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Super Docteur - médecine générale

1/2 Levothyrox: anatomie d'un scandale sanitaire

1/2 Levothyrox: anatomie d'un scandale sanitaire

19min |17/06/2025
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19min |17/06/2025
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Description

Et si l’une des plus grandes crises sanitaires récentes avait été révélée non pas par les autorités de santé, mais par un médecin guidé par son intuition, sa rigueur scientifique et le soutien de milliers de patients ?


👉 Abonnez-vous à la newsletter Super Récap’ pour recevoir un mail à lire en 1mn récapitulant les grands points des épisodes de la semaine (c'est gratuit et sans spam!): https://superdocteur.substack.com/


Dans cet entretien passionnant, le Dr Jacques Guillet, médecin biologiste, ancien spécialiste en médecine nucléaire, revient sur l’affaire du Levothyrox. En 2017, des millions de patients voient leur traitement modifié sans être informés. Très vite, les effets indésirables se multiplient. Face à l’incompréhension et au silence des institutions, Jacques Guillet, devenu conseiller scientifique de l’Association française des malades de la thyroïde, décide de chercher lui-même les réponses.


Vous découvrirez :
🔬 Comment des analyses indépendantes ont révélé la présence d’impuretés dans la nouvelle formule
📉 Pourquoi les études de bioéquivalence n’ont pas permis de détecter le problème
🧪 Le rôle des excipients dans la biodisponibilité d’un médicament
🤝 Le soutien massif des patients, qui ont financé les recherches scientifiques
🧭 Le combat pour faire reconnaître des faits scientifiques face aux dogmes et aux pressions


Cette discussion met en lumière la puissance de la science quand elle est guidée par le doute méthodique, l’écoute des malades, et une volonté de vérité. Une plongée dans les coulisses d’une contre-enquête rigoureuse, menée avec des laboratoires italiens, américains et tchèques, face à un système parfois aveuglé par ses propres certitudes.


Un épisode pour les médecins qui veulent comprendre les limites de l’évaluation des médicaments, et pour tous ceux qui croient encore à la médecine comme art de soigner, de questionner, et de ne jamais renoncer à chercher.


🎧 À écouter absolument si vous prescrivez de la lévothyroxine, si vous vous interrogez sur la place des patients dans l’évaluation du médicament, ou si vous croyez, comme Jacques Guillet, que la rigueur scientifique peut encore faire bouger les lignes.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


Insta:

https://www.instagram.com/dr.matthieu.cantet


Youtube:

https://www.youtube.com/channel/UCbZG3thgg8pWjhv-1Ksh1AA


Linkedin:

https://www.linkedin.com/in/matthieu-cantet-4a5591294/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soins néant inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Aujourd'hui, je vous propose un épisode exceptionnel qui nous raconte une histoire digne d'une série Netflix. Nous allons en effet plonger dans la crise du Lévothyrox, ce médicament prescrit à des millions de patients en France pour réguler leur thyroïde, dont la nouvelle formule a semé la panique en 2017. Vous allez découvrir comment un homme, avec son incroyable détermination scientifique, a tout mis en œuvre pour démontrer qu'il y avait bien un problème dans la fabrication de ces comprimés, alors que les autorités de santé, les laboratoires... et même une partie du corps médical restait fermement convaincue qu'il n'existait aucun souci. Une véritable quête de vérité portée par la volonté de prouver les faits par la science et de ne pas céder à la pression extérieure ou aux émotions quand on est persuadé d'être sur la bonne voie. Dans cet épisode, nous allons parcourir les grandes phases de cette affaire, depuis l'apparition des premiers effets indésirables jusqu'aux analyses en laboratoire qui ont bouleversé le scénario officiel. Nous verrons comment mon invité, Jacques Guillet, a rassemblé autour de lui d'autres acteurs du monde médical et associatif pour finalement mettre en évidence des éléments restés longtemps dans l'ombre. Et vous allez être étonné de voir à quel point la réalité peut parfois dépasser la fiction. Bonjour Jacques !

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu, c'est un plaisir de te rejoindre.

  • Speaker #0

    Écoute, c'est moi, c'est un honneur de te recevoir. Avant que l'on plonge dans cette fabuleuse histoire, est-ce que tu peux Jacques, s'il te plaît, te présenter succinctement ? Tu as tellement de casquettes différentes et une... longue carrière, j'aimerais ne pas commettre d'impair. Peux-tu te présenter avant que l'on plonge dans le vif du sujet, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui. Au départ, je me destinais à être généraliste et puis j'ai bifurqué vers la pédiatrie, puis j'ai bifurqué à nouveau vers la biophysique, qui est une spécialité de biologie. Je suis donc biologiste des hôpitaux. Vers la médecine nucléaire, donc il y a l'imagerie. Étant biologiste et médecin nucléaire, En ce temps-là, il n'y avait pas de radiopharmaciens, donc j'ai joué le rôle de pro-pharmacien. Et par ce canal-là, évidemment, je me suis intéressé beaucoup aux médicaments. Je me suis intéressé aussi, évidemment, à la radioactivité et même aux retombées de Tchernobyl, puisque j'ai fait partie de la commission Orango, qui a évalué les conséquences sanitaires éventuelles. Et puis, également, j'ai fait... diplôme du Conservatoire national des arts et métiers sur les sciences nucléaires et la radioprotection et quelques autres choses. Voilà, l'essentiel est dit.

  • Speaker #0

    Et donc, toutes ces casquettes différentes t'ont amené à être conseiller scientifique pour l'Association des malades de la thyroïde qui va nous intéresser particulièrement aujourd'hui. Je te remercie d'avoir précisé tout ça parce que cette transversalité de tes différentes disciplines va nous être très importante pour la suite de l'épisode. Nous allons donc parler tous les deux de la crise du lévothyrox suite à la Tribune Libre que tu as diffusée dans la fabuleuse Revue du Praticien du mois de février de cette année, dont je recommande chaudement la lecture régulière à tous nos auditeurs. Et donc, pour commencer Jacques, s'il te plaît, est-ce que tu peux nous rappeler brièvement comment cette crise du lévothyrox a démarré en 2017 et pourquoi cette nouvelle formule a été imposée aux patients ?

  • Speaker #1

    Le début en 2017, c'est très simple. Je me promenais dans la campagne, je reçois un coup de téléphone de l'Association française des malades de la thyroïde alors que le changement de formule venait d'être effectué. On me dit, c'est curieux, au changement de formule, alors que les autorités disent qu'il n'y aurait rien à voir, on a de plus en plus de... d'alerte, de gens qui ne supportent pas le passage, qui se disent qu'il y a un problème. Donc, moi convaincu de la bonne foi et du laboratoire et de la NSM, et puis par ailleurs, ayant une grande confiance dans le Lévothyrox, parce que c'était une révolution quand ça avait été introduit, je me disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai dit, écoutez, continuez à observer, c'est peut-être juste transité. et on va voir. Alors, pourquoi est-ce qu'on avait changé de formule ? C'était très simple, c'est parce qu'au moment où les génériques sont arrivés, en 2009-2010, des génériques du Lévotiroc ont été introduits et que l'introduction de ces génériques, qui étaient obligatoires, a déclenché à ce moment-là déjà une crise avec les gens qui ne supportaient pas le passage. Et en fait, on constatait qu'il y avait très souvent des hypothyroïdies à ce moment-là au changement de formule. Donc cette partie-là quand même m'avait un peu inquiété, ce d'autant plus que l'ANSM, c'était l'AFSABS à l'époque, avait mis sous surveillance le lévothyrox, qui n'avait jamais posé aucun problème à ce moment-là, et les génériques. C'était assez curieux. ce mélange-là. Donc ça m'avait choqué, ça avait choqué aussi beaucoup de médecins, au point que nous avions obtenu, médecins, le droit de mettre non-substituable, c'est-à-dire garder le lévothyrox. Tout ça pour dire que le lévothyrox ne posait aucun problème à l'époque et les autres formules en avaient posé au point qu'en pratique, les génériques du lévothyrox ont été retirés du marché.

  • Speaker #0

    Donc, je comprends qu'à l'époque, tu es déjà à l'Association française des malades de la thyroïde.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas à ce moment-là à l'Association française des malades de la thyroïde. Je suis médecin, je m'occupe beaucoup de thyroïde en médecine nucléaire. Et on voit la scintigraphie et la biologie, il y avait les deux âges hormonaux aussi. Manifestement, les problèmes étaient évidents. Vous voyez les hypothyroïdes, les THH qui montaient. Donc, vraiment, ça posait des problèmes. et c'était La Société Française d'Endocrinologie avait aussi monté au créneau et avait bloqué cette substitution obligatoire.

  • Speaker #0

    Et donc, à cette époque, toi, tu es soignant, tu es médecin, tu commences à entendre parler de beaucoup de problèmes dus à cette nouvelle formule. Et quelles sont les réactions officielles des intervenants de cette époque ?

  • Speaker #1

    Alors, on passe à la nouvelle formule, on est bien d'accord. Donc, les réactions des intervenants officiels. D'abord, je dirais que l'ANSM a été surprise que ça pose problème. Il y a eu une première réunion qui a été faite, c'était une réunion téléphonique, début juillet, alors que la nouvelle formule avait commencé à être substituée à partir de mars-avril. Début juillet, une première réunion, mais moi j'avais déjà les informations recueillies sur le terrain. par l'Association française des malades de la thyroïde en juin. Et en juin, on avait déjà, compte tenu de l'importance des plaintes, établi un questionnaire qu'on avait prévu d'envoyer aux patients, qui a du reste été diffusé par le Thyro-Journal, qui est le journal de l'association, de façon à essayer de comprendre ce qui se passait. Déjà, il y avait une idée d'analyser, non pas les causes, mais de constater ce qui se passe. Très bien.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, vous constatez cliniquement par observation qu'il y a des problèmes. C'était quoi ces problèmes, en fait ?

