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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

#06 - Patrick Giraudon - ARVA Equipment

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25min |28/10/2024|

69

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ECHOS de territoires, le podcast du cap régénératif dans les territoires

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Description

Prédestiné aux métiers de la montagne, Patrick Giraudon a repris l’entreprise familiale jeune. Entrepreneur multi-casquette, Patrick Giraudon revient sur son parcours CEC et sa prise de conscience de l’urgence à agir, alors même que l’entreprise avait déjà fait un pas sur les sujets environnementaux. Patrick explique les 3 grands leviers de sa feuille de route : diminuer l’impact de l’entreprise, par exemple en développant la location et les activités de services pour in fine moins extraire ; devenir labellisé BeCorp ; créer une fondation avec laquelle financer des projets régénératifs. Patrick évoque son engagement personnel (malgré les peurs) et son utopie : que la planète devienne un partenaire de nos structures économiques.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumne de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Alors aujourd'hui, on est au téléphone, mais nous avons la chance de partager le témoignage du dirigeant d'une belle entreprise familiale qui est établie au cœur des Alpes, la société... Arva, un nom très connu d'ailleurs aujourd'hui, Arva, et ce dirigeant c'est Patrick Giraudon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Patrick, bonjour.

  • #PG

    Oui, bonjour Stéphane.

  • #SG

    Je te propose qu'on se tutoie, alors je ne suis pas sûr qu'on se soit aperçu le soir sur le dancefloor peut-être quand on était à Autrans. En tous les cas, moi en préparant cet entretien, j'ai évidemment parcouru les engagements de votre feuille de route et j'avoue que dès l'introduction, ça m'a mis l'eau à la bouche. En fait, si je cite quelques lignes : fini la procrastination, le sursaut, c'est le mot juste pour décrire l'état d'esprit après les deux dernières premières sessions. Une fois qu'on explore le sujet, comment, et de la méthode, c'est là que le sport commence. Se serrer les coudes quand on peine à trouver les solutions qui tendraient à atteindre le Saint-Graal. Bref, on est déjà dans le récit. Dès le début de votre feuille de route, on est déjà dans l'aventure. Donc, avant de rentrer dans le détail, j'ai quand même envie que tu nous parles d'Arva et puis tu nous parles de toi.

  • #PG

    Écoute Stéphane, Arva, on vient de fêter les 40 ans de la société. Arva, au-delà du nom : Appareil de Recherche Victime d'Avalanche, c'est une marque que j'ai créée il y a 20 ans, enfin il y a une quinzaine d'années plutôt, quand j'ai repris l'entreprise de mes parents, j'ai repris l'entreprise il y a à peu près 20 ans. Et il y a 15 ans, on a eu l'idée de déposer cette marque pour la vendre un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, c'est un marché de niche, on est une société familiale, on est à peu près 45 personnes, mais on a des produits très spécifiques, on fabrique en France pour la grande majorité de nos produits. Les DVA, par exemple, détecteurs de victimes d'avalanches, sont développés à Annecy-Grenoble, injectés dans le Jura et assemblés dans les Vosges. Notre sac airbag est fabriqué dans la vallée de l'Arve pour le système de percussion. Le tissu d'airbag est tissé à Lyon. Les assemblages sont faits autour d'Annecy dans des ateliers protégés. Ça, c'est notre premier métier. Et notre deuxième métier, c'est qu'on est importateur et distributeur de marques été et hiver qu'on va vendre auprès des magasins de sport. Donc vous, passionnés du milieu du sport, vous allez aller chercher vos produits, n'importe quoi, Vieux Campeur, Décathlon, Intersport, des sites en ligne, etc. C'est nous qui leur vendons les marques. On a une quinzaine de marques qui sont liées à cette activité.

  • #SG

    Moi, je suis assez admiratif. C'est-à-dire qu'Arva, c'est un peu comme Frigidaire. C'est devenu un nom courant.

  • #PG

    Alors, c'est vrai en France. En France, aujourd'hui, Arva... les leaders sur le marché français. On n'est pas le leader mondial, on est sur le podium mondial, parce que j'ai quatre concurrents qui sont très forts, qui appartiennent à des groupes. Par contre, on est le dernier gaulois, c'est-à-dire on est la dernière société indépendante, familiale. Mais j'ai des concurrents dans le monde. Tous les appareils sont bien sûr compatibles entre eux. Et Arva, effectivement, en France, c'est la référence.

  • #SG

    D'accord. Et alors, ça nous intéresse, moi ça m'intéresse la famille, parce qu'entreprise familiale, alors tu es bien dans le "je pense, global, mais finalement, je suis local". Tu étais prédestiné, toi, à reprendre l'entreprise ?

  • #PG

    Oui, on était trois frères. On a tous les trois des profils très différents. Mais j'étais celui qui a fait les premiers salons quand j'étais gamin. J'avais 12-15 ans, je faisais les premiers salons, je me baladais sur les stands. Et j'adorais le milieu du sport. J'ai une mère qui était vice-champion du monde universitaire de ski. J'ai un grand-père qui était moniteur de ski, qui a la médaille numéro 57. Aujourd'hui, on est à 17 000, pour vous donner une idée. Donc oui, j'étais prédestiné peut-être un peu plus que les deux autres frères à reprendre l'entreprise familiale dans les années 2000.

  • #SG

    D'accord. Tu as eu une vie peut-être professionnelle avant, avant d'arriver dans l'entreprise ?

  • #PG

    J'ai eu une vie professionnelle assez courte en termes d'expérience parce que j'avais perdu ma mère en 1994.

  • #SG

    D'accord.

  • #PG

    Donc, mon père a continué la boîte jusqu'en 2000. En 2000, la société était très mal en point. Moi, j'avais une vingtaine d'années. J'étais en train de finir mes études et je continuais un bac + 5 en alternance à l'ESA à Grenoble. Mon père m'a dit, j'ai des problèmes de santé, soit tu rentres, soit malheureusement, je la vends ou je dépose le bilan, parce que la société va plutôt mal. Et du coup, je suis un peu arrivé en urgence. J'avais 20 ans. J'en ai pris plein la gueule pendant quelques années. Vous imaginez bien ,pour redresser d'entreprise. Mais c'était génial. C'était une expérience incroyable. Ça m'a appris des millions de choses. Ça m'a fait faire des millions de choses. Et du coup, je suis rentré dans l'entreprise très jeune. Donc, j'avais travaillé dans le bois avant, pendant trois mois, un stage d'été. Mais je n'avais pas fait des dizaines d'entreprises et d'expériences. Par contre, après, j'ai voyagé rapidement un peu partout dans le monde parce qu'on fabriquait à droite à gauche. J'ai dû rapidement me mettre les mains dans le camboui, comme dirait l'autre.

  • #SG

    C'est ça, tu t'es jeté dans la piscine sans savoir nager, mais tu as appris.

  • #PG

    Exactement. Et puis après, aujourd'hui, j'ai 45 ans. Beaucoup de choses en 25 ans. Président de cluster pendant 6 ans, le cluster OSV, le plus grand cluster national qui regroupe toute la filière sport. Je suis membre de l'APM, l'association du progrès du management. Je suis investisseur dans les startups où je donne un peu de mon temps. Je suis à des conseils d'administration. J'essaie d'être varié dans mes plaisirs.

  • #SG

    L'hyperactif, l'entrepreneur, tout simplement.

  • #PG

    L'entrepreneur, ça n'arrête jamais. Quand on est entrepreneur, on décide d'être très actif.

  • #SG

    Donc toi, la résilience, forcément, tu connais. La robustesse, tu connais. Alors là, c'était le plus simple finalement, ce que tu nous as dit. Maintenant, on va rentrer dans l'ascension plus compliquée du podcast. Tu vas nous parler du fameux régénératif et on va déjà... Je vais déjà te demander quand est-ce que tu en as entendu pour la première fois, qu'est-ce que tu en as pensé du régénératif ?

  • #PG

    La première fois que j'ai entendu parler, c'est les premiers pas dans la CEC, parce qu'au début, c'est quelqu'un de l'industrie qui m'a appelé, qui m'a dit Patrick, il faut absolument que tu participes, je venais de sortir de la présidence du cluster OSV, on a regroupé 500 membres, et les derniers mots de ma dernière AG, c'était de dire demain quand même, ce sera difficile, ce sera différent, il faudra que vous trouviez des moyens de… d'avoir des sociétés plus résilientes qui vont faire face aux défis écologiques de l'avenir. Et du coup, c'était Laure Jarlaud, à l'époque de Rossignol, qui avait fait la première CEC à Paris, qui m'a appelé et qui m'a dit Écoute, il faut absolument que tu participes à la CEC. Je viens de faire une expérience incroyable pendant un an avec M. Wotters, le PDG du groupe. J'ai appelé Julien de Picture également. Il faut que vous veniez à la CEC tous les deux. Vous allez apprendre plein de choses. vous allez apprendre ce que c'est que le régénératif. Et c'est comme ça que j'ai mis le premier pas dans la CEC.

  • #SG

    Toi, tu avais déjà quand même des convictions et un engagement environnemental avant de participer à la CEC ?

  • #PG

    Bien sûr, j'avais déjà ça. Maintenant, je n'avais pas conscience de l'urgence. On avait déjà, bien sûr, une conscience environnementale forte. On faisait déjà des produits co-conçus. On fabriquait déjà en France. On faisait attention à nos matières. On avait déjà fait notre premier bilan carbone il y a cinq ans. On était en passe de... diminuer, on compensait notre carbone, on pensait que c'était une bonne idée à l'époque. Donc on avait déjà un pas dedans. On n'était pas ni Picture, entre guillemets, ni Patagonia, qui sont un peu les références de l'industrie, mais on était en tant qu'industriel sensible au sujet.

  • #SG

    D'accord, alors du coup, on a fait ce parcours, on va parler de la feuille de route, mais alors si je te demandais une définition de l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • #PG

    Pour moi, l'économie régénérative, c'est une économie qui crée plus de positifs pour la planète que de négatif. Aujourd'hui, on sait que n'importe quel système économique de fabrication industrielle, voire de certains services, détruit la planète, détruit de la biodiversité, extrait des matières, quoi qu'on fasse. Même si on fait demain des matières... on va dire qui sont des matières moins polluantes, des matières avec des faibles émissions de carbone, etc. Quoi qu'il en soit, le fait d'extraire des matières crée en fait des difficultés pour notre avenir, pour la régénération des matières premières. Donc aujourd'hui, l'économie régénérative, pour moi, c'est de trouver un modèle économique qui crée un bilan positif plutôt que négatif. Ce qui est extrêmement difficile, ne nous le cachons pas.

  • #SG

    Pas simple.

  • #PG

    Non, c'est extrêmement difficile parce que, c'est ce que je disais, même si tu fais des produits où tu diminues ton empreinte carbone au maximum, qu'ils utilisent des matières recyclées, etc., le seul fait d'utiliser des matières, le seul fait de produire, même si c'est une production entre guillemets propre, extrait, produit, pollue. Du coup, aujourd'hui, à part des exemples, je me souviens d'un exemple de la CEC, je ne me souviens plus exactement du nom de la société, mais c'était des personnes qui fabriquaient, qui avaient des arbres à thé, et qui régénéraient, qui arrivaient à ressourcer et à régénérer leur terrain et à utiliser les matières premières dans d'autres applications pour du chauffage, etc. Et ça faisait que c'était plus, il y avait un net zéro qui était déjà acquis, voire du positif pour la régénération du terrain. C'est extrêmement rare. C'est extrêmement rare. Aujourd'hui, on n'a pas trouvé la martingale.

  • #SG

    Alors justement,

  • #PG

    on la recherche.

  • #SG

    Vous, pendant huit mois, vous avez fait marcher votre cerveau, vous avez fait du jus de crâne comme tout le monde. Vous vous êtes posés des questions. Vous avez donc rédigé une feuille de route. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de cette feuille de route avec les leviers ?

  • #PG

    Oui, bien sûr. Les trois grands axes de la feuille de route qu'on a dessiné avec mon Planet Champion qui est Hugo, qui est le team leader de développeurs de la Team Arba. Les trois grands axes, le premier grand axe, c'est le plus évident. On va dire, c'est de continuer à diminuer notre impact carbone, augmenter notre pourcentage de matières recyclées dans tous les produits qu'on fabrique, diminuer l'impact de nos produits, développer la seconde main, développer la location et développer toutes les activités de service qui nous permettent de moins produire ou de ne pas produire autant qu'avant, pour moins extraire. Parce que toute activité, encore une fois, de fabrication, c'est de l'extraction. Et c'est de la destruction. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point de la feuille de route, c'est aujourd'hui, moi, je voulais un symbole pour la société. Parce qu'aujourd'hui, les gens nous voyaient revenir de la CEC, le moral dans les chaussettes après l'année, enfin, la session 1 et 2. Moi, je voulais limite vendre la boîte tellement j'avais honte de ce qu'on faisait. Les équipes autour, on est 45 personnes, avaient du mal à nous comprendre. Donc aujourd'hui, pour embarquer les gens, on a commencé à faire des séminaires, on a commencé bien sûr à faire des fraises du climat, à mieux leur expliquer, etc. Et après, je voulais un symbole et quelque chose que l'entreprise suive. Et du coup, le meilleur symbole qu'on ait trouvé, et qui soit un peu connu dans notre industrie, c'est Becorp. Donc on a décidé de s'engager sur le chemin Becorp. C'est 180 critères autour de, bien sûr, l'environnement, mais pas que, des zones de l'inclusion, du management, etc., de la transparence, de la relation aux autres. Et il y a 180 questions auxquelles il faut répondre. Il faut un minimum de 90 en termes de score. L'avantage, c'est qu'on va soumettre notre dossier à la fin d'année, tout début d'année 2025. L'avantage, c'est qu'on fixe un état des lieux et après, chaque année, on doit améliorer ce score. Pour moi, c'est un label, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est une direction d'entreprise et c'est surtout un symbole pour que toutes les équipes prennent conscience que c'est la direction dans laquelle on veut aller. Et enfin, le troisième levier de la feuille de route, c'est une fondation. Je reste convaincu de l'économie. Je ne suis pas un idéologiste, je suis dans le conflit. Je sais qu'aujourd'hui, l'écologie, ça coûte cher, qu'aujourd'hui, il faut des moyens pour financer des projets, il faut des moyens pour faire des R&D, il faut des moyens pour diminuer notre impact de demain. Sans moyens, malheureusement, on ne fait rien. Ça reste à l'idée de concept ou d'idée ou d'idéologie, mais ce n'est pas dans la réalité d'une entreprise. Aujourd'hui, mon idée, c'était de dire que... Aujourd'hui, on donne bien un intéressement fort à nos salariés quand l'entreprise marche bien. Du coup, je voulais créer une sorte d'intéressement climat. Et du coup, le meilleur moyen, c'était de créer une fondation sur laquelle on va venir abonder chaque année une partie des résultats de la structure pour financer des projets régénératifs. Donc des projets de biodiversité, des projets de régénération, des projets... On va essayer de trouver les meilleurs projets d'impact. L'idée aussi, c'est d'inclure nos salariés, parce que dans le conseil d'administration, il y aura... six salariés, dont moi, et trois personnes extérieures. Il y a neuf voix. Et l'idée, c'est de les faire participer à la sélection des projets et, avec un conseil d'administration, de voter les allocations de ressources qu'on va mettre en place. Donc ça, c'est le troisième volet de notre feuille de route.

