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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#05 - Benoît Lambrey - Groupe Cheval

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26min |28/10/2024|

93

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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

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Description

Ingénieur agronome de formation, Benoît Lambrey revient sur les engagements du groupe Cheval (Drôme), société à mission. Benoît évoque l’audace de la CEC, qui a su intégrer la visée régénérative au sein de la transformation des entreprises. La CEC a été pour le groupe un moyen d’aller encore plus loin, d’acter des décisions fortes dans un secteur (le BTP) où les impacts extractifs sont encore forts. Pour autant, Benoît évoque aussi l’une des problématiques rencontrées : l’embarquement des managers (Codir et G40) et in fine des collaborateurs.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023 et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir le directeur général d'une belle entreprise familiale et indépendante depuis trois générations, le groupe Cheval. Et ce dirigeant, c'est Benoît Lambrey, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Benoît, bonjour.

  • BL

    Bonjour.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • BL

    Allez, je suis partant.

  • SG

    Sachant qu'on s'est recroisés, je dis bien recroisés parce qu'on s'est connus dans une vie il y a 25 ans, mais ça c'était avant. On s'est recroisés en décembre 2023 lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin Lyonnais étaient rassemblés. Et c'est pourquoi je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui profiter de toi et profiter de cette discussion pour que tu nous en dises un peu plus sur ton engagement par rapport à l'économie dite régénérative.

  • BL

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors ce que je te propose, c'est peut-être déjà de nous présenter le groupe Cheval.

  • BL

    Oui, alors je vais peut-être me présenter en deux mots. Je suis effectivement directeur général du groupe Cheval depuis deux ans. Je suis dans cette entreprise depuis finalement assez peu de temps. J'ai 54 ans, je suis un peu de la Bourgogne et un peu du Ch'nord, mais je suis lyonnais finalement depuis 1996. Je me sens aussi lyonnais. En tout cas, je me sens très rhônalpin. Je suis un peu surfeur. Je suis passionné de nature et de biologie. Ça a jalonné ma vie professionnelle et personnelle, passionné par le vivant, par le végétal. Je suis d'une famille de médecins. J'ai pris la tangente. Ma famille s'est toujours préoccupée de l'humain. Moi, j'ai pris la tangente et j'ai fait des études d'agronomie. Je suis ingé agronome. Fortement lié au végétal, notamment, mais au vivant en général. Voilà, et avant d'arriver au sein du groupe Cheval, j'ai passé un peu plus de 15 ans en tant que paysagiste dans une grosse entreprise de paysages, donc autour du végétal toujours et autour du vivant. Alors le groupe Cheval, c'est une entreprise familiale, tu l'as dit, qui a 75 ans, qui est drômoise au départ, qui est rhonalpine maintenant. C'est une belle entreprise, moi je suis content d'y être. Je les ai rejoints, j'ai rejoint cette boîte parce que c'est une société à mission surtout. Et puis parce que je pouvais y exercer une partie des métiers qui font partie de mon domaine d'expertise, donc le sujet du paysage, mais aussi le sujet du recyclage, parce que j'ai bossé une quinzaine d'années aussi dans le domaine du recyclage, et donc de la préservation de la ressource. Et il s'avère qu'en tant que directeur général, un des deux directeurs généraux du groupe, je m'occupe de cette famille de métiers au sein de cette boîte. Donc c'est une société à mission, elle est présidée par Jean-Pierre Cheval, avec lequel j'ai eu la chance de faire la CEC.

  • SG

    Ça m'intéresse justement votre duo un peu.

  • BL

    C'est un duo qui est vraiment chouette. Nous, c'est une histoire de rencontre. J'étais attiré par l'entreprise Cheval parce que c'est une société à mission et par l'exercice de ses métiers. Mais aussi la rencontre avec Jean-Pierre Cheval, avec la personne qui m'a vraiment donné envie de le rejoindre et de rejoindre l'aventure. On fait un duo où chacun est à sa place. Moi, je m'occupe d'une famille de métiers qui est plutôt à tendance régénérative, je pourrais en reparler tout à l'heure, mais voilà, il m'accueille aussi pour faire muter le groupe vers cette tendance régénérative, et le fait qu'on ait fait la CEC ensemble, ce n'est pas anodin, et ce n'est pas par hasard.

  • SG

    Justement, ma première question souvent, c'est quand est-ce que tu as entendu parler pour la première fois du mot régénératif ? Alors souvent, on me dit, en fait, on n'en avait jamais entendu parler avant la CEC, ce qui, j'ai l'impression, n'est pas de ton cas.

  • BL

    En fait, je ne l'employais pas comme ça, à la volée, en termes de visée, en termes de cap. Mais en fait, c'est toujours un terme qui m'a parlé. En tant qu'agronome, j'ai fait agro, mais avec une spécialisation en sciences et génie de l'environnement. Au moment où tous mes camarades s'orientaient plutôt vers l'industrie alimentaire, vers la protection des cultures, la mécanisation de l'agriculture, etc. Moi, j'ai choisi le génie de l'environnement parce qu'en fait, le sujet du vivant me passionne, et en fait le régénératif il est porté par le vivant avec un vrai talent notamment du végétal je suis complètement émerveillé quand un végétal se bouture par exemple, qu'il se régénère simplement parce qu'on en coupe un bout et on le plante dans le sol et il recrée une plante qui se duplique. J'ai toujours trouvé ça extraordinaire la régénération du sol, la capacité d'un milieu d'un écosystème de la nature à être résiliente et donc à se régénérer d'elle-même. Ça fait partie de mes tripes, en fait. Ça fait partie de ma culture d'agro, en fait.

  • SG

    Ok, alors toi, c'est quand même ton domaine. Donc finalement, j'allais dire, entre guillemets, c'est presque facile. Mais comment tu l'expliquerais finalement à un dirigeant d'une boîte d'informatique ou d'un autre domaine ? C'est quoi l'économie régénérative ?

  • BL

    En fait, c'est ça. Quand je parle de régénératif, moi, j'en parle par une vision métier. Par contre, je trouve ça assez audacieux de l'employer maintenant par rapport à l'activité économique, par rapport au monde de l'entreprise. C'est vrai que la doxa, c'est que l'activité économique, l'activité humaine au sens large, dans l'esprit de tout le monde, elle ne peut pas se faire sans être extractive. Et finalement, sans être au dépend du reste, de la planète, parfois des gens, en tout cas du vivant non humain. Et en fait, on a un peu un sentiment de surpuissance qui nous fait dire que notre activité, elle peut se faire au dépend de tout ça. Donc le fait de se dire, finalement, l'activité humaine, elle peut riper vers régénérer tout ça, donc au service, finalement, de la planète et de ce qui la compose, je trouve que c'est assez audacieux. Et pour le coup, moi, j'avais jamais employé, avant la CEC, j'avais jamais employé ce mot-là pour l'activité économique, même si j'ai toujours pensé que le mouvement, il devait venir de l'entreprise, en fait. Et la transformation de l'économie, il faut qu'elle soit portée par le monde économique pour embarquer tout le reste. Mais bon, de là à dire, on va vers de l'économie régénérative. Avant la CEC, ce n'est pas un mot que j'employais et je n'y avais pas pensé comme ça.

  • SG

    Bon, alors, justement, c'est quoi le déclic ? Qu'est-ce qui fait que vous faites la CEC avec Jean-Pierre Cheval ?

  • BL

    Je l'ai un peu dit quand je parle de société à mission.

  • SG

    C'était une évidence, c'est ça ?

  • BL

    Ce n'est pas vraiment une évidence, mais je reparlerai peut-être de la raison d'être en tant que société à mission, parce que la CEC va nous faire faire évoluer la raison d'être, je pense. Mais néanmoins, on nous a dit, nos parties prenantes, et la CEC est venue nous chercher, quelque part, métier du BTP, mais société à mission, première boîte de BTP à prendre le statut de société à mission en 2020 en France. En gros, on nous a dit qu'on ne pouvait pas ne pas y être. Et comme moi, ça a coïncidé avec mon arrivée dans l'entreprise, avec une vraie feuille de route autour de ces métiers qu'on veut exercer de façon un peu naturelle, à visée régénérative. De ce fait, c'était une évidence et une obligation d'y participer. Alors au départ, je devais y participer en tant que dirigeant et en embarquant mon chef de projet, directeur de projet sur tout ce qui est environnement, transition énergétique, etc. Et en fait, après réflexion, on s'est dit qu'il fallait qu'on... qu'on y mette de l'ambition, si on voulait avoir une chance de profiter de la CEC pour transformer notre boîte, et aller plus loin peut-être que ce qu'on a déjà engagé via la société à mission, il fallait que le président soit là. Jean-Pierre Cheval, c'est la troisième génération, c'est le petit-fils du fondateur, il est propriétaire de son entreprise, il donne le ton, il est emblématique dans la boîte. Donc finalement, j'ai proposé que je sois plutôt le planet champions et qu'il soit le dirigeant, le président qui participe à la CEC. C'était génial parce que moi, j'étais nouveau dans la boîte, même si on s'est plu à mon arrivée. En fait, finalement, on se connaissait encore peu. Et en fait, la CEC nous a vachement rapprochés. On a partagé un truc incroyable.

  • SG

    Et alors du coup, on peut déjà en parler. Pourquoi tu dis que ça fait évoluer parce que vous êtes à mission ? Donc, on peut se dire que vous n'avez pas besoin d'aller plus loin. Et tu dis que finalement, ça a fait repenser notre raison d'être.

  • BL

    En fait, notre raison d'être en tant que société à mission. Alors, c'est une entreprise, le groupe Cheval est une entreprise qui est très implantée, très ancrée sur les territoires. Et avec un ancrage, parce qu'il y a 75 ans, c'était une entreprise agricole. Donc, il y a un socle agricole, une sorte de bon sens paysan que revendique Jean-Pierre d'ailleurs, qui est vraiment dans les gènes. Et autour de ça, le développement des métiers s'est fait dans un objectif de service à la population. Donc, on exerce nos métiers. Alors nos métiers, je ne l'ai pas dit, mais en fait on assemble tous les métiers qui touchent à l'aménagement du territoire, des espaces extérieurs autour du bâtiment, avec une logique très circulaire. Et l'idée c'est de, quand on fait une route par exemple, ou quand on crée des réseaux d'assainissement, on l'exerce avec un objectif de service à la population, dans la vie courante. Et en fait, notre feuille de route CEC, le parcours que l'on a fait, nous fait dire qu'on est toujours au service de la population, mais vraisemblablement le service qu'on veut rendre à la population maintenant, c'est de reconnecter cette population au vivant, au vivant non-humain. Et donc, notre feuille de route, elle est vraiment axée là-dessus. C'est comment maintenant on exerce nos métiers qui sont les mêmes, mais on leur donne un sens un peu différent, un peu complémentaire, qui est de dire le vivant et ce qu'il compose en filigrane l'eau, le sol, la biodiversité, en fil rouge de l'exercice de nos métiers, et avec une finalité autour de ça, mais aussi sur notre façon d'exercer. Je prends l'exemple du paysage. Moi, j'ai découvert le monde du paysage il y a une petite vingtaine d'années. Quand j'y suis allé en tant qu'agronome, je pensais que le vivant était au cœur du paysage. Et en fait, non, c'est l'ornement qui est au cœur des métiers du paysage. Donc, on peut exercer le métier de paysagiste pour faire du beau. Mais je pense qu'on peut, enfin je pense, je suis sûr, et je le souhaite, exercer les métiers du paysage pour faire de l'utile, donc de la fonctionnalité, par rapport aux enjeux climatiques des villes, par exemple, de climatisation des villes, mais aussi avec le vivant au cœur de ce que notre métier peut apporter, remettre le végétal, remettre les équilibres des milieux, remettre le biotope au cœur de l'espace de vie des gens. Et donc, tous nos métiers maintenant, on le pense avec cette façon de faire qui se fait pour le vivant et avec le vivant, c'est-à-dire qu'en coopération avec le vivant.

  • SG

    Ça, c'est joli, c'est une belle histoire, tu me la racontes bien et tout.

  • BL

    On a envie de le faire.

  • SG

    C'est justement ma question suivante, parce que c'est ça la feuille de route, c'est comment je transforme mon modèle économique, parce qu'on se rend bien compte que ce n'est pas si simple que ça. C'est quoi finalement, qu'est-ce que vous envisagez, vous, sur la suite, les leviers, si tu as tout ça en tête ?