  • Speaker #1

    Ces problèmes, ça allait aussi bien de l'écrante, les pertes de cheveux. Enfin, ça pouvait correspondre soit à des hyperthyroïdies, soit à des hypothyroïdies, mais des formes frustes plutôt. Et puis, il y a quelques cas qui étaient manifestement avec des hypothyroïdies. attendent des choses comme ça, voire même des hyperthyroïdies. Mais paradoxalement, ce qu'on attendait, c'était plutôt des hyperthyroïdies au départ. Or, la suite motora qui avait davantage d'hypo que d'hyper.

  • Speaker #0

    C'est l'inverse qui s'est passé étonnamment et tu vas nous expliquer tout ça. Du coup, les soignants se rendent compte qu'il y a très probablement un souci. Les messages officiels sont plutôt rassurants à cette époque. On arrive quand même à mettre la mention non substituable. Il y a quelques...

  • Speaker #1

    Non substituable. Habituable, je suis en train de te parler de la nouvelle formule. Habituable, c'était dans les années 2009-2017.

  • Speaker #0

    Tout à fait, et là on est en 2017, je le rappelle. Du coup, en 2017, quand les soignants se rendent compte qu'il y a ce type de soucis, quelles ont été les premières démarches concrètes de l'Association française des malades de la thyroïde ? Est-ce que vous avez pu mettre en œuvre des investigations scientifiques parfois très poussées ? Qu'est-ce que vous avez fait concrètement ? Quelle méthode d'analyse ? Et quel laboratoire avez-vous sollicité pour essayer de prouver scientifiquement qu'il y avait un problème avec cette nouvelle formule ?

  • Speaker #1

    Je vais aller même un petit peu en amont, c'est-à-dire que dans un premier temps, on avait évidemment foi dans les efforts que pouvait faire l'ANSM. Donc on s'est adressé à l'ANSM pour leur dire, il faut quand même essayer d'avoir des explications à ça. Est-ce qu'il n'y a pas un problème de... de fabrication. Est-ce qu'il n'y a pas les excipients ? Ils ont beau être sans effet adverse, évident, il n'empêche quand même qu'on ne sait pas forcément ce qui se passe dans le médicament. Il faut aussi s'intéresser aux malades parce que c'est bien beau de s'intéresser aux statistiques. Il y a aussi les malades. Et dans un premier temps, on a donc incité la NSM à demander à ces laboratoires de vérifier un certain nombre d'impuretés qui pouvaient être présentes. Et c'est dans un deuxième temps, voyant qu'on n'arrivait pas à sortir de la routine des contrôles de la NSM, il y a des listes de dosage que fait la NSM de façon à ce que tout soit sûr, toute l'éducation soit sûre, compte tenu du fait qu'on avait une situation quand même inexpliquée par... les examens de routine et par l'assurance donnée par l'ANSM et le laboratoire qu'il n'y aurait pas de difficultés à substituer. C'est à partir de ce moment-là qu'on a commencé à chercher. Et comme on n'arrivait pas à faire sortir des rails de la routine, on est allé ailleurs. D'abord, on est parti à la recherche de nanoparticules et d'éléments traces. pourquoi les nanoparticules ? C'était parce que J'étais à peu près sûr que si on parlait de nanoparticules, ça allait être relayé par les médias et que dans ces conditions, on risquait d'attirer l'attention des laboratoires. Autrement, si on avait parlé en termes d'éléments trace, on aurait eu à nouveau les laboratoires de la NSM qui se seraient concentrés sur les éléments trace de routine pharmacologique et rien d'autre. Donc, on est parti par là. Puis la deuxième étape. Donc là, on était sur un laboratoire italien. La deuxième étape, ça a été de s'adresser à un laboratoire américain, où alors là, le principe était le suivant. Il existe deux formes de thyroxine. La levothyroxine qui est utilisée médicalement, et la dextrothyroxine qui n'a pas exactement le même profil d'activité biologique, qui est évacuée évidemment du traitement des hypothyroïdies. traitement des problèmes chirurgiens. Et on a donc fait faire des études en colonne chirale qui permettent de séparer les composés d'extrogir, les composés lévogir, etc. Là, on a mis en évidence un pic d'extrogir qui posait un problème. Il est évident que pour arriver à se lancer dans cette opération-là, il fallait des financements. Et ça coûte, notamment quand on veut des standards de l'évothyroxine, ça coûte très cher. Donc, on s'est arrêté à la mise en évidence de ce pic dont on demandait l'explication à l'ANSM.

  • Speaker #0

    Excellent. Alors, je me permets de faire une petite pause, un petit rappel, simplement pour souligner ce rôle absolument fantastique que vous avez eu de ne pas vous contenter des explications. On est un métier où on fait de la science, on dispose des outils. qui nous sont imposés, ne serait-ce que par la technologie, vous avez eu à cette époque-là l'intime conviction que les outils dont disposait en l'occurrence la NSM, qui vous répondait que le bilan standard était correct, vous avez eu déjà l'intuition qu'il fallait aller un petit peu plus loin et que la réalité nous laissait penser qu'il y avait vraiment un problème. Et donc, si le rapport standard nous répondait qu'il n'y avait pas de problème, il fallait peut-être chercher d'autres outils. d'autres technologies. Et c'est vraiment la démarche scientifique de base. Et il faut vraiment le saluer parce que je trouve ça extrêmement intéressant dans cette histoire. Donc, au début, vous pensez aux impuretés, on vous répond qu'il n'y en a pas. Donc, vous allez vous-même démarcher des laboratoires pour se poser la question des nanoparticules et puis de ce fameux pic d'extrogire qui serait donc contaminant, j'imagine, dans les médicaments, qu'il n'y aurait rien à faire ici. Et du coup, donc... Vous avez été financés par qui ?

  • Speaker #1

    Les malades.

  • Speaker #0

    Par les malades.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire, les malades qui cotisent les adhérents à l'association française des malades de la thyroïde, c'est leurs cotisations qui ont payé ça. C'est fantastique. C'est-à-dire, cette association ne bénéficie d'aucune subvention. Elle a tenu à garder son indépendance absolue vis-à-vis des laboratoires, de la puissance publique, etc. Donc, ça représente vraiment les malades et il n'y a aucun moyen de pression sur cette association qui représente les malades.

  • Speaker #0

    C'est magnifique. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés ? Parce que j'imagine qu'elles ont dû être immenses. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés que vous avez rencontrées pour obtenir des résultats, des résultats fiables, pour avoir accès à ces différentes techniques ? J'imagine que vous alliez avoir des réticences, des pressions. Est-ce que tu peux brièvement me dire quelles étaient les principales difficultés ?

  • Speaker #1

    Alors la première difficulté, ça a été d'avoir l'étude de bioéquivalence, sur laquelle est fondée... l'introduction de la nouvelle formule qui était, à entendre les autorités et le laboratoire, substituable sans aucun problème à l'ancienne. Donc on a fini vers le mois d'octobre, quelque chose comme ça, donc ça fait plusieurs mois après le début, on a obtenu les résultats de cette étude de bioéquivalence. Et je me souviens qu'à la Direction Générale de la Santé, quand on nous a présenté sur table les résultats, J'ai sauté au plafond et j'étais le seul d'ailleurs au passage en disant mais ça n'est pas possible. Une étude avec un tel nombre de malades, c'était considérable. C'était 216 malades alors que d'habitude on en a 20, 40, 50 mais pas plus. Pourquoi ? Puis deuxième chose, quand on regarde les coefficients de variation, qui compare l'ancienne et la nouvelle formule, finalement, je trouvais que les coefficients de variation étaient considérables, sachant que plus l'effectif est important, plus, en théorie, par calcul, le coefficient de variation diminue. Donc là, on avait deux choses qui me gênaient, et une troisième chose, c'est le principe même de l'étude de bioéquivalence. Pour un médicament à marge thérapeutique étroite, on donne 600 microgrammes. de l'évothyrox quand la dose thérapeutique habituelle pour la plupart des patients se situe aux alentours de 100 microgrammes, la dose moyenne disons, donc 6 fois la dose. Or, plus la concentration qu'on mesure dans le sang est élevée, plus les coefficients de variation diminuent. Donc on était dans une optique déjà qui sous-estimait à mon avis les risques et je rajoute enfin qu'il n'y avait pas eu de correction du taux de base, c'est-à-dire On rajoutait à ce qui était introduit sous forme de médicaments le taux de base fabriqué par la thyroïde en place pour des volontaires sains parce que ces études sont faites sur les volontaires sains et pas les malades. Une bioéquivalence est faite sur des volontaires sains. Donc on est dans tout à fait autre chose que la clinique. Ce qui m'a amené à dire que cette étude de bioéquivalence, ce travail aurait été refusé. dans toute revue clinique à comité de lecture.

  • Speaker #0

    Je complète ton propos pour souligner le fait que tout ça n'a été permis que grâce à ton travail et à tes différentes casquettes, parce que non seulement tu soignes, tu es médecin, mais tu connais aussi la pharmacie et la biochimie, et également l'épidémiologie, c'est-à-dire quand on te présente des articles et des études. Tu as un regard extrêmement critique sur le sujet, ce que tout le monde n'a pas. Et donc, c'est grâce à tout ça que tu as pu quand même faire la synthèse et puis essayer d'aller un petit peu plus loin et de ne pas te contenter des papiers qu'on te présentait.

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, pour la petite histoire aussi, au début de ma carrière, on m'avait chargé de mettre en place ou en tout cas de collaborer à la mise en place du dépistage néonatal de l'hypothyroïdie. Puis, j'avais évidemment repéré sur la partie santé publique, évidemment, beaucoup de choses. dans le détail et qui n'a rien à voir. Quand vous voyez des papiers buvards pour les tests néonataux mis sur un radiateur pour faire des économies de courrier, vous sautez au plafond en vous disant « ça ne marchera jamais » . J'ai vu beaucoup de choses, donc ça permet d'avoir le recul.

