- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Aujourd'hui, nous allons nous intéresser à un sujet incontournable en médecine générale, l'arthrite. Avec ses multiples formes et présentations, c'est un défi diagnostique que tout médecin généraliste rencontre régulièrement dans sa pratique. Alors, comment aborder une articulation tuméfiée ? Quelles questions poser ? Quels examens prescrire ? Et surtout, comment différencier les différentes éthiologies ? Autant de questions cruciales que nous allons aborder avec mon invité du jour, Estelle Touboul. Elle est rhumatologue. vulgarise brillamment sa spécialité sous le nom de Docteur Estelle sur les réseaux. Et aujourd'hui, elle va nous guider à travers les méandres du diagnostic et de la prise en charge de l'arthrite du genou en cabinet de médecine générale. Bonjour Estelle.
- Speaker #1
Bonjour. Merci beaucoup. Merci de me recevoir.
- Speaker #0
Merci, je suis très content de te recevoir. Ça fait longtemps que je voulais t'avoir sur le podcast. Je vais te poser ma première question, Estelle. Est-ce que tu peux nous rappeler tout simplement de quoi on parle ? Qu'est-ce qu'une arthrite ?
- Speaker #1
Tout simplement, une arthrite, c'est une inflammation d'une articulation. C'est à différencier de l'arthralgie qui est une douleur articulaire.
- Speaker #0
Cliniquement, ça se caractérise comment ?
- Speaker #1
Alors, c'est très bien que tu dises cliniquement parce qu'en fait, c'est un diagnostic qui est clinique. En fait, c'est une tumefaction, une augmentation du volume d'une articulation qui est inflammatoire, rouge, chaude, douloureuse. Souvent, il peut y avoir une impotence fonctionnelle, c'est-à-dire que l'articulation... on a plus de mal à l'utiliser. Donc, il y a vraiment la différence de l'arthragie où c'est juste une douleur articulaire. Les deux, également, se mettent ensemble.
- Speaker #0
Très bien. Donc, sur cet épisode, on va parler davantage de la monoarthrite du genou qui est assez fréquente. Mais comment on fait en pratique lorsqu'on a une seule articulation ou peu, plusieurs, voire une polyarthrite ? Comment ce nombre d'articulations inflammées influence la démarche diagnostique ?
- Speaker #1
Alors, c'est vrai que dans notre esprit, on ne va pas réfléchir de la même manière si on est face à une articulation gonflée, une arthrite, ou ce qu'on appelle une monoarthrite, ou deux ou trois oligoarthrites, ou plus de quatre polyarthrites. Parce que, en fait, les étiologies vont être un peu différentes, même s'il n'y a pas de noir ou blanc en médecine. Mais en gros, devant une monoarthrite, notre esprit doit toujours penser à l'infection articulaire, l'arthrite septique. Alors qu'une polyarthrite, c'est possible, l'arthrite septique avec polyarthrite, mais ça va être plus rare et notre esprit doit penser au rhumatisme inflammatoire. C'est un peu comme ça qu'on catégorise, ça va nous aider un petit peu à réfléchir, même s'il n'y a pas de noir ou blanc. C'est-à-dire que c'est possible, tous les cas sont possibles.
- Speaker #0
Ok, donc gros d'apport rouge, déjà, c'est-à-dire quand on a une monoarthrite, il faut impérativement penser à une possible infection, une arthrite septique.
- Speaker #1
Tout à fait, ça doit vraiment... être en tête devant une monoarthrite chez un patient d'apparition plutôt brutale, il faut toujours y penser, c'est-à-dire que c'est pas rarement ça, mais il faut jamais l'oublier parce que c'est le diagnostic qui est un pronostic le plus sombre, avec des possibilités de dégradation articulaire, des possibilités de bactériémie, de sepsis et de dégradation, même sur le plan en fait global. Donc il faut toujours y penser devant une monoarthrite, et c'est notre interrogatoire. les examens qui vont amener à éliminer ce diagnostic.
- Speaker #0
Ok, parce que sur une monoarthrite septique, il y a forcément une porte d'entrée qui est ailleurs à rechercher ?
