- Speaker #0
C'est-à-dire que là, on parle d'une entreprise, d'un groupe qui a plus de 100 ans d'âge, qui a une culture extrêmement forte, culture industrielle de surcroît. Et si on veut refondre un processus, quel qu'il soit, on aura toujours des gens qui vont nous dire « mais pourquoi tu veux faire ça ? » On a toujours fait autrement, on va continuer à faire comme on a toujours fait. Et dès lors, réunir des géants différents, tous de l'ICNCF, quelque part tous dans cette culture, mais qui sont tous différents dans leur âge, dans leur genre, dans leur parcours, dans leur culture ou leur culture d'origine, et évidemment dans leurs expériences et leur formation initiale, c'est vraiment la clé pour sortir de la dépendance du sentier.
- Speaker #1
Bienvenue sur DinoSapiens, le podcast. qui explorent la transformation des organisations sans bullshit ni jargon. Chaque épisode, jetons le micro à celles et ceux qui, à leur manière, font évoluer nos façons de travailler, de décider, de manager. Parce que transformer, ce n'est pas imposer, c'est comprendre, embarquer, expérimenter. Parce que, dans un monde qui change vite, c'est notre capacité à rester humain qui fera toute la différence. Alors embarquez avec moi sur Dinosapiens et ensemble, évitons l'extinction. Avant de commencer, un grand merci à Rebecca et Bikki et à toute l'équipe du studio Make My Day by Lonsdale pour leur accueil chaleureux lors de cet enregistrement. Je reçois aujourd'hui Olivier Beaurepère, dirigeant de la transformation, expert en data, IA et cybersécurité. Olivier a passé la plus grande partie de sa carrière dans d'importantes directions digitales de la SNCF et on lui doit certaines évolutions majeures de notre expérience avec le train en France. Issu de classe prépa et d'une formation à Dauphine, Olivier Beaurepère a baigné dans une culture familiale où le service public s'écrivait en lettres majuscules. Rentré directement à la DSI de la SNCF après ses études, il est très vite à l'aise avec les valeurs et l'ambition collective du groupe. Rapprocher les personnes, respecter l'environnement, participer à la construction européenne, des missions à grande échelle qui cimentent les équipes du groupe. Cette immense entreprise de services publics est à la fois un des plus grands enjeux de la vie de la société, industrielle et ouvrière, a opéré depuis des décennies des transformations majeures que chacun d'entre nous connaît très bien. Olivier a débuté comme analyste programmeur, puis a gravi les échelons. Dans ses faits d'armes, sa participation à la digitalisation des titres de transport, et oui, le e-billet que l'on connaît, ou la valorisation des gares en centre-ville, qui voit passer pas moins de 2 milliards de passagers par an en France. Nommé au secrétariat général de la branche TGV, il a pour mission ensuite d'acculturer la direction pour inoculer l'agilité dans l'ADN de l'organisation. Ce que ça veut dire, c'est qu'il s'agit de permettre à la direction de faire évoluer régulièrement sa vision, tout en déclinant opérationnellement les nouvelles ambitions avec fluidité dans l'organisation. Ça passe bien entendu par une transformation non pas technologique, mais culturelle, managériale, organisationnelle, méthodologique. Cette étape lui fait toucher le cœur. cœur du réacteur et l'emmène ensuite vers la direction marketing B2C de TGV, un monde de data, de prix, d'offres et de produits comme TGV Max qui permet de toucher les plus jeunes et de faire entrer TGV dans l'économie de la souscription. Nombreuses sont les premières fois permises par l'énergie et le savoir-faire d'Olivier à la SNCF. D'ailleurs, quand on a préparé cet épisode, je lui ai demandé est-ce qu'il y a dans ta carrière une mission où tu n'as pas tout monté de zéro ? Je vous laisse imaginer la réponse. Transformé par la méthode, oui, mais transformé par les systèmes de collaboration, trois fois oui. C'est l'ensemble du parcours d'Olivier qui en témoigne. Alors plutôt que de vous raconter dans sa bio l'ensemble de ses faits d'armes, j'ai demandé à Olivier d'en choisir trois et de les raconter car je suis sûre que ces histoires vous parlent autant qu'à moi. Et quand le conteur est aussi le créateur, c'est une chance inestimable d'écouter son témoignage. Vous comprendrez alors tout ce qui sous-tend de telles transformations. Bonjour Olivier.
- Speaker #0
Bonjour Bérangère.
