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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#02 - Linda Profit - Duo Réalisations

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32min |05/09/2024|

127

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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

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Description

Entrepreneure et citoyenne, Linda évoque son parcours depuis toujours très engagé, et son entreprise, bureau d’études en ingénierie basé en Savoie. L’enjeu pour les générations futures, l’envie de faire bouger le territoire sont la clef de sa bascule régénérative. Ensemble, ils abordent les questions posées par la feuille de route, mais aussi les projets déjà initiés avec d’autres entreprises du bâtiment engagées dans la CEC, pour agir sur l’usage du réemploi par exemple. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur ÉC(H)OS de territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir une entrepreneure savoyarde qui a fait de l'engagement un véritable moteur dans sa vie quotidienne, aussi bien... associative que citoyenne, comme dans celle de son entreprise. Cette dirigeante, c'est Linda Profit, présidente de Duo Réalisations, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Linda, bonjour.

  • LD

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Bon, Linda, je te propose qu'on se tutoie.

  • LD

    Oui, avec plaisir.

  • SG

    On a dû se croiser, je pense, en décembre 2023, lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin lyonnais étaient rassemblés. Mais on s'est sûrement aperçu au cours d'un atelier ou sur le dancefloor endiablé, mais bon, ça a été bref. Donc aujourd'hui, je suis justement heureux de pouvoir profiter de ce podcast pour prendre le temps d'échanger plus ou moins avec toi. Ce que je te propose pour démarrer, pour planter le cadre, c'est déjà de nous présenter Duo Réalisations.

  • LD

    Oui, donc Duo Réalisations est un bureau d'études en ingénierie. On fait de la maîtrise d'oeuvre d'exécution et de l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour des projets. J'aime bien dire simplement tout sauf du particulier. Donc, on travaille aussi bien pour des projets d'entreprise, industriels, de services, aussi bien pour des communes, toutes les communautés de communes, territoires, territorialité.

  • SG

    D'accord. Du coup, c'était une entreprise que tu as créée il y a combien de temps ?

  • LD

    On l'a créée en janvier 2020, donc en pleine crise Covid. Donc, pas forcément les meilleures dispositions pour créer, mais on y est allé quand même.

  • SG

    D'accord. Tu es une entrepreneuse déjà depuis un certain temps quand même. C'est une jeune entreprise, mais tu en as eu d'autres, des aventures.

  • LD

    Oui, ma première aventure entrepreneuriale, c'était une aventure familiale puisque j'ai créé en 2007 une entreprise avec mon papa et mon mari. Une entreprise de plâtrerie et peinture, simplement pour accompagner les dix dernières années d'activité professionnelle de mon père. Il avait envie de créer sa propre entreprise, mais pas les compétences de gérer cette entreprise-là. Donc, on a pris… Voilà, on a pris le parti de l'accompagner pendant dix ans et c'était une super aventure.

  • SG

    Du coup, il y a un ADN particulier avec le bâtiment, si je comprends bien.

  • LD

    Oui, alors pourtant, je n'étais pas du tout prédestinée à être dans ce secteur-là parce que je n'ai pas fait un parcours de formation dans ce milieu-là. Mais effectivement, une appétence et une envie et un intérêt pour ce secteur d'activité.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être que tu peux nous en dire plus sur toi, parce que quand on cherche sur Internet, on trouve énormément de choses sur toi. Côté citoyen, côté associatif.

  • LD

    Après, c'est ma manière d'être, c'est ma manière de vivre. Je crois que ça fait partie aussi de l'éducation que j'ai eue. C'est-à-dire que moi, mes parents, au-delà de le dire, je les ai vus faire. Et quand quelque chose ne leur convient pas, C'est vrai que mes parents, mon père, il m'a toujours appris, si ça ne te convient pas, tu relèves les manches et tu y vas. Et c'est un peu comme ça que j'ai compris, que je me suis fait ma propre définition de l'engagement. Plutôt que de se plaindre et d'attendre que les changements viennent des autres, allons faire les changements par nous-mêmes. Soyons acteurs. Et c'est comme ça que l'envie d'entreprendre a émergé. C'est d'abord par cette envie de s'engager, de m'engager auprès de mon père. avec ma première création d'entreprise pour l'accompagner dans sa démarche première, pour l'accompagner sur la fin de sa carrière professionnelle, et puis après entreprendre pour porter mes propres convictions.

  • SG

    J'ai l'impression qu'il y a aussi un engagement territorial, j'allais dire, dans tes gènes.

  • LD

    Oui, je trouve que l'engagement de proximité, c'est ce qui fait sens quand on est trop éloigné finalement, l'impact il est moindre. En tout cas, c'est ce que moi, je ressens et ce que je crois pouvoir vivre en tant que citoyenne au quotidien. Donc, avoir un engagement de proximité sur notre territoire, je trouve que ça, c'est vraiment sens. Et puis, quelque part, on en récolte les fruits aussi de cet engagement, de ces changements positifs. C'est quand même ce qui motive aussi. C'est quand on peut voir ces changements et les vivre.

  • SG

    Tout à fait. Du coup, la transition est assez facile puisqu'il nous faut des gens comme toi pour s'engager dans l'économie dite régénérative. Alors, c'est quand pour toi la première fois où tu entends ce mot régénératif et qu'est-ce que tu en as pensé au départ ?

  • LD

    Alors ce mot régénératif, je l'ai entendu quand j'ai passé les entretiens avec Anne-Fleur Barret pour pouvoir m'engager dans la CEC de l'année dernière, l'édition 2023 . Et c'est vrai que quand elle a utilisé ce terme pour la première fois, pour moi c'était régénératif, c'est quelque chose qui arrive à se régénérer tout seul. Et j'avais beaucoup de mal à voir qu'est-ce que ça venait faire dans nos modèles économiques, d'entreprise. Et en fait, c'est vraiment à partir de là où je me suis posé cette question, mais effectivement, comment on peut, au travers de nos activités professionnelles, faire en sorte qu'on n'efface pas, on ne supprime pas, mais on arrive à créer une certaine circularité.

  • SG

    D'accord. Alors, c'est quoi le déclic, finalement, qui te pousse à faire la CEC ?

  • LD

    Alors, le déclic, c'est vraiment un post que Anne-Fleur avait mis sur LinkedIn, où justement elle parlait de cette notion de régénération et de l'enjeu pour les générations futures. Et c'est vrai qu'elle faisait un parallèle avec son propre fils. Et ça, ça m'a beaucoup marquée. Moi, je suis quelqu'un qui suis très dans l'affect, y compris dans le milieu professionnel, l'humain avant tout. Et c'est vrai que son post m'a beaucoup interpellée. Je ne la connaissais pas. Je lui ai mis un petit commentaire. Et c'est comme ça qu'on a échangé et qu'elle m'a parlé de la CEC. Et j'ai fait cette bascule en me disant, je vais aller voir ce que c'est quoi.

  • SG

    D'accord. Et tu avais déjà des engagements environnementaux ? Ou pour toi, l'environnement, c'était loin ?

  • LD

    Non, pas du tout. Ce n'est pas que c'est loin, mais c'est la prise de conscience qui était loin. Moi, je trouve qu'aujourd'hui, le niveau d'information grand public que l'on a est tellement mâché, prémâché, retravaillé, que finalement, malheureusement, on n'arrive pas à faire nos propres déductions par nous-mêmes, c'est ça, c'est vraiment une vraie problématique et la CEC nous permet vraiment de faire cette démarche-là. On est en pleine conscience tout du long. Mais par contre, cette envie d'intervenir sur l'approche du développement durable, cette prise de conscience, je l'ai quand même depuis un petit moment, parce qu'en 2020 , j'étais présidente nationale des Jeunes Chambres Économiques Françaises et pendant mon année de mandat, on a porté un projet avec mon équipe et toute l'organisation nationale. On a mené une grande enquête auprès des entreprises qui était de les accompagner pour amener une réflexion : comment optimiser nos ressources pour allier le développement économique et durable. Et on a été hyper surpris, donc à l'échelle nationale, on a pu interviewer différentes entreprises, acteurs économiques, publics, privés, associatifs. Et en fait, on s'est rendu compte que 75 % des dirigeants interviewés avaient envie de s'intéresser, de changer leur modèle économique, mais ils ne savaient absolument pas comment s'y prendre. Et tout ça dans une démarche à moyen terme. Et en fait, c'est à partir de là où je me suis dit, il faut absolument qu'on mette en place des moyens pour accompagner cette envie de changement. Et c'est aussi comme ça que la CEC, je pense, est venue à moi, parce que je m'intéressais à différentes possibilités pour rentrer dans cette démarche, de répondre à comment. Et la CEC, pour moi, était vraiment un moyen de répondre comment, en tant qu'acteur économique. comment je peux agir sur cette notion de développement durable.

  • SG

    Écoute Linda, tu me fais toutes les transitions, c'est incroyable, parce que ma question était justement la suivante. Après huit mois justement de CEC, est-ce qu'on peut parler de ta feuille de route finalement à visée régénérative et quels sont les engagements, quels sont les leviers que tu vas mettre en place ou que tu as peut-être déjà mis en place ?

  • LD

    La feuille de route, c'est vrai qu'elle se construit pas à pas. En fait, ce n'est pas une fin en soi, c'est vraiment un chemin d'écriture et de réflexion. Quel que soit le secteur d'activité, je l'ai vu avec l'ensemble des participants de la CEC, et c'est vrai que quel que soit le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, le secteur des géographies qu'on situe, en fait, c'était un casse-tête pour tout le monde. C'est très compliqué ce que cette feuille de route nous a bousculé, nous a obligé de nous poser des questions qu'on n'avait pas l'habitude de poser à l'échelle de nos entreprises, à l'échelle du développement économique de nos entreprises. Donc ça, ça a été vraiment une belle réflexion, un beau cheminement parcouru. Et pour sortir cette feuille de route, c'est vrai qu'il faut un peu se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude pour arriver à dire comment on va intégrer le régénératif dans notre domaine d'activité. Et on se dit qu'on est trop petit pour pouvoir agir là-dessus. Et en même temps, on est dans un secteur d'activité, le bâtiment, où on ne peut rien faire. On commence comme ça, on va dire.

  • SG

    D'accord, alors du coup, on est presque six mois après là. Qu'est-ce que vous avez déjà essayé de mettre en place ? Parce que moi, j'ai vu que sur vos feuilles de route, il y avait pas mal de choses qui étaient assez fortes, comme diminuer progressivement, même arrêter les projets de construction neufs sur des fonctions nues. Alors ça fait écho à la loi ZAN aussi.

  • LD

    En fait, on n'a pas attendu la fin de la CEC pour commencer à agir. C'est ça qui est incroyable, parce qu'à la CEC, on rencontre d'autres entreprises qui sont dans la même dynamique que nous. Donc je pense par exemple, un de nos leviers sur la feuille de route, c'est l'usage du réemploi. Et dans nos projets. Parce qu'aujourd'hui, le réemploi, il fonctionne. Alors, je mets entre guillemets parce qu'il n'y a pas encore de modèle économique qui fonctionne sur cette filière-là, mais néanmoins, cette filière, elle est active à l'échelle du grand public, mais à l'échelle des projets que l'on porte, nous, qui sont des projets de masse, on va dire, avec vraiment un volume de matériaux de réemploi beaucoup plus important. Mais aujourd'hui, la filière n'est pas construite pour absorber ces volumes-là. Donc, on a créé avec le groupe SAMSE et le bureau d'études ENEOS, un collectif, tous les trois, qui s'appelle le Réemploi en Grand. Donc ça fait un an qu'on œuvre ensemble. On est parti à trois, aujourd'hui on est plus de 35 acteurs réunis et on travaille en collaboration pour lever tous les freins à la mise en œuvre de cette filière du réemploi. Aujourd'hui on est accompagné par Solucir et Enfin Réemploi pour développer ce projet. On vient de répondre à un appel à projet avec Valobat et on vient d'être sélectionnés. Donc, on est super ravis parce qu'on va pouvoir rendre vraiment vivant notre collectif et lui donner vraiment une force vive parce que, mine de rien, sans modèle économique, on aura beau faire tout ce que l'on veut, la société dans laquelle on vit aujourd'hui, c'est un point qu'on ne peut pas éviter d'étourner. Donc, on se structure et aujourd'hui, notre grande fierté dans ce collectif, on a fait notre dernière rencontre le 12 juillet avant les vacances. Et en fait, on est sur 43 projets d'expérimentation. C'est-à-dire que ce collectif, on n'est pas là pour réfléchir, pour écrire un carnet blanc, un livre blanc. On est là pour agir. On prend concrètement les projets que l'on a sous le coude et on les met en œuvre avec cette approche du réemploi en grand. Aujourd'hui, on a 43 projets en expérimentation sur la Savoie. Donc, c'est une vraie fierté, un vrai élément de motivation, parce qu'on se rend compte qu'on a réussi à réunir tous les acteurs autour de cette filière du rempoi, donc acteurs du bâtiment, de la construction, maîtres d'ouvrage, bureaux de contrôle, assurances, bureaux d'études, entreprises. Et en fait, on arrive vraiment à tous avancer ensemble et à créer un nouveau récit. Moi, je n'ai pas honte de le dire, je n'ai pas peur de le dire. Je suis sûre qu'on est en train d'écrire un nouveau récit aujourd'hui, tous ensemble.

  • SG

    Un nouveau récit qui se base quand même sur les piliers. de la collaboration, de l'écosystème, de l'impact territorial. Enfin, voilà, c'est la CEC, quoi.

  • LD

    Exactement, c'est la CEC mise en œuvre dans le monde réel.

  • SG

    Alors, bon, là, on est dans le monde réel, tu l'as dit, mais comment toi, tu as embarqué tes collaborateurs dans cette aventure ? Parce que, franchement, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident à comprendre pour tout le monde. Et en plus, souvent, l'économie, on ne pense pas bien commun. Je veux dire, voilà. Donc, comment toi, tu embarques tes collaborateurs dans cette histoire ?

  • LD

    Déjà, on n'y va pas seul à la CEC, on est deux. J'avais un Planet Champion qui est Fabien Alix et qui est mon collaborateur principal parce que c'était un des premiers à rejoindre notre collectif d'oralisation qui lui tournait très opérationnel dans notre métier et qui m'a accompagnée sur la CEC. Donc ça, c'est un gros atout de ne pas être seule sur la CEC, aussi bien à l'échelle de notre entreprise qu'à l'échelle du collectif de CEC. Ça, c'est important. Et après, moi j'ai passé du temps à restituer tout ce qu'on a pu vivre à la CEC, tous les témoignages, toutes les rencontres qu'on a pu voir, toutes les conférences auxquelles on a pu assister, c'est vraiment des choses que je faisais retomber. Parce qu'encore une fois, je crois que si on veut vraiment embarquer, l'idée ce n'est pas de prémacher le travail, c'est d'associer tout le monde à construire ensemble des solutions qui permettent de tendre vers une activité économique régénérative dans notre entreprise. Donc ils ont aussi besoin de faire ce cheminement-là, que ce soit mes collaborateurs, mais aussi tout l'écosystème de Duo Réalisations, parce qu'on a un gros travail à faire avec l'ensemble de nos clients, de nos partenaires. C'est vraiment important.

  • SG

    Et du coup, justement, parfois les clients, parfois les fournisseurs qui ne sont pas du tout dans cette démarche, peuvent se dire, mais qu'est-ce qu'elle nous raconte ? Est-ce qu'il n'y a pas un moment où on peut changer de client ou de fournisseur en ayant cette action-là ?

  • LD

    Moi, je n'ai pas l'habitude d'abandonner Stéphane. Je suis un peu têtue dans mon âme. Mais en fait, ce qui se passe, c'est que l'idée de convaincre avec des paroles, c'est joli. Mais en fait, ce qu'on essaye, nous, de faire, c'est de démontrer par l'action. Je prends un exemple concret. On l'a fait, on l'a vraiment pratiqué auprès d'un client sur une rénovation de façade. On a tenté l'approche du réemploi. Donc, quand on leur en a parlé : non, non, non, on n'en veut pas parce que ça prend trop de temps, ça va coûter plus cher. OK. Donc, nous, en fait, on a agi en sous-marin. Donc, on a fait une double consultation. Alors, dans notre métier, c'est la partie compétence d'économie de la construction. On a vraiment travaillé sur deux approches. Une approche de rénovation avec des matériaux neufs, où on gère le déchet comme en filière classique. On ne cherche pas à récupérer quoi que ce soit. Et en parallèle, on a fait une consultation où là on a cherché à revaloriser le déchet, à travailler sur du réemploi in situ donc au sein même géographique de notre projet voilà. On a consulté comme ça. Et en fait, on a pu prouver que c'était beaucoup plus rentable de travailler avec cette approche de réemploi et également que ça avait un impact pour leur entreprise parce que c'est quand même un client qui a plusieurs résidences de tourisme partout en France. Ça a un impact positif dans leur démarche de RSE, impact carbone, tout ça. Et donc, ils nous ont dit, merci de nous avoir embarqués là-dedans et on y va, quoi. Voilà.

  • SG

    D'accord.

  • LD

    C'est aussi à nous, professionnels, d'oser enclencher des nouvelles approches. Si on attend que le côté réglementaire soit actif pour agir, mais dans dix ans, on est encore là pour en discuter. Et ça, ça devient insupportable.

  • SG

    Alors justement, on l'a assez pensé autrement, mais alors dans dix ans, tu es où ? Comment tu vois ton entreprise finalement dans dix ans ?

