- Mina
Parce qu'on a aussi un patrimoine qui est dingue et j'ai pas envie qu'il se perde. Donc moi, la fille qui fait les broderies à la main chez moi, elle a appris ça de sa mère, sa mère elle a appris ça de sa mère, qui a appris ça de sa mère. Et j'ai pas envie que ça se perde, parce que c'est en train de se perdre tout ça. Maintenant avec les machines et tout ça, on a plus de beau travail fait main. Donc moi j'essaie quand même de garder ce plus fort.
- Ramata
Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Africa Fashion Tour. Je vous emmène avec moi à la rencontre de créateurs basés sur le continent africain. Je vous invite à voyager à Abidjan, Dakar ou Bamako pour découvrir les parcours de professionnels talentueux, responsables et ambitieux. Au fil des interviews, je me rends compte que chaque entrepreneur veut contribuer au rayonnement de la créativité africaine sur le continent et au-delà. Ce podcast est un moyen de sortir des clichés du boubou et du wax pour représenter un éventail de tissus, de savoir-faire et de créativité trop souvent sous-représentés. Je suis Ramata Diallo, je suis professeure de marketing dans des écoles de mode parisiennes et je suis également consultante spécialisée dans l'accompagnement de porteurs de projets qui veulent lancer leur marque de mode. En 2017, j'ai hésité à ma première Fashion Week en Afrique et depuis, je voyage régulièrement sur le continent pour aller à la rencontre de ceux et celles qui font la mode en Afrique. Le podcast est le moyen que j'ai trouvé pour partager au plus grand nombre une autre vision de la mode africaine. Aujourd'hui, je suis en compagnie de Mina Binbin. Mina est créatrice de mode d'origine marocaine. Elle a étudié dans une école de mode à Los Angeles et a toujours rêvé de devenir designer. Avec sa marque, elle veut casser les codes et proposer une nouvelle vision de la mode made in Africa, loin des clichés du boulbou et de la djellaba. Je l'ai invitée aujourd'hui pour qu'elle puisse nous parler de son parcours et des challenges de la création d'une marque éponyme. Bienvenue Mina, comment vas-tu ?
- Mina
Salut Ramata, ça va très bien et toi ?
- Ramata
Ça va super bien, je suis ravie de pouvoir échanger avec toi. Moi, ça fait longtemps que je te suis sur les réseaux et j'avais eu l'occasion de voir un de tes défilés de l'Africa Fashion Hub. Donc, je suis vraiment contente de pouvoir partager ce moment avec toi et d'en savoir plus sur l'histoire de ta marque. Donc, on va commencer comme je le fais toujours pour ces interviews de podcast. Je vais te demander de te présenter.
- Mina
Ok, alors je m'appelle Mina Binbin, j'habite à Marrakech. Et je suis créatrice de vêtements, voilà, ici au Maroc.
- Ramata
C'est bizarre. Donc, moi, ce que j'aimerais te demander maintenant, c'est en termes d'études, en fait, de parcours, comment t'en es venue à devenir créatrice de mode ? Je le disais tout à l'heure, toi, t'as fait une école de mode. Est-ce que tu peux nous parler un peu de, toi étant petite, tu dessinais toujours ? Est-ce que tu créais les vêtements de tes poupées, par exemple ? Comment c'est venu, en fait, ce désir de devenir designer ?
- Mina
Ben écoute, ça fait depuis toujours, je me souviens même plus quand est-ce que j'ai décidé, ça fait vraiment depuis toujours. Je n'habillais pas forcément mes poupées, mais je me souviens que quand j'étais petite, maman m'achetait tout le temps des petites robes toutes mignonnes, et je les découpais en fait. Je les découpais, je coupais les rideaux de ma mère, la pauvre. Je coupais tous ses rideaux, les draps, et j'en faisais des vêtements, des bandanas, des petits hauts mignons, des jupes, voilà. Je m'éclatais. Et puis, après, au LIT, il y avait souvent des galas de fin d'année. Donc, c'était souvent moi qu'on appelait pour faire toutes les tenues. Donc, c'était vachement chouette, ça. Je faisais les tenues de danse, de toutes mes amies, en fait. Et puis, j'ai fait ma robe de balle de promo. Et là, je me suis dit, vraiment, ce métier, il est fait pour moi. Et donc, voilà. Après, je... Je suis partie à Los Angeles dans une école qui s'appelle Fashion Institute of Design and Merchandising, FIVM. Et j'ai fait quatre ans d'études là-bas, donc dans la mode, dans l'art, dans le business aussi de la mode, etc. Et voilà, c'est comme ça que je l'ai commencé. C'est comme ça que je l'ai commencé à Los Angeles. J'ai fait un an à San Diego et puis trois ans à Los Angeles. Et voilà, après, une fois que j'ai eu mon bachelor, j'ai commencé à travailler pour une marque de lingerie haute couture. Et c'était trop, trop sympa. J'ai adoré mon moment là-bas. Est-ce que tu veux que je continue mon parcours ?
- Ramata
En fait, l'interview est à toi, donc c'est comme tu veux. Mais là, je voulais t'intervenir. Pour te demander, tu fais cette étude de mode et tu dis qu'étant petite, tu prenais des rideaux, tu fais par toi-même, mais du coup, tu avais une machine à coudre. Il y a quelqu'un qui t'a initiée, qui t'a appris ou c'était complètement spontané ?
- Mina
Maman avait une petite machine à coudre. que j'utilisais et puis quand ils ont vu que j'étais vachement plus invente dans tout ce qui était fashion il y avait une petite salle dans la maison et ils me l'ont donné et ils m'ont dit ça ça va être ton atelier donc fais ce que tu veux donc j'avais ma petite machine à coudre, j'avais tous mes tissus, toutes mes bobines, tous mes boutons tous mes petits trucs en fait et c'est devenu mon espace où j'adorerais passer toute ma vie là bas et ils m'ont pris une prof de couture donc après l'école J'avais une prof de couture qui venait et on faisait de la couture, on faisait du dessin sur tissu, on faisait plein de trucs artistiques en fait, c'était vachement chouette. Et c'était à ce moment là que je me suis dit voilà je me vois pas faire autre chose, vraiment. J'étais sûre de moi à 100% que je voulais être designer, que je voulais avoir ma marque et que je voulais continuer dans ce domaine là quoi.
- Ramata
C'est super d'avoir tes parents qui ont vu que tu avais cette vocation, cette volonté et qui t'ont vraiment accompagnée. Parce que parfois, quand on veut poursuivre des carrières artistiques, on a les parents qui disent fais médecine, fais avocat.
- Mina
Après, j'ai des parents artistes aussi. Donc forcément,
- Ramata
c'était naturel.
- Mina
Oui, ils m'ont poussée à fond. Ils m'ont jamais... Ouais, je me suis sentie très, très, très à l'aise de leur dire tout ça et ils m'ont poussée, ils m'ont motivée même.