- Speaker #1
Je crois qu'on aurait pu passer deux ou trois après-midi à préparer cet épisode, tellement tu as d'histoires marquantes à nous raconter. Si tu es d'accord, j'aimerais que tu nous racontes peut-être la plus ancienne, l'événement un peu fondateur de toute la transformation digitale de la SNCF. Je veux parler de l'aventure du e-billet. Qu'est-ce que tu peux nous en dire ?
- Speaker #0
Le e-billet, c'est 2005-2010, un monde où on commençait peut-être timidement à utiliser Internet, au moins pour acheter des billets de train. En tout cas, on hésitait très fortement en interne SNCF à arrêter le Minitel 3615 SNCF, qui était quand même une mine d'or, il faut le dire. Alors l'EI billet, c'est quoi ? L'EI billet, pour ceux qui nous écoutent, c'est le passage du billet papier SNCF, le grand billet papier très large avec une piste magnétique qui nous venait du monde de l'aérien. Et le passage de ce billet-là... à finalement un QR code ou une trace dans un système d'information, en 2005. Et en 2005, qu'est-ce qu'on a eu ? On a eu une vision. Alors une vision, c'est toujours « et si on faisait ceci, cela ? » Qui dit vision, dit visionnaire. Donc il y avait des gens, à cette époque-là, qui étaient visionnaires et qui ont posé cette vision. Et puis une vision qui s'inscrit, qui se matérialise dans un cahier des charges. Enfin, ce n'était pas vraiment un cahier des charges, c'était une BD sur une page à quatre, qui racontait l'histoire d'un client. peut-être même qu'à l'époque on disait encore usagers, d'un agent d'escale en gare, d'un contrôleur à bord et d'un contrôleur de gestion. Et finalement, toute cette histoire, cette bande dessinée, c'était « il n'y a plus de papier, il y a un QR code, que se passe-t-il ? » et comment ça transforme la vie de chacun. Et donc le hibier, la rencontre entre des visionnaires, des créatifs, qui se disent « mais cette histoire, on va la raconter sous forme d'une bande dessinée » , des patrons qui font confiance et qui croient à cette vision-là, et donc une équipe projet, une équipe programme qui se monte. Et moi, là-dedans, j'étais le patron IT, système d'information, de cette chose-là. Ce dont je me souviens, peut-être deux choses. Déjà, c'était vachement gonflé à l'époque de se dire, on va digitaliser, dématérialiser tous les billets de train. Mais personne ne l'avait jamais fait avant. Et à la SNCF, tu l'as dit, Bérangère, c'est tout de suite à l'échelle. Donc les économies, par exemple, ne seraient-ce que les économies en termes de papier. qu'il fallait acheter étaient tout de suite colossales. Mais le nombre de types de transports, le stockage dans les systèmes d'information, la data que nous nous apprêtions à collecter était juste phénoménale. Et évidemment, il a fallu inventer beaucoup de choses dans la technologie. Mais c'est aussi, et cette bande dessinée, moi je reviens à cette image-là d'un collègue qui est parti à la retraite depuis dix ans maintenant et qui l'avait dessinée. C'est une histoire d'hommes et de femmes, de clients. de salariés de la SNCF, de personnes extérieures à la SNCF, dans des agences de voyage, des commissaires aux comptes, les services de police, il y avait tout le monde. Ces gens-là, demain, travaillent différemment. Et là, ça a été l'importance. On a envie de dire la conduite du changement, et c'est un mot qu'on dit, oui, bien sûr, dans tout projet, on va faire de la conduite du changement. Mais en fait, c'était d'aller voir, je me souviens, de peut-être 25 populations différentes, et de leur dire, aujourd'hui, à un moment, dans votre customer de journée ou employé de journée, vous manipulez un billet papier. Demain, vous avez un flux informatique, que se passe-t-il ? Et d'imaginer leur futur avec eux pour derrière pouvoir l'implémenter. Et puis évidemment, il y a la mise en production et le méga stress d'un projet qui a extrêmement bien marché. Or extrêmement bien marché pour atteindre évidemment des objectifs business. Ces objectifs business, quels sont-ils ? C'est ce qui a permis le développement de la vente en ligne avec Voyages-SNCF.com, SNCF Connect aujourd'hui. C'est également la possibilité pour les clients de réserver leur billet sur un smartphone. Il n'y avait pas de smartphone à l'époque. mais progressivement des usages qui se développent. Je réserve mon billet sur un smartphone, par exemple, et je peux également l'échanger dans le métro pour prendre le TGV, le train d'avant ou d'après. Donc une facilité, une fluidité qu'on entrevoyait à peine, et ce sont les usages de nos clients, de nos agents qui ont fait le reste.