- Speaker #1
Alors, il faut toujours rechercher. En effet, devant une monoarthrite, il faudra toujours chercher une porte d'entrée. On ne va pas toujours la trouver. Souvent, même après coup, c'est-à-dire qu'on a fait le diagnostic, on va la chercher, on ne la trouve pas. Donc l'identification microbiologique va nous aider pour chercher la peau d'entrée, mais il faudra toujours la rechercher. C'est un peu comme toutes les pathologies sceptiques. Il va falloir rechercher la peau, les blessures, les plaies, les traumatismes. S'il y a eu une opération récente, une infection récente, tout ça, il va falloir le rechercher.
- Speaker #0
Très bien. Alors on va se focaliser, si tu veux bien, sur la monoarthrite du genou. Un patient qui vient pour... Une tumefaction douloureuse inflammatoire de son genou d'apparition récente. Tout d'abord, quels sont les principaux diagnostics différentiels à éliminer face à une tumefaction articulaire du genou ? Qu'est-ce qui n'est pas une monoarthrite du genou ?
- Speaker #1
Alors ce qui est très fréquent, ça va être le diagnostic différentiel avec la bursite. Prérotulienne, c'est très fréquent. C'est-à-dire qu'il va y avoir une inflammation du genou. Cette inflammation, cette tumefaction, cette douleur. Et en fait, il y a plusieurs choses qui vont nous aider pour faire la différence entre monoarthrite et bursite, souvent prérotulienne. La première chose, c'est que dans la bursite prérotulienne, il n'y a pas d'impotence fonctionnelle du genou. On va pouvoir, à part si la tumefaction est très importante, elle prend toute la peau du genou, on va pouvoir mobiliser le genou. Et également... Ce qui peut aider, c'est que souvent dans une bursite pré-rotulienne, il y a une effraction cutanée. En fait, il y a une petite plaie, une piqûre ou quelque chose. Et du coup, la bactérie, elle adore ça, elle va dans la bourse qui est très superficielle. Ce qui peut aider également, ça va être le métier. C'est-à-dire que les gens qui travaillent à genoux, souvent, vont avoir des bursites pré-rotuliennes beaucoup plus fréquentes. Pour faire la part des choses sur le plan clinique, il y a le choc rotulien qui nous aide. On essaye de voir s'il y a du liquide dans le genou. et cette impotence fonctionnelle qu'il n'y a pas normalement dans la biocite. Si vraiment on a un doute qui persiste, qu'on n'arrive pas à trancher, ce qui peut être intéressant, c'est de regarder la radio du genou, parce qu'en fait, on peut voir s'il y a du liquide sur la radio. C'est-à-dire que sur la radio, on peut voir un petit épaississement au niveau au-dessus de la rotule, et un peu de gris. Il faut un peu s'entraîner, mais on arrive à le voir. Et dans l'espace sous-poids de réceptacle, dans le genou, il n'y aura pas ce gris qui signe en fait un épanchement. Donc on peut s'entraîner à regarder les radios du genou pour voir les épanchements. Et en dernier, si vraiment on a un doute, on fait un coup d'échographie. Alors tout le monde n'a pas d'échographe, mais c'est vraiment quelque chose de très facile à faire. C'est-à-dire que même si on débute, vraiment regarder un liquide, s'il y a du liquide à l'échographie, c'est vraiment ce qu'il y a de plus simple. Je pense que tu peux en témoigner.
- Speaker #0
Je confirme, je confirme.
- Speaker #1
Donc c'est très simple, on pose la sonde d'échographie sur la rotule. Et s'il y a du liquide, ça va se voir, c'est anéchogène. Alors souvent, c'est des poches, mais parfois, c'est pas une belle poche. Parfois, c'est pas forcément collecté. Donc ça, c'est très facile de regarder en pré-rotule, au-dessus de la rotule. Et on va regarder un petit peu dans le genou, en sous-quadricipital. Pareil, c'est très facile. S'il y a du liquide, il y a une bourse anéchogène. Enfin, pas une bourse.
- Speaker #0
Un épanchement articulaire.
- Speaker #1
Il y a un épanchement articulaire anéchogène. Et ça se voit très facilement. En deux secondes, on peut faire la part des choses.
- Speaker #0
Ok, donc principale diagnostic différentiel de la monoarthrite du genou, c'est l'épanchement bursal prépatélaire.