  • #SG

    Et dans la suite, j'ai vu la mise en... la collaboration avec votre écosystème, qui est aussi fort. Tu as parlé de Picture tout à l'heure, tu as parlé de l'ESF. Vous avez aussi un...

  • #PG

    Exactement. L'idée aujourd'hui, c'est que notre activité, tu vois, à l'époque, on pensait que c'était une bonne idée d'acheter des crédits carbone, entre guillemets, c'est un peu du droit à polluer quelque part. On a l'impression de faire une bonne action en compensant nos émissions carbone. On émettait à peu près 1100 tonnes équivalent carbone pour ARVA. On achetait à Carbone Neutral, c'est une société allemande qui gère des projets carbone pour beaucoup de personnes dans l'industrie. On achetait nos crédits carbone à cette société, on leur donnait 30 ou 40 000 euros par an. On pensait que c'était une bonne idée. Aujourd'hui, on va rediriger ça à faire notre fondation et on va essayer d'investir dans tout notre écosystème autour de nous, sur des projets qu'on puisse vraiment gérer, mesurer, regarder, estimer, pour ne pas participer à un barrage hydraulique au fin fond de l'Inde, mais essayer de participer à des projets locaux, puissants, et puis surtout sur lesquels on arrive à estimer leur impact.

  • #SG

    D'accord. Et si, alors ce n'est pas simple dans une PME de se placer à 10 ans, mais si on se plaçait à 10 ans, ce serait quoi finalement le signe le plus tangible de la réussite de ta démarche régénérative ? Pas simple.

  • #PG

    Question compliquée. C'est qu'aujourd'hui, on ait inspiré, on ait inspiré beaucoup de gens autour de nous, que ce soit des industriels, que ce soit les marques qu'on distribue nous. Et qu'aujourd'hui, je dirais que la vraie direction de l'entreprise, ce soit People, Planète, Profit, c'est-à-dire qu'il y a une partie de nos ressources financières qui aille aux personnes qui nous accompagnent, une partie qui aille à la planète et une partie aux actionnaires. Et du coup, aujourd'hui... que tout le monde soit inspiré par ça, en se disant que la planète devient un vrai actionnaire important de nos structures économiques.

  • #SG

    D'où l'important d'emmener tout le monde à l'aventure, que ce soit toutes les parties prenantes, dont les collaborateurs, ce qui n'est pas forcément toujours plus simple.

  • #PG

    Je dirais qu'aujourd'hui, les collaborateurs, c'est comme tout le monde. Il y a des personnes qui sont très sensibles au sujet, il y a des personnes qui sont sensibles, il y a des personnes qui sont relativement neutres par rapport à ça. On n'a pas de climato-sceptique, je crois, chez nous. Les gens sont quand même sensibles au sujet globalement. Mais aujourd'hui, je dirais que le plus compliqué, c'est un peu la théorie du basculement, c'est que toutes les entreprises et tous les dirigeants en prennent conscience. Et aujourd'hui, moi, je suis dirigeant propriétaire de ma société, actionnaire à 100%. J'ai les mains libres pour prendre quelques décisions que je veux à l'instant T, les appliquer demain matin. Quand on est dirigeant de sa société, mais qu'on est accompagné de fonds, de fonds de pension, de fonds de différents actionnaires, etc., il faut essayer d'aligner tout le monde. Parce qu'il ne faut pas oublier que tout ça coûte de l'argent. Et que si on décide d'investir une partie de nos résultats pour la planète, on va diminuer la rentabilité économique de la société au profit des actionnaires. C'est une décision d'entreprise et d'entrepreneur. ( j'allais le dire.) Et du coup, il faut convaincre. ses actionnaires ou ses associés que c'est la chose la plus juste à faire. C'est la chose juste à faire pour l'avenir de la planète.

  • #SG

    C'est vraiment un engagement personnel du dirigeant. Donc, on voit bien que quand ça ne part pas de la tête, déjà, ça ne peut pas marcher. Alors toi, est-ce que la CEC, finalement, cette aventure-là, t'as changé des choses personnellement ? Est-ce que dans ton leadership ?

  • #PG

    Moi, elle m'a effrayé. Honnêtement, le sursaut du début, ça m'a terrifié. J'ai des enfants en bas âge de 5 et 7 ans. Je ne vais pas le cacher, ces dernières années, ça a bien fonctionné pour moi. La boîte va bien, mais ça m'a terrifié en me disant en fait, tu ne vas vraiment pas assez loin dans tes démarches. Je ne suis pas un écologiste radical, on va dire. Ça m'a poussé à m'engager plus et à dire demain, je veux en faire une des missions de mon entreprise, mon entreprise au début, la mission principale, c'était de sauver la vie des gens. Il faut quand même être clair, on a des témoignages réguliers que nos produits sauvent la vie des gens. Demain, la deuxième mission, ça va être que le système économique serve à régénérer et à sauver une partie de ce qu'on détruit. Je voudrais que mes enfants se disent : mon père n'a pas seulement réussi dans les affaires, mais il a réussi à faire une entreprise équilibrée, il a réussi à... à inspirer des gens, à inspirer des équipes, pour qu'on ne pense pas qu'à la fin du mois, et au résultat économique de son entreprise. Donc ça m'a quand même réveillé. J'avais des connaissances très générales avant, comme tout le monde, ce qu'on entend, un peu de lecture, etc. La CEC m'a permis vraiment d'augmenter mon niveau de culture sur la biodiversité, l'eau douce, les océans, l'énergie, etc. Et du coup, quand on a plus de connaissances, c'est à la fois effrayant, parce qu'on se dit que c'est urgent d'agir, mais c'est à la fois un devoir d'agir et de se bouger pour que ça avance. Voilà ce que ça m'a apporté.

  • #SG

    Ça fait plaisir d'entendre un dirigeant de PME qui est pragmatique, mais qui a une vraie vision. Justement, puisque l'idée du podcast aussi, c'est d'inspirer les autres en se disant finalement, si lui le fait, peut-être que moi, je pourrais le faire aussi. Qu'est-ce que tu pourrais donner comme conseil à un dirigeant qui souhaite lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ?

  • #PG

    Je dirais que la première chose, et je pense que la CEC est bien faite pour ça au début, c'est la prise de conscience. J'ai des copains qui n'ont pas fait la CEC, qui n'ont pas d'entreprise, mais ils sont surpris. Ils m'ont dit, tiens, on a écouté The Week, c'est un film qui fait trois fois deux heures, je crois. On l'a écouté entre potes trois soirs de suite pour se le découper. Et ça nous a secoué, ça nous a vraiment réveillé sur ce qui se passe aujourd'hui. On voit que l'écologie n'est pas du tout un sujet prioritaire pour nos politiques. Aujourd'hui, le fait que la population s'advienne prioritaire pour eux, sera peut-être prioritaire demain pour des élections. Du coup, je ne peux que dire à quelqu'un, si tu veux t'engager, déjà, rends-toi compte de ce qui se passe. Et pour se rendre compte de ce qui se passe, il faut un électrochoc. Il faut, je ne sais pas, je ne fais pas la pub de The Week, mais ça peut être une idée. Ça peut être. Vraiment un électrochoc pour se rendre compte de la situation dans laquelle on est. Parce que quand on n'est pas sensibilisé à ça... On a une connaissance générale, on se dit oui, c'est grave, il faut quand même faire quelque chose, il faut faire attention. Mais ce n'est pas seulement les micro-gestes au quotidien, en fait. Il faut aller plus loin que ça.

  • #SG

    Tout à fait, c'est vrai que le déclic est important. Moi, tu vois, pour mon expérience personnelle, c'est le film Demain qui m'a fait tilt, parce que certes, on prend conscience, mais après, derrière, on se dit que finalement, on peut aussi avoir un récit joyeux et enthousiaste, et qu'il existe des solutions. Parce qu'il faut aussi emmener les gens vers quelque chose, je dirais, positif.

  • #PG

    Exactement, et aujourd'hui, je veux dire... C'est dans la réalisation qu'on trouve notre salut. Parce qu'il faut arrêter peut-être de procrastiner, et puis d'attendre, et puis de réfléchir, et de dire qu'est-ce qu'on peut faire, mais on ne peut pas y faire grand-chose, ou les choses que j'entends. Ah bah oui, mais nous, la France, c'est que 1%, 2% de la population mondiale. C'est pas moi, c'est les Chinois, la théorie du prisonnier. Aujourd'hui, si ça devient un soulèvement de tout le monde, au bout d'un moment, ça va bouger.

  • #SG

    Attention, soulèvement, tu fais du... C'est limite. politiquement incorrect. C'est un dirigeant qui parle, heureusement.

  • #PG

    Non, mais je pense que plus il y a de gens inspirés, plus il y a de gens dans la boucle, plus demain on sera obligé de bouger en masse. Voilà, c'est cette fameuse théorie du basculement.

  • #SG

    C'est ça, voilà, toujours aller vers la bascule. Alors, on a presque fini ce podcast. Je vais te poser des questions les plus compliquées, finalement. Est-ce que déjà tu as un point que tu pourrais rajouter, quelque chose que tu n'as pas dit, que tu as en tête, comme ça ?

  • #PG

    Je dirais que si vous pouvez avoir accès à des fois des intervenants de la CEC, alors il y en a qui m'ont fait peur, il y en a qui m'ont un peu rebuté parce que c'était trop.

  • #SG

    Petit message à Arthur Keller, j'imagine, c'est ça ?

  • #PG

    Je ne vais pas te citer de nom, je pense que chacun dépendra de sa sensibilité. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le niveau de connaissance inspire beaucoup pour la suite et son niveau d'engagement pour la suite. Et du coup, je ne peux que vous pousser à écouter des spécialistes mondiaux à droite à gauche et de vous documenter pour vous faire votre propre opinion. Je ne peux que pousser à ça.

  • #SG

    Alors si tu avais trois mots pour caractériser la démarche vers l'économie régénérative ?

  • #PG

    Repenser, régénérer, mais c'est l'économie régénérative par définition. Repenser... J'aurais dû la préparer.

  • #SG

    Oui, mais je t'avais envoyé les choses, il fallait les préparer. Je te prends pour un pro.

  • #PG

    Repenser, régénérer...

  • #SG

    Bon, elle est très belle. Elle va dire que c'est bon, tu as juste, c'est bon, tu marques des points. Et alors, avant-dernière question un peu compliquée, si tu avais une baguette magique pour changer les règles du jeu économique, tu changerais quoi ?

  • #PG

    Je dirais que si j'avais une règle, si j'avais une baguette magique, c'est qu'on puisse fabriquer des choses qu'on puisse... Sans extraire, c'est-à-dire qu'on puisse fabriquer, qu'on puisse continuer à être une société, une économie de marché, puisque ça reste quand même ça aujourd'hui qui alimente un système économique. Mais, entre guillemets, qu'on ne puisse pas extraire plus que ce qu'on est capable de régénérer ou de faire. Ça, ce serait super. C'est-à-dire qu'on puisse recycler, refabriquer, réutiliser et qu'on ne soit pas obligé d'extraire en permanence de plus en plus profond, de plus en plus loin, pour fabriquer des produits neufs et qu'on soit capable de régénérer, et regénérer des matières premières à l'infini pour pouvoir fabriquer des produits neufs. Ça, ce serait super.

  • #SG

    Super. Et dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ? On sent, comme tous les dirigeants, que tu es quand même très confiant, puisque tu es un entrepreneur. Tu maîtrises, même si tu es robuste, tu es résilient, mais tu maîtrises ta vie, entre guillemets. Donc, qu'est-ce qui te rend confiant, toi, dans l'avenir ?

  • #PG

    Ce qui me rend confiant, c'est que j'ai l'impression que le sujet est de moins en moins un sujet, je veux dire tabou. C'est de plus en plus un sujet de conscience collective. Et que de plus en plus, les gens disent tiens, ça déconne, je ne vais pas prendre l'avion trois fois par an ou là, tiens, je vais faire des vacances plus proches ou Tiens, je vais arrêter de vouloir aller changer mon dernier iPhone ou je ne sais quoi, ma dernière tablette, celui-là va très bien. Tiens, je vais faire réparer plutôt qu'acheter neuf. Tiens, je n'ai pas réellement besoin de ça. Tiens, le textile vintage explose. Les gens se rendent compte que pour les enfants, pour tout le monde, acheter des produits neufs en permanence n'a pas vraiment de sens par rapport à l'usage. Ce qui me donne espoir aussi, tu vois, petit exemple, j'ai des enfants en bas âge, souvent les week-ends, ils ont des anniversaires les uns avec les autres. Et l'autre jour, dans les parents, il y a un des parents qui a dit sur le groupe qui était invité, n'hésitez pas à amener un cadeau de seconde main. Ça, ça me donne de l'espoir. Parce que je me dis, c'est plus du tout un tabou, en fait.

  • #SG

    C'est vrai. Et quand ça vient de la bouche d'un dirigeant comme toi, c'est encore plus réaliste, je trouve. Donc, en tous les cas, merci Patrick, parce que c'était, comme toujours, direct, c'était franc. Et je vais terminer par une citation. Alors, j'ai grappillé sur le web, je ne me souviens même pas de l'auteur. Il est même inconnu. À défaut de pouvoir déplacer des montagnes, essayons au moins de faire bouger les lignes. Je pense que ça collait bien avec tout ce que tu nous as dit. Alors, encore merci Patrick. Et puis, à bientôt.