- Speaker #1
Oui, c'est ça, parce qu'en fait, comment on imagine ce qui n'existe pas ?
- Speaker #0
On n'imagine pas tout. Je pense qu'on crée les briques, on pose la vision, on pose les fondations, et puis il y a des gens... on va dire beaucoup plus brillant que nous, qui arrive derrière et qui imagine des nouveaux services, des nouveaux usages. Et puis il y a la vie tout simplement avec la digitalisation qui a changé complètement nos vies, la façon dont on envisage nos vacances, dont on voyage, dont on se déplace, mais dont on réserve une place de cinéma ou dont on va chez le médecin. Évidemment, ça, on ne peut pas l'anticiper.
- Speaker #1
Alors, au-delà de l'expérience client, qu'est-ce que ça a changé le e-billet pour la SNCF ? Qu'est-ce que ça a permis de reconfigurer ?
- Speaker #0
De reconfigurer, déjà, ça a permis... Eh, on va le dire. Ça a permis d'arrêter et de convaincre tout le monde que nous pouvions arrêter le 3615 SNCF sur Minitel. C'est déjà bon. Alors c'est pas mal, d'autant que France Télécom a dit, dans ce cas, on arrête le Minitel. Véridique. C'était le dernier site qui fonctionnait encore parce qu'il était nécessaire. Au-delà de ça, qu'est-ce que ça a permis de faire ? Ça a permis un shift radical de la vente au billet vers la vente en ligne. Il a fallu évidemment accompagner. derrière les vendeurs au guichet qui se retrouvaient à devoir faire autre chose, certes, mais ça a également permis de libérer des milliers de mètres carrés en gare pour transformer les gares, et que l'on soit en région parisienne ou dans toute grande ville de province, on voit ce que ça donne, des gares beaucoup plus aérées, qui deviennent beaucoup plus des lieux de vie, avec des commerces, etc. Donc ça a rendu ces choses-là possibles. Et la vente en ligne, bien évidemment, offre une facilité aux clients, mais beaucoup plus économique pour la SNCF. Donc, il y a également une réalité directement business derrière.
- Speaker #1
Alors, il y a aussi une anecdote, quand on a préparé, qui m'a fait sourire. C'est une histoire qui a le nom de code, le Tinder de la SNCF. Alors, cette histoire n'a pas eu nécessairement un impact aussi visible que le e-billet pour les clients de la SNCF. mais a eu quand même un impact indirect pour leur proposer un meilleur service. Qu'est-ce que tu peux nous raconter de cette histoire ?
- Speaker #0
Alors je tiens à dire que le Tinder de la SNCF, on l'a écrit sur trois PowerPoints et après on s'est arrêté, on a vraiment trouvé un vrai nom de code pour le projet. Alors le besoin, quel est-il ? Quand on prend le train, on sait qu'en gare, quand ça devient un peu compliqué, on voit apparaître des gens de la SNCF avec un gilet rouge. Ce projet, c'est la refonte des gilets rouges, pudiquement appelés en interne de cette entreprise les volontaires de l'information. Et donc, ces gilets rouges, qui sont-ils ? Ces gilets rouges sont des employés SNCF qui travaillent dans des bureaux et dont on se dit régulièrement, là, il s'agit de grands départs. Il y a un incident sur les lignes avec cause météorologique ou autre. Il est plus important que vous veniez en gare pour aider vos collègues à renseigner les clients plutôt que de travailler votre ultime business model sous Excel dans un emploi tertiaire. Il s'agissait sur ce projet de refondre tout le processus d'appel à volontaire. Une gare a un besoin, émet ce besoin-là, qui peut être un besoin programmé, s'il s'agit de départ en vacances, ou un besoin plus spontané suite à un problème technique. Et donc la gare fait un appel à volontaire, avec un certain nombre de critères, de langues, de compétences, etc. Et des employés de bureaux de la SNCF s'inscrivent, répondent, je suis présent, je suis volontaire. On prend ce projet-là, c'est un processus qui