- Ramata
Donc toi, à partir de quel moment une fois que... Donc ce que tu dis, c'est que tu as eu une première expérience dans la lingerie haute couture. Toi, dès le départ, tu dis que tu vas... Assez rapidement, tu dis que tu vas créer ta propre marque ou est-ce que tu te dis, je vais travailler pour les autres pendant quelques temps et puis je verrai à partir de quel moment je crée ma propre marque ?
- Mina
Je ne savais pas trop une fois que j'avais fini mes études. Je ne savais pas trop où je devais aller. Je voulais absolument avoir ma marque, mais en même temps, je ne m'y connaissais pas encore trop. Parce que faire des études, c'est bien, mais l'expérience, c'est mieux, à mon avis. En un an d'expérience, j'ai appris plus qu'en quatre ans d'études. Donc je me suis dit, peut-être que va dans le milieu du travail, dans le monde du travail. Travaille quelques années et après, vois ce qui en sort. Et donc, c'est ce que je l'ai fait. Je travaillais pour cette femme qui s'appelle Kyla Medven. Et elle avait une marque de lingerie. Je ne sais même pas si elle existe encore, d'ailleurs, cette marque. Et en fait, j'ai commencé là-bas en tant que stagiaire. C'était hyper sympa comment j'ai commencé. En fait, je suis partie voir son défilé. Et je suis partie dans les backstage pour lui demander si elle avait besoin d'aide. Et elle m'a dit oui, donc j'ai commencé à aider dans les backstage. Et je lui ai dit, écoute, j'ai envie de faire un stage chez toi. Elle m'a dit, viens lundi, on va voir ce qu'on peut faire. Et c'est arrivé le lundi et j'ai commencé à travailler directement ce jour-là. C'est ça, les États-Unis, c'est de la folie quand même. Ça marche en trois jours, c'est bon, c'est fait.
- Ramata
Super inspirante de raconter ça, parce que du coup, il y en a plein qui n'osent pas. Et en fait, toi, tu avais cette... Parce qu'il faut de la plombe quand même pour se dire... Ouais, ouais. OK. Et puis après, c'est top la manière dont elle a répondu aussi. Mais comme tu dis, c'est les États-Unis.
- Mina
C'est ça. Et donc voilà je commence à travailler, je suis stagiaire là-bas et après quelques mois je deviens assistante, je deviens sous-assistante. Après je deviens designer, je l'aide à designer et après elle me donne full contrôle en fait de la marque et je deviens le directeur artistique de la marque. Et donc j'ai travaillé pour elle je pense à peu près 2-3 ans peut-être, 3 ans, ouais 2-3 ans. Et c'était trop bien, sauf que bon, voilà, à un moment donné, je designais tout, je faisais tout, j'étais tout le temps dans les ateliers, j'allais prendre les tissus, je faisais les patronales, je faisais beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. Et à la fin du décidé, c'était elle qui marchait et c'était elle qui saluait toutes les créations. Tu vois, même si c'était sa vision à elle, parce que c'était pas ma vision au final, c'était sa vision à elle, mais moi je travaillais par rapport à sa vision à elle. Mais quand même, c'était quand même mon travail et je me disais bah ça se fait pas en fait. À la fin de la journée, c'est elle qui reçoit tout. Tout les loges, tout le travail, enfin tout le... Tu vois, tout ! Qui se récolte tout en fait. Et donc là je me suis dit pourquoi je ne ferais pas tout ça pour moi, maintenant que j'ai appris à tout bien faire. Et c'est là que je me suis lancée en fait dans ma marque. Sauf que c'était un peu compliqué parce que... Je ne m'y connaissais pas trop au niveau business. J'étais vraiment plus sur le côté art. Et donc, j'ai appli dans une université qui s'appelle Marymount, MCU, Marymount California University. Et je l'ai fait un MBA là-bas, c'est un master en business. Et j'ai fait deux ans de master, en fait, pour avoir mon diplôme en business aussi, pour pouvoir m'y connaître sur les deux aspects.
- Ramata
Ok, super intéressant. Et vraiment, cette idée de vouloir maîtriser aussi la partie business, c'était vraiment... C'est toi toute seule qui t'as dit ça ou tu as été conseillée par, je ne sais pas, d'autres stylistes ou dans ta famille où on t'a dit vraiment c'est important de maîtriser aussi la partie business ?
- Mina
Non, c'est surtout quand j'ai essayé de créer ma marque et que je n'y arrivais pas en fait. Et puis les gens ne me faisaient pas confiance non plus. J'étais une gamine de 23 ans, 24 ans. Je n'arrivais pas en fait à me faire respecter déjà. parce que pour les gens je suis une gamine qui sort d'une école de mode donc c'est pas la personne à qui tu fais le plus de confiance tu vois et donc j'avais besoin de me prouver j'ai l'impression de prouver que en fait je pouvais faire un business qui marche et qui tourne et qui rapporte un business viable en fait et donc c'était plus un besoin de prouver et de de montrer de quoi j'étais capable plutôt que j'en avais aussi très très besoin. Mais c'était un peu des deux, quoi.
- Ramata
Ok, je comprends. Mais c'est intéressant que tu aies eu cette détermination, en fait. Parce que comme tu le dis, tu étais jeune, tu t'es pas découragée, tu t'es dit « Ok, il me manque quelque chose pour vraiment attendre mon objectif. » Et du coup, j'y vais, je vais consolider mes compétences pour pouvoir être sûre de bien faire le job. Du coup, tu fais ton MBA et quand tu sors de là, qu'est-ce qui se passe ? Chut ! relance, enfin du coup tu t'actives.
- Mina
Bah ouais je lance ma marque, mais donc je fais un défilé de dingue, de psychopathe, mon premier défilé solo, c'était de la folie. Franchement j'ai réussi à louer un hôtel à Figueroa, donc c'était un super hôtel à côté de Staples Center, pour ceux qui connaissent LA, ils savent que c'est un endroit de dingue. Et j'avais des sponsors, j'avais Maserati comme sponsor, j'ai ramené tous mes amis artistes. à venir faire un peu de show avec moi. J'avais un ami musicien, je lui disais vas-y montre à tout le monde ce que tu sais faire. J'avais une amie danseuse, je lui disais vas-y danse. J'avais un ami peintre, je lui dis fais un live painting. Pendant l'événement fais du live painting. Et du coup j'ai ramené tous mes amis et on a fait un super événement avec plus de 500 personnes et c'était juste spectaculaire. J'avais des mannequins magnifiques, une équipe de make-up, hair and make-up incroyable et c'était juste génial. Mais qu'est-ce qui se passe après ? Bam, Covid. Donc à peine je lance ma marque, je fais un événement de dingue, j'ai un showroom où vendre, et ben Covid arrive. Et donc, tout ferme et je rentre au Maroc.
- Ramata
Donc du coup, moi ce que je voulais te demander, c'est, tu fais ce défilé, tu as des sponsors, tu parles de Maserati, tu fais venir des artistes, tu t'organises une performance en même temps. Quand tu le racontes, ça a l'air facile. du coup, est-ce que c'était si facile que ça ?
