- SG
Bonjour, bienvenue sur Échos de territoires, le podcast inspirant de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui donne la parole aux acteurs engagés et passionnés qui construisent l'économie régénérative de demain. Je suis Stéphane Gonzalez, alumni de la promotion 2023, et je vous emmène sur les territoires du Bassin lyonnais et des Alpes, à la rencontre de dirigeantes et de dirigeants qui contribuent à dessiner les contours d'un avenir durable. Aujourd'hui, j'ai la chance de vous partager le témoignage de la dirigeante et fondatrice d'une belle agence de communication, de Haute-Savoie, alors qu'il est partie un petit peu aussi du côté du Pays Basque. C'est l'agence Mooxy et cet entrepreneur, c'est Fanny Pontabry, avec qui nous allons échanger sur son engagement vers l'économie dite régénérative. Fanny, bonjour.
- FP
Bonjour.
- SG
Fanny, je te propose qu'on se tutoie. Si tu es OK.
- FP
Avec plaisir. Le principe de la CEC, c'est parfait.
- SG
C'est ça. Alors, en préparant cet entretien, j'ai évidemment parcouru les engagements de la feuille de route. Je suis un bon élève. J'allais dire votre magnifique feuille de route, qui dans la forme, dans la rédaction, est vraiment très enthousiasmante. Voilà une feuille de route qui est sincère, qui est ludique, bref, qui t'emmène déjà dans une histoire, j'allais même dire dans un voyage. D'ailleurs, à un moment, il me semble que vous utilisez le mot voyage, l'aventure collective. C'est souriant, mais c'est réaliste. Et en même temps, je me suis dit, bon, pour une agence de com', c'est un peu normal quand même. Donc, j'ai pris tous les chemins de l'aventure CEC de Mooxy. J'ai parcouru le blog, les articles, j'ai suivi les hauts, les bas, les rencontres, les questionnements. Et je voulais donc d'ailleurs introduire ce podcast avec le premier questionnement, celui que vous vous êtes posé tout de suite après la session 1, celle où on prend le gros choc dans la tête, et la question est, quelle communication, il y en a deux, quelle communication aura encore une place en 2030 et quelle agence de communication peut s'inscrire dans un monde souhaitable ? Du coup, je pense que ça va être un peu le fil de notre discussion. Tu vas nous expliquer un peu comment tu réponds à tout ça. Donc, ce que je te propose pour démarrer, c'est que tu nous présentes l'agence Mooxy.
- FP
Merci Stéphane, merci d'avoir bien préparé tout ça. Et effectivement... On a mis du cœur dans cette feuille de route, on a mis du cœur à la CEC et on va en parler ensemble dans les prochaines minutes. Mooxy, on est une agence de communication, comme tu l'as dit, on est basée à Annecy, donc sur notre territoire qu'on appelle l'arc alpin qui va en gros de Grenoble à Annecy, Genève, en passant parfois un peu de manière détournée par Lyon quand même, parce que c'est finalement quand même pas si loin de chez nous. Mais cet ancrage territorial, il est important pour nous. Donc on est une agence, on essaye d'être créatif le plus possible. C'est quand même le rôle d'une agence. On est engagé, donc c'est un peu notre leitmotif. On est, comme tu l'as dit, une coopérative, donc une SCOP. Donc on fait partie de l'économie sociale et solidaire. C'est un peu une particularité d'une agence de communication, finalement, il n'y en a pas tant que ça qui sont en SCOP. Et puis, on a une grande conviction. On n'est pas forcément tous issus de la communication chez Mooxy, mais par contre, on a une conviction, c'est que la communication, c'est un super outil, un super levier, puissant pour transformer les entreprises et les individus, les citoyens qui sont derrière, les collaborateurs des entreprises, parce que nous, la communication qu'on souhaite faire et qu'on fait aujourd'hui, on espère qu'elle soit utile, qu'elle soit utile collectivement et qu'elle soit utile pour les habitants de notre planète, de notre territoire en premier lieu, parce qu'on a cet ancrage-là. Mais l'utilité, c'est vraiment notre boussole première.
- SG
Oui, en restant joyeux et souriant. On sait très bien que pour emmener les gens dans la voiture, si tu te fais la gueule, ça ne marche pas. Alors, tu peux peut-être te parler de toi un peu quand même. Comment tu deviens entrepreneur ? Comment tu coordonnes l'agence ? Qu'est-ce que tu fais ? Enfin, tu fais plein de trucs, j'ai vu.