existe, qui fonctionne bien, et le sujet a été était un moment de le moderniser pour accroître la capacité de mobilisation, la réactivité. Et puis c'est un dispositif qui est également apprécié des clients de la SNCF. Et donc on part en mode projet. Alors moi j'étais en charge de la digitalisation du service à ce moment-là. On part en mode projet et finalement on prend ce projet-là comme on prend tous les projets. Il n'y a plus vraiment des cahiers des charges, mais il y avait un petit peu de design thinking, il y avait un petit peu de collecte, des irritants, d'interview, etc. Et en fait, dans l'équipe projet que l'on commence à assembler, Moi, j'avais 48 ans à l'époque, donc j'étais déjà un vieux daron, j'étais chef. Et une équipe qu'on assemble et qui était très diverse. Alors diverse, évidemment, dans les parcours et les métiers des gens, diverse en genre, en culture, en formation et en âge. Et là, j'ai une jeune collègue, alors qu'on se creusait la tête, on faisait des batailles de post-it, mais on avait du mal à sortir l'idée qui nous permettrait d'entamer la rénovation de ce processus, qui est « Clate de rire » . C'était une collègue de 28 ans et qui dit, mais en fait, ce qu'on veut faire, c'est le Tinder de la SNCF. C'est une appli de match. Il y a une gare qui a des besoins. Il y a des agents dans des bureaux qui se disent, moi, je voudrais bien être disponible. Et finalement, le nom de code est devenu le Tinder de la SNCF. Ce qui fait que le premier MVP, Produit Minimum Viable, qui est sorti deux mois et demi après, reprenait les codes de Tinder avec le Swift, le geste du pouce que l'on trouve sur l'application Tinder. Et c'est ça qui a été testé en première intention dans les mains d'un certain nombre de collègues. L'IHM, l'interface, le geste n'a pas été retenu à la fin parce qu'il n'a pas été jugé suffisamment optimal ou intuitif pour un certain nombre de collègues. Mais néanmoins, le nom de code sous forme de clin d'œil est resté. Nous avons fait le Tinder de la SNCF.
- Speaker #1
Et alors, quel est l'avantage justement pour avoir des nouvelles idées, d'avoir des équipes mixtes, diverses ?
- Speaker #0
Ce n'est pas un avantage, c'est à la fois une clé et de mon point de vue, une condition sine qua non. C'est-à-dire que là, on parle d'une entreprise, d'un groupe qui a plus de 100 ans d'âge, qui a une culture extrêmement forte, culture industrielle de surcroît. Si on veut refondre un processus, quel qu'il soit, on aura toujours des gens qui vont nous dire « mais pourquoi tu veux faire ça ? » « On a toujours fait autrement, on va continuer à faire comme on a toujours fait. » Et dès lors, réunir des gens différents, tous de la SNCF quelque part, tous dans cette culture, mais qui sont tous différents dans leur âge, dans leur genre, dans leur... parcours, dans leur culture ou leur culture d'origine, et évidemment dans leurs expériences et leur formation initiale, c'est vraiment la clé pour sortir de la dépendance du sentier. On fait comme ça parce qu'on a toujours fait comme ça. Et là, peut-être que je te renvoie à la question bérangère, mais la dernière fois que tu t'es promené dans les Landes, il y a un sentier dans une forêt de pin. Normalement, tu suis le sentier. Non, moi,
- Speaker #1
je recherche les champignons. Je marche toujours un peu à côté du trottoir.
- Speaker #0
Bon, il faut qu'on aille se promener ensemble parce que moi, je les cherche, je ne les trouve jamais, les champignons.
- Speaker #1
Dans ce que tu me dis, ça me fait penser véritablement à la richesse qui est amenée quand on a une approche de considérer que l'intelligence collective est un atout, que prendre en considération les opinions, les idées de toute une équipe, ça nous amène plus loin. Qu'est-ce que tu en penses, toi ?