- Speaker #1
Voilà, il y en a d'autres. Ça peut être par exemple les infections de la peau cutanée, la flébite, même si ça va être plus dans le mollet. Voilà, c'est à peu près les principaux diagnostics différentiels. Après les traumas, c'est vraiment... Mais bon, l'interrogatoire et la clinique vont quand même bien orienter s'il y a un trauma.
- Speaker #0
Ok, donc on a notre patient qui arrive au cabinet avec sa monoarthrite qui est confirmée, il y a une impotence fonctionnelle, on est quasiment sûr qu'il n'y a pas de bursite. Qu'est-ce qu'on fait ? Quelles questions on lui pose à l'interrogatoire ? Et qu'est-ce qu'on recherche à l'examen physique pour orienter un petit peu notre diagnostic éthiologique ?
- Speaker #1
Alors l'interrogatoire, ça va énormément aider. Franchement, ça va être très utile. Il va falloir demander déjà, est-ce que c'est le premier épisode ? Ça aide beaucoup. Depuis combien de temps ça dure ? l'horaire de douleur, inflammatoire, mécanique, même si ce n'est pas tranché pour l'un ou pour l'autre, mais ça aide. Les antécédents, est-ce qu'il y a des antécédents, par exemple, de arthropathie microcrystalline, de gouttes, de chondrocalcinose, des antécédents de rhumatisme inflammatoire, donc là, ça va être très... ça va nous aider. Des antécédents également dans les traitements, est-ce qu'il y a une introduction récente de traitements qui peuvent jouer ? Surtout, on pense toujours à la goutte, en fait, souvent, il y a des introductions récentes de durée clinique. Voilà. Et en plus, parfois, c'est intéressant parce que parfois, dans les antécédents, dans les traitements, on voit qu'ils sont déjà sous allopurinol ou traitements et on se dit, en fait, vous avez de la goutte et le patient n'est pas forcément à oublier ou pas forcément au courant. Donc voilà, je pense que ça va être très intéressant de demander s'il y a d'autres symptômes associés à cette monoarthrite. Est-ce qu'il y a de la fièvre ? Est-ce qu'il y a eu un traumatisme ? Tout ça toujours dans l'idée de nous orienter sur le diagnostic. Est-ce qu'il y a eu des symptômes putanés, pulmonaires, ORL, tout ça ? Parce qu'il faudra toujours également penser au rhumatisme inflammatoire, aux maladies systémiques qui peuvent se présenter sous une monoarthrite, mais également d'autres symptômes extra-articulaires. Donc ça, il faudra y penser. Et rechercher une porte d'entrée infectieuse. Est-ce qu'il y a eu... Chercher une adénopathie aussi, c'est très intéressant. L'adénopathie oriente vers une arthrite septique.
- Speaker #0
Et on la palpe où ? L'adénopathie ?
- Speaker #1
Au niveau inguinal.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Au niveau du côté.
- Speaker #0
Donc, pour l'examen physique, on recherche une porte d'entrée, on recherche d'autres signes associés, c'est-à-dire qu'on fait un examen clinique physique général ?
- Speaker #1
Tout à fait, il faut. Cherchez également les tofus, par exemple, ça peut orienter vers la goutte. Donc, ils sont souvent au niveau des extrémités froides du corps, donc les oreilles. Il ne faut pas hésiter à regarder les oreilles, au niveau des coudes, au niveau du gros alux. Alors moi, j'ai des habits, mes patients, tout le temps. En sous-vêtements, je regarde toute la peau, voir s'il n'y a pas des choses qui orientent, parce que les maladies auto-immunes, le lupus, il y a des signes cliniques dermatologiques, ou par exemple un rhumatisme psoriasique, il va falloir rechercher ce psoriasis. Il peut être dans les plis, il peut être caché dans le cuir chevelu. Donc on déshabille le patient, tant pis, même si c'est de l'arthrose. Si on pense que c'est de l'arthrose, on déshabille le patient, ça ne prend pas tant que ça et ça permet de déceler des choses.
- Speaker #0
Très bien, super conseil. Donc même pour une monoarthrite du genou, les patients en sous-vêtements.
- Speaker #1
Moi, je les déshabille tout le temps.
- Speaker #0
Très bien, très bien. Il faut penser à leur demander l'autorisation.
- Speaker #1
Bien sûr !
- Speaker #0
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