- FP
Je fais plein de trucs, en effet. J'ai 44 ans, donc je n'ai pas commencé à bosser juste hier. Je suis née à Annecy et je vis aujourd'hui à Annecy. Alors, je suis passée par d'autres contrées entre-temps, mais c'est vrai que je suis revenue sur ce territoire alpin. Alors, on a la chance d'avoir un membre. endroit magnifique et agréable à vivre, on n'y peut rien, mais c'est comme ça et c'est vraiment cool. Je suis née à la campagne, dans la campagne annécienne. J'ai un ancrage un peu sur ces sujets qu'on a d'ailleurs abordés à la CEC. Mon père était agriculteur pendant 20 ans, quand j'étais jeune. Donc avec un père agriculteur, ça donne forcément un peu de pied dans la terre, on va dire. Ma mère qui est médecin aussi. Et puis après, je suis ingénieure, en informatique télécom j'ai très peu bossé dans cet univers parce que je suis assez vite partie dans la communication événementielle par opportunité, et puis par envie d'être plutôt dehors que dedans. En 2020, deux personnes avec qui je travaillais très régulièrement, Isabelle, la directrice artistique, et Julie, sur de la conception rédaction et de la stratégie de contenu. On s'est dit que ce serait une bonne idée de s'associer. On a créé Mooxy à ce moment-là en se disant qu'on ne veut pas être toutes seules dans notre univers. J'avais essayé de créer un tiers-lieu à Annecy, donc j'avais beaucoup étudié les sujets de coopérative. Je leur ai dit, OK, on crée une entreprise, mais ça va être une coopérative parce qu'on veut être plusieurs dans cette aventure. Et moi, dans le plusieurs, je veux partager les valeurs de l'entreprise, qu'elles soient la responsabilité de ce qu'on fait et évidemment les bénéfices de ce qu'on apporte. Et pendant qu'on le fait, c'est-à-dire qu'une coopérative, elle a la particularité de ne pas être vendable. C'est-à-dire qu'on n'est pas une start-up, on n'a pas l'intention d'être... d'être une super licorne et d'être vendue 2 milliards dans 10 ans. Et même si on vaut 2 milliards, on ne sera pas vendue.
- SG
Ok, du coup...
- FP
C'est peu probable.
- SG
Je te raccourcis un peu parce que du coup, il faut qu'on avance un peu. Là, c'était le plus simple pour toi. Finalement, tu nous as raconté comment tu arrives à Mooxy. Comment tu arrives au Régénératif ? Rentrons dans le fil du sujet.
- FP
J'arrive au Régénératif parce que j'ai deux amis très chers qui s'appellent Sophie et David Robert-Velut. et qui ont fait la première CEC en 2021. C'est un couple chez qui je vais régulièrement et qui me racontait toutes leurs sessions CEC les unes après les autres. Ça m'a énormément inspirée. J'en ai beaucoup discuté avec eux en me disant est-ce que c'est une bonne idée pour une agence de communication de faire ce programme ? On m'a dit vas-y, fonce, franchement, c'est sûr que ça sera bien. Je les remercie parce qu'évidemment... C'était bien et donc c'est eux qui ont mis cette petite graine.
- SG
C'est le déclic et du coup, c'était quoi la définition que tu en avais justement du régénératif ou que tu en as aujourd'hui finalement ?
- FP
Pour moi, ça restait du jargon à mon barbare quand ils m'en ont parlé. Et aujourd'hui, je le lis beaucoup à justement comment on a un impact positif sur notre Terre, sur notre planète. plus que des impacts négatifs. Et donc, au-delà de réduire les impacts négatifs au minimum, comment on régénère l'écosystème dans lequel on vit ? Le terme régénératif, j'avoue qu'il est intéressant et les bons mots sont toujours les meilleurs, mais ça reste assez jargonneux pour le grand public. Donc, ce n'est pas forcément le terme qu'on utilise beaucoup chez Mooxy parce que justement, nous, on essaye de rendre ça accessible. au plus grand nombre. Et parfois, de reparler du vivant, de reparler de ce qui se passe dans les écosystèmes, de reprendre des exemples concrets, c'est parfois un peu plus parlant que ce terme de Regen, de régénératif, dont on parle régulièrement.