- Speaker #0
Je pense que je suis évidemment d'accord et convaincu avec ton propos, mais parce que j'écoute... régulièrement en podcast étrangère depuis plus d'un an maintenant. Au-delà de ça, ce que ça m'évoque, c'est que c'est également une difficulté qui repose sur le... qui arrive sur le manager. Le manager qui n'est plus le sachant, qui n'est plus la personne que les gens vont voir quand je n'y arrive plus pour apporter la réponse. Mais on arrive dans... Alors c'est un peu les concepts d'entreprise libérée, et je ne sais pas si ça existe, ces entreprises-là, mais le manager qui devient un servant leader, le manager qui est là pour... aider à la reformulation pour que les collaborateurs apportent leurs réponses. Et donc ça induit... un repositionnement important dans sa tête du manager, mais également sur tout le mid-management et les systèmes de collaboration. Et ça oblige quelque part, ça ne peut aller de pair qu'avec un management par la confiance. Et le management par la confiance, pour animer ces équipes très diverses, pose finalement une colle à une personne. Encore une fois, c'est le manager ou le team leader, puisqu'en fait la confiance c'est le risque que l'on prend soi-même de faire confiance. Ce n'est pas une personne qui gagne notre confiance. On l'a choisi, on a décidé de travailler ensemble, on bosse ensemble. Et donc, c'est une responsabilité accrue sur le manager. Et donc là, tout l'enjeu pour que ça puisse se passer à l'échelle, c'est que ce travail spécifique sur le modèle de leadership, sur ce qu'on attend des managers, sur le soutien inconditionnel qu'ils doivent avoir de l'entreprise pour opérer les transformations, se met en œuvre ou pas.
- Speaker #1
Merci Olivier. On arrive à la troisième histoire, celle des réclamations TGV. On imagine bien que la SNCF, ce sont des masses de données. On a parlé tout à l'heure de 2 milliards de passagers par an. du besoin d'avoir la donnée en temps réel et avec un haut niveau de qualité. Comment as-tu transformé l'expérience des réclamations en t'appuyant sur la data et l'intelligence artificielle ?
- Speaker #0
C'est super, on va enfin pouvoir parler un peu tech. Non, j'aime beaucoup l'humain, mais quand même, la tech, c'est cool. Blague à part, si on parle des réclamations TGV, alors les réclamations, c'est quoi ? C'est la réclamation que vous, moi, chacun faisons quand finalement, ça ne s'est pas super bien passé. De quoi on parle ? On parle en année normale et sans trahir de secret de environ 500 000 réclamations par an. Et puis quand il se passe des choses comme le Covid, etc., on peut monter en stock à 1 million de réclamations. On parle bien de stock. Donc quand c'est en stock, c'est-à-dire qu'il y a un client qui attend une réponse. En fait, il n'y en a pas un, il y en a un million. Donc ça, ce sont des grandes périodes de Covid, de mouvements sociaux, etc. Ces réclamations sont traitées dans un business B2C comme TGV par des équipes internes qui ont accueilli à cœur, de recueillir la plainte du client, de l'écouter, de la comprendre, de la reformuler, d'apporter une réponse et, si possible, de transformer un irritant en remerciement. Donc, on est vraiment sur des acteurs qui sont totalement commités, dévoués, en se disant qu'on est le dernier filet qui permettrait finalement de permettre à ce client d'être finalement moins mécontent et de revenir à bord des trains. Par contre, quand on a un million de réclamations en stock, là, tout le monde devient livide. avec sa petite cuillère devant la montagne qu'il s'agit de faire descendre. Et là, on rentre dans des modes dégradés, traditionnellement. Et c'est pareil dans toutes les entreprises. Je veux dire, écoutez, faites de l'abattage et puis on verra bien. Alors, ce qui était vachement bien chez TGV, effectivement, c'est la data. Une entreprise qui s'est numérisée, qui s'est digitalisée, qui s'est dématérialisée, qui s'est informatisée. Il y a plein de termes qui se sont succédés. Enfin, tout ça, c'est la même chose. Finalement, on met des ordinateurs, des algorithmes pour motoriser des processus d'entreprise. Mais ce faisant, non seulement on crée de la performance, c'est l'exemple du billet, mais également on capture de la donnée. Et cette donnée, l'idée c'est de la capturer. On