undefined cover
undefined cover
E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire cover
E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire cover
De la terre à l'assiette - tous artisans du bien manger !

E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire

E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire

20min |01/11/2024
Play
undefined cover
undefined cover
E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire cover
E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire cover
De la terre à l'assiette - tous artisans du bien manger !

E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire

E3 - Didier Desert - L'identité d'un territoire

20min |01/11/2024
Play

Description

Dans ce nouvel épisode de De la Terre à l'Assiette, découvrez le parcours inspirant de Didier Desert, chef passionné et propriétaire de l’Ambassade d’Auvergne, un restaurant reconnu

par le Collège Culinaire de France. Ancien cadre reconverti en militant du bien-manger, Didier nous raconte comment il a insufflé à son établissement l’identité d’un territoire, plaçant au cœur de sa démarche les produits d’exception et les liens humains avec les producteurs auvergnats.


À travers une gastronomie respectueuse du terroir et des saisons, il nous dévoile comment chaque plat est un hommage aux artisans du goût et aux valeurs de transparence et de coopération portées par

le Collège Culinaire de France. Un témoignage captivant d’un chef engagé, pour qui la cuisine doit incarner qui l'on est et sur quel territoire on vit.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


Suivez-nous sur les réseaux sociaux !

Instagram : https://www.instagram.com/collegeculinairedefrance/

Facebook : https://www.facebook.com/collegeculinairedefranceofficiel/?locale=fr_FR

X : https://x.com/R_Qualite

Youtube : https://youtube.com/@collegeculinairedefrance8338?si=9Gr8AOpmTzpDEQBm


Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Didier

    Quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du chez dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Didier Dessert, restaurateur de conviction, chef et propriétaire de l'ambassade d'Auvergne, un restaurant parisien situé 22 rue du Grenier Saint-Lazare, dans le 3e arrondissement de Paris, et reconnu par le Collège Culinaire de France depuis 2015. Didier propose une cuisine française exclusivement, réalisée à partir de produits régionaux et de saison, dans le respect des traditions du terroir auvergne. Bonjour Didier.

  • Didier

    Bonjour Christian.

  • Christian

    Alors Didier, d'emblée, quelle mouche t'a-t-elle piqué, toi, Didier Dezerre ? Diplômé de Sciences Po et de l'ESSEC pour aller à 40 ans, te former à l'école de cuisine Ferrandi et chercher à percer les secrets du fameux Aligo Auvergnat.

  • Didier

    Alors d'abord, c'était à 50 ans. Ah pardon, je te rajeunis toujours. Je te rajeunis toujours et je te remercie. Après une vie accomplie, intéressante dans des grandes entreprises, à la fois opérationnelle et dans le conseil, il y a toujours deux moteurs dans le changement, il y a l'ennui et l'envie. L'ennui de ce que je faisais dans mon entreprise, avec une stratégie qui avait évolué, avec des modes de management qui avaient évolué, et la question du sens de ce que je faisais, ma capacité à accompagner les transformations de cette entreprise avec les collaborateurs. Et puis l'envie, parce que j'ai découvert la cuisine pour le coup à 40 ans, qui était devenue une... passion totalement débordante puisque je cuisinais à peu près tout le temps. Et cette idée a cheminé pendant des années, comme un bruit sourd au départ, l'idée d'avoir un restaurant et puis comme une évidence quand on s'est posé la question de l'après EY, puisque j'étais associé dans ce grand cabinet de conseil et que j'étais au bout d'une aventure et qu'il fallait imaginer la suivante. Le fait de prendre un restaurant, de trouver une activité qui avait une cohérence par rapport à mon histoire, par rapport à mon sens, c'est-à-dire la cuisine, le... le produit, le goût du bon, et aller au bout de ce rêve finalement, à 50 ans avant qu'il ne soit trop tard. Et donc c'est pour ça que j'ai basculé, pris la décision en 2014, et acheté cette belle endormie qu'était l'ambassade de Verne en janvier 2015.

  • Christian

    C'est extraordinaire parce qu'en fait, tu représentes véritablement ce qu'on a toujours développé depuis le début de la philosophie du Collège Cumulaire de France, c'est-à-dire... partir de l'identité, de ton identité, et on va le voir, c'est pas simplement ton identité, c'est aussi l'identité d'un territoire à travers ce que tu as investi. Et tu parlais d'ailleurs, c'est drôle, parce que tu parlais l'envie et on a une phrase aussi où on dit de plus en plus aux membres du Collège de France, il faut avoir l'envie d'avoir envie. Comme disait Johnny Hallyday. Bon, donc, ce territoire et cette identité, est-ce que tu peux nous en parler ? C'est-à-dire qu'on voit bien que ça a été un cheminement personnel à travers une recherche de ce dont tu avais envie, mais aussi par rapport à un territoire que tu as magnifiquement revalorisé et mis sur la table. Tu as dit, je crois, tout sera estampillé produit au Verga.

  • Didier

    Oui, en fait, j'avais un double challenge, puisque tu l'as rappelé, je n'étais pas restaurateur avant de me lancer dans cette aventure, mais je n'étais pas non plus Auvergnat. Il se trouve que cette maison était à vendre, que j'ai trouvé qu'elle avait une marque extraordinaire. Elle avait une histoire, une âme quand je l'ai visitée. Et après une hésitation, enfin une double hésitation, l'hésitation d'aller sur une maison de cette taille et l'hésitation très transitoire d'en faire une ambassade du sud-ouest, puisque c'était plus légitime pour moi, j'ai décidé de partir à la découverte. de ce terroir magnifique qu'est l'Auvergne et de faire de mon activité un seul crédo proposer à Paris ce qu'il y a de plus beau et de meilleur en provenance de la région. Alors pourquoi ? D'abord par un souci de cohérence. Quand on a une maison qui s'appelle Ambassade d'Auvergne, il n'y a que deux mots sur la façade, deux mots qui nous obligent. Nous sommes là pour être le promoteur d'une région. Ensuite, cette maison, elle avait historiquement bâti sa notoriété sur... L'histoire Auvergnat a-t-elle proposé quasi exclusivement des recettes ? de plats auvergnats traditionnels, dont j'ai assez rapidement pris conscience qu'ils ne correspondaient pas forcément au goût du jour, ni forcément à l'intérêt que j'avais en tant que cuisinier. Et j'ai voulu faire de l'ambassade d'Auvergne non pas une ambassade des recettes d'Auvergne, mais une ambassade des produits d'Auvergne. Et non pas que des produits historiques, traditionnels, la lentille, le cochon, la charcuterie auxquels on pense immédiatement quand on dit Auvergne, mais tous les produits d'un terroir, parce que le terroir ça ne se limite pas à l'histoire, mais ça s'ouvre à... la capacité de tous les paysans, de tous les producteurs qui imaginent pourquoi pas faire une mozzarella parce qu'ils ont quelques bufflonnes qu'ils élèvent, qui imaginent faire de l'ail noir alors que c'est plutôt une tradition asiatique, etc. Et donc moi je suis parti à la découverte du terroir, j'ai trouvé des produits fantastiques et je me suis dit que comme je ne suis pas un grand chef, je suis un très modeste chef, le plus simple était de respecter les produits et donc de prendre des bons produits parce qu'à partir du moment où on a un bon produit... Le travail de chef est extrêmement simple, nous n'avons qu'à respecter le produit et le client se régale.

  • Christian

    Mais alors c'est formidable, mais on voit bien à travers ce que tu dis, tu parles de produits, d'aller chercher ces produits, les découvrir, et derrière ces produits il y a des producteurs.

  • Didier

    Mais il y a toujours une histoire, quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du ché dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire. A la carte de l'ambassade d'Auvergne... Et la plupart des lignes de notre menu font référence ou à un village, ou à une AOC, ou à un producteur. Et donc, effectivement, quand on reçoit quelqu'un à l'ambassade d'Auvergne, on l'amène dans un voyage, on le prend par la main et on le ramène au pays. Et on lui fait visiter les territoires, les fermes, les vignobles avec lesquels on a un lien particulier et qu'on a envie de faire des choses.

  • Christian

    En fait, c'est une découverte à travers une chaîne humaine. Quand on regarde bien, c'est-à-dire que tu parles à la fois des gens qui viennent en tant que client, à qui tu développes une histoire, donc il y a forcément une interaction à partir du moment où ils sont intéressés, et c'est plus du tout la même façon de restaurer, ou alors ça l'est peut-être dans la définition même du mot restaurer c'est se restaurer dans tous les sens du terme, et puis de l'autre côté, en amont de tout ça... Tu as des gens qui travaillent, qui ont une histoire, comme tu le dis, dans un village, dans une région, et qui vivent aussi en hybridation complète avec leur village et leur terre. En fait,

  • Didier

    je ne suis pas restaurateur de métier, et loin de moi l'idée de vouloir apprendre aux professionnels leur métier, mais quand je suis arrivé, j'avais une conviction forte, c'est que l'on ne va pas au restaurant pour manger. On y va pour manger quand on a une urgence, parce qu'on a faim, et qu'on est dans la... dans l'urgence de manger quelque chose vite fait. Mais quand on va dans un restaurant comme l'ambassade de vin, comme beaucoup de maisons, on y va pour passer un bon moment, pour partager une expérience, pour être dans la convivialité, pour être dans le plaisir.

  • Christian

    Alors, on va continuer sur ce sujet, mais avant, on va lancer Toc Toc, qui est là ? Toc Toc, qui est là ? Si tu étais un légume, tu serais quoi ?

  • Didier

    Je changerais toute l'année parce que je serais un légume de saison. Peut-être une tomate en ce moment, j'adore la tomate. À l'hiver, un butternut. D'accord.

  • Christian

    Si tu étais un vignoble ?

  • Didier

    Historiquement, Bordeaux, c'est celui où je suis né, c'est celui où j'ai appris à goûter le vin. Aujourd'hui, peut-être l'Auvergne que j'ai découverte avec des produits magnifiques. Le sud de la France pour la richesse, le côté plus charpenté des vins. Et puis... Si je dois avoir le choix de mon dernier verre, je choisirais de boire un Savagnin du Jura, un Chérolé. Voilà, un verre de Savagnin.

  • Christian

    C'est extraordinaire. C'est extraordinaire. Tu vas enthousiasmer nos auditeurs qui, là, viennent d'avoir encore une information inédite. Alors, évidemment, c'est une question qui ne devrait pas être en ce qui te concerne, si tu étais une région.

  • Didier

    L'Auvergne, évidemment, mais je pense qu'on apprend de partout. Et donc, je suis toujours curieux de ce qui se passe ailleurs, même si, effectivement, l'ambassade d'Auvergne, je m'interdis. de prendre des produits qui viennent d'une autre région, à l'exclusion du poisson évidemment, puisque la mer s'étant éloignée des volcans d'Auvergne depuis quelques années, si on veut avoir une carte qui se renouvelle en termes de poisson, il vaut mieux aller regarder du côté de la mer.

  • Christian

    Dernière question, peut-être un peu difficile, mais si tu étais un autre chef cuisinier ?

  • Didier

    J'ai longtemps admiré ce que l'on appelle les grands chefs, les étoiliers. J'ai eu la chance de découvrir à travers la France de nombreuses tables de grands chefs. Je pense que mes deux plus belles histoires, c'est peut-être... trois gros et guerards dans ma construction d'un parcours gastronomique. Aujourd'hui, j'ai une préférence pour les tables, pour la cuisine canaille, la cuisine gourmande. Je pense à Emile Cotte, à David Baroche, à Pierre Nagrevergne, à David Radjeber. C'est le genre de table où aujourd'hui, je me fais plus plaisir, même si évidemment, je reconnais toujours... L'extraordinaire compétence, capacité d'innovation, maîtrise technique des grands chefs étoilés, dont on a besoin parce qu'ils font partie de notre patrimoine, ils sont notre avenir en termes de cuisine aussi. Mais derrière, il y a une effervescence de toute une forme de cuisine. Et je pense que nos palais, nos goûts évoluent dans le temps. Il y a des choses qui ne font plus plaisir à un moment de notre vie et d'autres différemment.