- SG
C'est souvent ceux qui en parlent le plus qui le connaissent le moins, donc ça veut dire que tu maîtrises quand même bien le sujet, puisqu'on voit bien de quoi tu parles quand tu en parles. Et toi, tu avais déjà des convictions. Est-ce que la CEC, ça t'a changé les choses par rapport à ton engagement environnemental ? Est-ce que tu as appris des choses ou est-ce que pour toi c'était évident ?
- FP
Alors, justement, David et Sophie m'ont dit Ah là là, mais toi tu es déjà tellement au point sur les sujets que je ne sais pas si tu vas apprendre grand chose, mais en tout cas tu vas apprendre énormément à la CEC. Mais j'ai quand même appris énormément de choses, parce que je pense que j'étais pas ignorante sur tout ce qu'on aborde à la CEC, pour autant, un, de le prendre de cette façon-là intense. avec des experts qui sont plus forts les uns que les autres pour transmettre leur connaissance, c'était quand même extraordinaire qu'on ne connaît jamais tout, même si on lit et on écoute beaucoup de choses, et que de le vivre avec des pairs, de rééchanger dessus, de réencastrer ça dans les modèles de nos entreprises, moi ça m'a bousculé énormément. J'ai bien compris qu'une fois qu'on avait mis tout ça dans notre matrice, Le retour en arrière, la marche arrière allait être compliquée. Et donc, on était partis sur un modèle. Et surtout, ça m'a donné tellement envie de créer un modèle d'entreprise qui soit compatible avec ce fameux donut, ces limites planétaires, mais aussi ce plancher social qui me semble fondamental. Donc, on a appris énormément de choses. et on a été chahutés dans le monde professionnel. parce que d'avoir des convictions personnelles, je pense que j'en ai depuis longtemps, et comme je le disais, je suis née à la campagne, c'est un univers qui me parle, la nature, la connexion à la nature. Aujourd'hui, on habite à côté de la montagne, moi j'y suis tous les week-ends en montagne. Donc cette connexion-là, on va dire que je l'avais plus tôt, mais de le reconnecter à notre entreprise, en tout cas, ça ne se matérialisait nulle part, même si c'était assez en moi. J'ai quand même toujours parlé souvent d'autres choses que d'argent. Et là, ça prend une tournure intéressante là-dedans. Parce qu'on peut parler d'autres choses sans être taxé de fonds.
- SG
Alors après, ce qui est intéressant, je rebondis, pour une dirigeante, tu l'as dit, il faut être rentable. Donc voilà, et en fait, on va parler de votre feuille de route. Et dans votre feuille de route, vous introduisez finalement le plan en disant que les idées, c'est encore mieux quand c'est suivi de deux faits. Et c'est ça qui est intéressant, parce que finalement, tu ne peux pas te cacher derrière un mot, mais il faut montrer que ce qu'on dit, on le fait. Alors justement, votre feuille de route, tu peux nous en parler, nous dire un petit mot dessus ?
- FP
Oui, nous, notre feuille de route, donc notre Muxi, on l'a créée en 2020, donc 2023, ça est arrivé très vite derrière. Et aujourd'hui, c'est vraiment notre boussole, cette feuille de route. Donc nous, la CEC, quand on a créé cette feuille de route, ça a été aussi un super exercice. de stratégie pour Mooxy. Et donc, on l'a pris vraiment très au sérieux, ce sujet. Et on l'a fait, évidemment, avec Isabelle, qui était Planet Champion, mais aussi avec les autres collaborateurs de l'entreprise. Et on s'est dit, on va prendre nos cinq leviers, qui sont, un, notre structure. Donc, aujourd'hui, on est une scope. Demain, peut-être qu'on sera une SIC. Une SIC, c'est une société coopérative d'intérêt collectif, puisque... L'utilité, l'intérêt collectif, c'est vraiment un truc où on se dit, si on veut faire de la communication utile, si on veut un peu s'enlever cette image de l'agence de communication à la Seguela, parce qu'on est vraiment tout seul ça, on se dit que la société coopérative d'intérêt collectif, elle a cette petite couleur-là. Et donc le premier sujet qu'on a traité, et on l'a fait cette année, c'est qu'on a créé un comité de parties prenantes. ou un comité d'amis critiques, on peut l'appeler un peu comme on veut, mais en tout cas, c'est des gens qui sont autour de nous. Ils sont 11, et c'est des clients, des