- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Saviez-vous, chers confrères, qu'avec les anesthésistes et les chirurgiens, les médecins généralistes étaient les praticiens les plus poursuivis judiciairement ? En fait, ces mises en cause témoignent de l'extrême variété des situations cliniques rencontrées dans notre discipline. Si les indemnisations prononcées sont très hétérogènes d'un dossier à l'autre, en fonction du préjudice subi, les décisions pénales restent heureusement rares. Alors, pour nous parler de la sinistralité de notre profession, Notre confrère Thierry Ouzelstein, directeur médical du groupe MACSF, me fait l'honneur d'être mon invité sur cet épisode. Bonjour Thierry.
- Speaker #1
Bonjour Mathieu.
- Speaker #0
Alors Thierry, que peut faire un patient en cas de litige avec son médecin généraliste ?
- Speaker #1
Alors le patient a toujours raison entre guillemets lorsqu'il veut réclamer vis-à-vis d'un de nos confrères. Il faut bien comprendre qu'à partir du moment où un patient estime avoir été mal pris en charge, Quel que soit le motif, c'est lui qui a toutes les clés en main pour porter une réclamation. Je m'explique, vous pourrez lui expliquer tout ce que vous voulez, que c'est la faute à pas de chance, etc. S'il veut porter réclamation, il le fera. En pratique, et pour aller plus loin, le patient peut réclamer d'une façon amiable. Vous l'avez pris en charge pour effectuer... tel bilan, il estime que le bilan a trop tardé, ce qui a conduit en retard à la prise en charge de telle pathologie, il peut estimer que votre prise en charge n'est donc pas conforme, il va vous écrire un petit mot, vous demander 10 000 euros de dommages et intérêts et l'affaire en reste là. Ça c'est la réclamation amiable. Il peut aller voir un avocat et puisque vous êtes pour la plupart des libéraux, l'avocat va débuter une procédure devant le tribunal judiciaire, ce que l'on appelait auparavant le tribunal de grande instance. et vous allez recevoir une assignation via un référé expertise. Troisième possibilité, le patient peut saisir ce que l'on appelle une commission de conciliation et d'indemnisation qui permet la désignation d'un expert et la mise en place d'une expertise dans un délai entre 4 et 6 mois. C'est une procédure qui est gratuite pour le patient, qui débouche sur une expertise à laquelle vous êtes fortement convié. Je mettrai à part deux autres modes de réclamation. Le patient peut également aller à l'ordre des médecins sans difficulté. L'ordre est compétent sur des questions de déontologie, mais pas de responsabilité médicale au sens de la prise en charge. Et le dernier cas de figure, qui est celui que l'on redoute le plus, c'est bien évidemment la réclamation dite pénale, une procédure pénale, puisque là, on ne rigole plus du tout. Vous risquez des interdictions d'exercice temporaires ou définitives, voire des peines de prison et des amendes. Le patient peut mixer l'ensemble de ces modes de réclamation. Il peut commencer à l'amiable. S'il n'a pas satisfaction, aller voir un avocat, débuter une procédure judiciaire. En parallèle, il peut également débuter une réclamation CCI. Et pour faire bonne mesure, vous coller une réclamation ordinale.
- Speaker #0
Très bien, ça fait donc de multiples voies pour réclamer réparation auprès de son médecin. Votre compagnie, la MACSF, a consigné... tous les motifs de réclamation des patients de généralistes assurés chez vous en 2022. C'est donc une véritable mine d'informations. Est-ce que vous pouvez nous rapporter quels sont les types d'événements qui amènent les patients à se plaindre de leur médecin et éventuellement à tenter une action contre lui ?