  • #PG

    Avec plaisir, merci beaucoup et puis bon engagement à tous.

Description

Prédestiné aux métiers de la montagne, Patrick Giraudon a repris l’entreprise familiale jeune. Entrepreneur multi-casquette, Patrick Giraudon revient sur son parcours CEC et sa prise de conscience de l’urgence à agir, alors même que l’entreprise avait déjà fait un pas sur les sujets environnementaux. Patrick explique les 3 grands leviers de sa feuille de route : diminuer l’impact de l’entreprise, par exemple en développant la location et les activités de services pour in fine moins extraire ; devenir labellisé BeCorp ; créer une fondation avec laquelle financer des projets régénératifs. Patrick évoque son engagement personnel (malgré les peurs) et son utopie : que la planète devienne un partenaire de nos structures économiques.


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Transcription

  • #SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumne de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Alors aujourd'hui, on est au téléphone, mais nous avons la chance de partager le témoignage du dirigeant d'une belle entreprise familiale qui est établie au cœur des Alpes, la société... Arva, un nom très connu d'ailleurs aujourd'hui, Arva, et ce dirigeant c'est Patrick Giraudon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Patrick, bonjour.

  • #PG

    Oui, bonjour Stéphane.

  • #SG

    Je te propose qu'on se tutoie, alors je ne suis pas sûr qu'on se soit aperçu le soir sur le dancefloor peut-être quand on était à Autrans. En tous les cas, moi en préparant cet entretien, j'ai évidemment parcouru les engagements de votre feuille de route et j'avoue que dès l'introduction, ça m'a mis l'eau à la bouche. En fait, si je cite quelques lignes : fini la procrastination, le sursaut, c'est le mot juste pour décrire l'état d'esprit après les deux dernières premières sessions. Une fois qu'on explore le sujet, comment, et de la méthode, c'est là que le sport commence. Se serrer les coudes quand on peine à trouver les solutions qui tendraient à atteindre le Saint-Graal. Bref, on est déjà dans le récit. Dès le début de votre feuille de route, on est déjà dans l'aventure. Donc, avant de rentrer dans le détail, j'ai quand même envie que tu nous parles d'Arva et puis tu nous parles de toi.

  • #PG

    Écoute Stéphane, Arva, on vient de fêter les 40 ans de la société. Arva, au-delà du nom : Appareil de Recherche Victime d'Avalanche, c'est une marque que j'ai créée il y a 20 ans, enfin il y a une quinzaine d'années plutôt, quand j'ai repris l'entreprise de mes parents, j'ai repris l'entreprise il y a à peu près 20 ans. Et il y a 15 ans, on a eu l'idée de déposer cette marque pour la vendre un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, c'est un marché de niche, on est une société familiale, on est à peu près 45 personnes, mais on a des produits très spécifiques, on fabrique en France pour la grande majorité de nos produits. Les DVA, par exemple, détecteurs de victimes d'avalanches, sont développés à Annecy-Grenoble, injectés dans le Jura et assemblés dans les Vosges. Notre sac airbag est fabriqué dans la vallée de l'Arve pour le système de percussion. Le tissu d'airbag est tissé à Lyon. Les assemblages sont faits autour d'Annecy dans des ateliers protégés. Ça, c'est notre premier métier. Et notre deuxième métier, c'est qu'on est importateur et distributeur de marques été et hiver qu'on va vendre auprès des magasins de sport. Donc vous, passionnés du milieu du sport, vous allez aller chercher vos produits, n'importe quoi, Vieux Campeur, Décathlon, Intersport, des sites en ligne, etc. C'est nous qui leur vendons les marques. On a une quinzaine de marques qui sont liées à cette activité.

  • #SG

    Moi, je suis assez admiratif. C'est-à-dire qu'Arva, c'est un peu comme Frigidaire. C'est devenu un nom courant.

  • #PG

    Alors, c'est vrai en France. En France, aujourd'hui, Arva... les leaders sur le marché français. On n'est pas le leader mondial, on est sur le podium mondial, parce que j'ai quatre concurrents qui sont très forts, qui appartiennent à des groupes. Par contre, on est le dernier gaulois, c'est-à-dire on est la dernière société indépendante, familiale. Mais j'ai des concurrents dans le monde. Tous les appareils sont bien sûr compatibles entre eux. Et Arva, effectivement, en France, c'est la référence.

  • #SG

    D'accord. Et alors, ça nous intéresse, moi ça m'intéresse la famille, parce qu'entreprise familiale, alors tu es bien dans le "je pense, global, mais finalement, je suis local". Tu étais prédestiné, toi, à reprendre l'entreprise ?

  • #PG

    Oui, on était trois frères. On a tous les trois des profils très différents. Mais j'étais celui qui a fait les premiers salons quand j'étais gamin. J'avais 12-15 ans, je faisais les premiers salons, je me baladais sur les stands. Et j'adorais le milieu du sport. J'ai une mère qui était vice-champion du monde universitaire de ski. J'ai un grand-père qui était moniteur de ski, qui a la médaille numéro 57. Aujourd'hui, on est à 17 000, pour vous donner une idée. Donc oui, j'étais prédestiné peut-être un peu plus que les deux autres frères à reprendre l'entreprise familiale dans les années 2000.

  • #SG

    D'accord. Tu as eu une vie peut-être professionnelle avant, avant d'arriver dans l'entreprise ?

  • #PG

    J'ai eu une vie professionnelle assez courte en termes d'expérience parce que j'avais perdu ma mère en 1994.

  • #SG

    D'accord.

  • #PG

    Donc, mon père a continué la boîte jusqu'en 2000. En 2000, la société était très mal en point. Moi, j'avais une vingtaine d'années. J'étais en train de finir mes études et je continuais un bac + 5 en alternance à l'ESA à Grenoble. Mon père m'a dit, j'ai des problèmes de santé, soit tu rentres, soit malheureusement, je la vends ou je dépose le bilan, parce que la société va plutôt mal. Et du coup, je suis un peu arrivé en urgence. J'avais 20 ans. J'en ai pris plein la gueule pendant quelques années. Vous imaginez bien ,pour redresser d'entreprise. Mais c'était génial. C'était une expérience incroyable. Ça m'a appris des millions de choses. Ça m'a fait faire des millions de choses. Et du coup, je suis rentré dans l'entreprise très jeune. Donc, j'avais travaillé dans le bois avant, pendant trois mois, un stage d'été. Mais je n'avais pas fait des dizaines d'entreprises et d'expériences. Par contre, après, j'ai voyagé rapidement un peu partout dans le monde parce qu'on fabriquait à droite à gauche. J'ai dû rapidement me mettre les mains dans le camboui, comme dirait l'autre.

  • #SG

    C'est ça, tu t'es jeté dans la piscine sans savoir nager, mais tu as appris.

  • #PG

    Exactement. Et puis après, aujourd'hui, j'ai 45 ans. Beaucoup de choses en 25 ans. Président de cluster pendant 6 ans, le cluster OSV, le plus grand cluster national qui regroupe toute la filière sport. Je suis membre de l'APM, l'association du progrès du management. Je suis investisseur dans les startups où je donne un peu de mon temps. Je suis à des conseils d'administration. J'essaie d'être varié dans mes plaisirs.

  • #SG

    L'hyperactif, l'entrepreneur, tout simplement.

  • #PG

    L'entrepreneur, ça n'arrête jamais. Quand on est entrepreneur, on décide d'être très actif.

  • #SG

    Donc toi, la résilience, forcément, tu connais. La robustesse, tu connais. Alors là, c'était le plus simple finalement, ce que tu nous as dit. Maintenant, on va rentrer dans l'ascension plus compliquée du podcast. Tu vas nous parler du fameux régénératif et on va déjà... Je vais déjà te demander quand est-ce que tu en as entendu pour la première fois, qu'est-ce que tu en as pensé du régénératif ?

  • #PG

    La première fois que j'ai entendu parler, c'est les premiers pas dans la CEC, parce qu'au début, c'est quelqu'un de l'industrie qui m'a appelé, qui m'a dit Patrick, il faut absolument que tu participes, je venais de sortir de la présidence du cluster OSV, on a regroupé 500 membres, et les derniers mots de ma dernière AG, c'était de dire demain quand même, ce sera difficile, ce sera différent, il faudra que vous trouviez des moyens de… d'avoir des sociétés plus résilientes qui vont faire face aux défis écologiques de l'avenir. Et du coup, c'était Laure Jarlaud, à l'époque de Rossignol, qui avait fait la première CEC à Paris, qui m'a appelé et qui m'a dit Écoute, il faut absolument que tu participes à la CEC. Je viens de faire une expérience incroyable pendant un an avec M. Wotters, le PDG du groupe. J'ai appelé Julien de Picture également. Il faut que vous veniez à la CEC tous les deux. Vous allez apprendre plein de choses. vous allez apprendre ce que c'est que le régénératif. Et c'est comme ça que j'ai mis le premier pas dans la CEC.

  • #SG

    Toi, tu avais déjà quand même des convictions et un engagement environnemental avant de participer à la CEC ?

  • #PG

    Bien sûr, j'avais déjà ça. Maintenant, je n'avais pas conscience de l'urgence. On avait déjà, bien sûr, une conscience environnementale forte. On faisait déjà des produits co-conçus. On fabriquait déjà en France. On faisait attention à nos matières. On avait déjà fait notre premier bilan carbone il y a cinq ans. On était en passe de... diminuer, on compensait notre carbone, on pensait que c'était une bonne idée à l'époque. Donc on avait déjà un pas dedans. On n'était pas ni Picture, entre guillemets, ni Patagonia, qui sont un peu les références de l'industrie, mais on était en tant qu'industriel sensible au sujet.

  • #SG

    D'accord, alors du coup, on a fait ce parcours, on va parler de la feuille de route, mais alors si je te demandais une définition de l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • #PG

    Pour moi, l'économie régénérative, c'est une économie qui crée plus de positifs pour la planète que de négatif. Aujourd'hui, on sait que n'importe quel système économique de fabrication industrielle, voire de certains services, détruit la planète, détruit de la biodiversité, extrait des matières, quoi qu'on fasse. Même si on fait demain des matières... on va dire qui sont des matières moins polluantes, des matières avec des faibles émissions de carbone, etc. Quoi qu'il en soit, le fait d'extraire des matières crée en fait des difficultés pour notre avenir, pour la régénération des matières premières. Donc aujourd'hui, l'économie régénérative, pour moi, c'est de trouver un modèle économique qui crée un bilan positif plutôt que négatif. Ce qui est extrêmement difficile, ne nous le cachons pas.

  • #SG

    Pas simple.

  • #PG

    Non, c'est extrêmement difficile parce que, c'est ce que je disais, même si tu fais des produits où tu diminues ton empreinte carbone au maximum, qu'ils utilisent des matières recyclées, etc., le seul fait d'utiliser des matières, le seul fait de produire, même si c'est une production entre guillemets propre, extrait, produit, pollue. Du coup, aujourd'hui, à part des exemples, je me souviens d'un exemple de la CEC, je ne me souviens plus exactement du nom de la société, mais c'était des personnes qui fabriquaient, qui avaient des arbres à thé, et qui régénéraient, qui arrivaient à ressourcer et à régénérer leur terrain et à utiliser les matières premières dans d'autres applications pour du chauffage, etc. Et ça faisait que c'était plus, il y avait un net zéro qui était déjà acquis, voire du positif pour la régénération du terrain. C'est extrêmement rare. C'est extrêmement rare. Aujourd'hui, on n'a pas trouvé la martingale.

  • #SG

    Alors justement,

  • #PG

    on la recherche.

  • #SG

    Vous, pendant huit mois, vous avez fait marcher votre cerveau, vous avez fait du jus de crâne comme tout le monde. Vous vous êtes posés des questions. Vous avez donc rédigé une feuille de route. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de cette feuille de route avec les leviers ?

  • #PG

    Oui, bien sûr. Les trois grands axes de la feuille de route qu'on a dessiné avec mon Planet Champion qui est Hugo, qui est le team leader de développeurs de la Team Arba. Les trois grands axes, le premier grand axe, c'est le plus évident. On va dire, c'est de continuer à diminuer notre impact carbone, augmenter notre pourcentage de matières recyclées dans tous les produits qu'on fabrique, diminuer l'impact de nos produits, développer la seconde main, développer la location et développer toutes les activités de service qui nous permettent de moins produire ou de ne pas produire autant qu'avant, pour moins extraire. Parce que toute activité, encore une fois, de fabrication, c'est de l'extraction. Et c'est de la destruction. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point de la feuille de route, c'est aujourd'hui, moi, je voulais un symbole pour la société. Parce qu'aujourd'hui, les gens nous voyaient revenir de la CEC, le moral dans les chaussettes après l'année, enfin, la session 1 et 2. Moi, je voulais limite vendre la boîte tellement j'avais honte de ce qu'on faisait. Les équipes autour, on est 45 personnes, avaient du mal à nous comprendre. Donc aujourd'hui, pour embarquer les gens, on a commencé à faire des séminaires, on a commencé bien sûr à faire des fraises du climat, à mieux leur expliquer, etc. Et après, je voulais un symbole et quelque chose que l'entreprise suive. Et du coup, le meilleur symbole qu'on ait trouvé, et qui soit un peu connu dans notre industrie, c'est Becorp. Donc on a décidé de s'engager sur le chemin Becorp. C'est 180 critères autour de, bien sûr, l'environnement, mais pas que, des zones de l'inclusion, du management, etc., de la transparence, de la relation aux autres. Et il y a 180 questions auxquelles il faut répondre. Il faut un minimum de 90 en termes de score. L'avantage, c'est qu'on va soumettre notre dossier à la fin d'année, tout début d'année 2025. L'avantage, c'est qu'on fixe un état des lieux et après, chaque année, on doit améliorer ce score. Pour moi, c'est un label, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est une direction d'entreprise et c'est surtout un symbole pour que toutes les équipes prennent conscience que c'est la direction dans laquelle on veut aller. Et enfin, le troisième levier de la feuille de route, c'est une fondation. Je reste convaincu de l'économie. Je ne suis pas un idéologiste, je suis dans le conflit. Je sais qu'aujourd'hui, l'écologie, ça coûte cher, qu'aujourd'hui, il faut des moyens pour financer des projets, il faut des moyens pour faire des R&D, il faut des moyens pour diminuer notre impact de demain. Sans moyens, malheureusement, on ne fait rien. Ça reste à l'idée de concept ou d'idée ou d'idéologie, mais ce n'est pas dans la réalité d'une entreprise. Aujourd'hui, mon idée, c'était de dire que... Aujourd'hui, on donne bien un intéressement fort à nos salariés quand l'entreprise marche bien. Du coup, je voulais créer une sorte d'intéressement climat. Et du coup, le meilleur moyen, c'était de créer une fondation sur laquelle on va venir abonder chaque année une partie des résultats de la structure pour financer des projets régénératifs. Donc des projets de biodiversité, des projets de régénération, des projets... On va essayer de trouver les meilleurs projets d'impact. L'idée aussi, c'est d'inclure nos salariés, parce que dans le conseil d'administration, il y aura... six salariés, dont moi, et trois personnes extérieures. Il y a neuf voix. Et l'idée, c'est de les faire participer à la sélection des projets et, avec un conseil d'administration, de voter les allocations de ressources qu'on va mettre en place. Donc ça, c'est le troisième volet de notre feuille de route.