  • LD

    Moi, dans dix ans, je vois des nouveaux métiers, des nouvelles compétences au sein de nos métiers. Ça, c'est certain. On est déjà en train de l'écrire. Et après je pense que ça deviendra des standards de toute manière ; de toute façon à un moment donné la CEC, la première session ça a dressé un mur devant moi très clairement. J'étais vraiment en pleine conscience ; ça m'a ouvert cette pleine conscience oui on entendait à droite, à gauche tout ça, les enjeux la chute de la biodiversité, la dégradation des sols, l'épuisement de l'eau, les pollutions multiples, la gestion des déchets enfin... Bien sûr, c'est notre environnement quotidien à tous, à tous citoyens, où que l'on soit. Mais après, c'est vraiment à notre échelle d'entreprise. La CEC nous a dressé ce mur. Et une fois que ce mur, il est là, qu'est-ce qu'on fait ? Comment on fait pour l'exploser, pour passer par-dessus ? Et en fait, moi, dans dix ans, j'espère que mon entreprise aura vraiment confirmer et motiver l'ensemble de notre éco-système à avancer vers des mêmes directions, que je serai entourée de gens qui ont envie d'avancer vers ces mêmes directions du changement. Et ça, on y travaille, j'y crois, tout simplement, dans 10 ans, je ne sais pas où je serai moi personnellement. J'ai d'autres projets en tête, parce que dans la feuille de route, il y a l'aspect réemploi, mais il y a aussi le vivant au travers des chantiers, qui est pour moi un élément clé, la gestion du vivant. et la gestion des ressources. Parce qu'aujourd'hui, dans le bâtiment, on parle beaucoup sur l'exploitation du bâtiment. Il y a énormément d'innovations, de progrès qui sont faits. La réglementation RE2020 contribue à tout ça. C'est très bien. Donc ça, c'est sur une fois qu'on a construit. D'accord ? Mais pendant la période de construction, pour moi, il y a un gap énorme d'amélioration à avoir. Je veux dire, aujourd'hui, il est très courant de voir qu'on nettoie les outils, les matériaux avec de l'eau courante. Par exemple, c'est un exemple parmi tellement d'autres, les conditions de vie des compagnons sur le chantier, moi, m'interpellent, m'interrogent. Donc voilà, et ça, c'est un deuxième axe de ma feuille de route. Et si je peux me permettre, je fais un petit appel. On a lancé une grande enquête nationale sur cette thématique-là. Donc tous maîtres d'ouvrage, promoteurs, constructeurs, acteurs de la construction, entreprises, compagnons d'entreprises, on a lancé une enquête. qui se trouve sur chantier.duoralisation.fr justement pour qu'on construise ensemble une solution qui reponde à cet enjeu-là. Comment on crée du régénératif quand on est en mode chantier ?

  • SG

    Tout ça, c'est intéressant. Et c'est aussi intéressant, finalement, quand on est petit, on peut faire des choses aussi. Je reviens sur ta feuille de route. C'est ce que tu notes à la fin en disant que ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut rien faire. Ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut pas inspirer les plus gros. Et aujourd'hui, c'est aussi intéressant parce que les plus grands regardent aussi les petits. Parce que penser autrement, ce n'est pas toujours si simple. Et parfois, quand on est petit, on peut être plus agile et plus rapide et emmener les plus gros. Et ça, c'est quand même intéressant. Et tu l'as dit, par exemple, avec Samse. Exactement,

  • LD

    exactement, exactement. C'est un acteur clé dans notre démarche. Et ce qui pourrait permettre, par exemple, d'avoir un gros avec nous sur cette approche du remploi, c'est de développer à l'échelle nationale une démarche. collaborative autour de cet enjeu du réemploi en grand.

  • SG

    D'accord. Donc la CEC, ça a aussi, j'imagine, des répercussions sur toi. Et justement, l'aventure CEC, qu'est-ce qu'elle a changé pour toi personnellement, sur ton leadership ?

  • LD

    En 43 ans, on prend une claque. Et je crois que tous les dirigeants qui ont fait la CEC partout en France, on a reçu la même claque, quel que soit notre âge. Juste une petite anecdote, quand je suis rentrée le dimanche des trois premiers jours de la CEC, quand je suis rentrée dans ma famille, j'ai réservé un petit restaurant. pour faire un conseil de famille. Pour info, j'ai trois enfants, trois filles, qui ont 10, 15 et 18 ans aujourd'hui. J'ai dit à mon mari, Laurent, je voudrais qu'on déjeune tranquillement en dehors de la maison, j'aimerais vous partager ce que j'ai vécu. J'étais tellement pas bien que j'avais besoin d'avoir un cadre un peu neutre pour pouvoir leur partager tout ça. Et là, quand j'ai commencé à... partager, je leur ai fait très très peur et puis j'ai mes filles qui m'ont dit ça y est maman elle devient écolo-bobo. C'était leur première réponse. Mais en même temps c'était tellement à chaud qu'on était tellement bousculés, vraiment. On a rencontré des acteurs, des scientifiques de haut vol qui ont été hyper transparents avec nous et qui n'ont pas mis de filet. C'est ce qu'on devrait faire avec... chaque citoyen. Arrêtons de mettre des filets à tout le monde. La prise de conscience, elle doit être auprès de tout le monde. On est tous intelligents, on est des êtres humains, on a la capacité de réfléchir, de raisonner. Enlevons-nous pas cette capacité. C'est ce que je trouve terrible aujourd'hui dans notre climat politique, économique, sociétal. C'est vraiment triste. Du coup, je rentre, je fais ce conseil de famille et là, ça y est, je suis incapable de prendre un avion depuis. par exemple, c'est vraiment incapable. Alors qu'on adore voyager, alors on adore voyager à pied avec nos enfants et on découvre les pays à pied. Mais là, c'est un gros problème pour moi aujourd'hui. Je ne suis plus en mesure de prendre un avion,

  • SG

    par exemple. Bienvenue au club, Linda. C'est un peu le même problème, finalement.

  • LD

    Oui, la nourriture aussi. Manger de la viande à chaque repas, je me remets en cause. Alors, ce n'est pas facile d'embarquer tout le monde là-dessus. Mais voilà, c'est... C'est des choses qui, aujourd'hui, j'ai un blocage.

  • SG

    Surtout quand on est une dirigeante ou un dirigeant. Parfois, il y a des schémas de pensée, des étiquettes. Et c'est vrai que ce n'est pas toujours évident d'arriver dans son entreprise en vélo, en disant, l'avion, tout le monde peut le prendre, ce n'est pas un problème. Mais moi, j'ai décidé de faire autrement.

  • LD

    Et juste une deuxième chose, parce que ça, c'est dans le cadre personnel. Et je pense qu'on a tous eu cette réaction dans notre cadre familial, pour en avoir parlé avec pas mal d'autres personnes. Mais une autre chose aussi, à l'échelle de mon entreprise, quand je suis revenue de la FEC, J'avais ce besoin de tout de suite mettre une action pour me dire qu'on est capable dans notre entreprise de faire quelque chose de mieux, tout de suite, pour essayer de répondre à cet enjeu régénératif. Et la première action que j'ai mise le lundi en rentrant à l'entreprise, l'équipe avait un mail, c'était de se dire qu'on n'envoie plus aucune pièce jointe dans les mails, il faut qu'on ait une responsabilité numérique, on n'envoie que des liens vers notre serveur et les gens téléchargent si besoin le fichier ou pas. Mais on arrête d'envoyer des pièces jointes et des volumes de pièces jointes dans tous nos mails, tout ça. C'est quelque chose qu'on ne faisait pas nous. Et pareil, l'impact numérique, moi, je me suis dit, ce n'est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça. On génère tellement de la donnée, du volume de données, mais l'impact que ça, là, c'est un énorme enjeu aussi, l'impact numérique sur notre planète. Et voilà, ma deuxième action, c'était de dire, on n'envoie plus aucune pièce jointe dans nos mails.

  • SG

    Voilà, de comprendre aussi que c'est systémique. C'est vrai que du coup, ça ouvre un champ à 360 et c'est vrai que du coup, il faut se concentrer. Et du coup, ma question finalement suivante, c'est, Comment tu pourrais, alors pas conseiller, mais comment tu pourrais accompagner un dirigeant qui a envie lui aussi de mettre en place cette démarche et qui ne sait pas par où finalement démarrer ?

  • LD

    En fait, je crois qu'il n'y a pas vraiment de point de départ, parce que j'ai envie de dire que la situation est telle que le point de départ, on est en retard pour que ce soit un point de départ. Je veux dire, c'est très présent, c'est même trop avancé. Quand on regarde les limites planétaires, l'ensemble des dépassements, ils sont là. Il n'y a pas… C'est comment arriver, pareil, on a envie de dire comment on arrive à rattraper ce retard. Ce n'est même plus à rattraper ce retard, c'est trop tard aussi. Je ne veux pas être pessimiste, ce n'est pas ma nature. Mais c'est comment on est capable d'agir en masse, d'agir avec un impact fort. C'est vraiment là où l'enjeu est grand, c'est-à-dire qu'il faut embarquer tout le monde. On n'a plus le choix, plus personne ne peut se mettre en retrait, plus actif. Plus aucun acteur économique, pour moi, ne peut se mettre en retrait de ces enjeux-là. C'est une erreur. Et j'ai envie de dire, ces entreprises-là qui veulent se mettre en retrait, j'ai envie de dire, réglementairement, comment on pourrait leur dire stop, quoi. Ce n'est pas possible. Il y a un moment donné, les enjeux, ils sont quand même face à nous, ils sont grands. Et pour moi, j'ai envie de dire, la tolérance zéro, il faudrait qu'on commence à en parler, quoi.

  • SG

    Déjà, quand des entrepreneurs de... PME s'empare du sujet, c'est déjà une bonne chose parce que c'est vrai qu'il y a aussi une défiance parce que, soyons honnêtes, il y a eu aussi une histoire de greenwashing pris en main par des entreprises plus grosses qui, parfois, ont raconté des histoires qui n'étaient pas les vraies. Du coup, ça crée un peu de défiance et c'est vrai qu'un dirigeant de PME, souvent, il a aussi un peu peur. Il est tellement proche de ses collaborateurs que ses collaborateurs disent Non, mais il met ça en place parce que, voilà, il y a une tendance. Donc, il y a aussi cette inquiétude et c'est pour ça que ton témoignage, il est intéressant.

  • LD

    Il y a un train à prendre en marche, il est enclenché. Moi, je me rends compte que depuis que j'ai intégré la CEC, en fait, on attire ce que l'on est. Je m'explique. Tout à l'heure, tu parlais de la loisanne, où dans notre feuille de route, effectivement, on n'a plus envie de construire des bâtiments neufs sur des terrains nus. Ça, c'est vraiment une volonté. Et en fait, depuis que j'ai commencé à poser ces choses-là, qu'on a commencé à poser ces choses-là au sein de l'entreprise, qu'on a commencé à réfléchir différemment, orienter nos clients différemment, on se rend compte qu'on attire des personnes qui ont envie de rentrer dans cette démarche. Et en fait, on n'a plus d'échange avec des personnes qui veulent juste construire pour construire, bâtir pour bâtir, en fait. Ils ne font plus partie de notre écosystème. Parce que naturellement, on ne leur a pas dit on ne veut plus de vous. Mais naturellement, on a développé un autre réseau, on a développé d'autres connexions, on a développé d'autres opportunités en affichant ce qu'on a vraiment. envie d'être en fait. Voilà. Et ça se fait assez naturellement. Moi, ce que je me rappelle dans mes premières approches de CEC, mais oulala, oulala, si je me lance des objectifs comme ça, je vais perdre tous mes clients. Ça, c'était ma première crainte en fait. Et en fait, en y allant étape par étape, en commençant à échanger, en commençant à partager notre feuille de route, voilà, les directions qu'on a envie de prendre, et bien naturellement, en fait, et bien, attends, il faut que je te fasse rencontrer un tel, attends, il faut que toi, tu… Voilà. confiance. L'humain est lui-même régénératif et je suis sûre qu'on est capable de se régénérer entre nous et à l'échelle économique de nos activités aussi. Moi, en tout cas, c'est ma conviction. C'est comme ça, en tout cas, que ça m'a levé le doute sur comment faire le pas et enclencher vraiment les premières actions. Je me suis rendue compte que, voilà, on enclenche un changement, et les choses se font naturellement derrière.

  • SG

    Alors toi, tu enclenches le changement, mais tu le... porte et tu l'incarnes. Et ça, je crois que c'est aussi important d'avoir des dirigeants qui incarnent ce qu'ils font. Et tu racontes bien l'histoire. Tu l'as dit, le récit, c'est aussi important. Du coup, ce n'est pas d'être punitif, mais un, d'être enthousiaste, de le porter, d'y croire et de raconter correctement l'histoire. Alors justement, si tu avais trois mots pour caractériser la démarche d'économie régénérative, parce qu'on est bientôt à la fin de ce podcast.

  • LD

    Trois mots, ce sera Paris qui est seul.

  • SG

    Oh, t'es forte ! pas rester seule. Ok, c'est trois mots, donc ça marche.

  • LD

    C'est vraiment ce qui me permet aujourd'hui d'y aller. Je suis en train de revoir tout l'actionnariat de mon entreprise. On parlait de moyens économiques. Il ne faut pas se mettre de barrière et encore une fois, en essayant de s'entourer des personnes qui ont cette sensibilité-là, qui ont envie d'avancer à vos côtés, ça rend possible les choses qui me paraissent loin. Moi, je crois beaucoup à la force du collectif, c'est ce qui m'a fait avancer toute ma vie, que ce soit au travers des engagements associatifs. La Jeune Chambre économique a été une école de la vie pour moi et m'a vraiment permis de prendre confiance en moi. La CEC m'a permis de vraiment prendre cette confiance-là dans le milieu économique de mon entreprise, mais beaucoup plus largement. Aujourd'hui, moi, le gros bas qui blesse, c'est la politique. parler en préparant ce podcast. Je crois que ça demande vraiment beaucoup d'exemplarité aujourd'hui. On n'a plus le droit à l'erreur et je n'ai même pas envie de parler des dernières élections, l'Assemblée nationale. Pour moi, je ne veux même pas en parler à mes enfants. J'ai trop honte qu'aujourd'hui on soit capable d'en arriver là avec les enjeux qu'on a devant nous. Mais ça me dépasse complètement. J'essayais de m'engager dans la politique, j'y crois. Je crois à notre démocratie. Si on perd notre démocratie, on perdra notre capacité à pouvoir changer le monde pour un monde meilleur, pour pouvoir parler de régénératif. Donc, faire notre démocratie, c'est fini. Donc, il faut se battre pour cette démocratie, mais avec les bonnes armes, j'ai envie de dire. Et aujourd'hui, les armes qui sont utilisées, c'est ce qui va tuer notre démocratie.

  • SG

    Justement, si je te donnais une arme, imaginons que tu es Harry Potter, si je te donnais une baguette magique et que tu puisses changer les règles du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ? C'est très compliqué ce que tu me demandes. C'est très, très compliqué.

  • LD

    Je sens que tu es bien motivée, que tu es bien partie.

  • SG

    En tant que parent, il faudrait agir sur tous les ministères. En tant que parent, l'éducation nationale, c'est catastrophique. Le ministère de la Justice, j'ai eu la chance d'être tirée au sort et d'être jurée d'assises. C'est catastrophique. J'ai assisté à des procès. C'est catastrophique de voir comment ça se passe et quels moyens on a aujourd'hui pour... pour mettre en œuvre la justice, le médical, j'en parle même pas. Pour moi, si j'avais une arme magique, ce serait de créer un maillon qui est la confiance, qu'on sorte de cette défiance et cette méfiance dans laquelle notre société tombe et qu'on arrive à remettre de la confiance et que chacun prenne ses responsabilités à l'échelle de son action. L'enjeu est tellement grand qu'une baguette magique ne suffira pas. C'est pour ça qu'il faudrait mettre dans les mains de chaque citoyen une petite baguette magique et leur dire quelle action positive tu as envie de faire. Et là, l'impact sera grand. Donc, une baguette magique pour donner à chaque citoyen une baguette magique entre ses mains.

  • LD

    D'accord. Et pour finir, sur la dernière question positive, parce qu'évidemment qu'un entrepreneur, une entrepreneur, est toujours confiante. Alors, qu'est-ce qui te rend confiante quand même dans l'avenir ?

  • SG

    Moi, ce qui me rend confiance, c'est l'échange avec les gens, l'échange avec l'humain. Et puis, je pense qu'aujourd'hui, tant qu'on pourra agir librement, j'ai confiance en l'avenir au travers de l'action.

  • LD

    Eh bien, écoute, Linda, je te remercie. C'était vraiment une conversation qui a été franche, qui a été enthousiaste, qui a été sincère. Et je termine toujours par une citation. Alors, j'ai pris une citation de Fernando Pessoa, qui est un écrivain portugais. Alors, je ne sais pas pourquoi j'ai pris portugais. Est-ce que j'ai dû penser Linda, tu vois ? Linda, valise en carton, portugais, je ne sais pas. Non. Je ne sais pas. Alors que tu t'appelles Durand, a priori, ton nom de jeune fille, c'est ça ? Durand, oui.

  • SG

    Donc, il n'y a pas plus français.

  • LD

    Eh bien, accepte ma citation de cet écrivain portugais qui dit Celui qui refuse d'engager le combat n'y est pas vaincu, mais il est vaincu moralement parce qu'il ne s'est pas battu. Encore merci, Linda, et puis à bientôt.

  • SG

    Merci à toi. Merci, Stéphane.