  • Christian

    Mais en même temps, tu dis explicitement que par rapport à la performance technique qui est toujours intéressante, tout patrimonial, etc. Tu parles de l'humain, tu parles des personnalités artisanales, en fin de compte, qui t'attirent à travers...

  • Didier

    Des gens que j'ai eu le plaisir de rencontrer depuis dix ans, à travers le Collège Culinaire de France pour certains, à travers mes expériences pour d'autres, et cet extraordinaire plaisir que j'ai eu, et une fierté aussi, avec humilité, d'être reconnu par ces gens-là comme leur père aussi. Et c'était important pour moi dans ce cheminement qui a démarré il y a dix ans.

  • Christian

    Qu'est-ce que c'est pour toi, ce que l'on revendique beaucoup au collège et que vous incarnez, qu'est-ce que c'est pour toi la coopération ?

  • Didier

    La coopération c'est ce que nous faisons tous les jours, c'est cette capacité à mettre en lien des gens qui n'ont pas forcément la capacité à le faire d'eux-mêmes d'une certaine façon. A la fois évidemment, comme tu le disais, le client et le producteur, puisqu'on tisse ce lien entre le client et le producteur tous les jours à l'ambassade de Verne. Petit parentage, j'ai d'ailleurs... Je l'ai moins fait depuis le Covid parce que c'est plus compliqué, mais j'ai à plusieurs reprises fermé mon restaurant pour amener toutes mes équipes en Auvergne, pour que chacun, serveur, cuisinier, plongeur, connaisse les producteurs avec qui on travaille. Et cette coopération, on la développe aussi entre producteurs, puisque n'utilisant que des produits auvergniens, je me suis heurté dès le début à une problématique logistique évidente. C'est-à-dire que quand on appelle une grosse entreprise, elle est capable de livrer. Quand on va voir un petit paysan qu'on découvre sur un marché... Il nous dit, si tu veux les produits, tu viens tous les vendredis matins sur le marché. Je dis, oui, mais ça va être compliqué parce que ça va faire beaucoup de route tous les vendredis matins. Et donc, j'ai passé mon temps à négocier, ça n'a jamais été très compliqué d'ailleurs, mais avec certains qu'ils acceptent de prendre les produits des autres. Par exemple, la Maison Laborie, qui est un membre du Collège Culinaire de France, dont nous sommes le plus ancien client, parce que je crois qu'on a le numéro 002, l'ambassade de Verne, chez Clément Laborie, nous livre toutes les semaines des saucisses de la charcuterie. Et j'aurais demandé... Quand je fais venir des mozzarella du Cantal, d'accepter de les prendre et de les livrer. Quand je reçois des œufs, parce que les œufs bio viennent d'un petit éleveur qui a une centaine de poules dans son jardin, il ne sait pas me livrer à Paris. Donc il amène une caisse d'œufs, une canadienne, une demi-canadienne, parce qu'il ne produit pas plus, chaque semaine chez la bourrie. Notre producteur de canards, le domaine de l'Immagne, va de temps en temps accepter de prendre une caisse de 5 hectares ou un cajot d'asperges avec les maillets de canards. Voilà, c'est cette coopération que l'on a mis en place pour pouvoir être... au rendez-vous de la promesse vis-à-vis de nos clients, des produits, des produits d'Auvergne, des produits de saison.

  • Christian

    On voit bien que ça détermine énormément de choses et à travers ce que tu dis, c'est une autre façon de penser. On a beaucoup aujourd'hui de personnes qui trouvent des problèmes aux solutions et il y en a d'autres qui trouvent des solutions aux problèmes. Or au Collège Cunière de France, c'est très marqué cette volonté en permanence de changer son système de pensée pour s'ouvrir et il y a des solutions partout. C'est ça qui est extraordinaire. Mais faut-il encore changer son système de pensée ? Ce qui est extrêmement difficile pour chacun et chacune d'entre nous.

  • Didier

    C'était peut-être plus facile, arrivant avec cette naïveté du débutant, avec cette conviction d'aller au bout de ce souci de cohérence, d'être juste avec la promesse de la marque et de n'avoir que des produits d'Auvergne. Il fallait trouver des solutions. On l'a fait et finalement, c'est complexe au départ parce qu'il faut arriver à convaincre des gens. Ensuite, c'est une mécanique habituelle et quand on commande, on passe à commander trois produits le même jour pour qu'ils puissent arriver par le même camion.

  • Christian

    Formidable. Alors maintenant, on lance fromage ou dessert ?

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Alors, tu es fromage ou dessert ?

  • Didier

    Alors, je suis très dessert. Je suis incapable de finir un repas sans une note sucrée et plutôt chocolatée.

  • Christian

    Bon, encore une question qui n'en est pas une. T'es au Verne ou Bretagne ?

  • Didier

    J'ai vraiment besoin de répondre.

  • Christian

    D'accord. T'es ville ou campagne ? Les deux.

  • Didier

    Il ne faut pas opposer les deux. Il faut justement tisser ce lien entre les deux. Moi, je suis né à la campagne. J'ai un bonheur extrême à retourner à la campagne. J'ai fait toute ma vie professionnelle en ville. Il se passe des choses différentes. Et je ne saurais pas choisir aujourd'hui.

  • Christian

    En même temps, c'est un plus beau coup de vogue maintenant. Tu es travail ou vacances ?

  • Didier

    Je suis assez vacances. Je travaille beaucoup, mais les vacances, c'est important de prendre des vacances parce que le travail demande une énergie. Et j'ai peut-être plus l'énergie à 60 ans de me remettre comme ça en salle tous les matins. Alors,

  • Christian

    tu es entrepreneur ou salarié ?

  • Didier

    J'ai été les deux. Je suis entrepreneur aujourd'hui. Ça offre une liberté incroyable. Après, quand on est les deux, ça permet quand on est entrepreneur d'avoir une conscience du rôle, du statut du salarié, de la façon dont on a, de la relation qu'on a à avoir avec nos salariés qui est différente et qui est importante.

  • Christian

    Et pour terminer maintenant sur une dernière partie de ce très riche échange avec toi, essayons de voir un petit peu ce que tout ça, toute cette démarche que tu peux avoir, que nous avons au Collège Culinaire de France et que vous incarnez en tant qu'artisan militant de la qualité, ça dit quoi sur le sens des choses, ça dit quoi sur le sens de la vie ?

  • Didier

    Ça serait très immodeste de penser que ce que nous faisons peut influencer le sens de la vie des autres, mais on y participe à sa dimension. Manger, c'est un acte politique. Les citoyens font des actes politiques toujours, pas que pendant les élections, quand ils rentrent dans un supermarché ou quand ils vont dans l'épicerie du coin, quand ils rentrent dans un restaurant indépendant ou un restaurant de chaîne. Alors je n'oppose pas les uns aux autres, je pense qu'il faut de la place pour tout le monde. Je pense que quand on va acheter sa baguette chez Paul, ce n'est pas qu'elle est bonne ou mauvaise, mais on sait que ce n'est pas un boulanger. Il faut le faire en conscience. Et moi, je passe beaucoup de temps à, non pas éduquer, mais à expliquer notre démarche. que par exemple, les produits ont un prix ou un coût, et que quand je mets de la moutarde de charroux sur table, de la moutarde à l'ancienne, qui me coûte à peu près 12 fois le prix au kilo que de la moutarde industrielle qui n'a de Dijon que le nom, et certainement pas l'origine, et que cette moutarde n'est pas facturée, évidemment, ça a une incidence quelque part. Quand je mets... non pas du cornichon industriel, mais de la pâte à tartiner de cornichon qui est faite avec du cornichon véroné par un petit artisan de Rodez. Ça a un coût et que donc ça doit se retrouver. Quand je prends de la viande chez un producteur, je ne vais pas l'acheter au même prix que si j'achète chez un industriel. Donc, on est là pour expliquer une démarche, pour faire prendre conscience aux gens, non pas qu'il faille venir tous les jours manger chez moi parce que c'est meilleur. Non, c'est différent. C'est plus cher ou moins cher.

  • Christian

    C'est la diversité.

  • Didier

    Et ça correspond à un temps donné. Et donc, cette démarche, voilà, elle... passe par la répétition d'un certain nombre de discours, de messages sur ce qu'on fait, pourquoi on le fait, le sens de ce que l'on fait. Et donc, argument après argument, on arrive à convaincre une personne, puis une deuxième, on aura fait un bout du chemin.

  • Christian

    Tu exprimes très très bien ce que l'on développe toujours au Collège Lumière de France. Avant tout, prendre conscience en se posant des questions. Le tout n'est pas simplement de savoir, le tout est de chercher en permanence à apprendre et à se poser des questions. Le jour où on ne se pose plus de questions, là c'est qu'on devient complètement esclave d'un système dans lequel on n'a plus du tout de pouvoir. Écoute, très très bien, alors on va terminer par une dernière interview, je lance le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Alors le pomme-moutarde, Didier, c'est quelque chose dont tu es par ailleurs familier, le coup de gueule, la moutarde qui te monte au nez, sur un sujet, sur quelque chose qui te vient à l'esprit, par rapport justement à cet univers dans lequel tu te trouves.

  • Didier

    Alors effectivement, j'ai coutumé de coup de gueule, j'en prends de temps en temps. Il y en a un qui vient à l'idée parce que mon directeur de salle nous a envoyé une photo hier, il était dans une crêperie, et à la description de la crêpe auvergnate, l'ingrédient était le reblochon. Et donc le coup de gueule, c'est sur les gens qui sont des frossoyeurs de notre métier. Il y a des gens qui font notre métier de façon exceptionnelle. Il y a des gens qui le galvotent terriblement. Et donc j'aime trop ce métier depuis dix ans, peut-être parce que je le fais depuis peu de temps, pour accepter, pour me résigner à voir des conneries comme ça. Donc j'espère que les consommateurs vont être capables aussi de réagir quand ils voient comme ça et se dire c'est comme quand je vois une tomate dans une assiette au mois de décembre, je passe la porte et je vais au restaurant d'à côté. Donc le coup de gueule, c'est sur ceux qui font bien ce métier, sans stigmatiser les autres.

  • Christian

    Mais vous êtes tous au Collège Culinaire de France à dire ça, en tant qu'artisan militant de la qualité. Et c'est pour ça d'ailleurs que beaucoup d'entre vous, toi le premier, développez aussi des actions avec Manger Citoyens, cette association qu'on a créée dans le prolongement du Collège Culinaire de France, pour faire prendre conscience aux citoyens de ce que manger veut dire. être dans la transparence, parce que ce dont tu parles c'est la vraie transparence, savoir ce qu'on a dans l'assiette, savoir d'où ça vient, savoir comment ça a été produit, c'est cette prise de conscience qui devient...

  • Didier

    Quand on est professionnel, à minima, faire l'effort d'expliquer ce qu'on produit et de se renseigner sur l'origine de notre fromage quand on écrit crêpes au vergnat.

  • Christian

    Merci, merci à toi, merci d'avoir pris ce temps, parce que je sais que ton temps est aussi compté. Peut-être pour terminer, un petit peu comme à chacun j'ai demandé, si t'avais... indépendamment évidemment de l'ambassade d'Auvergne, mais une adresse à donner d'un restaurant que tu aimes particulièrement ou si tu avais même l'adresse d'un producteur ou d'un produit qui te paraît intéressant.

  • Didier

    Alors, des restaurateurs, j'en ai cité quelques-uns tout à l'heure. Un produit qui, moi, me fascine, c'est l'Aïn Noir. L'Aïn Noir de Billon, de Tramiel Laurent Gérard, qui est au Collège Culinaire de France. Et c'est par le collège que j'ai rencontré. C'est un produit que j'aime tellement que quand j'ai passé mon CAP, j'ai créé 15 recettes, 5 plats, 55 desserts, pour pouvoir, toute l'année, proposer un menu à l'Aïn Noir, du début à la fin du repas, à nos clients, et leur faire des coups.

  • Christian

    L'Aïn Noir de Billon. Merci, merci

  • Voix-off

    Didier, merci du temps que tu as passé avec nous et merci pour tout ce que tu nous as dit et pour tout ce que tu portes. Merci à toi. Merci à toi. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'édition, elle est pour nous.