  • #SG

    Et dans la suite, j'ai vu la mise en... la collaboration avec votre écosystème, qui est aussi fort. Tu as parlé de Picture tout à l'heure, tu as parlé de l'ESF. Vous avez aussi un...

  • #PG

    Exactement. L'idée aujourd'hui, c'est que notre activité, tu vois, à l'époque, on pensait que c'était une bonne idée d'acheter des crédits carbone, entre guillemets, c'est un peu du droit à polluer quelque part. On a l'impression de faire une bonne action en compensant nos émissions carbone. On émettait à peu près 1100 tonnes équivalent carbone pour ARVA. On achetait à Carbone Neutral, c'est une société allemande qui gère des projets carbone pour beaucoup de personnes dans l'industrie. On achetait nos crédits carbone à cette société, on leur donnait 30 ou 40 000 euros par an. On pensait que c'était une bonne idée. Aujourd'hui, on va rediriger ça à faire notre fondation et on va essayer d'investir dans tout notre écosystème autour de nous, sur des projets qu'on puisse vraiment gérer, mesurer, regarder, estimer, pour ne pas participer à un barrage hydraulique au fin fond de l'Inde, mais essayer de participer à des projets locaux, puissants, et puis surtout sur lesquels on arrive à estimer leur impact.

  • #SG

    D'accord. Et si, alors ce n'est pas simple dans une PME de se placer à 10 ans, mais si on se plaçait à 10 ans, ce serait quoi finalement le signe le plus tangible de la réussite de ta démarche régénérative ? Pas simple.

  • #PG

    Question compliquée. C'est qu'aujourd'hui, on ait inspiré, on ait inspiré beaucoup de gens autour de nous, que ce soit des industriels, que ce soit les marques qu'on distribue nous. Et qu'aujourd'hui, je dirais que la vraie direction de l'entreprise, ce soit People, Planète, Profit, c'est-à-dire qu'il y a une partie de nos ressources financières qui aille aux personnes qui nous accompagnent, une partie qui aille à la planète et une partie aux actionnaires. Et du coup, aujourd'hui... que tout le monde soit inspiré par ça, en se disant que la planète devient un vrai actionnaire important de nos structures économiques.

  • #SG

    D'où l'important d'emmener tout le monde à l'aventure, que ce soit toutes les parties prenantes, dont les collaborateurs, ce qui n'est pas forcément toujours plus simple.

  • #PG

    Je dirais qu'aujourd'hui, les collaborateurs, c'est comme tout le monde. Il y a des personnes qui sont très sensibles au sujet, il y a des personnes qui sont sensibles, il y a des personnes qui sont relativement neutres par rapport à ça. On n'a pas de climato-sceptique, je crois, chez nous. Les gens sont quand même sensibles au sujet globalement. Mais aujourd'hui, je dirais que le plus compliqué, c'est un peu la théorie du basculement, c'est que toutes les entreprises et tous les dirigeants en prennent conscience. Et aujourd'hui, moi, je suis dirigeant propriétaire de ma société, actionnaire à 100%. J'ai les mains libres pour prendre quelques décisions que je veux à l'instant T, les appliquer demain matin. Quand on est dirigeant de sa société, mais qu'on est accompagné de fonds, de fonds de pension, de fonds de différents actionnaires, etc., il faut essayer d'aligner tout le monde. Parce qu'il ne faut pas oublier que tout ça coûte de l'argent. Et que si on décide d'investir une partie de nos résultats pour la planète, on va diminuer la rentabilité économique de la société au profit des actionnaires. C'est une décision d'entreprise et d'entrepreneur. ( j'allais le dire.) Et du coup, il faut convaincre. ses actionnaires ou ses associés que c'est la chose la plus juste à faire. C'est la chose juste à faire pour l'avenir de la planète.

  • #SG

    C'est vraiment un engagement personnel du dirigeant. Donc, on voit bien que quand ça ne part pas de la tête, déjà, ça ne peut pas marcher. Alors toi, est-ce que la CEC, finalement, cette aventure-là, t'as changé des choses personnellement ? Est-ce que dans ton leadership ?

  • #PG

    Moi, elle m'a effrayé. Honnêtement, le sursaut du début, ça m'a terrifié. J'ai des enfants en bas âge de 5 et 7 ans. Je ne vais pas le cacher, ces dernières années, ça a bien fonctionné pour moi. La boîte va bien, mais ça m'a terrifié en me disant en fait, tu ne vas vraiment pas assez loin dans tes démarches. Je ne suis pas un écologiste radical, on va dire. Ça m'a poussé à m'engager plus et à dire demain, je veux en faire une des missions de mon entreprise, mon entreprise au début, la mission principale, c'était de sauver la vie des gens. Il faut quand même être clair, on a des témoignages réguliers que nos produits sauvent la vie des gens. Demain, la deuxième mission, ça va être que le système économique serve à régénérer et à sauver une partie de ce qu'on détruit. Je voudrais que mes enfants se disent : mon père n'a pas seulement réussi dans les affaires, mais il a réussi à faire une entreprise équilibrée, il a réussi à... à inspirer des gens, à inspirer des équipes, pour qu'on ne pense pas qu'à la fin du mois, et au résultat économique de son entreprise. Donc ça m'a quand même réveillé. J'avais des connaissances très générales avant, comme tout le monde, ce qu'on entend, un peu de lecture, etc. La CEC m'a permis vraiment d'augmenter mon niveau de culture sur la biodiversité, l'eau douce, les océans, l'énergie, etc. Et du coup, quand on a plus de connaissances, c'est à la fois effrayant, parce qu'on se dit que c'est urgent d'agir, mais c'est à la fois un devoir d'agir et de se bouger pour que ça avance. Voilà ce que ça m'a apporté.

  • #SG

    Ça fait plaisir d'entendre un dirigeant de PME qui est pragmatique, mais qui a une vraie vision. Justement, puisque l'idée du podcast aussi, c'est d'inspirer les autres en se disant finalement, si lui le fait, peut-être que moi, je pourrais le faire aussi. Qu'est-ce que tu pourrais donner comme conseil à un dirigeant qui souhaite lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ?

  • #PG

    Je dirais que la première chose, et je pense que la CEC est bien faite pour ça au début, c'est la prise de conscience. J'ai des copains qui n'ont pas fait la CEC, qui n'ont pas d'entreprise, mais ils sont surpris. Ils m'ont dit, tiens, on a écouté The Week, c'est un film qui fait trois fois deux heures, je crois. On l'a écouté entre potes trois soirs de suite pour se le découper. Et ça nous a secoué, ça nous a vraiment réveillé sur ce qui se passe aujourd'hui. On voit que l'écologie n'est pas du tout un sujet prioritaire pour nos politiques. Aujourd'hui, le fait que la population s'advienne prioritaire pour eux, sera peut-être prioritaire demain pour des élections. Du coup, je ne peux que dire à quelqu'un, si tu veux t'engager, déjà, rends-toi compte de ce qui se passe. Et pour se rendre compte de ce qui se passe, il faut un électrochoc. Il faut, je ne sais pas, je ne fais pas la pub de The Week, mais ça peut être une idée. Ça peut être. Vraiment un électrochoc pour se rendre compte de la situation dans laquelle on est. Parce que quand on n'est pas sensibilisé à ça... On a une connaissance générale, on se dit oui, c'est grave, il faut quand même faire quelque chose, il faut faire attention. Mais ce n'est pas seulement les micro-gestes au quotidien, en fait. Il faut aller plus loin que ça.

  • #SG

    Tout à fait, c'est vrai que le déclic est important. Moi, tu vois, pour mon expérience personnelle, c'est le film Demain qui m'a fait tilt, parce que certes, on prend conscience, mais après, derrière, on se dit que finalement, on peut aussi avoir un récit joyeux et enthousiaste, et qu'il existe des solutions. Parce qu'il faut aussi emmener les gens vers quelque chose, je dirais, positif.

  • #PG

    Exactement, et aujourd'hui, je veux dire... C'est dans la réalisation qu'on trouve notre salut. Parce qu'il faut arrêter peut-être de procrastiner, et puis d'attendre, et puis de réfléchir, et de dire qu'est-ce qu'on peut faire, mais on ne peut pas y faire grand-chose, ou les choses que j'entends. Ah bah oui, mais nous, la France, c'est que 1%, 2% de la population mondiale. C'est pas moi, c'est les Chinois, la théorie du prisonnier. Aujourd'hui, si ça devient un soulèvement de tout le monde, au bout d'un moment, ça va bouger.

  • #SG

    Attention, soulèvement, tu fais du... C'est limite. politiquement incorrect. C'est un dirigeant qui parle, heureusement.

  • #PG

    Non, mais je pense que plus il y a de gens inspirés, plus il y a de gens dans la boucle, plus demain on sera obligé de bouger en masse. Voilà, c'est cette fameuse théorie du basculement.

  • #SG

    C'est ça, voilà, toujours aller vers la bascule. Alors, on a presque fini ce podcast. Je vais te poser des questions les plus compliquées, finalement. Est-ce que déjà tu as un point que tu pourrais rajouter, quelque chose que tu n'as pas dit, que tu as en tête, comme ça ?

  • #PG

    Je dirais que si vous pouvez avoir accès à des fois des intervenants de la CEC, alors il y en a qui m'ont fait peur, il y en a qui m'ont un peu rebuté parce que c'était trop.

  • #SG

    Petit message à Arthur Keller, j'imagine, c'est ça ?

  • #PG

    Je ne vais pas te citer de nom, je pense que chacun dépendra de sa sensibilité. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le niveau de connaissance inspire beaucoup pour la suite et son niveau d'engagement pour la suite. Et du coup, je ne peux que vous pousser à écouter des spécialistes mondiaux à droite à gauche et de vous documenter pour vous faire votre propre opinion. Je ne peux que pousser à ça.

  • #SG

    Alors si tu avais trois mots pour caractériser la démarche vers l'économie régénérative ?

  • #PG

    Repenser, régénérer, mais c'est l'économie régénérative par définition. Repenser... J'aurais dû la préparer.

  • #SG

    Oui, mais je t'avais envoyé les choses, il fallait les préparer. Je te prends pour un pro.

  • #PG

    Repenser, régénérer...

  • #SG

    Bon, elle est très belle. Elle va dire que c'est bon, tu as juste, c'est bon, tu marques des points. Et alors, avant-dernière question un peu compliquée, si tu avais une baguette magique pour changer les règles du jeu économique, tu changerais quoi ?

  • #PG

    Je dirais que si j'avais une règle, si j'avais une baguette magique, c'est qu'on puisse fabriquer des choses qu'on puisse... Sans extraire, c'est-à-dire qu'on puisse fabriquer, qu'on puisse continuer à être une société, une économie de marché, puisque ça reste quand même ça aujourd'hui qui alimente un système économique. Mais, entre guillemets, qu'on ne puisse pas extraire plus que ce qu'on est capable de régénérer ou de faire. Ça, ce serait super. C'est-à-dire qu'on puisse recycler, refabriquer, réutiliser et qu'on ne soit pas obligé d'extraire en permanence de plus en plus profond, de plus en plus loin, pour fabriquer des produits neufs et qu'on soit capable de régénérer, et regénérer des matières premières à l'infini pour pouvoir fabriquer des produits neufs. Ça, ce serait super.

  • #SG

    Super. Et dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ? On sent, comme tous les dirigeants, que tu es quand même très confiant, puisque tu es un entrepreneur. Tu maîtrises, même si tu es robuste, tu es résilient, mais tu maîtrises ta vie, entre guillemets. Donc, qu'est-ce qui te rend confiant, toi, dans l'avenir ?

  • #PG

    Ce qui me rend confiant, c'est que j'ai l'impression que le sujet est de moins en moins un sujet, je veux dire tabou. C'est de plus en plus un sujet de conscience collective. Et que de plus en plus, les gens disent tiens, ça déconne, je ne vais pas prendre l'avion trois fois par an ou là, tiens, je vais faire des vacances plus proches ou Tiens, je vais arrêter de vouloir aller changer mon dernier iPhone ou je ne sais quoi, ma dernière tablette, celui-là va très bien. Tiens, je vais faire réparer plutôt qu'acheter neuf. Tiens, je n'ai pas réellement besoin de ça. Tiens, le textile vintage explose. Les gens se rendent compte que pour les enfants, pour tout le monde, acheter des produits neufs en permanence n'a pas vraiment de sens par rapport à l'usage. Ce qui me donne espoir aussi, tu vois, petit exemple, j'ai des enfants en bas âge, souvent les week-ends, ils ont des anniversaires les uns avec les autres. Et l'autre jour, dans les parents, il y a un des parents qui a dit sur le groupe qui était invité, n'hésitez pas à amener un cadeau de seconde main. Ça, ça me donne de l'espoir. Parce que je me dis, c'est plus du tout un tabou, en fait.

  • #SG

    C'est vrai. Et quand ça vient de la bouche d'un dirigeant comme toi, c'est encore plus réaliste, je trouve. Donc, en tous les cas, merci Patrick, parce que c'était, comme toujours, direct, c'était franc. Et je vais terminer par une citation. Alors, j'ai grappillé sur le web, je ne me souviens même pas de l'auteur. Il est même inconnu. À défaut de pouvoir déplacer des montagnes, essayons au moins de faire bouger les lignes. Je pense que ça collait bien avec tout ce que tu nous as dit. Alors, encore merci Patrick. Et puis, à bientôt.