Description

Entrepreneure et citoyenne, Linda évoque son parcours depuis toujours très engagé, et son entreprise, bureau d’études en ingénierie basé en Savoie. L’enjeu pour les générations futures, l’envie de faire bouger le territoire sont la clef de sa bascule régénérative. Ensemble, ils abordent les questions posées par la feuille de route, mais aussi les projets déjà initiés avec d’autres entreprises du bâtiment engagées dans la CEC, pour agir sur l’usage du réemploi par exemple. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur ÉC(H)OS de territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir une entrepreneure savoyarde qui a fait de l'engagement un véritable moteur dans sa vie quotidienne, aussi bien... associative que citoyenne, comme dans celle de son entreprise. Cette dirigeante, c'est Linda Profit, présidente de Duo Réalisations, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Linda, bonjour.

  • LD

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Bon, Linda, je te propose qu'on se tutoie.

  • LD

    Oui, avec plaisir.

  • SG

    On a dû se croiser, je pense, en décembre 2023, lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin lyonnais étaient rassemblés. Mais on s'est sûrement aperçu au cours d'un atelier ou sur le dancefloor endiablé, mais bon, ça a été bref. Donc aujourd'hui, je suis justement heureux de pouvoir profiter de ce podcast pour prendre le temps d'échanger plus ou moins avec toi. Ce que je te propose pour démarrer, pour planter le cadre, c'est déjà de nous présenter Duo Réalisations.

  • LD

    Oui, donc Duo Réalisations est un bureau d'études en ingénierie. On fait de la maîtrise d'oeuvre d'exécution et de l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour des projets. J'aime bien dire simplement tout sauf du particulier. Donc, on travaille aussi bien pour des projets d'entreprise, industriels, de services, aussi bien pour des communes, toutes les communautés de communes, territoires, territorialité.

  • SG

    D'accord. Du coup, c'était une entreprise que tu as créée il y a combien de temps ?

  • LD

    On l'a créée en janvier 2020, donc en pleine crise Covid. Donc, pas forcément les meilleures dispositions pour créer, mais on y est allé quand même.

  • SG

    D'accord. Tu es une entrepreneuse déjà depuis un certain temps quand même. C'est une jeune entreprise, mais tu en as eu d'autres, des aventures.

  • LD

    Oui, ma première aventure entrepreneuriale, c'était une aventure familiale puisque j'ai créé en 2007 une entreprise avec mon papa et mon mari. Une entreprise de plâtrerie et peinture, simplement pour accompagner les dix dernières années d'activité professionnelle de mon père. Il avait envie de créer sa propre entreprise, mais pas les compétences de gérer cette entreprise-là. Donc, on a pris… Voilà, on a pris le parti de l'accompagner pendant dix ans et c'était une super aventure.

  • SG

    Du coup, il y a un ADN particulier avec le bâtiment, si je comprends bien.

  • LD

    Oui, alors pourtant, je n'étais pas du tout prédestinée à être dans ce secteur-là parce que je n'ai pas fait un parcours de formation dans ce milieu-là. Mais effectivement, une appétence et une envie et un intérêt pour ce secteur d'activité.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être que tu peux nous en dire plus sur toi, parce que quand on cherche sur Internet, on trouve énormément de choses sur toi. Côté citoyen, côté associatif.

  • LD

    Après, c'est ma manière d'être, c'est ma manière de vivre. Je crois que ça fait partie aussi de l'éducation que j'ai eue. C'est-à-dire que moi, mes parents, au-delà de le dire, je les ai vus faire. Et quand quelque chose ne leur convient pas, C'est vrai que mes parents, mon père, il m'a toujours appris, si ça ne te convient pas, tu relèves les manches et tu y vas. Et c'est un peu comme ça que j'ai compris, que je me suis fait ma propre définition de l'engagement. Plutôt que de se plaindre et d'attendre que les changements viennent des autres, allons faire les changements par nous-mêmes. Soyons acteurs. Et c'est comme ça que l'envie d'entreprendre a émergé. C'est d'abord par cette envie de s'engager, de m'engager auprès de mon père. avec ma première création d'entreprise pour l'accompagner dans sa démarche première, pour l'accompagner sur la fin de sa carrière professionnelle, et puis après entreprendre pour porter mes propres convictions.

  • SG

    J'ai l'impression qu'il y a aussi un engagement territorial, j'allais dire, dans tes gènes.

  • LD

    Oui, je trouve que l'engagement de proximité, c'est ce qui fait sens quand on est trop éloigné finalement, l'impact il est moindre. En tout cas, c'est ce que moi, je ressens et ce que je crois pouvoir vivre en tant que citoyenne au quotidien. Donc, avoir un engagement de proximité sur notre territoire, je trouve que ça, c'est vraiment sens. Et puis, quelque part, on en récolte les fruits aussi de cet engagement, de ces changements positifs. C'est quand même ce qui motive aussi. C'est quand on peut voir ces changements et les vivre.

  • SG

    Tout à fait. Du coup, la transition est assez facile puisqu'il nous faut des gens comme toi pour s'engager dans l'économie dite régénérative. Alors, c'est quand pour toi la première fois où tu entends ce mot régénératif et qu'est-ce que tu en as pensé au départ ?

  • LD

    Alors ce mot régénératif, je l'ai entendu quand j'ai passé les entretiens avec Anne-Fleur Barret pour pouvoir m'engager dans la CEC de l'année dernière, l'édition 2023 . Et c'est vrai que quand elle a utilisé ce terme pour la première fois, pour moi c'était régénératif, c'est quelque chose qui arrive à se régénérer tout seul. Et j'avais beaucoup de mal à voir qu'est-ce que ça venait faire dans nos modèles économiques, d'entreprise. Et en fait, c'est vraiment à partir de là où je me suis posé cette question, mais effectivement, comment on peut, au travers de nos activités professionnelles, faire en sorte qu'on n'efface pas, on ne supprime pas, mais on arrive à créer une certaine circularité.

  • SG

    D'accord. Alors, c'est quoi le déclic, finalement, qui te pousse à faire la CEC ?

  • LD

    Alors, le déclic, c'est vraiment un post que Anne-Fleur avait mis sur LinkedIn, où justement elle parlait de cette notion de régénération et de l'enjeu pour les générations futures. Et c'est vrai qu'elle faisait un parallèle avec son propre fils. Et ça, ça m'a beaucoup marquée. Moi, je suis quelqu'un qui suis très dans l'affect, y compris dans le milieu professionnel, l'humain avant tout. Et c'est vrai que son post m'a beaucoup interpellée. Je ne la connaissais pas. Je lui ai mis un petit commentaire. Et c'est comme ça qu'on a échangé et qu'elle m'a parlé de la CEC. Et j'ai fait cette bascule en me disant, je vais aller voir ce que c'est quoi.

  • SG

    D'accord. Et tu avais déjà des engagements environnementaux ? Ou pour toi, l'environnement, c'était loin ?

  • LD

    Non, pas du tout. Ce n'est pas que c'est loin, mais c'est la prise de conscience qui était loin. Moi, je trouve qu'aujourd'hui, le niveau d'information grand public que l'on a est tellement mâché, prémâché, retravaillé, que finalement, malheureusement, on n'arrive pas à faire nos propres déductions par nous-mêmes, c'est ça, c'est vraiment une vraie problématique et la CEC nous permet vraiment de faire cette démarche-là. On est en pleine conscience tout du long. Mais par contre, cette envie d'intervenir sur l'approche du développement durable, cette prise de conscience, je l'ai quand même depuis un petit moment, parce qu'en 2020 , j'étais présidente nationale des Jeunes Chambres Économiques Françaises et pendant mon année de mandat, on a porté un projet avec mon équipe et toute l'organisation nationale. On a mené une grande enquête auprès des entreprises qui était de les accompagner pour amener une réflexion : comment optimiser nos ressources pour allier le développement économique et durable. Et on a été hyper surpris, donc à l'échelle nationale, on a pu interviewer différentes entreprises, acteurs économiques, publics, privés, associatifs. Et en fait, on s'est rendu compte que 75 % des dirigeants interviewés avaient envie de s'intéresser, de changer leur modèle économique, mais ils ne savaient absolument pas comment s'y prendre. Et tout ça dans une démarche à moyen terme. Et en fait, c'est à partir de là où je me suis dit, il faut absolument qu'on mette en place des moyens pour accompagner cette envie de changement. Et c'est aussi comme ça que la CEC, je pense, est venue à moi, parce que je m'intéressais à différentes possibilités pour rentrer dans cette démarche, de répondre à comment. Et la CEC, pour moi, était vraiment un moyen de répondre comment, en tant qu'acteur économique. comment je peux agir sur cette notion de développement durable.

  • SG

    Écoute Linda, tu me fais toutes les transitions, c'est incroyable, parce que ma question était justement la suivante. Après huit mois justement de CEC, est-ce qu'on peut parler de ta feuille de route finalement à visée régénérative et quels sont les engagements, quels sont les leviers que tu vas mettre en place ou que tu as peut-être déjà mis en place ?

  • LD

    La feuille de route, c'est vrai qu'elle se construit pas à pas. En fait, ce n'est pas une fin en soi, c'est vraiment un chemin d'écriture et de réflexion. Quel que soit le secteur d'activité, je l'ai vu avec l'ensemble des participants de la CEC, et c'est vrai que quel que soit le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, le secteur des géographies qu'on situe, en fait, c'était un casse-tête pour tout le monde. C'est très compliqué ce que cette feuille de route nous a bousculé, nous a obligé de nous poser des questions qu'on n'avait pas l'habitude de poser à l'échelle de nos entreprises, à l'échelle du développement économique de nos entreprises. Donc ça, ça a été vraiment une belle réflexion, un beau cheminement parcouru. Et pour sortir cette feuille de route, c'est vrai qu'il faut un peu se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude pour arriver à dire comment on va intégrer le régénératif dans notre domaine d'activité. Et on se dit qu'on est trop petit pour pouvoir agir là-dessus. Et en même temps, on est dans un secteur d'activité, le bâtiment, où on ne peut rien faire. On commence comme ça, on va dire.

  • SG

    D'accord, alors du coup, on est presque six mois après là. Qu'est-ce que vous avez déjà essayé de mettre en place ? Parce que moi, j'ai vu que sur vos feuilles de route, il y avait pas mal de choses qui étaient assez fortes, comme diminuer progressivement, même arrêter les projets de construction neufs sur des fonctions nues. Alors ça fait écho à la loi ZAN aussi.

  • LD

    En fait, on n'a pas attendu la fin de la CEC pour commencer à agir. C'est ça qui est incroyable, parce qu'à la CEC, on rencontre d'autres entreprises qui sont dans la même dynamique que nous. Donc je pense par exemple, un de nos leviers sur la feuille de route, c'est l'usage du réemploi. Et dans nos projets. Parce qu'aujourd'hui, le réemploi, il fonctionne. Alors, je mets entre guillemets parce qu'il n'y a pas encore de modèle économique qui fonctionne sur cette filière-là, mais néanmoins, cette filière, elle est active à l'échelle du grand public, mais à l'échelle des projets que l'on porte, nous, qui sont des projets de masse, on va dire, avec vraiment un volume de matériaux de réemploi beaucoup plus important. Mais aujourd'hui, la filière n'est pas construite pour absorber ces volumes-là. Donc, on a créé avec le groupe SAMSE et le bureau d'études ENEOS, un collectif, tous les trois, qui s'appelle le Réemploi en Grand. Donc ça fait un an qu'on œuvre ensemble. On est parti à trois, aujourd'hui on est plus de 35 acteurs réunis et on travaille en collaboration pour lever tous les freins à la mise en œuvre de cette filière du réemploi. Aujourd'hui on est accompagné par Solucir et Enfin Réemploi pour développer ce projet. On vient de répondre à un appel à projet avec Valobat et on vient d'être sélectionnés. Donc, on est super ravis parce qu'on va pouvoir rendre vraiment vivant notre collectif et lui donner vraiment une force vive parce que, mine de rien, sans modèle économique, on aura beau faire tout ce que l'on veut, la société dans laquelle on vit aujourd'hui, c'est un point qu'on ne peut pas éviter d'étourner. Donc, on se structure et aujourd'hui, notre grande fierté dans ce collectif, on a fait notre dernière rencontre le 12 juillet avant les vacances. Et en fait, on est sur 43 projets d'expérimentation. C'est-à-dire que ce collectif, on n'est pas là pour réfléchir, pour écrire un carnet blanc, un livre blanc. On est là pour agir. On prend concrètement les projets que l'on a sous le coude et on les met en œuvre avec cette approche du réemploi en grand. Aujourd'hui, on a 43 projets en expérimentation sur la Savoie. Donc, c'est une vraie fierté, un vrai élément de motivation, parce qu'on se rend compte qu'on a réussi à réunir tous les acteurs autour de cette filière du rempoi, donc acteurs du bâtiment, de la construction, maîtres d'ouvrage, bureaux de contrôle, assurances, bureaux d'études, entreprises. Et en fait, on arrive vraiment à tous avancer ensemble et à créer un nouveau récit. Moi, je n'ai pas honte de le dire, je n'ai pas peur de le dire. Je suis sûre qu'on est en train d'écrire un nouveau récit aujourd'hui, tous ensemble.

  • SG

    Un nouveau récit qui se base quand même sur les piliers. de la collaboration, de l'écosystème, de l'impact territorial. Enfin, voilà, c'est la CEC, quoi.

  • LD

    Exactement, c'est la CEC mise en œuvre dans le monde réel.

  • SG

    Alors, bon, là, on est dans le monde réel, tu l'as dit, mais comment toi, tu as embarqué tes collaborateurs dans cette aventure ? Parce que, franchement, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident à comprendre pour tout le monde. Et en plus, souvent, l'économie, on ne pense pas bien commun. Je veux dire, voilà. Donc, comment toi, tu embarques tes collaborateurs dans cette histoire ?

  • LD

    Déjà, on n'y va pas seul à la CEC, on est deux. J'avais un Planet Champion qui est Fabien Alix et qui est mon collaborateur principal parce que c'était un des premiers à rejoindre notre collectif d'oralisation qui lui tournait très opérationnel dans notre métier et qui m'a accompagnée sur la CEC. Donc ça, c'est un gros atout de ne pas être seule sur la CEC, aussi bien à l'échelle de notre entreprise qu'à l'échelle du collectif de CEC. Ça, c'est important. Et après, moi j'ai passé du temps à restituer tout ce qu'on a pu vivre à la CEC, tous les témoignages, toutes les rencontres qu'on a pu voir, toutes les conférences auxquelles on a pu assister, c'est vraiment des choses que je faisais retomber. Parce qu'encore une fois, je crois que si on veut vraiment embarquer, l'idée ce n'est pas de prémacher le travail, c'est d'associer tout le monde à construire ensemble des solutions qui permettent de tendre vers une activité économique régénérative dans notre entreprise. Donc ils ont aussi besoin de faire ce cheminement-là, que ce soit mes collaborateurs, mais aussi tout l'écosystème de Duo Réalisations, parce qu'on a un gros travail à faire avec l'ensemble de nos clients, de nos partenaires. C'est vraiment important.

  • SG

    Et du coup, justement, parfois les clients, parfois les fournisseurs qui ne sont pas du tout dans cette démarche, peuvent se dire, mais qu'est-ce qu'elle nous raconte ? Est-ce qu'il n'y a pas un moment où on peut changer de client ou de fournisseur en ayant cette action-là ?

  • LD

    Moi, je n'ai pas l'habitude d'abandonner Stéphane. Je suis un peu têtue dans mon âme. Mais en fait, ce qui se passe, c'est que l'idée de convaincre avec des paroles, c'est joli. Mais en fait, ce qu'on essaye, nous, de faire, c'est de démontrer par l'action. Je prends un exemple concret. On l'a fait, on l'a vraiment pratiqué auprès d'un client sur une rénovation de façade. On a tenté l'approche du réemploi. Donc, quand on leur en a parlé : non, non, non, on n'en veut pas parce que ça prend trop de temps, ça va coûter plus cher. OK. Donc, nous, en fait, on a agi en sous-marin. Donc, on a fait une double consultation. Alors, dans notre métier, c'est la partie compétence d'économie de la construction. On a vraiment travaillé sur deux approches. Une approche de rénovation avec des matériaux neufs, où on gère le déchet comme en filière classique. On ne cherche pas à récupérer quoi que ce soit. Et en parallèle, on a fait une consultation où là on a cherché à revaloriser le déchet, à travailler sur du réemploi in situ donc au sein même géographique de notre projet voilà. On a consulté comme ça. Et en fait, on a pu prouver que c'était beaucoup plus rentable de travailler avec cette approche de réemploi et également que ça avait un impact pour leur entreprise parce que c'est quand même un client qui a plusieurs résidences de tourisme partout en France. Ça a un impact positif dans leur démarche de RSE, impact carbone, tout ça. Et donc, ils nous ont dit, merci de nous avoir embarqués là-dedans et on y va, quoi. Voilà.

  • SG

    D'accord.

  • LD

    C'est aussi à nous, professionnels, d'oser enclencher des nouvelles approches. Si on attend que le côté réglementaire soit actif pour agir, mais dans dix ans, on est encore là pour en discuter. Et ça, ça devient insupportable.

  • SG

    Alors justement, on l'a assez pensé autrement, mais alors dans dix ans, tu es où ? Comment tu vois ton entreprise finalement dans dix ans ?