  • BL

    Les leviers, alors, on est un peu dans la... Il y a certains leviers qui ont été un peu, je ne vais pas dire traumatiques, mais difficiles à... à matérialiser, à acter. Il y a eu des trucs qui ont fait débat, mais de ce fait, ce qui est bien, c'est que comme ça a fait débat entre Jean-Pierre Cheval et moi, de ce fait, ils ont été quand même réfléchis. Je donne deux exemples. On maîtrise les métiers de travaux et d'aménagement. La moitié de notre bilan carbone... C'est le béton. On a des centrales à béton, on a des centrales à enrober, on a des carrières. On maîtrise nos matières premières, mais n'empêche qu'on a un impact extractif très fort pour approvisionner le métier. Notre deuxième levier de redirection, c'est de se dire je me passe du béton traditionnel et de l'enrobé traditionnel pour faire un métier. Donc aller chercher de l'innovation, aller chercher du matériau biosourcé, en tout cas oser se dire à terme. Ce n'est pas le cas maintenant parce qu'il faut quand même intégrer le fait que ça participe quand même d'une partie de notre business, de notre chiffre d'affaires et de la valeur de l'entreprise. Mais n'empêche qu'on l'écrit et on est en train de travailler là-dessus. Clairement, récemment, on fait des investissements tous les ans. Eh bien, notre feuille de route CEC nous a amené à renoncer à des investissements autour du béton, au profit d'investissements plutôt autour du recyclage, par exemple. Ça, c'est direct, c'est concret. On a fait un choix d'investissement qui est différent de celui qu'on aurait fait peut-être il y a deux ou trois ans. Donc voilà, c'est un exemple parmi d'autres. D'autres exemples, c'est le renoncement, où on ose écrire le fait qu'il y a certains métiers, certains travaux, certains chantiers qui sont par nature artificialisants. Aujourd'hui, on fait beaucoup de plateformes, par exemple pour le monde de l'entreprise, où on prélève sur... on prélève, le projet prélève sur l'espace naturel ou agricole. Demain, dans notre feuille de route, dans nos leviers, on se dit qu'il faut qu'on écrive une sorte de référentiel, une sorte de guide de go-no-go, pour se donner le droit, voire l'obligation, de se dire, ce chantier-là, non, je n'y vais pas. Je ne prends pas cette affaire, même si elle est grosse en volume et elle alimente notre chiffre d'affaires. Je ne prends pas cette affaire parce qu'elle est à l'encontre de ce qu'on veut faire autour du vivant. Donc, on le fait déjà, on fait des choix, mais aussi parce qu'on ne peut pas tout faire. Mais demain... L'idée, c'est d'être beaucoup plus drastique sur le choix de ce à quoi on veut, on accepte de contribuer ou pas.

  • SG

    Ça, c'est pareil, une question qu'on s'est beaucoup posée pendant la CEC. Moi, je me la suis posée aussi. C'est comment, finalement, on emmène tout notre écosystème ? Lorsqu'on sort de la CEC, on sort d'un vase clos et il va falloir porter la bonne parole, aussi bien dans son écosystème fournisseur, client, mais aussi chez ses collaborateurs. Vous avez fait comment, vous, pour emmener les deux ?

  • BL

    On emmène pour l'instant, on a du mal. D'ailleurs, ça fait partie de nos difficultés en cours de parcours. Alors moi, ma difficulté, ça a été plutôt de se dire, purée, une boîte de 1000 personnes avec ses socles métiers, est-ce que réellement on va être capable de la transformer ? La montagne est haute quand même. Les difficultés, je parle sous contrôle puisqu'il n'est pas là, mais en tout cas, on a pu en parler tous les deux. La difficulté de Jean-Pierre entre chaque session, ça a été, je le disais tout à l'heure, c'est une boîte qui est très ancrée, avec beaucoup de parties prenantes, on a l'habitude d'être en coopération avec les territoires et tous les gens qui nous entourent. Et en fait, à chaque fois qu'on en parle, et que Jean-Pierre en parlait à ses parties prenantes, à son entourage, le fossé est énorme, et donc un sentiment de solitude énorme. Donc ça, ça a vraiment fait partie de nos difficultés pendant le parcours, donc vraiment une difficulté d'embarquement. Moi, j'ai l'impression que ça bouge quand même. Après, on active des leviers. Un de nos leviers, on a cinq leviers de redirection. Un de nos, notre cinquième levier, c'est d'être plaidoyer pour l'économie régénérative, en tout cas pour un changement de modèle, qu'on a appelé nous l'éconologie. Comment concilier l'écologie et l'activité et l'économie ? Et de ce fait, on veut embarquer nos parties prenantes, on veut être le plaidoyer pour dire que c'est possible, et que ce n'est pas en opposition, et qu'on peut créer de la valeur sur la base de cette idée régénérative. On a démarré, par exemple, au niveau des achats, suite à la CEC, entre autres. Là, on est en train de revoir notre service achat. Je viens de recruter une nouvelle personne au niveau des achats qui, dans sa feuille de route, a la notion d'achat responsable, avec le sujet des circuits courts, avec le sujet de la transition énergétique, avec de l'énergie non fossile. Et donc, par ce biais-là... On va embarquer nos fournisseurs sur certains pans de la régénération. En fait, on a plein de petits leviers qu'on va activer petit à petit par l'évolution de l'organisation d'entreprise et puis les missions que l'on donne à nos différents directeurs de filiales et directeurs de services supports, par exemple.

  • SG

    Oui, vous passez à l'action aussi pour leur montrer que c'est possible.

  • BL

    Exactement. Et puis, on inclut ça dans notre façon de travailler. Alors après, il y a des parties prenantes qui sont... déterminantes à mon avis et qu'il va falloir embarquer, c'est nos clients. Nos clients et leurs prescripteurs. On a des métiers de travaux, donc entre nos clients, le maître d'ouvrage et nous, il y a souvent, voire toujours, ce qu'on appelle un maître d'œuvre, c'est-à-dire un prescripteur. Il faut absolument qu'on les embarque là-dedans. Et donc, moi, je pense que la meilleure façon de faire, c'est d'avoir des chantiers exemplaires, des chantiers témoins sur lesquels on arrive à produire du régénératif et qui va servir de modèle pour dire que c'est possible. Et pour donner le ton sur ceux qui prescrivent auprès des maîtres d'ouvrage, pour petit à petit changer les choses et changer les cahiers des charges. Nous, notre problème, c'est qu'on est souvent condamnés à respecter un cahier des charges. Donc il faut qu'on travaille en amont pour faire évoluer cette demande client.

  • SG

    Et du côté des collaborateurs, vous êtes une entreprise à mission, donc je pense qu'il y en a quand même beaucoup qui sont là aussi pour ça, des collaborateurs.

  • BL

    Oui, alors on a effectivement, dans le cadre de la société à mission, on a modifié la gouvernance et les strates d'embarquement. Par rapport à la société à mission, on a déjà un outil qui est intéressant. Pour être clair, on a un organe de direction stratégique, un organe de direction pour les affaires courantes, un COS, un comité stratégique, un CODIR, et ensuite on a ce qu'on appelle le G40 et le G150. Le G40, c'est nos dirigeants de services supports, nos dirigeants de filiales et d'activités, qui sont à une quarantaine avec le comité de direction, que l'on rassemble. Et ensuite, on a le G150 où on a tous les managers, les conducteurs de travaux, tous ceux qui sont en situation de management hiérarchique ou transversal. Ces organes existent déjà, donc on a le socle pour pouvoir embarquer petit à petit. On a loupé, je pense, l'embarquement permanent au niveau du Codir et du G40, donc la première strate de manager. On a présenté la feuille de route. Notre feuille de route est connue. Je ne pense pas qu'elle n'est, à mon avis, pas appropriée. Pour certaines activités, c'est très disruptif. Donc on a du boulot encore à faire avec ce G40. Je pense que si c'était à refaire, on aurait été beaucoup plus progressif entre chaque session pour petit à petit acculturer les managers principaux qui peuvent embarquer le reste. Donc ça, si c'était à refaire, on ferait différemment. Après, ce qu'on est en train de voir, là, il y a une mini-CEC qui va avoir lieu à l'automne. Donc on a quatre collaborateurs qui vont y participer. Je suis en train de voir avec les équipes de la CEC pour faire une mini-CEC au niveau du G40, au printemps prochain, en intra. Donc, il faut qu'on construise les deux jours pour ce G40, mais je pense que ça, ça va être déterminant pour ensuite embarquer le reste.

  • SG

    Une grosse partie de sensibilisation. Est-ce que pour toi, finalement, tu étais déjà là-dedans ? Est-ce que personnellement, ça t'a transformé la CEC ? Est-ce que ça a changé ton leadership ?

  • BL

    Mon leadership ? Alors, je vais dire oui et non. Je vais dire non parce que... Parce que ça ne l'a pas transformé en profondeur. Mais peut-être oui, parce que j'ai plus de plaisir, mais surtout aussi plus confiance. Quand je parle du vivant non humain, de la biodiversité, de l'écologie en général, des milieux, qui quand même dans le monde des affaires classiques, monde un peu froid des affaires, quand on parle des petits oiseaux ou des insectes, souvent on nous rionnait, et donc on se sent un petit peu décalé par rapport au business. Donc moi en interne, ça m'a donné beaucoup plus d'assurance dans le fait de porter ça, voilà, tambour battant. Donc ça, ça a peut-être modifié les choses. Après, perso, qu'est-ce que ça a changé ? Peut-être une sorte d'émotion permanente, un peu supérieure, qui est, je pense, liée à une espèce de surconscience suite aux deux premières sessions CEC. Bon, je me suis pris la baffe qu'a pris tout le monde. Et de ce fait, moi qui pensais être déjà conscient, ça m'a donné un niveau supérieur, conscience de l'urgence, conscience que la technologie ne va pas nous changer, conscience que le sujet de notre business habituel, qui est toujours basé sur du volume, c'est ça qu'il faut changer. Et puis le sujet du vivant, au centre. De ce fait, ça m'a donné une conscience permanente et de ce fait, une émotion permanente qui jalonne un peu mon... quotidien. Et puis perso, j'avais une sorte d'écologie personnelle, mais un peu théorique. Un peu, je ne veux pas dire politique, mais théorique. Et je pense que là, ça a percuté mon quotidien au sens, la façon dont je vis. Je mange beaucoup moins de viande. J'ai honte de rouler en SUV, même s'il est hybride. Et donc, j'attends la fin de ma LLD pour pouvoir changer de bagnole. Mais sans blague, je le vis différemment. Et puis, j'ai réussi à embarquer ma compagne. Les enfants, c'est plus dur. Mes ados, c'est plus dur. Mais j'ai réussi à embarquer ma compagne dans le fait qu'on a besoin de moins de choses.

  • SG

    D'accord. Sobriété. Alors justement, c'est aussi, je pense qu'on prend conscience du récit. Qu'est-ce que tu pourrais dire à des dirigeants qui souhaitent se lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ? qu'est-ce que tu leur dirais s'il y avait quelques conseils peut-être ?

  • BL

    Alors je n'ai pas de conseils, enfin, je ne peux que recommander. Alors je ne sais pas comment va évoluer la CEC, forcément, c'est une dynamique qui est mouvante et qui s'enrichit petit à petit, qui s'affine, etc. je recommanderais à tous les dirigeants de faire la CEC en tout cas de suivre ce parcours et d'avoir ce sursaut de conscience qu'on a vécu Jean-Pierre et moi après en termes de conseils pour ceux qui veulent s'engager qui vont t'entendre et qui vont se dire bah tiens ça m'intéresse parce que je commence Je pense que la principale recommandation que je ferais, c'est d'y aller en s'ouvrant, en fait. En laissant de côté les opinions. Les dogmes, accepter de voir les... Parce qu'on a eu accès à plein de gens de haut niveau qui nous ont donné de la connaissance, mais aussi de la réflexion. Et donc, si on y va en étant ancré sur ces certitudes, ça ne marche pas. Donc, vraiment de l'ouverture. Et puis, peut-être du cœur, qui me semble être pareil dans le monde froid des affaires, le cœur, on en parle rarement. Mais pour moi, c'est déterminant.

  • SG

    Savoir penser autrement, pas différemment, c'est vrai que...

  • BL

    Penser autrement,

  • SG

    C'est pas simple. Justement, si tu avais trois mots pour caractériser un peu ta démarche vers l'économie régénérative, ça serait quoi ?

  • BL

    Allez, on va dire le cœur. Le cœur, oui. Le cœur, l'audace. L'audace, et puis... C'est un peu technique, mais c'est quelque chose, à mon avis, qui manque dans beaucoup de nos réflexions, c'est la systémie. La vision systémique. L'approche systémique, qui, pour moi, est au cœur du truc aussi.

  • SG

    Et si tu avais une baguette magique ? Si tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ?

  • BL

    Je peux dire... Je ne suis pas sûr de moi, mais comme ça... Peut-être, si j'avais une baguette magique, je mettrais les logiques de proximité au cœur du business. Je réduirais la taille des entreprises. Bon, ça va un peu avec. Et puis, peut-être que je rétablirais le troc. Parce que je me dis que le troc, finalement, quand on troque quelque chose... Si on est dans des logiques de limite, c'est-à-dire qu'on se limite, de ce fait, on troque ce dont on a vraiment besoin.

  • SG

    C'est assez marrant, puisque j'ai interviewé il y a très peu de temps pour la CEC Stéphanie Milton, de la société Staten, qui m'a dit la même chose. Tu vois ? Il y a des choses, mais vous n'êtes pas parlé. Et puis, pour terminer, puisqu'on sait bien qu'il y a un dirigeant, un entrepreneur, il est toujours confiant. Qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ?

  • BL

    Moi je trouve qu'on a la chance de contribuer à un changement de modèle. Moi si on arrive à ce que l'humanité réintègre le vivant non-humain au cœur de son... de son développement, de sa façon de fonctionner. Je suis très confiant. Et là où je suis confiant, c'est que je pense que l'économie régénérative, même si c'est un sujet compliqué, on va voir jusqu'où on arrive à aller, J'ai confiance dans le fait que finalement, quelque part, ça réenchante un peu l'entrepreneuriat. Voilà, je dirais ça.

  • SG

    Merci Benoît, en tout cas, c'était franc, c'était honnête, c'était enthousiaste. Ça fait du bien. Et je terminerai par une citation de Friedensreich Hundertwasser. Oui, bon, j'avoue que je ne suis pas simplifié la tâche. Artiste et poète autrichien qui a dit Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité. Encore merci et à bientôt.

  • BL

    Merci à toi.