  • #PG

    Avec plaisir, merci beaucoup et puis bon engagement à tous.

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Transcription

  • #SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumne de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Alors aujourd'hui, on est au téléphone, mais nous avons la chance de partager le témoignage du dirigeant d'une belle entreprise familiale qui est établie au cœur des Alpes, la société... Arva, un nom très connu d'ailleurs aujourd'hui, Arva, et ce dirigeant c'est Patrick Giraudon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Patrick, bonjour.

  • #PG

    Oui, bonjour Stéphane.

  • #SG

    Je te propose qu'on se tutoie, alors je ne suis pas sûr qu'on se soit aperçu le soir sur le dancefloor peut-être quand on était à Autrans. En tous les cas, moi en préparant cet entretien, j'ai évidemment parcouru les engagements de votre feuille de route et j'avoue que dès l'introduction, ça m'a mis l'eau à la bouche. En fait, si je cite quelques lignes : fini la procrastination, le sursaut, c'est le mot juste pour décrire l'état d'esprit après les deux dernières premières sessions. Une fois qu'on explore le sujet, comment, et de la méthode, c'est là que le sport commence. Se serrer les coudes quand on peine à trouver les solutions qui tendraient à atteindre le Saint-Graal. Bref, on est déjà dans le récit. Dès le début de votre feuille de route, on est déjà dans l'aventure. Donc, avant de rentrer dans le détail, j'ai quand même envie que tu nous parles d'Arva et puis tu nous parles de toi.

  • #PG

    Écoute Stéphane, Arva, on vient de fêter les 40 ans de la société. Arva, au-delà du nom : Appareil de Recherche Victime d'Avalanche, c'est une marque que j'ai créée il y a 20 ans, enfin il y a une quinzaine d'années plutôt, quand j'ai repris l'entreprise de mes parents, j'ai repris l'entreprise il y a à peu près 20 ans. Et il y a 15 ans, on a eu l'idée de déposer cette marque pour la vendre un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, c'est un marché de niche, on est une société familiale, on est à peu près 45 personnes, mais on a des produits très spécifiques, on fabrique en France pour la grande majorité de nos produits. Les DVA, par exemple, détecteurs de victimes d'avalanches, sont développés à Annecy-Grenoble, injectés dans le Jura et assemblés dans les Vosges. Notre sac airbag est fabriqué dans la vallée de l'Arve pour le système de percussion. Le tissu d'airbag est tissé à Lyon. Les assemblages sont faits autour d'Annecy dans des ateliers protégés. Ça, c'est notre premier métier. Et notre deuxième métier, c'est qu'on est importateur et distributeur de marques été et hiver qu'on va vendre auprès des magasins de sport. Donc vous, passionnés du milieu du sport, vous allez aller chercher vos produits, n'importe quoi, Vieux Campeur, Décathlon, Intersport, des sites en ligne, etc. C'est nous qui leur vendons les marques. On a une quinzaine de marques qui sont liées à cette activité.

  • #SG

    Moi, je suis assez admiratif. C'est-à-dire qu'Arva, c'est un peu comme Frigidaire. C'est devenu un nom courant.

  • #PG

    Alors, c'est vrai en France. En France, aujourd'hui, Arva... les leaders sur le marché français. On n'est pas le leader mondial, on est sur le podium mondial, parce que j'ai quatre concurrents qui sont très forts, qui appartiennent à des groupes. Par contre, on est le dernier gaulois, c'est-à-dire on est la dernière société indépendante, familiale. Mais j'ai des concurrents dans le monde. Tous les appareils sont bien sûr compatibles entre eux. Et Arva, effectivement, en France, c'est la référence.

  • #SG

    D'accord. Et alors, ça nous intéresse, moi ça m'intéresse la famille, parce qu'entreprise familiale, alors tu es bien dans le "je pense, global, mais finalement, je suis local". Tu étais prédestiné, toi, à reprendre l'entreprise ?

  • #PG

    Oui, on était trois frères. On a tous les trois des profils très différents. Mais j'étais celui qui a fait les premiers salons quand j'étais gamin. J'avais 12-15 ans, je faisais les premiers salons, je me baladais sur les stands. Et j'adorais le milieu du sport. J'ai une mère qui était vice-champion du monde universitaire de ski. J'ai un grand-père qui était moniteur de ski, qui a la médaille numéro 57. Aujourd'hui, on est à 17 000, pour vous donner une idée. Donc oui, j'étais prédestiné peut-être un peu plus que les deux autres frères à reprendre l'entreprise familiale dans les années 2000.

  • #SG

    D'accord. Tu as eu une vie peut-être professionnelle avant, avant d'arriver dans l'entreprise ?

  • #PG

    J'ai eu une vie professionnelle assez courte en termes d'expérience parce que j'avais perdu ma mère en 1994.

  • #SG

    D'accord.

  • #PG

    Donc, mon père a continué la boîte jusqu'en 2000. En 2000, la société était très mal en point. Moi, j'avais une vingtaine d'années. J'étais en train de finir mes études et je continuais un bac + 5 en alternance à l'ESA à Grenoble. Mon père m'a dit, j'ai des problèmes de santé, soit tu rentres, soit malheureusement, je la vends ou je dépose le bilan, parce que la société va plutôt mal. Et du coup, je suis un peu arrivé en urgence. J'avais 20 ans. J'en ai pris plein la gueule pendant quelques années. Vous imaginez bien ,pour redresser d'entreprise. Mais c'était génial. C'était une expérience incroyable. Ça m'a appris des millions de choses. Ça m'a fait faire des millions de choses. Et du coup, je suis rentré dans l'entreprise très jeune. Donc, j'avais travaillé dans le bois avant, pendant trois mois, un stage d'été. Mais je n'avais pas fait des dizaines d'entreprises et d'expériences. Par contre, après, j'ai voyagé rapidement un peu partout dans le monde parce qu'on fabriquait à droite à gauche. J'ai dû rapidement me mettre les mains dans le camboui, comme dirait l'autre.

  • #SG

    C'est ça, tu t'es jeté dans la piscine sans savoir nager, mais tu as appris.

  • #PG

    Exactement. Et puis après, aujourd'hui, j'ai 45 ans. Beaucoup de choses en 25 ans. Président de cluster pendant 6 ans, le cluster OSV, le plus grand cluster national qui regroupe toute la filière sport. Je suis membre de l'APM, l'association du progrès du management. Je suis investisseur dans les startups où je donne un peu de mon temps. Je suis à des conseils d'administration. J'essaie d'être varié dans mes plaisirs.

  • #SG

    L'hyperactif, l'entrepreneur, tout simplement.

  • #PG

    L'entrepreneur, ça n'arrête jamais. Quand on est entrepreneur, on décide d'être très actif.

  • #SG

    Donc toi, la résilience, forcément, tu connais. La robustesse, tu connais. Alors là, c'était le plus simple finalement, ce que tu nous as dit. Maintenant, on va rentrer dans l'ascension plus compliquée du podcast. Tu vas nous parler du fameux régénératif et on va déjà... Je vais déjà te demander quand est-ce que tu en as entendu pour la première fois, qu'est-ce que tu en as pensé du régénératif ?

  • #PG

    La première fois que j'ai entendu parler, c'est les premiers pas dans la CEC, parce qu'au début, c'est quelqu'un de l'industrie qui m'a appelé, qui m'a dit Patrick, il faut absolument que tu participes, je venais de sortir de la présidence du cluster OSV, on a regroupé 500 membres, et les derniers mots de ma dernière AG, c'était de dire demain quand même, ce sera difficile, ce sera différent, il faudra que vous trouviez des moyens de… d'avoir des sociétés plus résilientes qui vont faire face aux défis écologiques de l'avenir. Et du coup, c'était Laure Jarlaud, à l'époque de Rossignol, qui avait fait la première CEC à Paris, qui m'a appelé et qui m'a dit Écoute, il faut absolument que tu participes à la CEC. Je viens de faire une expérience incroyable pendant un an avec M. Wotters, le PDG du groupe. J'ai appelé Julien de Picture également. Il faut que vous veniez à la CEC tous les deux. Vous allez apprendre plein de choses. vous allez apprendre ce que c'est que le régénératif. Et c'est comme ça que j'ai mis le premier pas dans la CEC.

  • #SG

    Toi, tu avais déjà quand même des convictions et un engagement environnemental avant de participer à la CEC ?

  • #PG

    Bien sûr, j'avais déjà ça. Maintenant, je n'avais pas conscience de l'urgence. On avait déjà, bien sûr, une conscience environnementale forte. On faisait déjà des produits co-conçus. On fabriquait déjà en France. On faisait attention à nos matières. On avait déjà fait notre premier bilan carbone il y a cinq ans. On était en passe de... diminuer, on compensait notre carbone, on pensait que c'était une bonne idée à l'époque. Donc on avait déjà un pas dedans. On n'était pas ni Picture, entre guillemets, ni Patagonia, qui sont un peu les références de l'industrie, mais on était en tant qu'industriel sensible au sujet.

  • #SG

    D'accord, alors du coup, on a fait ce parcours, on va parler de la feuille de route, mais alors si je te demandais une définition de l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • #PG

    Pour moi, l'économie régénérative, c'est une économie qui crée plus de positifs pour la planète que de négatif. Aujourd'hui, on sait que n'importe quel système économique de fabrication industrielle, voire de certains services, détruit la planète, détruit de la biodiversité, extrait des matières, quoi qu'on fasse. Même si on fait demain des matières... on va dire qui sont des matières moins polluantes, des matières avec des faibles émissions de carbone, etc. Quoi qu'il en soit, le fait d'extraire des matières crée en fait des difficultés pour notre avenir, pour la régénération des matières premières. Donc aujourd'hui, l'économie régénérative, pour moi, c'est de trouver un modèle économique qui crée un bilan positif plutôt que négatif. Ce qui est extrêmement difficile, ne nous le cachons pas.

  • #SG

    Pas simple.

  • #PG

    Non, c'est extrêmement difficile parce que, c'est ce que je disais, même si tu fais des produits où tu diminues ton empreinte carbone au maximum, qu'ils utilisent des matières recyclées, etc., le seul fait d'utiliser des matières, le seul fait de produire, même si c'est une production entre guillemets propre, extrait, produit, pollue. Du coup, aujourd'hui, à part des exemples, je me souviens d'un exemple de la CEC, je ne me souviens plus exactement du nom de la société, mais c'était des personnes qui fabriquaient, qui avaient des arbres à thé, et qui régénéraient, qui arrivaient à ressourcer et à régénérer leur terrain et à utiliser les matières premières dans d'autres applications pour du chauffage, etc. Et ça faisait que c'était plus, il y avait un net zéro qui était déjà acquis, voire du positif pour la régénération du terrain. C'est extrêmement rare. C'est extrêmement rare. Aujourd'hui, on n'a pas trouvé la martingale.

  • #SG

    Alors justement,

  • #PG

    on la recherche.

  • #SG

    Vous, pendant huit mois, vous avez fait marcher votre cerveau, vous avez fait du jus de crâne comme tout le monde. Vous vous êtes posés des questions. Vous avez donc rédigé une feuille de route. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de cette feuille de route avec les leviers ?

  • #PG

    Oui, bien sûr. Les trois grands axes de la feuille de route qu'on a dessiné avec mon Planet Champion qui est Hugo, qui est le team leader de développeurs de la Team Arba. Les trois grands axes, le premier grand axe, c'est le plus évident. On va dire, c'est de continuer à diminuer notre impact carbone, augmenter notre pourcentage de matières recyclées dans tous les produits qu'on fabrique, diminuer l'impact de nos produits, développer la seconde main, développer la location et développer toutes les activités de service qui nous permettent de moins produire ou de ne pas produire autant qu'avant, pour moins extraire. Parce que toute activité, encore une fois, de fabrication, c'est de l'extraction. Et c'est de la destruction. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point de la feuille de route, c'est aujourd'hui, moi, je voulais un symbole pour la société. Parce qu'aujourd'hui, les gens nous voyaient revenir de la CEC, le moral dans les chaussettes après l'année, enfin, la session 1 et 2. Moi, je voulais limite vendre la boîte tellement j'avais honte de ce qu'on faisait. Les équipes autour, on est 45 personnes, avaient du mal à nous comprendre. Donc aujourd'hui, pour embarquer les gens, on a commencé à faire des séminaires, on a commencé bien sûr à faire des fraises du climat, à mieux leur expliquer, etc. Et après, je voulais un symbole et quelque chose que l'entreprise suive. Et du coup, le meilleur symbole qu'on ait trouvé, et qui soit un peu connu dans notre industrie, c'est Becorp. Donc on a décidé de s'engager sur le chemin Becorp. C'est 180 critères autour de, bien sûr, l'environnement, mais pas que, des zones de l'inclusion, du management, etc., de la transparence, de la relation aux autres. Et il y a 180 questions auxquelles il faut répondre. Il faut un minimum de 90 en termes de score. L'avantage, c'est qu'on va soumettre notre dossier à la fin d'année, tout début d'année 2025. L'avantage, c'est qu'on fixe un état des lieux et après, chaque année, on doit améliorer ce score. Pour moi, c'est un label, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est une direction d'entreprise et c'est surtout un symbole pour que toutes les équipes prennent conscience que c'est la direction dans laquelle on veut aller. Et enfin, le troisième levier de la feuille de route, c'est une fondation. Je reste convaincu de l'économie. Je ne suis pas un idéologiste, je suis dans le conflit. Je sais qu'aujourd'hui, l'écologie, ça coûte cher, qu'aujourd'hui, il faut des moyens pour financer des projets, il faut des moyens pour faire des R&D, il faut des moyens pour diminuer notre impact de demain. Sans moyens, malheureusement, on ne fait rien. Ça reste à l'idée de concept ou d'idée ou d'idéologie, mais ce n'est pas dans la réalité d'une entreprise. Aujourd'hui, mon idée, c'était de dire que... Aujourd'hui, on donne bien un intéressement fort à nos salariés quand l'entreprise marche bien. Du coup, je voulais créer une sorte d'intéressement climat. Et du coup, le meilleur moyen, c'était de créer une fondation sur laquelle on va venir abonder chaque année une partie des résultats de la structure pour financer des projets régénératifs. Donc des projets de biodiversité, des projets de régénération, des projets... On va essayer de trouver les meilleurs projets d'impact. L'idée aussi, c'est d'inclure nos salariés, parce que dans le conseil d'administration, il y aura... six salariés, dont moi, et trois personnes extérieures. Il y a neuf voix. Et l'idée, c'est de les faire participer à la sélection des projets et, avec un conseil d'administration, de voter les allocations de ressources qu'on va mettre en place. Donc ça, c'est le troisième volet de notre feuille de route.

