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Un café au comptoir - masterclass art, littérature et création

Jean d'Amérique, poète, au café Floreal Belleville

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40min |03/06/2024
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Description

Un café au comptoir avec Jean d'Amérique, enregistré au Café Floréal Belleville, 43 rue des couronnes à Paris (20e)


Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d’un ouragan meurtrier. S’il  les manipule avec précaution, c’est qu’ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux mais  elle est toujours explosive . Elle est enragée tumultueuse, sur elle souffle le vent violent de sa révolte.


Haïtien. Poète. Mais pas poète haïtien. Ce serait trop simple. Lui ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boite au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela.


Mais qu'est il réellement ? Poète ? Ça, oui, c’est certain. En revanche il a rayé les noms de dramaturge et romancier de sa biographie officielle. Mais on pourrait aussi  le qualifier de slammer, car il a posé sa voix sur des musiques trap. Il est egalement responsable d'un festival de poesie, et qui sait si un jour on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre ?


Cet artiste né en Haiti est venu à l’écriture grâce au rap qui l’a inspiré quand il avait 12, 13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grace à ses professeurs il découvre le plaisir de la lecture puis celle de la poésie, un genre littéraire extrêmement   dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franketienne qu'il lit, comme il lit le martiniquais Aimé Césaire. Puis à 18 ans, à la faveur d’un livre d’occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro américaine a avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis il n'a plus de doute, puisant dans la douleur Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots  pour dire les blessures de son âme  mais aussi celles des autres.


Chansons , poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son oeuvre prolifique quelqu'en soit la forme , exprime l'urgence de ses sentiments .

Il impressionne  et c'est bientôt loin de son île, en France , qu on lui décerne de nombreux prix notamment  le Prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie rouge, en 2022.


Celui pour qui « Etre haïtien, c’est attendre sa balle. » a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans les vagues chaloupées du kompa de Carimi ou Tabou Combo quant à ses   poèmes , ils sauront  vous faire chavirer.


Et c’est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qui l'a conduit de de Port au Prince, à Paris, que j’ai retrouvé ce poète sans frontière au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir !


Emission présenté par Alexis Himeros

https://instagram.com/alexishimeros


Avec Jean d'Amérique

https://www.instagram.com/jeandamerique/




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au coude-bois. Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d'un ouragan meurtrier. S'il les manipule avec précaution, c'est qu'ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux. Mais elle est toujours explosive. La beauté de ses phrases vient de la violence qui arme le vent violent de sa révolte. Haïtien, poète, mais pas poète haïtien, ce serait trop simple. Lui, c'est un poète Ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boîte au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela. Mais qu'est-il réellement ? Poète ? Ça oui, c'est certain. En revanche, il a rayé les noms de dramaturges et romanciers de sa biographie officielle, j'ai vérifié sur le site. Mais on pourrait aussi le qualifier de slameur, car il a posé sa voix sur des musiques trappes. Il est également responsable d'un festival de poésie et qui sait si, un jour, on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre. Tout est à voir, cet artiste né en Haïti est venu à l'écriture grâce au rap, qu'il a inspiré quand il avait 12-13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grâce à ses professeurs, il découvre le plaisir de la lecture, puis celui de la poésie, un genre littéraire extrêmement dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franck Etienne, qui lit, comme il lit le Martiniquais. Aimé Césaire, puis, à 18 ans, à la faveur d'un livre d'occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis, il n'a plus de doute, puisant dans la douleur de Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots pour dire les blessures de son âme, mais aussi celles des autres. Chansons, poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son œuvre prolifique, quelle qu'en soit la forme, exprime l'urgence de ses sentiments. Il impressionne et c'est bientôt loin de son île en France qu'on lui décerne de nombreux prix, notamment le prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie Rouge en 2022. Celui pour qui être haïtien c'est attendre sa balle, a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans des vagues chaloupées, loin du compas de Karimi ou Tabou Combo, quant à ses poèmes, ils sauront vous faire chavirer. Et c'est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qu'il a conduit de Port-au-Prince à Paris, que j'ai retrouvé ce poète sans frontières au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir. Bonjour Jean d'Amérique.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis, quelle magnifique présentation. Mille merci.

  • Speaker #0

    Merci à vous. Est-ce que vous vous sentez seul dans la nuit ?

  • Speaker #1

    Souvent, souvent, parce qu'autour de moi, il y a beaucoup de choses qui forment comme un magma d'ombre et parmi lesquelles j'essaie de... naviguer jusqu'à survivre et voir la lumière.

  • Speaker #0

    Je faisais référence à une phrase qui est dans Soleil à coudre, votre roman qui est sorti il y a quelques années maintenant.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la phrase que Tête Fêlée, elle entend souvent comme un disque dans sa tête qui ne s'arrête jamais. Et cette petite fille, elle essaye de grandir, de survivre, de devenir quelqu'un et elle est enfermée dans une longue nuit. Donc son combat... ça passe par l'amour, par l'écriture qui lui donne une fenêtre vers la vie.

  • Speaker #0

    On a l'impression qu'il y a un peu de vous dans ce personnage.

  • Speaker #1

    Sans doute, sans doute, parce que le décor qui est dans le roman, qui est le milieu où grandit Tête-Fellée, c'est un peu ce genre de lieu aussi où j'ai grandi. Donc j'ai pu connaître, même si ce n'est pas mon histoire exactement, littéralement, comme elle est dans le roman. Mais le décor est le mien, donc il y a forcément un peu de moi. Et puis dans ce rêve de vivre et de dépasser les conditions matérielles qui sont très précaires là-bas. l'écriture m'a donné un chemin.

  • Speaker #0

    Je pensais vraiment à ça, au rapport à l'écriture. Vous êtes quelqu'un qui s'est révélé grâce à l'écriture, grâce aux textes que vous lisiez, mais également vraiment par rapport aux textes que vous écriviez, que vous écrivez toujours. Je disais tout à l'heure cette urgence, parce que ce sont vos mots, cette urgence d'écrire. Comment vous la sentez au quotidien ?

  • Speaker #1

    En fait, Je dis littéralement que c'est l'écriture qui m'a donné la vie parce que quand on a une voix, quand on peut parler, qu'on sait qu'on a écouté, ça c'est grand, c'est fort. Surtout quand on a vécu dans des lieux où ça nous était pas donné. Donc pour moi c'est une aubaine en fait et j'ai tellement de choses à dire, j'ai tellement de... de choses que je vois autour de moi qui parfois m'indignent aussi. Et l'écriture, c'est l'endroit parfait pour pouvoir les exprimer. Donc je suis toujours habité par cette urgence, et c'est ce qui me fait écrire, c'est ce qui me fait avancer. Pour moi, c'est un acte toujours viscéral. Je me lève rarement un matin en me disant... sur quoi je vais écrire. Parce que je suis déjà traversé par trop plein de choses. Je cherche plutôt les mots pour les nommer, pour les dire. Mais c'est sûr que j'ai un lot de choses en moi qui ont besoin d'être exprimées.

  • Speaker #0

    Ce qui est fort dans l'écriture, c'est que vous pouvez vous mettre à la place d'un autre, vous imaginez d'autres vies, vous mettre à la place de cette petite fille. L'imagination, elle est sans frontières. Vous voyez ça comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, l'imagination c'est la plus grande chose qui nous soit donnée parce que l'esprit est libre. Moi ce que je fais, même si mon écriture prend encore vraiment dans la chair du réel, je me permets de déployer ça avec un monde imaginaire aussi. Parce qu'en même temps je décris. le monde dans lequel je vis, mais j'ai envie d'aller au-delà.

  • Speaker #0

    Vous le sublimez ?

  • Speaker #1

    Le sublimer, le transformer, et donner aux gens aussi un autre monde où ils peuvent se projeter. Donc pas juste faire un reportage du réel, mais dépasser ce réel, le rendre... Comment dire ? peut-être habitable si je parle en termes de rêve. Parce que quand j'écris quelque chose, je me dis que c'est très bien de voir la réalité, mais il faut donner de l'espace aux gens aussi pour respirer, se voir ailleurs, se voir dans un autre monde.

  • Speaker #0

    Je reviens sur Soleil à coudre. En même temps, dans Soleil à coudre, on est... On est dans une aventure, dans un monde qui est très oppressant. On ressent toute l'urgence qui peut exister dans ces rues de Port-au-Prince. Et on a l'impression que le soleil, effectivement, il faudrait le prendre sur un morceau de tissu et essayer de se le mettre dans le ciel pour le voir, car l'horizon semble totalement bouché. Et cependant, il y a cette petite lueur d'espoir qui naît. Vous, vous voyez la vie de cette façon-là ?

  • Speaker #1

    Oui, déjà, en Haïti, ce n'est pas pour rien que j'ai pris le soleil comme élément, parce qu'en Haïti, ça veut... ça veut dire l'espoir, ça veut dire la vie. Donc pour moi, c'est déjà une métaphore pour aller vers cette vie-là dont on rêve. Et d'un autre côté, la longue nuit, on en parlait tout à l'heure, c'est une métaphore du degré de violence dans laquelle mon pays est plongé. Donc cette longue nuit, c'est un peu... Oui, ces forces de l'ombre, ces forces de la répression, de l'oppression qui sont autour de nous et qu'il faut briser pour voir le soleil renaître, pour voir la vie donc renaître. C'est pourquoi je disais que la vie de Tête-Fellée que je raconte, elle est vraiment semée de plein d'obstacles, de plein d'embûches, mais... C'est une petite fille qui se bat constamment parce que son but c'est... c'est d'exister, de réclamer son droit à la vie, son droit à l'espoir. Et je crois qu'en Haïti, on a besoin de ça, surtout les jeunes de ma génération qui ont vécu beaucoup de moments sombres.

  • Speaker #0

    Vous pensez que les, je pense au monde occidental, les occidentaux ne comprennent pas ce que c'est Haïti, ne comprennent pas toute cette violence, ne comprennent pas comment c'est possible qu'on en soit arrivé là ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, oui, qu'on ne comprend pas vraiment.

  • Speaker #0

    On ne comprend pas notre responsabilité également ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai cette impression, parce qu'on reste souvent à la surface ici. Quelque part, c'est peut-être... Pas de leur faute, parce qu'il y a une vague qui arrive souvent par certains médias, donc ils vont rester sur le côté sensationnel de la chose, c'est-à-dire quand il y a tout d'un coup, je ne sais pas, une tuerie, on va plutôt parler de ça, mais on ne va pas chercher les racines de ce qui se passe. Et les racines de cette violence, pour les comprendre. il faut s'intéresser à ce peuple, à ce qu'il subit depuis quelques années, à ce qu'on a fait de l'État aujourd'hui qui n'existe presque pas et comment aussi la communauté internationale, les États-Unis, le Canada, la France, etc., comment ces pays-là ont une main aussi dans ce qui se passe en Haïti. Moi, ce que je souhaite... pour les gens en Occident, en France, je ne sais pas, c'est d'ouvrir les yeux un peu plus et de voir au-delà de cet écran qui est souvent superficiel. Et aussi d'essayer d'écouter, d'entendre les battements de cœur du peuple haïtien. Parce qu'on ne peut pas réduire la carte d'identité d'Haïti à un cycle de violence. Parce que cette violence-là, elle est plus représentative de ce qu'est l'État haïtien. Mais le peuple haïtien, je sais qu'il porte plein d'autres choses, qu'il porte une rage de vivre et il faut entendre ça aussi.

  • Speaker #0

    Un peuple, on l'espère, résilient. J'en profiterai juste pour faire un petit histoire. C'est vrai que Haïti, à son indépendance, a été un des premiers pays, c'est le deuxième pays d'Amérique, après les États-Unis, à être devenu indépendant, mais a été flanqué d'une dette colossale envers la France. Et cette dette, ils ont mis à peu près un siècle à la rembourser. Ça a freiné le développement et même les derniers intérêts ont été payés en 1952. commencent à se développer, en fait, clairement, en ayant toute une dette colossale à payer. Et ensuite, il y a eu des dictateurs, on peut le dire, qui ont spolié, finalement, toute l'économie du peuple haïtien, ce qui explique en partie la désorganisation qu'il peut y avoir aujourd'hui dans ce pays. Malgré tout, il y a un mouvement intellectuel tellement puissant en Haïti. dont on perçoit quelques représentants ici depuis des dizaines d'années. Je pense en musique à des artistes comme Vito Vaobas par exemple, Franck Etienne au niveau de la poésie, de la littérature. Vous aujourd'hui, comment on explique ce très haut niveau d'exigence intellectuelle qui émerge à chaque fois d'Haiti ? qui est sans doute, à niveau d'intelligence intellectuelle, quelquefois plus haut que ce qu'on peut avoir à Paris.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est incroyable. Je ne sais pas, franchement, je ne sais pas comment l'expliquer de manière rationnelle. Mais je crois qu'en Haïti, il y a beaucoup de raisons de s'exprimer déjà, parce que c'est un pays qui a connu dans son histoire, comme vous venez de l'expliquer, beaucoup d'épisodes de violence, donc il y a beaucoup de raisons de s'exprimer. Et si on fait l'histoire de la littérature haïtienne, on voit qu'elle a toujours accompagné les grands moments de lutte, les grands moments de révolte. Oui, les premiers poèmes haïtiens, c'est des poèmes de révolte, en fait. La littérature a toujours été présente de ce côté-là. Et j'ai l'impression, c'est l'endroit aussi où Haïti brille finalement. C'est-à-dire, s'il nous reste, ne serait-ce qu'une partie de notre visage qui soit présentable, ça passe beaucoup à travers l'art, à travers les créations artistiques. Parce qu'en fait, cette flamme-là, je pense que rien ne peut l'éteindre. quel que soit le degré de pauvreté matérielle ou de violence qu'on subit, la création artistique, on ne peut pas l'éteindre. On trouve toujours des moyens pour créer. Après, bien sûr, c'est... Comment dire ? C'est relatif. Enfin, il est question de moyens. On a besoin de moyens pour crier aussi. Mais je veux dire, c'est une flamme qui est allumée dans le cœur et qu'on ne pourra jamais éteindre. C'est-à-dire même sous les balles, on écrit encore. On a envie de crier encore.

  • Speaker #0

    C'est ça la force du poète ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça la force du poète. C'est comme dit... Aragon, on pourra tuer le poète mais jamais son chant. Pas plus tard qu'hier, je reçois un poème d'un jeune poète haïtien qui s'appelle Ricardo Boucher, qui vit à Port-au-Prince et qui est dans le feu de tout ce qui se passe là, qui est très en difficulté et qui m'envoie des poèmes. Je trouve ça formidable en fait. Et si ce n'est pas ça la vie, je ne sais pas ce que je peux nommer vie en fait. La vie pour moi, c'est cette envie-là d'exister même dans le dernier souffle, même dans le dernier élan. Et le peuple haïtien m'a appris ça.

  • Speaker #0

    Le mot est une arme pour vous ?

  • Speaker #1

    Oui, sans doute. Il y a une poétesse haïtienne qui s'appelle Ketli Mas qui dit... La poésie est une arme de construction massive. J'aime beaucoup cette phrase et je pense qu'elle a raison. Les mots nous permettent de nommer ce qui nous entoure, ce qui parfois nous fait du mal, et nous aident à ouvrir des portes vers un horizon où on peut trouver, où on peut espérer trouver de la lumière. Oui, les mots, c'est une force, c'est une arme. C'est ce que j'utilise tous les jours pour essayer d'atteindre des esprits, les réveiller. Des esprits.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression qu'il y a toujours un côté un peu mystique quand on vous voit parler des esprits. Vous y croyez, ce mysticisme qui est propre à Haïti également ?

  • Speaker #1

    Alors moi je ne suis pas croyant, ça c'est attesté, mais c'est vrai qu'en Haïti il y a une mythologie qui nous entoure et je crois qu'on a une connexion aussi avec... avec la vie, c'est-à-dire comme elle se décline à travers tous les éléments de la nature, tout ce qui nous entoure. Moi, j'ai grandi dans ça.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression, presque naturellement, qu'il y a une connexion avec les choses, avec les êtres vivants qui m'entourent. Je suis à l'écoute, on va dire.

  • Speaker #1

    Je discutais avec un joueur de tambour haïtien. Il refuse, il dit je ne fais pas du tam-tam, je ne fais pas des instruments, je fais du tambour haïtien, il s'appelle Atissou Loko. Et Atissou m'expliquait que les peaux de ces tambours ont été trempées dans la mer une nuit de pleine lune et c'était très important car ils ont été sacrés ensuite. Et il n'y a que comme ça qu'on peut savoir si le tambour va bien résonner avec les âmes autour. Et... Il est très sérieux quand il explique ça, et effectivement, son tambour provoque des trans aux personnes qui peuvent danser autour de lui. Et c'est pour ça que je disais que vraiment, le mysticisme est quelquefois très propre à Haïti, et c'est pour ça que je me posais la question dans vos écrits, est-ce que vous voulez le faire ressentir quelquefois ? Parce qu'on peut ressentir cela quand on le lit en tout cas.

  • Speaker #0

    En effet, en fait, il y a l'instrument là que vous évoquez, le tambour. En Haïti, pour nous, c'est plus qu'un instrument. Il y a même un proverbe qui dit, enfin, dès que l'haïtien, enfin, je sais traduire littéralement, mais en gros...

  • Speaker #1

    Dites-le, on a haïtien d'abord.

