'était la première fois que je frôlais les planches d'une scène. Et en vivant ce moment-là, j'ai vraiment ressenti intérieurement que ma place, elle était là-bas, qu'elle était sur scène. Donc j'ai toujours vu un spectacle par an. Ce n'était pas forcément un objectif que je m'étais fixé, mais finalement, toute ma vie, elle a été tracée comme ça. Au moins une fois par an, je montais sur scène, je montais sur scène. Donc j'ai tissé un lien très très très fort avec la scène. Je trouve que c'est une des choses qui me rend plus heureuse. Ce moment de communion avec le public, de partage où en fait on s'oublie et on lâche prise et on donne et à la fois on reçoit. Donc j'ai vite fait des études en médiation culturelle. Donc j'avais pour vocation de garder quand même un pied dans le milieu culturel et artistique. Et puis après un an à la Sorbonne, je me suis rendue compte que j'avais vraiment besoin de vivre ce rêve-là. Et c'est là où je suis rentrée au conservatoire, où j'ai eu mon diplôme de brevet de théâtre. Et j'ai pu faire des tournées avec des pièces. Et en fait, finalement, je me suis toujours accrochée à ce rêve, je ne l'ai jamais quitté. Il a pris de plus en plus de place dans ma vie en prenant beaucoup plus de sens. Aujourd'hui, je peux le lier aussi avec des causes, que ce soit dans le milieu social, le milieu de la santé publique. J'adore faire des ateliers avec différents milieux, que ce soit des sortants de prison, que ce soit des gens réinsertions. Là cet été, le fait d'être partie aux Comores, de faire des ateliers d'éducation thérapeutique avec le thème du diabète, c'était une première. C'est des choses qui m'animent et j'arrive toujours à connecter finalement mon art, mon artiste, avec l'humain et l'entraide. Donc je me suis juste accrochée à ce rêve.
- Nathalie
À quel moment tu t'es dit, ça y est, je vais faire un projet sur le diabète. Est-ce que c'est venu du fait de cette magnifique chanson, le lien que tu as fait entre l'artistique, ta carrière artistique, et du coup, un projet qui naît comme ça, Soignes tes maux. D'ailleurs, c'est magnifique comme nomination. Peux-tu nous expliquer comment ce projet est né ?
- Keila
Le projet Soignes tes maux, pareil. Comme le titre maladie, c'était quelque chose de pas du tout prémédité. Quand le titre maladie est sorti, c'était en février 2024. Et à la suite de ça, j'ai été contactée par l'ONG Santé Diabète. C'était un appel, un partage finalement de quelque chose qui s'était passé. Donc la coordinatrice sur place me disait que... Il y avait un des jeunes qui ne se sentait pas très bien, qui était un peu en lâchage scolaire. En le voyant dans cette situation-là, elle venait d'entendre le titre « Maladie » . Elle lui a fait écouter. Ce qu'il faut savoir, c'est que moi, l'année qui avait suivi, j'étais partie aux Comores pour une émission de musique et de chant. J'étais finaliste de ce concours-là. Et il y avait eu énormément d'engouement autour de ce concours. Donc, le peuple comorien m'avait suivie pendant tout un été. Et donc, ce jeune qui m'avait suivie, était loin de se douter qu'en fait, cette personne qu'on voit solaire, lumineuse, en train de chanter des chansons, c'était quelqu'un qui potentiellement vivait aussi les mêmes réalités que lui et ça l'avait profondément marqué. Et quand j'ai eu ce retour-là, c'est vrai que l'idée de vouloir faire des ateliers, ça a été comme une évidence. Donc avec l'ONG Santé Diabète, au départ, on s'était juste dit l'idée c'est que je vienne aux Comores et que je puisse participer à ces ateliers d'éducation thérapeutique avec eux. Sauf que moi, en y repensant, je me suis rendue compte que chez nous, dans l'océan Indien ou même dans... la culture africaine, afrodescendante, on