- Mina
Non, non, non, c'était super compliqué, c'était hyper compliqué. Franchement, j'ai dû vraiment batailler avec les gens, faire 15 milliards de rencontres, leur prouver, leur dire à quel point c'était une super initiative de faire ça. J'ai fait ça avec vraiment peu de sous, en plus, j'avais pas vraiment d'argent. Donc c'était souvent des collaborations, je leur disais, je vais vous ramener du monde. L'hôtel, je leur ai dit je vais vous ramener du monde de fous, vous inquiétez pas tout le monde va consommer dans votre bar et tout, j'en fais une mission, j'en fais ma mission. Les mannequins, je leur ai dit je vais vous faire des photos de dingue, une vidéo de dingue. Vraiment j'essayais de trouver des astuces et des tricks pour que tout le monde veuille bien le faire avec moi, que tout le monde gagne quelque chose aussi à le faire. Pour le sponsor Maserati, c'est un copain à moi qui me l'a trouvé. Voilà, donc c'est lui qui me l'a trouvé et quelques invités avaient le droit de faire des tours en voiture autour de l'hôtel. En voiture, on se prenait en photo avec les voitures. Du moment qu'il y avait du monde qui voyait que les gens postaient sur les réseaux sociaux, c'était bon. Donc voilà, j'ai trouvé en fait des moyens pour que tout le monde soit content et pour pas que ça me coûte une fortune en fait. Mais ça prend des mois et des mois de travail et de négociations quoi.
- Ramata
Très bien. Donc en tout cas, super intéressant de voir comment tu as le côté entrepreneur en même temps que le côté créatif, en fait, parce que pour faire tous ces rendez-vous, c'est vraiment la casquette business, en fait, et trouver des deals de collaboration qui mettent tout le monde d'accord. Alors là, c'est créatif, mais c'est une créativité d'entrepreneur. Donc ce que tu dis, c'est que Covid, tu retournes au Maroc et du coup, comment est-ce que tu fais évoluer ta marque après le Covid ? après et pendant le Covid.
- Mina
Du coup, là, je n'ai plus vraiment ma marque. Il y a eu un défilé et après, je rentre au Maroc. Donc, je n'ai même pas pu surfer sur cette vague, en fait, de buzz, de tout le monde, les gens qui voulaient aller au showroom, machin. Ça ne s'est même pas fait, en fait. J'étais un peu déçue. Du coup, je rentre au Maroc. Et là, on est confinés, il y a le Covid. Personne ne sait combien de temps ça va durer. On ne sait rien, on est complètement confinés. Donc moi je suis avec ma famille et mes soeurs chez moi. Et donc pendant 2-3 semaines on ne fait rien. Et après 2-3 semaines, moi je ne peux pas ne pas travailler. Je ne peux pas ne pas faire quelque chose. En fait, j'étais en train vraiment de m'ennuyer à un point. J'aurais pu mourir vraiment, c'était horrible. Et du coup je dis à ma mère, je t'en prie maman, il me faut une machine à coudre. Le problème c'est que bon, moi je n'avais plus d'argent, toutes mes affaires étaient à Heller. Enfin voilà, j'étais venue avec une seule valise quoi. J'avais aucune affaire à moi. Et je lui dis, écoute maman, je t'en prie, il me faut une machine, il me faut quelque chose. Je dois commencer à créer en fait, je ne peux pas rien faire. Donc elle me trouve une machine. une petite machine maison pas chère, pas du tout une machine pro et on prend des tissus qu'on avait à la maison et voilà je commence à designer, à créer, à faire mes petits patronages j'ai commencé à designer des corsets j'ai commencé à designer pas mal de petits trucs qui me venaient à l'esprit en fait un peu de tout et n'importe quoi et du coup après quelques mois de Covid, je pense qu'il y avait 2-3 mois Mon père rentre dans mon petit atelier que je m'étais fait et il me dit, du coup, tu as pas mal de pièces là. Je devais avoir genre 40, 50 pièces en tout que j'avais fait en 2, 3 mois. Et il me dit, du coup, tu veux faire quoi là maintenant ? C'est quoi ton plan ? Je lui dis, bah écoute, j'en sais rien. Je sais pas quoi te dire. Je peux pas retourner à L.A. J'ai plus rien. Mon showroom a fermé. J'ai plus mon appart. J'ai plus ma voiture. J'ai plus de vie là-bas. Ça fait 3 mois que j'ai tout plaqué. Donc j'ai plus rien. Maroc, j'ai absolument rien, ça fait 8 ans que je suis pas revenue au Maroc donc je sais pas trop quoi faire, je suis un peu perdue, j't'avoue. Et il me dit pourquoi tu te lances pas au Maroc ? Lance-toi au Maroc et vois ce que ça donne, si vraiment ça te saoule, repars. Je lui dis ok, mais je me lance comment, je ne sais pas. Il me dit bon viens, fais un défilé à Marrakech, trouve-toi un petit endroit où vendre et commence comme ça. Je lui dis ok, bah pourquoi pas. Il me dit regarde, tu as toute une collection, tu as fait une collection entière. Viens on la montre, montre-la aux gens. Et je lui dis ok, vas-y on fait ça. Donc on organise un défilé à Marrakech, dans un lieu qui s'appelle le Esaadi Palace. C'est un lieu extraordinaire. Et donc j'ai fait un défilé là-bas avec toute ma collection, que j'ai appelé Patchwork. Parce que Patchwork c'était plein de pièces qui n'avaient vraiment rien à voir les unes avec les autres, mais ensemble il y avait quand même un petit lien. Et donc c'était un patchwork de création. Et j'ai fait un défilé qui a été... incroyable absolument incroyable et ça m'a lancé en fait ma carrière au Maroc et voilà j'ai commencé à vendre à vendre quand j'ai commencé à vendre j'ai commencé à me faire des petits tours et j'ai ouvert mon petit atelier j'ai pris quelqu'un pour travailler avec moi et une personne et deux personnes j'ai trouvé des concept stores ou vendre un peu partout dans le Maroc à Casablanca, Rabat, Marrakech Et là, maintenant, j'ai un atelier avec 10 personnes et ça tourne.
- Ramata
Vous allez me dire comment tu racontes ça, ça a l'air tellement simple. Quand tu te racontes ça, on dirait que ça s'est fait de manière très naturelle. Encore une fois, les parents, le papa qui soutient, la maman qui achète la mâchaine à coudre, le papa qui peut s'installer, lance ta marque au Maroc. Toi, aujourd'hui, quand tu parles de patchwork, Quand tu designs cette collection, où en fait c'était un peu par opportunisme, c'est ce que j'avais à dispo puisque c'était en période de Covid, tu penses à quel client en fait ? Quand tu crées tes collections, dans ta manière de travailler, tu as une cible en tête, comment est-ce que tu définis tes consommateurs en fait ?