  • Speaker #0

    Je voulais le souligner parce que c'est quelque chose de rare maintenant, d'avoir cette transversalité. D'ailleurs, le système et les études de médecine nous poussent à travailler en silo, en organes, en spécialités. Et ça nous empêche d'avoir cette vision un petit peu transversale de la santé, de la médecine, et puis de critiquer les papiers quand on n'est pas épidémiologiste, de critiquer une composition biochimique d'un médicament quand on n'est pas pharmacien. Et je trouvais cette notion extrêmement importante. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Et si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

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Et si l’une des plus grandes crises sanitaires récentes avait été révélée non pas par les autorités de santé, mais par un médecin guidé par son intuition, sa rigueur scientifique et le soutien de milliers de patients ?


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Vous découvrirez :
🔬 Comment des analyses indépendantes ont révélé la présence d’impuretés dans la nouvelle formule
📉 Pourquoi les études de bioéquivalence n’ont pas permis de détecter le problème
🧪 Le rôle des excipients dans la biodisponibilité d’un médicament
🤝 Le soutien massif des patients, qui ont financé les recherches scientifiques
🧭 Le combat pour faire reconnaître des faits scientifiques face aux dogmes et aux pressions


Cette discussion met en lumière la puissance de la science quand elle est guidée par le doute méthodique, l’écoute des malades, et une volonté de vérité. Une plongée dans les coulisses d’une contre-enquête rigoureuse, menée avec des laboratoires italiens, américains et tchèques, face à un système parfois aveuglé par ses propres certitudes.


Un épisode pour les médecins qui veulent comprendre les limites de l’évaluation des médicaments, et pour tous ceux qui croient encore à la médecine comme art de soigner, de questionner, et de ne jamais renoncer à chercher.


🎧 À écouter absolument si vous prescrivez de la lévothyroxine, si vous vous interrogez sur la place des patients dans l’évaluation du médicament, ou si vous croyez, comme Jacques Guillet, que la rigueur scientifique peut encore faire bouger les lignes.


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  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soins néant inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Aujourd'hui, je vous propose un épisode exceptionnel qui nous raconte une histoire digne d'une série Netflix. Nous allons en effet plonger dans la crise du Lévothyrox, ce médicament prescrit à des millions de patients en France pour réguler leur thyroïde, dont la nouvelle formule a semé la panique en 2017. Vous allez découvrir comment un homme, avec son incroyable détermination scientifique, a tout mis en œuvre pour démontrer qu'il y avait bien un problème dans la fabrication de ces comprimés, alors que les autorités de santé, les laboratoires... et même une partie du corps médical restait fermement convaincue qu'il n'existait aucun souci. Une véritable quête de vérité portée par la volonté de prouver les faits par la science et de ne pas céder à la pression extérieure ou aux émotions quand on est persuadé d'être sur la bonne voie. Dans cet épisode, nous allons parcourir les grandes phases de cette affaire, depuis l'apparition des premiers effets indésirables jusqu'aux analyses en laboratoire qui ont bouleversé le scénario officiel. Nous verrons comment mon invité, Jacques Guillet, a rassemblé autour de lui d'autres acteurs du monde médical et associatif pour finalement mettre en évidence des éléments restés longtemps dans l'ombre. Et vous allez être étonné de voir à quel point la réalité peut parfois dépasser la fiction. Bonjour Jacques !

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu, c'est un plaisir de te rejoindre.

  • Speaker #0

    Écoute, c'est moi, c'est un honneur de te recevoir. Avant que l'on plonge dans cette fabuleuse histoire, est-ce que tu peux Jacques, s'il te plaît, te présenter succinctement ? Tu as tellement de casquettes différentes et une... longue carrière, j'aimerais ne pas commettre d'impair. Peux-tu te présenter avant que l'on plonge dans le vif du sujet, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui. Au départ, je me destinais à être généraliste et puis j'ai bifurqué vers la pédiatrie, puis j'ai bifurqué à nouveau vers la biophysique, qui est une spécialité de biologie. Je suis donc biologiste des hôpitaux. Vers la médecine nucléaire, donc il y a l'imagerie. Étant biologiste et médecin nucléaire, En ce temps-là, il n'y avait pas de radiopharmaciens, donc j'ai joué le rôle de pro-pharmacien. Et par ce canal-là, évidemment, je me suis intéressé beaucoup aux médicaments. Je me suis intéressé aussi, évidemment, à la radioactivité et même aux retombées de Tchernobyl, puisque j'ai fait partie de la commission Orango, qui a évalué les conséquences sanitaires éventuelles. Et puis, également, j'ai fait... diplôme du Conservatoire national des arts et métiers sur les sciences nucléaires et la radioprotection et quelques autres choses. Voilà, l'essentiel est dit.

  • Speaker #0

    Et donc, toutes ces casquettes différentes t'ont amené à être conseiller scientifique pour l'Association des malades de la thyroïde qui va nous intéresser particulièrement aujourd'hui. Je te remercie d'avoir précisé tout ça parce que cette transversalité de tes différentes disciplines va nous être très importante pour la suite de l'épisode. Nous allons donc parler tous les deux de la crise du lévothyrox suite à la Tribune Libre que tu as diffusée dans la fabuleuse Revue du Praticien du mois de février de cette année, dont je recommande chaudement la lecture régulière à tous nos auditeurs. Et donc, pour commencer Jacques, s'il te plaît, est-ce que tu peux nous rappeler brièvement comment cette crise du lévothyrox a démarré en 2017 et pourquoi cette nouvelle formule a été imposée aux patients ?

  • Speaker #1

    Le début en 2017, c'est très simple. Je me promenais dans la campagne, je reçois un coup de téléphone de l'Association française des malades de la thyroïde alors que le changement de formule venait d'être effectué. On me dit, c'est curieux, au changement de formule, alors que les autorités disent qu'il n'y aurait rien à voir, on a de plus en plus de... d'alerte, de gens qui ne supportent pas le passage, qui se disent qu'il y a un problème. Donc, moi convaincu de la bonne foi et du laboratoire et de la NSM, et puis par ailleurs, ayant une grande confiance dans le Lévothyrox, parce que c'était une révolution quand ça avait été introduit, je me disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai dit, écoutez, continuez à observer, c'est peut-être juste transité. et on va voir. Alors, pourquoi est-ce qu'on avait changé de formule ? C'était très simple, c'est parce qu'au moment où les génériques sont arrivés, en 2009-2010, des génériques du Lévotiroc ont été introduits et que l'introduction de ces génériques, qui étaient obligatoires, a déclenché à ce moment-là déjà une crise avec les gens qui ne supportaient pas le passage. Et en fait, on constatait qu'il y avait très souvent des hypothyroïdies à ce moment-là au changement de formule. Donc cette partie-là quand même m'avait un peu inquiété, ce d'autant plus que l'ANSM, c'était l'AFSABS à l'époque, avait mis sous surveillance le lévothyrox, qui n'avait jamais posé aucun problème à ce moment-là, et les génériques. C'était assez curieux. ce mélange-là. Donc ça m'avait choqué, ça avait choqué aussi beaucoup de médecins, au point que nous avions obtenu, médecins, le droit de mettre non-substituable, c'est-à-dire garder le lévothyrox. Tout ça pour dire que le lévothyrox ne posait aucun problème à l'époque et les autres formules en avaient posé au point qu'en pratique, les génériques du lévothyrox ont été retirés du marché.

  • Speaker #0

    Donc, je comprends qu'à l'époque, tu es déjà à l'Association française des malades de la thyroïde.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas à ce moment-là à l'Association française des malades de la thyroïde. Je suis médecin, je m'occupe beaucoup de thyroïde en médecine nucléaire. Et on voit la scintigraphie et la biologie, il y avait les deux âges hormonaux aussi. Manifestement, les problèmes étaient évidents. Vous voyez les hypothyroïdes, les THH qui montaient. Donc, vraiment, ça posait des problèmes. et c'était La Société Française d'Endocrinologie avait aussi monté au créneau et avait bloqué cette substitution obligatoire.

  • Speaker #0

    Et donc, à cette époque, toi, tu es soignant, tu es médecin, tu commences à entendre parler de beaucoup de problèmes dus à cette nouvelle formule. Et quelles sont les réactions officielles des intervenants de cette époque ?

  • Speaker #1

    Alors, on passe à la nouvelle formule, on est bien d'accord. Donc, les réactions des intervenants officiels. D'abord, je dirais que l'ANSM a été surprise que ça pose problème. Il y a eu une première réunion qui a été faite, c'était une réunion téléphonique, début juillet, alors que la nouvelle formule avait commencé à être substituée à partir de mars-avril. Début juillet, une première réunion, mais moi j'avais déjà les informations recueillies sur le terrain. par l'Association française des malades de la thyroïde en juin. Et en juin, on avait déjà, compte tenu de l'importance des plaintes, établi un questionnaire qu'on avait prévu d'envoyer aux patients, qui a du reste été diffusé par le Thyro-Journal, qui est le journal de l'association, de façon à essayer de comprendre ce qui se passait. Déjà, il y avait une idée d'analyser, non pas les causes, mais de constater ce qui se passe. Très bien.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, vous constatez cliniquement par observation qu'il y a des problèmes. C'était quoi ces problèmes, en fait ?

  • Speaker #1

    Ces problèmes, ça allait aussi bien de l'écrante, les pertes de cheveux. Enfin, ça pouvait correspondre soit à des hyperthyroïdies, soit à des hypothyroïdies, mais des formes frustes plutôt. Et puis, il y a quelques cas qui étaient manifestement avec des hypothyroïdies. attendent des choses comme ça, voire même des hyperthyroïdies. Mais paradoxalement, ce qu'on attendait, c'était plutôt des hyperthyroïdies au départ. Or, la suite motora qui avait davantage d'hypo que d'hyper.