a tendance souvent à vouloir rester digne face à des situations comme celle-ci, face à la maladie, de ne pas en parler, de cacher finalement ces maux, M-A-U-X. Et finalement, je trouve ça dommage, je trouve que c'est même handicapant, parce qu'en fait, on se prive de soins, on se prive de dialogues, d'un soulagement qui peut exister, d'une porte de sortie. Le diabète, on n'en guérit pas, en tout cas le diabète de type 1, on n'en guérit pas encore, mais on peut se soigner, on peut se soigner par la parole, par la libération de ses émotions, de ses souffrances, on peut se soigner par un entourage. Et donc, c'est à ce moment-là où je me suis dit, mais le projet Soignes tes maux, il doit exister. Et s'il doit exister, ça serait avant tout, en premier lieu, pour la région de l'océan Indien. Donc, on a commencé les ateliers d'éducation thérapeutique aux Comores, grâce aussi au soutien de la ville de Saint-Denis. On a eu la chance de les avoir comme partenaires parce que finalement, c'est un gros projet et financièrement, on n'aurait pas pu. Pareillement on a pu avoir l'aide du ministère de la Santé, Expertise France. Ce sont des partenaires qui nous ont soutenus dès le départ. Des partenaires de terrain aussi, comme l'association des jeunes diabétiques de La Réunion, se sont portés aussi volontaires au projet. Donc là dans quelques semaines, on part à La Réunion pour justement mener aussi des ateliers d'éducation thérapeutique avec des jeunes diabétiques de type 1. Et moi, l'idée d'accompagner... des jeunes diabétiques, c'est quelque chose qui me touche tout particulièrement parce que moi, j'ai eu mon diabète, j'avais 17 ans. J'étais déjà, on va dire, dans le début de mes années d'adulte. Mais l'idée de penser que des tout-petits aient un diabète et n'aient pas de lieu où s'exprimer, je trouve ça dommage. Et le fait d'avoir des acteurs qui, eux, toute l'année, luttent et accompagnent ces jeunes-là, pour moi, ça faisait encore d'autant plus sens de collaborer ensemble et de faire un projet commun. C'est vrai qu'on a souvent un milliard de projets. Et le fait, pendant un moment de l'année, rallier les causes et travailler ensemble, je trouve que ça fait sens. Et puis, on s'est aussi rendu compte, là, pendant les ateliers aux Comores. Donc, on est parti en Grande Comore et à Anjouan. Donc, c'est les deux îles de l'archipel des Comores. On s'est vraiment rendu compte aussi que d'avoir une personne vivant avec le diabète, ça a changé en fait le regard. Ça a changé aussi l'expression des patients parce que souvent, il y a une hiérarchie qui se met automatiquement. Peu importe le soignant qu'on a en face, qu'il le veuille ou non, il y a une hiérarchie qui s'impose. Et donc, il y a un blocage aussi de la parole qui se met en place. Et là, le fait d'avoir une personne qui vit avec la maladie. Et puis, moi aussi, j'ai vécu plusieurs phases avec le diabète. J'ai eu des moments d'abandon, de frustration, où j'en avais marre de me piquer. Et puis, j'ai vu que ce n'était pas la solution non plus. Donc, j'ai dû reprendre mon traitement. Et j'ai vraiment vécu plein, plein de moments avec ce diabète. Et je pense que c'est le cas de tout diabétique. Parce que c'est une réalité de tous les jours, de chaque seconde. Et ça, on a pu voir que justement, chez ces jeunes, ça leur a permis de se libérer sur certaines choses, d'en parler, de trouver aussi une écoute, de trouver aussi un moment où enfin ils pouvaient souffler, enfin ils pouvaient voir des gens qui vivaient la même chose qu'eux, parce que la plupart d'entre eux, ils ne connaissent pas forcément d'autres diabétiques. Donc c'était vraiment un très très très beau séjour.
- Nathalie
Et justement, quelle est la situation du diabète là-bas ?