Description

Dans ce nouvel épisode de De la Terre à l'Assiette, découvrez le parcours inspirant de Didier Desert, chef passionné et propriétaire de l’Ambassade d’Auvergne, un restaurant reconnu

par le Collège Culinaire de France. Ancien cadre reconverti en militant du bien-manger, Didier nous raconte comment il a insufflé à son établissement l’identité d’un territoire, plaçant au cœur de sa démarche les produits d’exception et les liens humains avec les producteurs auvergnats.


À travers une gastronomie respectueuse du terroir et des saisons, il nous dévoile comment chaque plat est un hommage aux artisans du goût et aux valeurs de transparence et de coopération portées par

le Collège Culinaire de France. Un témoignage captivant d’un chef engagé, pour qui la cuisine doit incarner qui l'on est et sur quel territoire on vit.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


Suivez-nous sur les réseaux sociaux !

Instagram : https://www.instagram.com/collegeculinairedefrance/

Facebook : https://www.facebook.com/collegeculinairedefranceofficiel/?locale=fr_FR

X : https://x.com/R_Qualite

Youtube : https://youtube.com/@collegeculinairedefrance8338?si=9Gr8AOpmTzpDEQBm


Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Didier

    Quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du chez dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Didier Dessert, restaurateur de conviction, chef et propriétaire de l'ambassade d'Auvergne, un restaurant parisien situé 22 rue du Grenier Saint-Lazare, dans le 3e arrondissement de Paris, et reconnu par le Collège Culinaire de France depuis 2015. Didier propose une cuisine française exclusivement, réalisée à partir de produits régionaux et de saison, dans le respect des traditions du terroir auvergne. Bonjour Didier.

  • Didier

    Bonjour Christian.

  • Christian

    Alors Didier, d'emblée, quelle mouche t'a-t-elle piqué, toi, Didier Dezerre ? Diplômé de Sciences Po et de l'ESSEC pour aller à 40 ans, te former à l'école de cuisine Ferrandi et chercher à percer les secrets du fameux Aligo Auvergnat.

  • Didier

    Alors d'abord, c'était à 50 ans. Ah pardon, je te rajeunis toujours. Je te rajeunis toujours et je te remercie. Après une vie accomplie, intéressante dans des grandes entreprises, à la fois opérationnelle et dans le conseil, il y a toujours deux moteurs dans le changement, il y a l'ennui et l'envie. L'ennui de ce que je faisais dans mon entreprise, avec une stratégie qui avait évolué, avec des modes de management qui avaient évolué, et la question du sens de ce que je faisais, ma capacité à accompagner les transformations de cette entreprise avec les collaborateurs. Et puis l'envie, parce que j'ai découvert la cuisine pour le coup à 40 ans, qui était devenue une... passion totalement débordante puisque je cuisinais à peu près tout le temps. Et cette idée a cheminé pendant des années, comme un bruit sourd au départ, l'idée d'avoir un restaurant et puis comme une évidence quand on s'est posé la question de l'après EY, puisque j'étais associé dans ce grand cabinet de conseil et que j'étais au bout d'une aventure et qu'il fallait imaginer la suivante. Le fait de prendre un restaurant, de trouver une activité qui avait une cohérence par rapport à mon histoire, par rapport à mon sens, c'est-à-dire la cuisine, le... le produit, le goût du bon, et aller au bout de ce rêve finalement, à 50 ans avant qu'il ne soit trop tard. Et donc c'est pour ça que j'ai basculé, pris la décision en 2014, et acheté cette belle endormie qu'était l'ambassade de Verne en janvier 2015.

  • Christian

    C'est extraordinaire parce qu'en fait, tu représentes véritablement ce qu'on a toujours développé depuis le début de la philosophie du Collège Cumulaire de France, c'est-à-dire... partir de l'identité, de ton identité, et on va le voir, c'est pas simplement ton identité, c'est aussi l'identité d'un territoire à travers ce que tu as investi. Et tu parlais d'ailleurs, c'est drôle, parce que tu parlais l'envie et on a une phrase aussi où on dit de plus en plus aux membres du Collège de France, il faut avoir l'envie d'avoir envie. Comme disait Johnny Hallyday. Bon, donc, ce territoire et cette identité, est-ce que tu peux nous en parler ? C'est-à-dire qu'on voit bien que ça a été un cheminement personnel à travers une recherche de ce dont tu avais envie, mais aussi par rapport à un territoire que tu as magnifiquement revalorisé et mis sur la table. Tu as dit, je crois, tout sera estampillé produit au Verga.

  • Didier

    Oui, en fait, j'avais un double challenge, puisque tu l'as rappelé, je n'étais pas restaurateur avant de me lancer dans cette aventure, mais je n'étais pas non plus Auvergnat. Il se trouve que cette maison était à vendre, que j'ai trouvé qu'elle avait une marque extraordinaire. Elle avait une histoire, une âme quand je l'ai visitée. Et après une hésitation, enfin une double hésitation, l'hésitation d'aller sur une maison de cette taille et l'hésitation très transitoire d'en faire une ambassade du sud-ouest, puisque c'était plus légitime pour moi, j'ai décidé de partir à la découverte. de ce terroir magnifique qu'est l'Auvergne et de faire de mon activité un seul crédo proposer à Paris ce qu'il y a de plus beau et de meilleur en provenance de la région. Alors pourquoi ? D'abord par un souci de cohérence. Quand on a une maison qui s'appelle Ambassade d'Auvergne, il n'y a que deux mots sur la façade, deux mots qui nous obligent. Nous sommes là pour être le promoteur d'une région. Ensuite, cette maison, elle avait historiquement bâti sa notoriété sur... L'histoire Auvergnat a-t-elle proposé quasi exclusivement des recettes ? de plats auvergnats traditionnels, dont j'ai assez rapidement pris conscience qu'ils ne correspondaient pas forcément au goût du jour, ni forcément à l'intérêt que j'avais en tant que cuisinier. Et j'ai voulu faire de l'ambassade d'Auvergne non pas une ambassade des recettes d'Auvergne, mais une ambassade des produits d'Auvergne. Et non pas que des produits historiques, traditionnels, la lentille, le cochon, la charcuterie auxquels on pense immédiatement quand on dit Auvergne, mais tous les produits d'un terroir, parce que le terroir ça ne se limite pas à l'histoire, mais ça s'ouvre à... la capacité de tous les paysans, de tous les producteurs qui imaginent pourquoi pas faire une mozzarella parce qu'ils ont quelques bufflonnes qu'ils élèvent, qui imaginent faire de l'ail noir alors que c'est plutôt une tradition asiatique, etc. Et donc moi je suis parti à la découverte du terroir, j'ai trouvé des produits fantastiques et je me suis dit que comme je ne suis pas un grand chef, je suis un très modeste chef, le plus simple était de respecter les produits et donc de prendre des bons produits parce qu'à partir du moment où on a un bon produit... Le travail de chef est extrêmement simple, nous n'avons qu'à respecter le produit et le client se régale.

  • Christian

    Mais alors c'est formidable, mais on voit bien à travers ce que tu dis, tu parles de produits, d'aller chercher ces produits, les découvrir, et derrière ces produits il y a des producteurs.

  • Didier

    Mais il y a toujours une histoire, quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du ché dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire. A la carte de l'ambassade d'Auvergne... Et la plupart des lignes de notre menu font référence ou à un village, ou à une AOC, ou à un producteur. Et donc, effectivement, quand on reçoit quelqu'un à l'ambassade d'Auvergne, on l'amène dans un voyage, on le prend par la main et on le ramène au pays. Et on lui fait visiter les territoires, les fermes, les vignobles avec lesquels on a un lien particulier et qu'on a envie de faire des choses.

  • Christian

    En fait, c'est une découverte à travers une chaîne humaine. Quand on regarde bien, c'est-à-dire que tu parles à la fois des gens qui viennent en tant que client, à qui tu développes une histoire, donc il y a forcément une interaction à partir du moment où ils sont intéressés, et c'est plus du tout la même façon de restaurer, ou alors ça l'est peut-être dans la définition même du mot restaurer c'est se restaurer dans tous les sens du terme, et puis de l'autre côté, en amont de tout ça... Tu as des gens qui travaillent, qui ont une histoire, comme tu le dis, dans un village, dans une région, et qui vivent aussi en hybridation complète avec leur village et leur terre. En fait,

  • Didier

    je ne suis pas restaurateur de métier, et loin de moi l'idée de vouloir apprendre aux professionnels leur métier, mais quand je suis arrivé, j'avais une conviction forte, c'est que l'on ne va pas au restaurant pour manger. On y va pour manger quand on a une urgence, parce qu'on a faim, et qu'on est dans la... dans l'urgence de manger quelque chose vite fait. Mais quand on va dans un restaurant comme l'ambassade de vin, comme beaucoup de maisons, on y va pour passer un bon moment, pour partager une expérience, pour être dans la convivialité, pour être dans le plaisir.

  • Christian

    Alors, on va continuer sur ce sujet, mais avant, on va lancer Toc Toc, qui est là ? Toc Toc, qui est là ? Si tu étais un légume, tu serais quoi ?

  • Didier

    Je changerais toute l'année parce que je serais un légume de saison. Peut-être une tomate en ce moment, j'adore la tomate. À l'hiver, un butternut. D'accord.

  • Christian

    Si tu étais un vignoble ?

  • Didier

    Historiquement, Bordeaux, c'est celui où je suis né, c'est celui où j'ai appris à goûter le vin. Aujourd'hui, peut-être l'Auvergne que j'ai découverte avec des produits magnifiques. Le sud de la France pour la richesse, le côté plus charpenté des vins. Et puis... Si je dois avoir le choix de mon dernier verre, je choisirais de boire un Savagnin du Jura, un Chérolé. Voilà, un verre de Savagnin.

  • Christian

    C'est extraordinaire. C'est extraordinaire. Tu vas enthousiasmer nos auditeurs qui, là, viennent d'avoir encore une information inédite. Alors, évidemment, c'est une question qui ne devrait pas être en ce qui te concerne, si tu étais une région.

  • Didier

    L'Auvergne, évidemment, mais je pense qu'on apprend de partout. Et donc, je suis toujours curieux de ce qui se passe ailleurs, même si, effectivement, l'ambassade d'Auvergne, je m'interdis. de prendre des produits qui viennent d'une autre région, à l'exclusion du poisson évidemment, puisque la mer s'étant éloignée des volcans d'Auvergne depuis quelques années, si on veut avoir une carte qui se renouvelle en termes de poisson, il vaut mieux aller regarder du côté de la mer.

  • Christian

    Dernière question, peut-être un peu difficile, mais si tu étais un autre chef cuisinier ?

  • Didier

    J'ai longtemps admiré ce que l'on appelle les grands chefs, les étoiliers. J'ai eu la chance de découvrir à travers la France de nombreuses tables de grands chefs. Je pense que mes deux plus belles histoires, c'est peut-être... trois gros et guerards dans ma construction d'un parcours gastronomique. Aujourd'hui, j'ai une préférence pour les tables, pour la cuisine canaille, la cuisine gourmande. Je pense à Emile Cotte, à David Baroche, à Pierre Nagrevergne, à David Radjeber. C'est le genre de table où aujourd'hui, je me fais plus plaisir, même si évidemment, je reconnais toujours... L'extraordinaire compétence, capacité d'innovation, maîtrise technique des grands chefs étoilés, dont on a besoin parce qu'ils font partie de notre patrimoine, ils sont notre avenir en termes de cuisine aussi. Mais derrière, il y a une effervescence de toute une forme de cuisine. Et je pense que nos palais, nos goûts évoluent dans le temps. Il y a des choses qui ne font plus plaisir à un moment de notre vie et d'autres différemment.

  • Christian

    Mais en même temps, tu dis explicitement que par rapport à la performance technique qui est toujours intéressante, tout patrimonial, etc. Tu parles de l'humain, tu parles des personnalités artisanales, en fin de compte, qui t'attirent à travers...

  • Didier

    Des gens que j'ai eu le plaisir de rencontrer depuis dix ans, à travers le Collège Culinaire de France pour certains, à travers mes expériences pour d'autres, et cet extraordinaire plaisir que j'ai eu, et une fierté aussi, avec humilité, d'être reconnu par ces gens-là comme leur père aussi. Et c'était important pour moi dans ce cheminement qui a démarré il y a dix ans.