Description

Ingénieur agronome de formation, Benoît Lambrey revient sur les engagements du groupe Cheval (Drôme), société à mission. Benoît évoque l’audace de la CEC, qui a su intégrer la visée régénérative au sein de la transformation des entreprises. La CEC a été pour le groupe un moyen d’aller encore plus loin, d’acter des décisions fortes dans un secteur (le BTP) où les impacts extractifs sont encore forts. Pour autant, Benoît évoque aussi l’une des problématiques rencontrées : l’embarquement des managers (Codir et G40) et in fine des collaborateurs.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023 et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir le directeur général d'une belle entreprise familiale et indépendante depuis trois générations, le groupe Cheval. Et ce dirigeant, c'est Benoît Lambrey, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Benoît, bonjour.

  • BL

    Bonjour.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • BL

    Allez, je suis partant.

  • SG

    Sachant qu'on s'est recroisés, je dis bien recroisés parce qu'on s'est connus dans une vie il y a 25 ans, mais ça c'était avant. On s'est recroisés en décembre 2023 lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin Lyonnais étaient rassemblés. Et c'est pourquoi je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui profiter de toi et profiter de cette discussion pour que tu nous en dises un peu plus sur ton engagement par rapport à l'économie dite régénérative.

  • BL

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors ce que je te propose, c'est peut-être déjà de nous présenter le groupe Cheval.

  • BL

    Oui, alors je vais peut-être me présenter en deux mots. Je suis effectivement directeur général du groupe Cheval depuis deux ans. Je suis dans cette entreprise depuis finalement assez peu de temps. J'ai 54 ans, je suis un peu de la Bourgogne et un peu du Ch'nord, mais je suis lyonnais finalement depuis 1996. Je me sens aussi lyonnais. En tout cas, je me sens très rhônalpin. Je suis un peu surfeur. Je suis passionné de nature et de biologie. Ça a jalonné ma vie professionnelle et personnelle, passionné par le vivant, par le végétal. Je suis d'une famille de médecins. J'ai pris la tangente. Ma famille s'est toujours préoccupée de l'humain. Moi, j'ai pris la tangente et j'ai fait des études d'agronomie. Je suis ingé agronome. Fortement lié au végétal, notamment, mais au vivant en général. Voilà, et avant d'arriver au sein du groupe Cheval, j'ai passé un peu plus de 15 ans en tant que paysagiste dans une grosse entreprise de paysages, donc autour du végétal toujours et autour du vivant. Alors le groupe Cheval, c'est une entreprise familiale, tu l'as dit, qui a 75 ans, qui est drômoise au départ, qui est rhonalpine maintenant. C'est une belle entreprise, moi je suis content d'y être. Je les ai rejoints, j'ai rejoint cette boîte parce que c'est une société à mission surtout. Et puis parce que je pouvais y exercer une partie des métiers qui font partie de mon domaine d'expertise, donc le sujet du paysage, mais aussi le sujet du recyclage, parce que j'ai bossé une quinzaine d'années aussi dans le domaine du recyclage, et donc de la préservation de la ressource. Et il s'avère qu'en tant que directeur général, un des deux directeurs généraux du groupe, je m'occupe de cette famille de métiers au sein de cette boîte. Donc c'est une société à mission, elle est présidée par Jean-Pierre Cheval, avec lequel j'ai eu la chance de faire la CEC.

  • SG

    Ça m'intéresse justement votre duo un peu.

  • BL

    C'est un duo qui est vraiment chouette. Nous, c'est une histoire de rencontre. J'étais attiré par l'entreprise Cheval parce que c'est une société à mission et par l'exercice de ses métiers. Mais aussi la rencontre avec Jean-Pierre Cheval, avec la personne qui m'a vraiment donné envie de le rejoindre et de rejoindre l'aventure. On fait un duo où chacun est à sa place. Moi, je m'occupe d'une famille de métiers qui est plutôt à tendance régénérative, je pourrais en reparler tout à l'heure, mais voilà, il m'accueille aussi pour faire muter le groupe vers cette tendance régénérative, et le fait qu'on ait fait la CEC ensemble, ce n'est pas anodin, et ce n'est pas par hasard.

  • SG

    Justement, ma première question souvent, c'est quand est-ce que tu as entendu parler pour la première fois du mot régénératif ? Alors souvent, on me dit, en fait, on n'en avait jamais entendu parler avant la CEC, ce qui, j'ai l'impression, n'est pas de ton cas.

  • BL

    En fait, je ne l'employais pas comme ça, à la volée, en termes de visée, en termes de cap. Mais en fait, c'est toujours un terme qui m'a parlé. En tant qu'agronome, j'ai fait agro, mais avec une spécialisation en sciences et génie de l'environnement. Au moment où tous mes camarades s'orientaient plutôt vers l'industrie alimentaire, vers la protection des cultures, la mécanisation de l'agriculture, etc. Moi, j'ai choisi le génie de l'environnement parce qu'en fait, le sujet du vivant me passionne, et en fait le régénératif il est porté par le vivant avec un vrai talent notamment du végétal je suis complètement émerveillé quand un végétal se bouture par exemple, qu'il se régénère simplement parce qu'on en coupe un bout et on le plante dans le sol et il recrée une plante qui se duplique. J'ai toujours trouvé ça extraordinaire la régénération du sol, la capacité d'un milieu d'un écosystème de la nature à être résiliente et donc à se régénérer d'elle-même. Ça fait partie de mes tripes, en fait. Ça fait partie de ma culture d'agro, en fait.

  • SG

    Ok, alors toi, c'est quand même ton domaine. Donc finalement, j'allais dire, entre guillemets, c'est presque facile. Mais comment tu l'expliquerais finalement à un dirigeant d'une boîte d'informatique ou d'un autre domaine ? C'est quoi l'économie régénérative ?

  • BL

    En fait, c'est ça. Quand je parle de régénératif, moi, j'en parle par une vision métier. Par contre, je trouve ça assez audacieux de l'employer maintenant par rapport à l'activité économique, par rapport au monde de l'entreprise. C'est vrai que la doxa, c'est que l'activité économique, l'activité humaine au sens large, dans l'esprit de tout le monde, elle ne peut pas se faire sans être extractive. Et finalement, sans être au dépend du reste, de la planète, parfois des gens, en tout cas du vivant non humain. Et en fait, on a un peu un sentiment de surpuissance qui nous fait dire que notre activité, elle peut se faire au dépend de tout ça. Donc le fait de se dire, finalement, l'activité humaine, elle peut riper vers régénérer tout ça, donc au service, finalement, de la planète et de ce qui la compose, je trouve que c'est assez audacieux. Et pour le coup, moi, j'avais jamais employé, avant la CEC, j'avais jamais employé ce mot-là pour l'activité économique, même si j'ai toujours pensé que le mouvement, il devait venir de l'entreprise, en fait. Et la transformation de l'économie, il faut qu'elle soit portée par le monde économique pour embarquer tout le reste. Mais bon, de là à dire, on va vers de l'économie régénérative. Avant la CEC, ce n'est pas un mot que j'employais et je n'y avais pas pensé comme ça.

  • SG

    Bon, alors, justement, c'est quoi le déclic ? Qu'est-ce qui fait que vous faites la CEC avec Jean-Pierre Cheval ?

  • BL

    Je l'ai un peu dit quand je parle de société à mission.

  • SG

    C'était une évidence, c'est ça ?

  • BL

    Ce n'est pas vraiment une évidence, mais je reparlerai peut-être de la raison d'être en tant que société à mission, parce que la CEC va nous faire faire évoluer la raison d'être, je pense. Mais néanmoins, on nous a dit, nos parties prenantes, et la CEC est venue nous chercher, quelque part, métier du BTP, mais société à mission, première boîte de BTP à prendre le statut de société à mission en 2020 en France. En gros, on nous a dit qu'on ne pouvait pas ne pas y être. Et comme moi, ça a coïncidé avec mon arrivée dans l'entreprise, avec une vraie feuille de route autour de ces métiers qu'on veut exercer de façon un peu naturelle, à visée régénérative. De ce fait, c'était une évidence et une obligation d'y participer. Alors au départ, je devais y participer en tant que dirigeant et en embarquant mon chef de projet, directeur de projet sur tout ce qui est environnement, transition énergétique, etc. Et en fait, après réflexion, on s'est dit qu'il fallait qu'on... qu'on y mette de l'ambition, si on voulait avoir une chance de profiter de la CEC pour transformer notre boîte, et aller plus loin peut-être que ce qu'on a déjà engagé via la société à mission, il fallait que le président soit là. Jean-Pierre Cheval, c'est la troisième génération, c'est le petit-fils du fondateur, il est propriétaire de son entreprise, il donne le ton, il est emblématique dans la boîte. Donc finalement, j'ai proposé que je sois plutôt le planet champions et qu'il soit le dirigeant, le président qui participe à la CEC. C'était génial parce que moi, j'étais nouveau dans la boîte, même si on s'est plu à mon arrivée. En fait, finalement, on se connaissait encore peu. Et en fait, la CEC nous a vachement rapprochés. On a partagé un truc incroyable.

  • SG

    Et alors du coup, on peut déjà en parler. Pourquoi tu dis que ça fait évoluer parce que vous êtes à mission ? Donc, on peut se dire que vous n'avez pas besoin d'aller plus loin. Et tu dis que finalement, ça a fait repenser notre raison d'être.

  • BL

    En fait, notre raison d'être en tant que société à mission. Alors, c'est une entreprise, le groupe Cheval est une entreprise qui est très implantée, très ancrée sur les territoires. Et avec un ancrage, parce qu'il y a 75 ans, c'était une entreprise agricole. Donc, il y a un socle agricole, une sorte de bon sens paysan que revendique Jean-Pierre d'ailleurs, qui est vraiment dans les gènes. Et autour de ça, le développement des métiers s'est fait dans un objectif de service à la population. Donc, on exerce nos métiers. Alors nos métiers, je ne l'ai pas dit, mais en fait on assemble tous les métiers qui touchent à l'aménagement du territoire, des espaces extérieurs autour du bâtiment, avec une logique très circulaire. Et l'idée c'est de, quand on fait une route par exemple, ou quand on crée des réseaux d'assainissement, on l'exerce avec un objectif de service à la population, dans la vie courante. Et en fait, notre feuille de route CEC, le parcours que l'on a fait, nous fait dire qu'on est toujours au service de la population, mais vraisemblablement le service qu'on veut rendre à la population maintenant, c'est de reconnecter cette population au vivant, au vivant non-humain. Et donc, notre feuille de route, elle est vraiment axée là-dessus. C'est comment maintenant on exerce nos métiers qui sont les mêmes, mais on leur donne un sens un peu différent, un peu complémentaire, qui est de dire le vivant et ce qu'il compose en filigrane l'eau, le sol, la biodiversité, en fil rouge de l'exercice de nos métiers, et avec une finalité autour de ça, mais aussi sur notre façon d'exercer. Je prends l'exemple du paysage. Moi, j'ai découvert le monde du paysage il y a une petite vingtaine d'années. Quand j'y suis allé en tant qu'agronome, je pensais que le vivant était au cœur du paysage. Et en fait, non, c'est l'ornement qui est au cœur des métiers du paysage. Donc, on peut exercer le métier de paysagiste pour faire du beau. Mais je pense qu'on peut, enfin je pense, je suis sûr, et je le souhaite, exercer les métiers du paysage pour faire de l'utile, donc de la fonctionnalité, par rapport aux enjeux climatiques des villes, par exemple, de climatisation des villes, mais aussi avec le vivant au cœur de ce que notre métier peut apporter, remettre le végétal, remettre les équilibres des milieux, remettre le biotope au cœur de l'espace de vie des gens. Et donc, tous nos métiers maintenant, on le pense avec cette façon de faire qui se fait pour le vivant et avec le vivant, c'est-à-dire qu'en coopération avec le vivant.

  • SG

    Ça, c'est joli, c'est une belle histoire, tu me la racontes bien et tout.

  • BL

    On a envie de le faire.

  • SG

    C'est justement ma question suivante, parce que c'est ça la feuille de route, c'est comment je transforme mon modèle économique, parce qu'on se rend bien compte que ce n'est pas si simple que ça. C'est quoi finalement, qu'est-ce que vous envisagez, vous, sur la suite, les leviers, si tu as tout ça en tête ?