  • Speaker #0

    C'est l'inverse qui s'est passé étonnamment et tu vas nous expliquer tout ça. Du coup, les soignants se rendent compte qu'il y a très probablement un souci. Les messages officiels sont plutôt rassurants à cette époque. On arrive quand même à mettre la mention non substituable. Il y a quelques...

  • Speaker #1

    Non substituable. Habituable, je suis en train de te parler de la nouvelle formule. Habituable, c'était dans les années 2009-2017.

  • Speaker #0

    Tout à fait, et là on est en 2017, je le rappelle. Du coup, en 2017, quand les soignants se rendent compte qu'il y a ce type de soucis, quelles ont été les premières démarches concrètes de l'Association française des malades de la thyroïde ? Est-ce que vous avez pu mettre en œuvre des investigations scientifiques parfois très poussées ? Qu'est-ce que vous avez fait concrètement ? Quelle méthode d'analyse ? Et quel laboratoire avez-vous sollicité pour essayer de prouver scientifiquement qu'il y avait un problème avec cette nouvelle formule ?

  • Speaker #1

    Je vais aller même un petit peu en amont, c'est-à-dire que dans un premier temps, on avait évidemment foi dans les efforts que pouvait faire l'ANSM. Donc on s'est adressé à l'ANSM pour leur dire, il faut quand même essayer d'avoir des explications à ça. Est-ce qu'il n'y a pas un problème de... de fabrication. Est-ce qu'il n'y a pas les excipients ? Ils ont beau être sans effet adverse, évident, il n'empêche quand même qu'on ne sait pas forcément ce qui se passe dans le médicament. Il faut aussi s'intéresser aux malades parce que c'est bien beau de s'intéresser aux statistiques. Il y a aussi les malades. Et dans un premier temps, on a donc incité la NSM à demander à ces laboratoires de vérifier un certain nombre d'impuretés qui pouvaient être présentes. Et c'est dans un deuxième temps, voyant qu'on n'arrivait pas à sortir de la routine des contrôles de la NSM, il y a des listes de dosage que fait la NSM de façon à ce que tout soit sûr, toute l'éducation soit sûre, compte tenu du fait qu'on avait une situation quand même inexpliquée par... les examens de routine et par l'assurance donnée par l'ANSM et le laboratoire qu'il n'y aurait pas de difficultés à substituer. C'est à partir de ce moment-là qu'on a commencé à chercher. Et comme on n'arrivait pas à faire sortir des rails de la routine, on est allé ailleurs. D'abord, on est parti à la recherche de nanoparticules et d'éléments traces. pourquoi les nanoparticules ? C'était parce que J'étais à peu près sûr que si on parlait de nanoparticules, ça allait être relayé par les médias et que dans ces conditions, on risquait d'attirer l'attention des laboratoires. Autrement, si on avait parlé en termes d'éléments trace, on aurait eu à nouveau les laboratoires de la NSM qui se seraient concentrés sur les éléments trace de routine pharmacologique et rien d'autre. Donc, on est parti par là. Puis la deuxième étape. Donc là, on était sur un laboratoire italien. La deuxième étape, ça a été de s'adresser à un laboratoire américain, où alors là, le principe était le suivant. Il existe deux formes de thyroxine. La levothyroxine qui est utilisée médicalement, et la dextrothyroxine qui n'a pas exactement le même profil d'activité biologique, qui est évacuée évidemment du traitement des hypothyroïdies. traitement des problèmes chirurgiens. Et on a donc fait faire des études en colonne chirale qui permettent de séparer les composés d'extrogir, les composés lévogir, etc. Là, on a mis en évidence un pic d'extrogir qui posait un problème. Il est évident que pour arriver à se lancer dans cette opération-là, il fallait des financements. Et ça coûte, notamment quand on veut des standards de l'évothyroxine, ça coûte très cher. Donc, on s'est arrêté à la mise en évidence de ce pic dont on demandait l'explication à l'ANSM.

  • Speaker #0

    Excellent. Alors, je me permets de faire une petite pause, un petit rappel, simplement pour souligner ce rôle absolument fantastique que vous avez eu de ne pas vous contenter des explications. On est un métier où on fait de la science, on dispose des outils. qui nous sont imposés, ne serait-ce que par la technologie, vous avez eu à cette époque-là l'intime conviction que les outils dont disposait en l'occurrence la NSM, qui vous répondait que le bilan standard était correct, vous avez eu déjà l'intuition qu'il fallait aller un petit peu plus loin et que la réalité nous laissait penser qu'il y avait vraiment un problème. Et donc, si le rapport standard nous répondait qu'il n'y avait pas de problème, il fallait peut-être chercher d'autres outils. d'autres technologies. Et c'est vraiment la démarche scientifique de base. Et il faut vraiment le saluer parce que je trouve ça extrêmement intéressant dans cette histoire. Donc, au début, vous pensez aux impuretés, on vous répond qu'il n'y en a pas. Donc, vous allez vous-même démarcher des laboratoires pour se poser la question des nanoparticules et puis de ce fameux pic d'extrogire qui serait donc contaminant, j'imagine, dans les médicaments, qu'il n'y aurait rien à faire ici. Et du coup, donc... Vous avez été financés par qui ?

  • Speaker #1

    Les malades.

  • Speaker #0

    Par les malades.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire, les malades qui cotisent les adhérents à l'association française des malades de la thyroïde, c'est leurs cotisations qui ont payé ça. C'est fantastique. C'est-à-dire, cette association ne bénéficie d'aucune subvention. Elle a tenu à garder son indépendance absolue vis-à-vis des laboratoires, de la puissance publique, etc. Donc, ça représente vraiment les malades et il n'y a aucun moyen de pression sur cette association qui représente les malades.

  • Speaker #0

    C'est magnifique. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés ? Parce que j'imagine qu'elles ont dû être immenses. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés que vous avez rencontrées pour obtenir des résultats, des résultats fiables, pour avoir accès à ces différentes techniques ? J'imagine que vous alliez avoir des réticences, des pressions. Est-ce que tu peux brièvement me dire quelles étaient les principales difficultés ?

  • Speaker #1

    Alors la première difficulté, ça a été d'avoir l'étude de bioéquivalence, sur laquelle est fondée... l'introduction de la nouvelle formule qui était, à entendre les autorités et le laboratoire, substituable sans aucun problème à l'ancienne. Donc on a fini vers le mois d'octobre, quelque chose comme ça, donc ça fait plusieurs mois après le début, on a obtenu les résultats de cette étude de bioéquivalence. Et je me souviens qu'à la Direction Générale de la Santé, quand on nous a présenté sur table les résultats, J'ai sauté au plafond et j'étais le seul d'ailleurs au passage en disant mais ça n'est pas possible. Une étude avec un tel nombre de malades, c'était considérable. C'était 216 malades alors que d'habitude on en a 20, 40, 50 mais pas plus. Pourquoi ? Puis deuxième chose, quand on regarde les coefficients de variation, qui compare l'ancienne et la nouvelle formule, finalement, je trouvais que les coefficients de variation étaient considérables, sachant que plus l'effectif est important, plus, en théorie, par calcul, le coefficient de variation diminue. Donc là, on avait deux choses qui me gênaient, et une troisième chose, c'est le principe même de l'étude de bioéquivalence. Pour un médicament à marge thérapeutique étroite, on donne 600 microgrammes. de l'évothyrox quand la dose thérapeutique habituelle pour la plupart des patients se situe aux alentours de 100 microgrammes, la dose moyenne disons, donc 6 fois la dose. Or, plus la concentration qu'on mesure dans le sang est élevée, plus les coefficients de variation diminuent. Donc on était dans une optique déjà qui sous-estimait à mon avis les risques et je rajoute enfin qu'il n'y avait pas eu de correction du taux de base, c'est-à-dire On rajoutait à ce qui était introduit sous forme de médicaments le taux de base fabriqué par la thyroïde en place pour des volontaires sains parce que ces études sont faites sur les volontaires sains et pas les malades. Une bioéquivalence est faite sur des volontaires sains. Donc on est dans tout à fait autre chose que la clinique. Ce qui m'a amené à dire que cette étude de bioéquivalence, ce travail aurait été refusé. dans toute revue clinique à comité de lecture.

  • Speaker #0

    Je complète ton propos pour souligner le fait que tout ça n'a été permis que grâce à ton travail et à tes différentes casquettes, parce que non seulement tu soignes, tu es médecin, mais tu connais aussi la pharmacie et la biochimie, et également l'épidémiologie, c'est-à-dire quand on te présente des articles et des études. Tu as un regard extrêmement critique sur le sujet, ce que tout le monde n'a pas. Et donc, c'est grâce à tout ça que tu as pu quand même faire la synthèse et puis essayer d'aller un petit peu plus loin et de ne pas te contenter des papiers qu'on te présentait.

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, pour la petite histoire aussi, au début de ma carrière, on m'avait chargé de mettre en place ou en tout cas de collaborer à la mise en place du dépistage néonatal de l'hypothyroïdie. Puis, j'avais évidemment repéré sur la partie santé publique, évidemment, beaucoup de choses. dans le détail et qui n'a rien à voir. Quand vous voyez des papiers buvards pour les tests néonataux mis sur un radiateur pour faire des économies de courrier, vous sautez au plafond en vous disant « ça ne marchera jamais » . J'ai vu beaucoup de choses, donc ça permet d'avoir le recul.

  • Speaker #0

    Je voulais le souligner parce que c'est quelque chose de rare maintenant, d'avoir cette transversalité. D'ailleurs, le système et les études de médecine nous poussent à travailler en silo, en organes, en spécialités. Et ça nous empêche d'avoir cette vision un petit peu transversale de la santé, de la médecine, et puis de critiquer les papiers quand on n'est pas épidémiologiste, de critiquer une composition biochimique d'un médicament quand on n'est pas pharmacien. Et je trouvais cette notion extrêmement importante. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Et si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

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Et si l’une des plus grandes crises sanitaires récentes avait été révélée non pas par les autorités de santé, mais par un médecin guidé par son intuition, sa rigueur scientifique et le soutien de milliers de patients ?