  • Christian

    Qu'est-ce que c'est pour toi, ce que l'on revendique beaucoup au collège et que vous incarnez, qu'est-ce que c'est pour toi la coopération ?

  • Didier

    La coopération c'est ce que nous faisons tous les jours, c'est cette capacité à mettre en lien des gens qui n'ont pas forcément la capacité à le faire d'eux-mêmes d'une certaine façon. A la fois évidemment, comme tu le disais, le client et le producteur, puisqu'on tisse ce lien entre le client et le producteur tous les jours à l'ambassade de Verne. Petit parentage, j'ai d'ailleurs... Je l'ai moins fait depuis le Covid parce que c'est plus compliqué, mais j'ai à plusieurs reprises fermé mon restaurant pour amener toutes mes équipes en Auvergne, pour que chacun, serveur, cuisinier, plongeur, connaisse les producteurs avec qui on travaille. Et cette coopération, on la développe aussi entre producteurs, puisque n'utilisant que des produits auvergniens, je me suis heurté dès le début à une problématique logistique évidente. C'est-à-dire que quand on appelle une grosse entreprise, elle est capable de livrer. Quand on va voir un petit paysan qu'on découvre sur un marché... Il nous dit, si tu veux les produits, tu viens tous les vendredis matins sur le marché. Je dis, oui, mais ça va être compliqué parce que ça va faire beaucoup de route tous les vendredis matins. Et donc, j'ai passé mon temps à négocier, ça n'a jamais été très compliqué d'ailleurs, mais avec certains qu'ils acceptent de prendre les produits des autres. Par exemple, la Maison Laborie, qui est un membre du Collège Culinaire de France, dont nous sommes le plus ancien client, parce que je crois qu'on a le numéro 002, l'ambassade de Verne, chez Clément Laborie, nous livre toutes les semaines des saucisses de la charcuterie. Et j'aurais demandé... Quand je fais venir des mozzarella du Cantal, d'accepter de les prendre et de les livrer. Quand je reçois des œufs, parce que les œufs bio viennent d'un petit éleveur qui a une centaine de poules dans son jardin, il ne sait pas me livrer à Paris. Donc il amène une caisse d'œufs, une canadienne, une demi-canadienne, parce qu'il ne produit pas plus, chaque semaine chez la bourrie. Notre producteur de canards, le domaine de l'Immagne, va de temps en temps accepter de prendre une caisse de 5 hectares ou un cajot d'asperges avec les maillets de canards. Voilà, c'est cette coopération que l'on a mis en place pour pouvoir être... au rendez-vous de la promesse vis-à-vis de nos clients, des produits, des produits d'Auvergne, des produits de saison.

  • Christian

    On voit bien que ça détermine énormément de choses et à travers ce que tu dis, c'est une autre façon de penser. On a beaucoup aujourd'hui de personnes qui trouvent des problèmes aux solutions et il y en a d'autres qui trouvent des solutions aux problèmes. Or au Collège Cunière de France, c'est très marqué cette volonté en permanence de changer son système de pensée pour s'ouvrir et il y a des solutions partout. C'est ça qui est extraordinaire. Mais faut-il encore changer son système de pensée ? Ce qui est extrêmement difficile pour chacun et chacune d'entre nous.

  • Didier

    C'était peut-être plus facile, arrivant avec cette naïveté du débutant, avec cette conviction d'aller au bout de ce souci de cohérence, d'être juste avec la promesse de la marque et de n'avoir que des produits d'Auvergne. Il fallait trouver des solutions. On l'a fait et finalement, c'est complexe au départ parce qu'il faut arriver à convaincre des gens. Ensuite, c'est une mécanique habituelle et quand on commande, on passe à commander trois produits le même jour pour qu'ils puissent arriver par le même camion.

  • Christian

    Formidable. Alors maintenant, on lance fromage ou dessert ?

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Alors, tu es fromage ou dessert ?

  • Didier

    Alors, je suis très dessert. Je suis incapable de finir un repas sans une note sucrée et plutôt chocolatée.

  • Christian

    Bon, encore une question qui n'en est pas une. T'es au Verne ou Bretagne ?

  • Didier

    J'ai vraiment besoin de répondre.

  • Christian

    D'accord. T'es ville ou campagne ? Les deux.

  • Didier

    Il ne faut pas opposer les deux. Il faut justement tisser ce lien entre les deux. Moi, je suis né à la campagne. J'ai un bonheur extrême à retourner à la campagne. J'ai fait toute ma vie professionnelle en ville. Il se passe des choses différentes. Et je ne saurais pas choisir aujourd'hui.

  • Christian

    En même temps, c'est un plus beau coup de vogue maintenant. Tu es travail ou vacances ?

  • Didier

    Je suis assez vacances. Je travaille beaucoup, mais les vacances, c'est important de prendre des vacances parce que le travail demande une énergie. Et j'ai peut-être plus l'énergie à 60 ans de me remettre comme ça en salle tous les matins. Alors,

  • Christian

    tu es entrepreneur ou salarié ?

  • Didier

    J'ai été les deux. Je suis entrepreneur aujourd'hui. Ça offre une liberté incroyable. Après, quand on est les deux, ça permet quand on est entrepreneur d'avoir une conscience du rôle, du statut du salarié, de la façon dont on a, de la relation qu'on a à avoir avec nos salariés qui est différente et qui est importante.

  • Christian

    Et pour terminer maintenant sur une dernière partie de ce très riche échange avec toi, essayons de voir un petit peu ce que tout ça, toute cette démarche que tu peux avoir, que nous avons au Collège Culinaire de France et que vous incarnez en tant qu'artisan militant de la qualité, ça dit quoi sur le sens des choses, ça dit quoi sur le sens de la vie ?

  • Didier

    Ça serait très immodeste de penser que ce que nous faisons peut influencer le sens de la vie des autres, mais on y participe à sa dimension. Manger, c'est un acte politique. Les citoyens font des actes politiques toujours, pas que pendant les élections, quand ils rentrent dans un supermarché ou quand ils vont dans l'épicerie du coin, quand ils rentrent dans un restaurant indépendant ou un restaurant de chaîne. Alors je n'oppose pas les uns aux autres, je pense qu'il faut de la place pour tout le monde. Je pense que quand on va acheter sa baguette chez Paul, ce n'est pas qu'elle est bonne ou mauvaise, mais on sait que ce n'est pas un boulanger. Il faut le faire en conscience. Et moi, je passe beaucoup de temps à, non pas éduquer, mais à expliquer notre démarche. que par exemple, les produits ont un prix ou un coût, et que quand je mets de la moutarde de charroux sur table, de la moutarde à l'ancienne, qui me coûte à peu près 12 fois le prix au kilo que de la moutarde industrielle qui n'a de Dijon que le nom, et certainement pas l'origine, et que cette moutarde n'est pas facturée, évidemment, ça a une incidence quelque part. Quand je mets... non pas du cornichon industriel, mais de la pâte à tartiner de cornichon qui est faite avec du cornichon véroné par un petit artisan de Rodez. Ça a un coût et que donc ça doit se retrouver. Quand je prends de la viande chez un producteur, je ne vais pas l'acheter au même prix que si j'achète chez un industriel. Donc, on est là pour expliquer une démarche, pour faire prendre conscience aux gens, non pas qu'il faille venir tous les jours manger chez moi parce que c'est meilleur. Non, c'est différent. C'est plus cher ou moins cher.

  • Christian

    C'est la diversité.

  • Didier

    Et ça correspond à un temps donné. Et donc, cette démarche, voilà, elle... passe par la répétition d'un certain nombre de discours, de messages sur ce qu'on fait, pourquoi on le fait, le sens de ce que l'on fait. Et donc, argument après argument, on arrive à convaincre une personne, puis une deuxième, on aura fait un bout du chemin.

  • Christian

    Tu exprimes très très bien ce que l'on développe toujours au Collège Lumière de France. Avant tout, prendre conscience en se posant des questions. Le tout n'est pas simplement de savoir, le tout est de chercher en permanence à apprendre et à se poser des questions. Le jour où on ne se pose plus de questions, là c'est qu'on devient complètement esclave d'un système dans lequel on n'a plus du tout de pouvoir. Écoute, très très bien, alors on va terminer par une dernière interview, je lance le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Alors le pomme-moutarde, Didier, c'est quelque chose dont tu es par ailleurs familier, le coup de gueule, la moutarde qui te monte au nez, sur un sujet, sur quelque chose qui te vient à l'esprit, par rapport justement à cet univers dans lequel tu te trouves.

  • Didier

    Alors effectivement, j'ai coutumé de coup de gueule, j'en prends de temps en temps. Il y en a un qui vient à l'idée parce que mon directeur de salle nous a envoyé une photo hier, il était dans une crêperie, et à la description de la crêpe auvergnate, l'ingrédient était le reblochon. Et donc le coup de gueule, c'est sur les gens qui sont des frossoyeurs de notre métier. Il y a des gens qui font notre métier de façon exceptionnelle. Il y a des gens qui le galvotent terriblement. Et donc j'aime trop ce métier depuis dix ans, peut-être parce que je le fais depuis peu de temps, pour accepter, pour me résigner à voir des conneries comme ça. Donc j'espère que les consommateurs vont être capables aussi de réagir quand ils voient comme ça et se dire c'est comme quand je vois une tomate dans une assiette au mois de décembre, je passe la porte et je vais au restaurant d'à côté. Donc le coup de gueule, c'est sur ceux qui font bien ce métier, sans stigmatiser les autres.

  • Christian

    Mais vous êtes tous au Collège Culinaire de France à dire ça, en tant qu'artisan militant de la qualité. Et c'est pour ça d'ailleurs que beaucoup d'entre vous, toi le premier, développez aussi des actions avec Manger Citoyens, cette association qu'on a créée dans le prolongement du Collège Culinaire de France, pour faire prendre conscience aux citoyens de ce que manger veut dire. être dans la transparence, parce que ce dont tu parles c'est la vraie transparence, savoir ce qu'on a dans l'assiette, savoir d'où ça vient, savoir comment ça a été produit, c'est cette prise de conscience qui devient...

  • Didier

    Quand on est professionnel, à minima, faire l'effort d'expliquer ce qu'on produit et de se renseigner sur l'origine de notre fromage quand on écrit crêpes au vergnat.

  • Christian

    Merci, merci à toi, merci d'avoir pris ce temps, parce que je sais que ton temps est aussi compté. Peut-être pour terminer, un petit peu comme à chacun j'ai demandé, si t'avais... indépendamment évidemment de l'ambassade d'Auvergne, mais une adresse à donner d'un restaurant que tu aimes particulièrement ou si tu avais même l'adresse d'un producteur ou d'un produit qui te paraît intéressant.

  • Didier

    Alors, des restaurateurs, j'en ai cité quelques-uns tout à l'heure. Un produit qui, moi, me fascine, c'est l'Aïn Noir. L'Aïn Noir de Billon, de Tramiel Laurent Gérard, qui est au Collège Culinaire de France. Et c'est par le collège que j'ai rencontré. C'est un produit que j'aime tellement que quand j'ai passé mon CAP, j'ai créé 15 recettes, 5 plats, 55 desserts, pour pouvoir, toute l'année, proposer un menu à l'Aïn Noir, du début à la fin du repas, à nos clients, et leur faire des coups.

  • Christian

    L'Aïn Noir de Billon. Merci, merci

  • Voix-off

    Didier, merci du temps que tu as passé avec nous et merci pour tout ce que tu nous as dit et pour tout ce que tu portes. Merci à toi. Merci à toi. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'édition, elle est pour nous.

Share

Embed

You may also like

Description

Dans ce nouvel épisode de De la Terre à l'Assiette, découvrez le parcours inspirant de Didier Desert, chef passionné et propriétaire de l’Ambassade d’Auvergne, un restaurant reconnu

par le Collège Culinaire de France. Ancien cadre reconverti en militant du bien-manger, Didier nous raconte comment il a insufflé à son établissement l’identité d’un territoire, plaçant au cœur de sa démarche les produits d’exception et les liens humains avec les producteurs auvergnats.