- Keila
Aux Comores, on est vraiment sur d'autres difficultés, une réalité très différente de celle de la métropole ou même celle de la Réunion. L'accès au traitement, il n'est pas pris en charge. Donc il y a l'ONG Santé Diabète qui, eux, font en sorte que ça soit pris en charge. Mais... pour une personne qui ne connaîtrait pas l'ONG, c'est au frais du patient. Sachant qu'un salaire moyen mensuel est de 70 euros à 200 euros pour une personne qui gagne vraiment bien sa vie, 300 euros. On a des insulines qui sont à 20 euros, 30 euros. C'est une réalité qui est assez lourde à porter, ça devient même un luxe en fait finalement de... pouvoir avoir son traitement. Et puis au niveau aussi de l'évolution des dispositifs médicaux, on n'est pas encore arrivé au capteur, encore moins à la pompe à insuline. Donc c'est assez compliqué. C'est aussi pour ça que l'idée de venir avec l'association Kmusik et avec le projet Soignes tes maux, c'était d'essayer d'étendre encore plus avec une sensibilisation, mais de sensibiliser autant les autorités que les institutions, que le peuple. Parce qu'il y a urgence, il y a nécessité, il y a des gens qui n'ont pas accès à ces soins-là. C'est un long travail qu'il faut faire et heureusement qu'il y a des acteurs qui sont là à l'année et donc nous avec l'association Kmusik on a aussi pour objectif de venir chaque année, de pas juste là venir sur une action parce que quand on est venu c'était aussi pour la réalisation du tournage Maladie qui servirait aussi comme outil pédagogique, outil de sensibilisation mais l'idée c'est de venir aussi chaque année de faire des ateliers et de faire de la sensibilisation à fin que les choses puissent changer et que l'accès soit pour tous. Et puis, je dirais aussi la deuxième réalité qui est assez frappante, c'est que beaucoup de personnes ont encore des a priori sur la maladie qui vont du coup freiner le patient. On a l'impression que c'est un peu une malédiction ou que le diabète finalement... on peut uniquement le traiter avec un traitement traditionnel. Donc en fait, le patient est un peu livré à lui-même et livré à une pression sociale qui, du coup, des fois ne l'aide pas. Donc il y a vraiment énormément de sensibilisation à faire à ce moment-là.
- Nathalie
Et justement, c'était des ateliers d'éducation thérapeutique. Comment ça s'est passé ? Il n'y avait que des enfants. Qu'est-ce que ça leur a apporté ? Dans le sens, est-ce qu'ils ont réalisé, par rapport à cette maladie, pour se soigner, est-ce que, justement, par rapport à ce que tu viens de dire, est-ce qu'il y a eu, est-ce qu'il y a eu un changement, est-ce qu'il y aura un changement, est-ce que tu vois que ça apporte ?
- Keila
Déjà, le fait d'être parti sur place, les ateliers étaient ouverts donc au DT1 et au DT3, donc aux diabétiques de type 1 et à l'entourage et à la famille, donc il y avait des parties là.
- Nathalie
Qu'est-ce que tu appelles DT3 ?
