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La vie est belle, essaie-la !

Jean-Philippe Camdessanché – Un a priori d’amour – Partie 1

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30min |29/11/2024
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Jean-Philippe Camdessanché – Un a priori d’amour – Partie 1

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30min |29/11/2024
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Description

Le Professeur Jean-Philippe Camdessanché est chef du Service de Neurologie au C.H.U. de Saint-Étienne et dirige également le pôle Médecines Spécialisées. Enseignant et chercheur, il est avant tout un homme profondément humain. Il partage avec nous sa relation aux patients et sa façon d’aborder l’annonce de diagnostics difficiles.


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Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la (SLA) ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Donner le meilleur de soi-même permet d'atteindre une certaine sérénité. Quand j'ai fait de mon mieux, je suis qui je suis, avec mes qualités et mes défauts. Et quand j'ai fait de mon mieux, quelque part j'ai le cœur léger parce que j'ai fait de mon mieux.

  • Natacha Sels

    Jean-Philippe Camdessanché Un a priori d'amour, partie 1. Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec Jean-Philippe Camdessanché, chef du service neurologie du CHU de Saint-Étienne. Heureusement que je ne suis pas préalablement allé consulter son CV, car j'aurai le trac. Il cumule les charges de chef de pôle, d'enseignement, de recherche à l'INSERM, ainsi que des charges régionales ou nationales ou CNU, qui visent à sélectionner les meilleurs professeurs de neurologie pour l'avenir, ou au CEN, qui vise à promouvoir et développer l'enseignement de neurologie des internes. La rencontre se fait dans son bureau, où je découvre un homme accueillant, disponible, accessible, au sourire franc et espiègle. Au mode relationnel, basé sur l'authenticité, le respect de son prochain, sont des clés qui ouvrent toutes les portes, et peut-être devrais-je dire les cœurs. Je vous laisse découvrir ce terrien sensible et amoureux des choses qui durent, même s'il dédie sa vie aux maladies, il faut prendre conscience que le temps nous est compté. Comment est venue votre vocation ? Comment est venue l'idée de ce métier ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    De mon maître, comme on dit de par chez nous, le Professeur Daniel Michel, qui avait pour habitude le samedi matin de monter dans le service, de voir un patient avec l'étudiant qui avait fait l'observation de ce patient. Et je me rappelle très très bien, je pourrais vous dire le numéro de la chambre. même si le pavillon est maintenant détruit. C'est un patient qui avait une maladie de Parkinson et qui avait fait un accident vasculaire cérébral. On est resté dans la chambre de ce patient pendant une demi-heure à une heure à l'examiner, à l'interroger. Mon patron m'expliquait un peu toute l'anatomie neurologique et j'ai été séduit par cette spécialité qui commence par un interrogatoire policier au bon sens du terme. la compréhension de ce système nerveux qui m'a séduit très clairement. Donc voilà, c'est ce matin-là. Je crois que j'étais en quatrième année de médecine. J'ai dit, je veux faire de la neurologie. J'ai été thésé en mai 2000 et on est donc en 2024.

  • Natacha Sels

    Donc après tout ce temps, vous êtes toujours aussi séduit ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Vraiment séduit, suffisamment que... Après avoir choisi cette spécialité, d'avoir aussi pris toutes les dispositions pour faire une carrière hospitalier-universitaire. Donc une carrière qui associe du soin, de la recherche, la recherche clinique, la recherche fondamentale. Voilà, donc ça demande de gros investissements. qui ne peuvent être que sous-tendues par une grosse motivation, j'ai envie de dire.

  • Natacha Sels

    Quelle serait votre définition de la neurologie ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, quand on me le demande, je dis que c'est les pathologies du système nerveux, centrales et périphériques, qui sont des pathologies organiques, c'est-à-dire qui correspondent à des symptômes générés par une lésion de l'organe système nerveux. C'est vraiment des pathologies... de l'organe système nerveux. Et puis après, je donne des exemples. Je parle de la sclérose en plaques, du Parkinson, de l'Alzheimer, des neuropathies, de la SLA. Voilà, c'est des exemples. Les gens ont du mal à toucher du doigt à quoi ça peut ressembler.

  • Natacha Sels

    Oui et justement, quelles sont les maladies que vous traitez le plus ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je traite toutes les pathologies neurologiques. Et là-dessus, j'espère avoir un niveau pas trop mauvais, j'ai des sur-spécialités. Les sur-spécialités ? c'est les pathologies neuromusculaires, et la SLA, puis aussi à un moindre degré, peut-être la sclérose en plaques. Et puis au niveau exploration, c'est tout ce qu'on appelle l'électroneuromiographie, c'est donc l'exploration du nerf et du muscle et des motoneurones.

  • Natacha Sels

    La SLA, vous en avez combien de cas ici au CHU de Saint-Etienne ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ce qu'on appelle la file active, c'est-à-dire que le nombre de patients qu'on suit à un moment précis, est autour de 150. 150, c'est une file active qui n'est pas énorme. Si on compare à un centre comme Lyon, par exemple, qui doit avoir une file active de peut-être 400 patients.

  • Natacha Sels

    Vous parlez de la SLA uniquement.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Je parle de la SLA, oui. SLA et les maladies du motoneurone en sachant que pour l'essentiel c'est des patients avec une SLA. Donc je partage cette activité-là avec le docteur Anne-Laure Kaminsky parce qu'évidemment on prend en charge ces patients et ces prenants mais aussi on prend en charge toutes les autres pathologies. Donc cette file active on la partage en deux. En sachant que on est, tous les patients ont un neurologue référent et c'est toujours le même.

  • Natacha Sels

    Au niveau du panel de personnes que vous avez, c'est plus des hommes, c'est plus des femmes ? Il y a des âges qu'on retrouve ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors c'est un petit peu plus les hommes, voilà. Le début de la maladie, grosso modo, c'est 60 ans. Un peu comme le glioblastome, une tumeur cérébrale assez agressive. Et c'est finalement, pas de polémique politique, mais des gens qui arrivent à l'âge de la retraite. Et alors qu'une autre vie va commencer, la maladie arrive. Si c'est autour de 60 ans, ça veut dire qu'il y a tout un tas d'exceptions, avec des gens beaucoup plus âgés et aussi malheureusement des gens beaucoup plus jeunes. On avait récemment une patiente qui était jeune dans le service, qui devait avoir 37 ans me semble-t-il, ou 36 ans.

  • Natacha Sels

    J'imagine que vous avez eu un certain nombre de diagnostics à annoncer ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oh oui, oui, un très grand nombre.

  • Natacha Sels

    Comment ça se passe ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Comment ça se passe ? Quelque part, ça s'apprend un peu. C'est très facile. J'ai eu exactement zéro minute d'enseignement sur comment annoncer une mauvaise nouvelle. Mais c'est des choses qui ont vraiment changé. Et c'est quelque chose qui m'a personnellement intéressé. Donc, j'ai beaucoup travaillé le sujet de cette annonce diagnostique. Et je participe maintenant à des enseignements au sein de la fac sur cette annonce. On a un cycle de cours pour les étudiants qui passent dans le service, les externes, et moi je fais toujours un cours sur l'annonce diagnostique.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous leur apprenez ? Qu'est-ce qu'il faut pour... pour pouvoir annoncer entre guillemets sereinement ce genre de diagnostic ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    D'abord, il faut les éléments du diagnostic. On fait référence à des critères diagnostiques, une mode d'évolution des troubles. Il faut avoir un certain degré de certitude qu'on a bien affaire à cette maladie. Il faut avoir conduit un bilan pour être sûr que ce n'est pas une autre maladie. Ensuite, il faut connaître le patient à qui on fait l'annonce. Ça veut dire savoir dans quel contexte il évolue. On ne va pas dire les mêmes choses de la même façon à cette jeune femme en charge d'enfant, à cette personne très âgée qui a déjà perdu de l'autonomie pour une autre raison, pour ce chef d'entreprise, pour... pour cette personne qui vient de se remarier, etc. Donc, avoir cet environnement, c'est un certain confort pour l'annonceur, si j'ose dire. Ça ne veut pas dire que ça devient facile, mais déjà, on sait à peu près à qui on parle. Et donc, on avancera peut-être d'une façon différente. Il faut essayer d'approcher un peu... peu ces mécanismes psychiques, parce que tous les patients sont différents. Il faut que le patient vous connaisse aussi. Une annonce, ça ne peut pas être quelque chose qui se fait entre deux inconnus. C'est impossible. La qualité de l'annonce. C'est un peu les étapes qui se font dans l'annonce. Par exemple, quand les patients sont hospitalisés, je passe toujours du temps pour essayer de comprendre ce qu'ils ont compris de cette affaire. Est-ce qu'ils ont compris que c'était une pathologie chronique ? Est-ce qu'ils ont compris la gravité de la pathologie ? Et c'est très différent. Il y a des gens qui viennent vous voir et ils ont tous les éléments pour penser qu'ils ont cette maladie-là. Ils ont déjà fait le diagnostic. Et puis, il y en a tout un tas d'autres qui pensent que... qu'on va leur donner un comprimé ou leur faire une piqûre et que le déficit qu'ils sont en train d'installer va rentrer dans l'ordre et puis la vie va reprendre. Parfois c'est confirmer des doutes et parfois c'est construire un pont sur un fossé immense. Ce temps d'hospitalisation, c'est un peu là qu'on évalue les patients, qu'on commence à faire passer quelques messages et puis après vient la consultation d'annonce elle-même, qui est une consultation. qui vient dans le mois après l'hospitalisation. Et c'est une consultation qui est un temps soit peu organisée. C'est une consultation où on est sûr que le téléphone ne va pas sonner ou quelqu'un ne va pas frapper à la porte pour raconter un truc de peu d'importance. Voilà, il faut avoir du temps. Ça ne veut pas dire... Moi, je prévois un créneau d'une heure. Ça ne veut pas dire que je vais utiliser une heure. Mais si j'en ai besoin, je l'ai. Donc voilà, et je vais déjà ne pas annoncer tout de suite, c'est-à-dire que le patient il vient pour une question de synthèse, il sait qu'il va repartir avec son diagnostic, donc il est là, il lit sur vos lèvres, donc il faut commencer par faire baisser un peu la pression et parler d'autres choses, et puis on en vient au diagnostic. J'ai envie de dire qu'on dit au patient que ce qu'il peut entendre, ce qui est un exercice difficile. Alors on répond toujours aux questions, si le patient pose des questions, on répond. Je ne m'imagine pas... mentir, y compris sur l'évolutivité de la maladie, etc. Et puis, il faut accrocher une prise en charge. C'est-à-dire que l'annonce, ce n'est pas un temps qui est suspendu en l'air, comme ça. C'est un point de départ à une prise en charge. Et c'est un moment où on dit aux patients qu'on est là, qu'on sera là pour l'accompagner, sur un chemin pas obligatoirement qu'il a souhaité, et pas obligatoirement agréable, mais qu'on sera là avec toute une équipe et qu'on essaiera d'aider du mieux qu'on peut.

  • Natacha Sels

    Alors, il y a plusieurs questions qui me viennent. Quand vous dites le mois d'hospitalisation, ça veut dire que vous, ce patient-là, vous l'avez vu combien de fois ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On le voit parfois à la visite, puisqu'on est un centre hospitalier universitaire, donc avec des étudiants. Bien souvent, c'est le médecin qui voit le patient, qui va faire cet examen qui s'appelle l'électromyogramme, qui va... permettre de poser le diagnostic de SLA. Donc ça fait un temps supplémentaire parce qu'un EMG ça dure sensiblement une heure. Et puis je dis souvent, c'est pas obligatoire mais c'est quand même très souvent, en fonction de ce qu'a pu exprimer le patient ou on a senti qu'il n'exprimait pas parce qu'il y avait trop de monde dans la chambre. Voilà, moi il m'arrive de... de repasser le soir et de m'asseoir au bord du lit pour qu'il y ait un autre temps d'échange, peut-être plus informel. Et parfois, il y a des questions qui viennent là, alors que le matin même, elles n'existaient pas.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il vous arrive... de ne pas prononcer le mot incurable ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je ne dis jamais que c'est une maladie incurable. Par contre, je dis qu'il n'existe pas de traitement pour vous guérir aujourd'hui. Quelle est la différence entre ces deux énoncés ? Je pense qu'on dit à peu près la même chose. Il n'y a pas ce mot incurable qui est sévère et cinglant, je trouve. Pour autant, on dit qu'on n'a pas de traitement permettant de guérir. Et j'ajoute aujourd'hui. Certes, on n'a pas beaucoup de perspectives thérapeutiques, mais il y en a malgré tout. La médecine avance, les progrès avancent. C'est une histoire de mots. C'est-à-dire que si vous dites neurodégénératif ou si vous dites dégénératif, dans l'oreille du patient, ça sonne dégénérescence. pourriture. Alors que neurodégénératif, c'est un mot scientifique qui veut bien dire ce qu'il veut dire. Si à la place de dégénératif, vous dites vieillissement prématuré, c'est la même chose. Mais c'est des mots qui vont générer moins d'angoisse auprès du patient. Il n'y a pas de mensonge. On parle de la même chose, mais avec des mots qui sont différents.

  • Natacha Sels

    C'est une histoire de mots, et c'est peut-être une narration aussi, qui se travaille avec la personne qu'on a envie de dire. en face. Je pensais à la médecine narrative qui travaille sur les histoires et qui crée une histoire avec le patient qui soit une histoire qui soit favorable à sa croissance, même si on sait qu'il est malade.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Quand on dit au patient, on sera là pour vous accompagner, souvent je parle de chemin, quand même un peu une histoire tout ça. Ce que je veux dire, c'est que la relation qu'on arrive à lier avec le patient, elle aussi, cette relation, si elle est de qualité, elle facilitera les choses parce qu'on aura un patient qui pose des questions. Et c'est beaucoup plus facile de répondre à des questions qu'à être comme ça, suspendu dans le vide, à faire son petit laïus tout seul. Moi, je dis souvent, quand le patient pose des questions, c'est déjà un peu comme sur ces pistes d'atterrissage d'aéroport, ces petits spots, et ça vous permet de rester sur la piste.