  • LD

    Moi, dans dix ans, je vois des nouveaux métiers, des nouvelles compétences au sein de nos métiers. Ça, c'est certain. On est déjà en train de l'écrire. Et après je pense que ça deviendra des standards de toute manière ; de toute façon à un moment donné la CEC, la première session ça a dressé un mur devant moi très clairement. J'étais vraiment en pleine conscience ; ça m'a ouvert cette pleine conscience oui on entendait à droite, à gauche tout ça, les enjeux la chute de la biodiversité, la dégradation des sols, l'épuisement de l'eau, les pollutions multiples, la gestion des déchets enfin... Bien sûr, c'est notre environnement quotidien à tous, à tous citoyens, où que l'on soit. Mais après, c'est vraiment à notre échelle d'entreprise. La CEC nous a dressé ce mur. Et une fois que ce mur, il est là, qu'est-ce qu'on fait ? Comment on fait pour l'exploser, pour passer par-dessus ? Et en fait, moi, dans dix ans, j'espère que mon entreprise aura vraiment confirmer et motiver l'ensemble de notre éco-système à avancer vers des mêmes directions, que je serai entourée de gens qui ont envie d'avancer vers ces mêmes directions du changement. Et ça, on y travaille, j'y crois, tout simplement, dans 10 ans, je ne sais pas où je serai moi personnellement. J'ai d'autres projets en tête, parce que dans la feuille de route, il y a l'aspect réemploi, mais il y a aussi le vivant au travers des chantiers, qui est pour moi un élément clé, la gestion du vivant. et la gestion des ressources. Parce qu'aujourd'hui, dans le bâtiment, on parle beaucoup sur l'exploitation du bâtiment. Il y a énormément d'innovations, de progrès qui sont faits. La réglementation RE2020 contribue à tout ça. C'est très bien. Donc ça, c'est sur une fois qu'on a construit. D'accord ? Mais pendant la période de construction, pour moi, il y a un gap énorme d'amélioration à avoir. Je veux dire, aujourd'hui, il est très courant de voir qu'on nettoie les outils, les matériaux avec de l'eau courante. Par exemple, c'est un exemple parmi tellement d'autres, les conditions de vie des compagnons sur le chantier, moi, m'interpellent, m'interrogent. Donc voilà, et ça, c'est un deuxième axe de ma feuille de route. Et si je peux me permettre, je fais un petit appel. On a lancé une grande enquête nationale sur cette thématique-là. Donc tous maîtres d'ouvrage, promoteurs, constructeurs, acteurs de la construction, entreprises, compagnons d'entreprises, on a lancé une enquête. qui se trouve sur chantier.duoralisation.fr justement pour qu'on construise ensemble une solution qui reponde à cet enjeu-là. Comment on crée du régénératif quand on est en mode chantier ?

  • SG

    Tout ça, c'est intéressant. Et c'est aussi intéressant, finalement, quand on est petit, on peut faire des choses aussi. Je reviens sur ta feuille de route. C'est ce que tu notes à la fin en disant que ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut rien faire. Ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut pas inspirer les plus gros. Et aujourd'hui, c'est aussi intéressant parce que les plus grands regardent aussi les petits. Parce que penser autrement, ce n'est pas toujours si simple. Et parfois, quand on est petit, on peut être plus agile et plus rapide et emmener les plus gros. Et ça, c'est quand même intéressant. Et tu l'as dit, par exemple, avec Samse. Exactement,

  • LD

    exactement, exactement. C'est un acteur clé dans notre démarche. Et ce qui pourrait permettre, par exemple, d'avoir un gros avec nous sur cette approche du remploi, c'est de développer à l'échelle nationale une démarche. collaborative autour de cet enjeu du réemploi en grand.

  • SG

    D'accord. Donc la CEC, ça a aussi, j'imagine, des répercussions sur toi. Et justement, l'aventure CEC, qu'est-ce qu'elle a changé pour toi personnellement, sur ton leadership ?

  • LD

    En 43 ans, on prend une claque. Et je crois que tous les dirigeants qui ont fait la CEC partout en France, on a reçu la même claque, quel que soit notre âge. Juste une petite anecdote, quand je suis rentrée le dimanche des trois premiers jours de la CEC, quand je suis rentrée dans ma famille, j'ai réservé un petit restaurant. pour faire un conseil de famille. Pour info, j'ai trois enfants, trois filles, qui ont 10, 15 et 18 ans aujourd'hui. J'ai dit à mon mari, Laurent, je voudrais qu'on déjeune tranquillement en dehors de la maison, j'aimerais vous partager ce que j'ai vécu. J'étais tellement pas bien que j'avais besoin d'avoir un cadre un peu neutre pour pouvoir leur partager tout ça. Et là, quand j'ai commencé à... partager, je leur ai fait très très peur et puis j'ai mes filles qui m'ont dit ça y est maman elle devient écolo-bobo. C'était leur première réponse. Mais en même temps c'était tellement à chaud qu'on était tellement bousculés, vraiment. On a rencontré des acteurs, des scientifiques de haut vol qui ont été hyper transparents avec nous et qui n'ont pas mis de filet. C'est ce qu'on devrait faire avec... chaque citoyen. Arrêtons de mettre des filets à tout le monde. La prise de conscience, elle doit être auprès de tout le monde. On est tous intelligents, on est des êtres humains, on a la capacité de réfléchir, de raisonner. Enlevons-nous pas cette capacité. C'est ce que je trouve terrible aujourd'hui dans notre climat politique, économique, sociétal. C'est vraiment triste. Du coup, je rentre, je fais ce conseil de famille et là, ça y est, je suis incapable de prendre un avion depuis. par exemple, c'est vraiment incapable. Alors qu'on adore voyager, alors on adore voyager à pied avec nos enfants et on découvre les pays à pied. Mais là, c'est un gros problème pour moi aujourd'hui. Je ne suis plus en mesure de prendre un avion,

  • SG

    par exemple. Bienvenue au club, Linda. C'est un peu le même problème, finalement.

  • LD

    Oui, la nourriture aussi. Manger de la viande à chaque repas, je me remets en cause. Alors, ce n'est pas facile d'embarquer tout le monde là-dessus. Mais voilà, c'est... C'est des choses qui, aujourd'hui, j'ai un blocage.

  • SG

    Surtout quand on est une dirigeante ou un dirigeant. Parfois, il y a des schémas de pensée, des étiquettes. Et c'est vrai que ce n'est pas toujours évident d'arriver dans son entreprise en vélo, en disant, l'avion, tout le monde peut le prendre, ce n'est pas un problème. Mais moi, j'ai décidé de faire autrement.

  • LD

    Et juste une deuxième chose, parce que ça, c'est dans le cadre personnel. Et je pense qu'on a tous eu cette réaction dans notre cadre familial, pour en avoir parlé avec pas mal d'autres personnes. Mais une autre chose aussi, à l'échelle de mon entreprise, quand je suis revenue de la FEC, J'avais ce besoin de tout de suite mettre une action pour me dire qu'on est capable dans notre entreprise de faire quelque chose de mieux, tout de suite, pour essayer de répondre à cet enjeu régénératif. Et la première action que j'ai mise le lundi en rentrant à l'entreprise, l'équipe avait un mail, c'était de se dire qu'on n'envoie plus aucune pièce jointe dans les mails, il faut qu'on ait une responsabilité numérique, on n'envoie que des liens vers notre serveur et les gens téléchargent si besoin le fichier ou pas. Mais on arrête d'envoyer des pièces jointes et des volumes de pièces jointes dans tous nos mails, tout ça. C'est quelque chose qu'on ne faisait pas nous. Et pareil, l'impact numérique, moi, je me suis dit, ce n'est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça. On génère tellement de la donnée, du volume de données, mais l'impact que ça, là, c'est un énorme enjeu aussi, l'impact numérique sur notre planète. Et voilà, ma deuxième action, c'était de dire, on n'envoie plus aucune pièce jointe dans nos mails.

  • SG

    Voilà, de comprendre aussi que c'est systémique. C'est vrai que du coup, ça ouvre un champ à 360 et c'est vrai que du coup, il faut se concentrer. Et du coup, ma question finalement suivante, c'est, Comment tu pourrais, alors pas conseiller, mais comment tu pourrais accompagner un dirigeant qui a envie lui aussi de mettre en place cette démarche et qui ne sait pas par où finalement démarrer ?

  • LD

    En fait, je crois qu'il n'y a pas vraiment de point de départ, parce que j'ai envie de dire que la situation est telle que le point de départ, on est en retard pour que ce soit un point de départ. Je veux dire, c'est très présent, c'est même trop avancé. Quand on regarde les limites planétaires, l'ensemble des dépassements, ils sont là. Il n'y a pas… C'est comment arriver, pareil, on a envie de dire comment on arrive à rattraper ce retard. Ce n'est même plus à rattraper ce retard, c'est trop tard aussi. Je ne veux pas être pessimiste, ce n'est pas ma nature. Mais c'est comment on est capable d'agir en masse, d'agir avec un impact fort. C'est vraiment là où l'enjeu est grand, c'est-à-dire qu'il faut embarquer tout le monde. On n'a plus le choix, plus personne ne peut se mettre en retrait, plus actif. Plus aucun acteur économique, pour moi, ne peut se mettre en retrait de ces enjeux-là. C'est une erreur. Et j'ai envie de dire, ces entreprises-là qui veulent se mettre en retrait, j'ai envie de dire, réglementairement, comment on pourrait leur dire stop, quoi. Ce n'est pas possible. Il y a un moment donné, les enjeux, ils sont quand même face à nous, ils sont grands. Et pour moi, j'ai envie de dire, la tolérance zéro, il faudrait qu'on commence à en parler, quoi.

  • SG

    Déjà, quand des entrepreneurs de... PME s'empare du sujet, c'est déjà une bonne chose parce que c'est vrai qu'il y a aussi une défiance parce que, soyons honnêtes, il y a eu aussi une histoire de greenwashing pris en main par des entreprises plus grosses qui, parfois, ont raconté des histoires qui n'étaient pas les vraies. Du coup, ça crée un peu de défiance et c'est vrai qu'un dirigeant de PME, souvent, il a aussi un peu peur. Il est tellement proche de ses collaborateurs que ses collaborateurs disent Non, mais il met ça en place parce que, voilà, il y a une tendance. Donc, il y a aussi cette inquiétude et c'est pour ça que ton témoignage, il est intéressant.

  • LD

    Il y a un train à prendre en marche, il est enclenché. Moi, je me rends compte que depuis que j'ai intégré la CEC, en fait, on attire ce que l'on est. Je m'explique. Tout à l'heure, tu parlais de la loisanne, où dans notre feuille de route, effectivement, on n'a plus envie de construire des bâtiments neufs sur des terrains nus. Ça, c'est vraiment une volonté. Et en fait, depuis que j'ai commencé à poser ces choses-là, qu'on a commencé à poser ces choses-là au sein de l'entreprise, qu'on a commencé à réfléchir différemment, orienter nos clients différemment, on se rend compte qu'on attire des personnes qui ont envie de rentrer dans cette démarche. Et en fait, on n'a plus d'échange avec des personnes qui veulent juste construire pour construire, bâtir pour bâtir, en fait. Ils ne font plus partie de notre écosystème. Parce que naturellement, on ne leur a pas dit on ne veut plus de vous. Mais naturellement, on a développé un autre réseau, on a développé d'autres connexions, on a développé d'autres opportunités en affichant ce qu'on a vraiment. envie d'être en fait. Voilà. Et ça se fait assez naturellement. Moi, ce que je me rappelle dans mes premières approches de CEC, mais oulala, oulala, si je me lance des objectifs comme ça, je vais perdre tous mes clients. Ça, c'était ma première crainte en fait. Et en fait, en y allant étape par étape, en commençant à échanger, en commençant à partager notre feuille de route, voilà, les directions qu'on a envie de prendre, et bien naturellement, en fait, et bien, attends, il faut que je te fasse rencontrer un tel, attends, il faut que toi, tu… Voilà. confiance. L'humain est lui-même régénératif et je suis sûre qu'on est capable de se régénérer entre nous et à l'échelle économique de nos activités aussi. Moi, en tout cas, c'est ma conviction. C'est comme ça, en tout cas, que ça m'a levé le doute sur comment faire le pas et enclencher vraiment les premières actions. Je me suis rendue compte que, voilà, on enclenche un changement, et les choses se font naturellement derrière.

  • SG

    Alors toi, tu enclenches le changement, mais tu le... porte et tu l'incarnes. Et ça, je crois que c'est aussi important d'avoir des dirigeants qui incarnent ce qu'ils font. Et tu racontes bien l'histoire. Tu l'as dit, le récit, c'est aussi important. Du coup, ce n'est pas d'être punitif, mais un, d'être enthousiaste, de le porter, d'y croire et de raconter correctement l'histoire. Alors justement, si tu avais trois mots pour caractériser la démarche d'économie régénérative, parce qu'on est bientôt à la fin de ce podcast.

  • LD

    Trois mots, ce sera Paris qui est seul.

  • SG

    Oh, t'es forte ! pas rester seule. Ok, c'est trois mots, donc ça marche.

  • LD

    C'est vraiment ce qui me permet aujourd'hui d'y aller. Je suis en train de revoir tout l'actionnariat de mon entreprise. On parlait de moyens économiques. Il ne faut pas se mettre de barrière et encore une fois, en essayant de s'entourer des personnes qui ont cette sensibilité-là, qui ont envie d'avancer à vos côtés, ça rend possible les choses qui me paraissent loin. Moi, je crois beaucoup à la force du collectif, c'est ce qui m'a fait avancer toute ma vie, que ce soit au travers des engagements associatifs. La Jeune Chambre économique a été une école de la vie pour moi et m'a vraiment permis de prendre confiance en moi. La CEC m'a permis de vraiment prendre cette confiance-là dans le milieu économique de mon entreprise, mais beaucoup plus largement. Aujourd'hui, moi, le gros bas qui blesse, c'est la politique. parler en préparant ce podcast. Je crois que ça demande vraiment beaucoup d'exemplarité aujourd'hui. On n'a plus le droit à l'erreur et je n'ai même pas envie de parler des dernières élections, l'Assemblée nationale. Pour moi, je ne veux même pas en parler à mes enfants. J'ai trop honte qu'aujourd'hui on soit capable d'en arriver là avec les enjeux qu'on a devant nous. Mais ça me dépasse complètement. J'essayais de m'engager dans la politique, j'y crois. Je crois à notre démocratie. Si on perd notre démocratie, on perdra notre capacité à pouvoir changer le monde pour un monde meilleur, pour pouvoir parler de régénératif. Donc, faire notre démocratie, c'est fini. Donc, il faut se battre pour cette démocratie, mais avec les bonnes armes, j'ai envie de dire. Et aujourd'hui, les armes qui sont utilisées, c'est ce qui va tuer notre démocratie.

  • SG

    Justement, si je te donnais une arme, imaginons que tu es Harry Potter, si je te donnais une baguette magique et que tu puisses changer les règles du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ? C'est très compliqué ce que tu me demandes. C'est très, très compliqué.

  • LD

    Je sens que tu es bien motivée, que tu es bien partie.

  • SG

    En tant que parent, il faudrait agir sur tous les ministères. En tant que parent, l'éducation nationale, c'est catastrophique. Le ministère de la Justice, j'ai eu la chance d'être tirée au sort et d'être jurée d'assises. C'est catastrophique. J'ai assisté à des procès. C'est catastrophique de voir comment ça se passe et quels moyens on a aujourd'hui pour... pour mettre en œuvre la justice, le médical, j'en parle même pas. Pour moi, si j'avais une arme magique, ce serait de créer un maillon qui est la confiance, qu'on sorte de cette défiance et cette méfiance dans laquelle notre société tombe et qu'on arrive à remettre de la confiance et que chacun prenne ses responsabilités à l'échelle de son action. L'enjeu est tellement grand qu'une baguette magique ne suffira pas. C'est pour ça qu'il faudrait mettre dans les mains de chaque citoyen une petite baguette magique et leur dire quelle action positive tu as envie de faire. Et là, l'impact sera grand. Donc, une baguette magique pour donner à chaque citoyen une baguette magique entre ses mains.

  • LD

    D'accord. Et pour finir, sur la dernière question positive, parce qu'évidemment qu'un entrepreneur, une entrepreneur, est toujours confiante. Alors, qu'est-ce qui te rend confiante quand même dans l'avenir ?

  • SG

    Moi, ce qui me rend confiance, c'est l'échange avec les gens, l'échange avec l'humain. Et puis, je pense qu'aujourd'hui, tant qu'on pourra agir librement, j'ai confiance en l'avenir au travers de l'action.

  • LD

    Eh bien, écoute, Linda, je te remercie. C'était vraiment une conversation qui a été franche, qui a été enthousiaste, qui a été sincère. Et je termine toujours par une citation. Alors, j'ai pris une citation de Fernando Pessoa, qui est un écrivain portugais. Alors, je ne sais pas pourquoi j'ai pris portugais. Est-ce que j'ai dû penser Linda, tu vois ? Linda, valise en carton, portugais, je ne sais pas. Non. Je ne sais pas. Alors que tu t'appelles Durand, a priori, ton nom de jeune fille, c'est ça ? Durand, oui.

  • SG

    Donc, il n'y a pas plus français.

  • LD

    Eh bien, accepte ma citation de cet écrivain portugais qui dit Celui qui refuse d'engager le combat n'y est pas vaincu, mais il est vaincu moralement parce qu'il ne s'est pas battu. Encore merci, Linda, et puis à bientôt.

  • SG

    Merci à toi. Merci, Stéphane.