  • Speaker #0

    Dès que l'haïtien entend des tambours, il les veut danser. Enfin, dès que l'haïtien, il entend le tambour, ils dansent, forcément, parce que c'est un instrument qui est connecté littéralement à notre âme. Voilà, c'est une partie de notre identité. Moi, dans mon écriture, souvent j'utilise des motifs qui viennent de cette mythologie-là, liés au vaudou haïtien. Par exemple, dans Soleil à coudes il y a... Il y a souvent un voyage entre le visible et l'invisible. Par exemple, il y a un motif que j'ai mis dans le roman qui m'est inspiré quelque part par la mythologie vaudou, où en fait, tous les morts qu'il y a dans le livre, c'est comme s'ils ne sont pas vraiment morts. transformé, il s'évapore parfois.

  • Speaker #1

    Il se surveille.

  • Speaker #0

    Ouais. Et du coup, c'était un peu dans l'idée, dans le texte, comme la petite fille, elle voit beaucoup de gens mourir. C'était une manière de la consoler, en fait. J'ai trouvé dans ce motif-là une manière de consoler cette petite fille. En fait, c'est comme si les gens ne meurent pas vraiment. mais se métamorphose, se transforme, parfois s'évapore. Du coup, on ne sait pas vraiment. Et dans le vaudou, il y a cette idée que la mort, c'est le prolongement de la vie et il y a une connexion toujours entre les vivants et les morts. On donne beaucoup d'importance à ça. On parle même aux morts. Et même les cimetières en Haïti, c'est des endroits de vie aussi.

  • Speaker #1

    Quand vous évoquez Haïti, on voit dans vos yeux une certaine mélancolie. Haïti vous manque ?

  • Speaker #0

    Oui, Haïti me manque. C'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui aime s'accrocher à une nostalgie éternelle. Je vis en France depuis quelques années maintenant. J'essaie de vivre ici. en étant vraiment ici et ne pas chercher constamment Haïti ici, parce que je sais qu'elle n'est pas ici. Mais elle me manque quand même, parce qu'aujourd'hui, c'est vrai que je n'étais pas parti en exil, mais aujourd'hui, j'ai l'impression de vivre un exil intérieur, parce que comme je suis empêché... De rentrer dans mon pays quand je veux, par tout ce qui s'y passe et pour des raisons politiques aussi. Donc j'ai le sentiment d'exil maintenant. Donc souvent oui, ça me manque et j'essaie de garder une connexion, même à distance, ce qui s'y passe, etc. Et aussi de me connecter par la littérature, par d'autres formes artistiques.

  • Speaker #1

    On va faire un petit vrai ou faux, Jean d'Amérique.

  • Speaker #0

    Let's go. Un café ou un soin ?

  • Speaker #1

    Jean d'Amérique, vrai ou faux, vous adorez lire, fumer de l'herbe, écouter de la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Vrai. Mais où est-ce qu'il a trouvé ça ?

  • Speaker #1

    Ah, vous l'avez dit ?

  • Speaker #0

    Oui, vrai. Ah, t'as fouillé. J'ai fouillé. Oui. C'est vrai. Oui, j'adore lire.

  • Speaker #1

    Mais la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Oui, oui. J'adore lire. C'est vrai que je fume de l'herbe. Ça arrive. C'est bon. Ça arrive, oui. C'est bon. Et le café, c'est... une de mes boissons préférées. Je pense que c'est ma boisson préférée.

  • Speaker #1

    Ça rentre dans le processus d'écriture également ?

  • Speaker #0

    Ah, sans doute, ça infuse les mots. Mais je dis souvent que tous les matins, je suis triste jusqu'à ce que j'avale ma première goutte de café. voilà et une fois que j'avale ma première goutte de café je suis vivant j'existe et d'ailleurs il a un café devant lui le champ d'Amérique a un café devant lui en Haïti on vous appelait le pied poudré Oui. Alors,

  • Speaker #1

    il va falloir nous traduire la signification.

  • Speaker #0

    Pied poudré, c'est une expression en Haïti pour dire... En fait, c'est quand quelqu'un traîne partout et donc, il a littéralement les pieds poudrés de poussière, en fait. Et donc, moi, je dis que je suis un pied poudré parce qu'après au Prince, oui, je traîne partout pour aller chercher les livres, pour aller voir les amis. Donc oui, Pied Poudré, c'est vraiment quelqu'un qui arpente la ville, qui erre dans la ville en quête de quelque chose.

  • Speaker #1

    Un voyageur à l'intérieur de son royaume.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est le rap de Tupac qui vous a amené à l'écriture ?

  • Speaker #0

    Le rap... Plus largement, celui de Tupac certainement aussi. Mais avant Tupac, quand même, il y a eu du rap haïtien. C'est par là que ça a commencé.

  • Speaker #1

    Il y a deux groupes haïtiens qui vous ont principalement influencé ?

  • Speaker #0

    Exactement, Barricade Crew, Wok Fam. Donc oui, ces groupes m'ont marqué. Et après, moi, par mes recherches, je suis allé écouter du rap américain, du rap français. Donc oui, Tupac et d'autres.

  • Speaker #1

    Parce que Haïti est un pays de musique.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Souvent, quelques fois, on va même penser que Haïti n'est presque représenté que par la compas qui infuse dans le zouk caribéen. Mais c'est au-delà de tout cela. Mais c'est beaucoup, beaucoup de musique.

  • Speaker #0

    Oui, beaucoup, beaucoup. Et beaucoup plus que le compas, justement. C'est vrai que le compas, oui, c'est une musique haïtienne. qui a une place très forte là-bas et qui influence aussi d'autres styles de musique. Mais il y a plein de types de musique en Haïti. Et aujourd'hui, il y a vraiment beaucoup, dans la musique, il y a beaucoup de créations. Je pense qu'il y en a qui n'arrivent peut-être pas à percer à l'international, mais... Je pense que certainement ça va arriver.

  • Speaker #1

    On va parler musique après tous les deux, mais on va continuer avec ces vrais ou faux. Vrai ou faux, être né quelque part, c'est un accident. Être haïtien, ça ne veut rien dire. Votre seule boussole, c'est la poésie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vrai. Il me semble que j'ai dit ça quelque part.

  • Speaker #1

    C'est possible.

  • Speaker #0

    Oui, c'est possible.

  • Speaker #1

    Je n'aurais pas inventé.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'est vrai. Je pense que... Oui, être haïtien, c'est...

  • Speaker #1

    C'est une partie de vous, mais vous êtes principalement poète.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. Je ne voulais pas être enfermé dans une identité, parce qu'une identité, c'est quelque chose qui n'est pas fixe. C'est appelé être un perpétuel mouvement. C'est ce que Édouard Glissant appelle la créolité, la créolisation. En fait, on est des êtres en devenir tout le temps. Ou bien Jean-Claude Charles qui parle de enracinérance j'aime beaucoup ce terme-là. C'est une manière de dire qu'on vient certainement de quelque part, on a des racines, mais on peut être en perpétuelle errance à la rencontre d'autres imaginaires, d'autres cultures, sans s'effacer en fait, sans effacer notre essence.

  • Speaker #1

    Très puissant. Vrai ou faux, vous avez besoin d'être inconfortable dans votre démarche pour vous convaincre de rester un artiste.

  • Speaker #0

    C'est vrai. C'est très important de...

  • Speaker #1

    Vous remettez en question.

  • Speaker #0

    C'est très important de toujours se renouveler. comme artiste, parce qu'on est appelé à créer, donc donner quelque chose de nouveau. Moi, tous les textes, tous les livres que j'écris, j'essaie de divorcer avec la forme précédente pour inventer quelque chose de nouveau. Oui, c'est-à-dire renier, enfin pas renier, mais dépasser ce que j'ai déjà fait. Oui, quand je dis divorcer, ce n'est pas renier.

  • Speaker #1

    Justement, c'est très fort. Quand on divorce, on ne renie pas ce qui s'est passé avant, mais on tire vraiment un trait sur quelque chose.

  • Speaker #0

    Exactement. C'est-à-dire, moi, j'ai publié, pour l'instant, je crois, neuf livres. Ils ont tous des formes différentes. Et ça, pour moi, c'est important parce que je ne veux pas me répéter. Je ne veux pas être l'écrivain qui, enfin, a trouvé sa formule magique et qui... répète à chaque fois, je ne veux pas que faire un livre soit facile pour moi. Sinon, j'aurais l'impression que je ne fais plus rien.

  • Speaker #1

    Comment on fait alors pour que ça devienne difficile dans le processus d'écriture ? Comment vous écrivez, tout simplement ?

  • Speaker #0

    Pour moi, écrire, c'est comme... C'est comme creuser une terre et faire... et accepter après un long temps de ne rien trouver. On creuse, on creuse et on ne trouve rien. Et on continue.

  • Speaker #1

    Vous venez dans un café comme ici, par exemple, on est au Café Floreal à Belleville. C'est vous qui avez choisi cet endroit. Est-ce que ça vous arrive d'arriver dans un café comme ici et avec une feuille, un stylo ou un ordinateur, j'en sais rien, et puis... d'envoyer du pâté, si vous me permettez l'expression.

  • Speaker #0

    Oui, ça m'arrive. Ça m'arrive. J'ai toujours des choses qui flottent en moi. Et donc, à un moment, il faut que je me pose pour essayer de les sortir. Des fois, je prends juste des notes. Mais réellement, je ne me donne pas un... un objectif rigoureux d'écrire forcément quelque chose. Ce n'est pas l'usine. Voilà, ce n'est pas une usine, mais c'est juste être à l'écoute et créer de la disponibilité pour accueillir ce qui peut jaillir. Et donc, une fois qu'il y a ce jaillissement-là, trouver les mots, trouver la forme, c'est là que naisse le travail. Et donc, oui, que je sois dans... Dans un café ou chez moi, c'est être à l'écoute de ce qui me traverse. Et donc, oui, par exemple ici, ces derniers temps, je viens souvent me poser là. Des fois, j'écris, des fois pas du tout, des fois je lis. Ou parfois, je suis en train de lire et tout d'un coup, il y a une idée qui passe dans la tête. je profite de l'écrire et parfois j'ai des projets en chantier aussi dans lesquels je fais comme C'est comme si je picore. À chaque fois, je dépose quelques petites...

  • Speaker #1

    Parce que quand vous dites que vous êtes une antenne, j'ai l'impression vraiment d'avoir cette antenne radio. Vous êtes une radio et puis vous allez...

  • Speaker #0

    Je capte les vibrations.

  • Speaker #1

    Vous regardez les gens également ? Ça vous inspire, les gens ici ?

  • Speaker #0

    Oui, ça arrive. Il y a des gens que je vois, des choses que je vois, des actions. Donc... Ça ne veut pas dire que j'écris tout de suite un livre avec ça, mais je prends des notes, je prends beaucoup de notes par rapport à ce qui se passe autour de moi. Et j'aime écrire aussi avec le bruit de la vie autour de moi. Et dans un café, on a ça.

  • Speaker #1

    Je vous l'assure, on a tout ce qu'il faut.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. On a le bruit de la vaisselle, on a le bruit des tasses, les gens qui parlent autour.

  • Speaker #1

    Ça fait un tapis sonore.

  • Speaker #0

    Exactement, et moi j'ai besoin de... J'ai besoin de ça pour écrire aussi. J'aime pas forcément... Enfin, parfois c'est bien, mais j'aime pas toujours avoir un silence de tombe pour écrire. Déjà, je viens de Port-au-Prince, c'est une ville qui est très bruyante.

  • Speaker #1

    Entre les voitures, les cris...

  • Speaker #0

    Ouais, les voitures, les cris, les marchands qui passent, le voisin qui met sa radio, le pasteur à côté. Moi, j'ai toujours écrit avec tout ça. Voilà, tous ces bruits sont présents dans mes livres. Et donc, je ne peux pas écrire sans le bruit de la vie. J'ai besoin de ça, quoi. Donc, dans un café, je me rapproche un petit peu de ça.

  • Speaker #1

    Et donc, on a évoqué là Port-au-Prince, je reviens un peu sur Soleil à coudre avec cette petite fille de 12 ans à qui vous avez donné la parole, à qui vous avez donné la vie dans cette histoire. et je transpose ici parce que nous sommes à Paris et je me dis, est-ce que vous pourriez être un autre personnage, je sais pas un hipster qui est à la terrasse de ce café et puis qui a totalement d'autres préoccupations bien sûr est-ce que ça vous intéresse d'aller vers ces choses là et puis de dire, bah tiens en fait je vais faire une autre histoire différente, éloignée d'Haïti

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça peut arriver ou même ça va arriver ou c'est déjà en train d'arriver. Parce que moi, je suis une fenêtre ouverte qui accueille tous les vents du monde que je rencontre. C'est-à-dire... je ne me force pas à le faire. Je sais tout simplement que je vis ici à Paris et donc forcément, je suis en contact avec autre chose qui vont infuser ma vie, qui vont infuser ce que j'écris.

  • Speaker #1

    Et on trouve également, au-delà des textes, j'ai écouté cet album que j'ai trouvé très réussi dans lequel vous posez votre voix sur de la musique trap. C'est venu comment ?

  • Speaker #0

    Comme vous avez raconté tout à l'heure, j'ai beaucoup été influencé par le rap et ce rythme là me porte. Et moi, avec ma poésie, je me dis toujours que je peux trouver d'autres formes pour l'exprimer. Et donc, ça passe par la musique. Et voilà, j'adore ça. Les mots, c'est déjà de la musique d'ailleurs. Si on fait attention...

  • Speaker #1

    Une musicalité, une rythmique ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a déjà un rythme. Et moi, je donne beaucoup d'importance à ça dans l'écriture. Trouver un rythme. avec les mots. Et donc, ce que j'ai fait dans cet album, c'est juste... cette rencontre entre ma poésie et une musique qui est le rap, avec la trappe, la drill. Trouver une autre manière de partager ce que j'écris et que ça sorte un peu des livres aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on arrive à exprimer d'autres choses ? Est-ce que vous, vous exprimez d'autres choses à travers les textes slamés que par rapport à ce que vous écrivez ? Est-ce que c'est plus direct ? Est-ce que c'est plus franc ? Est-ce que vous lâchez plus ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il n'y a pas vraiment de différence. C'est-à-dire que c'est la même matière qui passe juste par deux enveloppes différentes, deux chemins différents. D'ailleurs sur l'album que j'ai sorti, il y a des textes qui viennent de mes livres, qui n'étaient pas prévus pour de la musique, mais que j'ai mis en musique. Donc pour moi c'est vraiment la même matière. Je ne me dis pas que je vais écrire pour ça et donc je vais écrire de telle manière. Je peux le faire aussi, mais je pense que les mots sont déjà musique, les textes comme je l'ai dit quand je les ai écrits. je donne déjà cette place à la musique, au rythme. Donc il me suffit de l'envisager par la suite avec de la musique et je vais trouver une manière de le mettre en bouche, de le mettre en voix qui soit plus ou moins potable.

  • Speaker #1

    Vous allez vers quel mode d'expression après le slam, après les romans, après le théâtre ? Il y a un autre roman qui est en cours ?

  • Speaker #0

    Il y a un autre roman, oui, qui est en cours. J'y travaille depuis quelques temps, depuis quelques années même. Ça prend du temps, mais ça arrive, ça arrive. On y bosse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous auriez fait ? Imaginons, vous n'êtes pas poète, vous auriez fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'aurais pu être un chercheur en sciences sociales, sciences humaines, des choses comme ça. J'avais même entamé des études par rapport à ça, que j'ai fini par abandonner pour me consacrer à l'écriture. Mais j'aimais bien cette idée d'analyser, d'essayer de comprendre les phénomènes sociaux, le rapport entre les gens. Je pense qu'on le fait un petit peu à travers la littérature. Moi,

  • Speaker #1

    je vais vous proposer un truc très terre à terre. Je vais vous dire, on va imaginer que vous travaillez dans un café. Mais pour ça, j'ai trois questions à vous faire passer pour voir si on peut valider le fait que vous pouvez tenir un bar ou un café. On essaye ?

  • Speaker #0

    Let's go.

  • Speaker #1

    Alors déjà, pourquoi le thé est plus cher que le café ?

  • Speaker #0

    Ça, je n'ai jamais compris. Ça, je n'ai jamais compris.

  • Speaker #1

    C'est une terrible injustice pour les buveurs de thé.

  • Speaker #0

    Oui, ça, c'est une injustice. Mais bon, le café, c'est le plus important.

  • Speaker #1

    Je vous donne la réponse quand même. En fait, le thé est plus cher que le café parce qu'il se boit plus lentement. et donc le client reste plus longtemps à table et puis ça demande au delà du café ça demande une tasse à nettoyer ça demande un pot d'eau ça c'est n'importe quoi exactement je sais pas si vous êtes amateur de pastis mais la différence entre un pastis 51 et un Ricard ah

  • Speaker #0

    ouais ça je ne saurais pas dire vous buvez du pastis ? oui ça m'arrive ah bah

  • Speaker #1

    Donc le Ricard, la différence entre le Ricard et le Pastis 51, c'est que le Ricard a un goût légèrement plus fort et légèrement plus amer que le Pastis 51. C'est hyper important de le savoir. Ok,

  • Speaker #0

    je vais faire attention la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Et j'en ai une dernière. Quelle est l'origine du Tiponche ? Je dirais, le Tiponche est né suite à un événement.

  • Speaker #0

    Ah, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Ce cocktail est né sur l'île de Marie-Galante, au sud de l'archipel de la Guadeloupe, dans la mer des Caraïbes, pour fêter le décret d'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848. Tous les habitants affranchis et libres ont célébré cette journée de fête en consommant toute la production de sucre et de rhum de leurs clients qu'ils ont mélangé dans le grand tonneau en bois.