fournisseurs, des personnes avec qui on travaille depuis longtemps ou avec qui on échange depuis longtemps, qui sont un peu nos sparring partners sur des sujets divers et variés. Donc ça, c'est le premier pilier. Donc on a déjà commencé à cocher des cases là-dedans. Le deuxième, c'est notre modèle économique, parce que comme tu l'as dit, le premier sujet, c'est que si on veut être là en 2030, il faut qu'on ait une entreprise rentable, sinon ça ne fonctionne pas bien. Et notre modèle économique, aujourd'hui, on est une agence de communication, on propose des services, des outils de communication, et ce qu'on a inscrit dans le fait de route, c'est qu'on fasse de plus en plus de produits qu'on a appelés mutualisés, c'est-à-dire qu'on est… on s'est rendu compte, notamment à la CEC, que sur un problème commun qui est typiquement embarquer ses collaborateurs, que toutes les entreprises de la CEC ont, en tout cas elles nous ont toutes dit comment on fait ? On s'est dit nous on est une agence de communication, ce qui serait intéressant c'est qu'on puisse proposer des outils qui soient à 60-80% communs et à 20-40% spécifiques. Donc ce qu'on a commencé à faire, et aujourd'hui sur toutes nos offres quasiment, ou en tout cas sur celles qui se prêtent à ça. On propose, admettons, un chiffrage à 10 000 sur un produit. Et si vous trouvez un, deux, trois, quatre copains avec vous parce qu'ils ont plutôt des besoins communs sur ce sujet-là, d'un coup, on réduit la facture d'autant. Et nous, ça nous permet de travailler sur des outils qui vont avoir plus d'impact, qui vont être plus lus, plus vus, plus partagés et avec un peu plus de moyens aussi. Parce qu'on fait des vrais chiffrages. Parce que le site Internet à 2000 balles, c'est compliqué. Donc demain, si on fait... Là, on travaille sur les sujets de CSRD. Ça se prête tellement à ces sujets de mutualisation. Parce qu'en fait, ils ont tous les acteurs, toutes les ETI, les grosses PME qui sont sur le sujet. Elles ont besoin d'embarquer leurs équipes sur ce sujet-là. Parce qu'il va falloir qu'ils collectent des données, il va falloir qu'ils comprennent ce que c'est qu'un ESRS. Il va falloir qu'ils comprennent tout ça. Et... Et la communication, c'est de créer ces outils et de les créer, de rendre un peu sexy aussi l'outil, parce que s'ils se tapent 50 réunions l'année prochaine sur la CSRD, si c'est chiant comme la pluie, ils ne vont pas avoir très envie d'y aller. Donc nous, on veut rendre ça... à la fois lisible, claire, mais aussi un peu sympa. Donc ça, c'est ce pilier-là. Et après, les trois autres piliers, c'est vraiment d'aligner les gens avec qui on travaille et de s'aligner avec eux. C'est-à-dire qu'eux, ils aient une vision de là où on veut aller et puis comment on les embarque sur certains sujets parce qu'on imagine que c'est pertinent. Puis comment on nous embarque aussi sur leurs sujets. un sujet de formation, parce qu'évidemment, on est une agence de communication, on a des expertises sur ces sujets, qu'elles soient des conconceptions ou de nouveaux récits, qui sont des sujets qu'on aborde beaucoup et donc on doit être formés là-dessus, mais aussi sur la thématique, parce que il y avait un embarquement CEC en octobre, il y a deux collaborateurs de Mooxy qui y étaient, et puis on a un en décembre, et il y aura sûrement deux encore collaborateurs de Mooxy qui y seront. Donc voilà, et puis le dernier levier, c'est nos locaux. puisqu'aujourd'hui on a des super locaux qui sont dans une zone artisanale qui est géniale pour nous parce que c'est un peu notre bêta-test quand on veut tester des outils qui doivent parler à tout le monde parce qu'il y a des carrossiers, des imprimeurs, des gens qui n'ont rien à voir avec notre écosystème et qui ne sont pas du tout forcément sensibilisés à nos sujets. Donc on organise des déj ou des apéros puis on leur partage un peu ce qu'on fait, ça nous permet de parler de ça. Donc ça c'est cool, sauf que c'est vraiment la pire passoire thermique qui existe. Donc si un jour... peut-être, on se dit que quand même si nos locaux pouvaient ressembler un peu plus à ce qu'on porte, ça serait sûrement une bonne idée. Donc voilà, ça fait partie de ça.