- Speaker #1
La première grande catégorie concerne les retards ou erreurs de diagnostic, et ce, quelle que soit la pathologie prise en charge. Alors, il y a bien évidemment des erreurs ou des retards de diagnostic de pathologie tumorale. Je pense par exemple à des résultats de PSA que vous demandez d'une façon très régulière. Et puis, manque de chance, un résultat de PSA qui est anormal est classé par votre assistante ou votre secrétaire sans avoir été vu. Ça arrive malheureusement fréquemment. Des retards au diagnostic de pathologie tumorale colique. Un patient qui vient consulter à plusieurs reprises pour des douleurs abdominales avec des troubles du transit, etc., que l'on attribue à des troubles fonctionnels intestinaux, on hésite quand même à demander un avis auprès d'un gastro avec une coloscopie. Et on se retrouve un an, deux ans après avec malheureusement une tumeur un peu plus évoluée. Retard au diagnostic, essentiellement de pathologie tumorale. L'autre pôle de vigilance concerne la prise en charge des patients, notamment sur le plan thérapeutique, dans la gestion des traitements. Je pense notamment à une tendance que l'on a constatée. Les médecins généralistes reconduisent de plus en plus de traitements prescrits par des spécialistes. La surveillance de ces traitements n'est pas toujours... parfaitement comprises ou interprétées par le médecin généraliste, ce qui conduit parfois à des complications. Je pense par exemple à des traitements de type Pentasa ou autres qui peuvent être mal interprétés, notamment au niveau de la surveillance biologique. Vigilance également concernant, dans cette prise en charge, certains traitements des myothérapies ou autres, ou des immunosuppresseurs. On a régulièrement des sujets concernant... le méthotrexate, avec des reconductions d'ordonnances, avec un mix entre des prescriptions journalières, hebdomadaires, voire mensuelles, et parfois des forces sur dosage qui conduisent à des complications hématologiques assez dramatiques. Également des difficultés dans la gestion post-opératoire. La montée en puissance de l'ambulatoire a conduit à ce que le médecin traitant, le médecin généraliste, soit le premier... concerner dès lors que les suites ne sont pas tout à fait aussi simples que ce qui était prévu. C'est vous qui allez être appelé en fin de journée alors que le patient vient de sortir du centre ambulatoire, douleur abdominale après tel geste chirurgical ou telle exploration. Attention, là aussi, n'hésitez pas à réadresser si besoin et je vous rappelle que théoriquement, le centre d'ambulatoire doit laisser partir son patient avec un mode de synthèse de ce qui a été fait quand même. Ça, c'est le principe. Ensuite, on a pôle de réclamation concernant les médicaments, mais sur le plan, sur le versant iatrogénie. J'ai parlé tout à l'heure du méthotrexate, mais on est plutôt sur des erreurs de prescription. Le pôle de iatrogénie concerne essentiellement l'utilisation de certains antibiotiques qui peuvent être déconseillés. On a des sujets d'allergie, alors qu'en théorie, ces éléments devraient être recherchés. Un point de vigilance concernant également la la prescription des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans des pathologies infectieuses, notamment de la sphère ORL. On a tous connu cette situation, un patient qui a un petit peu mal à la gorge, qui le nez coule, etc. On prescrit un anti-inflammatoire, entre autres, et puis on dit on va revoir un petit peu. Et ces prescriptions d'anti-inflammatoires peuvent complètement masquer des symptômes ou des tableaux infectieux, de vrais tableaux infectieux. qui peuvent être gravissimes. Et puis un dernier point de vigilance pour être complet, concernant certains actes que vous pouvez effectuer, des actes techniques que vous pouvez effectuer dans votre cabinet médical, je pense par exemple à de l'acupuncture, certaines infiltrations articulaires ou des actes de médecine esthétique, ce qui est de plus en plus fréquent. Attention là aussi concernant les sujets d'asepsie, de désinfection, et pour les infiltrations articulaires, attention aux patients sous anticoagulants.
- Speaker #0
Très bien, donc vous nous avez compilé les plus gros dossiers de réclamation de votre compagnie. Les quatre principaux axes, c'est donc, je le rappelle, les retards diagnostiques, puis les problèmes de prescription médicamenteuse, les soucis de iatrogénie. Il y a aussi les défauts de prise en charge, notamment post-opératoire. Et enfin, les problématiques liées à des gestes techniques. Au vu de ces différents soucis et des exemples que vous avez mentionnés, est-ce qu'on peut dégager quelques idées afin d'éviter des procès médicaux ?