  • Speaker #0

    Waouh, c'est incroyable. C'est festif. Waouh. Ah bah il faut en boire

  • Speaker #1

    Là on enregistre ce matin on va faire ça mais on va continuer au café finalement Du coup je suis pas éligible pour travailler dans un café Non mais c'est vachement bien d'être poète je pense que vous avez toute légitimité à continuer dans cette voie parce que vous êtes extrêmement talentueux et c'était un honneur de vous accueillir Jean d'Amérique, merci beaucoup d'être venu pour cette émission Un Café au Comptoir au café Floreal à Belleville

  • Speaker #0

    Mille merci Mille merci et buvons du café éternellement.

  • Speaker #1

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très bientôt pour un nouveau Café au comptoir.

Chapters

  • vrai ou faux

    22:05

Description

Un café au comptoir avec Jean d'Amérique, enregistré au Café Floréal Belleville, 43 rue des couronnes à Paris (20e)


Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d’un ouragan meurtrier. S’il  les manipule avec précaution, c’est qu’ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux mais  elle est toujours explosive . Elle est enragée tumultueuse, sur elle souffle le vent violent de sa révolte.


Haïtien. Poète. Mais pas poète haïtien. Ce serait trop simple. Lui ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boite au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela.


Mais qu'est il réellement ? Poète ? Ça, oui, c’est certain. En revanche il a rayé les noms de dramaturge et romancier de sa biographie officielle. Mais on pourrait aussi  le qualifier de slammer, car il a posé sa voix sur des musiques trap. Il est egalement responsable d'un festival de poesie, et qui sait si un jour on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre ?


Cet artiste né en Haiti est venu à l’écriture grâce au rap qui l’a inspiré quand il avait 12, 13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grace à ses professeurs il découvre le plaisir de la lecture puis celle de la poésie, un genre littéraire extrêmement   dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franketienne qu'il lit, comme il lit le martiniquais Aimé Césaire. Puis à 18 ans, à la faveur d’un livre d’occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro américaine a avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis il n'a plus de doute, puisant dans la douleur Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots  pour dire les blessures de son âme  mais aussi celles des autres.


Chansons , poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son oeuvre prolifique quelqu'en soit la forme , exprime l'urgence de ses sentiments .

Il impressionne  et c'est bientôt loin de son île, en France , qu on lui décerne de nombreux prix notamment  le Prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie rouge, en 2022.


Celui pour qui « Etre haïtien, c’est attendre sa balle. » a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans les vagues chaloupées du kompa de Carimi ou Tabou Combo quant à ses   poèmes , ils sauront  vous faire chavirer.


Et c’est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qui l'a conduit de de Port au Prince, à Paris, que j’ai retrouvé ce poète sans frontière au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir !


Emission présenté par Alexis Himeros

https://instagram.com/alexishimeros


Avec Jean d'Amérique

https://www.instagram.com/jeandamerique/




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au coude-bois. Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d'un ouragan meurtrier. S'il les manipule avec précaution, c'est qu'ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux. Mais elle est toujours explosive. La beauté de ses phrases vient de la violence qui arme le vent violent de sa révolte. Haïtien, poète, mais pas poète haïtien, ce serait trop simple. Lui, c'est un poète Ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boîte au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela. Mais qu'est-il réellement ? Poète ? Ça oui, c'est certain. En revanche, il a rayé les noms de dramaturges et romanciers de sa biographie officielle, j'ai vérifié sur le site. Mais on pourrait aussi le qualifier de slameur, car il a posé sa voix sur des musiques trappes. Il est également responsable d'un festival de poésie et qui sait si, un jour, on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre. Tout est à voir, cet artiste né en Haïti est venu à l'écriture grâce au rap, qu'il a inspiré quand il avait 12-13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grâce à ses professeurs, il découvre le plaisir de la lecture, puis celui de la poésie, un genre littéraire extrêmement dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franck Etienne, qui lit, comme il lit le Martiniquais. Aimé Césaire, puis, à 18 ans, à la faveur d'un livre d'occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis, il n'a plus de doute, puisant dans la douleur de Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots pour dire les blessures de son âme, mais aussi celles des autres. Chansons, poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son œuvre prolifique, quelle qu'en soit la forme, exprime l'urgence de ses sentiments. Il impressionne et c'est bientôt loin de son île en France qu'on lui décerne de nombreux prix, notamment le prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie Rouge en 2022. Celui pour qui être haïtien c'est attendre sa balle, a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans des vagues chaloupées, loin du compas de Karimi ou Tabou Combo, quant à ses poèmes, ils sauront vous faire chavirer. Et c'est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qu'il a conduit de Port-au-Prince à Paris, que j'ai retrouvé ce poète sans frontières au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir. Bonjour Jean d'Amérique.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis, quelle magnifique présentation. Mille merci.

  • Speaker #0

    Merci à vous. Est-ce que vous vous sentez seul dans la nuit ?

  • Speaker #1

    Souvent, souvent, parce qu'autour de moi, il y a beaucoup de choses qui forment comme un magma d'ombre et parmi lesquelles j'essaie de... naviguer jusqu'à survivre et voir la lumière.

  • Speaker #0

    Je faisais référence à une phrase qui est dans Soleil à coudre, votre roman qui est sorti il y a quelques années maintenant.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la phrase que Tête Fêlée, elle entend souvent comme un disque dans sa tête qui ne s'arrête jamais. Et cette petite fille, elle essaye de grandir, de survivre, de devenir quelqu'un et elle est enfermée dans une longue nuit. Donc son combat... ça passe par l'amour, par l'écriture qui lui donne une fenêtre vers la vie.

  • Speaker #0

    On a l'impression qu'il y a un peu de vous dans ce personnage.

  • Speaker #1

    Sans doute, sans doute, parce que le décor qui est dans le roman, qui est le milieu où grandit Tête-Fellée, c'est un peu ce genre de lieu aussi où j'ai grandi. Donc j'ai pu connaître, même si ce n'est pas mon histoire exactement, littéralement, comme elle est dans le roman. Mais le décor est le mien, donc il y a forcément un peu de moi. Et puis dans ce rêve de vivre et de dépasser les conditions matérielles qui sont très précaires là-bas. l'écriture m'a donné un chemin.

  • Speaker #0

    Je pensais vraiment à ça, au rapport à l'écriture. Vous êtes quelqu'un qui s'est révélé grâce à l'écriture, grâce aux textes que vous lisiez, mais également vraiment par rapport aux textes que vous écriviez, que vous écrivez toujours. Je disais tout à l'heure cette urgence, parce que ce sont vos mots, cette urgence d'écrire. Comment vous la sentez au quotidien ?

  • Speaker #1

    En fait, Je dis littéralement que c'est l'écriture qui m'a donné la vie parce que quand on a une voix, quand on peut parler, qu'on sait qu'on a écouté, ça c'est grand, c'est fort. Surtout quand on a vécu dans des lieux où ça nous était pas donné. Donc pour moi c'est une aubaine en fait et j'ai tellement de choses à dire, j'ai tellement de... de choses que je vois autour de moi qui parfois m'indignent aussi. Et l'écriture, c'est l'endroit parfait pour pouvoir les exprimer. Donc je suis toujours habité par cette urgence, et c'est ce qui me fait écrire, c'est ce qui me fait avancer. Pour moi, c'est un acte toujours viscéral. Je me lève rarement un matin en me disant... sur quoi je vais écrire. Parce que je suis déjà traversé par trop plein de choses. Je cherche plutôt les mots pour les nommer, pour les dire. Mais c'est sûr que j'ai un lot de choses en moi qui ont besoin d'être exprimées.

  • Speaker #0

    Ce qui est fort dans l'écriture, c'est que vous pouvez vous mettre à la place d'un autre, vous imaginez d'autres vies, vous mettre à la place de cette petite fille. L'imagination, elle est sans frontières. Vous voyez ça comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, l'imagination c'est la plus grande chose qui nous soit donnée parce que l'esprit est libre. Moi ce que je fais, même si mon écriture prend encore vraiment dans la chair du réel, je me permets de déployer ça avec un monde imaginaire aussi. Parce qu'en même temps je décris. le monde dans lequel je vis, mais j'ai envie d'aller au-delà.

  • Speaker #0

    Vous le sublimez ?

  • Speaker #1

    Le sublimer, le transformer, et donner aux gens aussi un autre monde où ils peuvent se projeter. Donc pas juste faire un reportage du réel, mais dépasser ce réel, le rendre... Comment dire ? peut-être habitable si je parle en termes de rêve. Parce que quand j'écris quelque chose, je me dis que c'est très bien de voir la réalité, mais il faut donner de l'espace aux gens aussi pour respirer, se voir ailleurs, se voir dans un autre monde.

  • Speaker #0

    Je reviens sur Soleil à coudre. En même temps, dans Soleil à coudre, on est... On est dans une aventure, dans un monde qui est très oppressant. On ressent toute l'urgence qui peut exister dans ces rues de Port-au-Prince. Et on a l'impression que le soleil, effectivement, il faudrait le prendre sur un morceau de tissu et essayer de se le mettre dans le ciel pour le voir, car l'horizon semble totalement bouché. Et cependant, il y a cette petite lueur d'espoir qui naît. Vous, vous voyez la vie de cette façon-là ?

  • Speaker #1

    Oui, déjà, en Haïti, ce n'est pas pour rien que j'ai pris le soleil comme élément, parce qu'en Haïti, ça veut... ça veut dire l'espoir, ça veut dire la vie. Donc pour moi, c'est déjà une métaphore pour aller vers cette vie-là dont on rêve. Et d'un autre côté, la longue nuit, on en parlait tout à l'heure, c'est une métaphore du degré de violence dans laquelle mon pays est plongé. Donc cette longue nuit, c'est un peu... Oui, ces forces de l'ombre, ces forces de la répression, de l'oppression qui sont autour de nous et qu'il faut briser pour voir le soleil renaître, pour voir la vie donc renaître. C'est pourquoi je disais que la vie de Tête-Fellée que je raconte, elle est vraiment semée de plein d'obstacles, de plein d'embûches, mais... C'est une petite fille qui se bat constamment parce que son but c'est... c'est d'exister, de réclamer son droit à la vie, son droit à l'espoir. Et je crois qu'en Haïti, on a besoin de ça, surtout les jeunes de ma génération qui ont vécu beaucoup de moments sombres.

  • Speaker #0

    Vous pensez que les, je pense au monde occidental, les occidentaux ne comprennent pas ce que c'est Haïti, ne comprennent pas toute cette violence, ne comprennent pas comment c'est possible qu'on en soit arrivé là ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, oui, qu'on ne comprend pas vraiment.

  • Speaker #0

    On ne comprend pas notre responsabilité également ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai cette impression, parce qu'on reste souvent à la surface ici. Quelque part, c'est peut-être... Pas de leur faute, parce qu'il y a une vague qui arrive souvent par certains médias, donc ils vont rester sur le côté sensationnel de la chose, c'est-à-dire quand il y a tout d'un coup, je ne sais pas, une tuerie, on va plutôt parler de ça, mais on ne va pas chercher les racines de ce qui se passe. Et les racines de cette violence, pour les comprendre. il faut s'intéresser à ce peuple, à ce qu'il subit depuis quelques années, à ce qu'on a fait de l'État aujourd'hui qui n'existe presque pas et comment aussi la communauté internationale, les États-Unis, le Canada, la France, etc., comment ces pays-là ont une main aussi dans ce qui se passe en Haïti. Moi, ce que je souhaite... pour les gens en Occident, en France, je ne sais pas, c'est d'ouvrir les yeux un peu plus et de voir au-delà de cet écran qui est souvent superficiel. Et aussi d'essayer d'écouter, d'entendre les battements de cœur du peuple haïtien. Parce qu'on ne peut pas réduire la carte d'identité d'Haïti à un cycle de violence. Parce que cette violence-là, elle est plus représentative de ce qu'est l'État haïtien. Mais le peuple haïtien, je sais qu'il porte plein d'autres choses, qu'il porte une rage de vivre et il faut entendre ça aussi.

  • Speaker #0

    Un peuple, on l'espère, résilient. J'en profiterai juste pour faire un petit histoire. C'est vrai que Haïti, à son indépendance, a été un des premiers pays, c'est le deuxième pays d'Amérique, après les États-Unis, à être devenu indépendant, mais a été flanqué d'une dette colossale envers la France. Et cette dette, ils ont mis à peu près un siècle à la rembourser. Ça a freiné le développement et même les derniers intérêts ont été payés en 1952. commencent à se développer, en fait, clairement, en ayant toute une dette colossale à payer. Et ensuite, il y a eu des dictateurs, on peut le dire, qui ont spolié, finalement, toute l'économie du peuple haïtien, ce qui explique en partie la désorganisation qu'il peut y avoir aujourd'hui dans ce pays. Malgré tout, il y a un mouvement intellectuel tellement puissant en Haïti. dont on perçoit quelques représentants ici depuis des dizaines d'années. Je pense en musique à des artistes comme Vito Vaobas par exemple, Franck Etienne au niveau de la poésie, de la littérature. Vous aujourd'hui, comment on explique ce très haut niveau d'exigence intellectuelle qui émerge à chaque fois d'Haiti ? qui est sans doute, à niveau d'intelligence intellectuelle, quelquefois plus haut que ce qu'on peut avoir à Paris.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est incroyable. Je ne sais pas, franchement, je ne sais pas comment l'expliquer de manière rationnelle. Mais je crois qu'en Haïti, il y a beaucoup de raisons de s'exprimer déjà, parce que c'est un pays qui a connu dans son histoire, comme vous venez de l'expliquer, beaucoup d'épisodes de violence, donc il y a beaucoup de raisons de s'exprimer. Et si on fait l'histoire de la littérature haïtienne, on voit qu'elle a toujours accompagné les grands moments de lutte, les grands moments de révolte. Oui, les premiers poèmes haïtiens, c'est des poèmes de révolte, en fait. La littérature a toujours été présente de ce côté-là. Et j'ai l'impression, c'est l'endroit aussi où Haïti brille finalement. C'est-à-dire, s'il nous reste, ne serait-ce qu'une partie de notre visage qui soit présentable, ça passe beaucoup à travers l'art, à travers les créations artistiques. Parce qu'en fait, cette flamme-là, je pense que rien ne peut l'éteindre. quel que soit le degré de pauvreté matérielle ou de violence qu'on subit, la création artistique, on ne peut pas l'éteindre. On trouve toujours des moyens pour créer. Après, bien sûr, c'est... Comment dire ? C'est relatif. Enfin, il est question de moyens. On a besoin de moyens pour crier aussi. Mais je veux dire, c'est une flamme qui est allumée dans le cœur et qu'on ne pourra jamais éteindre. C'est-à-dire même sous les balles, on écrit encore. On a envie de crier encore.

  • Speaker #0

    C'est ça la force du poète ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça la force du poète. C'est comme dit... Aragon, on pourra tuer le poète mais jamais son chant. Pas plus tard qu'hier, je reçois un poème d'un jeune poète haïtien qui s'appelle Ricardo Boucher, qui vit à Port-au-Prince et qui est dans le feu de tout ce qui se passe là, qui est très en difficulté et qui m'envoie des poèmes. Je trouve ça formidable en fait. Et si ce n'est pas ça la vie, je ne sais pas ce que je peux nommer vie en fait. La vie pour moi, c'est cette envie-là d'exister même dans le dernier souffle, même dans le dernier élan. Et le peuple haïtien m'a appris ça.

  • Speaker #0

    Le mot est une arme pour vous ?

  • Speaker #1

    Oui, sans doute. Il y a une poétesse haïtienne qui s'appelle Ketli Mas qui dit... La poésie est une arme de construction massive. J'aime beaucoup cette phrase et je pense qu'elle a raison. Les mots nous permettent de nommer ce qui nous entoure, ce qui parfois nous fait du mal, et nous aident à ouvrir des portes vers un horizon où on peut trouver, où on peut espérer trouver de la lumière. Oui, les mots, c'est une force, c'est une arme. C'est ce que j'utilise tous les jours pour essayer d'atteindre des esprits, les réveiller. Des esprits.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression qu'il y a toujours un côté un peu mystique quand on vous voit parler des esprits. Vous y croyez, ce mysticisme qui est propre à Haïti également ?

  • Speaker #1

    Alors moi je ne suis pas croyant, ça c'est attesté, mais c'est vrai qu'en Haïti il y a une mythologie qui nous entoure et je crois qu'on a une connexion aussi avec... avec la vie, c'est-à-dire comme elle se décline à travers tous les éléments de la nature, tout ce qui nous entoure. Moi, j'ai grandi dans ça.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression, presque naturellement, qu'il y a une connexion avec les choses, avec les êtres vivants qui m'entourent. Je suis à l'écoute, on va dire.

  • Speaker #1

    Je discutais avec un joueur de tambour haïtien. Il refuse, il dit je ne fais pas du tam-tam, je ne fais pas des instruments, je fais du tambour haïtien, il s'appelle Atissou Loko. Et Atissou m'expliquait que les peaux de ces tambours ont été trempées dans la mer une nuit de pleine lune et c'était très important car ils ont été sacrés ensuite. Et il n'y a que comme ça qu'on peut savoir si le tambour va bien résonner avec les âmes autour. Et... Il est très sérieux quand il explique ça, et effectivement, son tambour provoque des trans aux personnes qui peuvent danser autour de lui. Et c'est pour ça que je disais que vraiment, le mysticisme est quelquefois très propre à Haïti, et c'est pour ça que je me posais la question dans vos écrits, est-ce que vous voulez le faire ressentir quelquefois ? Parce qu'on peut ressentir cela quand on le lit en tout cas.