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Description

Entrepreneure et citoyenne, Linda évoque son parcours depuis toujours très engagé, et son entreprise, bureau d’études en ingénierie basé en Savoie. L’enjeu pour les générations futures, l’envie de faire bouger le territoire sont la clef de sa bascule régénérative. Ensemble, ils abordent les questions posées par la feuille de route, mais aussi les projets déjà initiés avec d’autres entreprises du bâtiment engagées dans la CEC, pour agir sur l’usage du réemploi par exemple. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur ÉC(H)OS de territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir une entrepreneure savoyarde qui a fait de l'engagement un véritable moteur dans sa vie quotidienne, aussi bien... associative que citoyenne, comme dans celle de son entreprise. Cette dirigeante, c'est Linda Profit, présidente de Duo Réalisations, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Linda, bonjour.

  • LD

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Bon, Linda, je te propose qu'on se tutoie.

  • LD

    Oui, avec plaisir.

  • SG

    On a dû se croiser, je pense, en décembre 2023, lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin lyonnais étaient rassemblés. Mais on s'est sûrement aperçu au cours d'un atelier ou sur le dancefloor endiablé, mais bon, ça a été bref. Donc aujourd'hui, je suis justement heureux de pouvoir profiter de ce podcast pour prendre le temps d'échanger plus ou moins avec toi. Ce que je te propose pour démarrer, pour planter le cadre, c'est déjà de nous présenter Duo Réalisations.

  • LD

    Oui, donc Duo Réalisations est un bureau d'études en ingénierie. On fait de la maîtrise d'oeuvre d'exécution et de l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour des projets. J'aime bien dire simplement tout sauf du particulier. Donc, on travaille aussi bien pour des projets d'entreprise, industriels, de services, aussi bien pour des communes, toutes les communautés de communes, territoires, territorialité.

  • SG

    D'accord. Du coup, c'était une entreprise que tu as créée il y a combien de temps ?

  • LD

    On l'a créée en janvier 2020, donc en pleine crise Covid. Donc, pas forcément les meilleures dispositions pour créer, mais on y est allé quand même.

  • SG

    D'accord. Tu es une entrepreneuse déjà depuis un certain temps quand même. C'est une jeune entreprise, mais tu en as eu d'autres, des aventures.

  • LD

    Oui, ma première aventure entrepreneuriale, c'était une aventure familiale puisque j'ai créé en 2007 une entreprise avec mon papa et mon mari. Une entreprise de plâtrerie et peinture, simplement pour accompagner les dix dernières années d'activité professionnelle de mon père. Il avait envie de créer sa propre entreprise, mais pas les compétences de gérer cette entreprise-là. Donc, on a pris… Voilà, on a pris le parti de l'accompagner pendant dix ans et c'était une super aventure.

  • SG

    Du coup, il y a un ADN particulier avec le bâtiment, si je comprends bien.

  • LD

    Oui, alors pourtant, je n'étais pas du tout prédestinée à être dans ce secteur-là parce que je n'ai pas fait un parcours de formation dans ce milieu-là. Mais effectivement, une appétence et une envie et un intérêt pour ce secteur d'activité.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être que tu peux nous en dire plus sur toi, parce que quand on cherche sur Internet, on trouve énormément de choses sur toi. Côté citoyen, côté associatif.

  • LD

    Après, c'est ma manière d'être, c'est ma manière de vivre. Je crois que ça fait partie aussi de l'éducation que j'ai eue. C'est-à-dire que moi, mes parents, au-delà de le dire, je les ai vus faire. Et quand quelque chose ne leur convient pas, C'est vrai que mes parents, mon père, il m'a toujours appris, si ça ne te convient pas, tu relèves les manches et tu y vas. Et c'est un peu comme ça que j'ai compris, que je me suis fait ma propre définition de l'engagement. Plutôt que de se plaindre et d'attendre que les changements viennent des autres, allons faire les changements par nous-mêmes. Soyons acteurs. Et c'est comme ça que l'envie d'entreprendre a émergé. C'est d'abord par cette envie de s'engager, de m'engager auprès de mon père. avec ma première création d'entreprise pour l'accompagner dans sa démarche première, pour l'accompagner sur la fin de sa carrière professionnelle, et puis après entreprendre pour porter mes propres convictions.

  • SG

    J'ai l'impression qu'il y a aussi un engagement territorial, j'allais dire, dans tes gènes.

  • LD

    Oui, je trouve que l'engagement de proximité, c'est ce qui fait sens quand on est trop éloigné finalement, l'impact il est moindre. En tout cas, c'est ce que moi, je ressens et ce que je crois pouvoir vivre en tant que citoyenne au quotidien. Donc, avoir un engagement de proximité sur notre territoire, je trouve que ça, c'est vraiment sens. Et puis, quelque part, on en récolte les fruits aussi de cet engagement, de ces changements positifs. C'est quand même ce qui motive aussi. C'est quand on peut voir ces changements et les vivre.

  • SG

    Tout à fait. Du coup, la transition est assez facile puisqu'il nous faut des gens comme toi pour s'engager dans l'économie dite régénérative. Alors, c'est quand pour toi la première fois où tu entends ce mot régénératif et qu'est-ce que tu en as pensé au départ ?

  • LD

    Alors ce mot régénératif, je l'ai entendu quand j'ai passé les entretiens avec Anne-Fleur Barret pour pouvoir m'engager dans la CEC de l'année dernière, l'édition 2023 . Et c'est vrai que quand elle a utilisé ce terme pour la première fois, pour moi c'était régénératif, c'est quelque chose qui arrive à se régénérer tout seul. Et j'avais beaucoup de mal à voir qu'est-ce que ça venait faire dans nos modèles économiques, d'entreprise. Et en fait, c'est vraiment à partir de là où je me suis posé cette question, mais effectivement, comment on peut, au travers de nos activités professionnelles, faire en sorte qu'on n'efface pas, on ne supprime pas, mais on arrive à créer une certaine circularité.

  • SG

    D'accord. Alors, c'est quoi le déclic, finalement, qui te pousse à faire la CEC ?

  • LD

    Alors, le déclic, c'est vraiment un post que Anne-Fleur avait mis sur LinkedIn, où justement elle parlait de cette notion de régénération et de l'enjeu pour les générations futures. Et c'est vrai qu'elle faisait un parallèle avec son propre fils. Et ça, ça m'a beaucoup marquée. Moi, je suis quelqu'un qui suis très dans l'affect, y compris dans le milieu professionnel, l'humain avant tout. Et c'est vrai que son post m'a beaucoup interpellée. Je ne la connaissais pas. Je lui ai mis un petit commentaire. Et c'est comme ça qu'on a échangé et qu'elle m'a parlé de la CEC. Et j'ai fait cette bascule en me disant, je vais aller voir ce que c'est quoi.

  • SG

    D'accord. Et tu avais déjà des engagements environnementaux ? Ou pour toi, l'environnement, c'était loin ?

  • LD

    Non, pas du tout. Ce n'est pas que c'est loin, mais c'est la prise de conscience qui était loin. Moi, je trouve qu'aujourd'hui, le niveau d'information grand public que l'on a est tellement mâché, prémâché, retravaillé, que finalement, malheureusement, on n'arrive pas à faire nos propres déductions par nous-mêmes, c'est ça, c'est vraiment une vraie problématique et la CEC nous permet vraiment de faire cette démarche-là. On est en pleine conscience tout du long. Mais par contre, cette envie d'intervenir sur l'approche du développement durable, cette prise de conscience, je l'ai quand même depuis un petit moment, parce qu'en 2020 , j'étais présidente nationale des Jeunes Chambres Économiques Françaises et pendant mon année de mandat, on a porté un projet avec mon équipe et toute l'organisation nationale. On a mené une grande enquête auprès des entreprises qui était de les accompagner pour amener une réflexion : comment optimiser nos ressources pour allier le développement économique et durable. Et on a été hyper surpris, donc à l'échelle nationale, on a pu interviewer différentes entreprises, acteurs économiques, publics, privés, associatifs. Et en fait, on s'est rendu compte que 75 % des dirigeants interviewés avaient envie de s'intéresser, de changer leur modèle économique, mais ils ne savaient absolument pas comment s'y prendre. Et tout ça dans une démarche à moyen terme. Et en fait, c'est à partir de là où je me suis dit, il faut absolument qu'on mette en place des moyens pour accompagner cette envie de changement. Et c'est aussi comme ça que la CEC, je pense, est venue à moi, parce que je m'intéressais à différentes possibilités pour rentrer dans cette démarche, de répondre à comment. Et la CEC, pour moi, était vraiment un moyen de répondre comment, en tant qu'acteur économique. comment je peux agir sur cette notion de développement durable.

  • SG

    Écoute Linda, tu me fais toutes les transitions, c'est incroyable, parce que ma question était justement la suivante. Après huit mois justement de CEC, est-ce qu'on peut parler de ta feuille de route finalement à visée régénérative et quels sont les engagements, quels sont les leviers que tu vas mettre en place ou que tu as peut-être déjà mis en place ?

  • LD

    La feuille de route, c'est vrai qu'elle se construit pas à pas. En fait, ce n'est pas une fin en soi, c'est vraiment un chemin d'écriture et de réflexion. Quel que soit le secteur d'activité, je l'ai vu avec l'ensemble des participants de la CEC, et c'est vrai que quel que soit le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, le secteur des géographies qu'on situe, en fait, c'était un casse-tête pour tout le monde. C'est très compliqué ce que cette feuille de route nous a bousculé, nous a obligé de nous poser des questions qu'on n'avait pas l'habitude de poser à l'échelle de nos entreprises, à l'échelle du développement économique de nos entreprises. Donc ça, ça a été vraiment une belle réflexion, un beau cheminement parcouru. Et pour sortir cette feuille de route, c'est vrai qu'il faut un peu se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude pour arriver à dire comment on va intégrer le régénératif dans notre domaine d'activité. Et on se dit qu'on est trop petit pour pouvoir agir là-dessus. Et en même temps, on est dans un secteur d'activité, le bâtiment, où on ne peut rien faire. On commence comme ça, on va dire.

  • SG

    D'accord, alors du coup, on est presque six mois après là. Qu'est-ce que vous avez déjà essayé de mettre en place ? Parce que moi, j'ai vu que sur vos feuilles de route, il y avait pas mal de choses qui étaient assez fortes, comme diminuer progressivement, même arrêter les projets de construction neufs sur des fonctions nues. Alors ça fait écho à la loi ZAN aussi.

  • LD

    En fait, on n'a pas attendu la fin de la CEC pour commencer à agir. C'est ça qui est incroyable, parce qu'à la CEC, on rencontre d'autres entreprises qui sont dans la même dynamique que nous. Donc je pense par exemple, un de nos leviers sur la feuille de route, c'est l'usage du réemploi. Et dans nos projets. Parce qu'aujourd'hui, le réemploi, il fonctionne. Alors, je mets entre guillemets parce qu'il n'y a pas encore de modèle économique qui fonctionne sur cette filière-là, mais néanmoins, cette filière, elle est active à l'échelle du grand public, mais à l'échelle des projets que l'on porte, nous, qui sont des projets de masse, on va dire, avec vraiment un volume de matériaux de réemploi beaucoup plus important. Mais aujourd'hui, la filière n'est pas construite pour absorber ces volumes-là. Donc, on a créé avec le groupe SAMSE et le bureau d'études ENEOS, un collectif, tous les trois, qui s'appelle le Réemploi en Grand. Donc ça fait un an qu'on œuvre ensemble. On est parti à trois, aujourd'hui on est plus de 35 acteurs réunis et on travaille en collaboration pour lever tous les freins à la mise en œuvre de cette filière du réemploi. Aujourd'hui on est accompagné par Solucir et Enfin Réemploi pour développer ce projet. On vient de répondre à un appel à projet avec Valobat et on vient d'être sélectionnés. Donc, on est super ravis parce qu'on va pouvoir rendre vraiment vivant notre collectif et lui donner vraiment une force vive parce que, mine de rien, sans modèle économique, on aura beau faire tout ce que l'on veut, la société dans laquelle on vit aujourd'hui, c'est un point qu'on ne peut pas éviter d'étourner. Donc, on se structure et aujourd'hui, notre grande fierté dans ce collectif, on a fait notre dernière rencontre le 12 juillet avant les vacances. Et en fait, on est sur 43 projets d'expérimentation. C'est-à-dire que ce collectif, on n'est pas là pour réfléchir, pour écrire un carnet blanc, un livre blanc. On est là pour agir. On prend concrètement les projets que l'on a sous le coude et on les met en œuvre avec cette approche du réemploi en grand. Aujourd'hui, on a 43 projets en expérimentation sur la Savoie. Donc, c'est une vraie fierté, un vrai élément de motivation, parce qu'on se rend compte qu'on a réussi à réunir tous les acteurs autour de cette filière du rempoi, donc acteurs du bâtiment, de la construction, maîtres d'ouvrage, bureaux de contrôle, assurances, bureaux d'études, entreprises. Et en fait, on arrive vraiment à tous avancer ensemble et à créer un nouveau récit. Moi, je n'ai pas honte de le dire, je n'ai pas peur de le dire. Je suis sûre qu'on est en train d'écrire un nouveau récit aujourd'hui, tous ensemble.

  • SG

    Un nouveau récit qui se base quand même sur les piliers. de la collaboration, de l'écosystème, de l'impact territorial. Enfin, voilà, c'est la CEC, quoi.

  • LD

    Exactement, c'est la CEC mise en œuvre dans le monde réel.

  • SG

    Alors, bon, là, on est dans le monde réel, tu l'as dit, mais comment toi, tu as embarqué tes collaborateurs dans cette aventure ? Parce que, franchement, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident à comprendre pour tout le monde. Et en plus, souvent, l'économie, on ne pense pas bien commun. Je veux dire, voilà. Donc, comment toi, tu embarques tes collaborateurs dans cette histoire ?

  • LD

    Déjà, on n'y va pas seul à la CEC, on est deux. J'avais un Planet Champion qui est Fabien Alix et qui est mon collaborateur principal parce que c'était un des premiers à rejoindre notre collectif d'oralisation qui lui tournait très opérationnel dans notre métier et qui m'a accompagnée sur la CEC. Donc ça, c'est un gros atout de ne pas être seule sur la CEC, aussi bien à l'échelle de notre entreprise qu'à l'échelle du collectif de CEC. Ça, c'est important. Et après, moi j'ai passé du temps à restituer tout ce qu'on a pu vivre à la CEC, tous les témoignages, toutes les rencontres qu'on a pu voir, toutes les conférences auxquelles on a pu assister, c'est vraiment des choses que je faisais retomber. Parce qu'encore une fois, je crois que si on veut vraiment embarquer, l'idée ce n'est pas de prémacher le travail, c'est d'associer tout le monde à construire ensemble des solutions qui permettent de tendre vers une activité économique régénérative dans notre entreprise. Donc ils ont aussi besoin de faire ce cheminement-là, que ce soit mes collaborateurs, mais aussi tout l'écosystème de Duo Réalisations, parce qu'on a un gros travail à faire avec l'ensemble de nos clients, de nos partenaires. C'est vraiment important.

  • SG

    Et du coup, justement, parfois les clients, parfois les fournisseurs qui ne sont pas du tout dans cette démarche, peuvent se dire, mais qu'est-ce qu'elle nous raconte ? Est-ce qu'il n'y a pas un moment où on peut changer de client ou de fournisseur en ayant cette action-là ?

  • LD

    Moi, je n'ai pas l'habitude d'abandonner Stéphane. Je suis un peu têtue dans mon âme. Mais en fait, ce qui se passe, c'est que l'idée de convaincre avec des paroles, c'est joli. Mais en fait, ce qu'on essaye, nous, de faire, c'est de démontrer par l'action. Je prends un exemple concret. On l'a fait, on l'a vraiment pratiqué auprès d'un client sur une rénovation de façade. On a tenté l'approche du réemploi. Donc, quand on leur en a parlé : non, non, non, on n'en veut pas parce que ça prend trop de temps, ça va coûter plus cher. OK. Donc, nous, en fait, on a agi en sous-marin. Donc, on a fait une double consultation. Alors, dans notre métier, c'est la partie compétence d'économie de la construction. On a vraiment travaillé sur deux approches. Une approche de rénovation avec des matériaux neufs, où on gère le déchet comme en filière classique. On ne cherche pas à récupérer quoi que ce soit. Et en parallèle, on a fait une consultation où là on a cherché à revaloriser le déchet, à travailler sur du réemploi in situ donc au sein même géographique de notre projet voilà. On a consulté comme ça. Et en fait, on a pu prouver que c'était beaucoup plus rentable de travailler avec cette approche de réemploi et également que ça avait un impact pour leur entreprise parce que c'est quand même un client qui a plusieurs résidences de tourisme partout en France. Ça a un impact positif dans leur démarche de RSE, impact carbone, tout ça. Et donc, ils nous ont dit, merci de nous avoir embarqués là-dedans et on y va, quoi. Voilà.

  • SG

    D'accord.

  • LD

    C'est aussi à nous, professionnels, d'oser enclencher des nouvelles approches. Si on attend que le côté réglementaire soit actif pour agir, mais dans dix ans, on est encore là pour en discuter. Et ça, ça devient insupportable.

  • SG

    Alors justement, on l'a assez pensé autrement, mais alors dans dix ans, tu es où ? Comment tu vois ton entreprise finalement dans dix ans ?