la capture très loyalement, en respectant le RGPD, toutes les lois, etc. Mais en fait, cette donnée devient un actif de l'entreprise. Et si on dispose de cette donnée, que cette donnée est gouvernée comme un actif de l'entreprise, comme l'actif humain, comme l'actif financier, qu'elle est décrite, qu'elle est rendue disponible pour d'autres acteurs, on sait en faire des choses. Et on va le dire comme ça, sans data. il n'y a pas d'IA, sans data, pas d'intelligence artificielle. Ce qui est bien avec l'intelligence artificielle, c'est qu'aujourd'hui, tout le monde en veut. Tous les boards ont testé chat GPT et se disent « je veux mon XXX » , remplacé par le nom de votre société, GPT. Ce qui a été fait chez TGV il y a déjà une dizaine d'années, 8 ans maintenant, ça a été de se dire « mais quel est le secteur sur lequel on a des pain points, des problèmes que l'on ne sait pas résoudre, beaucoup de données, et sur lequel on pourrait intégrer à certains endroits du processus une intelligence artificielle qui permette... d'améliorer des KPI business. Ces KPI sont le stock, j'en ai parlé, donc il s'agit de le réduire, le stock maximal à l'instant T, la satisfaction client, finalement un client a réclamé, une fois qu'on lui a répondu, est-ce qu'il est plus ou moins heureux ? Là, c'est de la CSAT ou du NPS. C'est également le délai moyen de réponse. Ce n'est pas la même chose de recevoir une réponse en 3 jours qu'en 30 jours. Et ça, ce sont les 3 KPI métiers qui sont suivis, etc. L'introduction... de moteurs d'intelligence artificielle tirant parti de ces données absolument massives, donc les données des réclamations, les données des fiches clients, finalement du compte client qui est adossé à toutes vos réservations de billets, etc. Votre historique dans votre relation avec la SNCF a permis, donc en mettant de l'IA à deux niveaux, le premier c'est permettre au client de dialoguer, alors avec un, on disait chatbot à l'époque, un moteur d'IA un peu évolué, mais qui permet au client de parler son langage. La première question qui était posée avant, c'était est-ce que votre train a été supprimé ou annulé ? Je mets au défi quiconque qui n'a pas BAC plus 20 à SNCF de comprendre la subtile différence entre la suppression et l'annulation. Et si vous pensez savoir, vous avez faux, j'en témoigne. Bon, une fois qu'on a dit ça, on permet au client de parler son langage, de dire mon train n'était pas là. Et puis s'il est très énervé, il va rajouter un ou deux qualificatifs, etc. Donc ça permet de capturer aussi son intention, son état d'esprit. Donc là, on peut mettre de l'intelligence artificielle et c'est pertinent parce que, tu l'as dit, ça améliore la qualité des données qui rentrent dans le système. Une fois qu'on a capturé l'intention de manière précise, qu'on a pu lui demander de préciser, de raffiner, s'il ne donne pas naturellement le numéro de train, on va lui demander quelle gare, etc. Et puis derrière, ça permet quand la donnée est en qualité, avec des outils, donc là c'est du machine learning, de travailler des propositions de réponses automatisées que l'on peut faire au client. C'est-à-dire, je reviens sur l'employé de la SNCF, parce qu'à un moment il y a toujours l'humain là-dedans, et l'humain est au cœur, qui traite une réclamation de monsieur X, et puis là le système peut lui dire, si tu veux, là il y a une dizaine de réclamations qui ressemblent un peu, je peux te proposer des réponses. Si c'est bon, on peut faire OK, OK, OK. On a gagné du temps et on a amélioré les indicateurs business. Si ce n'est pas bon, l'IA est contente parce qu'elle apprend. Donc l'apport de la technologie dans un processus d'entreprise au service des objectifs business et de la satisfaction client. Donc ça, c'est un projet dont je suis assez fier, qui se déroule toujours. Mais encore une fois, il faut évidemment plutôt beaucoup de données que l'on mettra en qualité si nécessaire pour pouvoir espérer faire de l'IA à l'échelle qui change. réellement les choses.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Alors, de ces aventures formidables que tu as dirigées ou auxquelles tu as participé, quelle conviction t'es-tu forgée sur la transformation numérique dans un environnement aussi complexe que celui de la SNCF ?