À travers une gastronomie respectueuse du terroir et des saisons, il nous dévoile comment chaque plat est un hommage aux artisans du goût et aux valeurs de transparence et de coopération portées par

le Collège Culinaire de France. Un témoignage captivant d’un chef engagé, pour qui la cuisine doit incarner qui l'on est et sur quel territoire on vit.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


Suivez-nous sur les réseaux sociaux !

Instagram : https://www.instagram.com/collegeculinairedefrance/

Facebook : https://www.facebook.com/collegeculinairedefranceofficiel/?locale=fr_FR

X : https://x.com/R_Qualite

Youtube : https://youtube.com/@collegeculinairedefrance8338?si=9Gr8AOpmTzpDEQBm


Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Didier

    Quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du chez dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Didier Dessert, restaurateur de conviction, chef et propriétaire de l'ambassade d'Auvergne, un restaurant parisien situé 22 rue du Grenier Saint-Lazare, dans le 3e arrondissement de Paris, et reconnu par le Collège Culinaire de France depuis 2015. Didier propose une cuisine française exclusivement, réalisée à partir de produits régionaux et de saison, dans le respect des traditions du terroir auvergne. Bonjour Didier.

  • Didier

    Bonjour Christian.

  • Christian

    Alors Didier, d'emblée, quelle mouche t'a-t-elle piqué, toi, Didier Dezerre ? Diplômé de Sciences Po et de l'ESSEC pour aller à 40 ans, te former à l'école de cuisine Ferrandi et chercher à percer les secrets du fameux Aligo Auvergnat.

  • Didier

    Alors d'abord, c'était à 50 ans. Ah pardon, je te rajeunis toujours. Je te rajeunis toujours et je te remercie. Après une vie accomplie, intéressante dans des grandes entreprises, à la fois opérationnelle et dans le conseil, il y a toujours deux moteurs dans le changement, il y a l'ennui et l'envie. L'ennui de ce que je faisais dans mon entreprise, avec une stratégie qui avait évolué, avec des modes de management qui avaient évolué, et la question du sens de ce que je faisais, ma capacité à accompagner les transformations de cette entreprise avec les collaborateurs. Et puis l'envie, parce que j'ai découvert la cuisine pour le coup à 40 ans, qui était devenue une... passion totalement débordante puisque je cuisinais à peu près tout le temps. Et cette idée a cheminé pendant des années, comme un bruit sourd au départ, l'idée d'avoir un restaurant et puis comme une évidence quand on s'est posé la question de l'après EY, puisque j'étais associé dans ce grand cabinet de conseil et que j'étais au bout d'une aventure et qu'il fallait imaginer la suivante. Le fait de prendre un restaurant, de trouver une activité qui avait une cohérence par rapport à mon histoire, par rapport à mon sens, c'est-à-dire la cuisine, le... le produit, le goût du bon, et aller au bout de ce rêve finalement, à 50 ans avant qu'il ne soit trop tard. Et donc c'est pour ça que j'ai basculé, pris la décision en 2014, et acheté cette belle endormie qu'était l'ambassade de Verne en janvier 2015.

  • Christian

    C'est extraordinaire parce qu'en fait, tu représentes véritablement ce qu'on a toujours développé depuis le début de la philosophie du Collège Cumulaire de France, c'est-à-dire... partir de l'identité, de ton identité, et on va le voir, c'est pas simplement ton identité, c'est aussi l'identité d'un territoire à travers ce que tu as investi. Et tu parlais d'ailleurs, c'est drôle, parce que tu parlais l'envie et on a une phrase aussi où on dit de plus en plus aux membres du Collège de France, il faut avoir l'envie d'avoir envie. Comme disait Johnny Hallyday. Bon, donc, ce territoire et cette identité, est-ce que tu peux nous en parler ? C'est-à-dire qu'on voit bien que ça a été un cheminement personnel à travers une recherche de ce dont tu avais envie, mais aussi par rapport à un territoire que tu as magnifiquement revalorisé et mis sur la table. Tu as dit, je crois, tout sera estampillé produit au Verga.

  • Didier

    Oui, en fait, j'avais un double challenge, puisque tu l'as rappelé, je n'étais pas restaurateur avant de me lancer dans cette aventure, mais je n'étais pas non plus Auvergnat. Il se trouve que cette maison était à vendre, que j'ai trouvé qu'elle avait une marque extraordinaire. Elle avait une histoire, une âme quand je l'ai visitée. Et après une hésitation, enfin une double hésitation, l'hésitation d'aller sur une maison de cette taille et l'hésitation très transitoire d'en faire une ambassade du sud-ouest, puisque c'était plus légitime pour moi, j'ai décidé de partir à la découverte. de ce terroir magnifique qu'est l'Auvergne et de faire de mon activité un seul crédo proposer à Paris ce qu'il y a de plus beau et de meilleur en provenance de la région. Alors pourquoi ? D'abord par un souci de cohérence. Quand on a une maison qui s'appelle Ambassade d'Auvergne, il n'y a que deux mots sur la façade, deux mots qui nous obligent. Nous sommes là pour être le promoteur d'une région. Ensuite, cette maison, elle avait historiquement bâti sa notoriété sur... L'histoire Auvergnat a-t-elle proposé quasi exclusivement des recettes ? de plats auvergnats traditionnels, dont j'ai assez rapidement pris conscience qu'ils ne correspondaient pas forcément au goût du jour, ni forcément à l'intérêt que j'avais en tant que cuisinier. Et j'ai voulu faire de l'ambassade d'Auvergne non pas une ambassade des recettes d'Auvergne, mais une ambassade des produits d'Auvergne. Et non pas que des produits historiques, traditionnels, la lentille, le cochon, la charcuterie auxquels on pense immédiatement quand on dit Auvergne, mais tous les produits d'un terroir, parce que le terroir ça ne se limite pas à l'histoire, mais ça s'ouvre à... la capacité de tous les paysans, de tous les producteurs qui imaginent pourquoi pas faire une mozzarella parce qu'ils ont quelques bufflonnes qu'ils élèvent, qui imaginent faire de l'ail noir alors que c'est plutôt une tradition asiatique, etc. Et donc moi je suis parti à la découverte du terroir, j'ai trouvé des produits fantastiques et je me suis dit que comme je ne suis pas un grand chef, je suis un très modeste chef, le plus simple était de respecter les produits et donc de prendre des bons produits parce qu'à partir du moment où on a un bon produit... Le travail de chef est extrêmement simple, nous n'avons qu'à respecter le produit et le client se régale.

  • Christian

    Mais alors c'est formidable, mais on voit bien à travers ce que tu dis, tu parles de produits, d'aller chercher ces produits, les découvrir, et derrière ces produits il y a des producteurs.

  • Didier

    Mais il y a toujours une histoire, quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du ché dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire. A la carte de l'ambassade d'Auvergne... Et la plupart des lignes de notre menu font référence ou à un village, ou à une AOC, ou à un producteur. Et donc, effectivement, quand on reçoit quelqu'un à l'ambassade d'Auvergne, on l'amène dans un voyage, on le prend par la main et on le ramène au pays. Et on lui fait visiter les territoires, les fermes, les vignobles avec lesquels on a un lien particulier et qu'on a envie de faire des choses.

  • Christian

    En fait, c'est une découverte à travers une chaîne humaine. Quand on regarde bien, c'est-à-dire que tu parles à la fois des gens qui viennent en tant que client, à qui tu développes une histoire, donc il y a forcément une interaction à partir du moment où ils sont intéressés, et c'est plus du tout la même façon de restaurer, ou alors ça l'est peut-être dans la définition même du mot restaurer c'est se restaurer dans tous les sens du terme, et puis de l'autre côté, en amont de tout ça... Tu as des gens qui travaillent, qui ont une histoire, comme tu le dis, dans un village, dans une région, et qui vivent aussi en hybridation complète avec leur village et leur terre. En fait,

  • Didier

    je ne suis pas restaurateur de métier, et loin de moi l'idée de vouloir apprendre aux professionnels leur métier, mais quand je suis arrivé, j'avais une conviction forte, c'est que l'on ne va pas au restaurant pour manger. On y va pour manger quand on a une urgence, parce qu'on a faim, et qu'on est dans la... dans l'urgence de manger quelque chose vite fait. Mais quand on va dans un restaurant comme l'ambassade de vin, comme beaucoup de maisons, on y va pour passer un bon moment, pour partager une expérience, pour être dans la convivialité, pour être dans le plaisir.

  • Christian

    Alors, on va continuer sur ce sujet, mais avant, on va lancer Toc Toc, qui est là ? Toc Toc, qui est là ? Si tu étais un légume, tu serais quoi ?

  • Didier

    Je changerais toute l'année parce que je serais un légume de saison. Peut-être une tomate en ce moment, j'adore la tomate. À l'hiver, un butternut. D'accord.

  • Christian

    Si tu étais un vignoble ?

  • Didier

    Historiquement, Bordeaux, c'est celui où je suis né, c'est celui où j'ai appris à goûter le vin. Aujourd'hui, peut-être l'Auvergne que j'ai découverte avec des produits magnifiques. Le sud de la France pour la richesse, le côté plus charpenté des vins. Et puis... Si je dois avoir le choix de mon dernier verre, je choisirais de boire un Savagnin du Jura, un Chérolé. Voilà, un verre de Savagnin.

  • Christian

    C'est extraordinaire. C'est extraordinaire. Tu vas enthousiasmer nos auditeurs qui, là, viennent d'avoir encore une information inédite. Alors, évidemment, c'est une question qui ne devrait pas être en ce qui te concerne, si tu étais une région.

  • Didier

    L'Auvergne, évidemment, mais je pense qu'on apprend de partout. Et donc, je suis toujours curieux de ce qui se passe ailleurs, même si, effectivement, l'ambassade d'Auvergne, je m'interdis. de prendre des produits qui viennent d'une autre région, à l'exclusion du poisson évidemment, puisque la mer s'étant éloignée des volcans d'Auvergne depuis quelques années, si on veut avoir une carte qui se renouvelle en termes de poisson, il vaut mieux aller regarder du côté de la mer.

  • Christian

    Dernière question, peut-être un peu difficile, mais si tu étais un autre chef cuisinier ?

  • Didier

    J'ai longtemps admiré ce que l'on appelle les grands chefs, les étoiliers. J'ai eu la chance de découvrir à travers la France de nombreuses tables de grands chefs. Je pense que mes deux plus belles histoires, c'est peut-être... trois gros et guerards dans ma construction d'un parcours gastronomique. Aujourd'hui, j'ai une préférence pour les tables, pour la cuisine canaille, la cuisine gourmande. Je pense à Emile Cotte, à David Baroche, à Pierre Nagrevergne, à David Radjeber. C'est le genre de table où aujourd'hui, je me fais plus plaisir, même si évidemment, je reconnais toujours... L'extraordinaire compétence, capacité d'innovation, maîtrise technique des grands chefs étoilés, dont on a besoin parce qu'ils font partie de notre patrimoine, ils sont notre avenir en termes de cuisine aussi. Mais derrière, il y a une effervescence de toute une forme de cuisine. Et je pense que nos palais, nos goûts évoluent dans le temps. Il y a des choses qui ne font plus plaisir à un moment de notre vie et d'autres différemment.

  • Christian

    Mais en même temps, tu dis explicitement que par rapport à la performance technique qui est toujours intéressante, tout patrimonial, etc. Tu parles de l'humain, tu parles des personnalités artisanales, en fin de compte, qui t'attirent à travers...

  • Didier

    Des gens que j'ai eu le plaisir de rencontrer depuis dix ans, à travers le Collège Culinaire de France pour certains, à travers mes expériences pour d'autres, et cet extraordinaire plaisir que j'ai eu, et une fierté aussi, avec humilité, d'être reconnu par ces gens-là comme leur père aussi. Et c'était important pour moi dans ce cheminement qui a démarré il y a dix ans.

  • Christian

    Qu'est-ce que c'est pour toi, ce que l'on revendique beaucoup au collège et que vous incarnez, qu'est-ce que c'est pour toi la coopération ?