  • Speaker #0

    En effet, en fait, il y a l'instrument là que vous évoquez, le tambour. En Haïti, pour nous, c'est plus qu'un instrument. Il y a même un proverbe qui dit, enfin, dès que l'haïtien, enfin, je sais traduire littéralement, mais en gros...

  • Speaker #1

    Dites-le, on a haïtien d'abord.

  • Speaker #0

    Dès que l'haïtien entend des tambours, il les veut danser. Enfin, dès que l'haïtien, il entend le tambour, ils dansent, forcément, parce que c'est un instrument qui est connecté littéralement à notre âme. Voilà, c'est une partie de notre identité. Moi, dans mon écriture, souvent j'utilise des motifs qui viennent de cette mythologie-là, liés au vaudou haïtien. Par exemple, dans Soleil à coudes il y a... Il y a souvent un voyage entre le visible et l'invisible. Par exemple, il y a un motif que j'ai mis dans le roman qui m'est inspiré quelque part par la mythologie vaudou, où en fait, tous les morts qu'il y a dans le livre, c'est comme s'ils ne sont pas vraiment morts. transformé, il s'évapore parfois.

  • Speaker #1

    Il se surveille.

  • Speaker #0

    Ouais. Et du coup, c'était un peu dans l'idée, dans le texte, comme la petite fille, elle voit beaucoup de gens mourir. C'était une manière de la consoler, en fait. J'ai trouvé dans ce motif-là une manière de consoler cette petite fille. En fait, c'est comme si les gens ne meurent pas vraiment. mais se métamorphose, se transforme, parfois s'évapore. Du coup, on ne sait pas vraiment. Et dans le vaudou, il y a cette idée que la mort, c'est le prolongement de la vie et il y a une connexion toujours entre les vivants et les morts. On donne beaucoup d'importance à ça. On parle même aux morts. Et même les cimetières en Haïti, c'est des endroits de vie aussi.

  • Speaker #1

    Quand vous évoquez Haïti, on voit dans vos yeux une certaine mélancolie. Haïti vous manque ?

  • Speaker #0

    Oui, Haïti me manque. C'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui aime s'accrocher à une nostalgie éternelle. Je vis en France depuis quelques années maintenant. J'essaie de vivre ici. en étant vraiment ici et ne pas chercher constamment Haïti ici, parce que je sais qu'elle n'est pas ici. Mais elle me manque quand même, parce qu'aujourd'hui, c'est vrai que je n'étais pas parti en exil, mais aujourd'hui, j'ai l'impression de vivre un exil intérieur, parce que comme je suis empêché... De rentrer dans mon pays quand je veux, par tout ce qui s'y passe et pour des raisons politiques aussi. Donc j'ai le sentiment d'exil maintenant. Donc souvent oui, ça me manque et j'essaie de garder une connexion, même à distance, ce qui s'y passe, etc. Et aussi de me connecter par la littérature, par d'autres formes artistiques.

  • Speaker #1

    On va faire un petit vrai ou faux, Jean d'Amérique.

  • Speaker #0

    Let's go. Un café ou un soin ?

  • Speaker #1

    Jean d'Amérique, vrai ou faux, vous adorez lire, fumer de l'herbe, écouter de la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Vrai. Mais où est-ce qu'il a trouvé ça ?

  • Speaker #1

    Ah, vous l'avez dit ?

  • Speaker #0

    Oui, vrai. Ah, t'as fouillé. J'ai fouillé. Oui. C'est vrai. Oui, j'adore lire.

  • Speaker #1

    Mais la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Oui, oui. J'adore lire. C'est vrai que je fume de l'herbe. Ça arrive. C'est bon. Ça arrive, oui. C'est bon. Et le café, c'est... une de mes boissons préférées. Je pense que c'est ma boisson préférée.

  • Speaker #1

    Ça rentre dans le processus d'écriture également ?

  • Speaker #0

    Ah, sans doute, ça infuse les mots. Mais je dis souvent que tous les matins, je suis triste jusqu'à ce que j'avale ma première goutte de café. voilà et une fois que j'avale ma première goutte de café je suis vivant j'existe et d'ailleurs il a un café devant lui le champ d'Amérique a un café devant lui en Haïti on vous appelait le pied poudré Oui. Alors,

  • Speaker #1

    il va falloir nous traduire la signification.

  • Speaker #0

    Pied poudré, c'est une expression en Haïti pour dire... En fait, c'est quand quelqu'un traîne partout et donc, il a littéralement les pieds poudrés de poussière, en fait. Et donc, moi, je dis que je suis un pied poudré parce qu'après au Prince, oui, je traîne partout pour aller chercher les livres, pour aller voir les amis. Donc oui, Pied Poudré, c'est vraiment quelqu'un qui arpente la ville, qui erre dans la ville en quête de quelque chose.

  • Speaker #1

    Un voyageur à l'intérieur de son royaume.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est le rap de Tupac qui vous a amené à l'écriture ?

  • Speaker #0

    Le rap... Plus largement, celui de Tupac certainement aussi. Mais avant Tupac, quand même, il y a eu du rap haïtien. C'est par là que ça a commencé.

  • Speaker #1

    Il y a deux groupes haïtiens qui vous ont principalement influencé ?

  • Speaker #0

    Exactement, Barricade Crew, Wok Fam. Donc oui, ces groupes m'ont marqué. Et après, moi, par mes recherches, je suis allé écouter du rap américain, du rap français. Donc oui, Tupac et d'autres.

  • Speaker #1

    Parce que Haïti est un pays de musique.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Souvent, quelques fois, on va même penser que Haïti n'est presque représenté que par la compas qui infuse dans le zouk caribéen. Mais c'est au-delà de tout cela. Mais c'est beaucoup, beaucoup de musique.

  • Speaker #0

    Oui, beaucoup, beaucoup. Et beaucoup plus que le compas, justement. C'est vrai que le compas, oui, c'est une musique haïtienne. qui a une place très forte là-bas et qui influence aussi d'autres styles de musique. Mais il y a plein de types de musique en Haïti. Et aujourd'hui, il y a vraiment beaucoup, dans la musique, il y a beaucoup de créations. Je pense qu'il y en a qui n'arrivent peut-être pas à percer à l'international, mais... Je pense que certainement ça va arriver.

  • Speaker #1

    On va parler musique après tous les deux, mais on va continuer avec ces vrais ou faux. Vrai ou faux, être né quelque part, c'est un accident. Être haïtien, ça ne veut rien dire. Votre seule boussole, c'est la poésie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vrai. Il me semble que j'ai dit ça quelque part.

  • Speaker #1

    C'est possible.

  • Speaker #0

    Oui, c'est possible.

  • Speaker #1

    Je n'aurais pas inventé.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'est vrai. Je pense que... Oui, être haïtien, c'est...

  • Speaker #1

    C'est une partie de vous, mais vous êtes principalement poète.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. Je ne voulais pas être enfermé dans une identité, parce qu'une identité, c'est quelque chose qui n'est pas fixe. C'est appelé être un perpétuel mouvement. C'est ce que Édouard Glissant appelle la créolité, la créolisation. En fait, on est des êtres en devenir tout le temps. Ou bien Jean-Claude Charles qui parle de enracinérance j'aime beaucoup ce terme-là. C'est une manière de dire qu'on vient certainement de quelque part, on a des racines, mais on peut être en perpétuelle errance à la rencontre d'autres imaginaires, d'autres cultures, sans s'effacer en fait, sans effacer notre essence.

  • Speaker #1

    Très puissant. Vrai ou faux, vous avez besoin d'être inconfortable dans votre démarche pour vous convaincre de rester un artiste.

  • Speaker #0

    C'est vrai. C'est très important de...

  • Speaker #1

    Vous remettez en question.

  • Speaker #0

    C'est très important de toujours se renouveler. comme artiste, parce qu'on est appelé à créer, donc donner quelque chose de nouveau. Moi, tous les textes, tous les livres que j'écris, j'essaie de divorcer avec la forme précédente pour inventer quelque chose de nouveau. Oui, c'est-à-dire renier, enfin pas renier, mais dépasser ce que j'ai déjà fait. Oui, quand je dis divorcer, ce n'est pas renier.

  • Speaker #1

    Justement, c'est très fort. Quand on divorce, on ne renie pas ce qui s'est passé avant, mais on tire vraiment un trait sur quelque chose.

  • Speaker #0

    Exactement. C'est-à-dire, moi, j'ai publié, pour l'instant, je crois, neuf livres. Ils ont tous des formes différentes. Et ça, pour moi, c'est important parce que je ne veux pas me répéter. Je ne veux pas être l'écrivain qui, enfin, a trouvé sa formule magique et qui... répète à chaque fois, je ne veux pas que faire un livre soit facile pour moi. Sinon, j'aurais l'impression que je ne fais plus rien.

  • Speaker #1

    Comment on fait alors pour que ça devienne difficile dans le processus d'écriture ? Comment vous écrivez, tout simplement ?

  • Speaker #0

    Pour moi, écrire, c'est comme... C'est comme creuser une terre et faire... et accepter après un long temps de ne rien trouver. On creuse, on creuse et on ne trouve rien. Et on continue.

  • Speaker #1

    Vous venez dans un café comme ici, par exemple, on est au Café Floreal à Belleville. C'est vous qui avez choisi cet endroit. Est-ce que ça vous arrive d'arriver dans un café comme ici et avec une feuille, un stylo ou un ordinateur, j'en sais rien, et puis... d'envoyer du pâté, si vous me permettez l'expression.

  • Speaker #0

    Oui, ça m'arrive. Ça m'arrive. J'ai toujours des choses qui flottent en moi. Et donc, à un moment, il faut que je me pose pour essayer de les sortir. Des fois, je prends juste des notes. Mais réellement, je ne me donne pas un... un objectif rigoureux d'écrire forcément quelque chose. Ce n'est pas l'usine. Voilà, ce n'est pas une usine, mais c'est juste être à l'écoute et créer de la disponibilité pour accueillir ce qui peut jaillir. Et donc, une fois qu'il y a ce jaillissement-là, trouver les mots, trouver la forme, c'est là que naisse le travail. Et donc, oui, que je sois dans... Dans un café ou chez moi, c'est être à l'écoute de ce qui me traverse. Et donc, oui, par exemple ici, ces derniers temps, je viens souvent me poser là. Des fois, j'écris, des fois pas du tout, des fois je lis. Ou parfois, je suis en train de lire et tout d'un coup, il y a une idée qui passe dans la tête. je profite de l'écrire et parfois j'ai des projets en chantier aussi dans lesquels je fais comme C'est comme si je picore. À chaque fois, je dépose quelques petites...

  • Speaker #1

    Parce que quand vous dites que vous êtes une antenne, j'ai l'impression vraiment d'avoir cette antenne radio. Vous êtes une radio et puis vous allez...

  • Speaker #0

    Je capte les vibrations.

  • Speaker #1

    Vous regardez les gens également ? Ça vous inspire, les gens ici ?

  • Speaker #0

    Oui, ça arrive. Il y a des gens que je vois, des choses que je vois, des actions. Donc... Ça ne veut pas dire que j'écris tout de suite un livre avec ça, mais je prends des notes, je prends beaucoup de notes par rapport à ce qui se passe autour de moi. Et j'aime écrire aussi avec le bruit de la vie autour de moi. Et dans un café, on a ça.

  • Speaker #1

    Je vous l'assure, on a tout ce qu'il faut.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. On a le bruit de la vaisselle, on a le bruit des tasses, les gens qui parlent autour.

  • Speaker #1

    Ça fait un tapis sonore.

  • Speaker #0

    Exactement, et moi j'ai besoin de... J'ai besoin de ça pour écrire aussi. J'aime pas forcément... Enfin, parfois c'est bien, mais j'aime pas toujours avoir un silence de tombe pour écrire. Déjà, je viens de Port-au-Prince, c'est une ville qui est très bruyante.

  • Speaker #1

    Entre les voitures, les cris...

  • Speaker #0

    Ouais, les voitures, les cris, les marchands qui passent, le voisin qui met sa radio, le pasteur à côté. Moi, j'ai toujours écrit avec tout ça. Voilà, tous ces bruits sont présents dans mes livres. Et donc, je ne peux pas écrire sans le bruit de la vie. J'ai besoin de ça, quoi. Donc, dans un café, je me rapproche un petit peu de ça.

  • Speaker #1

    Et donc, on a évoqué là Port-au-Prince, je reviens un peu sur Soleil à coudre avec cette petite fille de 12 ans à qui vous avez donné la parole, à qui vous avez donné la vie dans cette histoire. et je transpose ici parce que nous sommes à Paris et je me dis, est-ce que vous pourriez être un autre personnage, je sais pas un hipster qui est à la terrasse de ce café et puis qui a totalement d'autres préoccupations bien sûr est-ce que ça vous intéresse d'aller vers ces choses là et puis de dire, bah tiens en fait je vais faire une autre histoire différente, éloignée d'Haïti

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça peut arriver ou même ça va arriver ou c'est déjà en train d'arriver. Parce que moi, je suis une fenêtre ouverte qui accueille tous les vents du monde que je rencontre. C'est-à-dire... je ne me force pas à le faire. Je sais tout simplement que je vis ici à Paris et donc forcément, je suis en contact avec autre chose qui vont infuser ma vie, qui vont infuser ce que j'écris.

  • Speaker #1

    Et on trouve également, au-delà des textes, j'ai écouté cet album que j'ai trouvé très réussi dans lequel vous posez votre voix sur de la musique trap. C'est venu comment ?

  • Speaker #0

    Comme vous avez raconté tout à l'heure, j'ai beaucoup été influencé par le rap et ce rythme là me porte. Et moi, avec ma poésie, je me dis toujours que je peux trouver d'autres formes pour l'exprimer. Et donc, ça passe par la musique. Et voilà, j'adore ça. Les mots, c'est déjà de la musique d'ailleurs. Si on fait attention...

  • Speaker #1

    Une musicalité, une rythmique ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a déjà un rythme. Et moi, je donne beaucoup d'importance à ça dans l'écriture. Trouver un rythme. avec les mots. Et donc, ce que j'ai fait dans cet album, c'est juste... cette rencontre entre ma poésie et une musique qui est le rap, avec la trappe, la drill. Trouver une autre manière de partager ce que j'écris et que ça sorte un peu des livres aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on arrive à exprimer d'autres choses ? Est-ce que vous, vous exprimez d'autres choses à travers les textes slamés que par rapport à ce que vous écrivez ? Est-ce que c'est plus direct ? Est-ce que c'est plus franc ? Est-ce que vous lâchez plus ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il n'y a pas vraiment de différence. C'est-à-dire que c'est la même matière qui passe juste par deux enveloppes différentes, deux chemins différents. D'ailleurs sur l'album que j'ai sorti, il y a des textes qui viennent de mes livres, qui n'étaient pas prévus pour de la musique, mais que j'ai mis en musique. Donc pour moi c'est vraiment la même matière. Je ne me dis pas que je vais écrire pour ça et donc je vais écrire de telle manière. Je peux le faire aussi, mais je pense que les mots sont déjà musique, les textes comme je l'ai dit quand je les ai écrits. je donne déjà cette place à la musique, au rythme. Donc il me suffit de l'envisager par la suite avec de la musique et je vais trouver une manière de le mettre en bouche, de le mettre en voix qui soit plus ou moins potable.

  • Speaker #1

    Vous allez vers quel mode d'expression après le slam, après les romans, après le théâtre ? Il y a un autre roman qui est en cours ?

  • Speaker #0

    Il y a un autre roman, oui, qui est en cours. J'y travaille depuis quelques temps, depuis quelques années même. Ça prend du temps, mais ça arrive, ça arrive. On y bosse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous auriez fait ? Imaginons, vous n'êtes pas poète, vous auriez fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'aurais pu être un chercheur en sciences sociales, sciences humaines, des choses comme ça. J'avais même entamé des études par rapport à ça, que j'ai fini par abandonner pour me consacrer à l'écriture. Mais j'aimais bien cette idée d'analyser, d'essayer de comprendre les phénomènes sociaux, le rapport entre les gens. Je pense qu'on le fait un petit peu à travers la littérature. Moi,

  • Speaker #1

    je vais vous proposer un truc très terre à terre. Je vais vous dire, on va imaginer que vous travaillez dans un café. Mais pour ça, j'ai trois questions à vous faire passer pour voir si on peut valider le fait que vous pouvez tenir un bar ou un café. On essaye ?

  • Speaker #0

    Let's go.

  • Speaker #1

    Alors déjà, pourquoi le thé est plus cher que le café ?

  • Speaker #0

    Ça, je n'ai jamais compris. Ça, je n'ai jamais compris.

  • Speaker #1

    C'est une terrible injustice pour les buveurs de thé.

  • Speaker #0

    Oui, ça, c'est une injustice. Mais bon, le café, c'est le plus important.

  • Speaker #1

    Je vous donne la réponse quand même. En fait, le thé est plus cher que le café parce qu'il se boit plus lentement. et donc le client reste plus longtemps à table et puis ça demande au delà du café ça demande une tasse à nettoyer ça demande un pot d'eau ça c'est n'importe quoi exactement je sais pas si vous êtes amateur de pastis mais la différence entre un pastis 51 et un Ricard ah

  • Speaker #0

    ouais ça je ne saurais pas dire vous buvez du pastis ? oui ça m'arrive ah bah

  • Speaker #1

    Donc le Ricard, la différence entre le Ricard et le Pastis 51, c'est que le Ricard a un goût légèrement plus fort et légèrement plus amer que le Pastis 51. C'est hyper important de le savoir. Ok,

  • Speaker #0

    je vais faire attention la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Et j'en ai une dernière. Quelle est l'origine du Tiponche ? Je dirais, le Tiponche est né suite à un événement.