- SG
Alors, c'est une question que je me pose parce que du coup, je me la suis posée moi, longtemps. Dans votre feuille de route, vous mettez que 80% de clients sont sur notre territoire. Quand on t'entend, c'est très enthousiasmant. Franchement, on a envie de travailler avec toi, ça va être honnête. Donc forcément, tu vas forcément développer, c'est sûr. Alors, tu vas certainement plus prospérer que croître, si on veut trouver le bon terme. Mais tu vas faire comment ? Parce que quand on va t'appeler de Paris ou quand on va t'appeler de Bretagne, tu vas faire comment pour répondre ? Puisqu'il faut que 80% de tes clients soient sur ton territoire. Je te pose une colle, ce n'était pas prévu.
- FP
Non, je ne crois pas que c'est une colle parce que c'est ce que je suis en train... Et ce qu'on est en train de voir chez Mooxy, c'est que... Je suis intervenue à la CEC des Nouveaux Récits avec beaucoup d'agences de communication et avec des gens qui sont venus me voir, on a pas mal échangé. Et je pense que j'étais la semaine dernière à Marseille avec une agence qui s'appelle Marsatwork, pour ne pas la nommer, qui fait la CEC aussi et qui a des valeurs très communes des nôtres. Et je pense qu'il y a moyen de créer des réseaux. avec des gens qui sont à Lille, à Nantes, à Marseille, ailleurs, et même à Annecy, parce qu'aujourd'hui, on coopère super bien avec des agences d'Annecy. Et donc, pour avoir, nous, une taille critique qui doit rester une taille… Moi, aujourd'hui, je suis dirigeante de cette agence et je ne pense pas pouvoir être capable de piloter 100 personnes, ni même 50, je crois. Donc soit un jour, ce sera quelqu'un d'autre aux manettes, et ce sera très bien puisque c'est le principe de la coopérative. Soit on reste une entreprise où on est 10-15 personnes, on est ancré sur notre territoire. Par contre, on a des alliés ailleurs qui ont des valeurs plutôt communes, avec qui, quand ils ont besoin de compétences sur l'univers de la montagne ou du sport qu'on adresse particulièrement, parce qu'on est assez experts sur le sujet, on va bosser avec eux. Et puis eux, quand on m'adresse un sujet sur lequel ils sont meilleurs, ou leur territoire, c'est peut-être eux qui prennent le lead. Et ça n'empêche pas qu'on travaille ensemble. Mais moi, je crois vraiment au réseau, je crois vraiment aux alliances, je crois vraiment à la coopération entre concurrents, dont j'ai énormément parlé avec Sophie Robert-Velut, qui l'a mise en place après la première CEC, chez Expanscience, chez Mustela. Et je pense vraiment qu'on gagnera tous à ça.
- SG
Voilà, parce que dans les parties prenantes, tu as raison, les concurrents font partie de nos parties prenantes. Et demain, oui, même aujourd'hui, c'est plutôt des alliés que des concurrents. Mais du coup, ça veut dire qu'on peut changer son regard, penser autrement, sortir un peu de la performance et tout ça. Si je me projetais à 10 ans, alors du coup, c'est quoi le signe le plus tangible de la réussite de Mooxy dans sa démarche régénérative ?
- FP
On a plusieurs idées. Il y a une idée où... qui fait son chemin depuis quelques années, depuis le moment où j'ai, en 2012, essayé de monter un tiers-lieu à Annecy, autour d'une ferme, et où je pense que la pluriactivité est un vrai sujet, et que je pense qu'il y a des métiers qu'on ne peut pas faire à plein temps, ou en tout cas, aujourd'hui, il n'y a plus personne qui a envie de les faire à plein temps, qui sont l'agriculture, qui sont même, sur toute sa vie, d'être enseignant, je pense que c'est parfois une vocation, mais parfois... On se dit que si on fait ça 3-4 ans, ça peut être bien aussi. Et notamment sur l'agriculture, moi je me dis, si demain on a des locaux dans un endroit où on a du terrain et où on a 15 personnes qui ont une journée par semaine où ils sont le maraîcher de leur entreprise et 4 jours où ils sont le graphiste, le romancier de l'entreprise, ben... Je crois vraiment à ça et dans ce cas-là, on se réencastre vraiment dans le vivant. Et d'un coup, au-delà d'avoir une entreprise qui accompagne ses clients de la manière la plus vertueuse possible, qui a réduit ses impacts au maximum, peut-être qu'elle a aussi permis de nourrir les foyers des gens qui travaillent chez eux, voire plus, ou voire l'écosystème sur lequel elle est. Voilà, moi je réfléchis toujours à ces sujets, et aussi parce que je n'ai pas les deux pieds dans le même sabot, et que je sais que j'ai envie de parfois avoir les pieds dans la terre, mais en même temps je ne me vois pas devenir maraîchère à 100%, ça c'est sûr que non. Pour autant, je suis convaincue que c'est indispensable, je suis convaincue que c'est indispensable proche des villes, si on veut un peu allonger notre autonomie alimentaire et passer à plus de 48 heures par… par ville, de plus de 100 000 habitants. Donc, c'est le genre de projet qui peut être... Et je me dis sincèrement que ça doit pouvoir se faire même dans les 5 à 10 ans à venir.