- Keila
DT3, c'est l'entourage, c'est la famille, c'est un parent. Ce n'est pas encore un terme officiel, mais ça se dit. Et donc, la famille des patients était aussi invitée. On avait des parents qui étaient là. Et c'est vrai que par des simples jeux ludiques sur l'explication d'une hypoglycémie, comment traiter une hypo, comment réagir face à une hypo, comment réagir face à une hyper, au fur et à mesure du séjour, et de la journée, on a pu se rendre compte que certains parents comprenaient et rectifiaient certaines mauvaises habitudes. Pareil, on a pris énormément de temps à leur montrer comment s'injecter, à inclure les parents dans ça, en fait. Donc, à ce niveau-là, je trouve que ça a été vraiment une réussite, parce que pour ces parents qui, des fois, sont un peu dans le refus ou dans le rejet, ils ont pu, au fur et à mesure, s'approprier aussi la maladie, l'apprivoiser. Ensuite, pour les DT1, je pense qu'il y a vraiment marqué les ateliers, ça a été le fait qu'ils se sont retrouvés avec d'autres diabétiques. Et du coup, il y a un truc où on est tous à table, on va s'injecter notre insuline. Et quitte à se demander des petits trucs, toi, tu fais comment ? Ah d'accord, tu t'as injecté tant. Ça a dédramatisé, désacralisé un peu ce truc de j'ai honte de me piquer ou c'est un truc pas normal parce que là, on était tous sur le même piédestal, on s'injectait tous, autant moi en tant qu'intervenante. J'étais assise à côté d'eux, je me faisais ma petite piqûre. Ça a dédramatisé ce poids des fois qu'on se met nous-mêmes. Mais après, forcément, ça sera un travail sur le temps. Il y a même des jeunes avec qui j'ai gardé le contact, qui m'envoient des messages, on arrive à se rassurer. Et je pense que dans le diabète, en tant que diabétique, ce qui allège vraiment, c'est de se dire que j'ai le droit aussi à l'erreur. Je décupabilise de mes imperfections, du fait que ma glycémie ne soit pas toujours bonne, ce n'est pas grave, je suis en hyper, juste j'ai le bon réflexe pour... réguler ma glycémie. Mais l'idée, c'est pas d'avoir une cible parfaite sur tout le long. Dans tous les cas, c'est impossible. À part si on a la pompe et dans ces cas-là, il y a un truc artificiel qui se met en place. Mais... Et encore ! Mais en tout cas, c'est de déculpabiliser face à cette cible parfaite. C'est de se dire, j'ai des hauts, j'ai des bas et j'apprends à vivre avec ça. Et en fait, j'accepte tout simplement. Et ça déjà, c'est une grosse réussite.
- Nathalie
C'est sûr, l'équilibre parfait n'existe pas. On doit être dans cette fameuse cible, mais on dépasse souvent. Le tout, comme tu dis, c'est de revenir, c'est-à-dire de faire ce qu'il faut pour revenir si on est en hyper de se piquer et si on est en hypo de se resucrer. Donc voilà, le tout, c'est de le faire. Voilà, de ne pas oublier de le faire et de ne pas rester sur une hyperglycémie chronique. C'est ça qui est le plus dangereux. Je n'aime pas ce mot. On se sent le moins bien, je dirais. Mais c'est clair que même sous pompe, c'est difficile. Comment les gens peuvent-ils t'aider ou soutenir ton projet ?
- Keila
Alors, écoute, on a mis en ligne une cagnotte via Helloasso. Le projet s'appelle Soinges tes maux, Maux M-A-U-X, et il est porté par l'association Kmusik. Là, sur la première phase de l'action, on était sur la réalisation des ateliers et puis la réalisation du clip Maladie, comme je le disais. Ça a été... assez compliqué financièrement pour monter ce projet, mais on a tenu jusqu'au bout. Donc si on peut avoir un soutien, on aimerait faire un appel aux dons à travers cette plateforme-là. On est aussi sur la concrétisation de festivités à l'occasion de la Journée mondiale du diabète, à La Réunion et aux Comores. Donc ça nous permettrait de financer ces deux événements-là, plus la production. Donc voilà, pour toute personne qui se sent sensible à la cause, qui aimerait nous soutenir à travers cette plateforme, vous pouvez vraiment suivre les étapes de réalisation du projet Soignes tes maux. Et puis après, moi, je suis assez accessible sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, keila.muse, surtout là depuis le lancement du projet Soignes tes maux, j'ai eu énormément de retours d'expérience, des personnes qui se livraient aussi sur la maladie et je pense que ça leur fait beaucoup de bien et tout comme moi ça me fait aussi beaucoup de bien de ne pas me sentir seule donc n'hésitez pas à partager à vous ouvrir.
- Nathalie
De toute manière, toutes les infos seront sur la description de l'épisode comme ça ils auront juste à cliquer sur tes réseaux sociaux. Et je mettrai le lien pour faire les dons sur ton projet.
- Keila
C'est ça. C'est super.
- Nathalie
On va conclure. Comment vois-tu la suite de tes projets artistiques et associatifs ?