  • Speaker #0

    Ah, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Ce cocktail est né sur l'île de Marie-Galante, au sud de l'archipel de la Guadeloupe, dans la mer des Caraïbes, pour fêter le décret d'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848. Tous les habitants affranchis et libres ont célébré cette journée de fête en consommant toute la production de sucre et de rhum de leurs clients qu'ils ont mélangé dans le grand tonneau en bois.

  • Speaker #0

    Waouh, c'est incroyable. C'est festif. Waouh. Ah bah il faut en boire

  • Speaker #1

    Là on enregistre ce matin on va faire ça mais on va continuer au café finalement Du coup je suis pas éligible pour travailler dans un café Non mais c'est vachement bien d'être poète je pense que vous avez toute légitimité à continuer dans cette voie parce que vous êtes extrêmement talentueux et c'était un honneur de vous accueillir Jean d'Amérique, merci beaucoup d'être venu pour cette émission Un Café au Comptoir au café Floreal à Belleville

  • Speaker #0

    Mille merci Mille merci et buvons du café éternellement.

  • Speaker #1

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très bientôt pour un nouveau Café au comptoir.

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  • vrai ou faux

    22:05

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Description

Un café au comptoir avec Jean d'Amérique, enregistré au Café Floréal Belleville, 43 rue des couronnes à Paris (20e)


Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d’un ouragan meurtrier. S’il  les manipule avec précaution, c’est qu’ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux mais  elle est toujours explosive . Elle est enragée tumultueuse, sur elle souffle le vent violent de sa révolte.


Haïtien. Poète. Mais pas poète haïtien. Ce serait trop simple. Lui ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boite au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela.


Mais qu'est il réellement ? Poète ? Ça, oui, c’est certain. En revanche il a rayé les noms de dramaturge et romancier de sa biographie officielle. Mais on pourrait aussi  le qualifier de slammer, car il a posé sa voix sur des musiques trap. Il est egalement responsable d'un festival de poesie, et qui sait si un jour on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre ?


Cet artiste né en Haiti est venu à l’écriture grâce au rap qui l’a inspiré quand il avait 12, 13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grace à ses professeurs il découvre le plaisir de la lecture puis celle de la poésie, un genre littéraire extrêmement   dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franketienne qu'il lit, comme il lit le martiniquais Aimé Césaire. Puis à 18 ans, à la faveur d’un livre d’occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro américaine a avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis il n'a plus de doute, puisant dans la douleur Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots  pour dire les blessures de son âme  mais aussi celles des autres.


Chansons , poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son oeuvre prolifique quelqu'en soit la forme , exprime l'urgence de ses sentiments .

Il impressionne  et c'est bientôt loin de son île, en France , qu on lui décerne de nombreux prix notamment  le Prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie rouge, en 2022.


Celui pour qui « Etre haïtien, c’est attendre sa balle. » a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans les vagues chaloupées du kompa de Carimi ou Tabou Combo quant à ses   poèmes , ils sauront  vous faire chavirer.


Et c’est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qui l'a conduit de de Port au Prince, à Paris, que j’ai retrouvé ce poète sans frontière au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir !


Emission présenté par Alexis Himeros

https://instagram.com/alexishimeros


Avec Jean d'Amérique

https://www.instagram.com/jeandamerique/




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au coude-bois. Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d'un ouragan meurtrier. S'il les manipule avec précaution, c'est qu'ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux. Mais elle est toujours explosive. La beauté de ses phrases vient de la violence qui arme le vent violent de sa révolte. Haïtien, poète, mais pas poète haïtien, ce serait trop simple. Lui, c'est un poète Ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boîte au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela. Mais qu'est-il réellement ? Poète ? Ça oui, c'est certain. En revanche, il a rayé les noms de dramaturges et romanciers de sa biographie officielle, j'ai vérifié sur le site. Mais on pourrait aussi le qualifier de slameur, car il a posé sa voix sur des musiques trappes. Il est également responsable d'un festival de poésie et qui sait si, un jour, on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre. Tout est à voir, cet artiste né en Haïti est venu à l'écriture grâce au rap, qu'il a inspiré quand il avait 12-13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grâce à ses professeurs, il découvre le plaisir de la lecture, puis celui de la poésie, un genre littéraire extrêmement dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franck Etienne, qui lit, comme il lit le Martiniquais. Aimé Césaire, puis, à 18 ans, à la faveur d'un livre d'occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis, il n'a plus de doute, puisant dans la douleur de Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots pour dire les blessures de son âme, mais aussi celles des autres. Chansons, poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son œuvre prolifique, quelle qu'en soit la forme, exprime l'urgence de ses sentiments. Il impressionne et c'est bientôt loin de son île en France qu'on lui décerne de nombreux prix, notamment le prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie Rouge en 2022. Celui pour qui être haïtien c'est attendre sa balle, a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans des vagues chaloupées, loin du compas de Karimi ou Tabou Combo, quant à ses poèmes, ils sauront vous faire chavirer. Et c'est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qu'il a conduit de Port-au-Prince à Paris, que j'ai retrouvé ce poète sans frontières au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir. Bonjour Jean d'Amérique.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis, quelle magnifique présentation. Mille merci.

  • Speaker #0

    Merci à vous. Est-ce que vous vous sentez seul dans la nuit ?

  • Speaker #1

    Souvent, souvent, parce qu'autour de moi, il y a beaucoup de choses qui forment comme un magma d'ombre et parmi lesquelles j'essaie de... naviguer jusqu'à survivre et voir la lumière.

  • Speaker #0

    Je faisais référence à une phrase qui est dans Soleil à coudre, votre roman qui est sorti il y a quelques années maintenant.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la phrase que Tête Fêlée, elle entend souvent comme un disque dans sa tête qui ne s'arrête jamais. Et cette petite fille, elle essaye de grandir, de survivre, de devenir quelqu'un et elle est enfermée dans une longue nuit. Donc son combat... ça passe par l'amour, par l'écriture qui lui donne une fenêtre vers la vie.

  • Speaker #0

    On a l'impression qu'il y a un peu de vous dans ce personnage.

  • Speaker #1

    Sans doute, sans doute, parce que le décor qui est dans le roman, qui est le milieu où grandit Tête-Fellée, c'est un peu ce genre de lieu aussi où j'ai grandi. Donc j'ai pu connaître, même si ce n'est pas mon histoire exactement, littéralement, comme elle est dans le roman. Mais le décor est le mien, donc il y a forcément un peu de moi. Et puis dans ce rêve de vivre et de dépasser les conditions matérielles qui sont très précaires là-bas. l'écriture m'a donné un chemin.

  • Speaker #0

    Je pensais vraiment à ça, au rapport à l'écriture. Vous êtes quelqu'un qui s'est révélé grâce à l'écriture, grâce aux textes que vous lisiez, mais également vraiment par rapport aux textes que vous écriviez, que vous écrivez toujours. Je disais tout à l'heure cette urgence, parce que ce sont vos mots, cette urgence d'écrire. Comment vous la sentez au quotidien ?

  • Speaker #1

    En fait, Je dis littéralement que c'est l'écriture qui m'a donné la vie parce que quand on a une voix, quand on peut parler, qu'on sait qu'on a écouté, ça c'est grand, c'est fort. Surtout quand on a vécu dans des lieux où ça nous était pas donné. Donc pour moi c'est une aubaine en fait et j'ai tellement de choses à dire, j'ai tellement de... de choses que je vois autour de moi qui parfois m'indignent aussi. Et l'écriture, c'est l'endroit parfait pour pouvoir les exprimer. Donc je suis toujours habité par cette urgence, et c'est ce qui me fait écrire, c'est ce qui me fait avancer. Pour moi, c'est un acte toujours viscéral. Je me lève rarement un matin en me disant... sur quoi je vais écrire. Parce que je suis déjà traversé par trop plein de choses. Je cherche plutôt les mots pour les nommer, pour les dire. Mais c'est sûr que j'ai un lot de choses en moi qui ont besoin d'être exprimées.

  • Speaker #0

    Ce qui est fort dans l'écriture, c'est que vous pouvez vous mettre à la place d'un autre, vous imaginez d'autres vies, vous mettre à la place de cette petite fille. L'imagination, elle est sans frontières. Vous voyez ça comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, l'imagination c'est la plus grande chose qui nous soit donnée parce que l'esprit est libre. Moi ce que je fais, même si mon écriture prend encore vraiment dans la chair du réel, je me permets de déployer ça avec un monde imaginaire aussi. Parce qu'en même temps je décris. le monde dans lequel je vis, mais j'ai envie d'aller au-delà.

  • Speaker #0

    Vous le sublimez ?

  • Speaker #1

    Le sublimer, le transformer, et donner aux gens aussi un autre monde où ils peuvent se projeter. Donc pas juste faire un reportage du réel, mais dépasser ce réel, le rendre... Comment dire ? peut-être habitable si je parle en termes de rêve. Parce que quand j'écris quelque chose, je me dis que c'est très bien de voir la réalité, mais il faut donner de l'espace aux gens aussi pour respirer, se voir ailleurs, se voir dans un autre monde.

  • Speaker #0

    Je reviens sur Soleil à coudre. En même temps, dans Soleil à coudre, on est... On est dans une aventure, dans un monde qui est très oppressant. On ressent toute l'urgence qui peut exister dans ces rues de Port-au-Prince. Et on a l'impression que le soleil, effectivement, il faudrait le prendre sur un morceau de tissu et essayer de se le mettre dans le ciel pour le voir, car l'horizon semble totalement bouché. Et cependant, il y a cette petite lueur d'espoir qui naît. Vous, vous voyez la vie de cette façon-là ?

  • Speaker #1

    Oui, déjà, en Haïti, ce n'est pas pour rien que j'ai pris le soleil comme élément, parce qu'en Haïti, ça veut... ça veut dire l'espoir, ça veut dire la vie. Donc pour moi, c'est déjà une métaphore pour aller vers cette vie-là dont on rêve. Et d'un autre côté, la longue nuit, on en parlait tout à l'heure, c'est une métaphore du degré de violence dans laquelle mon pays est plongé. Donc cette longue nuit, c'est un peu... Oui, ces forces de l'ombre, ces forces de la répression, de l'oppression qui sont autour de nous et qu'il faut briser pour voir le soleil renaître, pour voir la vie donc renaître. C'est pourquoi je disais que la vie de Tête-Fellée que je raconte, elle est vraiment semée de plein d'obstacles, de plein d'embûches, mais... C'est une petite fille qui se bat constamment parce que son but c'est... c'est d'exister, de réclamer son droit à la vie, son droit à l'espoir. Et je crois qu'en Haïti, on a besoin de ça, surtout les jeunes de ma génération qui ont vécu beaucoup de moments sombres.

  • Speaker #0

    Vous pensez que les, je pense au monde occidental, les occidentaux ne comprennent pas ce que c'est Haïti, ne comprennent pas toute cette violence, ne comprennent pas comment c'est possible qu'on en soit arrivé là ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, oui, qu'on ne comprend pas vraiment.

  • Speaker #0

    On ne comprend pas notre responsabilité également ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai cette impression, parce qu'on reste souvent à la surface ici. Quelque part, c'est peut-être... Pas de leur faute, parce qu'il y a une vague qui arrive souvent par certains médias, donc ils vont rester sur le côté sensationnel de la chose, c'est-à-dire quand il y a tout d'un coup, je ne sais pas, une tuerie, on va plutôt parler de ça, mais on ne va pas chercher les racines de ce qui se passe. Et les racines de cette violence, pour les comprendre. il faut s'intéresser à ce peuple, à ce qu'il subit depuis quelques années, à ce qu'on a fait de l'État aujourd'hui qui n'existe presque pas et comment aussi la communauté internationale, les États-Unis, le Canada, la France, etc., comment ces pays-là ont une main aussi dans ce qui se passe en Haïti. Moi, ce que je souhaite... pour les gens en Occident, en France, je ne sais pas, c'est d'ouvrir les yeux un peu plus et de voir au-delà de cet écran qui est souvent superficiel. Et aussi d'essayer d'écouter, d'entendre les battements de cœur du peuple haïtien. Parce qu'on ne peut pas réduire la carte d'identité d'Haïti à un cycle de violence. Parce que cette violence-là, elle est plus représentative de ce qu'est l'État haïtien. Mais le peuple haïtien, je sais qu'il porte plein d'autres choses, qu'il porte une rage de vivre et il faut entendre ça aussi.

  • Speaker #0

    Un peuple, on l'espère, résilient. J'en profiterai juste pour faire un petit histoire. C'est vrai que Haïti, à son indépendance, a été un des premiers pays, c'est le deuxième pays d'Amérique, après les États-Unis, à être devenu indépendant, mais a été flanqué d'une dette colossale envers la France. Et cette dette, ils ont mis à peu près un siècle à la rembourser. Ça a freiné le développement et même les derniers intérêts ont été payés en 1952. commencent à se développer, en fait, clairement, en ayant toute une dette colossale à payer. Et ensuite, il y a eu des dictateurs, on peut le dire, qui ont spolié, finalement, toute l'économie du peuple haïtien, ce qui explique en partie la désorganisation qu'il peut y avoir aujourd'hui dans ce pays. Malgré tout, il y a un mouvement intellectuel tellement puissant en Haïti. dont on perçoit quelques représentants ici depuis des dizaines d'années. Je pense en musique à des artistes comme Vito Vaobas par exemple, Franck Etienne au niveau de la poésie, de la littérature. Vous aujourd'hui, comment on explique ce très haut niveau d'exigence intellectuelle qui émerge à chaque fois d'Haiti ? qui est sans doute, à niveau d'intelligence intellectuelle, quelquefois plus haut que ce qu'on peut avoir à Paris.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est incroyable. Je ne sais pas, franchement, je ne sais pas comment l'expliquer de manière rationnelle. Mais je crois qu'en Haïti, il y a beaucoup de raisons de s'exprimer déjà, parce que c'est un pays qui a connu dans son histoire, comme vous venez de l'expliquer, beaucoup d'épisodes de violence, donc il y a beaucoup de raisons de s'exprimer. Et si on fait l'histoire de la littérature haïtienne, on voit qu'elle a toujours accompagné les grands moments de lutte, les grands moments de révolte. Oui, les premiers poèmes haïtiens, c'est des poèmes de révolte, en fait. La littérature a toujours été présente de ce côté-là. Et j'ai l'impression, c'est l'endroit aussi où Haïti brille finalement. C'est-à-dire, s'il nous reste, ne serait-ce qu'une partie de notre visage qui soit présentable, ça passe beaucoup à travers l'art, à travers les créations artistiques. Parce qu'en fait, cette flamme-là, je pense que rien ne peut l'éteindre. quel que soit le degré de pauvreté matérielle ou de violence qu'on subit, la création artistique, on ne peut pas l'éteindre. On trouve toujours des moyens pour créer. Après, bien sûr, c'est... Comment dire ? C'est relatif. Enfin, il est question de moyens. On a besoin de moyens pour crier aussi. Mais je veux dire, c'est une flamme qui est allumée dans le cœur et qu'on ne pourra jamais éteindre. C'est-à-dire même sous les balles, on écrit encore. On a envie de crier encore.

  • Speaker #0

    C'est ça la force du poète ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça la force du poète. C'est comme dit... Aragon, on pourra tuer le poète mais jamais son chant. Pas plus tard qu'hier, je reçois un poème d'un jeune poète haïtien qui s'appelle Ricardo Boucher, qui vit à Port-au-Prince et qui est dans le feu de tout ce qui se passe là, qui est très en difficulté et qui m'envoie des poèmes. Je trouve ça formidable en fait. Et si ce n'est pas ça la vie, je ne sais pas ce que je peux nommer vie en fait. La vie pour moi, c'est cette envie-là d'exister même dans le dernier souffle, même dans le dernier élan. Et le peuple haïtien m'a appris ça.

  • Speaker #0

    Le mot est une arme pour vous ?

  • Speaker #1

    Oui, sans doute. Il y a une poétesse haïtienne qui s'appelle Ketli Mas qui dit... La poésie est une arme de construction massive. J'aime beaucoup cette phrase et je pense qu'elle a raison. Les mots nous permettent de nommer ce qui nous entoure, ce qui parfois nous fait du mal, et nous aident à ouvrir des portes vers un horizon où on peut trouver, où on peut espérer trouver de la lumière. Oui, les mots, c'est une force, c'est une arme. C'est ce que j'utilise tous les jours pour essayer d'atteindre des esprits, les réveiller. Des esprits.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression qu'il y a toujours un côté un peu mystique quand on vous voit parler des esprits. Vous y croyez, ce mysticisme qui est propre à Haïti également ?

  • Speaker #1

    Alors moi je ne suis pas croyant, ça c'est attesté, mais c'est vrai qu'en Haïti il y a une mythologie qui nous entoure et je crois qu'on a une connexion aussi avec... avec la vie, c'est-à-dire comme elle se décline à travers tous les éléments de la nature, tout ce qui nous entoure. Moi, j'ai grandi dans ça.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression, presque naturellement, qu'il y a une connexion avec les choses, avec les êtres vivants qui m'entourent. Je suis à l'écoute, on va dire.

  • Speaker #1

    Je discutais avec un joueur de tambour haïtien. Il refuse, il dit je ne fais pas du tam-tam, je ne fais pas des instruments, je fais du tambour haïtien, il s'appelle Atissou Loko. Et Atissou m'expliquait que les peaux de ces tambours ont été trempées dans la mer une nuit de pleine lune et c'était très important car ils ont été sacrés ensuite. Et il n'y a que comme ça qu'on peut savoir si le tambour va bien résonner avec les âmes autour. Et... Il est très sérieux quand il explique ça, et effectivement, son tambour provoque des trans aux personnes qui peuvent danser autour de lui. Et c'est pour ça que je disais que vraiment, le mysticisme est quelquefois très propre à Haïti, et c'est pour ça que je me posais la question dans vos écrits, est-ce que vous voulez le faire ressentir quelquefois ? Parce qu'on peut ressentir cela quand on le lit en tout cas.