  • Didier

    La coopération c'est ce que nous faisons tous les jours, c'est cette capacité à mettre en lien des gens qui n'ont pas forcément la capacité à le faire d'eux-mêmes d'une certaine façon. A la fois évidemment, comme tu le disais, le client et le producteur, puisqu'on tisse ce lien entre le client et le producteur tous les jours à l'ambassade de Verne. Petit parentage, j'ai d'ailleurs... Je l'ai moins fait depuis le Covid parce que c'est plus compliqué, mais j'ai à plusieurs reprises fermé mon restaurant pour amener toutes mes équipes en Auvergne, pour que chacun, serveur, cuisinier, plongeur, connaisse les producteurs avec qui on travaille. Et cette coopération, on la développe aussi entre producteurs, puisque n'utilisant que des produits auvergniens, je me suis heurté dès le début à une problématique logistique évidente. C'est-à-dire que quand on appelle une grosse entreprise, elle est capable de livrer. Quand on va voir un petit paysan qu'on découvre sur un marché... Il nous dit, si tu veux les produits, tu viens tous les vendredis matins sur le marché. Je dis, oui, mais ça va être compliqué parce que ça va faire beaucoup de route tous les vendredis matins. Et donc, j'ai passé mon temps à négocier, ça n'a jamais été très compliqué d'ailleurs, mais avec certains qu'ils acceptent de prendre les produits des autres. Par exemple, la Maison Laborie, qui est un membre du Collège Culinaire de France, dont nous sommes le plus ancien client, parce que je crois qu'on a le numéro 002, l'ambassade de Verne, chez Clément Laborie, nous livre toutes les semaines des saucisses de la charcuterie. Et j'aurais demandé... Quand je fais venir des mozzarella du Cantal, d'accepter de les prendre et de les livrer. Quand je reçois des œufs, parce que les œufs bio viennent d'un petit éleveur qui a une centaine de poules dans son jardin, il ne sait pas me livrer à Paris. Donc il amène une caisse d'œufs, une canadienne, une demi-canadienne, parce qu'il ne produit pas plus, chaque semaine chez la bourrie. Notre producteur de canards, le domaine de l'Immagne, va de temps en temps accepter de prendre une caisse de 5 hectares ou un cajot d'asperges avec les maillets de canards. Voilà, c'est cette coopération que l'on a mis en place pour pouvoir être... au rendez-vous de la promesse vis-à-vis de nos clients, des produits, des produits d'Auvergne, des produits de saison.

  • Christian

    On voit bien que ça détermine énormément de choses et à travers ce que tu dis, c'est une autre façon de penser. On a beaucoup aujourd'hui de personnes qui trouvent des problèmes aux solutions et il y en a d'autres qui trouvent des solutions aux problèmes. Or au Collège Cunière de France, c'est très marqué cette volonté en permanence de changer son système de pensée pour s'ouvrir et il y a des solutions partout. C'est ça qui est extraordinaire. Mais faut-il encore changer son système de pensée ? Ce qui est extrêmement difficile pour chacun et chacune d'entre nous.

  • Didier

    C'était peut-être plus facile, arrivant avec cette naïveté du débutant, avec cette conviction d'aller au bout de ce souci de cohérence, d'être juste avec la promesse de la marque et de n'avoir que des produits d'Auvergne. Il fallait trouver des solutions. On l'a fait et finalement, c'est complexe au départ parce qu'il faut arriver à convaincre des gens. Ensuite, c'est une mécanique habituelle et quand on commande, on passe à commander trois produits le même jour pour qu'ils puissent arriver par le même camion.

  • Christian

    Formidable. Alors maintenant, on lance fromage ou dessert ?

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Alors, tu es fromage ou dessert ?

  • Didier

    Alors, je suis très dessert. Je suis incapable de finir un repas sans une note sucrée et plutôt chocolatée.

  • Christian

    Bon, encore une question qui n'en est pas une. T'es au Verne ou Bretagne ?

  • Didier

    J'ai vraiment besoin de répondre.

  • Christian

    D'accord. T'es ville ou campagne ? Les deux.

  • Didier

    Il ne faut pas opposer les deux. Il faut justement tisser ce lien entre les deux. Moi, je suis né à la campagne. J'ai un bonheur extrême à retourner à la campagne. J'ai fait toute ma vie professionnelle en ville. Il se passe des choses différentes. Et je ne saurais pas choisir aujourd'hui.

  • Christian

    En même temps, c'est un plus beau coup de vogue maintenant. Tu es travail ou vacances ?

  • Didier

    Je suis assez vacances. Je travaille beaucoup, mais les vacances, c'est important de prendre des vacances parce que le travail demande une énergie. Et j'ai peut-être plus l'énergie à 60 ans de me remettre comme ça en salle tous les matins. Alors,

  • Christian

    tu es entrepreneur ou salarié ?

  • Didier

    J'ai été les deux. Je suis entrepreneur aujourd'hui. Ça offre une liberté incroyable. Après, quand on est les deux, ça permet quand on est entrepreneur d'avoir une conscience du rôle, du statut du salarié, de la façon dont on a, de la relation qu'on a à avoir avec nos salariés qui est différente et qui est importante.

  • Christian

    Et pour terminer maintenant sur une dernière partie de ce très riche échange avec toi, essayons de voir un petit peu ce que tout ça, toute cette démarche que tu peux avoir, que nous avons au Collège Culinaire de France et que vous incarnez en tant qu'artisan militant de la qualité, ça dit quoi sur le sens des choses, ça dit quoi sur le sens de la vie ?

  • Didier

    Ça serait très immodeste de penser que ce que nous faisons peut influencer le sens de la vie des autres, mais on y participe à sa dimension. Manger, c'est un acte politique. Les citoyens font des actes politiques toujours, pas que pendant les élections, quand ils rentrent dans un supermarché ou quand ils vont dans l'épicerie du coin, quand ils rentrent dans un restaurant indépendant ou un restaurant de chaîne. Alors je n'oppose pas les uns aux autres, je pense qu'il faut de la place pour tout le monde. Je pense que quand on va acheter sa baguette chez Paul, ce n'est pas qu'elle est bonne ou mauvaise, mais on sait que ce n'est pas un boulanger. Il faut le faire en conscience. Et moi, je passe beaucoup de temps à, non pas éduquer, mais à expliquer notre démarche. que par exemple, les produits ont un prix ou un coût, et que quand je mets de la moutarde de charroux sur table, de la moutarde à l'ancienne, qui me coûte à peu près 12 fois le prix au kilo que de la moutarde industrielle qui n'a de Dijon que le nom, et certainement pas l'origine, et que cette moutarde n'est pas facturée, évidemment, ça a une incidence quelque part. Quand je mets... non pas du cornichon industriel, mais de la pâte à tartiner de cornichon qui est faite avec du cornichon véroné par un petit artisan de Rodez. Ça a un coût et que donc ça doit se retrouver. Quand je prends de la viande chez un producteur, je ne vais pas l'acheter au même prix que si j'achète chez un industriel. Donc, on est là pour expliquer une démarche, pour faire prendre conscience aux gens, non pas qu'il faille venir tous les jours manger chez moi parce que c'est meilleur. Non, c'est différent. C'est plus cher ou moins cher.

  • Christian

    C'est la diversité.

  • Didier

    Et ça correspond à un temps donné. Et donc, cette démarche, voilà, elle... passe par la répétition d'un certain nombre de discours, de messages sur ce qu'on fait, pourquoi on le fait, le sens de ce que l'on fait. Et donc, argument après argument, on arrive à convaincre une personne, puis une deuxième, on aura fait un bout du chemin.

  • Christian

    Tu exprimes très très bien ce que l'on développe toujours au Collège Lumière de France. Avant tout, prendre conscience en se posant des questions. Le tout n'est pas simplement de savoir, le tout est de chercher en permanence à apprendre et à se poser des questions. Le jour où on ne se pose plus de questions, là c'est qu'on devient complètement esclave d'un système dans lequel on n'a plus du tout de pouvoir. Écoute, très très bien, alors on va terminer par une dernière interview, je lance le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Alors le pomme-moutarde, Didier, c'est quelque chose dont tu es par ailleurs familier, le coup de gueule, la moutarde qui te monte au nez, sur un sujet, sur quelque chose qui te vient à l'esprit, par rapport justement à cet univers dans lequel tu te trouves.

  • Didier

    Alors effectivement, j'ai coutumé de coup de gueule, j'en prends de temps en temps. Il y en a un qui vient à l'idée parce que mon directeur de salle nous a envoyé une photo hier, il était dans une crêperie, et à la description de la crêpe auvergnate, l'ingrédient était le reblochon. Et donc le coup de gueule, c'est sur les gens qui sont des frossoyeurs de notre métier. Il y a des gens qui font notre métier de façon exceptionnelle. Il y a des gens qui le galvotent terriblement. Et donc j'aime trop ce métier depuis dix ans, peut-être parce que je le fais depuis peu de temps, pour accepter, pour me résigner à voir des conneries comme ça. Donc j'espère que les consommateurs vont être capables aussi de réagir quand ils voient comme ça et se dire c'est comme quand je vois une tomate dans une assiette au mois de décembre, je passe la porte et je vais au restaurant d'à côté. Donc le coup de gueule, c'est sur ceux qui font bien ce métier, sans stigmatiser les autres.

  • Christian

    Mais vous êtes tous au Collège Culinaire de France à dire ça, en tant qu'artisan militant de la qualité. Et c'est pour ça d'ailleurs que beaucoup d'entre vous, toi le premier, développez aussi des actions avec Manger Citoyens, cette association qu'on a créée dans le prolongement du Collège Culinaire de France, pour faire prendre conscience aux citoyens de ce que manger veut dire. être dans la transparence, parce que ce dont tu parles c'est la vraie transparence, savoir ce qu'on a dans l'assiette, savoir d'où ça vient, savoir comment ça a été produit, c'est cette prise de conscience qui devient...

  • Didier

    Quand on est professionnel, à minima, faire l'effort d'expliquer ce qu'on produit et de se renseigner sur l'origine de notre fromage quand on écrit crêpes au vergnat.

  • Christian

    Merci, merci à toi, merci d'avoir pris ce temps, parce que je sais que ton temps est aussi compté. Peut-être pour terminer, un petit peu comme à chacun j'ai demandé, si t'avais... indépendamment évidemment de l'ambassade d'Auvergne, mais une adresse à donner d'un restaurant que tu aimes particulièrement ou si tu avais même l'adresse d'un producteur ou d'un produit qui te paraît intéressant.

  • Didier

    Alors, des restaurateurs, j'en ai cité quelques-uns tout à l'heure. Un produit qui, moi, me fascine, c'est l'Aïn Noir. L'Aïn Noir de Billon, de Tramiel Laurent Gérard, qui est au Collège Culinaire de France. Et c'est par le collège que j'ai rencontré. C'est un produit que j'aime tellement que quand j'ai passé mon CAP, j'ai créé 15 recettes, 5 plats, 55 desserts, pour pouvoir, toute l'année, proposer un menu à l'Aïn Noir, du début à la fin du repas, à nos clients, et leur faire des coups.

  • Christian

    L'Aïn Noir de Billon. Merci, merci

  • Voix-off

    Didier, merci du temps que tu as passé avec nous et merci pour tout ce que tu nous as dit et pour tout ce que tu portes. Merci à toi. Merci à toi. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'édition, elle est pour nous.

Description

Dans ce nouvel épisode de De la Terre à l'Assiette, découvrez le parcours inspirant de Didier Desert, chef passionné et propriétaire de l’Ambassade d’Auvergne, un restaurant reconnu

par le Collège Culinaire de France. Ancien cadre reconverti en militant du bien-manger, Didier nous raconte comment il a insufflé à son établissement l’identité d’un territoire, plaçant au cœur de sa démarche les produits d’exception et les liens humains avec les producteurs auvergnats.


À travers une gastronomie respectueuse du terroir et des saisons, il nous dévoile comment chaque plat est un hommage aux artisans du goût et aux valeurs de transparence et de coopération portées par

le Collège Culinaire de France. Un témoignage captivant d’un chef engagé, pour qui la cuisine doit incarner qui l'on est et sur quel territoire on vit.