  • Natacha Sels

    Alors, tout ça demande quand même un savoir-faire et de la psychologie. Donc, si vous n'aviez pas du tout appris ça, quelles étaient vos ressources à vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui. Alors, quand je me suis intéressé à l'annonce diagnostique, il y avait déjà beaucoup de choses qui avaient été dites. Il faut se rappeler les lois Kouchner de 2002. C'est toutes des choses qui sont calées autour du cancer. Mais peu importe. Annoncer un cancer, annoncer une SLA, annoncer un examen invasif ou pénible, tout ça, c'est la même chose. Il y a un peu le même savoir-faire et il y a les mêmes réactions de patients, des réactions de défense. Donc j'ai lu sur le sujet et puis il y a aussi une partie même matérielle qu'on n'imagine pas. Il y a des choses toutes simples, annoncer le matin plutôt que l'après-midi, en début de semaine plutôt qu'en fin de semaine, dans un lieu, tant est que ce soit possible dans un hôpital, mais qu'il soit un peu accueillant, un peu lumineux, plutôt que dans la salle de consultation où il n'y a pas de fenêtre, c'est un tout. s'être organisé pour être disponible. Tout ça c'est des petites choses matérielles qui peuvent paraître de peu d'intérêt mais malgré tout, mis bout à bout, ça fera quelque chose de plus facile j'allais dire. Moi, j'avais fait des fiches aussi avant l'annonce. Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai fait ça ? Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai ça ? Et avec la même fiche en post-annonce, ça, est-ce que ça s'est bien passé ? Ça, qu'est-ce que je peux améliorer ? Etc.

  • Natacha Sels

    Un débrief ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un débrief. Un débrief de sa propre annonce.

  • Natacha Sels

    Et si on va de votre côté, quand vous annoncez ça, comment vous vous sentez ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ma pratique de la médecine, j'essaie de l'inscrire dans une... Quelque chose qui reste très vrai avec les patients. Et je n'ai pas pour habitude de fuir. Ne pas fuir, ça me permet d'avoir le sentiment d'avoir bien fait les choses. C'est peut-être ça qui me soutient. Voilà, moi j'essaye d'être présent à l'autre. J'essaye de faire... passer un message qui est pesé, encore une fois, que le patient peut recevoir. Voilà, j'essaye de m'adapter un peu en live à tout ça. Et quand j'ai fait ça, encore une fois, j'ai le sentiment d'avoir fait les choses de mon mieux. Et ça me porte. Je pense que si... par un mécanisme de défense que le soignant peut avoir. Si je me retrouvais à tenir un discours complètement hermétique, peut-être que dans l'instant... Ça pourrait être éventuellement pas mal, mais je suis sûr que l'instant d'après, je me sentirais terriblement mal avec le sentiment de mal avoir fait les choses et d'avoir menti à mon patient. Ce que je ne pourrais pas.

  • Natacha Sels

    Quand vous parlez d'authenticité, ça veut dire aussi accepter d'accueillir l'émotion et tout ce qui peut se manifester ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, bien sûr. Quand je fais de l'enseignement sur les diagnostics, je dis l'importance d'avoir une boîte de mouchoirs. Et je dis, mais mettez-vous à la place du patient. Comment voulez-vous avoir un discours authentique ou poser des questions que vous voulez poser si vous avez le nez qui coule et si vous êtes en train de renifler ? C'est impossible, donc bien sûr, matériellement ça s'organise. Après, les patients pleurent. Tout récemment, dans une chambre avec une patiente qui avait une SLA, une étudiante... quatrième ou quatrième année, je pense, est sortie parce que c'était très difficile pour elle. Ce n'était même pas le temps de l'annonce. Et après, on a pas mal discuté. Et je l'ai rassuré en lui disant que moi aussi, parfois, j'avais envie de pleurer. Et finalement, en vieillissant, qu'est-ce que j'avais appris à faire ? J'avais appris à pleurer à l'intérieur. Pas que j'ai honte de pleurer. Je pleure tout le temps quand je vais au cinéma. Et même en d'autres situations. Mais à partir du moment où je suis celui qui doit prêter son épaule, ça me permet de ne pas pleurer, ce qui ne veut pas dire que je ne ressens rien et loin de là, clairement.

  • Natacha Sels

    Justement, comment vous avez appris à vous protéger ? Parce que j'imagine qu'il y a l'annonce, mais il y a aussi des décès.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un grand nombre, un grand nombre des patients SLA, et bien d'autres. Alors, il y a la protection immédiate, quand l'émotion monte. et qu'il faut respecter ce statut d'épaule sur lequel le patient peut s'appuyer. Et ça, il suffit d'avoir un porte-au-loin. Je ne sais pas si vous avez lu Harry Potter, mais c'est un petit système qui permet de partir très loin en une seconde. Donc, tout le monde, tous les soignants devraient avoir leur porte-au-loin qui vous amène où vous voulez, sur votre VTT dans la forêt, sur une plage si ça vous chante. quelque chose qui permet, quand l'émotion monte, de s'extraire très rapidement pour revenir quelques instants plus tard. Pour le reste, l'idée c'est qu'il y a ce patient, et puis il y en a un autre après, et puis il y en a encore un autre après, etc. Et ça veut dire que si on laisse un bout de soi-même à chaque annonce, le patient d'après n'aura pas le droit à un soignant. aussi efficients que celui d'avant. Et donc, lui n'a pas choisi d'avoir une SLA ou autre chose, il arrive à ce moment-là et on se doit, je me dois, d'offrir la même chose. Donc ça, ça me permet de tenir les choses un peu à... à distance. Il y a des jours où ça marche moins bien, où on ramène le paquet chez soi. J'ai une métaphore qui vaut plus grand-chose maintenant, parce que mes enfants sont grands, mais j'explique que quand on rentre chez soi et qu'on est dans l'incapacité de lire l'histoire à ses enfants parce que la journée a été trop terrible, si ça arrive une fois, c'est pas très grave. Si ça arrive deux fois, bon. Mais si c'est chronique, il y a un problème. Il faut aller se poser quelque part et réfléchir à la situation. Donc, dans le soin, pour peu qu'on ait affaire à des pathologies graves comme celles dont on parle, il faut se protéger pour soi-même, mais aussi pour les patients d'après.

  • Natacha Sels

    Le psychologue en droit à des supervisions, est-ce que c'est le cas pour vous également ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, on a une supervision financée par notre CHU, avec je crois cinq séances par an, avec un psychologue qui vient de... extérieure à l'établissement, et une séance qui dure 1h30, et on parle de tout ça. Pas du tout des situations médicales, parce que ce n'est pas le but, mais de notre ressenti, ce qui est difficile. C'est très portant, puis on le fait en équipe. Donc ça, c'est très bien, évidemment.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a appris, à vous, en tant qu'être humain, la fréquentation de ces maladies et de la SLA en particulier, peut-être ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On vit dans un monde avec beaucoup, beaucoup de fioritures. Tout le monde est beau, tout le monde est riche, tout le monde clignote. Et ce monde-là est faux, en vérité. Et la SLA, ou toutes les pathologies graves, c'est la certitude d'avoir une relation excessivement simplifiée et excessivement authentique. Je choisis cette relation assez authentique avec les patients et elle est très enrichissante. La mort, quand on la côtoie beaucoup, quand on touche du doigt qu'une vie peut s'arrêter d'une minute à l'autre de toutes les façons, Ça permet de ne pas perdre de temps avec des choses qui n'en valent pas la peine et d'être plutôt dans la construction.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous avez remarqué qui faisait du bien à vos patients, justement dans la construction ? peut-être de la construction de projet ou autre chose ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    L'écoute fait du bien. Le fait que le patient puisse dire ce qu'il a envie de dire sans se mettre en situation de prendre trop soin de vous. parce qu'il sent qu'il va pouvoir vous dire sans vous traumatiser. Donc je pense que ça, ça permet de libérer la parole. Moi je suis professeur de neurologie, c'est des gens un peu inaccessibles finalement. C'est la faculté, c'est monsieur le professeur, c'est tout ça. Et bien justement, quand un soignant va au contact du patient, pour lui proposer des choses ou pour juste dire qu'il est là, je m'autorise à penser que ça, ça fait du bien au patient. D'être accompagnant et d'être portant quand il y a des projets. Mais on parle de choses toutes banales. Il y a quelques jours, on donnait des conseils à un couple dont le monsieur a été atteint de SLA pour partir en vacances. Est-ce que c'est possible ? C'est possible. Il y a des centres très bien, avec des locaux qui sont adaptés, etc. Et en fait, quand la maladie est là, les gens sont souvent dans l'interdiction de tout. J'ai donné une sorte de bénédiction à ce couple. Allez-y. Vous avez sur mon document, là où il faut appeler s'il y a un souci. Voilà. pas être peureux, on est dans une pathologie qu'on peut pas guérir. J'ai un monsieur en fauteuil roulant qui est allé faire un trek dans le désert quelque part au Maroc, il est revenu enchanté. Voilà.

  • Natacha Sels

    Rester dans la vie.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, oui, oui. On peut être sage et un peu foufou aussi.

  • Natacha Sels

    Et pour revenir à vous, après, c'est parfois peut-être un peu bizarre de revenir à la vie clinquante, ou je ne sais pas comment vous l'aviez décrit.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, ce monde que j'ai décrit n'est pas le vrai monde, en fait. C'est un monde médiatique qu'on essaye de... et de servir à tous nos contemporains. La vie, elle est belle, mais elle est rarement très facile, quand même. Je ne sais pas, autour de vous, vous connaissez plein de gens qui ont une vie très simple ? Non, je ne crois pas que ça existe. Donc moi, ce monde clinquant, je ne le côtoie pas, en vérité. Donc, je reste dans cette authenticité. Je ne dis pas qu'elle est complètement simple pour tout le monde, parce que... Parce que parfois, c'est peut-être un peu brut de décoffrage, ou un peu trop sincère, ou un peu parfois teinté de misanthropie aussi. Aller à l'essentiel ou rester dans l'essentiel, ça sélectionne quand même beaucoup.

  • Natacha Sels

    Ça serait quoi l'essentiel pour vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    J'aime beaucoup les humains, j'aime beaucoup la nature, j'aime beaucoup l'effort physique aussi, le sport ou des choses comme ça. J'aime bien être... je suis un terrien. je me ressource aussi beaucoup là-dedans je suis capable de m'émerveiller d'une fleur qui a poussé entre deux cailloux en se demandant comment elle a fait celle-là alors que d'autres qu'on arrose plantées dans une belle terre ne poussent pas je suis capable de m'émerveiller de petites choses de la lumière du ciel j'aime l'odeur de la pluie tout un tas de choses comme ça rires Tout récemment, un patient m'a contacté via le secrétariat. Son épouse est décédée d'une SLA en juillet l'année dernière. Et il savait que j'avais quelques ruches au fond de mon jardin. Et il avait très envie de m'offrir un essaim. Il y avait pensé toute l'année. Et donc, il avait un essaim. Il l'avait gardé. Il n'osait pas venir vers moi. Et il l'a fait. Donc, il est venu un dimanche matin à la maison. Il était très ému de me voir. En plus, dans mon environnement, j'étais très ému de le voir parce que c'était un couple que j'appréciais beaucoup. Et voilà, quand je vais voir cette ruche, je pense beaucoup à cette situation. Ce ne sont pas des choses qui sont très fréquentes, mais la proximité, elle peut exister.

  • Natacha Sels

    C'est joli en plus, des abeilles.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Le plus joli, je crois que c'est ce qu'il m'a dit. C'est-à-dire que... Il m'a dit qu'il avait toujours les ruches, mais qu'il avait perdu la reine. Oui.

  • Natacha Sels

    Grâce aux abeilles sans doute, nous voilà projetés dans le jardin de Jean-Philippe Camdessanché.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Tout au front du jardin, vous ne les voyez pas, mais il y a des ruches, trois ruches. Et du coup, c'est vrai que je laisse le maximum de fleurs. Alors bon, elles font leur vie avec tous les arbres fruitiers qu'il y a dans le jardin. dans tous les jardins environnants. Et puis c'est vrai que là, il y a le pissenlit, elles aiment bien, le trèfle, elles aiment bien. Donc je laisse les ronces. Et puis dans quelques jours, je vais les transhumer, les amener un peu en altitude pour qu'elles puissent bénéficier d'autres floraisons qui sont décalées avec l'altitude. Et du coup, je mettrai le jardin un peu plus propre qu'il ne l'est aujourd'hui. Pour l'instant, c'est pour les abeilles.

  • Natacha Sels

    Les ruches, permettent aussi à Jean-Philippe de nourrir le miel de la complicité avec son fils Jean-Baptiste.

  • Jean-Baptiste

    On va transhumer les ruches. Il y a des ruches en haut du jardin. C'est un moment que j'aime partager avec lui. On se lève tôt, on porte des ruches. On va dans la campagne, on les monte. Il y a des amis à lui.

  • Natacha Sels

    Et pour le miel, tu t'en occupes avec lui ?

  • Jean-Baptiste

    Moi, je m'occupe de le manger, principalement. Lui, il fait tout ce qu'il faut pour nourrir les abeilles et les entretenir. Après, lui, il n'aime pas le miel. Il en a pris parce qu'au final, il faisait quelque chose de plus à faire dans la journée. Il aime bien s'occuper.

  • Natacha Sels

    Tu dirais qu'il est hyperactif.

  • Jean-Baptiste

    Oui, complètement. Il faut toujours qu'il soit en train de faire quelque chose. Sinon, sa pensée le rattrape, je crois.

  • Natacha Sels

    Pour éviter les pensées qui nous rattrapent, l'ancrage est peut-être une autre ressource.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Voilà, j'habite là depuis une éternité. Je connais le moindre centimètre carré de cette terre.

  • Natacha Sels

    C'était chez vous, enfant ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, j'habite ici depuis 1976. C'était la maison de mes parents qu'on a rachetée à un moment donné, quand ils sont partis dans le Périgord avant de revenir à Saint-Etienne. Ma mère en tout cas. Donc voilà, c'est une terre à laquelle je suis très attaché.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes quelqu'un de tradition ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Sans doute, j'ai envie de dire. Mais c'est quoi une tradition ? Je ne sais pas. Il y a des choses qui sont importantes et que j'ai envie de perpétuer. Voilà, je pense que les enfants aiment beaucoup leur jardin.

  • Natacha Sels

    Oui, c'est important le jardin. Oui. C'est un cœur.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Et un poumon.

  • Natacha Sels

    Un poumon, voilà. Un cœur et un poumon. Hors micro, vous me disiez que, jeune homme, vous aviez choisi le métier de médecin pour sauver le monde. Est-ce que vous aviez, quand vous avez choisi votre spécialité qui est la neurologie, conscience que nombre de vos patients, vous ne pourriez pas les guérir ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ah non, pas du tout. Encore une fois, quand on s'inscrit en médecine, c'est pour aider, c'est pour servir, c'est pour guérir. Et puis après... En fait, au moment où on s'inscrit en médecine, on ne connaît strictement rien de la médecine, évidemment. Et puis après, on découvre, en fonction des spécialités, qu'on guérira plus ou moins, voire pas très souvent, certains patients. C'est quelque chose qu'on... Il s'installe un peu dans le temps, ça peut représenter pas mal de frustration au début, et puis on s'habitue à ça, et puis on comprend que soigner, c'est pas du tout que guérir, c'est pas limité à guérir. Accompagner, aider, soulager des symptômes, ralentir l'évolution d'une maladie grave, c'est aussi soigner, et ça peut être satisfaisant.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Jean-Philippe Camdessanché, Un apriori d'amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, SLA et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Le Professeur Jean-Philippe Camdessanché est chef du Service de Neurologie au C.H.U. de Saint-Étienne et dirige également le pôle Médecines Spécialisées. Enseignant et chercheur, il est avant tout un homme profondément humain. Il partage avec nous sa relation aux patients et sa façon d’aborder l’annonce de diagnostics difficiles.