  • LD

    Moi, dans dix ans, je vois des nouveaux métiers, des nouvelles compétences au sein de nos métiers. Ça, c'est certain. On est déjà en train de l'écrire. Et après je pense que ça deviendra des standards de toute manière ; de toute façon à un moment donné la CEC, la première session ça a dressé un mur devant moi très clairement. J'étais vraiment en pleine conscience ; ça m'a ouvert cette pleine conscience oui on entendait à droite, à gauche tout ça, les enjeux la chute de la biodiversité, la dégradation des sols, l'épuisement de l'eau, les pollutions multiples, la gestion des déchets enfin... Bien sûr, c'est notre environnement quotidien à tous, à tous citoyens, où que l'on soit. Mais après, c'est vraiment à notre échelle d'entreprise. La CEC nous a dressé ce mur. Et une fois que ce mur, il est là, qu'est-ce qu'on fait ? Comment on fait pour l'exploser, pour passer par-dessus ? Et en fait, moi, dans dix ans, j'espère que mon entreprise aura vraiment confirmer et motiver l'ensemble de notre éco-système à avancer vers des mêmes directions, que je serai entourée de gens qui ont envie d'avancer vers ces mêmes directions du changement. Et ça, on y travaille, j'y crois, tout simplement, dans 10 ans, je ne sais pas où je serai moi personnellement. J'ai d'autres projets en tête, parce que dans la feuille de route, il y a l'aspect réemploi, mais il y a aussi le vivant au travers des chantiers, qui est pour moi un élément clé, la gestion du vivant. et la gestion des ressources. Parce qu'aujourd'hui, dans le bâtiment, on parle beaucoup sur l'exploitation du bâtiment. Il y a énormément d'innovations, de progrès qui sont faits. La réglementation RE2020 contribue à tout ça. C'est très bien. Donc ça, c'est sur une fois qu'on a construit. D'accord ? Mais pendant la période de construction, pour moi, il y a un gap énorme d'amélioration à avoir. Je veux dire, aujourd'hui, il est très courant de voir qu'on nettoie les outils, les matériaux avec de l'eau courante. Par exemple, c'est un exemple parmi tellement d'autres, les conditions de vie des compagnons sur le chantier, moi, m'interpellent, m'interrogent. Donc voilà, et ça, c'est un deuxième axe de ma feuille de route. Et si je peux me permettre, je fais un petit appel. On a lancé une grande enquête nationale sur cette thématique-là. Donc tous maîtres d'ouvrage, promoteurs, constructeurs, acteurs de la construction, entreprises, compagnons d'entreprises, on a lancé une enquête. qui se trouve sur chantier.duoralisation.fr justement pour qu'on construise ensemble une solution qui reponde à cet enjeu-là. Comment on crée du régénératif quand on est en mode chantier ?

  • SG

    Tout ça, c'est intéressant. Et c'est aussi intéressant, finalement, quand on est petit, on peut faire des choses aussi. Je reviens sur ta feuille de route. C'est ce que tu notes à la fin en disant que ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut rien faire. Ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut pas inspirer les plus gros. Et aujourd'hui, c'est aussi intéressant parce que les plus grands regardent aussi les petits. Parce que penser autrement, ce n'est pas toujours si simple. Et parfois, quand on est petit, on peut être plus agile et plus rapide et emmener les plus gros. Et ça, c'est quand même intéressant. Et tu l'as dit, par exemple, avec Samse. Exactement,

  • LD

    exactement, exactement. C'est un acteur clé dans notre démarche. Et ce qui pourrait permettre, par exemple, d'avoir un gros avec nous sur cette approche du remploi, c'est de développer à l'échelle nationale une démarche. collaborative autour de cet enjeu du réemploi en grand.

  • SG

    D'accord. Donc la CEC, ça a aussi, j'imagine, des répercussions sur toi. Et justement, l'aventure CEC, qu'est-ce qu'elle a changé pour toi personnellement, sur ton leadership ?

  • LD

    En 43 ans, on prend une claque. Et je crois que tous les dirigeants qui ont fait la CEC partout en France, on a reçu la même claque, quel que soit notre âge. Juste une petite anecdote, quand je suis rentrée le dimanche des trois premiers jours de la CEC, quand je suis rentrée dans ma famille, j'ai réservé un petit restaurant. pour faire un conseil de famille. Pour info, j'ai trois enfants, trois filles, qui ont 10, 15 et 18 ans aujourd'hui. J'ai dit à mon mari, Laurent, je voudrais qu'on déjeune tranquillement en dehors de la maison, j'aimerais vous partager ce que j'ai vécu. J'étais tellement pas bien que j'avais besoin d'avoir un cadre un peu neutre pour pouvoir leur partager tout ça. Et là, quand j'ai commencé à... partager, je leur ai fait très très peur et puis j'ai mes filles qui m'ont dit ça y est maman elle devient écolo-bobo. C'était leur première réponse. Mais en même temps c'était tellement à chaud qu'on était tellement bousculés, vraiment. On a rencontré des acteurs, des scientifiques de haut vol qui ont été hyper transparents avec nous et qui n'ont pas mis de filet. C'est ce qu'on devrait faire avec... chaque citoyen. Arrêtons de mettre des filets à tout le monde. La prise de conscience, elle doit être auprès de tout le monde. On est tous intelligents, on est des êtres humains, on a la capacité de réfléchir, de raisonner. Enlevons-nous pas cette capacité. C'est ce que je trouve terrible aujourd'hui dans notre climat politique, économique, sociétal. C'est vraiment triste. Du coup, je rentre, je fais ce conseil de famille et là, ça y est, je suis incapable de prendre un avion depuis. par exemple, c'est vraiment incapable. Alors qu'on adore voyager, alors on adore voyager à pied avec nos enfants et on découvre les pays à pied. Mais là, c'est un gros problème pour moi aujourd'hui. Je ne suis plus en mesure de prendre un avion,

  • SG

    par exemple. Bienvenue au club, Linda. C'est un peu le même problème, finalement.

  • LD

    Oui, la nourriture aussi. Manger de la viande à chaque repas, je me remets en cause. Alors, ce n'est pas facile d'embarquer tout le monde là-dessus. Mais voilà, c'est... C'est des choses qui, aujourd'hui, j'ai un blocage.

  • SG

    Surtout quand on est une dirigeante ou un dirigeant. Parfois, il y a des schémas de pensée, des étiquettes. Et c'est vrai que ce n'est pas toujours évident d'arriver dans son entreprise en vélo, en disant, l'avion, tout le monde peut le prendre, ce n'est pas un problème. Mais moi, j'ai décidé de faire autrement.

  • LD

    Et juste une deuxième chose, parce que ça, c'est dans le cadre personnel. Et je pense qu'on a tous eu cette réaction dans notre cadre familial, pour en avoir parlé avec pas mal d'autres personnes. Mais une autre chose aussi, à l'échelle de mon entreprise, quand je suis revenue de la FEC, J'avais ce besoin de tout de suite mettre une action pour me dire qu'on est capable dans notre entreprise de faire quelque chose de mieux, tout de suite, pour essayer de répondre à cet enjeu régénératif. Et la première action que j'ai mise le lundi en rentrant à l'entreprise, l'équipe avait un mail, c'était de se dire qu'on n'envoie plus aucune pièce jointe dans les mails, il faut qu'on ait une responsabilité numérique, on n'envoie que des liens vers notre serveur et les gens téléchargent si besoin le fichier ou pas. Mais on arrête d'envoyer des pièces jointes et des volumes de pièces jointes dans tous nos mails, tout ça. C'est quelque chose qu'on ne faisait pas nous. Et pareil, l'impact numérique, moi, je me suis dit, ce n'est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça. On génère tellement de la donnée, du volume de données, mais l'impact que ça, là, c'est un énorme enjeu aussi, l'impact numérique sur notre planète. Et voilà, ma deuxième action, c'était de dire, on n'envoie plus aucune pièce jointe dans nos mails.

  • SG

    Voilà, de comprendre aussi que c'est systémique. C'est vrai que du coup, ça ouvre un champ à 360 et c'est vrai que du coup, il faut se concentrer. Et du coup, ma question finalement suivante, c'est, Comment tu pourrais, alors pas conseiller, mais comment tu pourrais accompagner un dirigeant qui a envie lui aussi de mettre en place cette démarche et qui ne sait pas par où finalement démarrer ?

  • LD

    En fait, je crois qu'il n'y a pas vraiment de point de départ, parce que j'ai envie de dire que la situation est telle que le point de départ, on est en retard pour que ce soit un point de départ. Je veux dire, c'est très présent, c'est même trop avancé. Quand on regarde les limites planétaires, l'ensemble des dépassements, ils sont là. Il n'y a pas… C'est comment arriver, pareil, on a envie de dire comment on arrive à rattraper ce retard. Ce n'est même plus à rattraper ce retard, c'est trop tard aussi. Je ne veux pas être pessimiste, ce n'est pas ma nature. Mais c'est comment on est capable d'agir en masse, d'agir avec un impact fort. C'est vraiment là où l'enjeu est grand, c'est-à-dire qu'il faut embarquer tout le monde. On n'a plus le choix, plus personne ne peut se mettre en retrait, plus actif. Plus aucun acteur économique, pour moi, ne peut se mettre en retrait de ces enjeux-là. C'est une erreur. Et j'ai envie de dire, ces entreprises-là qui veulent se mettre en retrait, j'ai envie de dire, réglementairement, comment on pourrait leur dire stop, quoi. Ce n'est pas possible. Il y a un moment donné, les enjeux, ils sont quand même face à nous, ils sont grands. Et pour moi, j'ai envie de dire, la tolérance zéro, il faudrait qu'on commence à en parler, quoi.

  • SG

    Déjà, quand des entrepreneurs de... PME s'empare du sujet, c'est déjà une bonne chose parce que c'est vrai qu'il y a aussi une défiance parce que, soyons honnêtes, il y a eu aussi une histoire de greenwashing pris en main par des entreprises plus grosses qui, parfois, ont raconté des histoires qui n'étaient pas les vraies. Du coup, ça crée un peu de défiance et c'est vrai qu'un dirigeant de PME, souvent, il a aussi un peu peur. Il est tellement proche de ses collaborateurs que ses collaborateurs disent Non, mais il met ça en place parce que, voilà, il y a une tendance. Donc, il y a aussi cette inquiétude et c'est pour ça que ton témoignage, il est intéressant.

  • LD

    Il y a un train à prendre en marche, il est enclenché. Moi, je me rends compte que depuis que j'ai intégré la CEC, en fait, on attire ce que l'on est. Je m'explique. Tout à l'heure, tu parlais de la loisanne, où dans notre feuille de route, effectivement, on n'a plus envie de construire des bâtiments neufs sur des terrains nus. Ça, c'est vraiment une volonté. Et en fait, depuis que j'ai commencé à poser ces choses-là, qu'on a commencé à poser ces choses-là au sein de l'entreprise, qu'on a commencé à réfléchir différemment, orienter nos clients différemment, on se rend compte qu'on attire des personnes qui ont envie de rentrer dans cette démarche. Et en fait, on n'a plus d'échange avec des personnes qui veulent juste construire pour construire, bâtir pour bâtir, en fait. Ils ne font plus partie de notre écosystème. Parce que naturellement, on ne leur a pas dit on ne veut plus de vous. Mais naturellement, on a développé un autre réseau, on a développé d'autres connexions, on a développé d'autres opportunités en affichant ce qu'on a vraiment. envie d'être en fait. Voilà. Et ça se fait assez naturellement. Moi, ce que je me rappelle dans mes premières approches de CEC, mais oulala, oulala, si je me lance des objectifs comme ça, je vais perdre tous mes clients. Ça, c'était ma première crainte en fait. Et en fait, en y allant étape par étape, en commençant à échanger, en commençant à partager notre feuille de route, voilà, les directions qu'on a envie de prendre, et bien naturellement, en fait, et bien, attends, il faut que je te fasse rencontrer un tel, attends, il faut que toi, tu… Voilà. confiance. L'humain est lui-même régénératif et je suis sûre qu'on est capable de se régénérer entre nous et à l'échelle économique de nos activités aussi. Moi, en tout cas, c'est ma conviction. C'est comme ça, en tout cas, que ça m'a levé le doute sur comment faire le pas et enclencher vraiment les premières actions. Je me suis rendue compte que, voilà, on enclenche un changement, et les choses se font naturellement derrière.

  • SG

    Alors toi, tu enclenches le changement, mais tu le... porte et tu l'incarnes. Et ça, je crois que c'est aussi important d'avoir des dirigeants qui incarnent ce qu'ils font. Et tu racontes bien l'histoire. Tu l'as dit, le récit, c'est aussi important. Du coup, ce n'est pas d'être punitif, mais un, d'être enthousiaste, de le porter, d'y croire et de raconter correctement l'histoire. Alors justement, si tu avais trois mots pour caractériser la démarche d'économie régénérative, parce qu'on est bientôt à la fin de ce podcast.

  • LD

    Trois mots, ce sera Paris qui est seul.

  • SG

    Oh, t'es forte ! pas rester seule. Ok, c'est trois mots, donc ça marche.

  • LD

    C'est vraiment ce qui me permet aujourd'hui d'y aller. Je suis en train de revoir tout l'actionnariat de mon entreprise. On parlait de moyens économiques. Il ne faut pas se mettre de barrière et encore une fois, en essayant de s'entourer des personnes qui ont cette sensibilité-là, qui ont envie d'avancer à vos côtés, ça rend possible les choses qui me paraissent loin. Moi, je crois beaucoup à la force du collectif, c'est ce qui m'a fait avancer toute ma vie, que ce soit au travers des engagements associatifs. La Jeune Chambre économique a été une école de la vie pour moi et m'a vraiment permis de prendre confiance en moi. La CEC m'a permis de vraiment prendre cette confiance-là dans le milieu économique de mon entreprise, mais beaucoup plus largement. Aujourd'hui, moi, le gros bas qui blesse, c'est la politique. parler en préparant ce podcast. Je crois que ça demande vraiment beaucoup d'exemplarité aujourd'hui. On n'a plus le droit à l'erreur et je n'ai même pas envie de parler des dernières élections, l'Assemblée nationale. Pour moi, je ne veux même pas en parler à mes enfants. J'ai trop honte qu'aujourd'hui on soit capable d'en arriver là avec les enjeux qu'on a devant nous. Mais ça me dépasse complètement. J'essayais de m'engager dans la politique, j'y crois. Je crois à notre démocratie. Si on perd notre démocratie, on perdra notre capacité à pouvoir changer le monde pour un monde meilleur, pour pouvoir parler de régénératif. Donc, faire notre démocratie, c'est fini. Donc, il faut se battre pour cette démocratie, mais avec les bonnes armes, j'ai envie de dire. Et aujourd'hui, les armes qui sont utilisées, c'est ce qui va tuer notre démocratie.

  • SG

    Justement, si je te donnais une arme, imaginons que tu es Harry Potter, si je te donnais une baguette magique et que tu puisses changer les règles du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ? C'est très compliqué ce que tu me demandes. C'est très, très compliqué.

  • LD

    Je sens que tu es bien motivée, que tu es bien partie.

  • SG

    En tant que parent, il faudrait agir sur tous les ministères. En tant que parent, l'éducation nationale, c'est catastrophique. Le ministère de la Justice, j'ai eu la chance d'être tirée au sort et d'être jurée d'assises. C'est catastrophique. J'ai assisté à des procès. C'est catastrophique de voir comment ça se passe et quels moyens on a aujourd'hui pour... pour mettre en œuvre la justice, le médical, j'en parle même pas. Pour moi, si j'avais une arme magique, ce serait de créer un maillon qui est la confiance, qu'on sorte de cette défiance et cette méfiance dans laquelle notre société tombe et qu'on arrive à remettre de la confiance et que chacun prenne ses responsabilités à l'échelle de son action. L'enjeu est tellement grand qu'une baguette magique ne suffira pas. C'est pour ça qu'il faudrait mettre dans les mains de chaque citoyen une petite baguette magique et leur dire quelle action positive tu as envie de faire. Et là, l'impact sera grand. Donc, une baguette magique pour donner à chaque citoyen une baguette magique entre ses mains.

  • LD

    D'accord. Et pour finir, sur la dernière question positive, parce qu'évidemment qu'un entrepreneur, une entrepreneur, est toujours confiante. Alors, qu'est-ce qui te rend confiante quand même dans l'avenir ?

  • SG

    Moi, ce qui me rend confiance, c'est l'échange avec les gens, l'échange avec l'humain. Et puis, je pense qu'aujourd'hui, tant qu'on pourra agir librement, j'ai confiance en l'avenir au travers de l'action.

  • LD

    Eh bien, écoute, Linda, je te remercie. C'était vraiment une conversation qui a été franche, qui a été enthousiaste, qui a été sincère. Et je termine toujours par une citation. Alors, j'ai pris une citation de Fernando Pessoa, qui est un écrivain portugais. Alors, je ne sais pas pourquoi j'ai pris portugais. Est-ce que j'ai dû penser Linda, tu vois ? Linda, valise en carton, portugais, je ne sais pas. Non. Je ne sais pas. Alors que tu t'appelles Durand, a priori, ton nom de jeune fille, c'est ça ? Durand, oui.

  • SG

    Donc, il n'y a pas plus français.

  • LD

    Eh bien, accepte ma citation de cet écrivain portugais qui dit Celui qui refuse d'engager le combat n'y est pas vaincu, mais il est vaincu moralement parce qu'il ne s'est pas battu. Encore merci, Linda, et puis à bientôt.

  • SG

    Merci à toi. Merci, Stéphane.