- Mina
Alors quand j'ai créé la toute première collection, j'avais aucune cible, je voulais juste créer, mais avec le temps, J'ai essayé de me découvrir en fait. J'ai fait des collections pour voir un peu ce que les gens aimaient, ce que les gens voulaient. Même niveau prix, niveau budget. Les deux premières années de ma marque ont été beaucoup plus de la recherche qu'autre chose en fait. Je regardais ce qu'ils vendaient, je regardais ce qu'ils ne vendaient pas. Même sites qu'ils ne vendaient pas, j'adorais. Je me disais pourquoi ça ne vend pas ? Je ne comprends pas, c'est canon ! Mais en fait, on essaie de comprendre le marché qu'on a. Parce que moi, je m'adapte à mon marché plutôt que l'inverse. Donc, j'essaie de pousser un peu les codes quand même et de faire des choses un peu différentes. Mais il faut toujours essayer de s'adapter à son marché. J'ai l'impression que c'est comme ça que ça marche.
- Ramata
En marketing, c'est sûr que c'est comme ça que ça marche. Après, en créa, tu peux vouloir apporter ta propre... Il y a certains directeurs artistiques qui diront que c'est... Ça doit être mon essence, mon identité que je mets en avant et les gens vont m'aimer. En marketing, l'approche, elle est plutôt, tu analyses ton marché et tu fais par rapport à ce que le marché veut.
- Mina
Et du coup,
- Ramata
tu peux... Vanny, pardon.
- Mina
Pardon, non, non, je t'ai coupé. Non, je te disais, moi, je me situe au milieu, en fait. Je fais en sorte que les gens aiment, mais tout en gardant ma vibe, en fait. Voilà, c'est ça.
- Ramata
Et du coup, c'est quoi la vibe, Mina ?
- Mina
La vibe, Mina, ça va être... Tu vas être... Quand tu vas porter ma marque, tu vas porter un sentiment, en fait. Tu vas porter de la confiance. Tu vas te sentir forte et belle et fière. Rien que pour te dire, hier, j'ai reçu un message, et ça j'en reçois presque tous les jours, et ça m'a vraiment touchée, d'une fille qui me dit, écoute, je me sentais toujours trop grosse pour porter des corsets. Mais un jour, j'ai essayé un de tes corsets, chez une copine, et il m'a fait me sentir tellement belle et tellement confiante. Elle m'a dit, est-ce que je peux t'en acheter trois ? J'ai dit, ma belle, juste pour ça, t'en as un ! Je te jure, ça me fait trop plaisir parce que j'ai l'impression que je donne aux femmes vraiment beaucoup de confiance en elles. Et ça pour moi c'est plus qu'un travail, pour moi c'est trop beau ça. J'aime trop le sentiment, c'est pour ça que je l'aime ce que je fais. Parce que je l'aime quand les femmes portent les pièces et qu'elles se regardent dans le miroir et qu'elles me envoient une photo et qu'elles me disent « Oh my god regarde comment ça me va trop bien ! » Ça j'adore !
- Ramata
Et donc du coup le corset, toi on sent que tu as démarré dans la lingerie haute couture et du coup le corset c'est une pièce un peu iconique de ta marque, est-ce que tu peux nous en parler ?
- Mina
Alors moi j'ai toujours aimé les corsets, je ne sais pas pourquoi, c'est tellement féminin et en même temps ça fait comme une armure, une force, en même temps c'est sexy. Je ne sais pas, je trouve ça tellement... En plus, quand tu portes un corset avec des baleines de corsage, t'es obligée de te tenir droite et fière. Et je trouve ça trop beau qu'une femme se tienne comme ça. Je ne sais pas, j'ai toujours aimé ça depuis que j'étais petite. Depuis Jean-Paul Gaultier, en vrai, j'ai découvert Jean-Paul Gaultier, je me suis dit « wow, this guy understood everything » . Et j'essaie juste de les mettre un peu plus... Peut-être un peu moins sexy, un peu plus au goût du jour, un peu plus portable dans la vie de tous les jours, en fait. Donc ouais, j'adore ça.
- Ramata
Très bien. Toi c'est des collections essentiellement femmes que tu proposes ?
- Mina
Alors, ouais c'est plus pour femmes, mais j'aime quand les hommes s'habillent avec mes pièces aussi. Pour moi, tout ce que je fais c'est unisexe. J'ai pas l'impression qu'il devrait y avoir de genre aux vêtements. J'ai l'impression que it doesn't make sense, surtout maintenant quoi, dans notre génération. Dans notre génération c'est bon, ça y est, stop. Tu mets ce que tu veux, ce qui te fait plaisir et ce qui te fait sentir bien.
- Ramata
Je suis assez d'accord avec ça. Et ce que tu évoquais, c'est... Donc, tu as un atelier aujourd'hui. Est-ce que tu travailles à la précommande ? Est-ce que tu fais du sur-mesure ? Ou est-ce qu'en fait, tu fais tes collections, tu les mets à dispo dans des boutiques et du coup, les gens, ils achètent les collections que tu proposes ?
- Mina
Voilà, c'est ça. Je fais ma collection. J'ai plusieurs... J'ai plusieurs... Comment on dit ? Secteurs, on va dire. J'ai une collection de prêt-à-porter donc Spring, Summer and Fall Winter. Donc il y en a deux par an. Ça c'est des pièces que je vais promouvoir, je vais faire un photo shoot, je vais les mettre sur mon site, je vais vendre ma collection, la collection que je fais. Je vais les mettre en boutique et tout aussi. Après j'ai des clientes qui viennent directement à l'atelier, je leur fais du sur-mesure. De ce qu'elles veulent, on parle d'un design qu'elles veulent. Par exemple il y a une fille qui vient pour... un anniversaire, si mon anniversaire elle veut une jolie robe pailletée, bah je vais lui faire sa jolie robe pailletée. Et j'ai aussi commenté récemment les robes de mariée, parce que j'adore ça, et là je l'ai commencé du coup les robes de mariée, donc là c'est un autre milieu qui n'a rien à voir j'ai l'impression, mais qui est trop trop cool aussi, parce que là t'apprends vraiment en fait, j'ai l'impression d'être une fille, quand mes mariées viennent me voir, je leur pose trop de questions perso et intimes, pour designer la robe de leur rêve en fait. Et du coup, c'est un autre mode aussi dans le design et dans le fashion, qui est très, très intéressant, je trouve.
- Ramata
OK. Donc, en termes de, comme tu disais, en termes de secteur, là, tu viens d'intégrer le mariage. Et du coup, c'est vrai que c'est une relation toute particulière avec le consommateur. On est vraiment dans... Tu fais un peu partie de la vie, d'un moment extrêmement important de la mariée. Donc, c'est effectivement un monde à part entière. Et je suppose que le corset fait partie... intégrante de...
- Mina
Bah oui, grave.
- Ramata
Aujourd'hui, en termes de développement, tu as eu l'occasion de participer à des concours, notamment de défiler à Paris avec Africa Fashion Hub. Comment tu travailles tout ce qui est développement d'awareness, de notoriété de ta marque ? Est-ce que c'est vraiment toi qui gères ça ou est-ce que tu as une équipe ? Comment est-ce que tu fais pour être connue et identifier en dehors du Maroc ?