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Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


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Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la (SLA) ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Donner le meilleur de soi-même permet d'atteindre une certaine sérénité. Quand j'ai fait de mon mieux, je suis qui je suis, avec mes qualités et mes défauts. Et quand j'ai fait de mon mieux, quelque part j'ai le cœur léger parce que j'ai fait de mon mieux.

  • Natacha Sels

    Jean-Philippe Camdessanché Un a priori d'amour, partie 1. Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec Jean-Philippe Camdessanché, chef du service neurologie du CHU de Saint-Étienne. Heureusement que je ne suis pas préalablement allé consulter son CV, car j'aurai le trac. Il cumule les charges de chef de pôle, d'enseignement, de recherche à l'INSERM, ainsi que des charges régionales ou nationales ou CNU, qui visent à sélectionner les meilleurs professeurs de neurologie pour l'avenir, ou au CEN, qui vise à promouvoir et développer l'enseignement de neurologie des internes. La rencontre se fait dans son bureau, où je découvre un homme accueillant, disponible, accessible, au sourire franc et espiègle. Au mode relationnel, basé sur l'authenticité, le respect de son prochain, sont des clés qui ouvrent toutes les portes, et peut-être devrais-je dire les cœurs. Je vous laisse découvrir ce terrien sensible et amoureux des choses qui durent, même s'il dédie sa vie aux maladies, il faut prendre conscience que le temps nous est compté. Comment est venue votre vocation ? Comment est venue l'idée de ce métier ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    De mon maître, comme on dit de par chez nous, le Professeur Daniel Michel, qui avait pour habitude le samedi matin de monter dans le service, de voir un patient avec l'étudiant qui avait fait l'observation de ce patient. Et je me rappelle très très bien, je pourrais vous dire le numéro de la chambre. même si le pavillon est maintenant détruit. C'est un patient qui avait une maladie de Parkinson et qui avait fait un accident vasculaire cérébral. On est resté dans la chambre de ce patient pendant une demi-heure à une heure à l'examiner, à l'interroger. Mon patron m'expliquait un peu toute l'anatomie neurologique et j'ai été séduit par cette spécialité qui commence par un interrogatoire policier au bon sens du terme. la compréhension de ce système nerveux qui m'a séduit très clairement. Donc voilà, c'est ce matin-là. Je crois que j'étais en quatrième année de médecine. J'ai dit, je veux faire de la neurologie. J'ai été thésé en mai 2000 et on est donc en 2024.

  • Natacha Sels

    Donc après tout ce temps, vous êtes toujours aussi séduit ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Vraiment séduit, suffisamment que... Après avoir choisi cette spécialité, d'avoir aussi pris toutes les dispositions pour faire une carrière hospitalier-universitaire. Donc une carrière qui associe du soin, de la recherche, la recherche clinique, la recherche fondamentale. Voilà, donc ça demande de gros investissements. qui ne peuvent être que sous-tendues par une grosse motivation, j'ai envie de dire.

  • Natacha Sels

    Quelle serait votre définition de la neurologie ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, quand on me le demande, je dis que c'est les pathologies du système nerveux, centrales et périphériques, qui sont des pathologies organiques, c'est-à-dire qui correspondent à des symptômes générés par une lésion de l'organe système nerveux. C'est vraiment des pathologies... de l'organe système nerveux. Et puis après, je donne des exemples. Je parle de la sclérose en plaques, du Parkinson, de l'Alzheimer, des neuropathies, de la SLA. Voilà, c'est des exemples. Les gens ont du mal à toucher du doigt à quoi ça peut ressembler.

  • Natacha Sels

    Oui et justement, quelles sont les maladies que vous traitez le plus ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je traite toutes les pathologies neurologiques. Et là-dessus, j'espère avoir un niveau pas trop mauvais, j'ai des sur-spécialités. Les sur-spécialités ? c'est les pathologies neuromusculaires, et la SLA, puis aussi à un moindre degré, peut-être la sclérose en plaques. Et puis au niveau exploration, c'est tout ce qu'on appelle l'électroneuromiographie, c'est donc l'exploration du nerf et du muscle et des motoneurones.

  • Natacha Sels

    La SLA, vous en avez combien de cas ici au CHU de Saint-Etienne ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ce qu'on appelle la file active, c'est-à-dire que le nombre de patients qu'on suit à un moment précis, est autour de 150. 150, c'est une file active qui n'est pas énorme. Si on compare à un centre comme Lyon, par exemple, qui doit avoir une file active de peut-être 400 patients.

  • Natacha Sels

    Vous parlez de la SLA uniquement.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Je parle de la SLA, oui. SLA et les maladies du motoneurone en sachant que pour l'essentiel c'est des patients avec une SLA. Donc je partage cette activité-là avec le docteur Anne-Laure Kaminsky parce qu'évidemment on prend en charge ces patients et ces prenants mais aussi on prend en charge toutes les autres pathologies. Donc cette file active on la partage en deux. En sachant que on est, tous les patients ont un neurologue référent et c'est toujours le même.

  • Natacha Sels

    Au niveau du panel de personnes que vous avez, c'est plus des hommes, c'est plus des femmes ? Il y a des âges qu'on retrouve ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors c'est un petit peu plus les hommes, voilà. Le début de la maladie, grosso modo, c'est 60 ans. Un peu comme le glioblastome, une tumeur cérébrale assez agressive. Et c'est finalement, pas de polémique politique, mais des gens qui arrivent à l'âge de la retraite. Et alors qu'une autre vie va commencer, la maladie arrive. Si c'est autour de 60 ans, ça veut dire qu'il y a tout un tas d'exceptions, avec des gens beaucoup plus âgés et aussi malheureusement des gens beaucoup plus jeunes. On avait récemment une patiente qui était jeune dans le service, qui devait avoir 37 ans me semble-t-il, ou 36 ans.

  • Natacha Sels

    J'imagine que vous avez eu un certain nombre de diagnostics à annoncer ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oh oui, oui, un très grand nombre.

  • Natacha Sels

    Comment ça se passe ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Comment ça se passe ? Quelque part, ça s'apprend un peu. C'est très facile. J'ai eu exactement zéro minute d'enseignement sur comment annoncer une mauvaise nouvelle. Mais c'est des choses qui ont vraiment changé. Et c'est quelque chose qui m'a personnellement intéressé. Donc, j'ai beaucoup travaillé le sujet de cette annonce diagnostique. Et je participe maintenant à des enseignements au sein de la fac sur cette annonce. On a un cycle de cours pour les étudiants qui passent dans le service, les externes, et moi je fais toujours un cours sur l'annonce diagnostique.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous leur apprenez ? Qu'est-ce qu'il faut pour... pour pouvoir annoncer entre guillemets sereinement ce genre de diagnostic ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    D'abord, il faut les éléments du diagnostic. On fait référence à des critères diagnostiques, une mode d'évolution des troubles. Il faut avoir un certain degré de certitude qu'on a bien affaire à cette maladie. Il faut avoir conduit un bilan pour être sûr que ce n'est pas une autre maladie. Ensuite, il faut connaître le patient à qui on fait l'annonce. Ça veut dire savoir dans quel contexte il évolue. On ne va pas dire les mêmes choses de la même façon à cette jeune femme en charge d'enfant, à cette personne très âgée qui a déjà perdu de l'autonomie pour une autre raison, pour ce chef d'entreprise, pour... pour cette personne qui vient de se remarier, etc. Donc, avoir cet environnement, c'est un certain confort pour l'annonceur, si j'ose dire. Ça ne veut pas dire que ça devient facile, mais déjà, on sait à peu près à qui on parle. Et donc, on avancera peut-être d'une façon différente. Il faut essayer d'approcher un peu... peu ces mécanismes psychiques, parce que tous les patients sont différents. Il faut que le patient vous connaisse aussi. Une annonce, ça ne peut pas être quelque chose qui se fait entre deux inconnus. C'est impossible. La qualité de l'annonce. C'est un peu les étapes qui se font dans l'annonce. Par exemple, quand les patients sont hospitalisés, je passe toujours du temps pour essayer de comprendre ce qu'ils ont compris de cette affaire. Est-ce qu'ils ont compris que c'était une pathologie chronique ? Est-ce qu'ils ont compris la gravité de la pathologie ? Et c'est très différent. Il y a des gens qui viennent vous voir et ils ont tous les éléments pour penser qu'ils ont cette maladie-là. Ils ont déjà fait le diagnostic. Et puis, il y en a tout un tas d'autres qui pensent que... qu'on va leur donner un comprimé ou leur faire une piqûre et que le déficit qu'ils sont en train d'installer va rentrer dans l'ordre et puis la vie va reprendre. Parfois c'est confirmer des doutes et parfois c'est construire un pont sur un fossé immense. Ce temps d'hospitalisation, c'est un peu là qu'on évalue les patients, qu'on commence à faire passer quelques messages et puis après vient la consultation d'annonce elle-même, qui est une consultation. qui vient dans le mois après l'hospitalisation. Et c'est une consultation qui est un temps soit peu organisée. C'est une consultation où on est sûr que le téléphone ne va pas sonner ou quelqu'un ne va pas frapper à la porte pour raconter un truc de peu d'importance. Voilà, il faut avoir du temps. Ça ne veut pas dire... Moi, je prévois un créneau d'une heure. Ça ne veut pas dire que je vais utiliser une heure. Mais si j'en ai besoin, je l'ai. Donc voilà, et je vais déjà ne pas annoncer tout de suite, c'est-à-dire que le patient il vient pour une question de synthèse, il sait qu'il va repartir avec son diagnostic, donc il est là, il lit sur vos lèvres, donc il faut commencer par faire baisser un peu la pression et parler d'autres choses, et puis on en vient au diagnostic. J'ai envie de dire qu'on dit au patient que ce qu'il peut entendre, ce qui est un exercice difficile. Alors on répond toujours aux questions, si le patient pose des questions, on répond. Je ne m'imagine pas... mentir, y compris sur l'évolutivité de la maladie, etc. Et puis, il faut accrocher une prise en charge. C'est-à-dire que l'annonce, ce n'est pas un temps qui est suspendu en l'air, comme ça. C'est un point de départ à une prise en charge. Et c'est un moment où on dit aux patients qu'on est là, qu'on sera là pour l'accompagner, sur un chemin pas obligatoirement qu'il a souhaité, et pas obligatoirement agréable, mais qu'on sera là avec toute une équipe et qu'on essaiera d'aider du mieux qu'on peut.

  • Natacha Sels

    Alors, il y a plusieurs questions qui me viennent. Quand vous dites le mois d'hospitalisation, ça veut dire que vous, ce patient-là, vous l'avez vu combien de fois ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On le voit parfois à la visite, puisqu'on est un centre hospitalier universitaire, donc avec des étudiants. Bien souvent, c'est le médecin qui voit le patient, qui va faire cet examen qui s'appelle l'électromyogramme, qui va... permettre de poser le diagnostic de SLA. Donc ça fait un temps supplémentaire parce qu'un EMG ça dure sensiblement une heure. Et puis je dis souvent, c'est pas obligatoire mais c'est quand même très souvent, en fonction de ce qu'a pu exprimer le patient ou on a senti qu'il n'exprimait pas parce qu'il y avait trop de monde dans la chambre. Voilà, moi il m'arrive de... de repasser le soir et de m'asseoir au bord du lit pour qu'il y ait un autre temps d'échange, peut-être plus informel. Et parfois, il y a des questions qui viennent là, alors que le matin même, elles n'existaient pas.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il vous arrive... de ne pas prononcer le mot incurable ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je ne dis jamais que c'est une maladie incurable. Par contre, je dis qu'il n'existe pas de traitement pour vous guérir aujourd'hui. Quelle est la différence entre ces deux énoncés ? Je pense qu'on dit à peu près la même chose. Il n'y a pas ce mot incurable qui est sévère et cinglant, je trouve. Pour autant, on dit qu'on n'a pas de traitement permettant de guérir. Et j'ajoute aujourd'hui. Certes, on n'a pas beaucoup de perspectives thérapeutiques, mais il y en a malgré tout. La médecine avance, les progrès avancent. C'est une histoire de mots. C'est-à-dire que si vous dites neurodégénératif ou si vous dites dégénératif, dans l'oreille du patient, ça sonne dégénérescence. pourriture. Alors que neurodégénératif, c'est un mot scientifique qui veut bien dire ce qu'il veut dire. Si à la place de dégénératif, vous dites vieillissement prématuré, c'est la même chose. Mais c'est des mots qui vont générer moins d'angoisse auprès du patient. Il n'y a pas de mensonge. On parle de la même chose, mais avec des mots qui sont différents.

  • Natacha Sels

    C'est une histoire de mots, et c'est peut-être une narration aussi, qui se travaille avec la personne qu'on a envie de dire. en face. Je pensais à la médecine narrative qui travaille sur les histoires et qui crée une histoire avec le patient qui soit une histoire qui soit favorable à sa croissance, même si on sait qu'il est malade.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Quand on dit au patient, on sera là pour vous accompagner, souvent je parle de chemin, quand même un peu une histoire tout ça. Ce que je veux dire, c'est que la relation qu'on arrive à lier avec le patient, elle aussi, cette relation, si elle est de qualité, elle facilitera les choses parce qu'on aura un patient qui pose des questions. Et c'est beaucoup plus facile de répondre à des questions qu'à être comme ça, suspendu dans le vide, à faire son petit laïus tout seul. Moi, je dis souvent, quand le patient pose des questions, c'est déjà un peu comme sur ces pistes d'atterrissage d'aéroport, ces petits spots, et ça vous permet de rester sur la piste.

  • Natacha Sels

    Alors, tout ça demande quand même un savoir-faire et de la psychologie. Donc, si vous n'aviez pas du tout appris ça, quelles étaient vos ressources à vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui. Alors, quand je me suis intéressé à l'annonce diagnostique, il y avait déjà beaucoup de choses qui avaient été dites. Il faut se rappeler les lois Kouchner de 2002. C'est toutes des choses qui sont calées autour du cancer. Mais peu importe. Annoncer un cancer, annoncer une SLA, annoncer un examen invasif ou pénible, tout ça, c'est la même chose. Il y a un peu le même savoir-faire et il y a les mêmes réactions de patients, des réactions de défense. Donc j'ai lu sur le sujet et puis il y a aussi une partie même matérielle qu'on n'imagine pas. Il y a des choses toutes simples, annoncer le matin plutôt que l'après-midi, en début de semaine plutôt qu'en fin de semaine, dans un lieu, tant est que ce soit possible dans un hôpital, mais qu'il soit un peu accueillant, un peu lumineux, plutôt que dans la salle de consultation où il n'y a pas de fenêtre, c'est un tout. s'être organisé pour être disponible. Tout ça c'est des petites choses matérielles qui peuvent paraître de peu d'intérêt mais malgré tout, mis bout à bout, ça fera quelque chose de plus facile j'allais dire. Moi, j'avais fait des fiches aussi avant l'annonce. Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai fait ça ? Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai ça ? Et avec la même fiche en post-annonce, ça, est-ce que ça s'est bien passé ? Ça, qu'est-ce que je peux améliorer ? Etc.

