- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur, le podcast des médecins généralistes. Aujourd'hui, nous allons nous plonger dans l'univers fascinant des zones bleues, ces régions du monde où l'on vit étonnamment longtemps, et voir ce qui se cache derrière leurs secrets de longévité. Pour nous éclairer, j'ai la joie d'accueillir le docteur Maxime Léger, médecin anesthésiste réanimateur en poste à l'hôpital UCSF à San Francisco. Maxime est passionné de médecine proactive et l'auteur de la newsletter « À la source » , dans laquelle il décrypte les dernières avancées scientifiques pour mieux comprendre la santé et agir concrètement au quotidien. Dans cet épisode, il va nous aider à faire le tri entre mythes, storytelling et vraies recommandations scientifiques. Ensemble, nous découvrirons comment les principes issus des zones bleues peuvent trouver leur place dans notre pratique de médecin généraliste et comment nous pouvons en faire profiter nos patients pour les aider à vivre mieux et plus longtemps. Salut Maxime !
- Speaker #1
Salut, merci pour l'invitation, ça me fait super plaisir d'être avec vous aujourd'hui.
- Speaker #0
On enregistre très tôt ce matin pour toi, tu es à San Francisco. Est-ce que tu veux d'abord te présenter succinctement Maxime, s'il te plaît, puis nous expliquer ce que tu fais là-bas ?
- Speaker #1
Oui, carrément. Je suis médecin, anesthésiste réanimateur de formation. J'ai un parcours académique et c'est via ce parcours académique que j'ai eu l'opportunité de venir ici à San Francisco, via mes contacts de recherche et j'ai la chance de pouvoir exercer. J'exerce l'anesthésie au quotidien ici à UCSF, c'est l'hôpital universitaire de San Francisco. Ça fait deux ans que je suis là maintenant, ma mobilité commence à toucher à sa fin, mais en parallèle de ça, je me suis intéressé à la médecine préventive, comment améliorer sa santé au quotidien, et c'est en ça que je creuse pas mal tous ces sujets-là, et ça m'a motivé à commencer à écrire la newsletter, et les choses allant en avant, je me suis intéressé aux zones bleues, et c'est comme ça que tu m'as contacté.
- Speaker #0
Exactement, parce que tu es l'auteur de la newsletter à la source, super newsletter, moi je la lis très régulièrement, et tu décryptes les derniers articles scientifiques que tu d'ailleurs critiques bien volontiers, et c'est ça qui est vraiment passionnant. Et la dernière que j'ai lu, c'était sur les fameuses zones bleues. Est-ce que tu peux nous décrire ce que c'est que ce concept des zones bleues pour un médecin qui n'en a jamais parlé ?
- Speaker #1
Avec plaisir. Donc à la base, ça part quand même d'une recherche scientifique, c'est ça qui est intéressant. Donc c'est deux chercheurs, c'est un démographe. Et un médecin, le démographe, c'était Michel Poulin, c'était un démographe belge. Et Gianni Pesce, qui était un médecin italien, qui avait eu l'idée d'étudier des villages en Sardaigne où il y aurait potentiellement des personnes qui vivaient plus longtemps, des centenaires. Et donc, d'essayer de repérer en épluchant les registres de naissances et de décès, essayer de voir s'il y avait des villages où il y avait plus de centenaires que... que la population normale générale de Sardegne et du reste du monde. Et donc, en fait, ils répluchaient tous les registres de Sardegne, ils mettaient un point bleu sur chaque village qui avait une démographie atypique. Et en fait, à force de mettre des points bleus, ça créait des zones bleues. C'est pour ça que ça s'appelle les Blue Zones. Tout est parti de là. Et donc, ils ont fait un papier scientifique en 2004, qui peut être facilement retrouvé dans PubMed. Et donc, c'est cette recherche scientifique, initialement, qui a créé le concept de Blue Zone. Après, ça a été vraiment... popularisé, ça a vraiment été mis au goût du jour via une troisième personne qui s'appelait Dan Bettner, qui est un écrivain de National Geographic, explorateur, qui aussi s'intéressait à la longévité en parallèle et qui, en lisant cet article-là, s'est mis en contact avec ces deux personnes-là, a écrit un article qui a vraiment fait le buzz en 2005 dans National Geographic. Ensuite, après, c'est devenu un business, il a écrit un livre. Une série Netflix crée une société autour de ça qui a vraiment popularisé et mis au goût du jour le concept de Blue Zone. Mais initialement, c'était vraiment un concept scientifique, étudier des villages où il y avait plus de centenaires. Et à partir de ça, essayer de trouver les facteurs qui expliquaient cette longévité exceptionnelle dans ces villages-là.