  • Speaker #0

    En effet, en fait, il y a l'instrument là que vous évoquez, le tambour. En Haïti, pour nous, c'est plus qu'un instrument. Il y a même un proverbe qui dit, enfin, dès que l'haïtien, enfin, je sais traduire littéralement, mais en gros...

  • Speaker #1

    Dites-le, on a haïtien d'abord.

  • Speaker #0

    Dès que l'haïtien entend des tambours, il les veut danser. Enfin, dès que l'haïtien, il entend le tambour, ils dansent, forcément, parce que c'est un instrument qui est connecté littéralement à notre âme. Voilà, c'est une partie de notre identité. Moi, dans mon écriture, souvent j'utilise des motifs qui viennent de cette mythologie-là, liés au vaudou haïtien. Par exemple, dans Soleil à coudes il y a... Il y a souvent un voyage entre le visible et l'invisible. Par exemple, il y a un motif que j'ai mis dans le roman qui m'est inspiré quelque part par la mythologie vaudou, où en fait, tous les morts qu'il y a dans le livre, c'est comme s'ils ne sont pas vraiment morts. transformé, il s'évapore parfois.

  • Speaker #1

    Il se surveille.

  • Speaker #0

    Ouais. Et du coup, c'était un peu dans l'idée, dans le texte, comme la petite fille, elle voit beaucoup de gens mourir. C'était une manière de la consoler, en fait. J'ai trouvé dans ce motif-là une manière de consoler cette petite fille. En fait, c'est comme si les gens ne meurent pas vraiment. mais se métamorphose, se transforme, parfois s'évapore. Du coup, on ne sait pas vraiment. Et dans le vaudou, il y a cette idée que la mort, c'est le prolongement de la vie et il y a une connexion toujours entre les vivants et les morts. On donne beaucoup d'importance à ça. On parle même aux morts. Et même les cimetières en Haïti, c'est des endroits de vie aussi.

  • Speaker #1

    Quand vous évoquez Haïti, on voit dans vos yeux une certaine mélancolie. Haïti vous manque ?

  • Speaker #0

    Oui, Haïti me manque. C'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui aime s'accrocher à une nostalgie éternelle. Je vis en France depuis quelques années maintenant. J'essaie de vivre ici. en étant vraiment ici et ne pas chercher constamment Haïti ici, parce que je sais qu'elle n'est pas ici. Mais elle me manque quand même, parce qu'aujourd'hui, c'est vrai que je n'étais pas parti en exil, mais aujourd'hui, j'ai l'impression de vivre un exil intérieur, parce que comme je suis empêché... De rentrer dans mon pays quand je veux, par tout ce qui s'y passe et pour des raisons politiques aussi. Donc j'ai le sentiment d'exil maintenant. Donc souvent oui, ça me manque et j'essaie de garder une connexion, même à distance, ce qui s'y passe, etc. Et aussi de me connecter par la littérature, par d'autres formes artistiques.

  • Speaker #1

    On va faire un petit vrai ou faux, Jean d'Amérique.

  • Speaker #0

    Let's go. Un café ou un soin ?

  • Speaker #1

    Jean d'Amérique, vrai ou faux, vous adorez lire, fumer de l'herbe, écouter de la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Vrai. Mais où est-ce qu'il a trouvé ça ?

  • Speaker #1

    Ah, vous l'avez dit ?

  • Speaker #0

    Oui, vrai. Ah, t'as fouillé. J'ai fouillé. Oui. C'est vrai. Oui, j'adore lire.

  • Speaker #1

    Mais la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Oui, oui. J'adore lire. C'est vrai que je fume de l'herbe. Ça arrive. C'est bon. Ça arrive, oui. C'est bon. Et le café, c'est... une de mes boissons préférées. Je pense que c'est ma boisson préférée.

  • Speaker #1

    Ça rentre dans le processus d'écriture également ?

  • Speaker #0

    Ah, sans doute, ça infuse les mots. Mais je dis souvent que tous les matins, je suis triste jusqu'à ce que j'avale ma première goutte de café. voilà et une fois que j'avale ma première goutte de café je suis vivant j'existe et d'ailleurs il a un café devant lui le champ d'Amérique a un café devant lui en Haïti on vous appelait le pied poudré Oui. Alors,

  • Speaker #1

    il va falloir nous traduire la signification.

  • Speaker #0

    Pied poudré, c'est une expression en Haïti pour dire... En fait, c'est quand quelqu'un traîne partout et donc, il a littéralement les pieds poudrés de poussière, en fait. Et donc, moi, je dis que je suis un pied poudré parce qu'après au Prince, oui, je traîne partout pour aller chercher les livres, pour aller voir les amis. Donc oui, Pied Poudré, c'est vraiment quelqu'un qui arpente la ville, qui erre dans la ville en quête de quelque chose.

  • Speaker #1

    Un voyageur à l'intérieur de son royaume.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est le rap de Tupac qui vous a amené à l'écriture ?

  • Speaker #0

    Le rap... Plus largement, celui de Tupac certainement aussi. Mais avant Tupac, quand même, il y a eu du rap haïtien. C'est par là que ça a commencé.

  • Speaker #1

    Il y a deux groupes haïtiens qui vous ont principalement influencé ?

  • Speaker #0

    Exactement, Barricade Crew, Wok Fam. Donc oui, ces groupes m'ont marqué. Et après, moi, par mes recherches, je suis allé écouter du rap américain, du rap français. Donc oui, Tupac et d'autres.

  • Speaker #1

    Parce que Haïti est un pays de musique.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Souvent, quelques fois, on va même penser que Haïti n'est presque représenté que par la compas qui infuse dans le zouk caribéen. Mais c'est au-delà de tout cela. Mais c'est beaucoup, beaucoup de musique.

  • Speaker #0

    Oui, beaucoup, beaucoup. Et beaucoup plus que le compas, justement. C'est vrai que le compas, oui, c'est une musique haïtienne. qui a une place très forte là-bas et qui influence aussi d'autres styles de musique. Mais il y a plein de types de musique en Haïti. Et aujourd'hui, il y a vraiment beaucoup, dans la musique, il y a beaucoup de créations. Je pense qu'il y en a qui n'arrivent peut-être pas à percer à l'international, mais... Je pense que certainement ça va arriver.

  • Speaker #1

    On va parler musique après tous les deux, mais on va continuer avec ces vrais ou faux. Vrai ou faux, être né quelque part, c'est un accident. Être haïtien, ça ne veut rien dire. Votre seule boussole, c'est la poésie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vrai. Il me semble que j'ai dit ça quelque part.

  • Speaker #1

    C'est possible.

  • Speaker #0

    Oui, c'est possible.

  • Speaker #1

    Je n'aurais pas inventé.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'est vrai. Je pense que... Oui, être haïtien, c'est...

  • Speaker #1

    C'est une partie de vous, mais vous êtes principalement poète.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. Je ne voulais pas être enfermé dans une identité, parce qu'une identité, c'est quelque chose qui n'est pas fixe. C'est appelé être un perpétuel mouvement. C'est ce que Édouard Glissant appelle la créolité, la créolisation. En fait, on est des êtres en devenir tout le temps. Ou bien Jean-Claude Charles qui parle de enracinérance j'aime beaucoup ce terme-là. C'est une manière de dire qu'on vient certainement de quelque part, on a des racines, mais on peut être en perpétuelle errance à la rencontre d'autres imaginaires, d'autres cultures, sans s'effacer en fait, sans effacer notre essence.

  • Speaker #1

    Très puissant. Vrai ou faux, vous avez besoin d'être inconfortable dans votre démarche pour vous convaincre de rester un artiste.

  • Speaker #0

    C'est vrai. C'est très important de...

  • Speaker #1

    Vous remettez en question.

  • Speaker #0

    C'est très important de toujours se renouveler. comme artiste, parce qu'on est appelé à créer, donc donner quelque chose de nouveau. Moi, tous les textes, tous les livres que j'écris, j'essaie de divorcer avec la forme précédente pour inventer quelque chose de nouveau. Oui, c'est-à-dire renier, enfin pas renier, mais dépasser ce que j'ai déjà fait. Oui, quand je dis divorcer, ce n'est pas renier.

  • Speaker #1

    Justement, c'est très fort. Quand on divorce, on ne renie pas ce qui s'est passé avant, mais on tire vraiment un trait sur quelque chose.

  • Speaker #0

    Exactement. C'est-à-dire, moi, j'ai publié, pour l'instant, je crois, neuf livres. Ils ont tous des formes différentes. Et ça, pour moi, c'est important parce que je ne veux pas me répéter. Je ne veux pas être l'écrivain qui, enfin, a trouvé sa formule magique et qui... répète à chaque fois, je ne veux pas que faire un livre soit facile pour moi. Sinon, j'aurais l'impression que je ne fais plus rien.

  • Speaker #1

    Comment on fait alors pour que ça devienne difficile dans le processus d'écriture ? Comment vous écrivez, tout simplement ?

  • Speaker #0

    Pour moi, écrire, c'est comme... C'est comme creuser une terre et faire... et accepter après un long temps de ne rien trouver. On creuse, on creuse et on ne trouve rien. Et on continue.

  • Speaker #1

    Vous venez dans un café comme ici, par exemple, on est au Café Floreal à Belleville. C'est vous qui avez choisi cet endroit. Est-ce que ça vous arrive d'arriver dans un café comme ici et avec une feuille, un stylo ou un ordinateur, j'en sais rien, et puis... d'envoyer du pâté, si vous me permettez l'expression.

  • Speaker #0

    Oui, ça m'arrive. Ça m'arrive. J'ai toujours des choses qui flottent en moi. Et donc, à un moment, il faut que je me pose pour essayer de les sortir. Des fois, je prends juste des notes. Mais réellement, je ne me donne pas un... un objectif rigoureux d'écrire forcément quelque chose. Ce n'est pas l'usine. Voilà, ce n'est pas une usine, mais c'est juste être à l'écoute et créer de la disponibilité pour accueillir ce qui peut jaillir. Et donc, une fois qu'il y a ce jaillissement-là, trouver les mots, trouver la forme, c'est là que naisse le travail. Et donc, oui, que je sois dans... Dans un café ou chez moi, c'est être à l'écoute de ce qui me traverse. Et donc, oui, par exemple ici, ces derniers temps, je viens souvent me poser là. Des fois, j'écris, des fois pas du tout, des fois je lis. Ou parfois, je suis en train de lire et tout d'un coup, il y a une idée qui passe dans la tête. je profite de l'écrire et parfois j'ai des projets en chantier aussi dans lesquels je fais comme C'est comme si je picore. À chaque fois, je dépose quelques petites...

  • Speaker #1

    Parce que quand vous dites que vous êtes une antenne, j'ai l'impression vraiment d'avoir cette antenne radio. Vous êtes une radio et puis vous allez...

  • Speaker #0

    Je capte les vibrations.

  • Speaker #1

    Vous regardez les gens également ? Ça vous inspire, les gens ici ?

  • Speaker #0

    Oui, ça arrive. Il y a des gens que je vois, des choses que je vois, des actions. Donc... Ça ne veut pas dire que j'écris tout de suite un livre avec ça, mais je prends des notes, je prends beaucoup de notes par rapport à ce qui se passe autour de moi. Et j'aime écrire aussi avec le bruit de la vie autour de moi. Et dans un café, on a ça.

  • Speaker #1

    Je vous l'assure, on a tout ce qu'il faut.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. On a le bruit de la vaisselle, on a le bruit des tasses, les gens qui parlent autour.

  • Speaker #1

    Ça fait un tapis sonore.

  • Speaker #0

    Exactement, et moi j'ai besoin de... J'ai besoin de ça pour écrire aussi. J'aime pas forcément... Enfin, parfois c'est bien, mais j'aime pas toujours avoir un silence de tombe pour écrire. Déjà, je viens de Port-au-Prince, c'est une ville qui est très bruyante.

  • Speaker #1

    Entre les voitures, les cris...

  • Speaker #0

    Ouais, les voitures, les cris, les marchands qui passent, le voisin qui met sa radio, le pasteur à côté. Moi, j'ai toujours écrit avec tout ça. Voilà, tous ces bruits sont présents dans mes livres. Et donc, je ne peux pas écrire sans le bruit de la vie. J'ai besoin de ça, quoi. Donc, dans un café, je me rapproche un petit peu de ça.

  • Speaker #1

    Et donc, on a évoqué là Port-au-Prince, je reviens un peu sur Soleil à coudre avec cette petite fille de 12 ans à qui vous avez donné la parole, à qui vous avez donné la vie dans cette histoire. et je transpose ici parce que nous sommes à Paris et je me dis, est-ce que vous pourriez être un autre personnage, je sais pas un hipster qui est à la terrasse de ce café et puis qui a totalement d'autres préoccupations bien sûr est-ce que ça vous intéresse d'aller vers ces choses là et puis de dire, bah tiens en fait je vais faire une autre histoire différente, éloignée d'Haïti

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça peut arriver ou même ça va arriver ou c'est déjà en train d'arriver. Parce que moi, je suis une fenêtre ouverte qui accueille tous les vents du monde que je rencontre. C'est-à-dire... je ne me force pas à le faire. Je sais tout simplement que je vis ici à Paris et donc forcément, je suis en contact avec autre chose qui vont infuser ma vie, qui vont infuser ce que j'écris.

  • Speaker #1

    Et on trouve également, au-delà des textes, j'ai écouté cet album que j'ai trouvé très réussi dans lequel vous posez votre voix sur de la musique trap. C'est venu comment ?

  • Speaker #0

    Comme vous avez raconté tout à l'heure, j'ai beaucoup été influencé par le rap et ce rythme là me porte. Et moi, avec ma poésie, je me dis toujours que je peux trouver d'autres formes pour l'exprimer. Et donc, ça passe par la musique. Et voilà, j'adore ça. Les mots, c'est déjà de la musique d'ailleurs. Si on fait attention...

  • Speaker #1

    Une musicalité, une rythmique ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a déjà un rythme. Et moi, je donne beaucoup d'importance à ça dans l'écriture. Trouver un rythme. avec les mots. Et donc, ce que j'ai fait dans cet album, c'est juste... cette rencontre entre ma poésie et une musique qui est le rap, avec la trappe, la drill. Trouver une autre manière de partager ce que j'écris et que ça sorte un peu des livres aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on arrive à exprimer d'autres choses ? Est-ce que vous, vous exprimez d'autres choses à travers les textes slamés que par rapport à ce que vous écrivez ? Est-ce que c'est plus direct ? Est-ce que c'est plus franc ? Est-ce que vous lâchez plus ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il n'y a pas vraiment de différence. C'est-à-dire que c'est la même matière qui passe juste par deux enveloppes différentes, deux chemins différents. D'ailleurs sur l'album que j'ai sorti, il y a des textes qui viennent de mes livres, qui n'étaient pas prévus pour de la musique, mais que j'ai mis en musique. Donc pour moi c'est vraiment la même matière. Je ne me dis pas que je vais écrire pour ça et donc je vais écrire de telle manière. Je peux le faire aussi, mais je pense que les mots sont déjà musique, les textes comme je l'ai dit quand je les ai écrits. je donne déjà cette place à la musique, au rythme. Donc il me suffit de l'envisager par la suite avec de la musique et je vais trouver une manière de le mettre en bouche, de le mettre en voix qui soit plus ou moins potable.

  • Speaker #1

    Vous allez vers quel mode d'expression après le slam, après les romans, après le théâtre ? Il y a un autre roman qui est en cours ?

  • Speaker #0

    Il y a un autre roman, oui, qui est en cours. J'y travaille depuis quelques temps, depuis quelques années même. Ça prend du temps, mais ça arrive, ça arrive. On y bosse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous auriez fait ? Imaginons, vous n'êtes pas poète, vous auriez fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'aurais pu être un chercheur en sciences sociales, sciences humaines, des choses comme ça. J'avais même entamé des études par rapport à ça, que j'ai fini par abandonner pour me consacrer à l'écriture. Mais j'aimais bien cette idée d'analyser, d'essayer de comprendre les phénomènes sociaux, le rapport entre les gens. Je pense qu'on le fait un petit peu à travers la littérature. Moi,

  • Speaker #1

    je vais vous proposer un truc très terre à terre. Je vais vous dire, on va imaginer que vous travaillez dans un café. Mais pour ça, j'ai trois questions à vous faire passer pour voir si on peut valider le fait que vous pouvez tenir un bar ou un café. On essaye ?

  • Speaker #0

    Let's go.

  • Speaker #1

    Alors déjà, pourquoi le thé est plus cher que le café ?

  • Speaker #0

    Ça, je n'ai jamais compris. Ça, je n'ai jamais compris.

  • Speaker #1

    C'est une terrible injustice pour les buveurs de thé.

  • Speaker #0

    Oui, ça, c'est une injustice. Mais bon, le café, c'est le plus important.