  • #SG

    Et dans la suite, j'ai vu la mise en... la collaboration avec votre écosystème, qui est aussi fort. Tu as parlé de Picture tout à l'heure, tu as parlé de l'ESF. Vous avez aussi un...

  • #PG

    Exactement. L'idée aujourd'hui, c'est que notre activité, tu vois, à l'époque, on pensait que c'était une bonne idée d'acheter des crédits carbone, entre guillemets, c'est un peu du droit à polluer quelque part. On a l'impression de faire une bonne action en compensant nos émissions carbone. On émettait à peu près 1100 tonnes équivalent carbone pour ARVA. On achetait à Carbone Neutral, c'est une société allemande qui gère des projets carbone pour beaucoup de personnes dans l'industrie. On achetait nos crédits carbone à cette société, on leur donnait 30 ou 40 000 euros par an. On pensait que c'était une bonne idée. Aujourd'hui, on va rediriger ça à faire notre fondation et on va essayer d'investir dans tout notre écosystème autour de nous, sur des projets qu'on puisse vraiment gérer, mesurer, regarder, estimer, pour ne pas participer à un barrage hydraulique au fin fond de l'Inde, mais essayer de participer à des projets locaux, puissants, et puis surtout sur lesquels on arrive à estimer leur impact.

  • #SG

    D'accord. Et si, alors ce n'est pas simple dans une PME de se placer à 10 ans, mais si on se plaçait à 10 ans, ce serait quoi finalement le signe le plus tangible de la réussite de ta démarche régénérative ? Pas simple.

  • #PG

    Question compliquée. C'est qu'aujourd'hui, on ait inspiré, on ait inspiré beaucoup de gens autour de nous, que ce soit des industriels, que ce soit les marques qu'on distribue nous. Et qu'aujourd'hui, je dirais que la vraie direction de l'entreprise, ce soit People, Planète, Profit, c'est-à-dire qu'il y a une partie de nos ressources financières qui aille aux personnes qui nous accompagnent, une partie qui aille à la planète et une partie aux actionnaires. Et du coup, aujourd'hui... que tout le monde soit inspiré par ça, en se disant que la planète devient un vrai actionnaire important de nos structures économiques.

  • #SG

    D'où l'important d'emmener tout le monde à l'aventure, que ce soit toutes les parties prenantes, dont les collaborateurs, ce qui n'est pas forcément toujours plus simple.

  • #PG

    Je dirais qu'aujourd'hui, les collaborateurs, c'est comme tout le monde. Il y a des personnes qui sont très sensibles au sujet, il y a des personnes qui sont sensibles, il y a des personnes qui sont relativement neutres par rapport à ça. On n'a pas de climato-sceptique, je crois, chez nous. Les gens sont quand même sensibles au sujet globalement. Mais aujourd'hui, je dirais que le plus compliqué, c'est un peu la théorie du basculement, c'est que toutes les entreprises et tous les dirigeants en prennent conscience. Et aujourd'hui, moi, je suis dirigeant propriétaire de ma société, actionnaire à 100%. J'ai les mains libres pour prendre quelques décisions que je veux à l'instant T, les appliquer demain matin. Quand on est dirigeant de sa société, mais qu'on est accompagné de fonds, de fonds de pension, de fonds de différents actionnaires, etc., il faut essayer d'aligner tout le monde. Parce qu'il ne faut pas oublier que tout ça coûte de l'argent. Et que si on décide d'investir une partie de nos résultats pour la planète, on va diminuer la rentabilité économique de la société au profit des actionnaires. C'est une décision d'entreprise et d'entrepreneur. ( j'allais le dire.) Et du coup, il faut convaincre. ses actionnaires ou ses associés que c'est la chose la plus juste à faire. C'est la chose juste à faire pour l'avenir de la planète.

  • #SG

    C'est vraiment un engagement personnel du dirigeant. Donc, on voit bien que quand ça ne part pas de la tête, déjà, ça ne peut pas marcher. Alors toi, est-ce que la CEC, finalement, cette aventure-là, t'as changé des choses personnellement ? Est-ce que dans ton leadership ?

  • #PG

    Moi, elle m'a effrayé. Honnêtement, le sursaut du début, ça m'a terrifié. J'ai des enfants en bas âge de 5 et 7 ans. Je ne vais pas le cacher, ces dernières années, ça a bien fonctionné pour moi. La boîte va bien, mais ça m'a terrifié en me disant en fait, tu ne vas vraiment pas assez loin dans tes démarches. Je ne suis pas un écologiste radical, on va dire. Ça m'a poussé à m'engager plus et à dire demain, je veux en faire une des missions de mon entreprise, mon entreprise au début, la mission principale, c'était de sauver la vie des gens. Il faut quand même être clair, on a des témoignages réguliers que nos produits sauvent la vie des gens. Demain, la deuxième mission, ça va être que le système économique serve à régénérer et à sauver une partie de ce qu'on détruit. Je voudrais que mes enfants se disent : mon père n'a pas seulement réussi dans les affaires, mais il a réussi à faire une entreprise équilibrée, il a réussi à... à inspirer des gens, à inspirer des équipes, pour qu'on ne pense pas qu'à la fin du mois, et au résultat économique de son entreprise. Donc ça m'a quand même réveillé. J'avais des connaissances très générales avant, comme tout le monde, ce qu'on entend, un peu de lecture, etc. La CEC m'a permis vraiment d'augmenter mon niveau de culture sur la biodiversité, l'eau douce, les océans, l'énergie, etc. Et du coup, quand on a plus de connaissances, c'est à la fois effrayant, parce qu'on se dit que c'est urgent d'agir, mais c'est à la fois un devoir d'agir et de se bouger pour que ça avance. Voilà ce que ça m'a apporté.

  • #SG

    Ça fait plaisir d'entendre un dirigeant de PME qui est pragmatique, mais qui a une vraie vision. Justement, puisque l'idée du podcast aussi, c'est d'inspirer les autres en se disant finalement, si lui le fait, peut-être que moi, je pourrais le faire aussi. Qu'est-ce que tu pourrais donner comme conseil à un dirigeant qui souhaite lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ?

  • #PG

    Je dirais que la première chose, et je pense que la CEC est bien faite pour ça au début, c'est la prise de conscience. J'ai des copains qui n'ont pas fait la CEC, qui n'ont pas d'entreprise, mais ils sont surpris. Ils m'ont dit, tiens, on a écouté The Week, c'est un film qui fait trois fois deux heures, je crois. On l'a écouté entre potes trois soirs de suite pour se le découper. Et ça nous a secoué, ça nous a vraiment réveillé sur ce qui se passe aujourd'hui. On voit que l'écologie n'est pas du tout un sujet prioritaire pour nos politiques. Aujourd'hui, le fait que la population s'advienne prioritaire pour eux, sera peut-être prioritaire demain pour des élections. Du coup, je ne peux que dire à quelqu'un, si tu veux t'engager, déjà, rends-toi compte de ce qui se passe. Et pour se rendre compte de ce qui se passe, il faut un électrochoc. Il faut, je ne sais pas, je ne fais pas la pub de The Week, mais ça peut être une idée. Ça peut être. Vraiment un électrochoc pour se rendre compte de la situation dans laquelle on est. Parce que quand on n'est pas sensibilisé à ça... On a une connaissance générale, on se dit oui, c'est grave, il faut quand même faire quelque chose, il faut faire attention. Mais ce n'est pas seulement les micro-gestes au quotidien, en fait. Il faut aller plus loin que ça.

  • #SG

    Tout à fait, c'est vrai que le déclic est important. Moi, tu vois, pour mon expérience personnelle, c'est le film Demain qui m'a fait tilt, parce que certes, on prend conscience, mais après, derrière, on se dit que finalement, on peut aussi avoir un récit joyeux et enthousiaste, et qu'il existe des solutions. Parce qu'il faut aussi emmener les gens vers quelque chose, je dirais, positif.

  • #PG

    Exactement, et aujourd'hui, je veux dire... C'est dans la réalisation qu'on trouve notre salut. Parce qu'il faut arrêter peut-être de procrastiner, et puis d'attendre, et puis de réfléchir, et de dire qu'est-ce qu'on peut faire, mais on ne peut pas y faire grand-chose, ou les choses que j'entends. Ah bah oui, mais nous, la France, c'est que 1%, 2% de la population mondiale. C'est pas moi, c'est les Chinois, la théorie du prisonnier. Aujourd'hui, si ça devient un soulèvement de tout le monde, au bout d'un moment, ça va bouger.

  • #SG

    Attention, soulèvement, tu fais du... C'est limite. politiquement incorrect. C'est un dirigeant qui parle, heureusement.

  • #PG

    Non, mais je pense que plus il y a de gens inspirés, plus il y a de gens dans la boucle, plus demain on sera obligé de bouger en masse. Voilà, c'est cette fameuse théorie du basculement.

  • #SG

    C'est ça, voilà, toujours aller vers la bascule. Alors, on a presque fini ce podcast. Je vais te poser des questions les plus compliquées, finalement. Est-ce que déjà tu as un point que tu pourrais rajouter, quelque chose que tu n'as pas dit, que tu as en tête, comme ça ?

  • #PG

    Je dirais que si vous pouvez avoir accès à des fois des intervenants de la CEC, alors il y en a qui m'ont fait peur, il y en a qui m'ont un peu rebuté parce que c'était trop.

  • #SG

    Petit message à Arthur Keller, j'imagine, c'est ça ?

  • #PG

    Je ne vais pas te citer de nom, je pense que chacun dépendra de sa sensibilité. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le niveau de connaissance inspire beaucoup pour la suite et son niveau d'engagement pour la suite. Et du coup, je ne peux que vous pousser à écouter des spécialistes mondiaux à droite à gauche et de vous documenter pour vous faire votre propre opinion. Je ne peux que pousser à ça.

  • #SG

    Alors si tu avais trois mots pour caractériser la démarche vers l'économie régénérative ?

  • #PG

    Repenser, régénérer, mais c'est l'économie régénérative par définition. Repenser... J'aurais dû la préparer.

  • #SG

    Oui, mais je t'avais envoyé les choses, il fallait les préparer. Je te prends pour un pro.

  • #PG

    Repenser, régénérer...

  • #SG

    Bon, elle est très belle. Elle va dire que c'est bon, tu as juste, c'est bon, tu marques des points. Et alors, avant-dernière question un peu compliquée, si tu avais une baguette magique pour changer les règles du jeu économique, tu changerais quoi ?

  • #PG

    Je dirais que si j'avais une règle, si j'avais une baguette magique, c'est qu'on puisse fabriquer des choses qu'on puisse... Sans extraire, c'est-à-dire qu'on puisse fabriquer, qu'on puisse continuer à être une société, une économie de marché, puisque ça reste quand même ça aujourd'hui qui alimente un système économique. Mais, entre guillemets, qu'on ne puisse pas extraire plus que ce qu'on est capable de régénérer ou de faire. Ça, ce serait super. C'est-à-dire qu'on puisse recycler, refabriquer, réutiliser et qu'on ne soit pas obligé d'extraire en permanence de plus en plus profond, de plus en plus loin, pour fabriquer des produits neufs et qu'on soit capable de régénérer, et regénérer des matières premières à l'infini pour pouvoir fabriquer des produits neufs. Ça, ce serait super.

  • #SG

    Super. Et dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ? On sent, comme tous les dirigeants, que tu es quand même très confiant, puisque tu es un entrepreneur. Tu maîtrises, même si tu es robuste, tu es résilient, mais tu maîtrises ta vie, entre guillemets. Donc, qu'est-ce qui te rend confiant, toi, dans l'avenir ?

  • #PG

    Ce qui me rend confiant, c'est que j'ai l'impression que le sujet est de moins en moins un sujet, je veux dire tabou. C'est de plus en plus un sujet de conscience collective. Et que de plus en plus, les gens disent tiens, ça déconne, je ne vais pas prendre l'avion trois fois par an ou là, tiens, je vais faire des vacances plus proches ou Tiens, je vais arrêter de vouloir aller changer mon dernier iPhone ou je ne sais quoi, ma dernière tablette, celui-là va très bien. Tiens, je vais faire réparer plutôt qu'acheter neuf. Tiens, je n'ai pas réellement besoin de ça. Tiens, le textile vintage explose. Les gens se rendent compte que pour les enfants, pour tout le monde, acheter des produits neufs en permanence n'a pas vraiment de sens par rapport à l'usage. Ce qui me donne espoir aussi, tu vois, petit exemple, j'ai des enfants en bas âge, souvent les week-ends, ils ont des anniversaires les uns avec les autres. Et l'autre jour, dans les parents, il y a un des parents qui a dit sur le groupe qui était invité, n'hésitez pas à amener un cadeau de seconde main. Ça, ça me donne de l'espoir. Parce que je me dis, c'est plus du tout un tabou, en fait.

  • #SG

    C'est vrai. Et quand ça vient de la bouche d'un dirigeant comme toi, c'est encore plus réaliste, je trouve. Donc, en tous les cas, merci Patrick, parce que c'était, comme toujours, direct, c'était franc. Et je vais terminer par une citation. Alors, j'ai grappillé sur le web, je ne me souviens même pas de l'auteur. Il est même inconnu. À défaut de pouvoir déplacer des montagnes, essayons au moins de faire bouger les lignes. Je pense que ça collait bien avec tout ce que tu nous as dit. Alors, encore merci Patrick. Et puis, à bientôt.

  • #PG

    Avec plaisir, merci beaucoup et puis bon engagement à tous.

Description

Prédestiné aux métiers de la montagne, Patrick Giraudon a repris l’entreprise familiale jeune. Entrepreneur multi-casquette, Patrick Giraudon revient sur son parcours CEC et sa prise de conscience de l’urgence à agir, alors même que l’entreprise avait déjà fait un pas sur les sujets environnementaux. Patrick explique les 3 grands leviers de sa feuille de route : diminuer l’impact de l’entreprise, par exemple en développant la location et les activités de services pour in fine moins extraire ; devenir labellisé BeCorp ; créer une fondation avec laquelle financer des projets régénératifs. Patrick évoque son engagement personnel (malgré les peurs) et son utopie : que la planète devienne un partenaire de nos structures économiques.