- Speaker #0
Du coup, quels sont ces facteurs ?
- Speaker #1
Donc initialement, ce qui a été recherché, c'était des facteurs génétiques, comme on pouvait expliquer un seul endroit que des personnes vivaient plus longtemps. Donc la génétique a été étudiée. En fait, la génétique, ça explique 20% de l'espérance de vie des personnes, peut-être un peu plus lorsqu'on s'intéresse aux centenaires. Et donc il y a probablement d'autres facteurs intéressants à étudier. Donc on est venu par conséquence à étudier le mode de vie, et donc les différents facteurs du mode de vie. C'est à partir de ça qu'il a rédigé son article et ses livres. C'est une manière qualitative, sur aucune donnée, c'était vraiment de l'observation. Essayer de trouver à partir du mode de vie dans ces villages, les facteurs de santé qui pouvaient optimiser l'espérance de vie. Sans tous les citer, lui il a un site neuf, mais sans tous les citer, globalement ça tourne autour de l'alimentation, essayer de faire de la restriction d'alimentation. Il dit qu'il faudrait atteindre 80% de sa salicité. Ce n'est pas allé jusqu'au 100% de société. Ils mangent du végétal, donc ils prennent une alimentation plutôt végétale. Après, c'est sur l'activité physique, donc c'est plutôt les mouvements au quotidien dans ces villages-là qui étaient ruraux. C'est sûr que c'était souvent des éleveurs de chèvres, etc., qui bougent au quotidien, qui font beaucoup de mouvements au quotidien. On en est aussi sur tout ce qui est la communauté. Ils prenaient la pratique religieuse, la place prépondérante dans la famille. garder un tissu social. En gros, c'est les trois domaines qui sont mis en valeur par Dan Butner et ses acolytes, qui font partie du mode de vie et qui sembleraient être associés, selon lui, à une longévité plus longue.
- Speaker #0
Ok, donc les zones bleues, c'est, tu le dis, la génétique, ça inclut à 20%, ça participe à hauteur de 20% sur la longévité. Tu me parles d'alimentation, de restrictions caloriques. d'alimentation végétale, d'activité physique, l'importance de la communauté, du lien social et d'une spiritualité, du coup, avec la religion. Est-ce que la science est formelle là-dessus ? Toi qui es un petit peu spécialiste du sujet et qui potasse un petit peu les articles sur ces thématiques, est-ce que c'est clair que les facteurs que nous venons de citer permettent de vivre plus longtemps ?
- Speaker #1
Si je reprends les Blue Zones, ça a quand même été critiqué depuis par les scientifiques, ce concept-là. Les données ne sont pas hyper chiables au niveau des registres. Ce sont des registres de villages ruraux de Sardaigne. Il y avait pas mal d'erreurs. Les dates de naissance n'étaient pas standardisées. Il y avait des personnes qui étaient décédées et qui étaient quand même laissées vivant dans le registre. Donc probablement que le concept n'est pas aussi solide et robuste sur le plan scientifique que ce qu'il annonce initialement. N'empêche qu'après, l'intérêt de... Je pense que ce qui est intéressant dans les Blue Zones, c'est que ça a mis au goût du jour. ce concept de médecine préventive, de l'amélioration de ces facteurs de santé au quotidien qui peut optimiser globalement la santé et la longévité. Il y a eu des études depuis, c'est-à-dire que ça date de 2005, donc maintenant, ça fait il y a 20 ans. Il y a eu des études depuis, les domaines qui semblent avoir le plus de données, c'est quand même celles sur l'activité physique et le mouvement au quotidien. On sait bien que les personnes qui ont plus de pas au quotidien sont celles qui ont moins de maladies cardiovasculaires, de risques cardiovasculaires et qui ont moins de mortalité. Tout ce qui est nutrition, alimentation, c'est plus compliqué parce que les études en nutrition, c'est compliqué de les faire. Sachant qu'on modifie notre alimentation au quotidien, qui peut dire que pendant 10 ans, il a mangé exactement le même plat tous les jours. Et puis, c'est des études qui sont longues à faire. Essayer de suivre des personnes sur 10-20 ans, c'est excessivement cher. Donc, en fait, les essais randomisés en nutrition, il n'y en a quasiment pas. et des suivis à plus de 10 ans, ça n'existe quasiment pas non plus. Donc la nutrition, c'est plus compliqué. Les seules données qui sont assez robustes, c'est sur les produits transformés. Et c'est, je pense, en ça où l'étude de ces villages était pertinente. C'est que c'est des villages qui n'étaient pas du tout exposés au mode occidental, et à tous ces produits ultra transformés. Et donc, je pense que là-dessus, maintenant, on est assez formel pour dire que oui, ces produits qui sont... pas très intéressants sur le plan nutritionnel et qui sont très riches en calories, sont malheureusement assez nocifs pour la santé au global et donc à terme ont un impact négatif sur la longévité. Et enfin sur la communauté, pareil, on a moins de données, mais on sait aussi que c'est un impact assez majeur, notamment sur les personnes les plus âgées, celles qui sont en isolement social, sont celles qui vont malheureusement avoir moins de contacts. moins de sécurité, que ce soit d'aide au quotidien ou financière, et qui seront plus à risque de complications et d'événements.