👉 Abonnez-vous à la newsletter Super Récap’ pour recevoir un mail à lire en 1mn récapitulant les grands points des épisodes de la semaine (c'est gratuit et sans spam!): https://superdocteur.substack.com/


Dans cet entretien passionnant, le Dr Jacques Guillet, médecin biologiste, ancien spécialiste en médecine nucléaire, revient sur l’affaire du Levothyrox. En 2017, des millions de patients voient leur traitement modifié sans être informés. Très vite, les effets indésirables se multiplient. Face à l’incompréhension et au silence des institutions, Jacques Guillet, devenu conseiller scientifique de l’Association française des malades de la thyroïde, décide de chercher lui-même les réponses.


Vous découvrirez :
🔬 Comment des analyses indépendantes ont révélé la présence d’impuretés dans la nouvelle formule
📉 Pourquoi les études de bioéquivalence n’ont pas permis de détecter le problème
🧪 Le rôle des excipients dans la biodisponibilité d’un médicament
🤝 Le soutien massif des patients, qui ont financé les recherches scientifiques
🧭 Le combat pour faire reconnaître des faits scientifiques face aux dogmes et aux pressions


Cette discussion met en lumière la puissance de la science quand elle est guidée par le doute méthodique, l’écoute des malades, et une volonté de vérité. Une plongée dans les coulisses d’une contre-enquête rigoureuse, menée avec des laboratoires italiens, américains et tchèques, face à un système parfois aveuglé par ses propres certitudes.


Un épisode pour les médecins qui veulent comprendre les limites de l’évaluation des médicaments, et pour tous ceux qui croient encore à la médecine comme art de soigner, de questionner, et de ne jamais renoncer à chercher.


🎧 À écouter absolument si vous prescrivez de la lévothyroxine, si vous vous interrogez sur la place des patients dans l’évaluation du médicament, ou si vous croyez, comme Jacques Guillet, que la rigueur scientifique peut encore faire bouger les lignes.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


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https://www.instagram.com/dr.matthieu.cantet


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Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soins néant inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Aujourd'hui, je vous propose un épisode exceptionnel qui nous raconte une histoire digne d'une série Netflix. Nous allons en effet plonger dans la crise du Lévothyrox, ce médicament prescrit à des millions de patients en France pour réguler leur thyroïde, dont la nouvelle formule a semé la panique en 2017. Vous allez découvrir comment un homme, avec son incroyable détermination scientifique, a tout mis en œuvre pour démontrer qu'il y avait bien un problème dans la fabrication de ces comprimés, alors que les autorités de santé, les laboratoires... et même une partie du corps médical restait fermement convaincue qu'il n'existait aucun souci. Une véritable quête de vérité portée par la volonté de prouver les faits par la science et de ne pas céder à la pression extérieure ou aux émotions quand on est persuadé d'être sur la bonne voie. Dans cet épisode, nous allons parcourir les grandes phases de cette affaire, depuis l'apparition des premiers effets indésirables jusqu'aux analyses en laboratoire qui ont bouleversé le scénario officiel. Nous verrons comment mon invité, Jacques Guillet, a rassemblé autour de lui d'autres acteurs du monde médical et associatif pour finalement mettre en évidence des éléments restés longtemps dans l'ombre. Et vous allez être étonné de voir à quel point la réalité peut parfois dépasser la fiction. Bonjour Jacques !

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu, c'est un plaisir de te rejoindre.

  • Speaker #0

    Écoute, c'est moi, c'est un honneur de te recevoir. Avant que l'on plonge dans cette fabuleuse histoire, est-ce que tu peux Jacques, s'il te plaît, te présenter succinctement ? Tu as tellement de casquettes différentes et une... longue carrière, j'aimerais ne pas commettre d'impair. Peux-tu te présenter avant que l'on plonge dans le vif du sujet, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui. Au départ, je me destinais à être généraliste et puis j'ai bifurqué vers la pédiatrie, puis j'ai bifurqué à nouveau vers la biophysique, qui est une spécialité de biologie. Je suis donc biologiste des hôpitaux. Vers la médecine nucléaire, donc il y a l'imagerie. Étant biologiste et médecin nucléaire, En ce temps-là, il n'y avait pas de radiopharmaciens, donc j'ai joué le rôle de pro-pharmacien. Et par ce canal-là, évidemment, je me suis intéressé beaucoup aux médicaments. Je me suis intéressé aussi, évidemment, à la radioactivité et même aux retombées de Tchernobyl, puisque j'ai fait partie de la commission Orango, qui a évalué les conséquences sanitaires éventuelles. Et puis, également, j'ai fait... diplôme du Conservatoire national des arts et métiers sur les sciences nucléaires et la radioprotection et quelques autres choses. Voilà, l'essentiel est dit.

  • Speaker #0

    Et donc, toutes ces casquettes différentes t'ont amené à être conseiller scientifique pour l'Association des malades de la thyroïde qui va nous intéresser particulièrement aujourd'hui. Je te remercie d'avoir précisé tout ça parce que cette transversalité de tes différentes disciplines va nous être très importante pour la suite de l'épisode. Nous allons donc parler tous les deux de la crise du lévothyrox suite à la Tribune Libre que tu as diffusée dans la fabuleuse Revue du Praticien du mois de février de cette année, dont je recommande chaudement la lecture régulière à tous nos auditeurs. Et donc, pour commencer Jacques, s'il te plaît, est-ce que tu peux nous rappeler brièvement comment cette crise du lévothyrox a démarré en 2017 et pourquoi cette nouvelle formule a été imposée aux patients ?

  • Speaker #1

    Le début en 2017, c'est très simple. Je me promenais dans la campagne, je reçois un coup de téléphone de l'Association française des malades de la thyroïde alors que le changement de formule venait d'être effectué. On me dit, c'est curieux, au changement de formule, alors que les autorités disent qu'il n'y aurait rien à voir, on a de plus en plus de... d'alerte, de gens qui ne supportent pas le passage, qui se disent qu'il y a un problème. Donc, moi convaincu de la bonne foi et du laboratoire et de la NSM, et puis par ailleurs, ayant une grande confiance dans le Lévothyrox, parce que c'était une révolution quand ça avait été introduit, je me disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai dit, écoutez, continuez à observer, c'est peut-être juste transité. et on va voir. Alors, pourquoi est-ce qu'on avait changé de formule ? C'était très simple, c'est parce qu'au moment où les génériques sont arrivés, en 2009-2010, des génériques du Lévotiroc ont été introduits et que l'introduction de ces génériques, qui étaient obligatoires, a déclenché à ce moment-là déjà une crise avec les gens qui ne supportaient pas le passage. Et en fait, on constatait qu'il y avait très souvent des hypothyroïdies à ce moment-là au changement de formule. Donc cette partie-là quand même m'avait un peu inquiété, ce d'autant plus que l'ANSM, c'était l'AFSABS à l'époque, avait mis sous surveillance le lévothyrox, qui n'avait jamais posé aucun problème à ce moment-là, et les génériques. C'était assez curieux. ce mélange-là. Donc ça m'avait choqué, ça avait choqué aussi beaucoup de médecins, au point que nous avions obtenu, médecins, le droit de mettre non-substituable, c'est-à-dire garder le lévothyrox. Tout ça pour dire que le lévothyrox ne posait aucun problème à l'époque et les autres formules en avaient posé au point qu'en pratique, les génériques du lévothyrox ont été retirés du marché.

  • Speaker #0

    Donc, je comprends qu'à l'époque, tu es déjà à l'Association française des malades de la thyroïde.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas à ce moment-là à l'Association française des malades de la thyroïde. Je suis médecin, je m'occupe beaucoup de thyroïde en médecine nucléaire. Et on voit la scintigraphie et la biologie, il y avait les deux âges hormonaux aussi. Manifestement, les problèmes étaient évidents. Vous voyez les hypothyroïdes, les THH qui montaient. Donc, vraiment, ça posait des problèmes. et c'était La Société Française d'Endocrinologie avait aussi monté au créneau et avait bloqué cette substitution obligatoire.

  • Speaker #0

    Et donc, à cette époque, toi, tu es soignant, tu es médecin, tu commences à entendre parler de beaucoup de problèmes dus à cette nouvelle formule. Et quelles sont les réactions officielles des intervenants de cette époque ?

  • Speaker #1

    Alors, on passe à la nouvelle formule, on est bien d'accord. Donc, les réactions des intervenants officiels. D'abord, je dirais que l'ANSM a été surprise que ça pose problème. Il y a eu une première réunion qui a été faite, c'était une réunion téléphonique, début juillet, alors que la nouvelle formule avait commencé à être substituée à partir de mars-avril. Début juillet, une première réunion, mais moi j'avais déjà les informations recueillies sur le terrain. par l'Association française des malades de la thyroïde en juin. Et en juin, on avait déjà, compte tenu de l'importance des plaintes, établi un questionnaire qu'on avait prévu d'envoyer aux patients, qui a du reste été diffusé par le Thyro-Journal, qui est le journal de l'association, de façon à essayer de comprendre ce qui se passait. Déjà, il y avait une idée d'analyser, non pas les causes, mais de constater ce qui se passe. Très bien.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, vous constatez cliniquement par observation qu'il y a des problèmes. C'était quoi ces problèmes, en fait ?

  • Speaker #1

    Ces problèmes, ça allait aussi bien de l'écrante, les pertes de cheveux. Enfin, ça pouvait correspondre soit à des hyperthyroïdies, soit à des hypothyroïdies, mais des formes frustes plutôt. Et puis, il y a quelques cas qui étaient manifestement avec des hypothyroïdies. attendent des choses comme ça, voire même des hyperthyroïdies. Mais paradoxalement, ce qu'on attendait, c'était plutôt des hyperthyroïdies au départ. Or, la suite motora qui avait davantage d'hypo que d'hyper.