  • BL

    Les leviers, alors, on est un peu dans la... Il y a certains leviers qui ont été un peu, je ne vais pas dire traumatiques, mais difficiles à... à matérialiser, à acter. Il y a eu des trucs qui ont fait débat, mais de ce fait, ce qui est bien, c'est que comme ça a fait débat entre Jean-Pierre Cheval et moi, de ce fait, ils ont été quand même réfléchis. Je donne deux exemples. On maîtrise les métiers de travaux et d'aménagement. La moitié de notre bilan carbone... C'est le béton. On a des centrales à béton, on a des centrales à enrober, on a des carrières. On maîtrise nos matières premières, mais n'empêche qu'on a un impact extractif très fort pour approvisionner le métier. Notre deuxième levier de redirection, c'est de se dire je me passe du béton traditionnel et de l'enrobé traditionnel pour faire un métier. Donc aller chercher de l'innovation, aller chercher du matériau biosourcé, en tout cas oser se dire à terme. Ce n'est pas le cas maintenant parce qu'il faut quand même intégrer le fait que ça participe quand même d'une partie de notre business, de notre chiffre d'affaires et de la valeur de l'entreprise. Mais n'empêche qu'on l'écrit et on est en train de travailler là-dessus. Clairement, récemment, on fait des investissements tous les ans. Eh bien, notre feuille de route CEC nous a amené à renoncer à des investissements autour du béton, au profit d'investissements plutôt autour du recyclage, par exemple. Ça, c'est direct, c'est concret. On a fait un choix d'investissement qui est différent de celui qu'on aurait fait peut-être il y a deux ou trois ans. Donc voilà, c'est un exemple parmi d'autres. D'autres exemples, c'est le renoncement, où on ose écrire le fait qu'il y a certains métiers, certains travaux, certains chantiers qui sont par nature artificialisants. Aujourd'hui, on fait beaucoup de plateformes, par exemple pour le monde de l'entreprise, où on prélève sur... on prélève, le projet prélève sur l'espace naturel ou agricole. Demain, dans notre feuille de route, dans nos leviers, on se dit qu'il faut qu'on écrive une sorte de référentiel, une sorte de guide de go-no-go, pour se donner le droit, voire l'obligation, de se dire, ce chantier-là, non, je n'y vais pas. Je ne prends pas cette affaire, même si elle est grosse en volume et elle alimente notre chiffre d'affaires. Je ne prends pas cette affaire parce qu'elle est à l'encontre de ce qu'on veut faire autour du vivant. Donc, on le fait déjà, on fait des choix, mais aussi parce qu'on ne peut pas tout faire. Mais demain... L'idée, c'est d'être beaucoup plus drastique sur le choix de ce à quoi on veut, on accepte de contribuer ou pas.

  • SG

    Ça, c'est pareil, une question qu'on s'est beaucoup posée pendant la CEC. Moi, je me la suis posée aussi. C'est comment, finalement, on emmène tout notre écosystème ? Lorsqu'on sort de la CEC, on sort d'un vase clos et il va falloir porter la bonne parole, aussi bien dans son écosystème fournisseur, client, mais aussi chez ses collaborateurs. Vous avez fait comment, vous, pour emmener les deux ?

  • BL

    On emmène pour l'instant, on a du mal. D'ailleurs, ça fait partie de nos difficultés en cours de parcours. Alors moi, ma difficulté, ça a été plutôt de se dire, purée, une boîte de 1000 personnes avec ses socles métiers, est-ce que réellement on va être capable de la transformer ? La montagne est haute quand même. Les difficultés, je parle sous contrôle puisqu'il n'est pas là, mais en tout cas, on a pu en parler tous les deux. La difficulté de Jean-Pierre entre chaque session, ça a été, je le disais tout à l'heure, c'est une boîte qui est très ancrée, avec beaucoup de parties prenantes, on a l'habitude d'être en coopération avec les territoires et tous les gens qui nous entourent. Et en fait, à chaque fois qu'on en parle, et que Jean-Pierre en parlait à ses parties prenantes, à son entourage, le fossé est énorme, et donc un sentiment de solitude énorme. Donc ça, ça a vraiment fait partie de nos difficultés pendant le parcours, donc vraiment une difficulté d'embarquement. Moi, j'ai l'impression que ça bouge quand même. Après, on active des leviers. Un de nos leviers, on a cinq leviers de redirection. Un de nos, notre cinquième levier, c'est d'être plaidoyer pour l'économie régénérative, en tout cas pour un changement de modèle, qu'on a appelé nous l'éconologie. Comment concilier l'écologie et l'activité et l'économie ? Et de ce fait, on veut embarquer nos parties prenantes, on veut être le plaidoyer pour dire que c'est possible, et que ce n'est pas en opposition, et qu'on peut créer de la valeur sur la base de cette idée régénérative. On a démarré, par exemple, au niveau des achats, suite à la CEC, entre autres. Là, on est en train de revoir notre service achat. Je viens de recruter une nouvelle personne au niveau des achats qui, dans sa feuille de route, a la notion d'achat responsable, avec le sujet des circuits courts, avec le sujet de la transition énergétique, avec de l'énergie non fossile. Et donc, par ce biais-là... On va embarquer nos fournisseurs sur certains pans de la régénération. En fait, on a plein de petits leviers qu'on va activer petit à petit par l'évolution de l'organisation d'entreprise et puis les missions que l'on donne à nos différents directeurs de filiales et directeurs de services supports, par exemple.

  • SG

    Oui, vous passez à l'action aussi pour leur montrer que c'est possible.

  • BL

    Exactement. Et puis, on inclut ça dans notre façon de travailler. Alors après, il y a des parties prenantes qui sont... déterminantes à mon avis et qu'il va falloir embarquer, c'est nos clients. Nos clients et leurs prescripteurs. On a des métiers de travaux, donc entre nos clients, le maître d'ouvrage et nous, il y a souvent, voire toujours, ce qu'on appelle un maître d'œuvre, c'est-à-dire un prescripteur. Il faut absolument qu'on les embarque là-dedans. Et donc, moi, je pense que la meilleure façon de faire, c'est d'avoir des chantiers exemplaires, des chantiers témoins sur lesquels on arrive à produire du régénératif et qui va servir de modèle pour dire que c'est possible. Et pour donner le ton sur ceux qui prescrivent auprès des maîtres d'ouvrage, pour petit à petit changer les choses et changer les cahiers des charges. Nous, notre problème, c'est qu'on est souvent condamnés à respecter un cahier des charges. Donc il faut qu'on travaille en amont pour faire évoluer cette demande client.

  • SG

    Et du côté des collaborateurs, vous êtes une entreprise à mission, donc je pense qu'il y en a quand même beaucoup qui sont là aussi pour ça, des collaborateurs.

  • BL

    Oui, alors on a effectivement, dans le cadre de la société à mission, on a modifié la gouvernance et les strates d'embarquement. Par rapport à la société à mission, on a déjà un outil qui est intéressant. Pour être clair, on a un organe de direction stratégique, un organe de direction pour les affaires courantes, un COS, un comité stratégique, un CODIR, et ensuite on a ce qu'on appelle le G40 et le G150. Le G40, c'est nos dirigeants de services supports, nos dirigeants de filiales et d'activités, qui sont à une quarantaine avec le comité de direction, que l'on rassemble. Et ensuite, on a le G150 où on a tous les managers, les conducteurs de travaux, tous ceux qui sont en situation de management hiérarchique ou transversal. Ces organes existent déjà, donc on a le socle pour pouvoir embarquer petit à petit. On a loupé, je pense, l'embarquement permanent au niveau du Codir et du G40, donc la première strate de manager. On a présenté la feuille de route. Notre feuille de route est connue. Je ne pense pas qu'elle n'est, à mon avis, pas appropriée. Pour certaines activités, c'est très disruptif. Donc on a du boulot encore à faire avec ce G40. Je pense que si c'était à refaire, on aurait été beaucoup plus progressif entre chaque session pour petit à petit acculturer les managers principaux qui peuvent embarquer le reste. Donc ça, si c'était à refaire, on ferait différemment. Après, ce qu'on est en train de voir, là, il y a une mini-CEC qui va avoir lieu à l'automne. Donc on a quatre collaborateurs qui vont y participer. Je suis en train de voir avec les équipes de la CEC pour faire une mini-CEC au niveau du G40, au printemps prochain, en intra. Donc, il faut qu'on construise les deux jours pour ce G40, mais je pense que ça, ça va être déterminant pour ensuite embarquer le reste.

  • SG

    Une grosse partie de sensibilisation. Est-ce que pour toi, finalement, tu étais déjà là-dedans ? Est-ce que personnellement, ça t'a transformé la CEC ? Est-ce que ça a changé ton leadership ?

  • BL

    Mon leadership ? Alors, je vais dire oui et non. Je vais dire non parce que... Parce que ça ne l'a pas transformé en profondeur. Mais peut-être oui, parce que j'ai plus de plaisir, mais surtout aussi plus confiance. Quand je parle du vivant non humain, de la biodiversité, de l'écologie en général, des milieux, qui quand même dans le monde des affaires classiques, monde un peu froid des affaires, quand on parle des petits oiseaux ou des insectes, souvent on nous rionnait, et donc on se sent un petit peu décalé par rapport au business. Donc moi en interne, ça m'a donné beaucoup plus d'assurance dans le fait de porter ça, voilà, tambour battant. Donc ça, ça a peut-être modifié les choses. Après, perso, qu'est-ce que ça a changé ? Peut-être une sorte d'émotion permanente, un peu supérieure, qui est, je pense, liée à une espèce de surconscience suite aux deux premières sessions CEC. Bon, je me suis pris la baffe qu'a pris tout le monde. Et de ce fait, moi qui pensais être déjà conscient, ça m'a donné un niveau supérieur, conscience de l'urgence, conscience que la technologie ne va pas nous changer, conscience que le sujet de notre business habituel, qui est toujours basé sur du volume, c'est ça qu'il faut changer. Et puis le sujet du vivant, au centre. De ce fait, ça m'a donné une conscience permanente et de ce fait, une émotion permanente qui jalonne un peu mon... quotidien. Et puis perso, j'avais une sorte d'écologie personnelle, mais un peu théorique. Un peu, je ne veux pas dire politique, mais théorique. Et je pense que là, ça a percuté mon quotidien au sens, la façon dont je vis. Je mange beaucoup moins de viande. J'ai honte de rouler en SUV, même s'il est hybride. Et donc, j'attends la fin de ma LLD pour pouvoir changer de bagnole. Mais sans blague, je le vis différemment. Et puis, j'ai réussi à embarquer ma compagne. Les enfants, c'est plus dur. Mes ados, c'est plus dur. Mais j'ai réussi à embarquer ma compagne dans le fait qu'on a besoin de moins de choses.

  • SG

    D'accord. Sobriété. Alors justement, c'est aussi, je pense qu'on prend conscience du récit. Qu'est-ce que tu pourrais dire à des dirigeants qui souhaitent se lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ? qu'est-ce que tu leur dirais s'il y avait quelques conseils peut-être ?

  • BL

    Alors je n'ai pas de conseils, enfin, je ne peux que recommander. Alors je ne sais pas comment va évoluer la CEC, forcément, c'est une dynamique qui est mouvante et qui s'enrichit petit à petit, qui s'affine, etc. je recommanderais à tous les dirigeants de faire la CEC en tout cas de suivre ce parcours et d'avoir ce sursaut de conscience qu'on a vécu Jean-Pierre et moi après en termes de conseils pour ceux qui veulent s'engager qui vont t'entendre et qui vont se dire bah tiens ça m'intéresse parce que je commence Je pense que la principale recommandation que je ferais, c'est d'y aller en s'ouvrant, en fait. En laissant de côté les opinions. Les dogmes, accepter de voir les... Parce qu'on a eu accès à plein de gens de haut niveau qui nous ont donné de la connaissance, mais aussi de la réflexion. Et donc, si on y va en étant ancré sur ces certitudes, ça ne marche pas. Donc, vraiment de l'ouverture. Et puis, peut-être du cœur, qui me semble être pareil dans le monde froid des affaires, le cœur, on en parle rarement. Mais pour moi, c'est déterminant.

  • SG

    Savoir penser autrement, pas différemment, c'est vrai que...

  • BL

    Penser autrement,

  • SG

    C'est pas simple. Justement, si tu avais trois mots pour caractériser un peu ta démarche vers l'économie régénérative, ça serait quoi ?

  • BL

    Allez, on va dire le cœur. Le cœur, oui. Le cœur, l'audace. L'audace, et puis... C'est un peu technique, mais c'est quelque chose, à mon avis, qui manque dans beaucoup de nos réflexions, c'est la systémie. La vision systémique. L'approche systémique, qui, pour moi, est au cœur du truc aussi.

  • SG

    Et si tu avais une baguette magique ? Si tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ?

  • BL

    Je peux dire... Je ne suis pas sûr de moi, mais comme ça... Peut-être, si j'avais une baguette magique, je mettrais les logiques de proximité au cœur du business. Je réduirais la taille des entreprises. Bon, ça va un peu avec. Et puis, peut-être que je rétablirais le troc. Parce que je me dis que le troc, finalement, quand on troque quelque chose... Si on est dans des logiques de limite, c'est-à-dire qu'on se limite, de ce fait, on troque ce dont on a vraiment besoin.

  • SG

    C'est assez marrant, puisque j'ai interviewé il y a très peu de temps pour la CEC Stéphanie Milton, de la société Staten, qui m'a dit la même chose. Tu vois ? Il y a des choses, mais vous n'êtes pas parlé. Et puis, pour terminer, puisqu'on sait bien qu'il y a un dirigeant, un entrepreneur, il est toujours confiant. Qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ?

  • BL

    Moi je trouve qu'on a la chance de contribuer à un changement de modèle. Moi si on arrive à ce que l'humanité réintègre le vivant non-humain au cœur de son... de son développement, de sa façon de fonctionner. Je suis très confiant. Et là où je suis confiant, c'est que je pense que l'économie régénérative, même si c'est un sujet compliqué, on va voir jusqu'où on arrive à aller, J'ai confiance dans le fait que finalement, quelque part, ça réenchante un peu l'entrepreneuriat. Voilà, je dirais ça.

  • SG

    Merci Benoît, en tout cas, c'était franc, c'était honnête, c'était enthousiaste. Ça fait du bien. Et je terminerai par une citation de Friedensreich Hundertwasser. Oui, bon, j'avoue que je ne suis pas simplifié la tâche. Artiste et poète autrichien qui a dit Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité. Encore merci et à bientôt.

  • BL

    Merci à toi.