- Mina
C'est vrai que ce n'est pas quelque chose de facile, je trouve. Moi je sais pas si je suis très douée en com en plus. Donc j'essaie juste de rencontrer du monde, de faire des défilés, de faire des événements en fait. Voilà c'est plutôt ça, c'est des événements, puis c'est des réseaux sociaux, c'est des contacts avec les gens. Là par exemple j'ai une copine qui a réussi à nous organiser un défilé à Los Angeles avec moi et des amis. Donc voilà c'est comme ça qu'on... Vraiment c'est des connexions avec les gens. Moi je suis très... très gens, je sais pas comment on dit mais très gens. J'adore les gens et j'adore parler avec les gens et être en contact avec l'humain en gros. Et du coup j'adore ça et puis ça marche en fait, c'est ça qui marche au final, c'est parler avec les gens, apprendre à savoir qui ils sont, ce qu'ils veulent, comment tu peux les aider. Et après j'ai l'impression que ça revient en retour. J'organise souvent à Marrakech des ventes pour les jeunes créateurs. Donc je trouve un lieu en fait à Marrakech et je sélectionne plusieurs créateurs, donc une dizaine, vingtaine, la dernière fois j'ai fait une trentaine. Et je leur donne la chance de pouvoir faire un stand, tout est gratuit, le lieu est gratuit, je prends zéro commission, c'est juste vraiment pour eux, pour les booster. Et moi je ramène du monde, j'organise tout l'événement et comme ça au moins les marques des jeunes créateurs peuvent être vues par tout le monde en fait. Et j'ai l'impression que plus tu fais ça, plus le nom est connu, plus toi aussi t'es connu, plus les gens, tu vois, à un moment donné, ça tourne vers toi. J'ai l'impression que c'est good karma, tu vois. Oui, complètement.
- Ramata
Je pense que c'est les collaborateurs.
- Mina
Ouais, c'est plus comme ça que je pense que je fonctionne et que après, ça bouge vers l'étranger aussi. C'est peut-être comme ça, je sais pas. Après, j'ai pas vraiment de technique, quoi, dans ma com, en vrai.
- Ramata
Ok, c'est assez spontané, en fait.
- Mina
Ouais, naturel, grave.
- Ramata
Très bien. Donc, ce que tu évoquais, c'est que tu avais, en tout cas en organisation, aujourd'hui, tu as un atelier, une boutique. Tout est fabriqué au Maroc. En termes de perspectives d'évolution, aujourd'hui, tes principaux points de vente, ils sont au Maroc. Est-ce qu'on peut trouver la marque en fait ? J'imagine qu'on peut l'acheter en ligne. Est-ce qu'il y a des points de vente en dehors du Maroc ?
- Mina
Écoute, là, j'y travaille très dur et franchement, c'est mon rêve. j'ai vraiment besoin d'être implantée à l'étranger. J'ai tellement de clients, par exemple en Angleterre. À Londres, j'ai une belle clientèle là-bas. Du coup, je livre souvent. En fait, je fais des livraisons. Je livre partout dans le monde. Mais c'est vrai qu'il y a Londres qui marche vachement bien. Dubaï, ça marche super bien aussi. Et puis les États-Unis. Donc, c'est pour ça que là aussi, je vais à Los Angeles. C'est pour essayer de me placer dans quelques concept stores sympas là-bas. Et voilà, le but en vrai, cette année, mon but, c'est de m'implanter dans plusieurs différents endroits hors Maroc. Ouais.
- Ramata
Très bien, super. C'est tout ce qu'on te souhaite par nous.
- Mina
Merci. Il n'y a pas de raison.
- Ramata
C'est un travail de sourmis de faire connaître sa marque, de discuter, de trouver les bons points de vente aussi, qui ont une offre qui est pertinente par rapport à ce que tu proposes, en fait, qui ont compris. Toi, quelles étaient les particularités de ta marque ? Toi, dans ton processus créatif aujourd'hui, est-ce que tu travailles seule à créer tes produits ? Tu disais que tu avais une équipe. Est-ce que tu fais des genres de, je ne vais pas dire des séminaires, mais tu travailles avec d'autres stylistes ? Ou est-ce que c'est vraiment ce qui vient de toi que tu crées en collection ?
- Mina
Oui, non, c'est juste moi. Franchement, c'est moi. Je fais mes dessins. Je fais mon patronage, je fais la première pièce, je montre à mon équipe comment il faut la faire, et après ils me répètent ça en plusieurs exemplaires, en gros. C'est moi qui ai de A à Z,
- Ramata
du dessin jusqu'à la fabrication du premier prototype.
- Mina
Oui, oui, absolument. Comme ça au moins c'est fait de la façon... que je veux, que je la vois en fait dans ma tête.
- Ramata
Et ça pour le coup, comme tu as cette expertise-là, tu peux vraiment le développer de A à Z. En terme d'évolution au produit, tu disais que tu avais commencé les robes de mariée, est-ce qu'il y a d'autres, je sais pas, l'enfant, il y a d'autres perspectives plus tard que tu aurais envie d'essayer ?
- Mina
Bah en fait, j'ai l'impression que vu que ma marque, tout le monde la voit comme une marque de femme, euh... Et même quand je dis que c'est de l'unisex, les hommes n'y prêtent pas trop attention quand même. Donc je suis en train de me dire, pourquoi pas commencer de l'homme ? Vraiment faire la différence entre la femme et l'homme. Je pense qu'il y a moyen que je commence de l'homme, genre 100% homme en fait.
- Ramata
Hâte de voir ça, ce serait super intéressant en tout cas de voir comment la version, on va dire masculine en fait, de ce que tu fais aujourd'hui, ça peut être super intéressant.
- Mina
Ouais, même moi, j'ai hâte de voir ce que je vais faire. Je ne suis même pas encore au courant de ce que je vais faire.
- Ramata
Ben, vraiment, c'est clair. Et est-ce que, je ne sais pas, tu vois, il y a pas mal de marques qui, bon, alors après, c'est peut-être plus tard, mais qui font soit de la déco, du parc de la beauté, des choses comme ça. Est-ce que toi, c'est des choses qui t'intéressent ? Ou toi, c'est vraiment le produit, le vêtement qui te parle le plus ? Ou alors même des accessoires, peut-être que tu en fais déjà. Est-ce que sur ces différents autres secteurs, tu as des envies ?
- Mina
Oui, j'ai eu des envies. Franchement, j'ai eu envie de faire une paire de chaussures, j'ai eu envie de faire un sac. Mais vu que je ne m'y connais pas, il faut que je trouve les bons artisans au Maroc pour peut-être faire une belle collaboration. Ça, ça viendra dès que je suis plus posée. Parce que là, j'ai d'autres buts. En fait, du coup, comme je t'ai dit, j'essaie de m'implanter à l'extérieur du Maroc. Ça me prend vraiment tout mon temps. Du coup, dès que je pense que j'ai un peu plus de liberté, J'aimerais bien peut-être commencer à faire un joli sac, avec toutes mes pièces, une paire de clôtures pour mes défilés, la même dans tout le défilé, tu vois, juste créer peut-être toute la vibe ensemble. Mais ça, ça va prendre un peu plus de temps, je pense. Ok.