- SG
C'est vraiment penser autrement. Du coup, c'est sûr que là, il faut ramener les gens dans l'histoire. Et justement, moi, je comprends. Je suis aligné, je trouve ça génial. Mais qu'est-ce que tu pourrais dire, par exemple... un dirigeant qui a envie de se lancer dans une démarche régénérative. Là, tu nous as fait de la prospective très, très loin, mais au concret, qui vient de voir en disant, bon, vous êtes bien gentil, mais moi, je fais comment ? Et qu'est-ce que vous me conseillez ? C'est quoi la réussite, les ingrédients ?
- FP
La réussite, les ingrédients, c'est quand même de se dire que typiquement, une démarche CEC et tout ce qu'on a vécu, c'est que, un, on l'a vécu collectivement. Et ça, je pense que ça fait bouger vraiment, parce qu'à chaque fois, on se dit, ah, on n'est pas tout seul à penser comme ça. Parce que je pense que là, le monde dans lequel on vit, très clairement, il faudrait quand même être complètement aveugle pour se dire qu'il n'y a pas de problème. Et donc, si on veut avoir une entreprise qui est encore là dans 10 ans, il faut quand même anticiper ça, il faut quand même se préparer. Et se préparer et anticiper, ce n'est pas faire que faire le business plan à 10 ans, c'est aussi se préparer à ce monde qui évolue, à ce dérèglement climatique qui est présent. Et pour ça... Oui, de se mettre dans ces démarches de formation, de sensibilisation, de compréhension du monde dans lequel on est, pour voir où sont nos leviers d'action. Mais aujourd'hui, le rôle d'un chef d'entreprise, c'est quand même d'anticiper et de se préparer. Et ça ne se fait pas qu'avec des tableaux Excel. Je ne crois pas du tout aujourd'hui que ce soit le seul lien. On peut se boucher les yeux en disant que les crises ne nous arriveront jamais, mais je pense qu'à Givors, il y a 15 jours, ils ne s'attendaient pas à avoir les pieds dans l'eau dans tous leurs supermarchés. Et aujourd'hui, c'est la réalité. Et donc, il vaut mieux être préparé. Et pour se préparer, la CEC et le régénératif, et essayer de comprendre que si on régénère l'écosystème dans lequel on est, notre territoire, on a certainement... On est certainement au meilleur moment, au meilleur endroit pour être les acteurs. Et je pense que le monde économique, le monde de l'entreprise, les chefs d'entreprise, ils ont un énorme rôle à jouer. Tu as parlé des questions qu'on s'est posées avant de créer Muxi et en faisant la CEC. Moi, le rôle de l'entreprise aujourd'hui face aux enjeux, il est colossal. Et pour éduquer les collaborateurs des entreprises, les former, leur partager ce qu'on fait. Mais aujourd'hui, nous, on est... Moi, aujourd'hui, je... Je suis convaincue qu'en étant chef d'entreprise, je suis à un endroit qui a un rôle. Il faut le prendre. Je pense que c'est le rôle des chefs d'entreprise.
- SG
Tu l'as dit, il faut emmener aussi les gens dans l'aventure et il faut leur donner du sens. Il y a une grosse partie de pédagogie et de sensibilisation. Il ne faut pas être trop loin non plus pour que les gens puissent s'inspirer et comprendre. C'est ça qui est intéressant dans ton témoignage puisque tu es une dirigeante de PME, de TPE. C'était un discours enthousiasmant mais pragmatique. Et on sait très bien que ce n'est pas simple. Mais en faisant, on se rend compte que finalement on trouve des solutions et on y arrive.