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Description

Ingénieur agronome de formation, Benoît Lambrey revient sur les engagements du groupe Cheval (Drôme), société à mission. Benoît évoque l’audace de la CEC, qui a su intégrer la visée régénérative au sein de la transformation des entreprises. La CEC a été pour le groupe un moyen d’aller encore plus loin, d’acter des décisions fortes dans un secteur (le BTP) où les impacts extractifs sont encore forts. Pour autant, Benoît évoque aussi l’une des problématiques rencontrées : l’embarquement des managers (Codir et G40) et in fine des collaborateurs.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023 et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir le directeur général d'une belle entreprise familiale et indépendante depuis trois générations, le groupe Cheval. Et ce dirigeant, c'est Benoît Lambrey, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Benoît, bonjour.

  • BL

    Bonjour.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • BL

    Allez, je suis partant.

  • SG

    Sachant qu'on s'est recroisés, je dis bien recroisés parce qu'on s'est connus dans une vie il y a 25 ans, mais ça c'était avant. On s'est recroisés en décembre 2023 lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin Lyonnais étaient rassemblés. Et c'est pourquoi je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui profiter de toi et profiter de cette discussion pour que tu nous en dises un peu plus sur ton engagement par rapport à l'économie dite régénérative.

  • BL

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors ce que je te propose, c'est peut-être déjà de nous présenter le groupe Cheval.

  • BL

    Oui, alors je vais peut-être me présenter en deux mots. Je suis effectivement directeur général du groupe Cheval depuis deux ans. Je suis dans cette entreprise depuis finalement assez peu de temps. J'ai 54 ans, je suis un peu de la Bourgogne et un peu du Ch'nord, mais je suis lyonnais finalement depuis 1996. Je me sens aussi lyonnais. En tout cas, je me sens très rhônalpin. Je suis un peu surfeur. Je suis passionné de nature et de biologie. Ça a jalonné ma vie professionnelle et personnelle, passionné par le vivant, par le végétal. Je suis d'une famille de médecins. J'ai pris la tangente. Ma famille s'est toujours préoccupée de l'humain. Moi, j'ai pris la tangente et j'ai fait des études d'agronomie. Je suis ingé agronome. Fortement lié au végétal, notamment, mais au vivant en général. Voilà, et avant d'arriver au sein du groupe Cheval, j'ai passé un peu plus de 15 ans en tant que paysagiste dans une grosse entreprise de paysages, donc autour du végétal toujours et autour du vivant. Alors le groupe Cheval, c'est une entreprise familiale, tu l'as dit, qui a 75 ans, qui est drômoise au départ, qui est rhonalpine maintenant. C'est une belle entreprise, moi je suis content d'y être. Je les ai rejoints, j'ai rejoint cette boîte parce que c'est une société à mission surtout. Et puis parce que je pouvais y exercer une partie des métiers qui font partie de mon domaine d'expertise, donc le sujet du paysage, mais aussi le sujet du recyclage, parce que j'ai bossé une quinzaine d'années aussi dans le domaine du recyclage, et donc de la préservation de la ressource. Et il s'avère qu'en tant que directeur général, un des deux directeurs généraux du groupe, je m'occupe de cette famille de métiers au sein de cette boîte. Donc c'est une société à mission, elle est présidée par Jean-Pierre Cheval, avec lequel j'ai eu la chance de faire la CEC.

  • SG

    Ça m'intéresse justement votre duo un peu.

  • BL

    C'est un duo qui est vraiment chouette. Nous, c'est une histoire de rencontre. J'étais attiré par l'entreprise Cheval parce que c'est une société à mission et par l'exercice de ses métiers. Mais aussi la rencontre avec Jean-Pierre Cheval, avec la personne qui m'a vraiment donné envie de le rejoindre et de rejoindre l'aventure. On fait un duo où chacun est à sa place. Moi, je m'occupe d'une famille de métiers qui est plutôt à tendance régénérative, je pourrais en reparler tout à l'heure, mais voilà, il m'accueille aussi pour faire muter le groupe vers cette tendance régénérative, et le fait qu'on ait fait la CEC ensemble, ce n'est pas anodin, et ce n'est pas par hasard.

  • SG

    Justement, ma première question souvent, c'est quand est-ce que tu as entendu parler pour la première fois du mot régénératif ? Alors souvent, on me dit, en fait, on n'en avait jamais entendu parler avant la CEC, ce qui, j'ai l'impression, n'est pas de ton cas.

  • BL

    En fait, je ne l'employais pas comme ça, à la volée, en termes de visée, en termes de cap. Mais en fait, c'est toujours un terme qui m'a parlé. En tant qu'agronome, j'ai fait agro, mais avec une spécialisation en sciences et génie de l'environnement. Au moment où tous mes camarades s'orientaient plutôt vers l'industrie alimentaire, vers la protection des cultures, la mécanisation de l'agriculture, etc. Moi, j'ai choisi le génie de l'environnement parce qu'en fait, le sujet du vivant me passionne, et en fait le régénératif il est porté par le vivant avec un vrai talent notamment du végétal je suis complètement émerveillé quand un végétal se bouture par exemple, qu'il se régénère simplement parce qu'on en coupe un bout et on le plante dans le sol et il recrée une plante qui se duplique. J'ai toujours trouvé ça extraordinaire la régénération du sol, la capacité d'un milieu d'un écosystème de la nature à être résiliente et donc à se régénérer d'elle-même. Ça fait partie de mes tripes, en fait. Ça fait partie de ma culture d'agro, en fait.

  • SG

    Ok, alors toi, c'est quand même ton domaine. Donc finalement, j'allais dire, entre guillemets, c'est presque facile. Mais comment tu l'expliquerais finalement à un dirigeant d'une boîte d'informatique ou d'un autre domaine ? C'est quoi l'économie régénérative ?

  • BL

    En fait, c'est ça. Quand je parle de régénératif, moi, j'en parle par une vision métier. Par contre, je trouve ça assez audacieux de l'employer maintenant par rapport à l'activité économique, par rapport au monde de l'entreprise. C'est vrai que la doxa, c'est que l'activité économique, l'activité humaine au sens large, dans l'esprit de tout le monde, elle ne peut pas se faire sans être extractive. Et finalement, sans être au dépend du reste, de la planète, parfois des gens, en tout cas du vivant non humain. Et en fait, on a un peu un sentiment de surpuissance qui nous fait dire que notre activité, elle peut se faire au dépend de tout ça. Donc le fait de se dire, finalement, l'activité humaine, elle peut riper vers régénérer tout ça, donc au service, finalement, de la planète et de ce qui la compose, je trouve que c'est assez audacieux. Et pour le coup, moi, j'avais jamais employé, avant la CEC, j'avais jamais employé ce mot-là pour l'activité économique, même si j'ai toujours pensé que le mouvement, il devait venir de l'entreprise, en fait. Et la transformation de l'économie, il faut qu'elle soit portée par le monde économique pour embarquer tout le reste. Mais bon, de là à dire, on va vers de l'économie régénérative. Avant la CEC, ce n'est pas un mot que j'employais et je n'y avais pas pensé comme ça.

  • SG

    Bon, alors, justement, c'est quoi le déclic ? Qu'est-ce qui fait que vous faites la CEC avec Jean-Pierre Cheval ?

  • BL

    Je l'ai un peu dit quand je parle de société à mission.

  • SG

    C'était une évidence, c'est ça ?

  • BL

    Ce n'est pas vraiment une évidence, mais je reparlerai peut-être de la raison d'être en tant que société à mission, parce que la CEC va nous faire faire évoluer la raison d'être, je pense. Mais néanmoins, on nous a dit, nos parties prenantes, et la CEC est venue nous chercher, quelque part, métier du BTP, mais société à mission, première boîte de BTP à prendre le statut de société à mission en 2020 en France. En gros, on nous a dit qu'on ne pouvait pas ne pas y être. Et comme moi, ça a coïncidé avec mon arrivée dans l'entreprise, avec une vraie feuille de route autour de ces métiers qu'on veut exercer de façon un peu naturelle, à visée régénérative. De ce fait, c'était une évidence et une obligation d'y participer. Alors au départ, je devais y participer en tant que dirigeant et en embarquant mon chef de projet, directeur de projet sur tout ce qui est environnement, transition énergétique, etc. Et en fait, après réflexion, on s'est dit qu'il fallait qu'on... qu'on y mette de l'ambition, si on voulait avoir une chance de profiter de la CEC pour transformer notre boîte, et aller plus loin peut-être que ce qu'on a déjà engagé via la société à mission, il fallait que le président soit là. Jean-Pierre Cheval, c'est la troisième génération, c'est le petit-fils du fondateur, il est propriétaire de son entreprise, il donne le ton, il est emblématique dans la boîte. Donc finalement, j'ai proposé que je sois plutôt le planet champions et qu'il soit le dirigeant, le président qui participe à la CEC. C'était génial parce que moi, j'étais nouveau dans la boîte, même si on s'est plu à mon arrivée. En fait, finalement, on se connaissait encore peu. Et en fait, la CEC nous a vachement rapprochés. On a partagé un truc incroyable.

  • SG

    Et alors du coup, on peut déjà en parler. Pourquoi tu dis que ça fait évoluer parce que vous êtes à mission ? Donc, on peut se dire que vous n'avez pas besoin d'aller plus loin. Et tu dis que finalement, ça a fait repenser notre raison d'être.

  • BL

    En fait, notre raison d'être en tant que société à mission. Alors, c'est une entreprise, le groupe Cheval est une entreprise qui est très implantée, très ancrée sur les territoires. Et avec un ancrage, parce qu'il y a 75 ans, c'était une entreprise agricole. Donc, il y a un socle agricole, une sorte de bon sens paysan que revendique Jean-Pierre d'ailleurs, qui est vraiment dans les gènes. Et autour de ça, le développement des métiers s'est fait dans un objectif de service à la population. Donc, on exerce nos métiers. Alors nos métiers, je ne l'ai pas dit, mais en fait on assemble tous les métiers qui touchent à l'aménagement du territoire, des espaces extérieurs autour du bâtiment, avec une logique très circulaire. Et l'idée c'est de, quand on fait une route par exemple, ou quand on crée des réseaux d'assainissement, on l'exerce avec un objectif de service à la population, dans la vie courante. Et en fait, notre feuille de route CEC, le parcours que l'on a fait, nous fait dire qu'on est toujours au service de la population, mais vraisemblablement le service qu'on veut rendre à la population maintenant, c'est de reconnecter cette population au vivant, au vivant non-humain. Et donc, notre feuille de route, elle est vraiment axée là-dessus. C'est comment maintenant on exerce nos métiers qui sont les mêmes, mais on leur donne un sens un peu différent, un peu complémentaire, qui est de dire le vivant et ce qu'il compose en filigrane l'eau, le sol, la biodiversité, en fil rouge de l'exercice de nos métiers, et avec une finalité autour de ça, mais aussi sur notre façon d'exercer. Je prends l'exemple du paysage. Moi, j'ai découvert le monde du paysage il y a une petite vingtaine d'années. Quand j'y suis allé en tant qu'agronome, je pensais que le vivant était au cœur du paysage. Et en fait, non, c'est l'ornement qui est au cœur des métiers du paysage. Donc, on peut exercer le métier de paysagiste pour faire du beau. Mais je pense qu'on peut, enfin je pense, je suis sûr, et je le souhaite, exercer les métiers du paysage pour faire de l'utile, donc de la fonctionnalité, par rapport aux enjeux climatiques des villes, par exemple, de climatisation des villes, mais aussi avec le vivant au cœur de ce que notre métier peut apporter, remettre le végétal, remettre les équilibres des milieux, remettre le biotope au cœur de l'espace de vie des gens. Et donc, tous nos métiers maintenant, on le pense avec cette façon de faire qui se fait pour le vivant et avec le vivant, c'est-à-dire qu'en coopération avec le vivant.

  • SG

    Ça, c'est joli, c'est une belle histoire, tu me la racontes bien et tout.

  • BL

    On a envie de le faire.

  • SG

    C'est justement ma question suivante, parce que c'est ça la feuille de route, c'est comment je transforme mon modèle économique, parce qu'on se rend bien compte que ce n'est pas si simple que ça. C'est quoi finalement, qu'est-ce que vous envisagez, vous, sur la suite, les leviers, si tu as tout ça en tête ?