- Ramata
De toute façon, c'est... C'est le business plan à trois ans, à cinq ans. Exact. On va essayer de continuer à la mesure, mais c'est bien de les avoir en tête suffisamment tôt pour pouvoir... pour pouvoir s'organiser au mieux.
- Mina
Aujourd'hui,
- Ramata
en fait, donc tu as ton atelier. Ton atelier, il est à Marrakech, c'est ça ?
- Mina
C'est ça, en fait. J'habite dans mon atelier, en fait. J'ai pris une maison. Je l'ai coupée en deux. Et j'habite dans un côté. Et de l'autre côté, c'est mon travail. Du coup, je descends. En fait, je n'ai pas le choix que de travailler. Je ne me suis pas donné l'option de ne pas aller au travail. Parce que sinon, moi, je suis en vacances tout le temps. Donc... Du coup là je suis obligée de descendre prendre mon café avec toute mon équipe et on bosse, on n'a pas le choix
- Ramata
C'est pas mal Et en termes d'équipe, est-ce que tu peux nous décrire un peu ton atelier, t'as quel type de profil ? T'as des modélistes, des bâtonniers, des coupeurs, ça s'organise comment en fait un atelier pour quelqu'un qui connaîtrait pas en fait comment Tantôt créer des collections de A à Z dans un atelier à taille humaine, on n'est pas dans une grosse usine qui produit en grosse quantité Comment est-ce que vous travaillez en fait ?
- Mina
Alors, j'ai déjà une salle de découpe, une salle de patronage de découpe. Donc ça c'est la première salle. En fait non, j'ai mon bureau à l'extérieur. Le bureau c'est là où je suis posée avec mon assistante. Elle, elle me gère toute la paperasse. Moi je suis dans mon coin en train de faire mes dessins, en train de faire mes petits designs et tout. Une fois que j'ai fait mes designs, je vais dans la salle de découpe et de patronage. Là-bas j'ai une fille qui travaille avec moi qui s'appelle Ibtissam. Elle va m'aider à faire les patronages, elle va me faire la gradation aussi, donc toutes les tailles. Donc on travaille là-bas ensemble, il y a tous les tissus là-bas dans cette salle-là. Donc on regarde les tissus qui iraient bien avec cette pièce, ce patronage. Voilà, on fait aussi toute la partie technique, combien de mètres il faut pour cette pièce, est-ce qu'on va mettre une doublure, est-ce qu'on ne va pas mettre de doublure. Voilà, on fait tout ce qui est technique un peu là-bas dans cette pièce. Une fois qu'on a fait le patronage, on va le découper dans le tissu. Et après, il y a une autre salle. Donc je sors de cette salle-là, je vais dans une autre salle, et c'est la salle de couture. Donc là, il y a une quinzaine de machines. Et j'ai pas mal de couturiers, de couturières, et j'ai aussi une brodeuse qui fait des broderies main. Et donc la pièce se coud à ce moment-là. Et voilà, une fois qu'elle est cousue, moi, on me la sort dans mon petit bureau. et je vérifie tout ce qu'il faut changer, ajuster, améliorer. Peut-être que ce n'est pas le bon tissu, peut-être qu'il faut raccourcir, peut-être qu'il y a plein de trucs à faire, peut-être qu'il faut une pince, j'en sais rien. Voilà, il y a plein de trucs à faire et après on refait le patronage, on refait la découpe, on refait la couture et normalement la pièce est bien. Une fois qu'elle est bien, c'est là qu'on peut commencer à la produire en plus grosse quantité. Mais quand je dis grosse quantité, ce n'est pas énorme. Moi, je fais des 30 pièces par modèle.
- Ramata
Ok, mais tu fais tout ça dans ton atelier. Donc, tu sais que ton atelier permet de produire ces 30 pièces par modèle. Oui,
- Mina
oui.
- Ramata
Et tes collections, il y a combien de pièces quand tu fais, quand tu divises printemps, été, automne, hiver ? En général, c'est des collections de combien de pièces que tu proposes ?
- Mina
Alors, moi, c'est deux collections par an. Chaque collection a à peu près 15 looks. Voilà. Ok, donc à peu près 15 looks.
- Ramata
Très bien, très bien. Plus après la partie sur mesure avec certaines clientes.
- Mina
Ça après c'est à part, ouais.
- Ramata
C'est à part, j'imagine bien. Mais du coup j'imagine que toi depuis que tu as fait ce lancement après Covid, tu as développé un certain nombre de clientes fidèles qui reviennent régulièrement, qui attendent tes collections, qui viennent à l'atelier en fait. Ouais.
- Mina
Mais oui, c'est trop bien d'ailleurs. Je ne pensais pas avoir des clientes fidèles comme ça. Moi, je les aime trop mes clientes. On devient même amis en fait. Ça devient mes amis. Je les aime trop.
- Ramata
Excellent. Et du coup, comment ça se passe quand on vient acheter une pièce chez toi ? Toi, tu es présente ou c'est plutôt ton équipe ? On peut échanger avec toi ?
- Mina
Ça dépend. Ça dépend. Parfois, oui. Ça dépend en fait de quel type de pièce. Si une cliente veut juste venir acheter une pièce directement à l'atelier, je n'ai pas besoin d'être là. Mais voilà, après si c'est une cliente qui a besoin de retouches ou qui veut quelque chose de spécial dans sa pièce, ouais, je suis là.
- Ramata
Parce que tu peux proposer des allitérations à certaines pièces, c'est-à-dire que je veux acheter une pièce prête à porter, mais il y a besoin d'ajuster. Ça, c'est des choses que tu proposes ?
- Mina
Oui, bien sûr. Je suis encore au niveau où je peux le faire. Si j'atteins un niveau où je peux plus, je le ferai plus, mais là je peux encore le faire. Donc il n'y a pas de souci, je le fais.
- Ramata
Mais je pense que ça fait partie aussi de ce que les clientes apprécient.
- Mina
Parce qu'en plus, quand elles viennent à l'atelier, elles voient qu'elles viennent dans une maison, elles voient qu'elles viennent dans une maison où je vis, ça se sent en fait. Donc c'est très chaleureux tout de suite. Donc ça va, en vrai c'est cool. Et toi,
- Ramata
j'avais vu une interview de toi où tu évoquais un petit peu ta volonté de... changer un petit peu l'image qu'on pouvait avoir de ce que pouvait être la mode fabriquée en Afrique où il peut y avoir un certain nombre de clichés et toi t'arrives avec un corset, quelque chose de totalement différent de l'image un peu vieillotte qu'on peut avoir en tête et ce que t'évoquais c'est que c'était vraiment important pour toi de créer et de contribuer à musculer un petit peu les idées reçues comment t'en es venu en fait à à te positionner par rapport à cette volonté un petit peu de bousculer les idées reçues ?