- FP
Et puis on fait.
- SG
C'est ça, on fait.
- FP
Tous les jours, on fait. Et on fait dans notre monde réel. On adore la prospective, mais aujourd'hui, on vit en 2024. On est en octobre et on vit dans notre monde.
- SG
Il faut quand même rentrer du chiffre d'affaires. Il faut payer les collaborateurs. C'est ça, l'adéquation la plus compliquée. Mais qui enthousiasmante. On va terminer bientôt ce podcast. Si tu avais une baguette magique et que tu pouvais changer la règle du jeu économique, qu'est-ce que tu changerais ?
- FP
Alors, je ne sais pas si je changerais les règles du jeu, mais j'ai fait l'Institut des Futurs Souhaitables il y a quelques années et le leitmotiv de Mathieu Baudin, qui est le fondateur de l'Institut, c'était le ministère du temps long. Et j'ai lu il y a cette année le ministère du futur, qui est un livre de Kim Stanley Robinson qui est intéressant. Et en fait, la baguette magique pour moi, c'est un peu créer ce ministère du temps long. plutôt que d'avoir exclusivement des réflexions à quatre ans, si on parle des Américains et leurs élections tous les quatre ans, ou chez nous, les municipales tous les six ou cinq ans. En fait, on ne réfléchit qu'à court terme, et à force de réfléchir à court terme, on ne réfléchit pas quand même à l'intérêt général, on réfléchit au pouvoir particulier. Moi, si j'avais une baguette magique, je créerais un ministère du futur avec justement cette obligation d'en référer à cet organe pour prendre les décisions qui impactent la société. Je crois vraiment à ce temps long, mais ancré aussi dans le concret. Donc, ça veut dire que ce temps long, il doit aussi se projeter tous les jours dans qu'est-ce qu'on fait. Et donc ce fameux plan d'action, c'est-à-dire que, c'est ce que j'aime bien dans la prospective, c'est qu'on imagine le monde tel qu'on aimerait qu'il soit, et on se remet à aujourd'hui, on regarde ce qu'il y a autour de nous, on regarde notre réalité, et on dessine le chemin pour y aller. Et moi je suis convaincue que c'est un truc qui marche, en fait. Et je le vois à l'horizon de notre feuille de route, c'est-à-dire que si on n'avait pas écrit notre feuille de route, on n'en serait pas là aujourd'hui. Aujourd'hui, on a écrit notre feuille de route. Certains peuvent trouver qu'elle est ambitieuse ou pas du tout. Mais en tout cas, moi, ce que j'adore, c'est qu'elle est concrète et que tous les jours, on s'attèle à faire des choses dedans. Et notre feuille de route, c'est un peu notre ministère du futur parce qu'elle se projette. Donc, je crois à ça vraiment.
- SG
Elle a des indicateurs, elle a des objectifs. Elle paraît très simple, en fait. Justement, c'est ça qui est intéressant. Mais elle n'est pas si simple quand on regarde dans le détail. Par contre, c'est vrai que c'est un bon guide. Moi, elle m'a vraiment fait envie. En tous les cas, c'est vraiment, vraiment merci pour cet échange. Parce que c'était direct, c'est franc. On sent ton sourire, on sent ton enthousiasme. Et c'est aussi ça, en fait. C'est le dirigeant qui incarne sa feuille de route, entre guillemets. C'est aussi pour ça qu'on a envie de le suivre. Donc, c'est aussi un beau message. Du coup, je terminerai par une citation de Roland Barthes. Alors, je n'ai pas parlé de Sapiens et tout ça, mais je sens que toi, tu as tout lu. Donc, une citation qui m'a bien plu et qui correspond bien "Il n'y a pas, il n'y a jamais eu nulle part, aucun peuple sans récit." Et je pense que ça illustre bien notre discussion. Donc, encore merci à toi, Fanny. Et puis, à bientôt.
- FP
Merci beaucoup. Merci pour l'initiative. Merci de relayer. ce qui se passe dans nos territoires et ce qui se passe concrètement, parce que je pense que c'est comme ça qu'on inspirera et qu'on transformera nos territoires.
- SG
Merci. Salut.