Le Collège Culinaire de France est une association fondée en 2011 à l'initiative de quinze grands chefs restaurateurs à l'instar d'Alain Ducasse, Joël Robuchon, Yannick Alléno, Paul Bocuse, Alain Dutournier, Gilles Goujon, Michel Guérard, Marc Haeberlin, Régis Marcon, Thierry Marx, Gérald Passedat, Laurent Petit, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy et Pierre Troisgros. Le Collège Culinaire de France est la seule association, à ce jour, initiée par le plus grand rassemblement de chefs français reconnus et incontestés, qui s’emploie, concrètement, sur le terrain, à relier des Producteurs et Artisans de Qualité avec des Restaurants de Qualité de toutes catégories. Elle rassemble ceux qui œuvrent pour une vision d’avenir du métier, et fédère tous ceux qui s’engagent sur des synergies de valeurs et de pratiques partagées.


Suivez-nous sur les réseaux sociaux !

Instagram : https://www.instagram.com/collegeculinairedefrance/

Facebook : https://www.facebook.com/collegeculinairedefranceofficiel/?locale=fr_FR

X : https://x.com/R_Qualite

Youtube : https://youtube.com/@collegeculinairedefrance8338?si=9Gr8AOpmTzpDEQBm


Crédits

Production executive mitonnée aux petits oignons par Suniwan

Illustration servie par Hugo Girard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Voix-off

    Bienvenue dans le podcast de la Terre à l'assiette.

  • Didier

    Quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du chez dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire.

  • Voix-off

    Une émission présentée par Christian Regouby.

  • Christian

    Aujourd'hui, je reçois Didier Dessert, restaurateur de conviction, chef et propriétaire de l'ambassade d'Auvergne, un restaurant parisien situé 22 rue du Grenier Saint-Lazare, dans le 3e arrondissement de Paris, et reconnu par le Collège Culinaire de France depuis 2015. Didier propose une cuisine française exclusivement, réalisée à partir de produits régionaux et de saison, dans le respect des traditions du terroir auvergne. Bonjour Didier.

  • Didier

    Bonjour Christian.

  • Christian

    Alors Didier, d'emblée, quelle mouche t'a-t-elle piqué, toi, Didier Dezerre ? Diplômé de Sciences Po et de l'ESSEC pour aller à 40 ans, te former à l'école de cuisine Ferrandi et chercher à percer les secrets du fameux Aligo Auvergnat.

  • Didier

    Alors d'abord, c'était à 50 ans. Ah pardon, je te rajeunis toujours. Je te rajeunis toujours et je te remercie. Après une vie accomplie, intéressante dans des grandes entreprises, à la fois opérationnelle et dans le conseil, il y a toujours deux moteurs dans le changement, il y a l'ennui et l'envie. L'ennui de ce que je faisais dans mon entreprise, avec une stratégie qui avait évolué, avec des modes de management qui avaient évolué, et la question du sens de ce que je faisais, ma capacité à accompagner les transformations de cette entreprise avec les collaborateurs. Et puis l'envie, parce que j'ai découvert la cuisine pour le coup à 40 ans, qui était devenue une... passion totalement débordante puisque je cuisinais à peu près tout le temps. Et cette idée a cheminé pendant des années, comme un bruit sourd au départ, l'idée d'avoir un restaurant et puis comme une évidence quand on s'est posé la question de l'après EY, puisque j'étais associé dans ce grand cabinet de conseil et que j'étais au bout d'une aventure et qu'il fallait imaginer la suivante. Le fait de prendre un restaurant, de trouver une activité qui avait une cohérence par rapport à mon histoire, par rapport à mon sens, c'est-à-dire la cuisine, le... le produit, le goût du bon, et aller au bout de ce rêve finalement, à 50 ans avant qu'il ne soit trop tard. Et donc c'est pour ça que j'ai basculé, pris la décision en 2014, et acheté cette belle endormie qu'était l'ambassade de Verne en janvier 2015.

  • Christian

    C'est extraordinaire parce qu'en fait, tu représentes véritablement ce qu'on a toujours développé depuis le début de la philosophie du Collège Cumulaire de France, c'est-à-dire... partir de l'identité, de ton identité, et on va le voir, c'est pas simplement ton identité, c'est aussi l'identité d'un territoire à travers ce que tu as investi. Et tu parlais d'ailleurs, c'est drôle, parce que tu parlais l'envie et on a une phrase aussi où on dit de plus en plus aux membres du Collège de France, il faut avoir l'envie d'avoir envie. Comme disait Johnny Hallyday. Bon, donc, ce territoire et cette identité, est-ce que tu peux nous en parler ? C'est-à-dire qu'on voit bien que ça a été un cheminement personnel à travers une recherche de ce dont tu avais envie, mais aussi par rapport à un territoire que tu as magnifiquement revalorisé et mis sur la table. Tu as dit, je crois, tout sera estampillé produit au Verga.

  • Didier

    Oui, en fait, j'avais un double challenge, puisque tu l'as rappelé, je n'étais pas restaurateur avant de me lancer dans cette aventure, mais je n'étais pas non plus Auvergnat. Il se trouve que cette maison était à vendre, que j'ai trouvé qu'elle avait une marque extraordinaire. Elle avait une histoire, une âme quand je l'ai visitée. Et après une hésitation, enfin une double hésitation, l'hésitation d'aller sur une maison de cette taille et l'hésitation très transitoire d'en faire une ambassade du sud-ouest, puisque c'était plus légitime pour moi, j'ai décidé de partir à la découverte. de ce terroir magnifique qu'est l'Auvergne et de faire de mon activité un seul crédo proposer à Paris ce qu'il y a de plus beau et de meilleur en provenance de la région. Alors pourquoi ? D'abord par un souci de cohérence. Quand on a une maison qui s'appelle Ambassade d'Auvergne, il n'y a que deux mots sur la façade, deux mots qui nous obligent. Nous sommes là pour être le promoteur d'une région. Ensuite, cette maison, elle avait historiquement bâti sa notoriété sur... L'histoire Auvergnat a-t-elle proposé quasi exclusivement des recettes ? de plats auvergnats traditionnels, dont j'ai assez rapidement pris conscience qu'ils ne correspondaient pas forcément au goût du jour, ni forcément à l'intérêt que j'avais en tant que cuisinier. Et j'ai voulu faire de l'ambassade d'Auvergne non pas une ambassade des recettes d'Auvergne, mais une ambassade des produits d'Auvergne. Et non pas que des produits historiques, traditionnels, la lentille, le cochon, la charcuterie auxquels on pense immédiatement quand on dit Auvergne, mais tous les produits d'un terroir, parce que le terroir ça ne se limite pas à l'histoire, mais ça s'ouvre à... la capacité de tous les paysans, de tous les producteurs qui imaginent pourquoi pas faire une mozzarella parce qu'ils ont quelques bufflonnes qu'ils élèvent, qui imaginent faire de l'ail noir alors que c'est plutôt une tradition asiatique, etc. Et donc moi je suis parti à la découverte du terroir, j'ai trouvé des produits fantastiques et je me suis dit que comme je ne suis pas un grand chef, je suis un très modeste chef, le plus simple était de respecter les produits et donc de prendre des bons produits parce qu'à partir du moment où on a un bon produit... Le travail de chef est extrêmement simple, nous n'avons qu'à respecter le produit et le client se régale.

  • Christian

    Mais alors c'est formidable, mais on voit bien à travers ce que tu dis, tu parles de produits, d'aller chercher ces produits, les découvrir, et derrière ces produits il y a des producteurs.

  • Didier

    Mais il y a toujours une histoire, quand je parle de vin, j'explique souvent que je ne suis pas capable de recommander un vin si je n'ai pas en mémoire l'odeur du ché dans lequel j'ai goûté le vin la première fois. Quand on parle d'un produit, il y a une histoire. A la carte de l'ambassade d'Auvergne... Et la plupart des lignes de notre menu font référence ou à un village, ou à une AOC, ou à un producteur. Et donc, effectivement, quand on reçoit quelqu'un à l'ambassade d'Auvergne, on l'amène dans un voyage, on le prend par la main et on le ramène au pays. Et on lui fait visiter les territoires, les fermes, les vignobles avec lesquels on a un lien particulier et qu'on a envie de faire des choses.

  • Christian

    En fait, c'est une découverte à travers une chaîne humaine. Quand on regarde bien, c'est-à-dire que tu parles à la fois des gens qui viennent en tant que client, à qui tu développes une histoire, donc il y a forcément une interaction à partir du moment où ils sont intéressés, et c'est plus du tout la même façon de restaurer, ou alors ça l'est peut-être dans la définition même du mot restaurer c'est se restaurer dans tous les sens du terme, et puis de l'autre côté, en amont de tout ça... Tu as des gens qui travaillent, qui ont une histoire, comme tu le dis, dans un village, dans une région, et qui vivent aussi en hybridation complète avec leur village et leur terre. En fait,

  • Didier

    je ne suis pas restaurateur de métier, et loin de moi l'idée de vouloir apprendre aux professionnels leur métier, mais quand je suis arrivé, j'avais une conviction forte, c'est que l'on ne va pas au restaurant pour manger. On y va pour manger quand on a une urgence, parce qu'on a faim, et qu'on est dans la... dans l'urgence de manger quelque chose vite fait. Mais quand on va dans un restaurant comme l'ambassade de vin, comme beaucoup de maisons, on y va pour passer un bon moment, pour partager une expérience, pour être dans la convivialité, pour être dans le plaisir.

  • Christian

    Alors, on va continuer sur ce sujet, mais avant, on va lancer Toc Toc, qui est là ? Toc Toc, qui est là ? Si tu étais un légume, tu serais quoi ?

  • Didier

    Je changerais toute l'année parce que je serais un légume de saison. Peut-être une tomate en ce moment, j'adore la tomate. À l'hiver, un butternut. D'accord.

  • Christian

    Si tu étais un vignoble ?

  • Didier

    Historiquement, Bordeaux, c'est celui où je suis né, c'est celui où j'ai appris à goûter le vin. Aujourd'hui, peut-être l'Auvergne que j'ai découverte avec des produits magnifiques. Le sud de la France pour la richesse, le côté plus charpenté des vins. Et puis... Si je dois avoir le choix de mon dernier verre, je choisirais de boire un Savagnin du Jura, un Chérolé. Voilà, un verre de Savagnin.

  • Christian

    C'est extraordinaire. C'est extraordinaire. Tu vas enthousiasmer nos auditeurs qui, là, viennent d'avoir encore une information inédite. Alors, évidemment, c'est une question qui ne devrait pas être en ce qui te concerne, si tu étais une région.

  • Didier

    L'Auvergne, évidemment, mais je pense qu'on apprend de partout. Et donc, je suis toujours curieux de ce qui se passe ailleurs, même si, effectivement, l'ambassade d'Auvergne, je m'interdis. de prendre des produits qui viennent d'une autre région, à l'exclusion du poisson évidemment, puisque la mer s'étant éloignée des volcans d'Auvergne depuis quelques années, si on veut avoir une carte qui se renouvelle en termes de poisson, il vaut mieux aller regarder du côté de la mer.

  • Christian

    Dernière question, peut-être un peu difficile, mais si tu étais un autre chef cuisinier ?

  • Didier

    J'ai longtemps admiré ce que l'on appelle les grands chefs, les étoiliers. J'ai eu la chance de découvrir à travers la France de nombreuses tables de grands chefs. Je pense que mes deux plus belles histoires, c'est peut-être... trois gros et guerards dans ma construction d'un parcours gastronomique. Aujourd'hui, j'ai une préférence pour les tables, pour la cuisine canaille, la cuisine gourmande. Je pense à Emile Cotte, à David Baroche, à Pierre Nagrevergne, à David Radjeber. C'est le genre de table où aujourd'hui, je me fais plus plaisir, même si évidemment, je reconnais toujours... L'extraordinaire compétence, capacité d'innovation, maîtrise technique des grands chefs étoilés, dont on a besoin parce qu'ils font partie de notre patrimoine, ils sont notre avenir en termes de cuisine aussi. Mais derrière, il y a une effervescence de toute une forme de cuisine. Et je pense que nos palais, nos goûts évoluent dans le temps. Il y a des choses qui ne font plus plaisir à un moment de notre vie et d'autres différemment.

  • Christian

    Mais en même temps, tu dis explicitement que par rapport à la performance technique qui est toujours intéressante, tout patrimonial, etc. Tu parles de l'humain, tu parles des personnalités artisanales, en fin de compte, qui t'attirent à travers...