  • Speaker #0

    C'est l'inverse qui s'est passé étonnamment et tu vas nous expliquer tout ça. Du coup, les soignants se rendent compte qu'il y a très probablement un souci. Les messages officiels sont plutôt rassurants à cette époque. On arrive quand même à mettre la mention non substituable. Il y a quelques...

  • Speaker #1

    Non substituable. Habituable, je suis en train de te parler de la nouvelle formule. Habituable, c'était dans les années 2009-2017.

  • Speaker #0

    Tout à fait, et là on est en 2017, je le rappelle. Du coup, en 2017, quand les soignants se rendent compte qu'il y a ce type de soucis, quelles ont été les premières démarches concrètes de l'Association française des malades de la thyroïde ? Est-ce que vous avez pu mettre en œuvre des investigations scientifiques parfois très poussées ? Qu'est-ce que vous avez fait concrètement ? Quelle méthode d'analyse ? Et quel laboratoire avez-vous sollicité pour essayer de prouver scientifiquement qu'il y avait un problème avec cette nouvelle formule ?

  • Speaker #1

    Je vais aller même un petit peu en amont, c'est-à-dire que dans un premier temps, on avait évidemment foi dans les efforts que pouvait faire l'ANSM. Donc on s'est adressé à l'ANSM pour leur dire, il faut quand même essayer d'avoir des explications à ça. Est-ce qu'il n'y a pas un problème de... de fabrication. Est-ce qu'il n'y a pas les excipients ? Ils ont beau être sans effet adverse, évident, il n'empêche quand même qu'on ne sait pas forcément ce qui se passe dans le médicament. Il faut aussi s'intéresser aux malades parce que c'est bien beau de s'intéresser aux statistiques. Il y a aussi les malades. Et dans un premier temps, on a donc incité la NSM à demander à ces laboratoires de vérifier un certain nombre d'impuretés qui pouvaient être présentes. Et c'est dans un deuxième temps, voyant qu'on n'arrivait pas à sortir de la routine des contrôles de la NSM, il y a des listes de dosage que fait la NSM de façon à ce que tout soit sûr, toute l'éducation soit sûre, compte tenu du fait qu'on avait une situation quand même inexpliquée par... les examens de routine et par l'assurance donnée par l'ANSM et le laboratoire qu'il n'y aurait pas de difficultés à substituer. C'est à partir de ce moment-là qu'on a commencé à chercher. Et comme on n'arrivait pas à faire sortir des rails de la routine, on est allé ailleurs. D'abord, on est parti à la recherche de nanoparticules et d'éléments traces. pourquoi les nanoparticules ? C'était parce que J'étais à peu près sûr que si on parlait de nanoparticules, ça allait être relayé par les médias et que dans ces conditions, on risquait d'attirer l'attention des laboratoires. Autrement, si on avait parlé en termes d'éléments trace, on aurait eu à nouveau les laboratoires de la NSM qui se seraient concentrés sur les éléments trace de routine pharmacologique et rien d'autre. Donc, on est parti par là. Puis la deuxième étape. Donc là, on était sur un laboratoire italien. La deuxième étape, ça a été de s'adresser à un laboratoire américain, où alors là, le principe était le suivant. Il existe deux formes de thyroxine. La levothyroxine qui est utilisée médicalement, et la dextrothyroxine qui n'a pas exactement le même profil d'activité biologique, qui est évacuée évidemment du traitement des hypothyroïdies. traitement des problèmes chirurgiens. Et on a donc fait faire des études en colonne chirale qui permettent de séparer les composés d'extrogir, les composés lévogir, etc. Là, on a mis en évidence un pic d'extrogir qui posait un problème. Il est évident que pour arriver à se lancer dans cette opération-là, il fallait des financements. Et ça coûte, notamment quand on veut des standards de l'évothyroxine, ça coûte très cher. Donc, on s'est arrêté à la mise en évidence de ce pic dont on demandait l'explication à l'ANSM.

  • Speaker #0

    Excellent. Alors, je me permets de faire une petite pause, un petit rappel, simplement pour souligner ce rôle absolument fantastique que vous avez eu de ne pas vous contenter des explications. On est un métier où on fait de la science, on dispose des outils. qui nous sont imposés, ne serait-ce que par la technologie, vous avez eu à cette époque-là l'intime conviction que les outils dont disposait en l'occurrence la NSM, qui vous répondait que le bilan standard était correct, vous avez eu déjà l'intuition qu'il fallait aller un petit peu plus loin et que la réalité nous laissait penser qu'il y avait vraiment un problème. Et donc, si le rapport standard nous répondait qu'il n'y avait pas de problème, il fallait peut-être chercher d'autres outils. d'autres technologies. Et c'est vraiment la démarche scientifique de base. Et il faut vraiment le saluer parce que je trouve ça extrêmement intéressant dans cette histoire. Donc, au début, vous pensez aux impuretés, on vous répond qu'il n'y en a pas. Donc, vous allez vous-même démarcher des laboratoires pour se poser la question des nanoparticules et puis de ce fameux pic d'extrogire qui serait donc contaminant, j'imagine, dans les médicaments, qu'il n'y aurait rien à faire ici. Et du coup, donc... Vous avez été financés par qui ?

  • Speaker #1

    Les malades.

  • Speaker #0

    Par les malades.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire, les malades qui cotisent les adhérents à l'association française des malades de la thyroïde, c'est leurs cotisations qui ont payé ça. C'est fantastique. C'est-à-dire, cette association ne bénéficie d'aucune subvention. Elle a tenu à garder son indépendance absolue vis-à-vis des laboratoires, de la puissance publique, etc. Donc, ça représente vraiment les malades et il n'y a aucun moyen de pression sur cette association qui représente les malades.

  • Speaker #0

    C'est magnifique. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés ? Parce que j'imagine qu'elles ont dû être immenses. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés que vous avez rencontrées pour obtenir des résultats, des résultats fiables, pour avoir accès à ces différentes techniques ? J'imagine que vous alliez avoir des réticences, des pressions. Est-ce que tu peux brièvement me dire quelles étaient les principales difficultés ?

  • Speaker #1

    Alors la première difficulté, ça a été d'avoir l'étude de bioéquivalence, sur laquelle est fondée... l'introduction de la nouvelle formule qui était, à entendre les autorités et le laboratoire, substituable sans aucun problème à l'ancienne. Donc on a fini vers le mois d'octobre, quelque chose comme ça, donc ça fait plusieurs mois après le début, on a obtenu les résultats de cette étude de bioéquivalence. Et je me souviens qu'à la Direction Générale de la Santé, quand on nous a présenté sur table les résultats, J'ai sauté au plafond et j'étais le seul d'ailleurs au passage en disant mais ça n'est pas possible. Une étude avec un tel nombre de malades, c'était considérable. C'était 216 malades alors que d'habitude on en a 20, 40, 50 mais pas plus. Pourquoi ? Puis deuxième chose, quand on regarde les coefficients de variation, qui compare l'ancienne et la nouvelle formule, finalement, je trouvais que les coefficients de variation étaient considérables, sachant que plus l'effectif est important, plus, en théorie, par calcul, le coefficient de variation diminue. Donc là, on avait deux choses qui me gênaient, et une troisième chose, c'est le principe même de l'étude de bioéquivalence. Pour un médicament à marge thérapeutique étroite, on donne 600 microgrammes. de l'évothyrox quand la dose thérapeutique habituelle pour la plupart des patients se situe aux alentours de 100 microgrammes, la dose moyenne disons, donc 6 fois la dose. Or, plus la concentration qu'on mesure dans le sang est élevée, plus les coefficients de variation diminuent. Donc on était dans une optique déjà qui sous-estimait à mon avis les risques et je rajoute enfin qu'il n'y avait pas eu de correction du taux de base, c'est-à-dire On rajoutait à ce qui était introduit sous forme de médicaments le taux de base fabriqué par la thyroïde en place pour des volontaires sains parce que ces études sont faites sur les volontaires sains et pas les malades. Une bioéquivalence est faite sur des volontaires sains. Donc on est dans tout à fait autre chose que la clinique. Ce qui m'a amené à dire que cette étude de bioéquivalence, ce travail aurait été refusé. dans toute revue clinique à comité de lecture.

  • Speaker #0

    Je complète ton propos pour souligner le fait que tout ça n'a été permis que grâce à ton travail et à tes différentes casquettes, parce que non seulement tu soignes, tu es médecin, mais tu connais aussi la pharmacie et la biochimie, et également l'épidémiologie, c'est-à-dire quand on te présente des articles et des études. Tu as un regard extrêmement critique sur le sujet, ce que tout le monde n'a pas. Et donc, c'est grâce à tout ça que tu as pu quand même faire la synthèse et puis essayer d'aller un petit peu plus loin et de ne pas te contenter des papiers qu'on te présentait.

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, pour la petite histoire aussi, au début de ma carrière, on m'avait chargé de mettre en place ou en tout cas de collaborer à la mise en place du dépistage néonatal de l'hypothyroïdie. Puis, j'avais évidemment repéré sur la partie santé publique, évidemment, beaucoup de choses. dans le détail et qui n'a rien à voir. Quand vous voyez des papiers buvards pour les tests néonataux mis sur un radiateur pour faire des économies de courrier, vous sautez au plafond en vous disant « ça ne marchera jamais » . J'ai vu beaucoup de choses, donc ça permet d'avoir le recul.

  • Speaker #0

    Je voulais le souligner parce que c'est quelque chose de rare maintenant, d'avoir cette transversalité. D'ailleurs, le système et les études de médecine nous poussent à travailler en silo, en organes, en spécialités. Et ça nous empêche d'avoir cette vision un petit peu transversale de la santé, de la médecine, et puis de critiquer les papiers quand on n'est pas épidémiologiste, de critiquer une composition biochimique d'un médicament quand on n'est pas pharmacien. Et je trouvais cette notion extrêmement importante. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Et si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

Description

Et si l’une des plus grandes crises sanitaires récentes avait été révélée non pas par les autorités de santé, mais par un médecin guidé par son intuition, sa rigueur scientifique et le soutien de milliers de patients ?