  • BL

    Les leviers, alors, on est un peu dans la... Il y a certains leviers qui ont été un peu, je ne vais pas dire traumatiques, mais difficiles à... à matérialiser, à acter. Il y a eu des trucs qui ont fait débat, mais de ce fait, ce qui est bien, c'est que comme ça a fait débat entre Jean-Pierre Cheval et moi, de ce fait, ils ont été quand même réfléchis. Je donne deux exemples. On maîtrise les métiers de travaux et d'aménagement. La moitié de notre bilan carbone... C'est le béton. On a des centrales à béton, on a des centrales à enrober, on a des carrières. On maîtrise nos matières premières, mais n'empêche qu'on a un impact extractif très fort pour approvisionner le métier. Notre deuxième levier de redirection, c'est de se dire je me passe du béton traditionnel et de l'enrobé traditionnel pour faire un métier. Donc aller chercher de l'innovation, aller chercher du matériau biosourcé, en tout cas oser se dire à terme. Ce n'est pas le cas maintenant parce qu'il faut quand même intégrer le fait que ça participe quand même d'une partie de notre business, de notre chiffre d'affaires et de la valeur de l'entreprise. Mais n'empêche qu'on l'écrit et on est en train de travailler là-dessus. Clairement, récemment, on fait des investissements tous les ans. Eh bien, notre feuille de route CEC nous a amené à renoncer à des investissements autour du béton, au profit d'investissements plutôt autour du recyclage, par exemple. Ça, c'est direct, c'est concret. On a fait un choix d'investissement qui est différent de celui qu'on aurait fait peut-être il y a deux ou trois ans. Donc voilà, c'est un exemple parmi d'autres. D'autres exemples, c'est le renoncement, où on ose écrire le fait qu'il y a certains métiers, certains travaux, certains chantiers qui sont par nature artificialisants. Aujourd'hui, on fait beaucoup de plateformes, par exemple pour le monde de l'entreprise, où on prélève sur... on prélève, le projet prélève sur l'espace naturel ou agricole. Demain, dans notre feuille de route, dans nos leviers, on se dit qu'il faut qu'on écrive une sorte de référentiel, une sorte de guide de go-no-go, pour se donner le droit, voire l'obligation, de se dire, ce chantier-là, non, je n'y vais pas. Je ne prends pas cette affaire, même si elle est grosse en volume et elle alimente notre chiffre d'affaires. Je ne prends pas cette affaire parce qu'elle est à l'encontre de ce qu'on veut faire autour du vivant. Donc, on le fait déjà, on fait des choix, mais aussi parce qu'on ne peut pas tout faire. Mais demain... L'idée, c'est d'être beaucoup plus drastique sur le choix de ce à quoi on veut, on accepte de contribuer ou pas.

  • SG

    Ça, c'est pareil, une question qu'on s'est beaucoup posée pendant la CEC. Moi, je me la suis posée aussi. C'est comment, finalement, on emmène tout notre écosystème ? Lorsqu'on sort de la CEC, on sort d'un vase clos et il va falloir porter la bonne parole, aussi bien dans son écosystème fournisseur, client, mais aussi chez ses collaborateurs. Vous avez fait comment, vous, pour emmener les deux ?

  • BL

    On emmène pour l'instant, on a du mal. D'ailleurs, ça fait partie de nos difficultés en cours de parcours. Alors moi, ma difficulté, ça a été plutôt de se dire, purée, une boîte de 1000 personnes avec ses socles métiers, est-ce que réellement on va être capable de la transformer ? La montagne est haute quand même. Les difficultés, je parle sous contrôle puisqu'il n'est pas là, mais en tout cas, on a pu en parler tous les deux. La difficulté de Jean-Pierre entre chaque session, ça a été, je le disais tout à l'heure, c'est une boîte qui est très ancrée, avec beaucoup de parties prenantes, on a l'habitude d'être en coopération avec les territoires et tous les gens qui nous entourent. Et en fait, à chaque fois qu'on en parle, et que Jean-Pierre en parlait à ses parties prenantes, à son entourage, le fossé est énorme, et donc un sentiment de solitude énorme. Donc ça, ça a vraiment fait partie de nos difficultés pendant le parcours, donc vraiment une difficulté d'embarquement. Moi, j'ai l'impression que ça bouge quand même. Après, on active des leviers. Un de nos leviers, on a cinq leviers de redirection. Un de nos, notre cinquième levier, c'est d'être plaidoyer pour l'économie régénérative, en tout cas pour un changement de modèle, qu'on a appelé nous l'éconologie. Comment concilier l'écologie et l'activité et l'économie ? Et de ce fait, on veut embarquer nos parties prenantes, on veut être le plaidoyer pour dire que c'est possible, et que ce n'est pas en opposition, et qu'on peut créer de la valeur sur la base de cette idée régénérative. On a démarré, par exemple, au niveau des achats, suite à la CEC, entre autres. Là, on est en train de revoir notre service achat. Je viens de recruter une nouvelle personne au niveau des achats qui, dans sa feuille de route, a la notion d'achat responsable, avec le sujet des circuits courts, avec le sujet de la transition énergétique, avec de l'énergie non fossile. Et donc, par ce biais-là... On va embarquer nos fournisseurs sur certains pans de la régénération. En fait, on a plein de petits leviers qu'on va activer petit à petit par l'évolution de l'organisation d'entreprise et puis les missions que l'on donne à nos différents directeurs de filiales et directeurs de services supports, par exemple.

  • SG

    Oui, vous passez à l'action aussi pour leur montrer que c'est possible.

  • BL

    Exactement. Et puis, on inclut ça dans notre façon de travailler. Alors après, il y a des parties prenantes qui sont... déterminantes à mon avis et qu'il va falloir embarquer, c'est nos clients. Nos clients et leurs prescripteurs. On a des métiers de travaux, donc entre nos clients, le maître d'ouvrage et nous, il y a souvent, voire toujours, ce qu'on appelle un maître d'œuvre, c'est-à-dire un prescripteur. Il faut absolument qu'on les embarque là-dedans. Et donc, moi, je pense que la meilleure façon de faire, c'est d'avoir des chantiers exemplaires, des chantiers témoins sur lesquels on arrive à produire du régénératif et qui va servir de modèle pour dire que c'est possible. Et pour donner le ton sur ceux qui prescrivent auprès des maîtres d'ouvrage, pour petit à petit changer les choses et changer les cahiers des charges. Nous, notre problème, c'est qu'on est souvent condamnés à respecter un cahier des charges. Donc il faut qu'on travaille en amont pour faire évoluer cette demande client.

  • SG

    Et du côté des collaborateurs, vous êtes une entreprise à mission, donc je pense qu'il y en a quand même beaucoup qui sont là aussi pour ça, des collaborateurs.

  • BL

    Oui, alors on a effectivement, dans le cadre de la société à mission, on a modifié la gouvernance et les strates d'embarquement. Par rapport à la société à mission, on a déjà un outil qui est intéressant. Pour être clair, on a un organe de direction stratégique, un organe de direction pour les affaires courantes, un COS, un comité stratégique, un CODIR, et ensuite on a ce qu'on appelle le G40 et le G150. Le G40, c'est nos dirigeants de services supports, nos dirigeants de filiales et d'activités, qui sont à une quarantaine avec le comité de direction, que l'on rassemble. Et ensuite, on a le G150 où on a tous les managers, les conducteurs de travaux, tous ceux qui sont en situation de management hiérarchique ou transversal. Ces organes existent déjà, donc on a le socle pour pouvoir embarquer petit à petit. On a loupé, je pense, l'embarquement permanent au niveau du Codir et du G40, donc la première strate de manager. On a présenté la feuille de route. Notre feuille de route est connue. Je ne pense pas qu'elle n'est, à mon avis, pas appropriée. Pour certaines activités, c'est très disruptif. Donc on a du boulot encore à faire avec ce G40. Je pense que si c'était à refaire, on aurait été beaucoup plus progressif entre chaque session pour petit à petit acculturer les managers principaux qui peuvent embarquer le reste. Donc ça, si c'était à refaire, on ferait différemment. Après, ce qu'on est en train de voir, là, il y a une mini-CEC qui va avoir lieu à l'automne. Donc on a quatre collaborateurs qui vont y participer. Je suis en train de voir avec les équipes de la CEC pour faire une mini-CEC au niveau du G40, au printemps prochain, en intra. Donc, il faut qu'on construise les deux jours pour ce G40, mais je pense que ça, ça va être déterminant pour ensuite embarquer le reste.

  • SG

    Une grosse partie de sensibilisation. Est-ce que pour toi, finalement, tu étais déjà là-dedans ? Est-ce que personnellement, ça t'a transformé la CEC ? Est-ce que ça a changé ton leadership ?

  • BL

    Mon leadership ? Alors, je vais dire oui et non. Je vais dire non parce que... Parce que ça ne l'a pas transformé en profondeur. Mais peut-être oui, parce que j'ai plus de plaisir, mais surtout aussi plus confiance. Quand je parle du vivant non humain, de la biodiversité, de l'écologie en général, des milieux, qui quand même dans le monde des affaires classiques, monde un peu froid des affaires, quand on parle des petits oiseaux ou des insectes, souvent on nous rionnait, et donc on se sent un petit peu décalé par rapport au business. Donc moi en interne, ça m'a donné beaucoup plus d'assurance dans le fait de porter ça, voilà, tambour battant. Donc ça, ça a peut-être modifié les choses. Après, perso, qu'est-ce que ça a changé ? Peut-être une sorte d'émotion permanente, un peu supérieure, qui est, je pense, liée à une espèce de surconscience suite aux deux premières sessions CEC. Bon, je me suis pris la baffe qu'a pris tout le monde. Et de ce fait, moi qui pensais être déjà conscient, ça m'a donné un niveau supérieur, conscience de l'urgence, conscience que la technologie ne va pas nous changer, conscience que le sujet de notre business habituel, qui est toujours basé sur du volume, c'est ça qu'il faut changer. Et puis le sujet du vivant, au centre. De ce fait, ça m'a donné une conscience permanente et de ce fait, une émotion permanente qui jalonne un peu mon... quotidien. Et puis perso, j'avais une sorte d'écologie personnelle, mais un peu théorique. Un peu, je ne veux pas dire politique, mais théorique. Et je pense que là, ça a percuté mon quotidien au sens, la façon dont je vis. Je mange beaucoup moins de viande. J'ai honte de rouler en SUV, même s'il est hybride. Et donc, j'attends la fin de ma LLD pour pouvoir changer de bagnole. Mais sans blague, je le vis différemment. Et puis, j'ai réussi à embarquer ma compagne. Les enfants, c'est plus dur. Mes ados, c'est plus dur. Mais j'ai réussi à embarquer ma compagne dans le fait qu'on a besoin de moins de choses.

  • SG

    D'accord. Sobriété. Alors justement, c'est aussi, je pense qu'on prend conscience du récit. Qu'est-ce que tu pourrais dire à des dirigeants qui souhaitent se lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ? qu'est-ce que tu leur dirais s'il y avait quelques conseils peut-être ?

  • BL

    Alors je n'ai pas de conseils, enfin, je ne peux que recommander. Alors je ne sais pas comment va évoluer la CEC, forcément, c'est une dynamique qui est mouvante et qui s'enrichit petit à petit, qui s'affine, etc. je recommanderais à tous les dirigeants de faire la CEC en tout cas de suivre ce parcours et d'avoir ce sursaut de conscience qu'on a vécu Jean-Pierre et moi après en termes de conseils pour ceux qui veulent s'engager qui vont t'entendre et qui vont se dire bah tiens ça m'intéresse parce que je commence Je pense que la principale recommandation que je ferais, c'est d'y aller en s'ouvrant, en fait. En laissant de côté les opinions. Les dogmes, accepter de voir les... Parce qu'on a eu accès à plein de gens de haut niveau qui nous ont donné de la connaissance, mais aussi de la réflexion. Et donc, si on y va en étant ancré sur ces certitudes, ça ne marche pas. Donc, vraiment de l'ouverture. Et puis, peut-être du cœur, qui me semble être pareil dans le monde froid des affaires, le cœur, on en parle rarement. Mais pour moi, c'est déterminant.

  • SG

    Savoir penser autrement, pas différemment, c'est vrai que...

  • BL

    Penser autrement,

  • SG

    C'est pas simple. Justement, si tu avais trois mots pour caractériser un peu ta démarche vers l'économie régénérative, ça serait quoi ?

  • BL

    Allez, on va dire le cœur. Le cœur, oui. Le cœur, l'audace. L'audace, et puis... C'est un peu technique, mais c'est quelque chose, à mon avis, qui manque dans beaucoup de nos réflexions, c'est la systémie. La vision systémique. L'approche systémique, qui, pour moi, est au cœur du truc aussi.

  • SG

    Et si tu avais une baguette magique ? Si tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ?

  • BL

    Je peux dire... Je ne suis pas sûr de moi, mais comme ça... Peut-être, si j'avais une baguette magique, je mettrais les logiques de proximité au cœur du business. Je réduirais la taille des entreprises. Bon, ça va un peu avec. Et puis, peut-être que je rétablirais le troc. Parce que je me dis que le troc, finalement, quand on troque quelque chose... Si on est dans des logiques de limite, c'est-à-dire qu'on se limite, de ce fait, on troque ce dont on a vraiment besoin.

  • SG

    C'est assez marrant, puisque j'ai interviewé il y a très peu de temps pour la CEC Stéphanie Milton, de la société Staten, qui m'a dit la même chose. Tu vois ? Il y a des choses, mais vous n'êtes pas parlé. Et puis, pour terminer, puisqu'on sait bien qu'il y a un dirigeant, un entrepreneur, il est toujours confiant. Qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ?

  • BL

    Moi je trouve qu'on a la chance de contribuer à un changement de modèle. Moi si on arrive à ce que l'humanité réintègre le vivant non-humain au cœur de son... de son développement, de sa façon de fonctionner. Je suis très confiant. Et là où je suis confiant, c'est que je pense que l'économie régénérative, même si c'est un sujet compliqué, on va voir jusqu'où on arrive à aller, J'ai confiance dans le fait que finalement, quelque part, ça réenchante un peu l'entrepreneuriat. Voilà, je dirais ça.

  • SG

    Merci Benoît, en tout cas, c'était franc, c'était honnête, c'était enthousiaste. Ça fait du bien. Et je terminerai par une citation de Friedensreich Hundertwasser. Oui, bon, j'avoue que je ne suis pas simplifié la tâche. Artiste et poète autrichien qui a dit Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité. Encore merci et à bientôt.

  • BL

    Merci à toi.