Description

Entrepreneure et citoyenne, Linda évoque son parcours depuis toujours très engagé, et son entreprise, bureau d’études en ingénierie basé en Savoie. L’enjeu pour les générations futures, l’envie de faire bouger le territoire sont la clef de sa bascule régénérative. Ensemble, ils abordent les questions posées par la feuille de route, mais aussi les projets déjà initiés avec d’autres entreprises du bâtiment engagées dans la CEC, pour agir sur l’usage du réemploi par exemple. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur ÉC(H)OS de territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir une entrepreneure savoyarde qui a fait de l'engagement un véritable moteur dans sa vie quotidienne, aussi bien... associative que citoyenne, comme dans celle de son entreprise. Cette dirigeante, c'est Linda Profit, présidente de Duo Réalisations, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Linda, bonjour.

  • LD

    Bonjour Stéphane.

  • SG

    Bon, Linda, je te propose qu'on se tutoie.

  • LD

    Oui, avec plaisir.

  • SG

    On a dû se croiser, je pense, en décembre 2023, lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin lyonnais étaient rassemblés. Mais on s'est sûrement aperçu au cours d'un atelier ou sur le dancefloor endiablé, mais bon, ça a été bref. Donc aujourd'hui, je suis justement heureux de pouvoir profiter de ce podcast pour prendre le temps d'échanger plus ou moins avec toi. Ce que je te propose pour démarrer, pour planter le cadre, c'est déjà de nous présenter Duo Réalisations.

  • LD

    Oui, donc Duo Réalisations est un bureau d'études en ingénierie. On fait de la maîtrise d'oeuvre d'exécution et de l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour des projets. J'aime bien dire simplement tout sauf du particulier. Donc, on travaille aussi bien pour des projets d'entreprise, industriels, de services, aussi bien pour des communes, toutes les communautés de communes, territoires, territorialité.

  • SG

    D'accord. Du coup, c'était une entreprise que tu as créée il y a combien de temps ?

  • LD

    On l'a créée en janvier 2020, donc en pleine crise Covid. Donc, pas forcément les meilleures dispositions pour créer, mais on y est allé quand même.

  • SG

    D'accord. Tu es une entrepreneuse déjà depuis un certain temps quand même. C'est une jeune entreprise, mais tu en as eu d'autres, des aventures.

  • LD

    Oui, ma première aventure entrepreneuriale, c'était une aventure familiale puisque j'ai créé en 2007 une entreprise avec mon papa et mon mari. Une entreprise de plâtrerie et peinture, simplement pour accompagner les dix dernières années d'activité professionnelle de mon père. Il avait envie de créer sa propre entreprise, mais pas les compétences de gérer cette entreprise-là. Donc, on a pris… Voilà, on a pris le parti de l'accompagner pendant dix ans et c'était une super aventure.

  • SG

    Du coup, il y a un ADN particulier avec le bâtiment, si je comprends bien.

  • LD

    Oui, alors pourtant, je n'étais pas du tout prédestinée à être dans ce secteur-là parce que je n'ai pas fait un parcours de formation dans ce milieu-là. Mais effectivement, une appétence et une envie et un intérêt pour ce secteur d'activité.

  • SG

    D'accord. Alors peut-être que tu peux nous en dire plus sur toi, parce que quand on cherche sur Internet, on trouve énormément de choses sur toi. Côté citoyen, côté associatif.

  • LD

    Après, c'est ma manière d'être, c'est ma manière de vivre. Je crois que ça fait partie aussi de l'éducation que j'ai eue. C'est-à-dire que moi, mes parents, au-delà de le dire, je les ai vus faire. Et quand quelque chose ne leur convient pas, C'est vrai que mes parents, mon père, il m'a toujours appris, si ça ne te convient pas, tu relèves les manches et tu y vas. Et c'est un peu comme ça que j'ai compris, que je me suis fait ma propre définition de l'engagement. Plutôt que de se plaindre et d'attendre que les changements viennent des autres, allons faire les changements par nous-mêmes. Soyons acteurs. Et c'est comme ça que l'envie d'entreprendre a émergé. C'est d'abord par cette envie de s'engager, de m'engager auprès de mon père. avec ma première création d'entreprise pour l'accompagner dans sa démarche première, pour l'accompagner sur la fin de sa carrière professionnelle, et puis après entreprendre pour porter mes propres convictions.

  • SG

    J'ai l'impression qu'il y a aussi un engagement territorial, j'allais dire, dans tes gènes.

  • LD

    Oui, je trouve que l'engagement de proximité, c'est ce qui fait sens quand on est trop éloigné finalement, l'impact il est moindre. En tout cas, c'est ce que moi, je ressens et ce que je crois pouvoir vivre en tant que citoyenne au quotidien. Donc, avoir un engagement de proximité sur notre territoire, je trouve que ça, c'est vraiment sens. Et puis, quelque part, on en récolte les fruits aussi de cet engagement, de ces changements positifs. C'est quand même ce qui motive aussi. C'est quand on peut voir ces changements et les vivre.

  • SG

    Tout à fait. Du coup, la transition est assez facile puisqu'il nous faut des gens comme toi pour s'engager dans l'économie dite régénérative. Alors, c'est quand pour toi la première fois où tu entends ce mot régénératif et qu'est-ce que tu en as pensé au départ ?

  • LD

    Alors ce mot régénératif, je l'ai entendu quand j'ai passé les entretiens avec Anne-Fleur Barret pour pouvoir m'engager dans la CEC de l'année dernière, l'édition 2023 . Et c'est vrai que quand elle a utilisé ce terme pour la première fois, pour moi c'était régénératif, c'est quelque chose qui arrive à se régénérer tout seul. Et j'avais beaucoup de mal à voir qu'est-ce que ça venait faire dans nos modèles économiques, d'entreprise. Et en fait, c'est vraiment à partir de là où je me suis posé cette question, mais effectivement, comment on peut, au travers de nos activités professionnelles, faire en sorte qu'on n'efface pas, on ne supprime pas, mais on arrive à créer une certaine circularité.

  • SG

    D'accord. Alors, c'est quoi le déclic, finalement, qui te pousse à faire la CEC ?

  • LD

    Alors, le déclic, c'est vraiment un post que Anne-Fleur avait mis sur LinkedIn, où justement elle parlait de cette notion de régénération et de l'enjeu pour les générations futures. Et c'est vrai qu'elle faisait un parallèle avec son propre fils. Et ça, ça m'a beaucoup marquée. Moi, je suis quelqu'un qui suis très dans l'affect, y compris dans le milieu professionnel, l'humain avant tout. Et c'est vrai que son post m'a beaucoup interpellée. Je ne la connaissais pas. Je lui ai mis un petit commentaire. Et c'est comme ça qu'on a échangé et qu'elle m'a parlé de la CEC. Et j'ai fait cette bascule en me disant, je vais aller voir ce que c'est quoi.

  • SG

    D'accord. Et tu avais déjà des engagements environnementaux ? Ou pour toi, l'environnement, c'était loin ?

  • LD

    Non, pas du tout. Ce n'est pas que c'est loin, mais c'est la prise de conscience qui était loin. Moi, je trouve qu'aujourd'hui, le niveau d'information grand public que l'on a est tellement mâché, prémâché, retravaillé, que finalement, malheureusement, on n'arrive pas à faire nos propres déductions par nous-mêmes, c'est ça, c'est vraiment une vraie problématique et la CEC nous permet vraiment de faire cette démarche-là. On est en pleine conscience tout du long. Mais par contre, cette envie d'intervenir sur l'approche du développement durable, cette prise de conscience, je l'ai quand même depuis un petit moment, parce qu'en 2020 , j'étais présidente nationale des Jeunes Chambres Économiques Françaises et pendant mon année de mandat, on a porté un projet avec mon équipe et toute l'organisation nationale. On a mené une grande enquête auprès des entreprises qui était de les accompagner pour amener une réflexion : comment optimiser nos ressources pour allier le développement économique et durable. Et on a été hyper surpris, donc à l'échelle nationale, on a pu interviewer différentes entreprises, acteurs économiques, publics, privés, associatifs. Et en fait, on s'est rendu compte que 75 % des dirigeants interviewés avaient envie de s'intéresser, de changer leur modèle économique, mais ils ne savaient absolument pas comment s'y prendre. Et tout ça dans une démarche à moyen terme. Et en fait, c'est à partir de là où je me suis dit, il faut absolument qu'on mette en place des moyens pour accompagner cette envie de changement. Et c'est aussi comme ça que la CEC, je pense, est venue à moi, parce que je m'intéressais à différentes possibilités pour rentrer dans cette démarche, de répondre à comment. Et la CEC, pour moi, était vraiment un moyen de répondre comment, en tant qu'acteur économique. comment je peux agir sur cette notion de développement durable.

  • SG

    Écoute Linda, tu me fais toutes les transitions, c'est incroyable, parce que ma question était justement la suivante. Après huit mois justement de CEC, est-ce qu'on peut parler de ta feuille de route finalement à visée régénérative et quels sont les engagements, quels sont les leviers que tu vas mettre en place ou que tu as peut-être déjà mis en place ?

  • LD

    La feuille de route, c'est vrai qu'elle se construit pas à pas. En fait, ce n'est pas une fin en soi, c'est vraiment un chemin d'écriture et de réflexion. Quel que soit le secteur d'activité, je l'ai vu avec l'ensemble des participants de la CEC, et c'est vrai que quel que soit le secteur d'activité, la taille de l'entreprise, le secteur des géographies qu'on situe, en fait, c'était un casse-tête pour tout le monde. C'est très compliqué ce que cette feuille de route nous a bousculé, nous a obligé de nous poser des questions qu'on n'avait pas l'habitude de poser à l'échelle de nos entreprises, à l'échelle du développement économique de nos entreprises. Donc ça, ça a été vraiment une belle réflexion, un beau cheminement parcouru. Et pour sortir cette feuille de route, c'est vrai qu'il faut un peu se poser des questions qu'on n'a pas l'habitude pour arriver à dire comment on va intégrer le régénératif dans notre domaine d'activité. Et on se dit qu'on est trop petit pour pouvoir agir là-dessus. Et en même temps, on est dans un secteur d'activité, le bâtiment, où on ne peut rien faire. On commence comme ça, on va dire.

  • SG

    D'accord, alors du coup, on est presque six mois après là. Qu'est-ce que vous avez déjà essayé de mettre en place ? Parce que moi, j'ai vu que sur vos feuilles de route, il y avait pas mal de choses qui étaient assez fortes, comme diminuer progressivement, même arrêter les projets de construction neufs sur des fonctions nues. Alors ça fait écho à la loi ZAN aussi.

  • LD

    En fait, on n'a pas attendu la fin de la CEC pour commencer à agir. C'est ça qui est incroyable, parce qu'à la CEC, on rencontre d'autres entreprises qui sont dans la même dynamique que nous. Donc je pense par exemple, un de nos leviers sur la feuille de route, c'est l'usage du réemploi. Et dans nos projets. Parce qu'aujourd'hui, le réemploi, il fonctionne. Alors, je mets entre guillemets parce qu'il n'y a pas encore de modèle économique qui fonctionne sur cette filière-là, mais néanmoins, cette filière, elle est active à l'échelle du grand public, mais à l'échelle des projets que l'on porte, nous, qui sont des projets de masse, on va dire, avec vraiment un volume de matériaux de réemploi beaucoup plus important. Mais aujourd'hui, la filière n'est pas construite pour absorber ces volumes-là. Donc, on a créé avec le groupe SAMSE et le bureau d'études ENEOS, un collectif, tous les trois, qui s'appelle le Réemploi en Grand. Donc ça fait un an qu'on œuvre ensemble. On est parti à trois, aujourd'hui on est plus de 35 acteurs réunis et on travaille en collaboration pour lever tous les freins à la mise en œuvre de cette filière du réemploi. Aujourd'hui on est accompagné par Solucir et Enfin Réemploi pour développer ce projet. On vient de répondre à un appel à projet avec Valobat et on vient d'être sélectionnés. Donc, on est super ravis parce qu'on va pouvoir rendre vraiment vivant notre collectif et lui donner vraiment une force vive parce que, mine de rien, sans modèle économique, on aura beau faire tout ce que l'on veut, la société dans laquelle on vit aujourd'hui, c'est un point qu'on ne peut pas éviter d'étourner. Donc, on se structure et aujourd'hui, notre grande fierté dans ce collectif, on a fait notre dernière rencontre le 12 juillet avant les vacances. Et en fait, on est sur 43 projets d'expérimentation. C'est-à-dire que ce collectif, on n'est pas là pour réfléchir, pour écrire un carnet blanc, un livre blanc. On est là pour agir. On prend concrètement les projets que l'on a sous le coude et on les met en œuvre avec cette approche du réemploi en grand. Aujourd'hui, on a 43 projets en expérimentation sur la Savoie. Donc, c'est une vraie fierté, un vrai élément de motivation, parce qu'on se rend compte qu'on a réussi à réunir tous les acteurs autour de cette filière du rempoi, donc acteurs du bâtiment, de la construction, maîtres d'ouvrage, bureaux de contrôle, assurances, bureaux d'études, entreprises. Et en fait, on arrive vraiment à tous avancer ensemble et à créer un nouveau récit. Moi, je n'ai pas honte de le dire, je n'ai pas peur de le dire. Je suis sûre qu'on est en train d'écrire un nouveau récit aujourd'hui, tous ensemble.

  • SG

    Un nouveau récit qui se base quand même sur les piliers. de la collaboration, de l'écosystème, de l'impact territorial. Enfin, voilà, c'est la CEC, quoi.

  • LD

    Exactement, c'est la CEC mise en œuvre dans le monde réel.

  • SG

    Alors, bon, là, on est dans le monde réel, tu l'as dit, mais comment toi, tu as embarqué tes collaborateurs dans cette aventure ? Parce que, franchement, c'est vrai que ce n'est pas forcément évident à comprendre pour tout le monde. Et en plus, souvent, l'économie, on ne pense pas bien commun. Je veux dire, voilà. Donc, comment toi, tu embarques tes collaborateurs dans cette histoire ?

  • LD

    Déjà, on n'y va pas seul à la CEC, on est deux. J'avais un Planet Champion qui est Fabien Alix et qui est mon collaborateur principal parce que c'était un des premiers à rejoindre notre collectif d'oralisation qui lui tournait très opérationnel dans notre métier et qui m'a accompagnée sur la CEC. Donc ça, c'est un gros atout de ne pas être seule sur la CEC, aussi bien à l'échelle de notre entreprise qu'à l'échelle du collectif de CEC. Ça, c'est important. Et après, moi j'ai passé du temps à restituer tout ce qu'on a pu vivre à la CEC, tous les témoignages, toutes les rencontres qu'on a pu voir, toutes les conférences auxquelles on a pu assister, c'est vraiment des choses que je faisais retomber. Parce qu'encore une fois, je crois que si on veut vraiment embarquer, l'idée ce n'est pas de prémacher le travail, c'est d'associer tout le monde à construire ensemble des solutions qui permettent de tendre vers une activité économique régénérative dans notre entreprise. Donc ils ont aussi besoin de faire ce cheminement-là, que ce soit mes collaborateurs, mais aussi tout l'écosystème de Duo Réalisations, parce qu'on a un gros travail à faire avec l'ensemble de nos clients, de nos partenaires. C'est vraiment important.

  • SG

    Et du coup, justement, parfois les clients, parfois les fournisseurs qui ne sont pas du tout dans cette démarche, peuvent se dire, mais qu'est-ce qu'elle nous raconte ? Est-ce qu'il n'y a pas un moment où on peut changer de client ou de fournisseur en ayant cette action-là ?

  • LD

    Moi, je n'ai pas l'habitude d'abandonner Stéphane. Je suis un peu têtue dans mon âme. Mais en fait, ce qui se passe, c'est que l'idée de convaincre avec des paroles, c'est joli. Mais en fait, ce qu'on essaye, nous, de faire, c'est de démontrer par l'action. Je prends un exemple concret. On l'a fait, on l'a vraiment pratiqué auprès d'un client sur une rénovation de façade. On a tenté l'approche du réemploi. Donc, quand on leur en a parlé : non, non, non, on n'en veut pas parce que ça prend trop de temps, ça va coûter plus cher. OK. Donc, nous, en fait, on a agi en sous-marin. Donc, on a fait une double consultation. Alors, dans notre métier, c'est la partie compétence d'économie de la construction. On a vraiment travaillé sur deux approches. Une approche de rénovation avec des matériaux neufs, où on gère le déchet comme en filière classique. On ne cherche pas à récupérer quoi que ce soit. Et en parallèle, on a fait une consultation où là on a cherché à revaloriser le déchet, à travailler sur du réemploi in situ donc au sein même géographique de notre projet voilà. On a consulté comme ça. Et en fait, on a pu prouver que c'était beaucoup plus rentable de travailler avec cette approche de réemploi et également que ça avait un impact pour leur entreprise parce que c'est quand même un client qui a plusieurs résidences de tourisme partout en France. Ça a un impact positif dans leur démarche de RSE, impact carbone, tout ça. Et donc, ils nous ont dit, merci de nous avoir embarqués là-dedans et on y va, quoi. Voilà.

  • SG

    D'accord.

  • LD

    C'est aussi à nous, professionnels, d'oser enclencher des nouvelles approches. Si on attend que le côté réglementaire soit actif pour agir, mais dans dix ans, on est encore là pour en discuter. Et ça, ça devient insupportable.

  • SG

    Alors justement, on l'a assez pensé autrement, mais alors dans dix ans, tu es où ? Comment tu vois ton entreprise finalement dans dix ans ?