  • Natacha Sels

    Un débrief ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un débrief. Un débrief de sa propre annonce.

  • Natacha Sels

    Et si on va de votre côté, quand vous annoncez ça, comment vous vous sentez ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ma pratique de la médecine, j'essaie de l'inscrire dans une... Quelque chose qui reste très vrai avec les patients. Et je n'ai pas pour habitude de fuir. Ne pas fuir, ça me permet d'avoir le sentiment d'avoir bien fait les choses. C'est peut-être ça qui me soutient. Voilà, moi j'essaye d'être présent à l'autre. J'essaye de faire... passer un message qui est pesé, encore une fois, que le patient peut recevoir. Voilà, j'essaye de m'adapter un peu en live à tout ça. Et quand j'ai fait ça, encore une fois, j'ai le sentiment d'avoir fait les choses de mon mieux. Et ça me porte. Je pense que si... par un mécanisme de défense que le soignant peut avoir. Si je me retrouvais à tenir un discours complètement hermétique, peut-être que dans l'instant... Ça pourrait être éventuellement pas mal, mais je suis sûr que l'instant d'après, je me sentirais terriblement mal avec le sentiment de mal avoir fait les choses et d'avoir menti à mon patient. Ce que je ne pourrais pas.

  • Natacha Sels

    Quand vous parlez d'authenticité, ça veut dire aussi accepter d'accueillir l'émotion et tout ce qui peut se manifester ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, bien sûr. Quand je fais de l'enseignement sur les diagnostics, je dis l'importance d'avoir une boîte de mouchoirs. Et je dis, mais mettez-vous à la place du patient. Comment voulez-vous avoir un discours authentique ou poser des questions que vous voulez poser si vous avez le nez qui coule et si vous êtes en train de renifler ? C'est impossible, donc bien sûr, matériellement ça s'organise. Après, les patients pleurent. Tout récemment, dans une chambre avec une patiente qui avait une SLA, une étudiante... quatrième ou quatrième année, je pense, est sortie parce que c'était très difficile pour elle. Ce n'était même pas le temps de l'annonce. Et après, on a pas mal discuté. Et je l'ai rassuré en lui disant que moi aussi, parfois, j'avais envie de pleurer. Et finalement, en vieillissant, qu'est-ce que j'avais appris à faire ? J'avais appris à pleurer à l'intérieur. Pas que j'ai honte de pleurer. Je pleure tout le temps quand je vais au cinéma. Et même en d'autres situations. Mais à partir du moment où je suis celui qui doit prêter son épaule, ça me permet de ne pas pleurer, ce qui ne veut pas dire que je ne ressens rien et loin de là, clairement.

  • Natacha Sels

    Justement, comment vous avez appris à vous protéger ? Parce que j'imagine qu'il y a l'annonce, mais il y a aussi des décès.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un grand nombre, un grand nombre des patients SLA, et bien d'autres. Alors, il y a la protection immédiate, quand l'émotion monte. et qu'il faut respecter ce statut d'épaule sur lequel le patient peut s'appuyer. Et ça, il suffit d'avoir un porte-au-loin. Je ne sais pas si vous avez lu Harry Potter, mais c'est un petit système qui permet de partir très loin en une seconde. Donc, tout le monde, tous les soignants devraient avoir leur porte-au-loin qui vous amène où vous voulez, sur votre VTT dans la forêt, sur une plage si ça vous chante. quelque chose qui permet, quand l'émotion monte, de s'extraire très rapidement pour revenir quelques instants plus tard. Pour le reste, l'idée c'est qu'il y a ce patient, et puis il y en a un autre après, et puis il y en a encore un autre après, etc. Et ça veut dire que si on laisse un bout de soi-même à chaque annonce, le patient d'après n'aura pas le droit à un soignant. aussi efficients que celui d'avant. Et donc, lui n'a pas choisi d'avoir une SLA ou autre chose, il arrive à ce moment-là et on se doit, je me dois, d'offrir la même chose. Donc ça, ça me permet de tenir les choses un peu à... à distance. Il y a des jours où ça marche moins bien, où on ramène le paquet chez soi. J'ai une métaphore qui vaut plus grand-chose maintenant, parce que mes enfants sont grands, mais j'explique que quand on rentre chez soi et qu'on est dans l'incapacité de lire l'histoire à ses enfants parce que la journée a été trop terrible, si ça arrive une fois, c'est pas très grave. Si ça arrive deux fois, bon. Mais si c'est chronique, il y a un problème. Il faut aller se poser quelque part et réfléchir à la situation. Donc, dans le soin, pour peu qu'on ait affaire à des pathologies graves comme celles dont on parle, il faut se protéger pour soi-même, mais aussi pour les patients d'après.

  • Natacha Sels

    Le psychologue en droit à des supervisions, est-ce que c'est le cas pour vous également ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, on a une supervision financée par notre CHU, avec je crois cinq séances par an, avec un psychologue qui vient de... extérieure à l'établissement, et une séance qui dure 1h30, et on parle de tout ça. Pas du tout des situations médicales, parce que ce n'est pas le but, mais de notre ressenti, ce qui est difficile. C'est très portant, puis on le fait en équipe. Donc ça, c'est très bien, évidemment.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a appris, à vous, en tant qu'être humain, la fréquentation de ces maladies et de la SLA en particulier, peut-être ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On vit dans un monde avec beaucoup, beaucoup de fioritures. Tout le monde est beau, tout le monde est riche, tout le monde clignote. Et ce monde-là est faux, en vérité. Et la SLA, ou toutes les pathologies graves, c'est la certitude d'avoir une relation excessivement simplifiée et excessivement authentique. Je choisis cette relation assez authentique avec les patients et elle est très enrichissante. La mort, quand on la côtoie beaucoup, quand on touche du doigt qu'une vie peut s'arrêter d'une minute à l'autre de toutes les façons, Ça permet de ne pas perdre de temps avec des choses qui n'en valent pas la peine et d'être plutôt dans la construction.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous avez remarqué qui faisait du bien à vos patients, justement dans la construction ? peut-être de la construction de projet ou autre chose ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    L'écoute fait du bien. Le fait que le patient puisse dire ce qu'il a envie de dire sans se mettre en situation de prendre trop soin de vous. parce qu'il sent qu'il va pouvoir vous dire sans vous traumatiser. Donc je pense que ça, ça permet de libérer la parole. Moi je suis professeur de neurologie, c'est des gens un peu inaccessibles finalement. C'est la faculté, c'est monsieur le professeur, c'est tout ça. Et bien justement, quand un soignant va au contact du patient, pour lui proposer des choses ou pour juste dire qu'il est là, je m'autorise à penser que ça, ça fait du bien au patient. D'être accompagnant et d'être portant quand il y a des projets. Mais on parle de choses toutes banales. Il y a quelques jours, on donnait des conseils à un couple dont le monsieur a été atteint de SLA pour partir en vacances. Est-ce que c'est possible ? C'est possible. Il y a des centres très bien, avec des locaux qui sont adaptés, etc. Et en fait, quand la maladie est là, les gens sont souvent dans l'interdiction de tout. J'ai donné une sorte de bénédiction à ce couple. Allez-y. Vous avez sur mon document, là où il faut appeler s'il y a un souci. Voilà. pas être peureux, on est dans une pathologie qu'on peut pas guérir. J'ai un monsieur en fauteuil roulant qui est allé faire un trek dans le désert quelque part au Maroc, il est revenu enchanté. Voilà.

  • Natacha Sels

    Rester dans la vie.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, oui, oui. On peut être sage et un peu foufou aussi.

  • Natacha Sels

    Et pour revenir à vous, après, c'est parfois peut-être un peu bizarre de revenir à la vie clinquante, ou je ne sais pas comment vous l'aviez décrit.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, ce monde que j'ai décrit n'est pas le vrai monde, en fait. C'est un monde médiatique qu'on essaye de... et de servir à tous nos contemporains. La vie, elle est belle, mais elle est rarement très facile, quand même. Je ne sais pas, autour de vous, vous connaissez plein de gens qui ont une vie très simple ? Non, je ne crois pas que ça existe. Donc moi, ce monde clinquant, je ne le côtoie pas, en vérité. Donc, je reste dans cette authenticité. Je ne dis pas qu'elle est complètement simple pour tout le monde, parce que... Parce que parfois, c'est peut-être un peu brut de décoffrage, ou un peu trop sincère, ou un peu parfois teinté de misanthropie aussi. Aller à l'essentiel ou rester dans l'essentiel, ça sélectionne quand même beaucoup.

  • Natacha Sels

    Ça serait quoi l'essentiel pour vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    J'aime beaucoup les humains, j'aime beaucoup la nature, j'aime beaucoup l'effort physique aussi, le sport ou des choses comme ça. J'aime bien être... je suis un terrien. je me ressource aussi beaucoup là-dedans je suis capable de m'émerveiller d'une fleur qui a poussé entre deux cailloux en se demandant comment elle a fait celle-là alors que d'autres qu'on arrose plantées dans une belle terre ne poussent pas je suis capable de m'émerveiller de petites choses de la lumière du ciel j'aime l'odeur de la pluie tout un tas de choses comme ça rires Tout récemment, un patient m'a contacté via le secrétariat. Son épouse est décédée d'une SLA en juillet l'année dernière. Et il savait que j'avais quelques ruches au fond de mon jardin. Et il avait très envie de m'offrir un essaim. Il y avait pensé toute l'année. Et donc, il avait un essaim. Il l'avait gardé. Il n'osait pas venir vers moi. Et il l'a fait. Donc, il est venu un dimanche matin à la maison. Il était très ému de me voir. En plus, dans mon environnement, j'étais très ému de le voir parce que c'était un couple que j'appréciais beaucoup. Et voilà, quand je vais voir cette ruche, je pense beaucoup à cette situation. Ce ne sont pas des choses qui sont très fréquentes, mais la proximité, elle peut exister.

  • Natacha Sels

    C'est joli en plus, des abeilles.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Le plus joli, je crois que c'est ce qu'il m'a dit. C'est-à-dire que... Il m'a dit qu'il avait toujours les ruches, mais qu'il avait perdu la reine. Oui.

  • Natacha Sels

    Grâce aux abeilles sans doute, nous voilà projetés dans le jardin de Jean-Philippe Camdessanché.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Tout au front du jardin, vous ne les voyez pas, mais il y a des ruches, trois ruches. Et du coup, c'est vrai que je laisse le maximum de fleurs. Alors bon, elles font leur vie avec tous les arbres fruitiers qu'il y a dans le jardin. dans tous les jardins environnants. Et puis c'est vrai que là, il y a le pissenlit, elles aiment bien, le trèfle, elles aiment bien. Donc je laisse les ronces. Et puis dans quelques jours, je vais les transhumer, les amener un peu en altitude pour qu'elles puissent bénéficier d'autres floraisons qui sont décalées avec l'altitude. Et du coup, je mettrai le jardin un peu plus propre qu'il ne l'est aujourd'hui. Pour l'instant, c'est pour les abeilles.

  • Natacha Sels

    Les ruches, permettent aussi à Jean-Philippe de nourrir le miel de la complicité avec son fils Jean-Baptiste.

  • Jean-Baptiste

    On va transhumer les ruches. Il y a des ruches en haut du jardin. C'est un moment que j'aime partager avec lui. On se lève tôt, on porte des ruches. On va dans la campagne, on les monte. Il y a des amis à lui.

  • Natacha Sels

    Et pour le miel, tu t'en occupes avec lui ?

  • Jean-Baptiste

    Moi, je m'occupe de le manger, principalement. Lui, il fait tout ce qu'il faut pour nourrir les abeilles et les entretenir. Après, lui, il n'aime pas le miel. Il en a pris parce qu'au final, il faisait quelque chose de plus à faire dans la journée. Il aime bien s'occuper.

  • Natacha Sels

    Tu dirais qu'il est hyperactif.

  • Jean-Baptiste

    Oui, complètement. Il faut toujours qu'il soit en train de faire quelque chose. Sinon, sa pensée le rattrape, je crois.

  • Natacha Sels

    Pour éviter les pensées qui nous rattrapent, l'ancrage est peut-être une autre ressource.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Voilà, j'habite là depuis une éternité. Je connais le moindre centimètre carré de cette terre.

  • Natacha Sels

    C'était chez vous, enfant ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, j'habite ici depuis 1976. C'était la maison de mes parents qu'on a rachetée à un moment donné, quand ils sont partis dans le Périgord avant de revenir à Saint-Etienne. Ma mère en tout cas. Donc voilà, c'est une terre à laquelle je suis très attaché.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes quelqu'un de tradition ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Sans doute, j'ai envie de dire. Mais c'est quoi une tradition ? Je ne sais pas. Il y a des choses qui sont importantes et que j'ai envie de perpétuer. Voilà, je pense que les enfants aiment beaucoup leur jardin.

  • Natacha Sels

    Oui, c'est important le jardin. Oui. C'est un cœur.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Et un poumon.

  • Natacha Sels

    Un poumon, voilà. Un cœur et un poumon. Hors micro, vous me disiez que, jeune homme, vous aviez choisi le métier de médecin pour sauver le monde. Est-ce que vous aviez, quand vous avez choisi votre spécialité qui est la neurologie, conscience que nombre de vos patients, vous ne pourriez pas les guérir ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ah non, pas du tout. Encore une fois, quand on s'inscrit en médecine, c'est pour aider, c'est pour servir, c'est pour guérir. Et puis après... En fait, au moment où on s'inscrit en médecine, on ne connaît strictement rien de la médecine, évidemment. Et puis après, on découvre, en fonction des spécialités, qu'on guérira plus ou moins, voire pas très souvent, certains patients. C'est quelque chose qu'on... Il s'installe un peu dans le temps, ça peut représenter pas mal de frustration au début, et puis on s'habitue à ça, et puis on comprend que soigner, c'est pas du tout que guérir, c'est pas limité à guérir. Accompagner, aider, soulager des symptômes, ralentir l'évolution d'une maladie grave, c'est aussi soigner, et ça peut être satisfaisant.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Jean-Philippe Camdessanché, Un apriori d'amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, SLA et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Description

Le Professeur Jean-Philippe Camdessanché est chef du Service de Neurologie au C.H.U. de Saint-Étienne et dirige également le pôle Médecines Spécialisées. Enseignant et chercheur, il est avant tout un homme profondément humain. Il partage avec nous sa relation aux patients et sa façon d’aborder l’annonce de diagnostics difficiles.