- Speaker #1
Ma recommandation, si on parle vraiment médico-légal, est de tracer ce que vous avez constaté. Je m'explique, le dossier médical est ce qui va être analysé lorsque vous serez confronté. à une expertise et ces expertises peuvent intervenir plus de 10 ans après votre prise en charge. Donc on conçoit bien que si nous sommes actuellement le 30 novembre, sauf à faire de ma part, 30 novembre 2023, si dans 8 ans je vous demande, parce que nous sommes en expertise, quels étaient les signes neurologiques de tel patient qui venait simplement pour s'effaler, Si vous n'avez pas un dossier médical particulièrement bien tenu avec les signes positifs et négatifs, il va être très compliqué pour vous d'indiquer que vous avez bien vérifié les réflexes. Il n'y avait pas de déficit, etc. La traçabilité, je ne doute pas que vous effectuiez des examens cliniques complets, je vous le recommande. Mais tracez tout ce que vous pouvez noter, les signes positifs et les signes négatifs, même si parfois c'est un peu long et ça peut rallonger. les consultations, mais sur le plan médico-légal, c'est fondamental. Pensez également... à ne pas hésiter à dire à vos patients, voilà ce à quoi je pense, si l'évolution est différente, revenez ou reconsultez. Ça, c'est fondamental. N'hésitez pas à rajouter un mot sur l'ordonnance en cas d'évolution inhabituelle, ne pas hésiter à reconsulter ou contacter le 15. Pensez également que vous avez un devoir d'information vis-à-vis de vos patients. C'est le médecin qui doit informer le patient à la fois du diagnostic, du traitement instauré et des effets secondaires possibles des traitements. Et le dernier point, lorsque vous faites l'objet d'une réclamation d'un patient, quand vous voyez que votre patient commence à ne plus être uniquement sur une relation purement médicale, mais vous reproche des éléments, rapprochez-vous de votre assureur RCP, il est là pour ça. Contactez votre assureur RCP dès que vous êtes confronté à un sujet médico-légal.
- Speaker #0
Très bien. Vous nous avez surtout bien alerté sur l'exposition majeure du médecin généraliste, des différents points litigieux que nous pouvons rencontrer dans nos pratiques. Est-ce que vous voulez rajouter un mot de fin, Thierry ?
- Speaker #1
Merci Mathieu pour cette invitation. Pour conclure, je me répéterai, mais l'exercice médical en médecine générale... Pour moi, une des activités les plus difficiles, il faut beaucoup de vigilance. Si vous avez le moindre doute en fonction de votre expérience, bien évidemment, n'hésitez pas à solliciter des avis complémentaires, même si on n'est pas tout à fait sur les recommandations. Le médico-légal, c'est quelque chose qui maintenant est complètement dans les normes pour les patients. Il n'hésite plus à réclamer vis-à-vis des médecins. Le statut sacro-saint du médecin a disparu malheureusement depuis quelques dizaines d'années. Donc, soyez tout aussi prudents, ne soyez pas parano, mais gardez en tête que le médico-légal en médecine, ça existe également. Et au moindre doute, contactez votre assureur RCP.
- Speaker #0
Merci infiniment, Thierry.
- Speaker #1
Merci à vous. A très bientôt. Au revoir,
- Speaker #0
à bientôt. J'espère que cet épisode t'a plu. Si c'est le cas, pense à t'abonner pour ne rater aucun épisode. Si tu veux me laisser une note de 5 étoiles sur ton application, ça m'aiderait aussi beaucoup. Tu peux également rejoindre la newsletter afin de recevoir une fois par mois un mail dans lequel je te transmets plein de contenus pour la médecine générale. Enfin, tu peux participer financièrement sur la cagnotte Tipeee. Toutes les ressources sont dans les notes de cet épisode. A bientôt !