  • LD

    Moi, dans dix ans, je vois des nouveaux métiers, des nouvelles compétences au sein de nos métiers. Ça, c'est certain. On est déjà en train de l'écrire. Et après je pense que ça deviendra des standards de toute manière ; de toute façon à un moment donné la CEC, la première session ça a dressé un mur devant moi très clairement. J'étais vraiment en pleine conscience ; ça m'a ouvert cette pleine conscience oui on entendait à droite, à gauche tout ça, les enjeux la chute de la biodiversité, la dégradation des sols, l'épuisement de l'eau, les pollutions multiples, la gestion des déchets enfin... Bien sûr, c'est notre environnement quotidien à tous, à tous citoyens, où que l'on soit. Mais après, c'est vraiment à notre échelle d'entreprise. La CEC nous a dressé ce mur. Et une fois que ce mur, il est là, qu'est-ce qu'on fait ? Comment on fait pour l'exploser, pour passer par-dessus ? Et en fait, moi, dans dix ans, j'espère que mon entreprise aura vraiment confirmer et motiver l'ensemble de notre éco-système à avancer vers des mêmes directions, que je serai entourée de gens qui ont envie d'avancer vers ces mêmes directions du changement. Et ça, on y travaille, j'y crois, tout simplement, dans 10 ans, je ne sais pas où je serai moi personnellement. J'ai d'autres projets en tête, parce que dans la feuille de route, il y a l'aspect réemploi, mais il y a aussi le vivant au travers des chantiers, qui est pour moi un élément clé, la gestion du vivant. et la gestion des ressources. Parce qu'aujourd'hui, dans le bâtiment, on parle beaucoup sur l'exploitation du bâtiment. Il y a énormément d'innovations, de progrès qui sont faits. La réglementation RE2020 contribue à tout ça. C'est très bien. Donc ça, c'est sur une fois qu'on a construit. D'accord ? Mais pendant la période de construction, pour moi, il y a un gap énorme d'amélioration à avoir. Je veux dire, aujourd'hui, il est très courant de voir qu'on nettoie les outils, les matériaux avec de l'eau courante. Par exemple, c'est un exemple parmi tellement d'autres, les conditions de vie des compagnons sur le chantier, moi, m'interpellent, m'interrogent. Donc voilà, et ça, c'est un deuxième axe de ma feuille de route. Et si je peux me permettre, je fais un petit appel. On a lancé une grande enquête nationale sur cette thématique-là. Donc tous maîtres d'ouvrage, promoteurs, constructeurs, acteurs de la construction, entreprises, compagnons d'entreprises, on a lancé une enquête. qui se trouve sur chantier.duoralisation.fr justement pour qu'on construise ensemble une solution qui reponde à cet enjeu-là. Comment on crée du régénératif quand on est en mode chantier ?

  • SG

    Tout ça, c'est intéressant. Et c'est aussi intéressant, finalement, quand on est petit, on peut faire des choses aussi. Je reviens sur ta feuille de route. C'est ce que tu notes à la fin en disant que ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut rien faire. Ce n'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut pas inspirer les plus gros. Et aujourd'hui, c'est aussi intéressant parce que les plus grands regardent aussi les petits. Parce que penser autrement, ce n'est pas toujours si simple. Et parfois, quand on est petit, on peut être plus agile et plus rapide et emmener les plus gros. Et ça, c'est quand même intéressant. Et tu l'as dit, par exemple, avec Samse. Exactement,

  • LD

    exactement, exactement. C'est un acteur clé dans notre démarche. Et ce qui pourrait permettre, par exemple, d'avoir un gros avec nous sur cette approche du remploi, c'est de développer à l'échelle nationale une démarche. collaborative autour de cet enjeu du réemploi en grand.

  • SG

    D'accord. Donc la CEC, ça a aussi, j'imagine, des répercussions sur toi. Et justement, l'aventure CEC, qu'est-ce qu'elle a changé pour toi personnellement, sur ton leadership ?

  • LD

    En 43 ans, on prend une claque. Et je crois que tous les dirigeants qui ont fait la CEC partout en France, on a reçu la même claque, quel que soit notre âge. Juste une petite anecdote, quand je suis rentrée le dimanche des trois premiers jours de la CEC, quand je suis rentrée dans ma famille, j'ai réservé un petit restaurant. pour faire un conseil de famille. Pour info, j'ai trois enfants, trois filles, qui ont 10, 15 et 18 ans aujourd'hui. J'ai dit à mon mari, Laurent, je voudrais qu'on déjeune tranquillement en dehors de la maison, j'aimerais vous partager ce que j'ai vécu. J'étais tellement pas bien que j'avais besoin d'avoir un cadre un peu neutre pour pouvoir leur partager tout ça. Et là, quand j'ai commencé à... partager, je leur ai fait très très peur et puis j'ai mes filles qui m'ont dit ça y est maman elle devient écolo-bobo. C'était leur première réponse. Mais en même temps c'était tellement à chaud qu'on était tellement bousculés, vraiment. On a rencontré des acteurs, des scientifiques de haut vol qui ont été hyper transparents avec nous et qui n'ont pas mis de filet. C'est ce qu'on devrait faire avec... chaque citoyen. Arrêtons de mettre des filets à tout le monde. La prise de conscience, elle doit être auprès de tout le monde. On est tous intelligents, on est des êtres humains, on a la capacité de réfléchir, de raisonner. Enlevons-nous pas cette capacité. C'est ce que je trouve terrible aujourd'hui dans notre climat politique, économique, sociétal. C'est vraiment triste. Du coup, je rentre, je fais ce conseil de famille et là, ça y est, je suis incapable de prendre un avion depuis. par exemple, c'est vraiment incapable. Alors qu'on adore voyager, alors on adore voyager à pied avec nos enfants et on découvre les pays à pied. Mais là, c'est un gros problème pour moi aujourd'hui. Je ne suis plus en mesure de prendre un avion,

  • SG

    par exemple. Bienvenue au club, Linda. C'est un peu le même problème, finalement.

  • LD

    Oui, la nourriture aussi. Manger de la viande à chaque repas, je me remets en cause. Alors, ce n'est pas facile d'embarquer tout le monde là-dessus. Mais voilà, c'est... C'est des choses qui, aujourd'hui, j'ai un blocage.

  • SG

    Surtout quand on est une dirigeante ou un dirigeant. Parfois, il y a des schémas de pensée, des étiquettes. Et c'est vrai que ce n'est pas toujours évident d'arriver dans son entreprise en vélo, en disant, l'avion, tout le monde peut le prendre, ce n'est pas un problème. Mais moi, j'ai décidé de faire autrement.

  • LD

    Et juste une deuxième chose, parce que ça, c'est dans le cadre personnel. Et je pense qu'on a tous eu cette réaction dans notre cadre familial, pour en avoir parlé avec pas mal d'autres personnes. Mais une autre chose aussi, à l'échelle de mon entreprise, quand je suis revenue de la FEC, J'avais ce besoin de tout de suite mettre une action pour me dire qu'on est capable dans notre entreprise de faire quelque chose de mieux, tout de suite, pour essayer de répondre à cet enjeu régénératif. Et la première action que j'ai mise le lundi en rentrant à l'entreprise, l'équipe avait un mail, c'était de se dire qu'on n'envoie plus aucune pièce jointe dans les mails, il faut qu'on ait une responsabilité numérique, on n'envoie que des liens vers notre serveur et les gens téléchargent si besoin le fichier ou pas. Mais on arrête d'envoyer des pièces jointes et des volumes de pièces jointes dans tous nos mails, tout ça. C'est quelque chose qu'on ne faisait pas nous. Et pareil, l'impact numérique, moi, je me suis dit, ce n'est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça. On génère tellement de la donnée, du volume de données, mais l'impact que ça, là, c'est un énorme enjeu aussi, l'impact numérique sur notre planète. Et voilà, ma deuxième action, c'était de dire, on n'envoie plus aucune pièce jointe dans nos mails.

  • SG

    Voilà, de comprendre aussi que c'est systémique. C'est vrai que du coup, ça ouvre un champ à 360 et c'est vrai que du coup, il faut se concentrer. Et du coup, ma question finalement suivante, c'est, Comment tu pourrais, alors pas conseiller, mais comment tu pourrais accompagner un dirigeant qui a envie lui aussi de mettre en place cette démarche et qui ne sait pas par où finalement démarrer ?

  • LD

    En fait, je crois qu'il n'y a pas vraiment de point de départ, parce que j'ai envie de dire que la situation est telle que le point de départ, on est en retard pour que ce soit un point de départ. Je veux dire, c'est très présent, c'est même trop avancé. Quand on regarde les limites planétaires, l'ensemble des dépassements, ils sont là. Il n'y a pas… C'est comment arriver, pareil, on a envie de dire comment on arrive à rattraper ce retard. Ce n'est même plus à rattraper ce retard, c'est trop tard aussi. Je ne veux pas être pessimiste, ce n'est pas ma nature. Mais c'est comment on est capable d'agir en masse, d'agir avec un impact fort. C'est vraiment là où l'enjeu est grand, c'est-à-dire qu'il faut embarquer tout le monde. On n'a plus le choix, plus personne ne peut se mettre en retrait, plus actif. Plus aucun acteur économique, pour moi, ne peut se mettre en retrait de ces enjeux-là. C'est une erreur. Et j'ai envie de dire, ces entreprises-là qui veulent se mettre en retrait, j'ai envie de dire, réglementairement, comment on pourrait leur dire stop, quoi. Ce n'est pas possible. Il y a un moment donné, les enjeux, ils sont quand même face à nous, ils sont grands. Et pour moi, j'ai envie de dire, la tolérance zéro, il faudrait qu'on commence à en parler, quoi.

  • SG

    Déjà, quand des entrepreneurs de... PME s'empare du sujet, c'est déjà une bonne chose parce que c'est vrai qu'il y a aussi une défiance parce que, soyons honnêtes, il y a eu aussi une histoire de greenwashing pris en main par des entreprises plus grosses qui, parfois, ont raconté des histoires qui n'étaient pas les vraies. Du coup, ça crée un peu de défiance et c'est vrai qu'un dirigeant de PME, souvent, il a aussi un peu peur. Il est tellement proche de ses collaborateurs que ses collaborateurs disent Non, mais il met ça en place parce que, voilà, il y a une tendance. Donc, il y a aussi cette inquiétude et c'est pour ça que ton témoignage, il est intéressant.

  • LD

    Il y a un train à prendre en marche, il est enclenché. Moi, je me rends compte que depuis que j'ai intégré la CEC, en fait, on attire ce que l'on est. Je m'explique. Tout à l'heure, tu parlais de la loisanne, où dans notre feuille de route, effectivement, on n'a plus envie de construire des bâtiments neufs sur des terrains nus. Ça, c'est vraiment une volonté. Et en fait, depuis que j'ai commencé à poser ces choses-là, qu'on a commencé à poser ces choses-là au sein de l'entreprise, qu'on a commencé à réfléchir différemment, orienter nos clients différemment, on se rend compte qu'on attire des personnes qui ont envie de rentrer dans cette démarche. Et en fait, on n'a plus d'échange avec des personnes qui veulent juste construire pour construire, bâtir pour bâtir, en fait. Ils ne font plus partie de notre écosystème. Parce que naturellement, on ne leur a pas dit on ne veut plus de vous. Mais naturellement, on a développé un autre réseau, on a développé d'autres connexions, on a développé d'autres opportunités en affichant ce qu'on a vraiment. envie d'être en fait. Voilà. Et ça se fait assez naturellement. Moi, ce que je me rappelle dans mes premières approches de CEC, mais oulala, oulala, si je me lance des objectifs comme ça, je vais perdre tous mes clients. Ça, c'était ma première crainte en fait. Et en fait, en y allant étape par étape, en commençant à échanger, en commençant à partager notre feuille de route, voilà, les directions qu'on a envie de prendre, et bien naturellement, en fait, et bien, attends, il faut que je te fasse rencontrer un tel, attends, il faut que toi, tu… Voilà. confiance. L'humain est lui-même régénératif et je suis sûre qu'on est capable de se régénérer entre nous et à l'échelle économique de nos activités aussi. Moi, en tout cas, c'est ma conviction. C'est comme ça, en tout cas, que ça m'a levé le doute sur comment faire le pas et enclencher vraiment les premières actions. Je me suis rendue compte que, voilà, on enclenche un changement, et les choses se font naturellement derrière.

  • SG

    Alors toi, tu enclenches le changement, mais tu le... porte et tu l'incarnes. Et ça, je crois que c'est aussi important d'avoir des dirigeants qui incarnent ce qu'ils font. Et tu racontes bien l'histoire. Tu l'as dit, le récit, c'est aussi important. Du coup, ce n'est pas d'être punitif, mais un, d'être enthousiaste, de le porter, d'y croire et de raconter correctement l'histoire. Alors justement, si tu avais trois mots pour caractériser la démarche d'économie régénérative, parce qu'on est bientôt à la fin de ce podcast.

  • LD

    Trois mots, ce sera Paris qui est seul.

  • SG

    Oh, t'es forte ! pas rester seule. Ok, c'est trois mots, donc ça marche.

  • LD

    C'est vraiment ce qui me permet aujourd'hui d'y aller. Je suis en train de revoir tout l'actionnariat de mon entreprise. On parlait de moyens économiques. Il ne faut pas se mettre de barrière et encore une fois, en essayant de s'entourer des personnes qui ont cette sensibilité-là, qui ont envie d'avancer à vos côtés, ça rend possible les choses qui me paraissent loin. Moi, je crois beaucoup à la force du collectif, c'est ce qui m'a fait avancer toute ma vie, que ce soit au travers des engagements associatifs. La Jeune Chambre économique a été une école de la vie pour moi et m'a vraiment permis de prendre confiance en moi. La CEC m'a permis de vraiment prendre cette confiance-là dans le milieu économique de mon entreprise, mais beaucoup plus largement. Aujourd'hui, moi, le gros bas qui blesse, c'est la politique. parler en préparant ce podcast. Je crois que ça demande vraiment beaucoup d'exemplarité aujourd'hui. On n'a plus le droit à l'erreur et je n'ai même pas envie de parler des dernières élections, l'Assemblée nationale. Pour moi, je ne veux même pas en parler à mes enfants. J'ai trop honte qu'aujourd'hui on soit capable d'en arriver là avec les enjeux qu'on a devant nous. Mais ça me dépasse complètement. J'essayais de m'engager dans la politique, j'y crois. Je crois à notre démocratie. Si on perd notre démocratie, on perdra notre capacité à pouvoir changer le monde pour un monde meilleur, pour pouvoir parler de régénératif. Donc, faire notre démocratie, c'est fini. Donc, il faut se battre pour cette démocratie, mais avec les bonnes armes, j'ai envie de dire. Et aujourd'hui, les armes qui sont utilisées, c'est ce qui va tuer notre démocratie.

  • SG

    Justement, si je te donnais une arme, imaginons que tu es Harry Potter, si je te donnais une baguette magique et que tu puisses changer les règles du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ? C'est très compliqué ce que tu me demandes. C'est très, très compliqué.

  • LD

    Je sens que tu es bien motivée, que tu es bien partie.

  • SG

    En tant que parent, il faudrait agir sur tous les ministères. En tant que parent, l'éducation nationale, c'est catastrophique. Le ministère de la Justice, j'ai eu la chance d'être tirée au sort et d'être jurée d'assises. C'est catastrophique. J'ai assisté à des procès. C'est catastrophique de voir comment ça se passe et quels moyens on a aujourd'hui pour... pour mettre en œuvre la justice, le médical, j'en parle même pas. Pour moi, si j'avais une arme magique, ce serait de créer un maillon qui est la confiance, qu'on sorte de cette défiance et cette méfiance dans laquelle notre société tombe et qu'on arrive à remettre de la confiance et que chacun prenne ses responsabilités à l'échelle de son action. L'enjeu est tellement grand qu'une baguette magique ne suffira pas. C'est pour ça qu'il faudrait mettre dans les mains de chaque citoyen une petite baguette magique et leur dire quelle action positive tu as envie de faire. Et là, l'impact sera grand. Donc, une baguette magique pour donner à chaque citoyen une baguette magique entre ses mains.

  • LD

    D'accord. Et pour finir, sur la dernière question positive, parce qu'évidemment qu'un entrepreneur, une entrepreneur, est toujours confiante. Alors, qu'est-ce qui te rend confiante quand même dans l'avenir ?

  • SG

    Moi, ce qui me rend confiance, c'est l'échange avec les gens, l'échange avec l'humain. Et puis, je pense qu'aujourd'hui, tant qu'on pourra agir librement, j'ai confiance en l'avenir au travers de l'action.

  • LD

    Eh bien, écoute, Linda, je te remercie. C'était vraiment une conversation qui a été franche, qui a été enthousiaste, qui a été sincère. Et je termine toujours par une citation. Alors, j'ai pris une citation de Fernando Pessoa, qui est un écrivain portugais. Alors, je ne sais pas pourquoi j'ai pris portugais. Est-ce que j'ai dû penser Linda, tu vois ? Linda, valise en carton, portugais, je ne sais pas. Non. Je ne sais pas. Alors que tu t'appelles Durand, a priori, ton nom de jeune fille, c'est ça ? Durand, oui.

  • SG

    Donc, il n'y a pas plus français.

  • LD

    Eh bien, accepte ma citation de cet écrivain portugais qui dit Celui qui refuse d'engager le combat n'y est pas vaincu, mais il est vaincu moralement parce qu'il ne s'est pas battu. Encore merci, Linda, et puis à bientôt.

  • SG

    Merci à toi. Merci, Stéphane.

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