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Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


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Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la (SLA) ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Donner le meilleur de soi-même permet d'atteindre une certaine sérénité. Quand j'ai fait de mon mieux, je suis qui je suis, avec mes qualités et mes défauts. Et quand j'ai fait de mon mieux, quelque part j'ai le cœur léger parce que j'ai fait de mon mieux.

  • Natacha Sels

    Jean-Philippe Camdessanché Un a priori d'amour, partie 1. Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec Jean-Philippe Camdessanché, chef du service neurologie du CHU de Saint-Étienne. Heureusement que je ne suis pas préalablement allé consulter son CV, car j'aurai le trac. Il cumule les charges de chef de pôle, d'enseignement, de recherche à l'INSERM, ainsi que des charges régionales ou nationales ou CNU, qui visent à sélectionner les meilleurs professeurs de neurologie pour l'avenir, ou au CEN, qui vise à promouvoir et développer l'enseignement de neurologie des internes. La rencontre se fait dans son bureau, où je découvre un homme accueillant, disponible, accessible, au sourire franc et espiègle. Au mode relationnel, basé sur l'authenticité, le respect de son prochain, sont des clés qui ouvrent toutes les portes, et peut-être devrais-je dire les cœurs. Je vous laisse découvrir ce terrien sensible et amoureux des choses qui durent, même s'il dédie sa vie aux maladies, il faut prendre conscience que le temps nous est compté. Comment est venue votre vocation ? Comment est venue l'idée de ce métier ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    De mon maître, comme on dit de par chez nous, le Professeur Daniel Michel, qui avait pour habitude le samedi matin de monter dans le service, de voir un patient avec l'étudiant qui avait fait l'observation de ce patient. Et je me rappelle très très bien, je pourrais vous dire le numéro de la chambre. même si le pavillon est maintenant détruit. C'est un patient qui avait une maladie de Parkinson et qui avait fait un accident vasculaire cérébral. On est resté dans la chambre de ce patient pendant une demi-heure à une heure à l'examiner, à l'interroger. Mon patron m'expliquait un peu toute l'anatomie neurologique et j'ai été séduit par cette spécialité qui commence par un interrogatoire policier au bon sens du terme. la compréhension de ce système nerveux qui m'a séduit très clairement. Donc voilà, c'est ce matin-là. Je crois que j'étais en quatrième année de médecine. J'ai dit, je veux faire de la neurologie. J'ai été thésé en mai 2000 et on est donc en 2024.

  • Natacha Sels

    Donc après tout ce temps, vous êtes toujours aussi séduit ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Vraiment séduit, suffisamment que... Après avoir choisi cette spécialité, d'avoir aussi pris toutes les dispositions pour faire une carrière hospitalier-universitaire. Donc une carrière qui associe du soin, de la recherche, la recherche clinique, la recherche fondamentale. Voilà, donc ça demande de gros investissements. qui ne peuvent être que sous-tendues par une grosse motivation, j'ai envie de dire.

  • Natacha Sels

    Quelle serait votre définition de la neurologie ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, quand on me le demande, je dis que c'est les pathologies du système nerveux, centrales et périphériques, qui sont des pathologies organiques, c'est-à-dire qui correspondent à des symptômes générés par une lésion de l'organe système nerveux. C'est vraiment des pathologies... de l'organe système nerveux. Et puis après, je donne des exemples. Je parle de la sclérose en plaques, du Parkinson, de l'Alzheimer, des neuropathies, de la SLA. Voilà, c'est des exemples. Les gens ont du mal à toucher du doigt à quoi ça peut ressembler.

  • Natacha Sels

    Oui et justement, quelles sont les maladies que vous traitez le plus ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je traite toutes les pathologies neurologiques. Et là-dessus, j'espère avoir un niveau pas trop mauvais, j'ai des sur-spécialités. Les sur-spécialités ? c'est les pathologies neuromusculaires, et la SLA, puis aussi à un moindre degré, peut-être la sclérose en plaques. Et puis au niveau exploration, c'est tout ce qu'on appelle l'électroneuromiographie, c'est donc l'exploration du nerf et du muscle et des motoneurones.

  • Natacha Sels

    La SLA, vous en avez combien de cas ici au CHU de Saint-Etienne ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ce qu'on appelle la file active, c'est-à-dire que le nombre de patients qu'on suit à un moment précis, est autour de 150. 150, c'est une file active qui n'est pas énorme. Si on compare à un centre comme Lyon, par exemple, qui doit avoir une file active de peut-être 400 patients.

  • Natacha Sels

    Vous parlez de la SLA uniquement.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Je parle de la SLA, oui. SLA et les maladies du motoneurone en sachant que pour l'essentiel c'est des patients avec une SLA. Donc je partage cette activité-là avec le docteur Anne-Laure Kaminsky parce qu'évidemment on prend en charge ces patients et ces prenants mais aussi on prend en charge toutes les autres pathologies. Donc cette file active on la partage en deux. En sachant que on est, tous les patients ont un neurologue référent et c'est toujours le même.

  • Natacha Sels

    Au niveau du panel de personnes que vous avez, c'est plus des hommes, c'est plus des femmes ? Il y a des âges qu'on retrouve ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors c'est un petit peu plus les hommes, voilà. Le début de la maladie, grosso modo, c'est 60 ans. Un peu comme le glioblastome, une tumeur cérébrale assez agressive. Et c'est finalement, pas de polémique politique, mais des gens qui arrivent à l'âge de la retraite. Et alors qu'une autre vie va commencer, la maladie arrive. Si c'est autour de 60 ans, ça veut dire qu'il y a tout un tas d'exceptions, avec des gens beaucoup plus âgés et aussi malheureusement des gens beaucoup plus jeunes. On avait récemment une patiente qui était jeune dans le service, qui devait avoir 37 ans me semble-t-il, ou 36 ans.

  • Natacha Sels

    J'imagine que vous avez eu un certain nombre de diagnostics à annoncer ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oh oui, oui, un très grand nombre.

  • Natacha Sels

    Comment ça se passe ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Comment ça se passe ? Quelque part, ça s'apprend un peu. C'est très facile. J'ai eu exactement zéro minute d'enseignement sur comment annoncer une mauvaise nouvelle. Mais c'est des choses qui ont vraiment changé. Et c'est quelque chose qui m'a personnellement intéressé. Donc, j'ai beaucoup travaillé le sujet de cette annonce diagnostique. Et je participe maintenant à des enseignements au sein de la fac sur cette annonce. On a un cycle de cours pour les étudiants qui passent dans le service, les externes, et moi je fais toujours un cours sur l'annonce diagnostique.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous leur apprenez ? Qu'est-ce qu'il faut pour... pour pouvoir annoncer entre guillemets sereinement ce genre de diagnostic ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    D'abord, il faut les éléments du diagnostic. On fait référence à des critères diagnostiques, une mode d'évolution des troubles. Il faut avoir un certain degré de certitude qu'on a bien affaire à cette maladie. Il faut avoir conduit un bilan pour être sûr que ce n'est pas une autre maladie. Ensuite, il faut connaître le patient à qui on fait l'annonce. Ça veut dire savoir dans quel contexte il évolue. On ne va pas dire les mêmes choses de la même façon à cette jeune femme en charge d'enfant, à cette personne très âgée qui a déjà perdu de l'autonomie pour une autre raison, pour ce chef d'entreprise, pour... pour cette personne qui vient de se remarier, etc. Donc, avoir cet environnement, c'est un certain confort pour l'annonceur, si j'ose dire. Ça ne veut pas dire que ça devient facile, mais déjà, on sait à peu près à qui on parle. Et donc, on avancera peut-être d'une façon différente. Il faut essayer d'approcher un peu... peu ces mécanismes psychiques, parce que tous les patients sont différents. Il faut que le patient vous connaisse aussi. Une annonce, ça ne peut pas être quelque chose qui se fait entre deux inconnus. C'est impossible. La qualité de l'annonce. C'est un peu les étapes qui se font dans l'annonce. Par exemple, quand les patients sont hospitalisés, je passe toujours du temps pour essayer de comprendre ce qu'ils ont compris de cette affaire. Est-ce qu'ils ont compris que c'était une pathologie chronique ? Est-ce qu'ils ont compris la gravité de la pathologie ? Et c'est très différent. Il y a des gens qui viennent vous voir et ils ont tous les éléments pour penser qu'ils ont cette maladie-là. Ils ont déjà fait le diagnostic. Et puis, il y en a tout un tas d'autres qui pensent que... qu'on va leur donner un comprimé ou leur faire une piqûre et que le déficit qu'ils sont en train d'installer va rentrer dans l'ordre et puis la vie va reprendre. Parfois c'est confirmer des doutes et parfois c'est construire un pont sur un fossé immense. Ce temps d'hospitalisation, c'est un peu là qu'on évalue les patients, qu'on commence à faire passer quelques messages et puis après vient la consultation d'annonce elle-même, qui est une consultation. qui vient dans le mois après l'hospitalisation. Et c'est une consultation qui est un temps soit peu organisée. C'est une consultation où on est sûr que le téléphone ne va pas sonner ou quelqu'un ne va pas frapper à la porte pour raconter un truc de peu d'importance. Voilà, il faut avoir du temps. Ça ne veut pas dire... Moi, je prévois un créneau d'une heure. Ça ne veut pas dire que je vais utiliser une heure. Mais si j'en ai besoin, je l'ai. Donc voilà, et je vais déjà ne pas annoncer tout de suite, c'est-à-dire que le patient il vient pour une question de synthèse, il sait qu'il va repartir avec son diagnostic, donc il est là, il lit sur vos lèvres, donc il faut commencer par faire baisser un peu la pression et parler d'autres choses, et puis on en vient au diagnostic. J'ai envie de dire qu'on dit au patient que ce qu'il peut entendre, ce qui est un exercice difficile. Alors on répond toujours aux questions, si le patient pose des questions, on répond. Je ne m'imagine pas... mentir, y compris sur l'évolutivité de la maladie, etc. Et puis, il faut accrocher une prise en charge. C'est-à-dire que l'annonce, ce n'est pas un temps qui est suspendu en l'air, comme ça. C'est un point de départ à une prise en charge. Et c'est un moment où on dit aux patients qu'on est là, qu'on sera là pour l'accompagner, sur un chemin pas obligatoirement qu'il a souhaité, et pas obligatoirement agréable, mais qu'on sera là avec toute une équipe et qu'on essaiera d'aider du mieux qu'on peut.

  • Natacha Sels

    Alors, il y a plusieurs questions qui me viennent. Quand vous dites le mois d'hospitalisation, ça veut dire que vous, ce patient-là, vous l'avez vu combien de fois ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On le voit parfois à la visite, puisqu'on est un centre hospitalier universitaire, donc avec des étudiants. Bien souvent, c'est le médecin qui voit le patient, qui va faire cet examen qui s'appelle l'électromyogramme, qui va... permettre de poser le diagnostic de SLA. Donc ça fait un temps supplémentaire parce qu'un EMG ça dure sensiblement une heure. Et puis je dis souvent, c'est pas obligatoire mais c'est quand même très souvent, en fonction de ce qu'a pu exprimer le patient ou on a senti qu'il n'exprimait pas parce qu'il y avait trop de monde dans la chambre. Voilà, moi il m'arrive de... de repasser le soir et de m'asseoir au bord du lit pour qu'il y ait un autre temps d'échange, peut-être plus informel. Et parfois, il y a des questions qui viennent là, alors que le matin même, elles n'existaient pas.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il vous arrive... de ne pas prononcer le mot incurable ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je ne dis jamais que c'est une maladie incurable. Par contre, je dis qu'il n'existe pas de traitement pour vous guérir aujourd'hui. Quelle est la différence entre ces deux énoncés ? Je pense qu'on dit à peu près la même chose. Il n'y a pas ce mot incurable qui est sévère et cinglant, je trouve. Pour autant, on dit qu'on n'a pas de traitement permettant de guérir. Et j'ajoute aujourd'hui. Certes, on n'a pas beaucoup de perspectives thérapeutiques, mais il y en a malgré tout. La médecine avance, les progrès avancent. C'est une histoire de mots. C'est-à-dire que si vous dites neurodégénératif ou si vous dites dégénératif, dans l'oreille du patient, ça sonne dégénérescence. pourriture. Alors que neurodégénératif, c'est un mot scientifique qui veut bien dire ce qu'il veut dire. Si à la place de dégénératif, vous dites vieillissement prématuré, c'est la même chose. Mais c'est des mots qui vont générer moins d'angoisse auprès du patient. Il n'y a pas de mensonge. On parle de la même chose, mais avec des mots qui sont différents.

  • Natacha Sels

    C'est une histoire de mots, et c'est peut-être une narration aussi, qui se travaille avec la personne qu'on a envie de dire. en face. Je pensais à la médecine narrative qui travaille sur les histoires et qui crée une histoire avec le patient qui soit une histoire qui soit favorable à sa croissance, même si on sait qu'il est malade.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Quand on dit au patient, on sera là pour vous accompagner, souvent je parle de chemin, quand même un peu une histoire tout ça. Ce que je veux dire, c'est que la relation qu'on arrive à lier avec le patient, elle aussi, cette relation, si elle est de qualité, elle facilitera les choses parce qu'on aura un patient qui pose des questions. Et c'est beaucoup plus facile de répondre à des questions qu'à être comme ça, suspendu dans le vide, à faire son petit laïus tout seul. Moi, je dis souvent, quand le patient pose des questions, c'est déjà un peu comme sur ces pistes d'atterrissage d'aéroport, ces petits spots, et ça vous permet de rester sur la piste.

  • Natacha Sels

    Alors, tout ça demande quand même un savoir-faire et de la psychologie. Donc, si vous n'aviez pas du tout appris ça, quelles étaient vos ressources à vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui. Alors, quand je me suis intéressé à l'annonce diagnostique, il y avait déjà beaucoup de choses qui avaient été dites. Il faut se rappeler les lois Kouchner de 2002. C'est toutes des choses qui sont calées autour du cancer. Mais peu importe. Annoncer un cancer, annoncer une SLA, annoncer un examen invasif ou pénible, tout ça, c'est la même chose. Il y a un peu le même savoir-faire et il y a les mêmes réactions de patients, des réactions de défense. Donc j'ai lu sur le sujet et puis il y a aussi une partie même matérielle qu'on n'imagine pas. Il y a des choses toutes simples, annoncer le matin plutôt que l'après-midi, en début de semaine plutôt qu'en fin de semaine, dans un lieu, tant est que ce soit possible dans un hôpital, mais qu'il soit un peu accueillant, un peu lumineux, plutôt que dans la salle de consultation où il n'y a pas de fenêtre, c'est un tout. s'être organisé pour être disponible. Tout ça c'est des petites choses matérielles qui peuvent paraître de peu d'intérêt mais malgré tout, mis bout à bout, ça fera quelque chose de plus facile j'allais dire. Moi, j'avais fait des fiches aussi avant l'annonce. Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai fait ça ? Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai ça ? Et avec la même fiche en post-annonce, ça, est-ce que ça s'est bien passé ? Ça, qu'est-ce que je peux améliorer ? Etc.