- Keila
Alors, concernant la suite de mes projets, moi, ce qui m'anime avant tout, c'est la scène. Je pense que vous l'aurez compris. Là, j'ai un festival qui arrive bientôt, le festival AfriColor, où je serai sur Paris le 12 décembre. Ça faisait longtemps que je voulais participer à ce festival parce que je trouve que c'est un beau métissage. Ça rassemble les gens, les styles musicaux. Et donc, c'est avec grand plaisir de faire partie des artistes qui seront présents. Musicalement, je suis en pleine résidence justement sur de la création musicale pour un nouveau projet. Donc je suis vraiment en train de me ressourcer aussi. Mon passage dans l'océan Indien, il m'est très très bénéfique. D'ailleurs, le fait d'avoir pu partir pour la première fois à Anjouan, ça a été un rêve qui se réalisait et puis ce n'était pas prévu, mais j'ai fait un passage éclair à Mayotte. Donc on peut dire que j'ai enfin pu faire l'archipel, si on compte Mayotte dedans, bien que Mayotte... est français, mais ça fait quand même officieusement partie quand même de l'archipel. Donc j'ai une fierté de me dire, bon, ça y est, j'ai parcouru les quatre îles. Et puis je sens que ces énergies-là vont énormément m'inspirer, en fait, pour la suite de moi, ma création musicale et artistique. Après, en termes d'élan associatif, je fais partie aussi d'une association qui s'appelle MYM. Mvukisho Ye Massiwa, où on lutte contre les violences faites aux femmes à la pédocriminalité, donc les violences faites aux enfants aussi. Et pareil, en novembre, ils sont dans un élan, dans une marche de libération. Et aussi, ils font énormément de sensibilisation, de prévention pour expliquer aux enfants comment se protéger de ce genre d'événement-là. Et donc, c'est une cause qui nous touche énormément. Et j'ai espoir de m'impliquer d'autant plus à ce genre de causes-là. Donc là, aujourd'hui, c'est le diabète avec l'association Kmusik et le projet Soignes tes maux. Avec l'association MYM, c'est donc le projet Mwendo, des luttes contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Et puis, qui sait, j'espère qu'il y aura d'autant plus de projets comme ça, humains et sociaux, de... de lutte et voilà. J'espère faire énormément de belles rencontres aussi à travers ces différents projets, des rencontres qui m'inspirent, qui me questionnent et qui me recentrent. Voilà.
- Nathalie
Magnifique, magnifique. As-tu un rêve ou une vision à long terme pour ton projet Soignes tes maux ?
- Keila
Alors, la vision... Du projet Soignes tes maux, ça serait de créer une vraie cellule d'écoute et des ateliers, des séjours inter-îles même dans l'océan Indien. Là, j'ai vraiment une projection en tout cas sur mes îles de l'océan Indien et puis après j'espère aussi aller plus vers les Antilles parce que finalement dans ces îles-là on est aussi très très précaires au diabète. Donc de leur venir en soutien et de les accompagner, ça serait fabuleux. Et je trouve d'arriver à un moment donné à une croisée comme ça, ça serait d'autant plus beau. On a aussi pour espoir de réaliser un documentaire, donc un format plus long, qui permettrait de mettre vraiment en lumière les personnes qui sont diabétiques. parce que moi-même... Juste comme seul témoignage, ce n'est pas très représentatif de ce qu'est le diabète. Il y a autant de diabétiques, autant de diabètes que de diabétiques. Donc j'aimerais vraiment, vraiment, vraiment pouvoir remettre ces personnes-là en lumière et qu'elles inspirent finalement d'autres personnes. Parce que voilà, on est des soldats qui combattons dans l'ombre et dans le silence, chaque jour et chaque seconde. Donc ça, c'est mon rêve pour le projet.
- Nathalie
Alors, dernière question, si tu veux bien. Quel message aimerais-tu transmettre à une personne qui vient juste d'apprendre qu'elle est diabétique ?