Description

Ingénieur agronome de formation, Benoît Lambrey revient sur les engagements du groupe Cheval (Drôme), société à mission. Benoît évoque l’audace de la CEC, qui a su intégrer la visée régénérative au sein de la transformation des entreprises. La CEC a été pour le groupe un moyen d’aller encore plus loin, d’acter des décisions fortes dans un secteur (le BTP) où les impacts extractifs sont encore forts. Pour autant, Benoît évoque aussi l’une des problématiques rencontrées : l’embarquement des managers (Codir et G40) et in fine des collaborateurs.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • SG

    Bonjour, bienvenue sur Échos de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023 et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Et aujourd'hui, nous avons la chance de recevoir le directeur général d'une belle entreprise familiale et indépendante depuis trois générations, le groupe Cheval. Et ce dirigeant, c'est Benoît Lambrey, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Benoît, bonjour.

  • BL

    Bonjour.

  • SG

    Je te propose qu'on se tutoie.

  • BL

    Allez, je suis partant.

  • SG

    Sachant qu'on s'est recroisés, je dis bien recroisés parce qu'on s'est connus dans une vie il y a 25 ans, mais ça c'était avant. On s'est recroisés en décembre 2023 lors de la fameuse dernière session de la CEC à Autrans, où les participants des Alpes et du Bassin Lyonnais étaient rassemblés. Et c'est pourquoi je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui profiter de toi et profiter de cette discussion pour que tu nous en dises un peu plus sur ton engagement par rapport à l'économie dite régénérative.

  • BL

    Avec plaisir.

  • SG

    Alors ce que je te propose, c'est peut-être déjà de nous présenter le groupe Cheval.

  • BL

    Oui, alors je vais peut-être me présenter en deux mots. Je suis effectivement directeur général du groupe Cheval depuis deux ans. Je suis dans cette entreprise depuis finalement assez peu de temps. J'ai 54 ans, je suis un peu de la Bourgogne et un peu du Ch'nord, mais je suis lyonnais finalement depuis 1996. Je me sens aussi lyonnais. En tout cas, je me sens très rhônalpin. Je suis un peu surfeur. Je suis passionné de nature et de biologie. Ça a jalonné ma vie professionnelle et personnelle, passionné par le vivant, par le végétal. Je suis d'une famille de médecins. J'ai pris la tangente. Ma famille s'est toujours préoccupée de l'humain. Moi, j'ai pris la tangente et j'ai fait des études d'agronomie. Je suis ingé agronome. Fortement lié au végétal, notamment, mais au vivant en général. Voilà, et avant d'arriver au sein du groupe Cheval, j'ai passé un peu plus de 15 ans en tant que paysagiste dans une grosse entreprise de paysages, donc autour du végétal toujours et autour du vivant. Alors le groupe Cheval, c'est une entreprise familiale, tu l'as dit, qui a 75 ans, qui est drômoise au départ, qui est rhonalpine maintenant. C'est une belle entreprise, moi je suis content d'y être. Je les ai rejoints, j'ai rejoint cette boîte parce que c'est une société à mission surtout. Et puis parce que je pouvais y exercer une partie des métiers qui font partie de mon domaine d'expertise, donc le sujet du paysage, mais aussi le sujet du recyclage, parce que j'ai bossé une quinzaine d'années aussi dans le domaine du recyclage, et donc de la préservation de la ressource. Et il s'avère qu'en tant que directeur général, un des deux directeurs généraux du groupe, je m'occupe de cette famille de métiers au sein de cette boîte. Donc c'est une société à mission, elle est présidée par Jean-Pierre Cheval, avec lequel j'ai eu la chance de faire la CEC.

  • SG

    Ça m'intéresse justement votre duo un peu.

  • BL

    C'est un duo qui est vraiment chouette. Nous, c'est une histoire de rencontre. J'étais attiré par l'entreprise Cheval parce que c'est une société à mission et par l'exercice de ses métiers. Mais aussi la rencontre avec Jean-Pierre Cheval, avec la personne qui m'a vraiment donné envie de le rejoindre et de rejoindre l'aventure. On fait un duo où chacun est à sa place. Moi, je m'occupe d'une famille de métiers qui est plutôt à tendance régénérative, je pourrais en reparler tout à l'heure, mais voilà, il m'accueille aussi pour faire muter le groupe vers cette tendance régénérative, et le fait qu'on ait fait la CEC ensemble, ce n'est pas anodin, et ce n'est pas par hasard.

  • SG

    Justement, ma première question souvent, c'est quand est-ce que tu as entendu parler pour la première fois du mot régénératif ? Alors souvent, on me dit, en fait, on n'en avait jamais entendu parler avant la CEC, ce qui, j'ai l'impression, n'est pas de ton cas.

  • BL

    En fait, je ne l'employais pas comme ça, à la volée, en termes de visée, en termes de cap. Mais en fait, c'est toujours un terme qui m'a parlé. En tant qu'agronome, j'ai fait agro, mais avec une spécialisation en sciences et génie de l'environnement. Au moment où tous mes camarades s'orientaient plutôt vers l'industrie alimentaire, vers la protection des cultures, la mécanisation de l'agriculture, etc. Moi, j'ai choisi le génie de l'environnement parce qu'en fait, le sujet du vivant me passionne, et en fait le régénératif il est porté par le vivant avec un vrai talent notamment du végétal je suis complètement émerveillé quand un végétal se bouture par exemple, qu'il se régénère simplement parce qu'on en coupe un bout et on le plante dans le sol et il recrée une plante qui se duplique. J'ai toujours trouvé ça extraordinaire la régénération du sol, la capacité d'un milieu d'un écosystème de la nature à être résiliente et donc à se régénérer d'elle-même. Ça fait partie de mes tripes, en fait. Ça fait partie de ma culture d'agro, en fait.

  • SG

    Ok, alors toi, c'est quand même ton domaine. Donc finalement, j'allais dire, entre guillemets, c'est presque facile. Mais comment tu l'expliquerais finalement à un dirigeant d'une boîte d'informatique ou d'un autre domaine ? C'est quoi l'économie régénérative ?

  • BL

    En fait, c'est ça. Quand je parle de régénératif, moi, j'en parle par une vision métier. Par contre, je trouve ça assez audacieux de l'employer maintenant par rapport à l'activité économique, par rapport au monde de l'entreprise. C'est vrai que la doxa, c'est que l'activité économique, l'activité humaine au sens large, dans l'esprit de tout le monde, elle ne peut pas se faire sans être extractive. Et finalement, sans être au dépend du reste, de la planète, parfois des gens, en tout cas du vivant non humain. Et en fait, on a un peu un sentiment de surpuissance qui nous fait dire que notre activité, elle peut se faire au dépend de tout ça. Donc le fait de se dire, finalement, l'activité humaine, elle peut riper vers régénérer tout ça, donc au service, finalement, de la planète et de ce qui la compose, je trouve que c'est assez audacieux. Et pour le coup, moi, j'avais jamais employé, avant la CEC, j'avais jamais employé ce mot-là pour l'activité économique, même si j'ai toujours pensé que le mouvement, il devait venir de l'entreprise, en fait. Et la transformation de l'économie, il faut qu'elle soit portée par le monde économique pour embarquer tout le reste. Mais bon, de là à dire, on va vers de l'économie régénérative. Avant la CEC, ce n'est pas un mot que j'employais et je n'y avais pas pensé comme ça.

  • SG

    Bon, alors, justement, c'est quoi le déclic ? Qu'est-ce qui fait que vous faites la CEC avec Jean-Pierre Cheval ?

  • BL

    Je l'ai un peu dit quand je parle de société à mission.

  • SG

    C'était une évidence, c'est ça ?

  • BL

    Ce n'est pas vraiment une évidence, mais je reparlerai peut-être de la raison d'être en tant que société à mission, parce que la CEC va nous faire faire évoluer la raison d'être, je pense. Mais néanmoins, on nous a dit, nos parties prenantes, et la CEC est venue nous chercher, quelque part, métier du BTP, mais société à mission, première boîte de BTP à prendre le statut de société à mission en 2020 en France. En gros, on nous a dit qu'on ne pouvait pas ne pas y être. Et comme moi, ça a coïncidé avec mon arrivée dans l'entreprise, avec une vraie feuille de route autour de ces métiers qu'on veut exercer de façon un peu naturelle, à visée régénérative. De ce fait, c'était une évidence et une obligation d'y participer. Alors au départ, je devais y participer en tant que dirigeant et en embarquant mon chef de projet, directeur de projet sur tout ce qui est environnement, transition énergétique, etc. Et en fait, après réflexion, on s'est dit qu'il fallait qu'on... qu'on y mette de l'ambition, si on voulait avoir une chance de profiter de la CEC pour transformer notre boîte, et aller plus loin peut-être que ce qu'on a déjà engagé via la société à mission, il fallait que le président soit là. Jean-Pierre Cheval, c'est la troisième génération, c'est le petit-fils du fondateur, il est propriétaire de son entreprise, il donne le ton, il est emblématique dans la boîte. Donc finalement, j'ai proposé que je sois plutôt le planet champions et qu'il soit le dirigeant, le président qui participe à la CEC. C'était génial parce que moi, j'étais nouveau dans la boîte, même si on s'est plu à mon arrivée. En fait, finalement, on se connaissait encore peu. Et en fait, la CEC nous a vachement rapprochés. On a partagé un truc incroyable.

  • SG

    Et alors du coup, on peut déjà en parler. Pourquoi tu dis que ça fait évoluer parce que vous êtes à mission ? Donc, on peut se dire que vous n'avez pas besoin d'aller plus loin. Et tu dis que finalement, ça a fait repenser notre raison d'être.

  • BL

    En fait, notre raison d'être en tant que société à mission. Alors, c'est une entreprise, le groupe Cheval est une entreprise qui est très implantée, très ancrée sur les territoires. Et avec un ancrage, parce qu'il y a 75 ans, c'était une entreprise agricole. Donc, il y a un socle agricole, une sorte de bon sens paysan que revendique Jean-Pierre d'ailleurs, qui est vraiment dans les gènes. Et autour de ça, le développement des métiers s'est fait dans un objectif de service à la population. Donc, on exerce nos métiers. Alors nos métiers, je ne l'ai pas dit, mais en fait on assemble tous les métiers qui touchent à l'aménagement du territoire, des espaces extérieurs autour du bâtiment, avec une logique très circulaire. Et l'idée c'est de, quand on fait une route par exemple, ou quand on crée des réseaux d'assainissement, on l'exerce avec un objectif de service à la population, dans la vie courante. Et en fait, notre feuille de route CEC, le parcours que l'on a fait, nous fait dire qu'on est toujours au service de la population, mais vraisemblablement le service qu'on veut rendre à la population maintenant, c'est de reconnecter cette population au vivant, au vivant non-humain. Et donc, notre feuille de route, elle est vraiment axée là-dessus. C'est comment maintenant on exerce nos métiers qui sont les mêmes, mais on leur donne un sens un peu différent, un peu complémentaire, qui est de dire le vivant et ce qu'il compose en filigrane l'eau, le sol, la biodiversité, en fil rouge de l'exercice de nos métiers, et avec une finalité autour de ça, mais aussi sur notre façon d'exercer. Je prends l'exemple du paysage. Moi, j'ai découvert le monde du paysage il y a une petite vingtaine d'années. Quand j'y suis allé en tant qu'agronome, je pensais que le vivant était au cœur du paysage. Et en fait, non, c'est l'ornement qui est au cœur des métiers du paysage. Donc, on peut exercer le métier de paysagiste pour faire du beau. Mais je pense qu'on peut, enfin je pense, je suis sûr, et je le souhaite, exercer les métiers du paysage pour faire de l'utile, donc de la fonctionnalité, par rapport aux enjeux climatiques des villes, par exemple, de climatisation des villes, mais aussi avec le vivant au cœur de ce que notre métier peut apporter, remettre le végétal, remettre les équilibres des milieux, remettre le biotope au cœur de l'espace de vie des gens. Et donc, tous nos métiers maintenant, on le pense avec cette façon de faire qui se fait pour le vivant et avec le vivant, c'est-à-dire qu'en coopération avec le vivant.

  • SG

    Ça, c'est joli, c'est une belle histoire, tu me la racontes bien et tout.

  • BL

    On a envie de le faire.

  • SG

    C'est justement ma question suivante, parce que c'est ça la feuille de route, c'est comment je transforme mon modèle économique, parce qu'on se rend bien compte que ce n'est pas si simple que ça. C'est quoi finalement, qu'est-ce que vous envisagez, vous, sur la suite, les leviers, si tu as tout ça en tête ?