  • Speaker #1

    Je vous donne la réponse quand même. En fait, le thé est plus cher que le café parce qu'il se boit plus lentement. et donc le client reste plus longtemps à table et puis ça demande au delà du café ça demande une tasse à nettoyer ça demande un pot d'eau ça c'est n'importe quoi exactement je sais pas si vous êtes amateur de pastis mais la différence entre un pastis 51 et un Ricard ah

  • Speaker #0

    ouais ça je ne saurais pas dire vous buvez du pastis ? oui ça m'arrive ah bah

  • Speaker #1

    Donc le Ricard, la différence entre le Ricard et le Pastis 51, c'est que le Ricard a un goût légèrement plus fort et légèrement plus amer que le Pastis 51. C'est hyper important de le savoir. Ok,

  • Speaker #0

    je vais faire attention la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Et j'en ai une dernière. Quelle est l'origine du Tiponche ? Je dirais, le Tiponche est né suite à un événement.

  • Speaker #0

    Ah, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Ce cocktail est né sur l'île de Marie-Galante, au sud de l'archipel de la Guadeloupe, dans la mer des Caraïbes, pour fêter le décret d'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848. Tous les habitants affranchis et libres ont célébré cette journée de fête en consommant toute la production de sucre et de rhum de leurs clients qu'ils ont mélangé dans le grand tonneau en bois.

  • Speaker #0

    Waouh, c'est incroyable. C'est festif. Waouh. Ah bah il faut en boire

  • Speaker #1

    Là on enregistre ce matin on va faire ça mais on va continuer au café finalement Du coup je suis pas éligible pour travailler dans un café Non mais c'est vachement bien d'être poète je pense que vous avez toute légitimité à continuer dans cette voie parce que vous êtes extrêmement talentueux et c'était un honneur de vous accueillir Jean d'Amérique, merci beaucoup d'être venu pour cette émission Un Café au Comptoir au café Floreal à Belleville

  • Speaker #0

    Mille merci Mille merci et buvons du café éternellement.

  • Speaker #1

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très bientôt pour un nouveau Café au comptoir.

Chapters

  • vrai ou faux

    22:05

Description

Un café au comptoir avec Jean d'Amérique, enregistré au Café Floréal Belleville, 43 rue des couronnes à Paris (20e)


Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d’un ouragan meurtrier. S’il  les manipule avec précaution, c’est qu’ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux mais  elle est toujours explosive . Elle est enragée tumultueuse, sur elle souffle le vent violent de sa révolte.


Haïtien. Poète. Mais pas poète haïtien. Ce serait trop simple. Lui ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boite au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela.


Mais qu'est il réellement ? Poète ? Ça, oui, c’est certain. En revanche il a rayé les noms de dramaturge et romancier de sa biographie officielle. Mais on pourrait aussi  le qualifier de slammer, car il a posé sa voix sur des musiques trap. Il est egalement responsable d'un festival de poesie, et qui sait si un jour on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre ?


Cet artiste né en Haiti est venu à l’écriture grâce au rap qui l’a inspiré quand il avait 12, 13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grace à ses professeurs il découvre le plaisir de la lecture puis celle de la poésie, un genre littéraire extrêmement   dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franketienne qu'il lit, comme il lit le martiniquais Aimé Césaire. Puis à 18 ans, à la faveur d’un livre d’occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro américaine a avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis il n'a plus de doute, puisant dans la douleur Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots  pour dire les blessures de son âme  mais aussi celles des autres.


Chansons , poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son oeuvre prolifique quelqu'en soit la forme , exprime l'urgence de ses sentiments .

Il impressionne  et c'est bientôt loin de son île, en France , qu on lui décerne de nombreux prix notamment  le Prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie rouge, en 2022.


Celui pour qui « Etre haïtien, c’est attendre sa balle. » a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans les vagues chaloupées du kompa de Carimi ou Tabou Combo quant à ses   poèmes , ils sauront  vous faire chavirer.


Et c’est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qui l'a conduit de de Port au Prince, à Paris, que j’ai retrouvé ce poète sans frontière au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir !


Emission présenté par Alexis Himeros

https://instagram.com/alexishimeros


Avec Jean d'Amérique

https://www.instagram.com/jeandamerique/




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, je suis Alexis Meros et vous écoutez un café au coude-bois. Mon invité du jour fait pleuvoir les mots comme les larmes d'un ouragan meurtrier. S'il les manipule avec précaution, c'est qu'ils ne sont pas chargés à blanc. Son écriture n'a jamais pour but de jeter de la poudre aux yeux. Mais elle est toujours explosive. La beauté de ses phrases vient de la violence qui arme le vent violent de sa révolte. Haïtien, poète, mais pas poète haïtien, ce serait trop simple. Lui, c'est un poète Ne tient sans doute pas à être enfermé dans un statut défini, rangé dans une boîte au confort de cercueil, qui enterrerait sa parole en ne lui permettant pas de l'exprimer en dehors du cadre de l'auteur caribéen. Il est donc plus que cela. Mais qu'est-il réellement ? Poète ? Ça oui, c'est certain. En revanche, il a rayé les noms de dramaturges et romanciers de sa biographie officielle, j'ai vérifié sur le site. Mais on pourrait aussi le qualifier de slameur, car il a posé sa voix sur des musiques trappes. Il est également responsable d'un festival de poésie et qui sait si, un jour, on ne pourra pas lui attribuer aussi le titre de peintre. Tout est à voir, cet artiste né en Haïti est venu à l'écriture grâce au rap, qu'il a inspiré quand il avait 12-13 ans, lui donnant envie de coucher sur le papier ses propres textes. Grâce à ses professeurs, il découvre le plaisir de la lecture, puis celui de la poésie, un genre littéraire extrêmement dynamique dans son pays. Celle qu'on appelle la perle des Antilles a vu naître Franck Etienne, qui lit, comme il lit le Martiniquais. Aimé Césaire, puis, à 18 ans, à la faveur d'un livre d'occasion, il tombe sur les textes de Toni Morrison, romancière et première femme afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Depuis, il n'a plus de doute, puisant dans la douleur de Haïti au fond de lui, il crache les vers et les mots pour dire les blessures de son âme, mais aussi celles des autres. Chansons, poèmes, slams, romans, pièces de théâtre, son œuvre prolifique, quelle qu'en soit la forme, exprime l'urgence de ses sentiments. Il impressionne et c'est bientôt loin de son île en France qu'on lui décerne de nombreux prix, notamment le prix Heredia de l'Académie française pour Rhapsodie Rouge en 2022. Celui pour qui être haïtien c'est attendre sa balle, a le talent nécessaire pour vous emmener loin, dans des vagues chaloupées, loin du compas de Karimi ou Tabou Combo, quant à ses poèmes, ils sauront vous faire chavirer. Et c'est pour évoquer toutes les nuances de son inspiration nomade, celle qu'il a conduit de Port-au-Prince à Paris, que j'ai retrouvé ce poète sans frontières au Café Floreal à Belleville pour prendre avec lui un café au comptoir. Bonjour Jean d'Amérique.

  • Speaker #1

    Bonjour Alexis, quelle magnifique présentation. Mille merci.

  • Speaker #0

    Merci à vous. Est-ce que vous vous sentez seul dans la nuit ?

  • Speaker #1

    Souvent, souvent, parce qu'autour de moi, il y a beaucoup de choses qui forment comme un magma d'ombre et parmi lesquelles j'essaie de... naviguer jusqu'à survivre et voir la lumière.

  • Speaker #0

    Je faisais référence à une phrase qui est dans Soleil à coudre, votre roman qui est sorti il y a quelques années maintenant.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la phrase que Tête Fêlée, elle entend souvent comme un disque dans sa tête qui ne s'arrête jamais. Et cette petite fille, elle essaye de grandir, de survivre, de devenir quelqu'un et elle est enfermée dans une longue nuit. Donc son combat... ça passe par l'amour, par l'écriture qui lui donne une fenêtre vers la vie.

  • Speaker #0

    On a l'impression qu'il y a un peu de vous dans ce personnage.

  • Speaker #1

    Sans doute, sans doute, parce que le décor qui est dans le roman, qui est le milieu où grandit Tête-Fellée, c'est un peu ce genre de lieu aussi où j'ai grandi. Donc j'ai pu connaître, même si ce n'est pas mon histoire exactement, littéralement, comme elle est dans le roman. Mais le décor est le mien, donc il y a forcément un peu de moi. Et puis dans ce rêve de vivre et de dépasser les conditions matérielles qui sont très précaires là-bas. l'écriture m'a donné un chemin.

  • Speaker #0

    Je pensais vraiment à ça, au rapport à l'écriture. Vous êtes quelqu'un qui s'est révélé grâce à l'écriture, grâce aux textes que vous lisiez, mais également vraiment par rapport aux textes que vous écriviez, que vous écrivez toujours. Je disais tout à l'heure cette urgence, parce que ce sont vos mots, cette urgence d'écrire. Comment vous la sentez au quotidien ?

  • Speaker #1

    En fait, Je dis littéralement que c'est l'écriture qui m'a donné la vie parce que quand on a une voix, quand on peut parler, qu'on sait qu'on a écouté, ça c'est grand, c'est fort. Surtout quand on a vécu dans des lieux où ça nous était pas donné. Donc pour moi c'est une aubaine en fait et j'ai tellement de choses à dire, j'ai tellement de... de choses que je vois autour de moi qui parfois m'indignent aussi. Et l'écriture, c'est l'endroit parfait pour pouvoir les exprimer. Donc je suis toujours habité par cette urgence, et c'est ce qui me fait écrire, c'est ce qui me fait avancer. Pour moi, c'est un acte toujours viscéral. Je me lève rarement un matin en me disant... sur quoi je vais écrire. Parce que je suis déjà traversé par trop plein de choses. Je cherche plutôt les mots pour les nommer, pour les dire. Mais c'est sûr que j'ai un lot de choses en moi qui ont besoin d'être exprimées.

  • Speaker #0

    Ce qui est fort dans l'écriture, c'est que vous pouvez vous mettre à la place d'un autre, vous imaginez d'autres vies, vous mettre à la place de cette petite fille. L'imagination, elle est sans frontières. Vous voyez ça comme ça ?

  • Speaker #1

    Oui, l'imagination c'est la plus grande chose qui nous soit donnée parce que l'esprit est libre. Moi ce que je fais, même si mon écriture prend encore vraiment dans la chair du réel, je me permets de déployer ça avec un monde imaginaire aussi. Parce qu'en même temps je décris. le monde dans lequel je vis, mais j'ai envie d'aller au-delà.

  • Speaker #0

    Vous le sublimez ?

  • Speaker #1

    Le sublimer, le transformer, et donner aux gens aussi un autre monde où ils peuvent se projeter. Donc pas juste faire un reportage du réel, mais dépasser ce réel, le rendre... Comment dire ? peut-être habitable si je parle en termes de rêve. Parce que quand j'écris quelque chose, je me dis que c'est très bien de voir la réalité, mais il faut donner de l'espace aux gens aussi pour respirer, se voir ailleurs, se voir dans un autre monde.

  • Speaker #0

    Je reviens sur Soleil à coudre. En même temps, dans Soleil à coudre, on est... On est dans une aventure, dans un monde qui est très oppressant. On ressent toute l'urgence qui peut exister dans ces rues de Port-au-Prince. Et on a l'impression que le soleil, effectivement, il faudrait le prendre sur un morceau de tissu et essayer de se le mettre dans le ciel pour le voir, car l'horizon semble totalement bouché. Et cependant, il y a cette petite lueur d'espoir qui naît. Vous, vous voyez la vie de cette façon-là ?

  • Speaker #1

    Oui, déjà, en Haïti, ce n'est pas pour rien que j'ai pris le soleil comme élément, parce qu'en Haïti, ça veut... ça veut dire l'espoir, ça veut dire la vie. Donc pour moi, c'est déjà une métaphore pour aller vers cette vie-là dont on rêve. Et d'un autre côté, la longue nuit, on en parlait tout à l'heure, c'est une métaphore du degré de violence dans laquelle mon pays est plongé. Donc cette longue nuit, c'est un peu... Oui, ces forces de l'ombre, ces forces de la répression, de l'oppression qui sont autour de nous et qu'il faut briser pour voir le soleil renaître, pour voir la vie donc renaître. C'est pourquoi je disais que la vie de Tête-Fellée que je raconte, elle est vraiment semée de plein d'obstacles, de plein d'embûches, mais... C'est une petite fille qui se bat constamment parce que son but c'est... c'est d'exister, de réclamer son droit à la vie, son droit à l'espoir. Et je crois qu'en Haïti, on a besoin de ça, surtout les jeunes de ma génération qui ont vécu beaucoup de moments sombres.

  • Speaker #0

    Vous pensez que les, je pense au monde occidental, les occidentaux ne comprennent pas ce que c'est Haïti, ne comprennent pas toute cette violence, ne comprennent pas comment c'est possible qu'on en soit arrivé là ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, oui, qu'on ne comprend pas vraiment.

  • Speaker #0

    On ne comprend pas notre responsabilité également ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai cette impression, parce qu'on reste souvent à la surface ici. Quelque part, c'est peut-être... Pas de leur faute, parce qu'il y a une vague qui arrive souvent par certains médias, donc ils vont rester sur le côté sensationnel de la chose, c'est-à-dire quand il y a tout d'un coup, je ne sais pas, une tuerie, on va plutôt parler de ça, mais on ne va pas chercher les racines de ce qui se passe. Et les racines de cette violence, pour les comprendre. il faut s'intéresser à ce peuple, à ce qu'il subit depuis quelques années, à ce qu'on a fait de l'État aujourd'hui qui n'existe presque pas et comment aussi la communauté internationale, les États-Unis, le Canada, la France, etc., comment ces pays-là ont une main aussi dans ce qui se passe en Haïti. Moi, ce que je souhaite... pour les gens en Occident, en France, je ne sais pas, c'est d'ouvrir les yeux un peu plus et de voir au-delà de cet écran qui est souvent superficiel. Et aussi d'essayer d'écouter, d'entendre les battements de cœur du peuple haïtien. Parce qu'on ne peut pas réduire la carte d'identité d'Haïti à un cycle de violence. Parce que cette violence-là, elle est plus représentative de ce qu'est l'État haïtien. Mais le peuple haïtien, je sais qu'il porte plein d'autres choses, qu'il porte une rage de vivre et il faut entendre ça aussi.

  • Speaker #0

    Un peuple, on l'espère, résilient. J'en profiterai juste pour faire un petit histoire. C'est vrai que Haïti, à son indépendance, a été un des premiers pays, c'est le deuxième pays d'Amérique, après les États-Unis, à être devenu indépendant, mais a été flanqué d'une dette colossale envers la France. Et cette dette, ils ont mis à peu près un siècle à la rembourser. Ça a freiné le développement et même les derniers intérêts ont été payés en 1952. commencent à se développer, en fait, clairement, en ayant toute une dette colossale à payer. Et ensuite, il y a eu des dictateurs, on peut le dire, qui ont spolié, finalement, toute l'économie du peuple haïtien, ce qui explique en partie la désorganisation qu'il peut y avoir aujourd'hui dans ce pays. Malgré tout, il y a un mouvement intellectuel tellement puissant en Haïti. dont on perçoit quelques représentants ici depuis des dizaines d'années. Je pense en musique à des artistes comme Vito Vaobas par exemple, Franck Etienne au niveau de la poésie, de la littérature. Vous aujourd'hui, comment on explique ce très haut niveau d'exigence intellectuelle qui émerge à chaque fois d'Haiti ? qui est sans doute, à niveau d'intelligence intellectuelle, quelquefois plus haut que ce qu'on peut avoir à Paris.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est incroyable. Je ne sais pas, franchement, je ne sais pas comment l'expliquer de manière rationnelle. Mais je crois qu'en Haïti, il y a beaucoup de raisons de s'exprimer déjà, parce que c'est un pays qui a connu dans son histoire, comme vous venez de l'expliquer, beaucoup d'épisodes de violence, donc il y a beaucoup de raisons de s'exprimer. Et si on fait l'histoire de la littérature haïtienne, on voit qu'elle a toujours accompagné les grands moments de lutte, les grands moments de révolte. Oui, les premiers poèmes haïtiens, c'est des poèmes de révolte, en fait. La littérature a toujours été présente de ce côté-là. Et j'ai l'impression, c'est l'endroit aussi où Haïti brille finalement. C'est-à-dire, s'il nous reste, ne serait-ce qu'une partie de notre visage qui soit présentable, ça passe beaucoup à travers l'art, à travers les créations artistiques. Parce qu'en fait, cette flamme-là, je pense que rien ne peut l'éteindre. quel que soit le degré de pauvreté matérielle ou de violence qu'on subit, la création artistique, on ne peut pas l'éteindre. On trouve toujours des moyens pour créer. Après, bien sûr, c'est... Comment dire ? C'est relatif. Enfin, il est question de moyens. On a besoin de moyens pour crier aussi. Mais je veux dire, c'est une flamme qui est allumée dans le cœur et qu'on ne pourra jamais éteindre. C'est-à-dire même sous les balles, on écrit encore. On a envie de crier encore.

  • Speaker #0

    C'est ça la force du poète ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça la force du poète. C'est comme dit... Aragon, on pourra tuer le poète mais jamais son chant. Pas plus tard qu'hier, je reçois un poème d'un jeune poète haïtien qui s'appelle Ricardo Boucher, qui vit à Port-au-Prince et qui est dans le feu de tout ce qui se passe là, qui est très en difficulté et qui m'envoie des poèmes. Je trouve ça formidable en fait. Et si ce n'est pas ça la vie, je ne sais pas ce que je peux nommer vie en fait. La vie pour moi, c'est cette envie-là d'exister même dans le dernier souffle, même dans le dernier élan. Et le peuple haïtien m'a appris ça.

  • Speaker #0

    Le mot est une arme pour vous ?