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Transcription

  • #SG

    Bonjour, bienvenue sur Éc(h)os de territoires, le podcast inspirant de la Convention des entreprises pour le climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalès, alumne de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Alors aujourd'hui, on est au téléphone, mais nous avons la chance de partager le témoignage du dirigeant d'une belle entreprise familiale qui est établie au cœur des Alpes, la société... Arva, un nom très connu d'ailleurs aujourd'hui, Arva, et ce dirigeant c'est Patrick Giraudon, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Patrick, bonjour.

  • #PG

    Oui, bonjour Stéphane.

  • #SG

    Je te propose qu'on se tutoie, alors je ne suis pas sûr qu'on se soit aperçu le soir sur le dancefloor peut-être quand on était à Autrans. En tous les cas, moi en préparant cet entretien, j'ai évidemment parcouru les engagements de votre feuille de route et j'avoue que dès l'introduction, ça m'a mis l'eau à la bouche. En fait, si je cite quelques lignes : fini la procrastination, le sursaut, c'est le mot juste pour décrire l'état d'esprit après les deux dernières premières sessions. Une fois qu'on explore le sujet, comment, et de la méthode, c'est là que le sport commence. Se serrer les coudes quand on peine à trouver les solutions qui tendraient à atteindre le Saint-Graal. Bref, on est déjà dans le récit. Dès le début de votre feuille de route, on est déjà dans l'aventure. Donc, avant de rentrer dans le détail, j'ai quand même envie que tu nous parles d'Arva et puis tu nous parles de toi.

  • #PG

    Écoute Stéphane, Arva, on vient de fêter les 40 ans de la société. Arva, au-delà du nom : Appareil de Recherche Victime d'Avalanche, c'est une marque que j'ai créée il y a 20 ans, enfin il y a une quinzaine d'années plutôt, quand j'ai repris l'entreprise de mes parents, j'ai repris l'entreprise il y a à peu près 20 ans. Et il y a 15 ans, on a eu l'idée de déposer cette marque pour la vendre un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, c'est un marché de niche, on est une société familiale, on est à peu près 45 personnes, mais on a des produits très spécifiques, on fabrique en France pour la grande majorité de nos produits. Les DVA, par exemple, détecteurs de victimes d'avalanches, sont développés à Annecy-Grenoble, injectés dans le Jura et assemblés dans les Vosges. Notre sac airbag est fabriqué dans la vallée de l'Arve pour le système de percussion. Le tissu d'airbag est tissé à Lyon. Les assemblages sont faits autour d'Annecy dans des ateliers protégés. Ça, c'est notre premier métier. Et notre deuxième métier, c'est qu'on est importateur et distributeur de marques été et hiver qu'on va vendre auprès des magasins de sport. Donc vous, passionnés du milieu du sport, vous allez aller chercher vos produits, n'importe quoi, Vieux Campeur, Décathlon, Intersport, des sites en ligne, etc. C'est nous qui leur vendons les marques. On a une quinzaine de marques qui sont liées à cette activité.

  • #SG

    Moi, je suis assez admiratif. C'est-à-dire qu'Arva, c'est un peu comme Frigidaire. C'est devenu un nom courant.

  • #PG

    Alors, c'est vrai en France. En France, aujourd'hui, Arva... les leaders sur le marché français. On n'est pas le leader mondial, on est sur le podium mondial, parce que j'ai quatre concurrents qui sont très forts, qui appartiennent à des groupes. Par contre, on est le dernier gaulois, c'est-à-dire on est la dernière société indépendante, familiale. Mais j'ai des concurrents dans le monde. Tous les appareils sont bien sûr compatibles entre eux. Et Arva, effectivement, en France, c'est la référence.

  • #SG

    D'accord. Et alors, ça nous intéresse, moi ça m'intéresse la famille, parce qu'entreprise familiale, alors tu es bien dans le "je pense, global, mais finalement, je suis local". Tu étais prédestiné, toi, à reprendre l'entreprise ?

  • #PG

    Oui, on était trois frères. On a tous les trois des profils très différents. Mais j'étais celui qui a fait les premiers salons quand j'étais gamin. J'avais 12-15 ans, je faisais les premiers salons, je me baladais sur les stands. Et j'adorais le milieu du sport. J'ai une mère qui était vice-champion du monde universitaire de ski. J'ai un grand-père qui était moniteur de ski, qui a la médaille numéro 57. Aujourd'hui, on est à 17 000, pour vous donner une idée. Donc oui, j'étais prédestiné peut-être un peu plus que les deux autres frères à reprendre l'entreprise familiale dans les années 2000.

  • #SG

    D'accord. Tu as eu une vie peut-être professionnelle avant, avant d'arriver dans l'entreprise ?

  • #PG

    J'ai eu une vie professionnelle assez courte en termes d'expérience parce que j'avais perdu ma mère en 1994.

  • #SG

    D'accord.

  • #PG

    Donc, mon père a continué la boîte jusqu'en 2000. En 2000, la société était très mal en point. Moi, j'avais une vingtaine d'années. J'étais en train de finir mes études et je continuais un bac + 5 en alternance à l'ESA à Grenoble. Mon père m'a dit, j'ai des problèmes de santé, soit tu rentres, soit malheureusement, je la vends ou je dépose le bilan, parce que la société va plutôt mal. Et du coup, je suis un peu arrivé en urgence. J'avais 20 ans. J'en ai pris plein la gueule pendant quelques années. Vous imaginez bien ,pour redresser d'entreprise. Mais c'était génial. C'était une expérience incroyable. Ça m'a appris des millions de choses. Ça m'a fait faire des millions de choses. Et du coup, je suis rentré dans l'entreprise très jeune. Donc, j'avais travaillé dans le bois avant, pendant trois mois, un stage d'été. Mais je n'avais pas fait des dizaines d'entreprises et d'expériences. Par contre, après, j'ai voyagé rapidement un peu partout dans le monde parce qu'on fabriquait à droite à gauche. J'ai dû rapidement me mettre les mains dans le camboui, comme dirait l'autre.

  • #SG

    C'est ça, tu t'es jeté dans la piscine sans savoir nager, mais tu as appris.

  • #PG

    Exactement. Et puis après, aujourd'hui, j'ai 45 ans. Beaucoup de choses en 25 ans. Président de cluster pendant 6 ans, le cluster OSV, le plus grand cluster national qui regroupe toute la filière sport. Je suis membre de l'APM, l'association du progrès du management. Je suis investisseur dans les startups où je donne un peu de mon temps. Je suis à des conseils d'administration. J'essaie d'être varié dans mes plaisirs.

  • #SG

    L'hyperactif, l'entrepreneur, tout simplement.

  • #PG

    L'entrepreneur, ça n'arrête jamais. Quand on est entrepreneur, on décide d'être très actif.

  • #SG

    Donc toi, la résilience, forcément, tu connais. La robustesse, tu connais. Alors là, c'était le plus simple finalement, ce que tu nous as dit. Maintenant, on va rentrer dans l'ascension plus compliquée du podcast. Tu vas nous parler du fameux régénératif et on va déjà... Je vais déjà te demander quand est-ce que tu en as entendu pour la première fois, qu'est-ce que tu en as pensé du régénératif ?

  • #PG

    La première fois que j'ai entendu parler, c'est les premiers pas dans la CEC, parce qu'au début, c'est quelqu'un de l'industrie qui m'a appelé, qui m'a dit Patrick, il faut absolument que tu participes, je venais de sortir de la présidence du cluster OSV, on a regroupé 500 membres, et les derniers mots de ma dernière AG, c'était de dire demain quand même, ce sera difficile, ce sera différent, il faudra que vous trouviez des moyens de… d'avoir des sociétés plus résilientes qui vont faire face aux défis écologiques de l'avenir. Et du coup, c'était Laure Jarlaud, à l'époque de Rossignol, qui avait fait la première CEC à Paris, qui m'a appelé et qui m'a dit Écoute, il faut absolument que tu participes à la CEC. Je viens de faire une expérience incroyable pendant un an avec M. Wotters, le PDG du groupe. J'ai appelé Julien de Picture également. Il faut que vous veniez à la CEC tous les deux. Vous allez apprendre plein de choses. vous allez apprendre ce que c'est que le régénératif. Et c'est comme ça que j'ai mis le premier pas dans la CEC.

  • #SG

    Toi, tu avais déjà quand même des convictions et un engagement environnemental avant de participer à la CEC ?

  • #PG

    Bien sûr, j'avais déjà ça. Maintenant, je n'avais pas conscience de l'urgence. On avait déjà, bien sûr, une conscience environnementale forte. On faisait déjà des produits co-conçus. On fabriquait déjà en France. On faisait attention à nos matières. On avait déjà fait notre premier bilan carbone il y a cinq ans. On était en passe de... diminuer, on compensait notre carbone, on pensait que c'était une bonne idée à l'époque. Donc on avait déjà un pas dedans. On n'était pas ni Picture, entre guillemets, ni Patagonia, qui sont un peu les références de l'industrie, mais on était en tant qu'industriel sensible au sujet.

  • #SG

    D'accord, alors du coup, on a fait ce parcours, on va parler de la feuille de route, mais alors si je te demandais une définition de l'économie régénérative, tu me dirais quoi ?

  • #PG

    Pour moi, l'économie régénérative, c'est une économie qui crée plus de positifs pour la planète que de négatif. Aujourd'hui, on sait que n'importe quel système économique de fabrication industrielle, voire de certains services, détruit la planète, détruit de la biodiversité, extrait des matières, quoi qu'on fasse. Même si on fait demain des matières... on va dire qui sont des matières moins polluantes, des matières avec des faibles émissions de carbone, etc. Quoi qu'il en soit, le fait d'extraire des matières crée en fait des difficultés pour notre avenir, pour la régénération des matières premières. Donc aujourd'hui, l'économie régénérative, pour moi, c'est de trouver un modèle économique qui crée un bilan positif plutôt que négatif. Ce qui est extrêmement difficile, ne nous le cachons pas.

  • #SG

    Pas simple.

  • #PG

    Non, c'est extrêmement difficile parce que, c'est ce que je disais, même si tu fais des produits où tu diminues ton empreinte carbone au maximum, qu'ils utilisent des matières recyclées, etc., le seul fait d'utiliser des matières, le seul fait de produire, même si c'est une production entre guillemets propre, extrait, produit, pollue. Du coup, aujourd'hui, à part des exemples, je me souviens d'un exemple de la CEC, je ne me souviens plus exactement du nom de la société, mais c'était des personnes qui fabriquaient, qui avaient des arbres à thé, et qui régénéraient, qui arrivaient à ressourcer et à régénérer leur terrain et à utiliser les matières premières dans d'autres applications pour du chauffage, etc. Et ça faisait que c'était plus, il y avait un net zéro qui était déjà acquis, voire du positif pour la régénération du terrain. C'est extrêmement rare. C'est extrêmement rare. Aujourd'hui, on n'a pas trouvé la martingale.

  • #SG

    Alors justement,

  • #PG

    on la recherche.

  • #SG

    Vous, pendant huit mois, vous avez fait marcher votre cerveau, vous avez fait du jus de crâne comme tout le monde. Vous vous êtes posés des questions. Vous avez donc rédigé une feuille de route. Est-ce que tu peux nous en parler un peu de cette feuille de route avec les leviers ?

  • #PG

    Oui, bien sûr. Les trois grands axes de la feuille de route qu'on a dessiné avec mon Planet Champion qui est Hugo, qui est le team leader de développeurs de la Team Arba. Les trois grands axes, le premier grand axe, c'est le plus évident. On va dire, c'est de continuer à diminuer notre impact carbone, augmenter notre pourcentage de matières recyclées dans tous les produits qu'on fabrique, diminuer l'impact de nos produits, développer la seconde main, développer la location et développer toutes les activités de service qui nous permettent de moins produire ou de ne pas produire autant qu'avant, pour moins extraire. Parce que toute activité, encore une fois, de fabrication, c'est de l'extraction. Et c'est de la destruction. Ça, c'est le premier point. Le deuxième point de la feuille de route, c'est aujourd'hui, moi, je voulais un symbole pour la société. Parce qu'aujourd'hui, les gens nous voyaient revenir de la CEC, le moral dans les chaussettes après l'année, enfin, la session 1 et 2. Moi, je voulais limite vendre la boîte tellement j'avais honte de ce qu'on faisait. Les équipes autour, on est 45 personnes, avaient du mal à nous comprendre. Donc aujourd'hui, pour embarquer les gens, on a commencé à faire des séminaires, on a commencé bien sûr à faire des fraises du climat, à mieux leur expliquer, etc. Et après, je voulais un symbole et quelque chose que l'entreprise suive. Et du coup, le meilleur symbole qu'on ait trouvé, et qui soit un peu connu dans notre industrie, c'est Becorp. Donc on a décidé de s'engager sur le chemin Becorp. C'est 180 critères autour de, bien sûr, l'environnement, mais pas que, des zones de l'inclusion, du management, etc., de la transparence, de la relation aux autres. Et il y a 180 questions auxquelles il faut répondre. Il faut un minimum de 90 en termes de score. L'avantage, c'est qu'on va soumettre notre dossier à la fin d'année, tout début d'année 2025. L'avantage, c'est qu'on fixe un état des lieux et après, chaque année, on doit améliorer ce score. Pour moi, c'est un label, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est une direction d'entreprise et c'est surtout un symbole pour que toutes les équipes prennent conscience que c'est la direction dans laquelle on veut aller. Et enfin, le troisième levier de la feuille de route, c'est une fondation. Je reste convaincu de l'économie. Je ne suis pas un idéologiste, je suis dans le conflit. Je sais qu'aujourd'hui, l'écologie, ça coûte cher, qu'aujourd'hui, il faut des moyens pour financer des projets, il faut des moyens pour faire des R&D, il faut des moyens pour diminuer notre impact de demain. Sans moyens, malheureusement, on ne fait rien. Ça reste à l'idée de concept ou d'idée ou d'idéologie, mais ce n'est pas dans la réalité d'une entreprise. Aujourd'hui, mon idée, c'était de dire que... Aujourd'hui, on donne bien un intéressement fort à nos salariés quand l'entreprise marche bien. Du coup, je voulais créer une sorte d'intéressement climat. Et du coup, le meilleur moyen, c'était de créer une fondation sur laquelle on va venir abonder chaque année une partie des résultats de la structure pour financer des projets régénératifs. Donc des projets de biodiversité, des projets de régénération, des projets... On va essayer de trouver les meilleurs projets d'impact. L'idée aussi, c'est d'inclure nos salariés, parce que dans le conseil d'administration, il y aura... six salariés, dont moi, et trois personnes extérieures. Il y a neuf voix. Et l'idée, c'est de les faire participer à la sélection des projets et, avec un conseil d'administration, de voter les allocations de ressources qu'on va mettre en place. Donc ça, c'est le troisième volet de notre feuille de route.