- Speaker #0
Très bien, donc les hypothèses initiales de ce village de Sardegne, il y a plusieurs dizaines, plusieurs décennies, ont été progressivement confirmées par les données de la science, à savoir, je le rappelle, l'alimentation, l'activité physique, le lien à la communauté, etc. Bien qu'il y ait du flou au départ, on peut quand même penser que ce sont de bonnes idées pour la santé. Du coup, parmi tous ces facteurs de longévité que tu as identifiés dans ces blue zones, est-ce qu'il y en a qui te paraissent plus pertinents à mettre en pratique ? dans un cabinet de médecine général, par exemple, ou autre. Et surtout, comment, nous, les médecins, on peut encourager nos patients à adopter un mode de vie inspiré de ces principes ? Parce qu'il y a vraiment deux choses différentes. Il y a le fait de le transmettre et surtout de passer à l'action.
- Speaker #1
C'est super intéressant. C'est probablement la question la plus compliquée. En fait, on est d'accord pour dire que sur le principe, c'est des... Ce sont des concepts qui sont bien intéressants, qui favorisent la santé. La mise en pratique et l'information du patient, ça devient un peu compliqué. On le sait tous, on est toujours en speed au quotidien, c'est jamais simple et ça prend du temps d'aborder ces thématiques-là. Je pense néanmoins que c'est primordial. Je pense qu'une manière assez simple de l'aborder... D'ouvrir la discussion, c'est ne serait-ce que poser des questions sur ce thème-là aux patients, ce qui permet déjà d'ouvrir la discussion, de savoir si, au-delà de faire de l'activité physique, si les personnes marchent, si elles bougent, si elles sortent de chez eux, pour les personnes les plus âgées, si elles ont cherché leur baguette à pied, je pense que c'est déjà une question qui peut être abordée. Au niveau de l'alimentation, savoir si elles cuisinent elles-mêmes, si elles mangent en communauté, je pense que c'est déjà des questions qu'on... facilement aborder pour des consultations et après, savoir si pour la communauté, savoir si elles peuvent avoir le soutien de quelqu'un si elles ont, à l'insence, le besoin. Je pense aussi que c'est des questions simples qu'on peut facilement aborder et qui peuvent déjà donner pas mal de renseignements. Déjà, ouvrir la discussion, ça peut donner lieu à avoir des routines, des habitudes de la personne sur lesquelles on peut appuyer Merci. et sur lesquels on peut s'appuyer pour l'aider à obtenir des effets bénéfiques. Et donc, je pense qu'ouvrir la communication et la discussion, c'est le premier point. Après, je pense aussi qu'en tant que médecin, on peut être promoteur de ces points-là. Et donc, là-dessus, je pense qu'il y a plein de démarches intelligentes à faire. Et je pense aussi que l'intelligence de Dan Butner, c'était son storytelling. Et c'est ça qu'il a su faire, c'était rendre sexy la médecine préventive. Je pense que c'est notre challenge au quotidien. Donc là, il faut être malin, il faut savoir comment le faire. Ça peut aller de l'information en salle d'attente, donc une affiche en salle d'attente, ça peut être la promotion d'associations de patients, ça peut être la promotion d'associations de personnes qui font de la marche, la promotion d'activités de marche, pourquoi pas organiser des activités de marche qui partiraient du cabinet. Là, je pense que ce qui est intéressant, c'est qu'il y a plein de possibilités. Je pense qu'en fonction de ton activité médicale, en fonction de ta patientèle, il y a des choses à proposer.
- Speaker #0
C'est super intéressant. C'est vrai que la facilité, c'est de faire peur et d'expliquer les futures complications des pathologies, alors que c'est beaucoup plus ingénieux de faire envie les gens et de leur promettre quelque chose de beaucoup mieux, un état de santé qui s'améliore pour leur permettre fonctionnellement de faire des choses qu'ils ne pourraient plus faire, en promouvant des choses beaucoup plus vertueuses. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Et si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous, à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. A très vite sur le podcast.