  • Natacha Sels

    Un débrief ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un débrief. Un débrief de sa propre annonce.

  • Natacha Sels

    Et si on va de votre côté, quand vous annoncez ça, comment vous vous sentez ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ma pratique de la médecine, j'essaie de l'inscrire dans une... Quelque chose qui reste très vrai avec les patients. Et je n'ai pas pour habitude de fuir. Ne pas fuir, ça me permet d'avoir le sentiment d'avoir bien fait les choses. C'est peut-être ça qui me soutient. Voilà, moi j'essaye d'être présent à l'autre. J'essaye de faire... passer un message qui est pesé, encore une fois, que le patient peut recevoir. Voilà, j'essaye de m'adapter un peu en live à tout ça. Et quand j'ai fait ça, encore une fois, j'ai le sentiment d'avoir fait les choses de mon mieux. Et ça me porte. Je pense que si... par un mécanisme de défense que le soignant peut avoir. Si je me retrouvais à tenir un discours complètement hermétique, peut-être que dans l'instant... Ça pourrait être éventuellement pas mal, mais je suis sûr que l'instant d'après, je me sentirais terriblement mal avec le sentiment de mal avoir fait les choses et d'avoir menti à mon patient. Ce que je ne pourrais pas.

  • Natacha Sels

    Quand vous parlez d'authenticité, ça veut dire aussi accepter d'accueillir l'émotion et tout ce qui peut se manifester ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, bien sûr. Quand je fais de l'enseignement sur les diagnostics, je dis l'importance d'avoir une boîte de mouchoirs. Et je dis, mais mettez-vous à la place du patient. Comment voulez-vous avoir un discours authentique ou poser des questions que vous voulez poser si vous avez le nez qui coule et si vous êtes en train de renifler ? C'est impossible, donc bien sûr, matériellement ça s'organise. Après, les patients pleurent. Tout récemment, dans une chambre avec une patiente qui avait une SLA, une étudiante... quatrième ou quatrième année, je pense, est sortie parce que c'était très difficile pour elle. Ce n'était même pas le temps de l'annonce. Et après, on a pas mal discuté. Et je l'ai rassuré en lui disant que moi aussi, parfois, j'avais envie de pleurer. Et finalement, en vieillissant, qu'est-ce que j'avais appris à faire ? J'avais appris à pleurer à l'intérieur. Pas que j'ai honte de pleurer. Je pleure tout le temps quand je vais au cinéma. Et même en d'autres situations. Mais à partir du moment où je suis celui qui doit prêter son épaule, ça me permet de ne pas pleurer, ce qui ne veut pas dire que je ne ressens rien et loin de là, clairement.

  • Natacha Sels

    Justement, comment vous avez appris à vous protéger ? Parce que j'imagine qu'il y a l'annonce, mais il y a aussi des décès.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un grand nombre, un grand nombre des patients SLA, et bien d'autres. Alors, il y a la protection immédiate, quand l'émotion monte. et qu'il faut respecter ce statut d'épaule sur lequel le patient peut s'appuyer. Et ça, il suffit d'avoir un porte-au-loin. Je ne sais pas si vous avez lu Harry Potter, mais c'est un petit système qui permet de partir très loin en une seconde. Donc, tout le monde, tous les soignants devraient avoir leur porte-au-loin qui vous amène où vous voulez, sur votre VTT dans la forêt, sur une plage si ça vous chante. quelque chose qui permet, quand l'émotion monte, de s'extraire très rapidement pour revenir quelques instants plus tard. Pour le reste, l'idée c'est qu'il y a ce patient, et puis il y en a un autre après, et puis il y en a encore un autre après, etc. Et ça veut dire que si on laisse un bout de soi-même à chaque annonce, le patient d'après n'aura pas le droit à un soignant. aussi efficients que celui d'avant. Et donc, lui n'a pas choisi d'avoir une SLA ou autre chose, il arrive à ce moment-là et on se doit, je me dois, d'offrir la même chose. Donc ça, ça me permet de tenir les choses un peu à... à distance. Il y a des jours où ça marche moins bien, où on ramène le paquet chez soi. J'ai une métaphore qui vaut plus grand-chose maintenant, parce que mes enfants sont grands, mais j'explique que quand on rentre chez soi et qu'on est dans l'incapacité de lire l'histoire à ses enfants parce que la journée a été trop terrible, si ça arrive une fois, c'est pas très grave. Si ça arrive deux fois, bon. Mais si c'est chronique, il y a un problème. Il faut aller se poser quelque part et réfléchir à la situation. Donc, dans le soin, pour peu qu'on ait affaire à des pathologies graves comme celles dont on parle, il faut se protéger pour soi-même, mais aussi pour les patients d'après.

  • Natacha Sels

    Le psychologue en droit à des supervisions, est-ce que c'est le cas pour vous également ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, on a une supervision financée par notre CHU, avec je crois cinq séances par an, avec un psychologue qui vient de... extérieure à l'établissement, et une séance qui dure 1h30, et on parle de tout ça. Pas du tout des situations médicales, parce que ce n'est pas le but, mais de notre ressenti, ce qui est difficile. C'est très portant, puis on le fait en équipe. Donc ça, c'est très bien, évidemment.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a appris, à vous, en tant qu'être humain, la fréquentation de ces maladies et de la SLA en particulier, peut-être ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On vit dans un monde avec beaucoup, beaucoup de fioritures. Tout le monde est beau, tout le monde est riche, tout le monde clignote. Et ce monde-là est faux, en vérité. Et la SLA, ou toutes les pathologies graves, c'est la certitude d'avoir une relation excessivement simplifiée et excessivement authentique. Je choisis cette relation assez authentique avec les patients et elle est très enrichissante. La mort, quand on la côtoie beaucoup, quand on touche du doigt qu'une vie peut s'arrêter d'une minute à l'autre de toutes les façons, Ça permet de ne pas perdre de temps avec des choses qui n'en valent pas la peine et d'être plutôt dans la construction.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous avez remarqué qui faisait du bien à vos patients, justement dans la construction ? peut-être de la construction de projet ou autre chose ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    L'écoute fait du bien. Le fait que le patient puisse dire ce qu'il a envie de dire sans se mettre en situation de prendre trop soin de vous. parce qu'il sent qu'il va pouvoir vous dire sans vous traumatiser. Donc je pense que ça, ça permet de libérer la parole. Moi je suis professeur de neurologie, c'est des gens un peu inaccessibles finalement. C'est la faculté, c'est monsieur le professeur, c'est tout ça. Et bien justement, quand un soignant va au contact du patient, pour lui proposer des choses ou pour juste dire qu'il est là, je m'autorise à penser que ça, ça fait du bien au patient. D'être accompagnant et d'être portant quand il y a des projets. Mais on parle de choses toutes banales. Il y a quelques jours, on donnait des conseils à un couple dont le monsieur a été atteint de SLA pour partir en vacances. Est-ce que c'est possible ? C'est possible. Il y a des centres très bien, avec des locaux qui sont adaptés, etc. Et en fait, quand la maladie est là, les gens sont souvent dans l'interdiction de tout. J'ai donné une sorte de bénédiction à ce couple. Allez-y. Vous avez sur mon document, là où il faut appeler s'il y a un souci. Voilà. pas être peureux, on est dans une pathologie qu'on peut pas guérir. J'ai un monsieur en fauteuil roulant qui est allé faire un trek dans le désert quelque part au Maroc, il est revenu enchanté. Voilà.

  • Natacha Sels

    Rester dans la vie.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, oui, oui. On peut être sage et un peu foufou aussi.

  • Natacha Sels

    Et pour revenir à vous, après, c'est parfois peut-être un peu bizarre de revenir à la vie clinquante, ou je ne sais pas comment vous l'aviez décrit.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, ce monde que j'ai décrit n'est pas le vrai monde, en fait. C'est un monde médiatique qu'on essaye de... et de servir à tous nos contemporains. La vie, elle est belle, mais elle est rarement très facile, quand même. Je ne sais pas, autour de vous, vous connaissez plein de gens qui ont une vie très simple ? Non, je ne crois pas que ça existe. Donc moi, ce monde clinquant, je ne le côtoie pas, en vérité. Donc, je reste dans cette authenticité. Je ne dis pas qu'elle est complètement simple pour tout le monde, parce que... Parce que parfois, c'est peut-être un peu brut de décoffrage, ou un peu trop sincère, ou un peu parfois teinté de misanthropie aussi. Aller à l'essentiel ou rester dans l'essentiel, ça sélectionne quand même beaucoup.

  • Natacha Sels

    Ça serait quoi l'essentiel pour vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    J'aime beaucoup les humains, j'aime beaucoup la nature, j'aime beaucoup l'effort physique aussi, le sport ou des choses comme ça. J'aime bien être... je suis un terrien. je me ressource aussi beaucoup là-dedans je suis capable de m'émerveiller d'une fleur qui a poussé entre deux cailloux en se demandant comment elle a fait celle-là alors que d'autres qu'on arrose plantées dans une belle terre ne poussent pas je suis capable de m'émerveiller de petites choses de la lumière du ciel j'aime l'odeur de la pluie tout un tas de choses comme ça rires Tout récemment, un patient m'a contacté via le secrétariat. Son épouse est décédée d'une SLA en juillet l'année dernière. Et il savait que j'avais quelques ruches au fond de mon jardin. Et il avait très envie de m'offrir un essaim. Il y avait pensé toute l'année. Et donc, il avait un essaim. Il l'avait gardé. Il n'osait pas venir vers moi. Et il l'a fait. Donc, il est venu un dimanche matin à la maison. Il était très ému de me voir. En plus, dans mon environnement, j'étais très ému de le voir parce que c'était un couple que j'appréciais beaucoup. Et voilà, quand je vais voir cette ruche, je pense beaucoup à cette situation. Ce ne sont pas des choses qui sont très fréquentes, mais la proximité, elle peut exister.

  • Natacha Sels

    C'est joli en plus, des abeilles.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Le plus joli, je crois que c'est ce qu'il m'a dit. C'est-à-dire que... Il m'a dit qu'il avait toujours les ruches, mais qu'il avait perdu la reine. Oui.

  • Natacha Sels

    Grâce aux abeilles sans doute, nous voilà projetés dans le jardin de Jean-Philippe Camdessanché.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Tout au front du jardin, vous ne les voyez pas, mais il y a des ruches, trois ruches. Et du coup, c'est vrai que je laisse le maximum de fleurs. Alors bon, elles font leur vie avec tous les arbres fruitiers qu'il y a dans le jardin. dans tous les jardins environnants. Et puis c'est vrai que là, il y a le pissenlit, elles aiment bien, le trèfle, elles aiment bien. Donc je laisse les ronces. Et puis dans quelques jours, je vais les transhumer, les amener un peu en altitude pour qu'elles puissent bénéficier d'autres floraisons qui sont décalées avec l'altitude. Et du coup, je mettrai le jardin un peu plus propre qu'il ne l'est aujourd'hui. Pour l'instant, c'est pour les abeilles.

  • Natacha Sels

    Les ruches, permettent aussi à Jean-Philippe de nourrir le miel de la complicité avec son fils Jean-Baptiste.

  • Jean-Baptiste

    On va transhumer les ruches. Il y a des ruches en haut du jardin. C'est un moment que j'aime partager avec lui. On se lève tôt, on porte des ruches. On va dans la campagne, on les monte. Il y a des amis à lui.

  • Natacha Sels

    Et pour le miel, tu t'en occupes avec lui ?

  • Jean-Baptiste

    Moi, je m'occupe de le manger, principalement. Lui, il fait tout ce qu'il faut pour nourrir les abeilles et les entretenir. Après, lui, il n'aime pas le miel. Il en a pris parce qu'au final, il faisait quelque chose de plus à faire dans la journée. Il aime bien s'occuper.

  • Natacha Sels

    Tu dirais qu'il est hyperactif.

  • Jean-Baptiste

    Oui, complètement. Il faut toujours qu'il soit en train de faire quelque chose. Sinon, sa pensée le rattrape, je crois.

  • Natacha Sels

    Pour éviter les pensées qui nous rattrapent, l'ancrage est peut-être une autre ressource.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Voilà, j'habite là depuis une éternité. Je connais le moindre centimètre carré de cette terre.

  • Natacha Sels

    C'était chez vous, enfant ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, j'habite ici depuis 1976. C'était la maison de mes parents qu'on a rachetée à un moment donné, quand ils sont partis dans le Périgord avant de revenir à Saint-Etienne. Ma mère en tout cas. Donc voilà, c'est une terre à laquelle je suis très attaché.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes quelqu'un de tradition ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Sans doute, j'ai envie de dire. Mais c'est quoi une tradition ? Je ne sais pas. Il y a des choses qui sont importantes et que j'ai envie de perpétuer. Voilà, je pense que les enfants aiment beaucoup leur jardin.

  • Natacha Sels

    Oui, c'est important le jardin. Oui. C'est un cœur.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Et un poumon.

  • Natacha Sels

    Un poumon, voilà. Un cœur et un poumon. Hors micro, vous me disiez que, jeune homme, vous aviez choisi le métier de médecin pour sauver le monde. Est-ce que vous aviez, quand vous avez choisi votre spécialité qui est la neurologie, conscience que nombre de vos patients, vous ne pourriez pas les guérir ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ah non, pas du tout. Encore une fois, quand on s'inscrit en médecine, c'est pour aider, c'est pour servir, c'est pour guérir. Et puis après... En fait, au moment où on s'inscrit en médecine, on ne connaît strictement rien de la médecine, évidemment. Et puis après, on découvre, en fonction des spécialités, qu'on guérira plus ou moins, voire pas très souvent, certains patients. C'est quelque chose qu'on... Il s'installe un peu dans le temps, ça peut représenter pas mal de frustration au début, et puis on s'habitue à ça, et puis on comprend que soigner, c'est pas du tout que guérir, c'est pas limité à guérir. Accompagner, aider, soulager des symptômes, ralentir l'évolution d'une maladie grave, c'est aussi soigner, et ça peut être satisfaisant.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Jean-Philippe Camdessanché, Un apriori d'amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, SLA et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Le Professeur Jean-Philippe Camdessanché est chef du Service de Neurologie au C.H.U. de Saint-Étienne et dirige également le pôle Médecines Spécialisées. Enseignant et chercheur, il est avant tout un homme profondément humain. Il partage avec nous sa relation aux patients et sa façon d’aborder l’annonce de diagnostics difficiles.