- Mina
Oui, c'est ça en fait. Moi, j'en ai eu marre qu'à chaque fois, on me dise « Oui, c'est une créatrice marocaine » . Les gens, directement, ils se disaient « Ah, donc c'est quoi ? Tu fais du cafetan ? Tu fais des délais là-bas ? » Non, mon gars, non, pas du tout. On est marocain, on a plein de non-leads, on sait faire beaucoup, beaucoup de choses. Et on est très, très moderne aussi ici. Donc bon, même si je fais des coupes super modernes, j'aime bien garder ma petite touche quand même marocaine, parce que ça reste ma culture et ça reste mes traditions. Et donc j'aime bien par exemple, tu vois, faire un blazer un peu oversized. Donc ça on sait que c'est très trendy, c'est très moderne, c'est ce qui se passe en ce moment. Mais moi je vais rajouter des petites broderies marocaines faites à la main, tu vois. Et tout de suite, ça rajoute un charme pas possible à la pièce, ça la rend unique. Et là, tu sais que ça a été fait par une Marocaine qui a du goût, tu vois. Voilà. Et donc,
- Ramata
dans tes pièces, dans la manière dont tu construis la collection, il y a toujours ce côté, je vais rajouter les broderies faites main, je vais rajouter, je vais faire appel un petit peu à l'artisanat marocain pour pouvoir allier, même si je n'aime pas trop cette expression-là, mais souvent on parle d'allier la tradition et la modernité, ou en tout cas mettre en avant des savoir-faire du Maroc. C'est ça,
- Mina
c'est ce que j'essaie de faire à chaque fois. C'est ce que j'essaie de faire à chaque fois. Et parce qu'on a aussi un patrimoine, tu vois, qui est dingue. Et j'ai pas envie qu'il se perde. Donc, moi, la fille qui fait les broderies à la main chez moi, elle a appris ça de sa mère. Sa mère, elle a appris ça de sa mère, qui a appris ça de sa mère. Et j'ai pas envie que ça se perde, parce que c'est en train de se perdre, tout ça. Maintenant, avec les machines et tout ça, on a plus de beau travail fait main. Donc, moi, j'essaie quand même de faire... de garder, en fait, tout ça.
- Ramata
Ce serait bien. Et du coup, en termes de... Positionnement, tu sais, il y a vraiment ces catégories. En tout cas, on étudie beaucoup ça en marketing. Premium, luxe, haute couture, haute gamme. Toi, quand tu parles de ta marque, où est-ce que tu la positionnes ? Et est-ce que tu cherches à la positionner en fait ?
- Mina
Moi, je n'ai jamais senti que j'avais besoin de la positionner. Mais si je dois la positionner, on m'a dit que j'étais du prêt-à-porter de luxe. Voilà.
- Ramata
Moi, on m'a dit ça. Quand on m'a dit ça,
- Mina
je me suis dit... Les gens, en fait, à part que tu me dises.
- Ramata
En général, quand t'as un atelier et qu'il y a du fait main, que c'est fait en petites quantités, la manière dont t'as décrit en détail l'organisation de ton atelier, effectivement, on est dans du luxe. Et ça, c'est important de mettre en avant. Je trouve que c'est important. En fait, de bien valoriser cette partie-là dans le travail qui est fait, on n'est pas dans de la production de masse en quantité, où en fait, finalement, ce que tu évoquais tout à l'heure, c'est qu'il y a 30 pièces par article. Donc, quand on a une pièce de ta collection, on n'est que 30 à l'avoir, en fait. Il n'y a pas... Ça, effectivement, on est complètement dans la définition du produit luxueux. Toi, aujourd'hui, la marque sur les réseaux sociaux, il y a un bon niveau de notoriété. Ce que tu disais, c'est que tu ne sais pas si tu communiques bien ou pas. Mais bon, je pense que tu ne dois le faire pas trop mal parce que sur Instagram, en tout cas, ça prend bien. Quelles sont un peu les recettes que tu appliques justement pour pouvoir être présente de manière régulière et intéressante sur les réseaux sociaux ?
- Mina
Écoute, je suis moi-même. Je montre mon travail de tous les jours. Je montre mon processus, je montre même pour mon équipe, quand ils veulent bien. Je montre les photoshoots, j'essaie de poster un maximum mon travail et tous les gens qui sont autour de moi, les photographes, les vidéastes, les mannequins, les marques avec qui je travaille, avec qui je collabore. J'essaie juste d'être moi-même et honnête. Et je pense que les gens, c'est ce qu'ils aiment en fait. Ils aiment bien voir comment ça se passe en vrai.
- Ramata
Ils aiment bien aller voir les coulisses et ils aiment bien l'authenticité en fait. C'est vraiment ce qu'ils vont...
- Mina
C'est ça, c'est ce que je fais.
- Ramata
Et ce qui marche bien. Et du coup, en termes de réseau, tu es sur Instagram. Est-ce que TikTok, c'est une plateforme sur laquelle tu es ?
- Mina
Je n'arrive pas à me mettre. Je n'arrive pas à me mettre. Vraiment. Je ne sais pas pourquoi. Oui.
- Ramata
Mais ce n'est pas obligatoire.
- Mina
Ce n'est pas obligatoire. Oui, mais si. Parce que franchement, pour les business, c'est vraiment pas mal TikTok. On me l'a souvent dit en plus, mais... Je ne sais pas. C'est pas mon truc. Même Facebook, j'y arrive pas. J'ai l'impression que Facebook, c'est plus pour les vieux, TikTok, c'est plus pour les jeunes. Et moi, je suis dans l'entre-deux, donc je suis plus Insta, je pense.
- Ramata
Sur Insta, pour des marques africaines, Insta et Facebook, il y a encore beaucoup à faire. TikTok aussi, mais sur Insta, quand t'es... Il y a encore des opportunités à faire grandir sa marque sur Instagram. Sans forcément... Parce qu'après, il faut du temps aussi pour être sur plusieurs réseaux sociaux.
- Mina
Il y a ça aussi. Oui, mais moi, je ne me vois pas poster tous les jours, tous les deux jours sur TikTok, Instagram, Facebook, machin. Moi, je ne sais pas, ça ne me dit rien. Peut-être que je devrais trouver une équipe qui me gère ça.