  • #SG

    Et dans la suite, j'ai vu la mise en... la collaboration avec votre écosystème, qui est aussi fort. Tu as parlé de Picture tout à l'heure, tu as parlé de l'ESF. Vous avez aussi un...

  • #PG

    Exactement. L'idée aujourd'hui, c'est que notre activité, tu vois, à l'époque, on pensait que c'était une bonne idée d'acheter des crédits carbone, entre guillemets, c'est un peu du droit à polluer quelque part. On a l'impression de faire une bonne action en compensant nos émissions carbone. On émettait à peu près 1100 tonnes équivalent carbone pour ARVA. On achetait à Carbone Neutral, c'est une société allemande qui gère des projets carbone pour beaucoup de personnes dans l'industrie. On achetait nos crédits carbone à cette société, on leur donnait 30 ou 40 000 euros par an. On pensait que c'était une bonne idée. Aujourd'hui, on va rediriger ça à faire notre fondation et on va essayer d'investir dans tout notre écosystème autour de nous, sur des projets qu'on puisse vraiment gérer, mesurer, regarder, estimer, pour ne pas participer à un barrage hydraulique au fin fond de l'Inde, mais essayer de participer à des projets locaux, puissants, et puis surtout sur lesquels on arrive à estimer leur impact.

  • #SG

    D'accord. Et si, alors ce n'est pas simple dans une PME de se placer à 10 ans, mais si on se plaçait à 10 ans, ce serait quoi finalement le signe le plus tangible de la réussite de ta démarche régénérative ? Pas simple.

  • #PG

    Question compliquée. C'est qu'aujourd'hui, on ait inspiré, on ait inspiré beaucoup de gens autour de nous, que ce soit des industriels, que ce soit les marques qu'on distribue nous. Et qu'aujourd'hui, je dirais que la vraie direction de l'entreprise, ce soit People, Planète, Profit, c'est-à-dire qu'il y a une partie de nos ressources financières qui aille aux personnes qui nous accompagnent, une partie qui aille à la planète et une partie aux actionnaires. Et du coup, aujourd'hui... que tout le monde soit inspiré par ça, en se disant que la planète devient un vrai actionnaire important de nos structures économiques.

  • #SG

    D'où l'important d'emmener tout le monde à l'aventure, que ce soit toutes les parties prenantes, dont les collaborateurs, ce qui n'est pas forcément toujours plus simple.

  • #PG

    Je dirais qu'aujourd'hui, les collaborateurs, c'est comme tout le monde. Il y a des personnes qui sont très sensibles au sujet, il y a des personnes qui sont sensibles, il y a des personnes qui sont relativement neutres par rapport à ça. On n'a pas de climato-sceptique, je crois, chez nous. Les gens sont quand même sensibles au sujet globalement. Mais aujourd'hui, je dirais que le plus compliqué, c'est un peu la théorie du basculement, c'est que toutes les entreprises et tous les dirigeants en prennent conscience. Et aujourd'hui, moi, je suis dirigeant propriétaire de ma société, actionnaire à 100%. J'ai les mains libres pour prendre quelques décisions que je veux à l'instant T, les appliquer demain matin. Quand on est dirigeant de sa société, mais qu'on est accompagné de fonds, de fonds de pension, de fonds de différents actionnaires, etc., il faut essayer d'aligner tout le monde. Parce qu'il ne faut pas oublier que tout ça coûte de l'argent. Et que si on décide d'investir une partie de nos résultats pour la planète, on va diminuer la rentabilité économique de la société au profit des actionnaires. C'est une décision d'entreprise et d'entrepreneur. ( j'allais le dire.) Et du coup, il faut convaincre. ses actionnaires ou ses associés que c'est la chose la plus juste à faire. C'est la chose juste à faire pour l'avenir de la planète.

  • #SG

    C'est vraiment un engagement personnel du dirigeant. Donc, on voit bien que quand ça ne part pas de la tête, déjà, ça ne peut pas marcher. Alors toi, est-ce que la CEC, finalement, cette aventure-là, t'as changé des choses personnellement ? Est-ce que dans ton leadership ?

  • #PG

    Moi, elle m'a effrayé. Honnêtement, le sursaut du début, ça m'a terrifié. J'ai des enfants en bas âge de 5 et 7 ans. Je ne vais pas le cacher, ces dernières années, ça a bien fonctionné pour moi. La boîte va bien, mais ça m'a terrifié en me disant en fait, tu ne vas vraiment pas assez loin dans tes démarches. Je ne suis pas un écologiste radical, on va dire. Ça m'a poussé à m'engager plus et à dire demain, je veux en faire une des missions de mon entreprise, mon entreprise au début, la mission principale, c'était de sauver la vie des gens. Il faut quand même être clair, on a des témoignages réguliers que nos produits sauvent la vie des gens. Demain, la deuxième mission, ça va être que le système économique serve à régénérer et à sauver une partie de ce qu'on détruit. Je voudrais que mes enfants se disent : mon père n'a pas seulement réussi dans les affaires, mais il a réussi à faire une entreprise équilibrée, il a réussi à... à inspirer des gens, à inspirer des équipes, pour qu'on ne pense pas qu'à la fin du mois, et au résultat économique de son entreprise. Donc ça m'a quand même réveillé. J'avais des connaissances très générales avant, comme tout le monde, ce qu'on entend, un peu de lecture, etc. La CEC m'a permis vraiment d'augmenter mon niveau de culture sur la biodiversité, l'eau douce, les océans, l'énergie, etc. Et du coup, quand on a plus de connaissances, c'est à la fois effrayant, parce qu'on se dit que c'est urgent d'agir, mais c'est à la fois un devoir d'agir et de se bouger pour que ça avance. Voilà ce que ça m'a apporté.

  • #SG

    Ça fait plaisir d'entendre un dirigeant de PME qui est pragmatique, mais qui a une vraie vision. Justement, puisque l'idée du podcast aussi, c'est d'inspirer les autres en se disant finalement, si lui le fait, peut-être que moi, je pourrais le faire aussi. Qu'est-ce que tu pourrais donner comme conseil à un dirigeant qui souhaite lancer dans une démarche régénérative ambitieuse ?

  • #PG

    Je dirais que la première chose, et je pense que la CEC est bien faite pour ça au début, c'est la prise de conscience. J'ai des copains qui n'ont pas fait la CEC, qui n'ont pas d'entreprise, mais ils sont surpris. Ils m'ont dit, tiens, on a écouté The Week, c'est un film qui fait trois fois deux heures, je crois. On l'a écouté entre potes trois soirs de suite pour se le découper. Et ça nous a secoué, ça nous a vraiment réveillé sur ce qui se passe aujourd'hui. On voit que l'écologie n'est pas du tout un sujet prioritaire pour nos politiques. Aujourd'hui, le fait que la population s'advienne prioritaire pour eux, sera peut-être prioritaire demain pour des élections. Du coup, je ne peux que dire à quelqu'un, si tu veux t'engager, déjà, rends-toi compte de ce qui se passe. Et pour se rendre compte de ce qui se passe, il faut un électrochoc. Il faut, je ne sais pas, je ne fais pas la pub de The Week, mais ça peut être une idée. Ça peut être. Vraiment un électrochoc pour se rendre compte de la situation dans laquelle on est. Parce que quand on n'est pas sensibilisé à ça... On a une connaissance générale, on se dit oui, c'est grave, il faut quand même faire quelque chose, il faut faire attention. Mais ce n'est pas seulement les micro-gestes au quotidien, en fait. Il faut aller plus loin que ça.

  • #SG

    Tout à fait, c'est vrai que le déclic est important. Moi, tu vois, pour mon expérience personnelle, c'est le film Demain qui m'a fait tilt, parce que certes, on prend conscience, mais après, derrière, on se dit que finalement, on peut aussi avoir un récit joyeux et enthousiaste, et qu'il existe des solutions. Parce qu'il faut aussi emmener les gens vers quelque chose, je dirais, positif.

  • #PG

    Exactement, et aujourd'hui, je veux dire... C'est dans la réalisation qu'on trouve notre salut. Parce qu'il faut arrêter peut-être de procrastiner, et puis d'attendre, et puis de réfléchir, et de dire qu'est-ce qu'on peut faire, mais on ne peut pas y faire grand-chose, ou les choses que j'entends. Ah bah oui, mais nous, la France, c'est que 1%, 2% de la population mondiale. C'est pas moi, c'est les Chinois, la théorie du prisonnier. Aujourd'hui, si ça devient un soulèvement de tout le monde, au bout d'un moment, ça va bouger.

  • #SG

    Attention, soulèvement, tu fais du... C'est limite. politiquement incorrect. C'est un dirigeant qui parle, heureusement.

  • #PG

    Non, mais je pense que plus il y a de gens inspirés, plus il y a de gens dans la boucle, plus demain on sera obligé de bouger en masse. Voilà, c'est cette fameuse théorie du basculement.

  • #SG

    C'est ça, voilà, toujours aller vers la bascule. Alors, on a presque fini ce podcast. Je vais te poser des questions les plus compliquées, finalement. Est-ce que déjà tu as un point que tu pourrais rajouter, quelque chose que tu n'as pas dit, que tu as en tête, comme ça ?

  • #PG

    Je dirais que si vous pouvez avoir accès à des fois des intervenants de la CEC, alors il y en a qui m'ont fait peur, il y en a qui m'ont un peu rebuté parce que c'était trop.

  • #SG

    Petit message à Arthur Keller, j'imagine, c'est ça ?

  • #PG

    Je ne vais pas te citer de nom, je pense que chacun dépendra de sa sensibilité. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le niveau de connaissance inspire beaucoup pour la suite et son niveau d'engagement pour la suite. Et du coup, je ne peux que vous pousser à écouter des spécialistes mondiaux à droite à gauche et de vous documenter pour vous faire votre propre opinion. Je ne peux que pousser à ça.

  • #SG

    Alors si tu avais trois mots pour caractériser la démarche vers l'économie régénérative ?

  • #PG

    Repenser, régénérer, mais c'est l'économie régénérative par définition. Repenser... J'aurais dû la préparer.

  • #SG

    Oui, mais je t'avais envoyé les choses, il fallait les préparer. Je te prends pour un pro.

  • #PG

    Repenser, régénérer...

  • #SG

    Bon, elle est très belle. Elle va dire que c'est bon, tu as juste, c'est bon, tu marques des points. Et alors, avant-dernière question un peu compliquée, si tu avais une baguette magique pour changer les règles du jeu économique, tu changerais quoi ?

  • #PG

    Je dirais que si j'avais une règle, si j'avais une baguette magique, c'est qu'on puisse fabriquer des choses qu'on puisse... Sans extraire, c'est-à-dire qu'on puisse fabriquer, qu'on puisse continuer à être une société, une économie de marché, puisque ça reste quand même ça aujourd'hui qui alimente un système économique. Mais, entre guillemets, qu'on ne puisse pas extraire plus que ce qu'on est capable de régénérer ou de faire. Ça, ce serait super. C'est-à-dire qu'on puisse recycler, refabriquer, réutiliser et qu'on ne soit pas obligé d'extraire en permanence de plus en plus profond, de plus en plus loin, pour fabriquer des produits neufs et qu'on soit capable de régénérer, et regénérer des matières premières à l'infini pour pouvoir fabriquer des produits neufs. Ça, ce serait super.

  • #SG

    Super. Et dernière question, qu'est-ce qui te rend confiant dans l'avenir ? On sent, comme tous les dirigeants, que tu es quand même très confiant, puisque tu es un entrepreneur. Tu maîtrises, même si tu es robuste, tu es résilient, mais tu maîtrises ta vie, entre guillemets. Donc, qu'est-ce qui te rend confiant, toi, dans l'avenir ?

  • #PG

    Ce qui me rend confiant, c'est que j'ai l'impression que le sujet est de moins en moins un sujet, je veux dire tabou. C'est de plus en plus un sujet de conscience collective. Et que de plus en plus, les gens disent tiens, ça déconne, je ne vais pas prendre l'avion trois fois par an ou là, tiens, je vais faire des vacances plus proches ou Tiens, je vais arrêter de vouloir aller changer mon dernier iPhone ou je ne sais quoi, ma dernière tablette, celui-là va très bien. Tiens, je vais faire réparer plutôt qu'acheter neuf. Tiens, je n'ai pas réellement besoin de ça. Tiens, le textile vintage explose. Les gens se rendent compte que pour les enfants, pour tout le monde, acheter des produits neufs en permanence n'a pas vraiment de sens par rapport à l'usage. Ce qui me donne espoir aussi, tu vois, petit exemple, j'ai des enfants en bas âge, souvent les week-ends, ils ont des anniversaires les uns avec les autres. Et l'autre jour, dans les parents, il y a un des parents qui a dit sur le groupe qui était invité, n'hésitez pas à amener un cadeau de seconde main. Ça, ça me donne de l'espoir. Parce que je me dis, c'est plus du tout un tabou, en fait.

  • #SG

    C'est vrai. Et quand ça vient de la bouche d'un dirigeant comme toi, c'est encore plus réaliste, je trouve. Donc, en tous les cas, merci Patrick, parce que c'était, comme toujours, direct, c'était franc. Et je vais terminer par une citation. Alors, j'ai grappillé sur le web, je ne me souviens même pas de l'auteur. Il est même inconnu. À défaut de pouvoir déplacer des montagnes, essayons au moins de faire bouger les lignes. Je pense que ça collait bien avec tout ce que tu nous as dit. Alors, encore merci Patrick. Et puis, à bientôt.

  • #PG

    Avec plaisir, merci beaucoup et puis bon engagement à tous.

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