- Keila
Alors, à cette personne qui arriverait parmi nous dans le club des diabétiques, à moi tout comme à cette personne, je lui dirai que c'est OK de ne pas aller bien par moment. Je lui dirai que dans tout ça, on apprend à grandir de cette souffrance. L'important, c'est de s'entourer parce que quand on reste trop isolé, on finit par se sentir incompris et de lâcher tout ce qu'elle a dans le cœur, de ne pas le garder. Je lui dirai que finalement, c'est un conseil qu'on m'avait donné quand j'ai été hospitalisée la première fois. Le diabète, c'est comme un meilleur ami, un meilleur ennemi avec qui il va falloir vivre, qui va falloir comprendre. On aura l'impression que cette personne-là est contre nous, mais le but, c'est d'apprendre à marcher avec, plutôt que de se faire la guerre entre nous. Et même si, des fois, c'est chiant, il nous énerve, ce petit diabète, il prend de la place. Mais le mieux, c'est de l'accepter. Et quand on l'accepte, finalement, il prend moins de place. Et nous-mêmes, on reprend le pouvoir et la possession de nous-mêmes. Donc, le pouvoir est entre nos mains, c'est à nous d'instaurer le ton. Je lui souhaite tout plein de courage parce qu'il en faudra. Je lui dis déjà bravo et félicitations.
- Nathalie
Est-ce que tu dis « je suis diabétique » ou « j'ai un diabète » de type 1 ?
- Keila
C'est une bonne question parce que j'y réfléchis encore à changer peut-être le langage à ce niveau-là. Je dis « je suis diabétique » . Je ne dis pas que j'ai un diabète de type 1. Et tu vois, cette question justement d'où on se place par rapport à la maladie, je me la suis posée au moment où il fallait trouver le titre de la chanson Maladie. Et au départ, j'hésitais entre ma maladie et Maladie. Et je me suis dit, le fait de me lier devant la chose comme 1, est-ce que ... est-ce que je suis totalement d'accord avec ça ? Et c'est vrai que je suis diabétique, je suis encore en train de mûrir vers cette façon de se définir. Ça influe forcément sur la relation qu'on va avoir avec le diabète et le fait de se dissocier justement du diabète, ça permet de garder toujours un peu l'ascendant sur ce qu'il pourrait faire de nous, parce qu'on pourrait justement se résumer que à ça. Et c'est pour ça que je te disais, moi, je suis encore en train de le rectifier ce langage-là et de voir vraiment comment je me place par rapport à lui. Je trouve ça hyper intéressant, parce que moi, du coup, n'ayant rien dit pendant 17 ans, 17 ans. Tu vois, le fait de dire je suis, il y avait quelque chose de l'ordre de la condamnation, de c'est pas moi qui ai choisi. Alors que j'ai, ça serait comme si j'ai voulu le prendre, tu vois, j'ai fait l'action vers... D'ailleurs, tu vois, le verbe avoir, c'est de l'action, on est dans le faire et on passe pas passif.
- Nathalie
Merci Kélia pour ce très bel échange plein de sensibilité et d'espoir. À travers la musique et ton projet Soigne tes maux. Tu nous rappelles qu'on peut transformer la maladie en force et l'épreuve en engagement. Pour soutenir le projet de Keila, retrouvez toutes les infos dans la description de l'épisode. Au revoir à toutes et à tous et prenez bien soin de vous.
- Keila
Merci, merci Nathalie, merci pour ce moment avec Vivre le diabète. C'était un moment très spécial et ça m'a même émue par un moment, je t'avoue. Et je dirais à toutes ces personnes qui nous ressemblent qu'elles ne sont pas seules. Et voilà, plein d'amour, plein de sérénité, de tranquillité dans vos vies. J'espère à bientôt.
- Nathalie
Oui, à bientôt. Je te remercie pour ton écoute. Si cet épisode t'a plu, que tu souhaites soutenir le podcast, je t'invite à le partager autour de toi, à t'abonner pour être averti du prochain épisode, à laisser 5 étoiles et un avis sur ta plateforme d'écoute. Tu as la possibilité aussi de me contacter, soit sur mon compte Instagram, soit par e-mail que tu trouveras dans les notes du podcast. Je te dis à très vite pour un nouvel épisode de Vivre le diabète à la recherche de l'équilibre. Prends bien soin de toi.