- Speaker #0
Alors, complexe et contraint, le train date du XIXe siècle et là, on est au XXIe. Finalement, on a en France des trains modernes et une façon de prendre le train qui est... très moderne, il suffit de s'ouvrir un peu, de se déplacer, etc. Donc, la SNCF existe toujours et s'est transformée. S'est transformée, mais voilà, une entreprise qui n'est pas que... qui est complexe, qui est contrainte. On l'a dit, c'est une entreprise industrielle, c'est un secteur qui est régulé, bien évidemment. Il y a 4 ou 5 modèles économiques qui cohabitent au sein d'un grand groupe, qui, on va le dire, une sensibilité du corps social qu'il convient de prendre en compte, et puis également une culture managériale. Voilà. Toutes les entreprises, on va dire ça dépend. Voilà, et qu'il convient de faire évoluer. Tous les voyants sont allumés pour dire c'est intransformable. Et pourtant, avec les quelques exemples dont on a parlé là, 70 millions de Français constatent que depuis 5 ans, 15 ans, 30 ans, la SNCF, le groupe SNCF s'est transformé, et le secteur ferroviaire, l'industrie ferroviaire dans son ensemble. Donc en fait, c'est possible. Ma première conclusion, c'est quand c'est intransformable, c'est possible. La deuxième chose peut-être, c'est oui, bien évidemment, le numérique. Le numérique, c'est quoi ? Ce sont des technologies, bien sûr, mais ce sont aussi les usages de ces technologies qui se sont développées dans la population. Ce sont les méthodes apportées par les acteurs du numérique, les méthodes issues du design, de l'agilité, etc., qui rendent ça possible. Et peut-être le troisième point comme enseignement, moi, c'est la foi absolue en l'humain et dans les capacités des acteurs d'une organisation. à inventer, à décrire le chemin de leur transformation. Depuis un visionnaire qui s'est dit « je vais écrire une bande dessinée pour convaincre un board, on peut supprimer le billet papier » , jusqu'à une jeune femme qui éclate de rire en réunion où il n'y avait que des vieux barbons de mon âge en disant « mais ce que vous voulez faire, les pépés, c'est Tinder » . On s'est tous regardés, on était presque gênés, puis on n'a pas compris en vrai. Donc elle nous a expliqué, elle nous a montré, jusqu'à des sujets... du jour, comme l'introduction de l'intelligence artificielle, ses prérequis, mais également toutes les opportunités. Il suffit là de faire confiance à ses équipes.
- Speaker #1
Merci, c'est hyper impressionnant. Quand tu fais tout ce panorama, c'est incroyable la richesse de ce que tu tiens à traverser. Alors, quels conseils voudrais-tu donner aux jeunes femmes et aux jeunes hommes qui, comme toi, ne tiennent pas en place, ne supportent pas la monotonie du run et s'apprêtent à diriger des transformations ?
- Speaker #0
Le premier sujet peut-être, pour moi, et en toute humilité, et évidemment des transformations comme celle-là, j'en parle. Aujourd'hui, je travaille dans une autre entreprise, je ne les ai pas faites seules et d'autres les poursuivent. Donc vraiment avec une très grande humilité, mais ce que j'en tiens. Le premier sujet, si je m'adresse à tes enfants, Bérangère par exemple, c'est la primeur, la primauté absolue du quoi ? Pourquoi on fait les choses ? Le pourquoi en deux mots est le premier conseil à donner à un chef de projet, à un directeur de programme fraîchement nommé, c'est ne lâchez rien sur le sujet. Vous serez surpris des réponses ou au début de l'absence de réponses. Pourquoi vous voulez faire les choses ? Quel en est le sens ? Où est-ce que tu veux aller ? Qu'est-ce que tu veux être demain en ayant fait ce projet-là ? Ne lâchez rien. Vous serez surpris, il y a même des gens qui vont vous en vouloir, à la fin vous serez remercié. Merci, quand un grand patron dit merci, en fait nos échanges m'ont permis de clarifier ce que je voulais faire et la direction stratégique dans laquelle je souhaite emmener telle partie de l'entreprise, moi je trouve que ça c'est déjà pas mal pour la self-esteem. Le deuxième point peut-être, c'est transformer par la méthode, c'est possible. Transformer par la méthode. Et donc soyez curieux, pour être très concret, des méthodes, il y en a des dizaines, il y en a des centaines, juste sur le cadrage d'un projet. Imaginons, voilà. Un de tes enfants se voit confier à un projet de transformation. Est-ce qu'il préfère le cadrage systémique, le design, un bon vieux cahier des charges, un SWOT, un Vision Target Operating Model ou des OCR ? A la limite, peu importe. Chaque outil a sa zone de performance qui dépend de l'entreprise, qui dépend de plein de choses. Mais en vrai, on s'en fout. Le conseil, c'est soyez curieux, formez-vous et partagez. Partagez