- Ramata
Ça, c'est possible aussi. Mais bon, on va dire, quand tu auras passé le step 2, la marque, elle sera où ? Plusieurs magasins ? On va vous mentir. Ce sera plus facile d'envisager de... effectivement une équipe ou... C'est pas forcément une grosse équipe, en tout cas, quelqu'un qui peut t'aider à gérer cette partie. De toute façon, parce que je pense qu'il y a des contenus que tu produis aujourd'hui qui peuvent tout à fait être adaptés pour un TikTok. Mais il faut quelqu'un qui connaisse la plateforme pour t'aider à le faire bien. Toi, aujourd'hui, ce qui est OK, c'est que tu as des opportunités de défiler à l'étranger à travers des collaborations. Est-ce que toi, tu organises... un défilé à chaque fois que tu as une collection ? Tu fais ta 2 collections par an, donc est-ce qu'il y a un défilé à chaque fois ? Ou est-ce que le défilé c'est pas forcément systématique ? Non,
- Mina
non, le défilé c'est pas systématique parce que ça coûte vraiment très très cher quand même de faire tout un défilé. Donc non, c'est rare. Maintenant, je vais collaborer avec une amie qui s'appelle Hind, Joudar, et qui organise les Oriental Fashion Show. Et je pense qu'on va faire une Fashion Week à Marrakech, qui serait genre le Marrakech Fashion Week, on va peut-être organiser ça très bientôt. Et c'est moi qui vais gérer ça, je vais faire une petite sélection de créateurs que j'aime beaucoup. Donc le prochain défilé, ça sera sûrement ça, en avril.
- Ramata
Ok, super fait ! Donc du coup, l'idée c'est que ce soit un défilé récurrent tous les ans, qui te donnerait l'opportunité de te marquer et de te présenter également d'autres créateurs. Et toi tu parlais justement de créateurs que tu aimes bien, Donc on sent le côté un peu mettre en avant des collègues, d'autres créateurs, puisque tout à l'heure tu parlais du côté le pop-up store que tu organises à chaque fois où tu fais venir des créateurs et où ça leur donne l'opportunité d'être... ça les touche, ça les aide. Et là, tu parles du défilé. Les marques que tu nous recommandes de créateurs au Maroc ou ailleurs, mais qu'on serait susceptible de voir si on part à Marrakech ou à Dabla ?
- Mina
Par exemple, j'ai un de mes très très bons copains qui s'appelle Pierre-Henri, qui a une marque qui s'appelle Topolina. Ils sont installés au Maroc depuis très très longtemps. Et donc cette marque est top. Il y a un autre ami à moi qui s'appelle Youssef, qui a une marque qui s'appelle Late for Work, que j'aime beaucoup aussi. Je le trouve très très cool. Voilà, j'ai pas mal de marques d'une copine qui s'appelle Coup de Soleil, qui a une marque. J'ai pas mal d'amis en vrai qui ont pas mal de marques très très chouettes. Il y a une amie qui s'appelle Nadia Cheldawi qui fait des sacs aussi, avec qui je collabore pour Los Angeles, pour le défilé en mars. Donc ouais, il y a la marque Zine aussi que j'aime trop, de chaussures. Ouais, voilà, il y a plein de marques.
- Ramata
Ok, super, donc a priori potentiellement... à Los Angeles, sur l'opportunité d'en voir certaines, et également après, à Marrakech, sur le mois d'avril, puisque après, vous avez comme un collectif, vous suivez les uns les autres, et vous participez aux événements les uns les deux autres.
- Mina
Moi, je partage tout, de toute façon, avec mes amis. Je suis plus dans l'entraide que dans autre chose, tu vois. J'aime bien, je trouve qu'on y arrive plus quand on s'aide tous.
- Ramata
C'est sûr, après, ça a l'air un peu... Comment dire ? Un peu la phrase bateau, l'union fait la force, mais c'est certain que dans la mode aujourd'hui, avoir un collectif de créateurs qui s'entraident, avoir une fédération, ça permet de faire plus de choses. Est-ce que toi, tu as le sentiment qu'au niveau du Maroc, je ne sais pas dire du gouvernement, mais est-ce que tu sens qu'il y a des aides d'un ministère de la Culture ou autre qui va un peu... pousser en fait les initiatives des industries culturelles ou est-ce que tu penses que c'est plutôt des initiatives individuelles qui vont permettre de faire rayonner encore plus loin la mode africaine, la mode marocaine ?
- Mina
Non, il y a des aides, il y a une plateforme qui s'appelle la maison de l'artisan et ils aident beaucoup tout type d'artistes et d'artisans en fait. Il y a pas mal de plateformes qui sont mises en place. Donc, ça, c'est vachement chouette. Donc,
- Ramata
il y a vraiment une volonté d'accompagner, en fait, le développement des créateurs marocains. Et moi, c'est vraiment quelque chose que je sens dans plusieurs pays d'Afrique où, de plus en plus, tout ce qui est lié aux industries culturelles et créatives, on s'y intéresse de plus en plus et on cherche à accompagner, à participer au développement, même si les aides, elles ne font pas tout, quand même. Il y a une volonté, en tout cas. de promouvoir, de mettre la lumière sur l'artisanat, sur les créateurs, les musiciens.
- Mina
Oui, absolument.
- Ramata
C'est une vraie richesse, en fait. Ça fait vraiment partie du patrimoine.
- Mina
Absolument,
- Ramata
oui. Écoute, là, on arrive à la fin de cet échange. Tu nous as parlé, en fait, d'un défilé éminent au mois de mars à Los Angeles. Et ensuite, il y aura probablement un également au mois d'avril qui sera à Marrakech. C'est quoi les autres d'actualité dont tu voudrais nous parler sur 2025 ? On sait qu'il y a potentiellement des ouvertures de boutiques, mais pour l'instant, on ne sait pas encore lesquelles.
- Mina
Ouais. Écoute, pour l'instant, j'ai l'impression que c'est tout. J'aimerais bien peut-être faire un petit défilé aussi fin d'année pour ma bridal collection, tout ce qui est marié. Mais voilà, ça c'est peut-être, encore ce n'est pas sûr. Et voilà, écoute, c'est tout pour l'instant. C'est déjà bien, je trouve.
- Ramata
Oui, je l'ai appris un petit peu. C'est clair, ça fait un premier semestre d'année bien fermé. Moi, de toute façon, je mettrai le lien en note de l'épisode, je mettrai le lien de ton compte Insta, et puis les informations liées à l'événement à Los Angeles. Et si tu as déjà les infos liées à la Marrakech Fashion Week, je le partagerai aussi comme ça. Ceux qui sont sur place ou ont envie de voyager, ils auront toutes les infos. En tout cas... Marrakech au mois d'avril, ça me tente. Ça me tente bien.
- Mina
Je t'enverrai des invités, promis.
- Ramata
Avec plaisir. Je te remercie pour ton temps. J'étais ravie d'avoir l'opportunité, d'avoir un moment pour échanger avec toi et bien connaître la structure de ton business et comment tu développes la marque. Et aussi d'avoir un peu des infos sur tes ambitions sur le futur. Donc, on te souhaite encore plein de réussites pour la suite. Et puis, que te dire ? À très vite en Afrique voyeur.
- Mina
Merci beaucoup. Franchement, c'était super sympa. Merci.
- Ramata
Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Je vous invite à pratiquer quelques petits gestes à impact fort pour m'aider à gagner de la visibilité sur ce podcast. Vous pouvez partager l'épisode à trois de vos amis. Vous pouvez laisser un commentaire sur Apple Podcast ou Spotify. Je vous invite également à cliquer sur les cinq étoiles pour donner de la force. Je vous dis à très vite. en Afrique ou ailleurs.