  • Didier

    Des gens que j'ai eu le plaisir de rencontrer depuis dix ans, à travers le Collège Culinaire de France pour certains, à travers mes expériences pour d'autres, et cet extraordinaire plaisir que j'ai eu, et une fierté aussi, avec humilité, d'être reconnu par ces gens-là comme leur père aussi. Et c'était important pour moi dans ce cheminement qui a démarré il y a dix ans.

  • Christian

    Qu'est-ce que c'est pour toi, ce que l'on revendique beaucoup au collège et que vous incarnez, qu'est-ce que c'est pour toi la coopération ?

  • Didier

    La coopération c'est ce que nous faisons tous les jours, c'est cette capacité à mettre en lien des gens qui n'ont pas forcément la capacité à le faire d'eux-mêmes d'une certaine façon. A la fois évidemment, comme tu le disais, le client et le producteur, puisqu'on tisse ce lien entre le client et le producteur tous les jours à l'ambassade de Verne. Petit parentage, j'ai d'ailleurs... Je l'ai moins fait depuis le Covid parce que c'est plus compliqué, mais j'ai à plusieurs reprises fermé mon restaurant pour amener toutes mes équipes en Auvergne, pour que chacun, serveur, cuisinier, plongeur, connaisse les producteurs avec qui on travaille. Et cette coopération, on la développe aussi entre producteurs, puisque n'utilisant que des produits auvergniens, je me suis heurté dès le début à une problématique logistique évidente. C'est-à-dire que quand on appelle une grosse entreprise, elle est capable de livrer. Quand on va voir un petit paysan qu'on découvre sur un marché... Il nous dit, si tu veux les produits, tu viens tous les vendredis matins sur le marché. Je dis, oui, mais ça va être compliqué parce que ça va faire beaucoup de route tous les vendredis matins. Et donc, j'ai passé mon temps à négocier, ça n'a jamais été très compliqué d'ailleurs, mais avec certains qu'ils acceptent de prendre les produits des autres. Par exemple, la Maison Laborie, qui est un membre du Collège Culinaire de France, dont nous sommes le plus ancien client, parce que je crois qu'on a le numéro 002, l'ambassade de Verne, chez Clément Laborie, nous livre toutes les semaines des saucisses de la charcuterie. Et j'aurais demandé... Quand je fais venir des mozzarella du Cantal, d'accepter de les prendre et de les livrer. Quand je reçois des œufs, parce que les œufs bio viennent d'un petit éleveur qui a une centaine de poules dans son jardin, il ne sait pas me livrer à Paris. Donc il amène une caisse d'œufs, une canadienne, une demi-canadienne, parce qu'il ne produit pas plus, chaque semaine chez la bourrie. Notre producteur de canards, le domaine de l'Immagne, va de temps en temps accepter de prendre une caisse de 5 hectares ou un cajot d'asperges avec les maillets de canards. Voilà, c'est cette coopération que l'on a mis en place pour pouvoir être... au rendez-vous de la promesse vis-à-vis de nos clients, des produits, des produits d'Auvergne, des produits de saison.

  • Christian

    On voit bien que ça détermine énormément de choses et à travers ce que tu dis, c'est une autre façon de penser. On a beaucoup aujourd'hui de personnes qui trouvent des problèmes aux solutions et il y en a d'autres qui trouvent des solutions aux problèmes. Or au Collège Cunière de France, c'est très marqué cette volonté en permanence de changer son système de pensée pour s'ouvrir et il y a des solutions partout. C'est ça qui est extraordinaire. Mais faut-il encore changer son système de pensée ? Ce qui est extrêmement difficile pour chacun et chacune d'entre nous.

  • Didier

    C'était peut-être plus facile, arrivant avec cette naïveté du débutant, avec cette conviction d'aller au bout de ce souci de cohérence, d'être juste avec la promesse de la marque et de n'avoir que des produits d'Auvergne. Il fallait trouver des solutions. On l'a fait et finalement, c'est complexe au départ parce qu'il faut arriver à convaincre des gens. Ensuite, c'est une mécanique habituelle et quand on commande, on passe à commander trois produits le même jour pour qu'ils puissent arriver par le même camion.

  • Christian

    Formidable. Alors maintenant, on lance fromage ou dessert ?

  • Voix-off

    C'est fromage ou dessert ?

  • Christian

    Alors, tu es fromage ou dessert ?

  • Didier

    Alors, je suis très dessert. Je suis incapable de finir un repas sans une note sucrée et plutôt chocolatée.

  • Christian

    Bon, encore une question qui n'en est pas une. T'es au Verne ou Bretagne ?

  • Didier

    J'ai vraiment besoin de répondre.

  • Christian

    D'accord. T'es ville ou campagne ? Les deux.

  • Didier

    Il ne faut pas opposer les deux. Il faut justement tisser ce lien entre les deux. Moi, je suis né à la campagne. J'ai un bonheur extrême à retourner à la campagne. J'ai fait toute ma vie professionnelle en ville. Il se passe des choses différentes. Et je ne saurais pas choisir aujourd'hui.

  • Christian

    En même temps, c'est un plus beau coup de vogue maintenant. Tu es travail ou vacances ?

  • Didier

    Je suis assez vacances. Je travaille beaucoup, mais les vacances, c'est important de prendre des vacances parce que le travail demande une énergie. Et j'ai peut-être plus l'énergie à 60 ans de me remettre comme ça en salle tous les matins. Alors,

  • Christian

    tu es entrepreneur ou salarié ?

  • Didier

    J'ai été les deux. Je suis entrepreneur aujourd'hui. Ça offre une liberté incroyable. Après, quand on est les deux, ça permet quand on est entrepreneur d'avoir une conscience du rôle, du statut du salarié, de la façon dont on a, de la relation qu'on a à avoir avec nos salariés qui est différente et qui est importante.

  • Christian

    Et pour terminer maintenant sur une dernière partie de ce très riche échange avec toi, essayons de voir un petit peu ce que tout ça, toute cette démarche que tu peux avoir, que nous avons au Collège Culinaire de France et que vous incarnez en tant qu'artisan militant de la qualité, ça dit quoi sur le sens des choses, ça dit quoi sur le sens de la vie ?

  • Didier

    Ça serait très immodeste de penser que ce que nous faisons peut influencer le sens de la vie des autres, mais on y participe à sa dimension. Manger, c'est un acte politique. Les citoyens font des actes politiques toujours, pas que pendant les élections, quand ils rentrent dans un supermarché ou quand ils vont dans l'épicerie du coin, quand ils rentrent dans un restaurant indépendant ou un restaurant de chaîne. Alors je n'oppose pas les uns aux autres, je pense qu'il faut de la place pour tout le monde. Je pense que quand on va acheter sa baguette chez Paul, ce n'est pas qu'elle est bonne ou mauvaise, mais on sait que ce n'est pas un boulanger. Il faut le faire en conscience. Et moi, je passe beaucoup de temps à, non pas éduquer, mais à expliquer notre démarche. que par exemple, les produits ont un prix ou un coût, et que quand je mets de la moutarde de charroux sur table, de la moutarde à l'ancienne, qui me coûte à peu près 12 fois le prix au kilo que de la moutarde industrielle qui n'a de Dijon que le nom, et certainement pas l'origine, et que cette moutarde n'est pas facturée, évidemment, ça a une incidence quelque part. Quand je mets... non pas du cornichon industriel, mais de la pâte à tartiner de cornichon qui est faite avec du cornichon véroné par un petit artisan de Rodez. Ça a un coût et que donc ça doit se retrouver. Quand je prends de la viande chez un producteur, je ne vais pas l'acheter au même prix que si j'achète chez un industriel. Donc, on est là pour expliquer une démarche, pour faire prendre conscience aux gens, non pas qu'il faille venir tous les jours manger chez moi parce que c'est meilleur. Non, c'est différent. C'est plus cher ou moins cher.

  • Christian

    C'est la diversité.

  • Didier

    Et ça correspond à un temps donné. Et donc, cette démarche, voilà, elle... passe par la répétition d'un certain nombre de discours, de messages sur ce qu'on fait, pourquoi on le fait, le sens de ce que l'on fait. Et donc, argument après argument, on arrive à convaincre une personne, puis une deuxième, on aura fait un bout du chemin.

  • Christian

    Tu exprimes très très bien ce que l'on développe toujours au Collège Lumière de France. Avant tout, prendre conscience en se posant des questions. Le tout n'est pas simplement de savoir, le tout est de chercher en permanence à apprendre et à se poser des questions. Le jour où on ne se pose plus de questions, là c'est qu'on devient complètement esclave d'un système dans lequel on n'a plus du tout de pouvoir. Écoute, très très bien, alors on va terminer par une dernière interview, je lance le pot de moutarde.

  • Voix-off

    La moutarde me montonnait.

  • Christian

    Alors le pomme-moutarde, Didier, c'est quelque chose dont tu es par ailleurs familier, le coup de gueule, la moutarde qui te monte au nez, sur un sujet, sur quelque chose qui te vient à l'esprit, par rapport justement à cet univers dans lequel tu te trouves.

  • Didier

    Alors effectivement, j'ai coutumé de coup de gueule, j'en prends de temps en temps. Il y en a un qui vient à l'idée parce que mon directeur de salle nous a envoyé une photo hier, il était dans une crêperie, et à la description de la crêpe auvergnate, l'ingrédient était le reblochon. Et donc le coup de gueule, c'est sur les gens qui sont des frossoyeurs de notre métier. Il y a des gens qui font notre métier de façon exceptionnelle. Il y a des gens qui le galvotent terriblement. Et donc j'aime trop ce métier depuis dix ans, peut-être parce que je le fais depuis peu de temps, pour accepter, pour me résigner à voir des conneries comme ça. Donc j'espère que les consommateurs vont être capables aussi de réagir quand ils voient comme ça et se dire c'est comme quand je vois une tomate dans une assiette au mois de décembre, je passe la porte et je vais au restaurant d'à côté. Donc le coup de gueule, c'est sur ceux qui font bien ce métier, sans stigmatiser les autres.

  • Christian

    Mais vous êtes tous au Collège Culinaire de France à dire ça, en tant qu'artisan militant de la qualité. Et c'est pour ça d'ailleurs que beaucoup d'entre vous, toi le premier, développez aussi des actions avec Manger Citoyens, cette association qu'on a créée dans le prolongement du Collège Culinaire de France, pour faire prendre conscience aux citoyens de ce que manger veut dire. être dans la transparence, parce que ce dont tu parles c'est la vraie transparence, savoir ce qu'on a dans l'assiette, savoir d'où ça vient, savoir comment ça a été produit, c'est cette prise de conscience qui devient...

  • Didier

    Quand on est professionnel, à minima, faire l'effort d'expliquer ce qu'on produit et de se renseigner sur l'origine de notre fromage quand on écrit crêpes au vergnat.

  • Christian

    Merci, merci à toi, merci d'avoir pris ce temps, parce que je sais que ton temps est aussi compté. Peut-être pour terminer, un petit peu comme à chacun j'ai demandé, si t'avais... indépendamment évidemment de l'ambassade d'Auvergne, mais une adresse à donner d'un restaurant que tu aimes particulièrement ou si tu avais même l'adresse d'un producteur ou d'un produit qui te paraît intéressant.

  • Didier

    Alors, des restaurateurs, j'en ai cité quelques-uns tout à l'heure. Un produit qui, moi, me fascine, c'est l'Aïn Noir. L'Aïn Noir de Billon, de Tramiel Laurent Gérard, qui est au Collège Culinaire de France. Et c'est par le collège que j'ai rencontré. C'est un produit que j'aime tellement que quand j'ai passé mon CAP, j'ai créé 15 recettes, 5 plats, 55 desserts, pour pouvoir, toute l'année, proposer un menu à l'Aïn Noir, du début à la fin du repas, à nos clients, et leur faire des coups.

  • Christian

    L'Aïn Noir de Billon. Merci, merci

  • Voix-off

    Didier, merci du temps que tu as passé avec nous et merci pour tout ce que tu nous as dit et pour tout ce que tu portes. Merci à toi. Merci à toi. A très vite pour un prochain épisode. Ah oui, et évidemment, l'édition, elle est pour nous.

Share

Embed

You may also like

undefined cover
undefined cover