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Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


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Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la (SLA) ! le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Donner le meilleur de soi-même permet d'atteindre une certaine sérénité. Quand j'ai fait de mon mieux, je suis qui je suis, avec mes qualités et mes défauts. Et quand j'ai fait de mon mieux, quelque part j'ai le cœur léger parce que j'ai fait de mon mieux.

  • Natacha Sels

    Jean-Philippe Camdessanché Un a priori d'amour, partie 1. Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec Jean-Philippe Camdessanché, chef du service neurologie du CHU de Saint-Étienne. Heureusement que je ne suis pas préalablement allé consulter son CV, car j'aurai le trac. Il cumule les charges de chef de pôle, d'enseignement, de recherche à l'INSERM, ainsi que des charges régionales ou nationales ou CNU, qui visent à sélectionner les meilleurs professeurs de neurologie pour l'avenir, ou au CEN, qui vise à promouvoir et développer l'enseignement de neurologie des internes. La rencontre se fait dans son bureau, où je découvre un homme accueillant, disponible, accessible, au sourire franc et espiègle. Au mode relationnel, basé sur l'authenticité, le respect de son prochain, sont des clés qui ouvrent toutes les portes, et peut-être devrais-je dire les cœurs. Je vous laisse découvrir ce terrien sensible et amoureux des choses qui durent, même s'il dédie sa vie aux maladies, il faut prendre conscience que le temps nous est compté. Comment est venue votre vocation ? Comment est venue l'idée de ce métier ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    De mon maître, comme on dit de par chez nous, le Professeur Daniel Michel, qui avait pour habitude le samedi matin de monter dans le service, de voir un patient avec l'étudiant qui avait fait l'observation de ce patient. Et je me rappelle très très bien, je pourrais vous dire le numéro de la chambre. même si le pavillon est maintenant détruit. C'est un patient qui avait une maladie de Parkinson et qui avait fait un accident vasculaire cérébral. On est resté dans la chambre de ce patient pendant une demi-heure à une heure à l'examiner, à l'interroger. Mon patron m'expliquait un peu toute l'anatomie neurologique et j'ai été séduit par cette spécialité qui commence par un interrogatoire policier au bon sens du terme. la compréhension de ce système nerveux qui m'a séduit très clairement. Donc voilà, c'est ce matin-là. Je crois que j'étais en quatrième année de médecine. J'ai dit, je veux faire de la neurologie. J'ai été thésé en mai 2000 et on est donc en 2024.

  • Natacha Sels

    Donc après tout ce temps, vous êtes toujours aussi séduit ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Vraiment séduit, suffisamment que... Après avoir choisi cette spécialité, d'avoir aussi pris toutes les dispositions pour faire une carrière hospitalier-universitaire. Donc une carrière qui associe du soin, de la recherche, la recherche clinique, la recherche fondamentale. Voilà, donc ça demande de gros investissements. qui ne peuvent être que sous-tendues par une grosse motivation, j'ai envie de dire.

  • Natacha Sels

    Quelle serait votre définition de la neurologie ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, quand on me le demande, je dis que c'est les pathologies du système nerveux, centrales et périphériques, qui sont des pathologies organiques, c'est-à-dire qui correspondent à des symptômes générés par une lésion de l'organe système nerveux. C'est vraiment des pathologies... de l'organe système nerveux. Et puis après, je donne des exemples. Je parle de la sclérose en plaques, du Parkinson, de l'Alzheimer, des neuropathies, de la SLA. Voilà, c'est des exemples. Les gens ont du mal à toucher du doigt à quoi ça peut ressembler.

  • Natacha Sels

    Oui et justement, quelles sont les maladies que vous traitez le plus ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je traite toutes les pathologies neurologiques. Et là-dessus, j'espère avoir un niveau pas trop mauvais, j'ai des sur-spécialités. Les sur-spécialités ? c'est les pathologies neuromusculaires, et la SLA, puis aussi à un moindre degré, peut-être la sclérose en plaques. Et puis au niveau exploration, c'est tout ce qu'on appelle l'électroneuromiographie, c'est donc l'exploration du nerf et du muscle et des motoneurones.

  • Natacha Sels

    La SLA, vous en avez combien de cas ici au CHU de Saint-Etienne ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ce qu'on appelle la file active, c'est-à-dire que le nombre de patients qu'on suit à un moment précis, est autour de 150. 150, c'est une file active qui n'est pas énorme. Si on compare à un centre comme Lyon, par exemple, qui doit avoir une file active de peut-être 400 patients.

  • Natacha Sels

    Vous parlez de la SLA uniquement.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Je parle de la SLA, oui. SLA et les maladies du motoneurone en sachant que pour l'essentiel c'est des patients avec une SLA. Donc je partage cette activité-là avec le docteur Anne-Laure Kaminsky parce qu'évidemment on prend en charge ces patients et ces prenants mais aussi on prend en charge toutes les autres pathologies. Donc cette file active on la partage en deux. En sachant que on est, tous les patients ont un neurologue référent et c'est toujours le même.

  • Natacha Sels

    Au niveau du panel de personnes que vous avez, c'est plus des hommes, c'est plus des femmes ? Il y a des âges qu'on retrouve ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors c'est un petit peu plus les hommes, voilà. Le début de la maladie, grosso modo, c'est 60 ans. Un peu comme le glioblastome, une tumeur cérébrale assez agressive. Et c'est finalement, pas de polémique politique, mais des gens qui arrivent à l'âge de la retraite. Et alors qu'une autre vie va commencer, la maladie arrive. Si c'est autour de 60 ans, ça veut dire qu'il y a tout un tas d'exceptions, avec des gens beaucoup plus âgés et aussi malheureusement des gens beaucoup plus jeunes. On avait récemment une patiente qui était jeune dans le service, qui devait avoir 37 ans me semble-t-il, ou 36 ans.

  • Natacha Sels

    J'imagine que vous avez eu un certain nombre de diagnostics à annoncer ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oh oui, oui, un très grand nombre.

  • Natacha Sels

    Comment ça se passe ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Comment ça se passe ? Quelque part, ça s'apprend un peu. C'est très facile. J'ai eu exactement zéro minute d'enseignement sur comment annoncer une mauvaise nouvelle. Mais c'est des choses qui ont vraiment changé. Et c'est quelque chose qui m'a personnellement intéressé. Donc, j'ai beaucoup travaillé le sujet de cette annonce diagnostique. Et je participe maintenant à des enseignements au sein de la fac sur cette annonce. On a un cycle de cours pour les étudiants qui passent dans le service, les externes, et moi je fais toujours un cours sur l'annonce diagnostique.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous leur apprenez ? Qu'est-ce qu'il faut pour... pour pouvoir annoncer entre guillemets sereinement ce genre de diagnostic ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    D'abord, il faut les éléments du diagnostic. On fait référence à des critères diagnostiques, une mode d'évolution des troubles. Il faut avoir un certain degré de certitude qu'on a bien affaire à cette maladie. Il faut avoir conduit un bilan pour être sûr que ce n'est pas une autre maladie. Ensuite, il faut connaître le patient à qui on fait l'annonce. Ça veut dire savoir dans quel contexte il évolue. On ne va pas dire les mêmes choses de la même façon à cette jeune femme en charge d'enfant, à cette personne très âgée qui a déjà perdu de l'autonomie pour une autre raison, pour ce chef d'entreprise, pour... pour cette personne qui vient de se remarier, etc. Donc, avoir cet environnement, c'est un certain confort pour l'annonceur, si j'ose dire. Ça ne veut pas dire que ça devient facile, mais déjà, on sait à peu près à qui on parle. Et donc, on avancera peut-être d'une façon différente. Il faut essayer d'approcher un peu... peu ces mécanismes psychiques, parce que tous les patients sont différents. Il faut que le patient vous connaisse aussi. Une annonce, ça ne peut pas être quelque chose qui se fait entre deux inconnus. C'est impossible. La qualité de l'annonce. C'est un peu les étapes qui se font dans l'annonce. Par exemple, quand les patients sont hospitalisés, je passe toujours du temps pour essayer de comprendre ce qu'ils ont compris de cette affaire. Est-ce qu'ils ont compris que c'était une pathologie chronique ? Est-ce qu'ils ont compris la gravité de la pathologie ? Et c'est très différent. Il y a des gens qui viennent vous voir et ils ont tous les éléments pour penser qu'ils ont cette maladie-là. Ils ont déjà fait le diagnostic. Et puis, il y en a tout un tas d'autres qui pensent que... qu'on va leur donner un comprimé ou leur faire une piqûre et que le déficit qu'ils sont en train d'installer va rentrer dans l'ordre et puis la vie va reprendre. Parfois c'est confirmer des doutes et parfois c'est construire un pont sur un fossé immense. Ce temps d'hospitalisation, c'est un peu là qu'on évalue les patients, qu'on commence à faire passer quelques messages et puis après vient la consultation d'annonce elle-même, qui est une consultation. qui vient dans le mois après l'hospitalisation. Et c'est une consultation qui est un temps soit peu organisée. C'est une consultation où on est sûr que le téléphone ne va pas sonner ou quelqu'un ne va pas frapper à la porte pour raconter un truc de peu d'importance. Voilà, il faut avoir du temps. Ça ne veut pas dire... Moi, je prévois un créneau d'une heure. Ça ne veut pas dire que je vais utiliser une heure. Mais si j'en ai besoin, je l'ai. Donc voilà, et je vais déjà ne pas annoncer tout de suite, c'est-à-dire que le patient il vient pour une question de synthèse, il sait qu'il va repartir avec son diagnostic, donc il est là, il lit sur vos lèvres, donc il faut commencer par faire baisser un peu la pression et parler d'autres choses, et puis on en vient au diagnostic. J'ai envie de dire qu'on dit au patient que ce qu'il peut entendre, ce qui est un exercice difficile. Alors on répond toujours aux questions, si le patient pose des questions, on répond. Je ne m'imagine pas... mentir, y compris sur l'évolutivité de la maladie, etc. Et puis, il faut accrocher une prise en charge. C'est-à-dire que l'annonce, ce n'est pas un temps qui est suspendu en l'air, comme ça. C'est un point de départ à une prise en charge. Et c'est un moment où on dit aux patients qu'on est là, qu'on sera là pour l'accompagner, sur un chemin pas obligatoirement qu'il a souhaité, et pas obligatoirement agréable, mais qu'on sera là avec toute une équipe et qu'on essaiera d'aider du mieux qu'on peut.

  • Natacha Sels

    Alors, il y a plusieurs questions qui me viennent. Quand vous dites le mois d'hospitalisation, ça veut dire que vous, ce patient-là, vous l'avez vu combien de fois ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On le voit parfois à la visite, puisqu'on est un centre hospitalier universitaire, donc avec des étudiants. Bien souvent, c'est le médecin qui voit le patient, qui va faire cet examen qui s'appelle l'électromyogramme, qui va... permettre de poser le diagnostic de SLA. Donc ça fait un temps supplémentaire parce qu'un EMG ça dure sensiblement une heure. Et puis je dis souvent, c'est pas obligatoire mais c'est quand même très souvent, en fonction de ce qu'a pu exprimer le patient ou on a senti qu'il n'exprimait pas parce qu'il y avait trop de monde dans la chambre. Voilà, moi il m'arrive de... de repasser le soir et de m'asseoir au bord du lit pour qu'il y ait un autre temps d'échange, peut-être plus informel. Et parfois, il y a des questions qui viennent là, alors que le matin même, elles n'existaient pas.

  • Natacha Sels

    Est-ce qu'il vous arrive... de ne pas prononcer le mot incurable ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Moi, je ne dis jamais que c'est une maladie incurable. Par contre, je dis qu'il n'existe pas de traitement pour vous guérir aujourd'hui. Quelle est la différence entre ces deux énoncés ? Je pense qu'on dit à peu près la même chose. Il n'y a pas ce mot incurable qui est sévère et cinglant, je trouve. Pour autant, on dit qu'on n'a pas de traitement permettant de guérir. Et j'ajoute aujourd'hui. Certes, on n'a pas beaucoup de perspectives thérapeutiques, mais il y en a malgré tout. La médecine avance, les progrès avancent. C'est une histoire de mots. C'est-à-dire que si vous dites neurodégénératif ou si vous dites dégénératif, dans l'oreille du patient, ça sonne dégénérescence. pourriture. Alors que neurodégénératif, c'est un mot scientifique qui veut bien dire ce qu'il veut dire. Si à la place de dégénératif, vous dites vieillissement prématuré, c'est la même chose. Mais c'est des mots qui vont générer moins d'angoisse auprès du patient. Il n'y a pas de mensonge. On parle de la même chose, mais avec des mots qui sont différents.

  • Natacha Sels

    C'est une histoire de mots, et c'est peut-être une narration aussi, qui se travaille avec la personne qu'on a envie de dire. en face. Je pensais à la médecine narrative qui travaille sur les histoires et qui crée une histoire avec le patient qui soit une histoire qui soit favorable à sa croissance, même si on sait qu'il est malade.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Quand on dit au patient, on sera là pour vous accompagner, souvent je parle de chemin, quand même un peu une histoire tout ça. Ce que je veux dire, c'est que la relation qu'on arrive à lier avec le patient, elle aussi, cette relation, si elle est de qualité, elle facilitera les choses parce qu'on aura un patient qui pose des questions. Et c'est beaucoup plus facile de répondre à des questions qu'à être comme ça, suspendu dans le vide, à faire son petit laïus tout seul. Moi, je dis souvent, quand le patient pose des questions, c'est déjà un peu comme sur ces pistes d'atterrissage d'aéroport, ces petits spots, et ça vous permet de rester sur la piste.

  • Natacha Sels

    Alors, tout ça demande quand même un savoir-faire et de la psychologie. Donc, si vous n'aviez pas du tout appris ça, quelles étaient vos ressources à vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui. Alors, quand je me suis intéressé à l'annonce diagnostique, il y avait déjà beaucoup de choses qui avaient été dites. Il faut se rappeler les lois Kouchner de 2002. C'est toutes des choses qui sont calées autour du cancer. Mais peu importe. Annoncer un cancer, annoncer une SLA, annoncer un examen invasif ou pénible, tout ça, c'est la même chose. Il y a un peu le même savoir-faire et il y a les mêmes réactions de patients, des réactions de défense. Donc j'ai lu sur le sujet et puis il y a aussi une partie même matérielle qu'on n'imagine pas. Il y a des choses toutes simples, annoncer le matin plutôt que l'après-midi, en début de semaine plutôt qu'en fin de semaine, dans un lieu, tant est que ce soit possible dans un hôpital, mais qu'il soit un peu accueillant, un peu lumineux, plutôt que dans la salle de consultation où il n'y a pas de fenêtre, c'est un tout. s'être organisé pour être disponible. Tout ça c'est des petites choses matérielles qui peuvent paraître de peu d'intérêt mais malgré tout, mis bout à bout, ça fera quelque chose de plus facile j'allais dire. Moi, j'avais fait des fiches aussi avant l'annonce. Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai fait ça ? Est-ce que j'ai ça ? Est-ce que j'ai ça ? Et avec la même fiche en post-annonce, ça, est-ce que ça s'est bien passé ? Ça, qu'est-ce que je peux améliorer ? Etc.