👉 Abonnez-vous à la newsletter Super Récap’ pour recevoir un mail à lire en 1mn récapitulant les grands points des épisodes de la semaine (c'est gratuit et sans spam!): https://superdocteur.substack.com/


Dans cet entretien passionnant, le Dr Jacques Guillet, médecin biologiste, ancien spécialiste en médecine nucléaire, revient sur l’affaire du Levothyrox. En 2017, des millions de patients voient leur traitement modifié sans être informés. Très vite, les effets indésirables se multiplient. Face à l’incompréhension et au silence des institutions, Jacques Guillet, devenu conseiller scientifique de l’Association française des malades de la thyroïde, décide de chercher lui-même les réponses.


Vous découvrirez :
🔬 Comment des analyses indépendantes ont révélé la présence d’impuretés dans la nouvelle formule
📉 Pourquoi les études de bioéquivalence n’ont pas permis de détecter le problème
🧪 Le rôle des excipients dans la biodisponibilité d’un médicament
🤝 Le soutien massif des patients, qui ont financé les recherches scientifiques
🧭 Le combat pour faire reconnaître des faits scientifiques face aux dogmes et aux pressions


Cette discussion met en lumière la puissance de la science quand elle est guidée par le doute méthodique, l’écoute des malades, et une volonté de vérité. Une plongée dans les coulisses d’une contre-enquête rigoureuse, menée avec des laboratoires italiens, américains et tchèques, face à un système parfois aveuglé par ses propres certitudes.


Un épisode pour les médecins qui veulent comprendre les limites de l’évaluation des médicaments, et pour tous ceux qui croient encore à la médecine comme art de soigner, de questionner, et de ne jamais renoncer à chercher.


🎧 À écouter absolument si vous prescrivez de la lévothyroxine, si vous vous interrogez sur la place des patients dans l’évaluation du médicament, ou si vous croyez, comme Jacques Guillet, que la rigueur scientifique peut encore faire bouger les lignes.


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soins néant inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Aujourd'hui, je vous propose un épisode exceptionnel qui nous raconte une histoire digne d'une série Netflix. Nous allons en effet plonger dans la crise du Lévothyrox, ce médicament prescrit à des millions de patients en France pour réguler leur thyroïde, dont la nouvelle formule a semé la panique en 2017. Vous allez découvrir comment un homme, avec son incroyable détermination scientifique, a tout mis en œuvre pour démontrer qu'il y avait bien un problème dans la fabrication de ces comprimés, alors que les autorités de santé, les laboratoires... et même une partie du corps médical restait fermement convaincue qu'il n'existait aucun souci. Une véritable quête de vérité portée par la volonté de prouver les faits par la science et de ne pas céder à la pression extérieure ou aux émotions quand on est persuadé d'être sur la bonne voie. Dans cet épisode, nous allons parcourir les grandes phases de cette affaire, depuis l'apparition des premiers effets indésirables jusqu'aux analyses en laboratoire qui ont bouleversé le scénario officiel. Nous verrons comment mon invité, Jacques Guillet, a rassemblé autour de lui d'autres acteurs du monde médical et associatif pour finalement mettre en évidence des éléments restés longtemps dans l'ombre. Et vous allez être étonné de voir à quel point la réalité peut parfois dépasser la fiction. Bonjour Jacques !

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu, c'est un plaisir de te rejoindre.

  • Speaker #0

    Écoute, c'est moi, c'est un honneur de te recevoir. Avant que l'on plonge dans cette fabuleuse histoire, est-ce que tu peux Jacques, s'il te plaît, te présenter succinctement ? Tu as tellement de casquettes différentes et une... longue carrière, j'aimerais ne pas commettre d'impair. Peux-tu te présenter avant que l'on plonge dans le vif du sujet, s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui. Au départ, je me destinais à être généraliste et puis j'ai bifurqué vers la pédiatrie, puis j'ai bifurqué à nouveau vers la biophysique, qui est une spécialité de biologie. Je suis donc biologiste des hôpitaux. Vers la médecine nucléaire, donc il y a l'imagerie. Étant biologiste et médecin nucléaire, En ce temps-là, il n'y avait pas de radiopharmaciens, donc j'ai joué le rôle de pro-pharmacien. Et par ce canal-là, évidemment, je me suis intéressé beaucoup aux médicaments. Je me suis intéressé aussi, évidemment, à la radioactivité et même aux retombées de Tchernobyl, puisque j'ai fait partie de la commission Orango, qui a évalué les conséquences sanitaires éventuelles. Et puis, également, j'ai fait... diplôme du Conservatoire national des arts et métiers sur les sciences nucléaires et la radioprotection et quelques autres choses. Voilà, l'essentiel est dit.

  • Speaker #0

    Et donc, toutes ces casquettes différentes t'ont amené à être conseiller scientifique pour l'Association des malades de la thyroïde qui va nous intéresser particulièrement aujourd'hui. Je te remercie d'avoir précisé tout ça parce que cette transversalité de tes différentes disciplines va nous être très importante pour la suite de l'épisode. Nous allons donc parler tous les deux de la crise du lévothyrox suite à la Tribune Libre que tu as diffusée dans la fabuleuse Revue du Praticien du mois de février de cette année, dont je recommande chaudement la lecture régulière à tous nos auditeurs. Et donc, pour commencer Jacques, s'il te plaît, est-ce que tu peux nous rappeler brièvement comment cette crise du lévothyrox a démarré en 2017 et pourquoi cette nouvelle formule a été imposée aux patients ?

  • Speaker #1

    Le début en 2017, c'est très simple. Je me promenais dans la campagne, je reçois un coup de téléphone de l'Association française des malades de la thyroïde alors que le changement de formule venait d'être effectué. On me dit, c'est curieux, au changement de formule, alors que les autorités disent qu'il n'y aurait rien à voir, on a de plus en plus de... d'alerte, de gens qui ne supportent pas le passage, qui se disent qu'il y a un problème. Donc, moi convaincu de la bonne foi et du laboratoire et de la NSM, et puis par ailleurs, ayant une grande confiance dans le Lévothyrox, parce que c'était une révolution quand ça avait été introduit, je me disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai dit, écoutez, continuez à observer, c'est peut-être juste transité. et on va voir. Alors, pourquoi est-ce qu'on avait changé de formule ? C'était très simple, c'est parce qu'au moment où les génériques sont arrivés, en 2009-2010, des génériques du Lévotiroc ont été introduits et que l'introduction de ces génériques, qui étaient obligatoires, a déclenché à ce moment-là déjà une crise avec les gens qui ne supportaient pas le passage. Et en fait, on constatait qu'il y avait très souvent des hypothyroïdies à ce moment-là au changement de formule. Donc cette partie-là quand même m'avait un peu inquiété, ce d'autant plus que l'ANSM, c'était l'AFSABS à l'époque, avait mis sous surveillance le lévothyrox, qui n'avait jamais posé aucun problème à ce moment-là, et les génériques. C'était assez curieux. ce mélange-là. Donc ça m'avait choqué, ça avait choqué aussi beaucoup de médecins, au point que nous avions obtenu, médecins, le droit de mettre non-substituable, c'est-à-dire garder le lévothyrox. Tout ça pour dire que le lévothyrox ne posait aucun problème à l'époque et les autres formules en avaient posé au point qu'en pratique, les génériques du lévothyrox ont été retirés du marché.

  • Speaker #0

    Donc, je comprends qu'à l'époque, tu es déjà à l'Association française des malades de la thyroïde.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas à ce moment-là à l'Association française des malades de la thyroïde. Je suis médecin, je m'occupe beaucoup de thyroïde en médecine nucléaire. Et on voit la scintigraphie et la biologie, il y avait les deux âges hormonaux aussi. Manifestement, les problèmes étaient évidents. Vous voyez les hypothyroïdes, les THH qui montaient. Donc, vraiment, ça posait des problèmes. et c'était La Société Française d'Endocrinologie avait aussi monté au créneau et avait bloqué cette substitution obligatoire.

  • Speaker #0

    Et donc, à cette époque, toi, tu es soignant, tu es médecin, tu commences à entendre parler de beaucoup de problèmes dus à cette nouvelle formule. Et quelles sont les réactions officielles des intervenants de cette époque ?

  • Speaker #1

    Alors, on passe à la nouvelle formule, on est bien d'accord. Donc, les réactions des intervenants officiels. D'abord, je dirais que l'ANSM a été surprise que ça pose problème. Il y a eu une première réunion qui a été faite, c'était une réunion téléphonique, début juillet, alors que la nouvelle formule avait commencé à être substituée à partir de mars-avril. Début juillet, une première réunion, mais moi j'avais déjà les informations recueillies sur le terrain. par l'Association française des malades de la thyroïde en juin. Et en juin, on avait déjà, compte tenu de l'importance des plaintes, établi un questionnaire qu'on avait prévu d'envoyer aux patients, qui a du reste été diffusé par le Thyro-Journal, qui est le journal de l'association, de façon à essayer de comprendre ce qui se passait. Déjà, il y avait une idée d'analyser, non pas les causes, mais de constater ce qui se passe. Très bien.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, vous constatez cliniquement par observation qu'il y a des problèmes. C'était quoi ces problèmes, en fait ?

  • Speaker #1

    Ces problèmes, ça allait aussi bien de l'écrante, les pertes de cheveux. Enfin, ça pouvait correspondre soit à des hyperthyroïdies, soit à des hypothyroïdies, mais des formes frustes plutôt. Et puis, il y a quelques cas qui étaient manifestement avec des hypothyroïdies. attendent des choses comme ça, voire même des hyperthyroïdies. Mais paradoxalement, ce qu'on attendait, c'était plutôt des hyperthyroïdies au départ. Or, la suite motora qui avait davantage d'hypo que d'hyper.