  • BL

    Les leviers, alors, on est un peu dans la... Il y a certains leviers qui ont été un peu, je ne vais pas dire traumatiques, mais difficiles à... à matérialiser, à acter. Il y a eu des trucs qui ont fait débat, mais de ce fait, ce qui est bien, c'est que comme ça a fait débat entre Jean-Pierre Cheval et moi, de ce fait, ils ont été quand même réfléchis. Je donne deux exemples. On maîtrise les métiers de travaux et d'aménagement. La moitié de notre bilan carbone... C'est le béton. On a des centrales à béton, on a des centrales à enrober, on a des carrières. On maîtrise nos matières premières, mais n'empêche qu'on a un impact extractif très fort pour approvisionner le métier. Notre deuxième levier de redirection, c'est de se dire je me passe du béton traditionnel et de l'enrobé traditionnel pour faire un métier. Donc aller chercher de l'innovation, aller chercher du matériau biosourcé, en tout cas oser se dire à terme. Ce n'est pas le cas maintenant parce qu'il faut quand même intégrer le fait que ça participe quand même d'une partie de notre business, de notre chiffre d'affaires et de la valeur de l'entreprise. Mais n'empêche qu'on l'écrit et on est en train de travailler là-dessus. Clairement, récemment, on fait des investissements tous les ans. Eh bien, notre feuille de route CEC nous a amené à renoncer à des investissements autour du béton, au profit d'investissements plutôt autour du recyclage, par exemple. Ça, c'est direct, c'est concret. On a fait un choix d'investissement qui est différent de celui qu'on aurait fait peut-être il y a deux ou trois ans. Donc voilà, c'est un exemple parmi d'autres. D'autres exemples, c'est le renoncement, où on ose écrire le fait qu'il y a certains métiers, certains travaux, certains chantiers qui sont par nature artificialisants. Aujourd'hui, on fait beaucoup de plateformes, par exemple pour le monde de l'entreprise, où on prélève sur... on prélève, le projet prélève sur l'espace naturel ou agricole. Demain, dans notre feuille de route, dans nos leviers, on se dit qu'il faut qu'on écrive une sorte de référentiel, une sorte de guide de go-no-go, pour se donner le droit, voire l'obligation, de se dire, ce chantier-là, non, je n'y vais pas. Je ne prends pas cette affaire, même si elle est grosse en volume et elle alimente notre chiffre d'affaires. Je ne prends pas cette affaire parce qu'elle est à l'encontre de ce qu'on veut faire autour du vivant. Donc, on le fait déjà, on fait des choix, mais aussi parce qu'on ne peut pas tout faire. Mais demain... L'idée, c'est d'être beaucoup plus drastique sur le choix de ce à quoi on veut, on accepte de contribuer ou pas.

  • SG

    Ça, c'est pareil, une question qu'on s'est beaucoup posée pendant la CEC. Moi, je me la suis posée aussi. C'est comment, finalement, on emmène tout notre écosystème ? Lorsqu'on sort de la CEC, on sort d'un vase clos et il va falloir porter la bonne parole, aussi bien dans son écosystème fournisseur, client, mais aussi chez ses collaborateurs. Vous avez fait comment, vous, pour emmener les deux ?

  • BL

    On emmène pour l'instant, on a du mal. D'ailleurs, ça fait partie de nos difficultés en cours de parcours. Alors moi, ma difficulté, ça a été plutôt de se dire, purée, une boîte de 1000 personnes avec ses socles métiers, est-ce que réellement on va être capable de la transformer ? La montagne est haute quand même. Les difficultés, je parle sous contrôle puisqu'il n'est pas là, mais en tout cas, on a pu en parler tous les deux. La difficulté de Jean-Pierre entre chaque session, ça a été, je le disais tout à l'heure, c'est une boîte qui est très ancrée, avec beaucoup de parties prenantes, on a l'habitude d'être en coopération avec les territoires et tous les gens qui nous entourent. Et en fait, à chaque fois qu'on en parle, et que Jean-Pierre en parlait à ses parties prenantes, à son entourage, le fossé est énorme, et donc un sentiment de solitude énorme. Donc ça, ça a vraiment fait partie de nos difficultés pendant le parcours, donc vraiment une difficulté d'embarquement. Moi, j'ai l'impression que ça bouge quand même. Après, on active des leviers. Un de nos leviers, on a cinq leviers de redirection. Un de nos, notre cinquième levier, c'est d'être plaidoyer pour l'économie régénérative, en tout cas pour un changement de modèle, qu'on a appelé nous l'éconologie. Comment concilier l'écologie et l'activité et l'économie ? Et de ce fait, on veut embarquer nos parties prenantes, on veut être le plaidoyer pour dire que c'est possible, et que ce n'est pas en opposition, et qu'on peut créer de la valeur sur la base de cette idée régénérative. On a démarré, par exemple, au niveau des achats, suite à la CEC, entre autres. Là, on est en train de revoir notre service achat. Je viens de recruter une nouvelle personne au niveau des achats qui, dans sa feuille de route, a la notion d'achat responsable, avec le sujet des circuits courts, avec le sujet de la transition énergétique, avec de l'énergie non fossile. Et donc, par ce biais-là... On va embarquer nos fournisseurs sur certains pans de la régénération. En fait, on a plein de petits leviers qu'on va activer petit à petit par l'évolution de l'organisation d'entreprise et puis les missions que l'on donne à nos différents directeurs de filiales et directeurs de services supports, par exemple.

  • SG

    Oui, vous passez à l'action aussi pour leur montrer que c'est possible.

  • BL

    Exactement. Et puis, on inclut ça dans notre façon de travailler. Alors après, il y a des parties prenantes qui sont... déterminantes à mon avis et qu'il va falloir embarquer, c'est nos clients. Nos clients et leurs prescripteurs. On a des métiers de travaux, donc entre nos clients, le maître d'ouvrage et nous, il y a souvent, voire toujours, ce qu'on appelle un maître d'œuvre, c'est-à-dire un prescripteur. Il faut absolument qu'on les embarque là-dedans. Et donc, moi, je pense que la meilleure façon de faire, c'est d'avoir des chantiers exemplaires, des chantiers témoins sur lesquels on arrive à produire du régénératif et qui va servir de modèle pour dire que c'est possible. Et pour donner le ton sur ceux qui prescrivent auprès des maîtres d'ouvrage, pour petit à petit changer les choses et changer les cahiers des charges. Nous, notre problème, c'est qu'on est souvent condamnés à respecter un cahier des charges. Donc il faut qu'on travaille en amont pour faire évoluer cette demande client.

  • SG

    Et du côté des collaborateurs, vous êtes une entreprise à mission, donc je pense qu'il y en a quand même beaucoup qui sont là aussi pour ça, des collaborateurs.

  • BL

    Oui, alors on a effectivement, dans le cadre de la société à mission, on a modifié la gouvernance et les strates d'embarquement. Par rapport à la société à mission, on a déjà un outil qui est intéressant. Pour être clair, on a un organe de direction stratégique, un organe de direction pour les affaires courantes, un COS, un comité stratégique, un CODIR, et ensuite on a ce qu'on appelle le G40 et le G150. Le G40, c'est nos dirigeants de services supports, nos dirigeants de filiales et d'activités, qui sont à une quarantaine avec le comité de direction, que l'on rassemble. Et ensuite, on a le G150 où on a tous les managers, les conducteurs de travaux, tous ceux qui sont en situation de management hiérarchique ou transversal. Ces organes existent déjà, donc on a le socle pour pouvoir embarquer petit à petit. On a loupé, je pense, l'embarquement permanent au niveau du Codir et du G40, donc la première strate de manager. On a présenté la feuille de route. Notre feuille de route est connue. Je ne pense pas qu'elle n'est, à mon avis, pas appropriée. Pour certaines activités, c'est très disruptif. Donc on a du boulot encore à faire avec ce G40. Je pense que si c'était à refaire, on aurait été beaucoup plus progressif entre chaque session pour petit à petit acculturer les managers principaux qui peuvent embarquer le reste. Donc ça, si c'était à refaire, on ferait différemment. Après, ce qu'on est en train de voir, là, il y a une mini-CEC qui va avoir lieu à l'automne. Donc on a quatre collaborateurs qui vont y participer. Je suis en train de voir avec les équipes de la CEC pour faire une mini-CEC au niveau du G40, au printemps prochain, en intra. Donc, il faut qu'on construise les deux jours pour ce G40, mais je pense que ça, ça va être déterminant pour ensuite embarquer le reste.

  • SG

    Une grosse partie de sensibilisation. Est-ce que pour toi, finalement, tu étais déjà là-dedans ? Est-ce que personnellement, ça t'a transformé la CEC ? Est-ce que ça a changé ton leadership ?

  • BL

    Mon leadership ? Alors, je vais dire oui et non. Je vais dire non parce que... Parce que ça ne l'a pas transformé en profondeur. Mais peut-être oui, parce que j'ai plus de plaisir, mais surtout aussi plus confiance. Quand je parle du vivant non humain, de la biodiversité, de l'écologie en général, des milieux, qui quand même dans le monde des affaires classiques, monde un peu froid des affaires, quand on parle des petits oiseaux ou des insectes, souvent on nous rionnait, et donc on se sent un petit peu décalé par rapport au business. Donc moi en interne, ça m'a donné beaucoup plus d'assurance dans le fait de porter ça, voilà, tambour battant. Donc ça, ça a peut-être modifié les choses. Après, perso, qu'est-ce que ça a changé ? Peut-être une sorte d'émotion permanente, un peu supérieure, qui est, je pense, liée à une espèce de surconscience suite aux deux premières sessions CEC. Bon, je me suis pris la baffe qu'a pris tout le monde. Et de ce fait, moi qui pensais être déjà conscient, ça m'a donné un niveau supérieur, conscience de l'urgence, conscience que la technologie ne va pas nous changer, conscience que le sujet de notre business habituel, qui est toujours basé sur du volume, c'est ça qu'il faut changer. Et puis le sujet du vivant, au centre. De ce fait, ça m'a donné une conscience permanente et de ce fait, une émotion permanente qui jalonne un peu mon... quotidien. Et puis perso, j'avais une sorte d'écologie personnelle, mais un peu théorique. Un peu, je ne veux pas dire politique, mais théorique. Et je pense que là, ça a percuté mon quotidien au sens, la façon dont je vis. Je mange beaucoup moins de viande. J'ai honte de rouler en SUV, même s'il est hybride. Et donc, j'attends la fin de ma LLD pour pouvoir changer de bagnole. Mais sans blague, je le vis différemment. Et puis, j'ai réussi à embarquer ma compagne. Les enfants, c'est plus dur. Mes ados, c'est plus dur. Mais j'ai réussi à embarquer ma compagne dans le fait qu'on a besoin de moins de choses.

  • SG

    D'accord. Sobriété. Alors justement, c'est aussi, je pense qu'on prend conscience du récit. Qu'est-ce que tu pourrais dire à des dirigeants qui souhaitent se lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ? qu'est-ce que tu leur dirais s'il y avait quelques conseils peut-être ?

  • BL

    Alors je n'ai pas de conseils, enfin, je ne peux que recommander. Alors je ne sais pas comment va évoluer la CEC, forcément, c'est une dynamique qui est mouvante et qui s'enrichit petit à petit, qui s'affine, etc. je recommanderais à tous les dirigeants de faire la CEC en tout cas de suivre ce parcours et d'avoir ce sursaut de conscience qu'on a vécu Jean-Pierre et moi après en termes de conseils pour ceux qui veulent s'engager qui vont t'entendre et qui vont se dire bah tiens ça m'intéresse parce que je commence Je pense que la principale recommandation que je ferais, c'est d'y aller en s'ouvrant, en fait. En laissant de côté les opinions. Les dogmes, accepter de voir les... Parce qu'on a eu accès à plein de gens de haut niveau qui nous ont donné de la connaissance, mais aussi de la réflexion. Et donc, si on y va en étant ancré sur ces certitudes, ça ne marche pas. Donc, vraiment de l'ouverture. Et puis, peut-être du cœur, qui me semble être pareil dans le monde froid des affaires, le cœur, on en parle rarement. Mais pour moi, c'est déterminant.

  • SG

    Savoir penser autrement, pas différemment, c'est vrai que...

  • BL

    Penser autrement,

  • SG

    C'est pas simple. Justement, si tu avais trois mots pour caractériser un peu ta démarche vers l'économie régénérative, ça serait quoi ?

  • BL

    Allez, on va dire le cœur. Le cœur, oui. Le cœur, l'audace. L'audace, et puis... C'est un peu technique, mais c'est quelque chose, à mon avis, qui manque dans beaucoup de nos réflexions, c'est la systémie. La vision systémique. L'approche systémique, qui, pour moi, est au cœur du truc aussi.

  • SG

    Et si tu avais une baguette magique ? Si tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ?

  • BL

    Je peux dire... Je ne suis pas sûr de moi, mais comme ça... Peut-être, si j'avais une baguette magique, je mettrais les logiques de proximité au cœur du business. Je réduirais la taille des entreprises. Bon, ça va un peu avec. Et puis, peut-être que je rétablirais le troc. Parce que je me dis que le troc, finalement, quand on troque quelque chose... Si on est dans des logiques de limite, c'est-à-dire qu'on se limite, de ce fait, on troque ce dont on a vraiment besoin.

  • SG

    C'est assez marrant, puisque j'ai interviewé il y a très peu de temps pour la CEC Stéphanie Milton, de la société Staten, qui m'a dit la même chose. Tu vois ? Il y a des choses, mais vous n'êtes pas parlé. Et puis, pour terminer, puisqu'on sait bien qu'il y a un dirigeant, un entrepreneur, il est toujours confiant. Qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ?

  • BL

    Moi je trouve qu'on a la chance de contribuer à un changement de modèle. Moi si on arrive à ce que l'humanité réintègre le vivant non-humain au cœur de son... de son développement, de sa façon de fonctionner. Je suis très confiant. Et là où je suis confiant, c'est que je pense que l'économie régénérative, même si c'est un sujet compliqué, on va voir jusqu'où on arrive à aller, J'ai confiance dans le fait que finalement, quelque part, ça réenchante un peu l'entrepreneuriat. Voilà, je dirais ça.

  • SG

    Merci Benoît, en tout cas, c'était franc, c'était honnête, c'était enthousiaste. Ça fait du bien. Et je terminerai par une citation de Friedensreich Hundertwasser. Oui, bon, j'avoue que je ne suis pas simplifié la tâche. Artiste et poète autrichien qui a dit Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve. Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle réalité. Encore merci et à bientôt.

  • BL

    Merci à toi.

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