  • Natacha Sels

    Un débrief ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un débrief. Un débrief de sa propre annonce.

  • Natacha Sels

    Et si on va de votre côté, quand vous annoncez ça, comment vous vous sentez ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ma pratique de la médecine, j'essaie de l'inscrire dans une... Quelque chose qui reste très vrai avec les patients. Et je n'ai pas pour habitude de fuir. Ne pas fuir, ça me permet d'avoir le sentiment d'avoir bien fait les choses. C'est peut-être ça qui me soutient. Voilà, moi j'essaye d'être présent à l'autre. J'essaye de faire... passer un message qui est pesé, encore une fois, que le patient peut recevoir. Voilà, j'essaye de m'adapter un peu en live à tout ça. Et quand j'ai fait ça, encore une fois, j'ai le sentiment d'avoir fait les choses de mon mieux. Et ça me porte. Je pense que si... par un mécanisme de défense que le soignant peut avoir. Si je me retrouvais à tenir un discours complètement hermétique, peut-être que dans l'instant... Ça pourrait être éventuellement pas mal, mais je suis sûr que l'instant d'après, je me sentirais terriblement mal avec le sentiment de mal avoir fait les choses et d'avoir menti à mon patient. Ce que je ne pourrais pas.

  • Natacha Sels

    Quand vous parlez d'authenticité, ça veut dire aussi accepter d'accueillir l'émotion et tout ce qui peut se manifester ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, bien sûr. Quand je fais de l'enseignement sur les diagnostics, je dis l'importance d'avoir une boîte de mouchoirs. Et je dis, mais mettez-vous à la place du patient. Comment voulez-vous avoir un discours authentique ou poser des questions que vous voulez poser si vous avez le nez qui coule et si vous êtes en train de renifler ? C'est impossible, donc bien sûr, matériellement ça s'organise. Après, les patients pleurent. Tout récemment, dans une chambre avec une patiente qui avait une SLA, une étudiante... quatrième ou quatrième année, je pense, est sortie parce que c'était très difficile pour elle. Ce n'était même pas le temps de l'annonce. Et après, on a pas mal discuté. Et je l'ai rassuré en lui disant que moi aussi, parfois, j'avais envie de pleurer. Et finalement, en vieillissant, qu'est-ce que j'avais appris à faire ? J'avais appris à pleurer à l'intérieur. Pas que j'ai honte de pleurer. Je pleure tout le temps quand je vais au cinéma. Et même en d'autres situations. Mais à partir du moment où je suis celui qui doit prêter son épaule, ça me permet de ne pas pleurer, ce qui ne veut pas dire que je ne ressens rien et loin de là, clairement.

  • Natacha Sels

    Justement, comment vous avez appris à vous protéger ? Parce que j'imagine qu'il y a l'annonce, mais il y a aussi des décès.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Un grand nombre, un grand nombre des patients SLA, et bien d'autres. Alors, il y a la protection immédiate, quand l'émotion monte. et qu'il faut respecter ce statut d'épaule sur lequel le patient peut s'appuyer. Et ça, il suffit d'avoir un porte-au-loin. Je ne sais pas si vous avez lu Harry Potter, mais c'est un petit système qui permet de partir très loin en une seconde. Donc, tout le monde, tous les soignants devraient avoir leur porte-au-loin qui vous amène où vous voulez, sur votre VTT dans la forêt, sur une plage si ça vous chante. quelque chose qui permet, quand l'émotion monte, de s'extraire très rapidement pour revenir quelques instants plus tard. Pour le reste, l'idée c'est qu'il y a ce patient, et puis il y en a un autre après, et puis il y en a encore un autre après, etc. Et ça veut dire que si on laisse un bout de soi-même à chaque annonce, le patient d'après n'aura pas le droit à un soignant. aussi efficients que celui d'avant. Et donc, lui n'a pas choisi d'avoir une SLA ou autre chose, il arrive à ce moment-là et on se doit, je me dois, d'offrir la même chose. Donc ça, ça me permet de tenir les choses un peu à... à distance. Il y a des jours où ça marche moins bien, où on ramène le paquet chez soi. J'ai une métaphore qui vaut plus grand-chose maintenant, parce que mes enfants sont grands, mais j'explique que quand on rentre chez soi et qu'on est dans l'incapacité de lire l'histoire à ses enfants parce que la journée a été trop terrible, si ça arrive une fois, c'est pas très grave. Si ça arrive deux fois, bon. Mais si c'est chronique, il y a un problème. Il faut aller se poser quelque part et réfléchir à la situation. Donc, dans le soin, pour peu qu'on ait affaire à des pathologies graves comme celles dont on parle, il faut se protéger pour soi-même, mais aussi pour les patients d'après.

  • Natacha Sels

    Le psychologue en droit à des supervisions, est-ce que c'est le cas pour vous également ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, on a une supervision financée par notre CHU, avec je crois cinq séances par an, avec un psychologue qui vient de... extérieure à l'établissement, et une séance qui dure 1h30, et on parle de tout ça. Pas du tout des situations médicales, parce que ce n'est pas le but, mais de notre ressenti, ce qui est difficile. C'est très portant, puis on le fait en équipe. Donc ça, c'est très bien, évidemment.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que ça vous a appris, à vous, en tant qu'être humain, la fréquentation de ces maladies et de la SLA en particulier, peut-être ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    On vit dans un monde avec beaucoup, beaucoup de fioritures. Tout le monde est beau, tout le monde est riche, tout le monde clignote. Et ce monde-là est faux, en vérité. Et la SLA, ou toutes les pathologies graves, c'est la certitude d'avoir une relation excessivement simplifiée et excessivement authentique. Je choisis cette relation assez authentique avec les patients et elle est très enrichissante. La mort, quand on la côtoie beaucoup, quand on touche du doigt qu'une vie peut s'arrêter d'une minute à l'autre de toutes les façons, Ça permet de ne pas perdre de temps avec des choses qui n'en valent pas la peine et d'être plutôt dans la construction.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce que vous avez remarqué qui faisait du bien à vos patients, justement dans la construction ? peut-être de la construction de projet ou autre chose ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    L'écoute fait du bien. Le fait que le patient puisse dire ce qu'il a envie de dire sans se mettre en situation de prendre trop soin de vous. parce qu'il sent qu'il va pouvoir vous dire sans vous traumatiser. Donc je pense que ça, ça permet de libérer la parole. Moi je suis professeur de neurologie, c'est des gens un peu inaccessibles finalement. C'est la faculté, c'est monsieur le professeur, c'est tout ça. Et bien justement, quand un soignant va au contact du patient, pour lui proposer des choses ou pour juste dire qu'il est là, je m'autorise à penser que ça, ça fait du bien au patient. D'être accompagnant et d'être portant quand il y a des projets. Mais on parle de choses toutes banales. Il y a quelques jours, on donnait des conseils à un couple dont le monsieur a été atteint de SLA pour partir en vacances. Est-ce que c'est possible ? C'est possible. Il y a des centres très bien, avec des locaux qui sont adaptés, etc. Et en fait, quand la maladie est là, les gens sont souvent dans l'interdiction de tout. J'ai donné une sorte de bénédiction à ce couple. Allez-y. Vous avez sur mon document, là où il faut appeler s'il y a un souci. Voilà. pas être peureux, on est dans une pathologie qu'on peut pas guérir. J'ai un monsieur en fauteuil roulant qui est allé faire un trek dans le désert quelque part au Maroc, il est revenu enchanté. Voilà.

  • Natacha Sels

    Rester dans la vie.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, oui, oui. On peut être sage et un peu foufou aussi.

  • Natacha Sels

    Et pour revenir à vous, après, c'est parfois peut-être un peu bizarre de revenir à la vie clinquante, ou je ne sais pas comment vous l'aviez décrit.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Alors, ce monde que j'ai décrit n'est pas le vrai monde, en fait. C'est un monde médiatique qu'on essaye de... et de servir à tous nos contemporains. La vie, elle est belle, mais elle est rarement très facile, quand même. Je ne sais pas, autour de vous, vous connaissez plein de gens qui ont une vie très simple ? Non, je ne crois pas que ça existe. Donc moi, ce monde clinquant, je ne le côtoie pas, en vérité. Donc, je reste dans cette authenticité. Je ne dis pas qu'elle est complètement simple pour tout le monde, parce que... Parce que parfois, c'est peut-être un peu brut de décoffrage, ou un peu trop sincère, ou un peu parfois teinté de misanthropie aussi. Aller à l'essentiel ou rester dans l'essentiel, ça sélectionne quand même beaucoup.

  • Natacha Sels

    Ça serait quoi l'essentiel pour vous ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    J'aime beaucoup les humains, j'aime beaucoup la nature, j'aime beaucoup l'effort physique aussi, le sport ou des choses comme ça. J'aime bien être... je suis un terrien. je me ressource aussi beaucoup là-dedans je suis capable de m'émerveiller d'une fleur qui a poussé entre deux cailloux en se demandant comment elle a fait celle-là alors que d'autres qu'on arrose plantées dans une belle terre ne poussent pas je suis capable de m'émerveiller de petites choses de la lumière du ciel j'aime l'odeur de la pluie tout un tas de choses comme ça rires Tout récemment, un patient m'a contacté via le secrétariat. Son épouse est décédée d'une SLA en juillet l'année dernière. Et il savait que j'avais quelques ruches au fond de mon jardin. Et il avait très envie de m'offrir un essaim. Il y avait pensé toute l'année. Et donc, il avait un essaim. Il l'avait gardé. Il n'osait pas venir vers moi. Et il l'a fait. Donc, il est venu un dimanche matin à la maison. Il était très ému de me voir. En plus, dans mon environnement, j'étais très ému de le voir parce que c'était un couple que j'appréciais beaucoup. Et voilà, quand je vais voir cette ruche, je pense beaucoup à cette situation. Ce ne sont pas des choses qui sont très fréquentes, mais la proximité, elle peut exister.

  • Natacha Sels

    C'est joli en plus, des abeilles.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Le plus joli, je crois que c'est ce qu'il m'a dit. C'est-à-dire que... Il m'a dit qu'il avait toujours les ruches, mais qu'il avait perdu la reine. Oui.

  • Natacha Sels

    Grâce aux abeilles sans doute, nous voilà projetés dans le jardin de Jean-Philippe Camdessanché.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Tout au front du jardin, vous ne les voyez pas, mais il y a des ruches, trois ruches. Et du coup, c'est vrai que je laisse le maximum de fleurs. Alors bon, elles font leur vie avec tous les arbres fruitiers qu'il y a dans le jardin. dans tous les jardins environnants. Et puis c'est vrai que là, il y a le pissenlit, elles aiment bien, le trèfle, elles aiment bien. Donc je laisse les ronces. Et puis dans quelques jours, je vais les transhumer, les amener un peu en altitude pour qu'elles puissent bénéficier d'autres floraisons qui sont décalées avec l'altitude. Et du coup, je mettrai le jardin un peu plus propre qu'il ne l'est aujourd'hui. Pour l'instant, c'est pour les abeilles.

  • Natacha Sels

    Les ruches, permettent aussi à Jean-Philippe de nourrir le miel de la complicité avec son fils Jean-Baptiste.

  • Jean-Baptiste

    On va transhumer les ruches. Il y a des ruches en haut du jardin. C'est un moment que j'aime partager avec lui. On se lève tôt, on porte des ruches. On va dans la campagne, on les monte. Il y a des amis à lui.

  • Natacha Sels

    Et pour le miel, tu t'en occupes avec lui ?

  • Jean-Baptiste

    Moi, je m'occupe de le manger, principalement. Lui, il fait tout ce qu'il faut pour nourrir les abeilles et les entretenir. Après, lui, il n'aime pas le miel. Il en a pris parce qu'au final, il faisait quelque chose de plus à faire dans la journée. Il aime bien s'occuper.

  • Natacha Sels

    Tu dirais qu'il est hyperactif.

  • Jean-Baptiste

    Oui, complètement. Il faut toujours qu'il soit en train de faire quelque chose. Sinon, sa pensée le rattrape, je crois.

  • Natacha Sels

    Pour éviter les pensées qui nous rattrapent, l'ancrage est peut-être une autre ressource.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Voilà, j'habite là depuis une éternité. Je connais le moindre centimètre carré de cette terre.

  • Natacha Sels

    C'était chez vous, enfant ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Oui, j'habite ici depuis 1976. C'était la maison de mes parents qu'on a rachetée à un moment donné, quand ils sont partis dans le Périgord avant de revenir à Saint-Etienne. Ma mère en tout cas. Donc voilà, c'est une terre à laquelle je suis très attaché.

  • Natacha Sels

    Est-ce que vous êtes quelqu'un de tradition ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Sans doute, j'ai envie de dire. Mais c'est quoi une tradition ? Je ne sais pas. Il y a des choses qui sont importantes et que j'ai envie de perpétuer. Voilà, je pense que les enfants aiment beaucoup leur jardin.

  • Natacha Sels

    Oui, c'est important le jardin. Oui. C'est un cœur.

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Et un poumon.

  • Natacha Sels

    Un poumon, voilà. Un cœur et un poumon. Hors micro, vous me disiez que, jeune homme, vous aviez choisi le métier de médecin pour sauver le monde. Est-ce que vous aviez, quand vous avez choisi votre spécialité qui est la neurologie, conscience que nombre de vos patients, vous ne pourriez pas les guérir ?

  • Pr Jean-Philippe Camdessanché

    Ah non, pas du tout. Encore une fois, quand on s'inscrit en médecine, c'est pour aider, c'est pour servir, c'est pour guérir. Et puis après... En fait, au moment où on s'inscrit en médecine, on ne connaît strictement rien de la médecine, évidemment. Et puis après, on découvre, en fonction des spécialités, qu'on guérira plus ou moins, voire pas très souvent, certains patients. C'est quelque chose qu'on... Il s'installe un peu dans le temps, ça peut représenter pas mal de frustration au début, et puis on s'habitue à ça, et puis on comprend que soigner, c'est pas du tout que guérir, c'est pas limité à guérir. Accompagner, aider, soulager des symptômes, ralentir l'évolution d'une maladie grave, c'est aussi soigner, et ça peut être satisfaisant.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, vous retrouverez Jean-Philippe Camdessanché, Un apriori d'amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, SLA et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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