  • Speaker #0

    C'est l'inverse qui s'est passé étonnamment et tu vas nous expliquer tout ça. Du coup, les soignants se rendent compte qu'il y a très probablement un souci. Les messages officiels sont plutôt rassurants à cette époque. On arrive quand même à mettre la mention non substituable. Il y a quelques...

  • Speaker #1

    Non substituable. Habituable, je suis en train de te parler de la nouvelle formule. Habituable, c'était dans les années 2009-2017.

  • Speaker #0

    Tout à fait, et là on est en 2017, je le rappelle. Du coup, en 2017, quand les soignants se rendent compte qu'il y a ce type de soucis, quelles ont été les premières démarches concrètes de l'Association française des malades de la thyroïde ? Est-ce que vous avez pu mettre en œuvre des investigations scientifiques parfois très poussées ? Qu'est-ce que vous avez fait concrètement ? Quelle méthode d'analyse ? Et quel laboratoire avez-vous sollicité pour essayer de prouver scientifiquement qu'il y avait un problème avec cette nouvelle formule ?

  • Speaker #1

    Je vais aller même un petit peu en amont, c'est-à-dire que dans un premier temps, on avait évidemment foi dans les efforts que pouvait faire l'ANSM. Donc on s'est adressé à l'ANSM pour leur dire, il faut quand même essayer d'avoir des explications à ça. Est-ce qu'il n'y a pas un problème de... de fabrication. Est-ce qu'il n'y a pas les excipients ? Ils ont beau être sans effet adverse, évident, il n'empêche quand même qu'on ne sait pas forcément ce qui se passe dans le médicament. Il faut aussi s'intéresser aux malades parce que c'est bien beau de s'intéresser aux statistiques. Il y a aussi les malades. Et dans un premier temps, on a donc incité la NSM à demander à ces laboratoires de vérifier un certain nombre d'impuretés qui pouvaient être présentes. Et c'est dans un deuxième temps, voyant qu'on n'arrivait pas à sortir de la routine des contrôles de la NSM, il y a des listes de dosage que fait la NSM de façon à ce que tout soit sûr, toute l'éducation soit sûre, compte tenu du fait qu'on avait une situation quand même inexpliquée par... les examens de routine et par l'assurance donnée par l'ANSM et le laboratoire qu'il n'y aurait pas de difficultés à substituer. C'est à partir de ce moment-là qu'on a commencé à chercher. Et comme on n'arrivait pas à faire sortir des rails de la routine, on est allé ailleurs. D'abord, on est parti à la recherche de nanoparticules et d'éléments traces. pourquoi les nanoparticules ? C'était parce que J'étais à peu près sûr que si on parlait de nanoparticules, ça allait être relayé par les médias et que dans ces conditions, on risquait d'attirer l'attention des laboratoires. Autrement, si on avait parlé en termes d'éléments trace, on aurait eu à nouveau les laboratoires de la NSM qui se seraient concentrés sur les éléments trace de routine pharmacologique et rien d'autre. Donc, on est parti par là. Puis la deuxième étape. Donc là, on était sur un laboratoire italien. La deuxième étape, ça a été de s'adresser à un laboratoire américain, où alors là, le principe était le suivant. Il existe deux formes de thyroxine. La levothyroxine qui est utilisée médicalement, et la dextrothyroxine qui n'a pas exactement le même profil d'activité biologique, qui est évacuée évidemment du traitement des hypothyroïdies. traitement des problèmes chirurgiens. Et on a donc fait faire des études en colonne chirale qui permettent de séparer les composés d'extrogir, les composés lévogir, etc. Là, on a mis en évidence un pic d'extrogir qui posait un problème. Il est évident que pour arriver à se lancer dans cette opération-là, il fallait des financements. Et ça coûte, notamment quand on veut des standards de l'évothyroxine, ça coûte très cher. Donc, on s'est arrêté à la mise en évidence de ce pic dont on demandait l'explication à l'ANSM.

  • Speaker #0

    Excellent. Alors, je me permets de faire une petite pause, un petit rappel, simplement pour souligner ce rôle absolument fantastique que vous avez eu de ne pas vous contenter des explications. On est un métier où on fait de la science, on dispose des outils. qui nous sont imposés, ne serait-ce que par la technologie, vous avez eu à cette époque-là l'intime conviction que les outils dont disposait en l'occurrence la NSM, qui vous répondait que le bilan standard était correct, vous avez eu déjà l'intuition qu'il fallait aller un petit peu plus loin et que la réalité nous laissait penser qu'il y avait vraiment un problème. Et donc, si le rapport standard nous répondait qu'il n'y avait pas de problème, il fallait peut-être chercher d'autres outils. d'autres technologies. Et c'est vraiment la démarche scientifique de base. Et il faut vraiment le saluer parce que je trouve ça extrêmement intéressant dans cette histoire. Donc, au début, vous pensez aux impuretés, on vous répond qu'il n'y en a pas. Donc, vous allez vous-même démarcher des laboratoires pour se poser la question des nanoparticules et puis de ce fameux pic d'extrogire qui serait donc contaminant, j'imagine, dans les médicaments, qu'il n'y aurait rien à faire ici. Et du coup, donc... Vous avez été financés par qui ?

  • Speaker #1

    Les malades.

  • Speaker #0

    Par les malades.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire, les malades qui cotisent les adhérents à l'association française des malades de la thyroïde, c'est leurs cotisations qui ont payé ça. C'est fantastique. C'est-à-dire, cette association ne bénéficie d'aucune subvention. Elle a tenu à garder son indépendance absolue vis-à-vis des laboratoires, de la puissance publique, etc. Donc, ça représente vraiment les malades et il n'y a aucun moyen de pression sur cette association qui représente les malades.

  • Speaker #0

    C'est magnifique. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés ? Parce que j'imagine qu'elles ont dû être immenses. Est-ce que tu peux me raconter les principales difficultés que vous avez rencontrées pour obtenir des résultats, des résultats fiables, pour avoir accès à ces différentes techniques ? J'imagine que vous alliez avoir des réticences, des pressions. Est-ce que tu peux brièvement me dire quelles étaient les principales difficultés ?

  • Speaker #1

    Alors la première difficulté, ça a été d'avoir l'étude de bioéquivalence, sur laquelle est fondée... l'introduction de la nouvelle formule qui était, à entendre les autorités et le laboratoire, substituable sans aucun problème à l'ancienne. Donc on a fini vers le mois d'octobre, quelque chose comme ça, donc ça fait plusieurs mois après le début, on a obtenu les résultats de cette étude de bioéquivalence. Et je me souviens qu'à la Direction Générale de la Santé, quand on nous a présenté sur table les résultats, J'ai sauté au plafond et j'étais le seul d'ailleurs au passage en disant mais ça n'est pas possible. Une étude avec un tel nombre de malades, c'était considérable. C'était 216 malades alors que d'habitude on en a 20, 40, 50 mais pas plus. Pourquoi ? Puis deuxième chose, quand on regarde les coefficients de variation, qui compare l'ancienne et la nouvelle formule, finalement, je trouvais que les coefficients de variation étaient considérables, sachant que plus l'effectif est important, plus, en théorie, par calcul, le coefficient de variation diminue. Donc là, on avait deux choses qui me gênaient, et une troisième chose, c'est le principe même de l'étude de bioéquivalence. Pour un médicament à marge thérapeutique étroite, on donne 600 microgrammes. de l'évothyrox quand la dose thérapeutique habituelle pour la plupart des patients se situe aux alentours de 100 microgrammes, la dose moyenne disons, donc 6 fois la dose. Or, plus la concentration qu'on mesure dans le sang est élevée, plus les coefficients de variation diminuent. Donc on était dans une optique déjà qui sous-estimait à mon avis les risques et je rajoute enfin qu'il n'y avait pas eu de correction du taux de base, c'est-à-dire On rajoutait à ce qui était introduit sous forme de médicaments le taux de base fabriqué par la thyroïde en place pour des volontaires sains parce que ces études sont faites sur les volontaires sains et pas les malades. Une bioéquivalence est faite sur des volontaires sains. Donc on est dans tout à fait autre chose que la clinique. Ce qui m'a amené à dire que cette étude de bioéquivalence, ce travail aurait été refusé. dans toute revue clinique à comité de lecture.

  • Speaker #0

    Je complète ton propos pour souligner le fait que tout ça n'a été permis que grâce à ton travail et à tes différentes casquettes, parce que non seulement tu soignes, tu es médecin, mais tu connais aussi la pharmacie et la biochimie, et également l'épidémiologie, c'est-à-dire quand on te présente des articles et des études. Tu as un regard extrêmement critique sur le sujet, ce que tout le monde n'a pas. Et donc, c'est grâce à tout ça que tu as pu quand même faire la synthèse et puis essayer d'aller un petit peu plus loin et de ne pas te contenter des papiers qu'on te présentait.

  • Speaker #1

    Exactement. Alors, pour la petite histoire aussi, au début de ma carrière, on m'avait chargé de mettre en place ou en tout cas de collaborer à la mise en place du dépistage néonatal de l'hypothyroïdie. Puis, j'avais évidemment repéré sur la partie santé publique, évidemment, beaucoup de choses. dans le détail et qui n'a rien à voir. Quand vous voyez des papiers buvards pour les tests néonataux mis sur un radiateur pour faire des économies de courrier, vous sautez au plafond en vous disant « ça ne marchera jamais » . J'ai vu beaucoup de choses, donc ça permet d'avoir le recul.

  • Speaker #0

    Je voulais le souligner parce que c'est quelque chose de rare maintenant, d'avoir cette transversalité. D'ailleurs, le système et les études de médecine nous poussent à travailler en silo, en organes, en spécialités. Et ça nous empêche d'avoir cette vision un petit peu transversale de la santé, de la médecine, et puis de critiquer les papiers quand on n'est pas épidémiologiste, de critiquer une composition biochimique d'un médicament quand on n'est pas pharmacien. Et je trouvais cette notion extrêmement importante. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Et si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

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