entre vous et vraiment tout ce qui est communauté de pratique. dialogue avec ses pairs, aller voir les vieux barbons pour lui dire, toi un truc comme ça tu l'aurais fait comment ? Peut-être qu'il y aura des conneries, peut-être pas. Et vous, vous déciderez ce que vous conservez. Mais vraiment, transformer par la méthode, en étant curieux, je vais le dire, sans être sectaire. Il n'y a pas une méthode qui est meilleure qu'une autre. Transformer enfin, c'est s'inscrire dans la durée. S'inscrire dans la durée, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a des gens à tous les niveaux. Quand on fait un projet, un projet c'est un début, c'est une fin. Par contre, les gens... restent, les organisations restent, et donc ce sont les systèmes de collaboration qui vont devoir évoluer. Je pense que ça, il faut vraiment l'avoir en tête en permanence. Toucher au système de collaboration, toucher à la culture d'une entreprise, il faut une patience infinie. Peut-être qu'au bout de trois ans, on se dira « Ah, ça a un petit peu évolué, j'y suis un petit peu pour quelque chose, peut-être. » Ok, c'est l'école de l'humilité. Néanmoins, là-dedans, il y a des gens, donc l'envie, la fierté, cultiver nos différences, c'est pas les accepter, c'est les... cultiver, c'est se dire, on est différent, donc on ne se comprend pas, donc on s'engueule s'il y a besoin, c'est super. Parce qu'en fait, de ces désaccords, de ces frottements, moi j'ai une patronne qui m'a beaucoup inspiré, qui parlait du frottement positif. Mais il faut le rechercher, parce que c'est là qu'on va toucher l'humain, et qu'on va réussir à transformer, à transformer sur la durée. Évidemment, l'attention à l'humain, pour moi, ça c'est mon identité, je pense qu'on le partage, on est un certain nombre. elle est fondamentale pour poursuivre des objectifs humains. Il n'y a pas que des objectifs business. Sinon, ça ne sera pas durable. Sinon, c'est un élastique comptant. On le relâche. Ça peut faire mal. Et puis surtout, on n'a rien transformé du tout. Peut-être le quatrième point, c'était un conseil qu'il fallait donner. Écoutez, vous savez quoi ? Moi, j'ai quitté la SNCF, mais il reste plein de boulot à faire. Donc, allez-y. Il y a plein de choses à faire. Il y a des gens passionnants. Il y a aussi des têtes de... Enfin, on ne le dira pas, mais il reste un peu taf en tout cas. Donc allez-y, n'hésitez pas à vous tourner vers des grosses entreprises. Ce sont des grosses entreprises, grandes administrations, il y a beaucoup de moyens. Il y a des gens absolument brillants. On a tous les âges pour récupérer de l'expérience partout où on peut les prendre. Et puis l'important, c'est d'apporter et puis de savoir en partir.
- Speaker #1
Un immense merci Olivier, c'était vraiment un épisode très, très inspirant. Merci de nous avoir partagé toutes tes expériences à la SNCF. On est concernés par toutes finalement, dans notre quotidien, pour nos vacances, pour nos week-ends. Donc c'était super intéressant.
- Speaker #0
Merci à toi Bérangère.
- Speaker #1
Merci Olivier pour cette conversation lucide et profondément humaine. Dans cet échange avec Olivier Beaurepère, on mesure combien 25 ans de mutations ont changé le paysage du ferroviaire. Du papier au digital, de la plainte client à la data, des processus rigides à l'intelligence adaptative. Mais ce qu'on retient surtout, c'est la dimension humaine de ces transformations. Le rôle du collectif, la richesse de la diversité des âges, des genres, des parcours. l'importance de convaincre sans relâcher en posant encore et toujours la bonne question pourquoi on fait ça ? Et ce leadership patient qui n'impose pas mais crée les conditions pour que la confiance circule, pour que chacun puisse prendre sa part sans crainte. Changer, oui, mais pas pour ressembler à tout le monde. Changer pour retrouver du sens, sortir des chemins tracés et faire du numérique un levier, pas une fin. Merci Olivier pour cette parole rare, sincère et pour cette démonstration. Oui, les grandes organisations peuvent bouger. Et quand elles le font bien, elles embarquent plus grands que soi. A très bientôt pour un nouvel épisode de Dinosapiens. Et d'ici là, évitons l'extinction.
- Speaker #0
Un bonus pour ceux qui sont allés jusqu'à après le générique. La transformation numérique et les méthodes, ça s'outille. Le meilleur outil que j'ai trouvé récemment, c'est un produit tout nouveau qui s'appelle Pelago, qui est en cours de développement par l'ami Vincent Delamare. Je vous conseille réellement, réellement, tous les informaticiens, architectes d'entreprises, chief data officers, ce que vous voulez, d'aller jeter un oeil sur leur site web. Pélago Software.