  • Speaker #1

    Oui, sans doute. Il y a une poétesse haïtienne qui s'appelle Ketli Mas qui dit... La poésie est une arme de construction massive. J'aime beaucoup cette phrase et je pense qu'elle a raison. Les mots nous permettent de nommer ce qui nous entoure, ce qui parfois nous fait du mal, et nous aident à ouvrir des portes vers un horizon où on peut trouver, où on peut espérer trouver de la lumière. Oui, les mots, c'est une force, c'est une arme. C'est ce que j'utilise tous les jours pour essayer d'atteindre des esprits, les réveiller. Des esprits.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression qu'il y a toujours un côté un peu mystique quand on vous voit parler des esprits. Vous y croyez, ce mysticisme qui est propre à Haïti également ?

  • Speaker #1

    Alors moi je ne suis pas croyant, ça c'est attesté, mais c'est vrai qu'en Haïti il y a une mythologie qui nous entoure et je crois qu'on a une connexion aussi avec... avec la vie, c'est-à-dire comme elle se décline à travers tous les éléments de la nature, tout ce qui nous entoure. Moi, j'ai grandi dans ça.

  • Speaker #0

    J'ai l'impression, presque naturellement, qu'il y a une connexion avec les choses, avec les êtres vivants qui m'entourent. Je suis à l'écoute, on va dire.

  • Speaker #1

    Je discutais avec un joueur de tambour haïtien. Il refuse, il dit je ne fais pas du tam-tam, je ne fais pas des instruments, je fais du tambour haïtien, il s'appelle Atissou Loko. Et Atissou m'expliquait que les peaux de ces tambours ont été trempées dans la mer une nuit de pleine lune et c'était très important car ils ont été sacrés ensuite. Et il n'y a que comme ça qu'on peut savoir si le tambour va bien résonner avec les âmes autour. Et... Il est très sérieux quand il explique ça, et effectivement, son tambour provoque des trans aux personnes qui peuvent danser autour de lui. Et c'est pour ça que je disais que vraiment, le mysticisme est quelquefois très propre à Haïti, et c'est pour ça que je me posais la question dans vos écrits, est-ce que vous voulez le faire ressentir quelquefois ? Parce qu'on peut ressentir cela quand on le lit en tout cas.

  • Speaker #0

    En effet, en fait, il y a l'instrument là que vous évoquez, le tambour. En Haïti, pour nous, c'est plus qu'un instrument. Il y a même un proverbe qui dit, enfin, dès que l'haïtien, enfin, je sais traduire littéralement, mais en gros...

  • Speaker #1

    Dites-le, on a haïtien d'abord.

  • Speaker #0

    Dès que l'haïtien entend des tambours, il les veut danser. Enfin, dès que l'haïtien, il entend le tambour, ils dansent, forcément, parce que c'est un instrument qui est connecté littéralement à notre âme. Voilà, c'est une partie de notre identité. Moi, dans mon écriture, souvent j'utilise des motifs qui viennent de cette mythologie-là, liés au vaudou haïtien. Par exemple, dans Soleil à coudes il y a... Il y a souvent un voyage entre le visible et l'invisible. Par exemple, il y a un motif que j'ai mis dans le roman qui m'est inspiré quelque part par la mythologie vaudou, où en fait, tous les morts qu'il y a dans le livre, c'est comme s'ils ne sont pas vraiment morts. transformé, il s'évapore parfois.

  • Speaker #1

    Il se surveille.

  • Speaker #0

    Ouais. Et du coup, c'était un peu dans l'idée, dans le texte, comme la petite fille, elle voit beaucoup de gens mourir. C'était une manière de la consoler, en fait. J'ai trouvé dans ce motif-là une manière de consoler cette petite fille. En fait, c'est comme si les gens ne meurent pas vraiment. mais se métamorphose, se transforme, parfois s'évapore. Du coup, on ne sait pas vraiment. Et dans le vaudou, il y a cette idée que la mort, c'est le prolongement de la vie et il y a une connexion toujours entre les vivants et les morts. On donne beaucoup d'importance à ça. On parle même aux morts. Et même les cimetières en Haïti, c'est des endroits de vie aussi.

  • Speaker #1

    Quand vous évoquez Haïti, on voit dans vos yeux une certaine mélancolie. Haïti vous manque ?

  • Speaker #0

    Oui, Haïti me manque. C'est vrai que je ne suis pas quelqu'un qui aime s'accrocher à une nostalgie éternelle. Je vis en France depuis quelques années maintenant. J'essaie de vivre ici. en étant vraiment ici et ne pas chercher constamment Haïti ici, parce que je sais qu'elle n'est pas ici. Mais elle me manque quand même, parce qu'aujourd'hui, c'est vrai que je n'étais pas parti en exil, mais aujourd'hui, j'ai l'impression de vivre un exil intérieur, parce que comme je suis empêché... De rentrer dans mon pays quand je veux, par tout ce qui s'y passe et pour des raisons politiques aussi. Donc j'ai le sentiment d'exil maintenant. Donc souvent oui, ça me manque et j'essaie de garder une connexion, même à distance, ce qui s'y passe, etc. Et aussi de me connecter par la littérature, par d'autres formes artistiques.

  • Speaker #1

    On va faire un petit vrai ou faux, Jean d'Amérique.

  • Speaker #0

    Let's go. Un café ou un soin ?

  • Speaker #1

    Jean d'Amérique, vrai ou faux, vous adorez lire, fumer de l'herbe, écouter de la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Vrai. Mais où est-ce qu'il a trouvé ça ?

  • Speaker #1

    Ah, vous l'avez dit ?

  • Speaker #0

    Oui, vrai. Ah, t'as fouillé. J'ai fouillé. Oui. C'est vrai. Oui, j'adore lire.

  • Speaker #1

    Mais la musique trap et boire du café.

  • Speaker #0

    Oui, oui. J'adore lire. C'est vrai que je fume de l'herbe. Ça arrive. C'est bon. Ça arrive, oui. C'est bon. Et le café, c'est... une de mes boissons préférées. Je pense que c'est ma boisson préférée.

  • Speaker #1

    Ça rentre dans le processus d'écriture également ?

  • Speaker #0

    Ah, sans doute, ça infuse les mots. Mais je dis souvent que tous les matins, je suis triste jusqu'à ce que j'avale ma première goutte de café. voilà et une fois que j'avale ma première goutte de café je suis vivant j'existe et d'ailleurs il a un café devant lui le champ d'Amérique a un café devant lui en Haïti on vous appelait le pied poudré Oui. Alors,

  • Speaker #1

    il va falloir nous traduire la signification.

  • Speaker #0

    Pied poudré, c'est une expression en Haïti pour dire... En fait, c'est quand quelqu'un traîne partout et donc, il a littéralement les pieds poudrés de poussière, en fait. Et donc, moi, je dis que je suis un pied poudré parce qu'après au Prince, oui, je traîne partout pour aller chercher les livres, pour aller voir les amis. Donc oui, Pied Poudré, c'est vraiment quelqu'un qui arpente la ville, qui erre dans la ville en quête de quelque chose.

  • Speaker #1

    Un voyageur à l'intérieur de son royaume.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Vrai ou faux, c'est le rap de Tupac qui vous a amené à l'écriture ?

  • Speaker #0

    Le rap... Plus largement, celui de Tupac certainement aussi. Mais avant Tupac, quand même, il y a eu du rap haïtien. C'est par là que ça a commencé.

  • Speaker #1

    Il y a deux groupes haïtiens qui vous ont principalement influencé ?

  • Speaker #0

    Exactement, Barricade Crew, Wok Fam. Donc oui, ces groupes m'ont marqué. Et après, moi, par mes recherches, je suis allé écouter du rap américain, du rap français. Donc oui, Tupac et d'autres.

  • Speaker #1

    Parce que Haïti est un pays de musique.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Souvent, quelques fois, on va même penser que Haïti n'est presque représenté que par la compas qui infuse dans le zouk caribéen. Mais c'est au-delà de tout cela. Mais c'est beaucoup, beaucoup de musique.

  • Speaker #0

    Oui, beaucoup, beaucoup. Et beaucoup plus que le compas, justement. C'est vrai que le compas, oui, c'est une musique haïtienne. qui a une place très forte là-bas et qui influence aussi d'autres styles de musique. Mais il y a plein de types de musique en Haïti. Et aujourd'hui, il y a vraiment beaucoup, dans la musique, il y a beaucoup de créations. Je pense qu'il y en a qui n'arrivent peut-être pas à percer à l'international, mais... Je pense que certainement ça va arriver.

  • Speaker #1

    On va parler musique après tous les deux, mais on va continuer avec ces vrais ou faux. Vrai ou faux, être né quelque part, c'est un accident. Être haïtien, ça ne veut rien dire. Votre seule boussole, c'est la poésie.

  • Speaker #0

    Ça, c'est vrai. Il me semble que j'ai dit ça quelque part.

  • Speaker #1

    C'est possible.

  • Speaker #0

    Oui, c'est possible.

  • Speaker #1

    Je n'aurais pas inventé.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'est vrai. Je pense que... Oui, être haïtien, c'est...

  • Speaker #1

    C'est une partie de vous, mais vous êtes principalement poète.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. Je ne voulais pas être enfermé dans une identité, parce qu'une identité, c'est quelque chose qui n'est pas fixe. C'est appelé être un perpétuel mouvement. C'est ce que Édouard Glissant appelle la créolité, la créolisation. En fait, on est des êtres en devenir tout le temps. Ou bien Jean-Claude Charles qui parle de enracinérance j'aime beaucoup ce terme-là. C'est une manière de dire qu'on vient certainement de quelque part, on a des racines, mais on peut être en perpétuelle errance à la rencontre d'autres imaginaires, d'autres cultures, sans s'effacer en fait, sans effacer notre essence.

  • Speaker #1

    Très puissant. Vrai ou faux, vous avez besoin d'être inconfortable dans votre démarche pour vous convaincre de rester un artiste.

  • Speaker #0

    C'est vrai. C'est très important de...

  • Speaker #1

    Vous remettez en question.

  • Speaker #0

    C'est très important de toujours se renouveler. comme artiste, parce qu'on est appelé à créer, donc donner quelque chose de nouveau. Moi, tous les textes, tous les livres que j'écris, j'essaie de divorcer avec la forme précédente pour inventer quelque chose de nouveau. Oui, c'est-à-dire renier, enfin pas renier, mais dépasser ce que j'ai déjà fait. Oui, quand je dis divorcer, ce n'est pas renier.

  • Speaker #1

    Justement, c'est très fort. Quand on divorce, on ne renie pas ce qui s'est passé avant, mais on tire vraiment un trait sur quelque chose.

  • Speaker #0

    Exactement. C'est-à-dire, moi, j'ai publié, pour l'instant, je crois, neuf livres. Ils ont tous des formes différentes. Et ça, pour moi, c'est important parce que je ne veux pas me répéter. Je ne veux pas être l'écrivain qui, enfin, a trouvé sa formule magique et qui... répète à chaque fois, je ne veux pas que faire un livre soit facile pour moi. Sinon, j'aurais l'impression que je ne fais plus rien.

  • Speaker #1

    Comment on fait alors pour que ça devienne difficile dans le processus d'écriture ? Comment vous écrivez, tout simplement ?

  • Speaker #0

    Pour moi, écrire, c'est comme... C'est comme creuser une terre et faire... et accepter après un long temps de ne rien trouver. On creuse, on creuse et on ne trouve rien. Et on continue.

  • Speaker #1

    Vous venez dans un café comme ici, par exemple, on est au Café Floreal à Belleville. C'est vous qui avez choisi cet endroit. Est-ce que ça vous arrive d'arriver dans un café comme ici et avec une feuille, un stylo ou un ordinateur, j'en sais rien, et puis... d'envoyer du pâté, si vous me permettez l'expression.

  • Speaker #0

    Oui, ça m'arrive. Ça m'arrive. J'ai toujours des choses qui flottent en moi. Et donc, à un moment, il faut que je me pose pour essayer de les sortir. Des fois, je prends juste des notes. Mais réellement, je ne me donne pas un... un objectif rigoureux d'écrire forcément quelque chose. Ce n'est pas l'usine. Voilà, ce n'est pas une usine, mais c'est juste être à l'écoute et créer de la disponibilité pour accueillir ce qui peut jaillir. Et donc, une fois qu'il y a ce jaillissement-là, trouver les mots, trouver la forme, c'est là que naisse le travail. Et donc, oui, que je sois dans... Dans un café ou chez moi, c'est être à l'écoute de ce qui me traverse. Et donc, oui, par exemple ici, ces derniers temps, je viens souvent me poser là. Des fois, j'écris, des fois pas du tout, des fois je lis. Ou parfois, je suis en train de lire et tout d'un coup, il y a une idée qui passe dans la tête. je profite de l'écrire et parfois j'ai des projets en chantier aussi dans lesquels je fais comme C'est comme si je picore. À chaque fois, je dépose quelques petites...

  • Speaker #1

    Parce que quand vous dites que vous êtes une antenne, j'ai l'impression vraiment d'avoir cette antenne radio. Vous êtes une radio et puis vous allez...

  • Speaker #0

    Je capte les vibrations.

  • Speaker #1

    Vous regardez les gens également ? Ça vous inspire, les gens ici ?

  • Speaker #0

    Oui, ça arrive. Il y a des gens que je vois, des choses que je vois, des actions. Donc... Ça ne veut pas dire que j'écris tout de suite un livre avec ça, mais je prends des notes, je prends beaucoup de notes par rapport à ce qui se passe autour de moi. Et j'aime écrire aussi avec le bruit de la vie autour de moi. Et dans un café, on a ça.

  • Speaker #1

    Je vous l'assure, on a tout ce qu'il faut.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait. On a le bruit de la vaisselle, on a le bruit des tasses, les gens qui parlent autour.

  • Speaker #1

    Ça fait un tapis sonore.

  • Speaker #0

    Exactement, et moi j'ai besoin de... J'ai besoin de ça pour écrire aussi. J'aime pas forcément... Enfin, parfois c'est bien, mais j'aime pas toujours avoir un silence de tombe pour écrire. Déjà, je viens de Port-au-Prince, c'est une ville qui est très bruyante.

  • Speaker #1

    Entre les voitures, les cris...

  • Speaker #0

    Ouais, les voitures, les cris, les marchands qui passent, le voisin qui met sa radio, le pasteur à côté. Moi, j'ai toujours écrit avec tout ça. Voilà, tous ces bruits sont présents dans mes livres. Et donc, je ne peux pas écrire sans le bruit de la vie. J'ai besoin de ça, quoi. Donc, dans un café, je me rapproche un petit peu de ça.

  • Speaker #1

    Et donc, on a évoqué là Port-au-Prince, je reviens un peu sur Soleil à coudre avec cette petite fille de 12 ans à qui vous avez donné la parole, à qui vous avez donné la vie dans cette histoire. et je transpose ici parce que nous sommes à Paris et je me dis, est-ce que vous pourriez être un autre personnage, je sais pas un hipster qui est à la terrasse de ce café et puis qui a totalement d'autres préoccupations bien sûr est-ce que ça vous intéresse d'aller vers ces choses là et puis de dire, bah tiens en fait je vais faire une autre histoire différente, éloignée d'Haïti

  • Speaker #0

    Bien sûr, ça peut arriver ou même ça va arriver ou c'est déjà en train d'arriver. Parce que moi, je suis une fenêtre ouverte qui accueille tous les vents du monde que je rencontre. C'est-à-dire... je ne me force pas à le faire. Je sais tout simplement que je vis ici à Paris et donc forcément, je suis en contact avec autre chose qui vont infuser ma vie, qui vont infuser ce que j'écris.

  • Speaker #1

    Et on trouve également, au-delà des textes, j'ai écouté cet album que j'ai trouvé très réussi dans lequel vous posez votre voix sur de la musique trap. C'est venu comment ?

  • Speaker #0

    Comme vous avez raconté tout à l'heure, j'ai beaucoup été influencé par le rap et ce rythme là me porte. Et moi, avec ma poésie, je me dis toujours que je peux trouver d'autres formes pour l'exprimer. Et donc, ça passe par la musique. Et voilà, j'adore ça. Les mots, c'est déjà de la musique d'ailleurs. Si on fait attention...

  • Speaker #1

    Une musicalité, une rythmique ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a déjà un rythme. Et moi, je donne beaucoup d'importance à ça dans l'écriture. Trouver un rythme. avec les mots. Et donc, ce que j'ai fait dans cet album, c'est juste... cette rencontre entre ma poésie et une musique qui est le rap, avec la trappe, la drill. Trouver une autre manière de partager ce que j'écris et que ça sorte un peu des livres aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on arrive à exprimer d'autres choses ? Est-ce que vous, vous exprimez d'autres choses à travers les textes slamés que par rapport à ce que vous écrivez ? Est-ce que c'est plus direct ? Est-ce que c'est plus franc ? Est-ce que vous lâchez plus ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il n'y a pas vraiment de différence. C'est-à-dire que c'est la même matière qui passe juste par deux enveloppes différentes, deux chemins différents. D'ailleurs sur l'album que j'ai sorti, il y a des textes qui viennent de mes livres, qui n'étaient pas prévus pour de la musique, mais que j'ai mis en musique. Donc pour moi c'est vraiment la même matière. Je ne me dis pas que je vais écrire pour ça et donc je vais écrire de telle manière. Je peux le faire aussi, mais je pense que les mots sont déjà musique, les textes comme je l'ai dit quand je les ai écrits. je donne déjà cette place à la musique, au rythme. Donc il me suffit de l'envisager par la suite avec de la musique et je vais trouver une manière de le mettre en bouche, de le mettre en voix qui soit plus ou moins potable.

  • Speaker #1

    Vous allez vers quel mode d'expression après le slam, après les romans, après le théâtre ? Il y a un autre roman qui est en cours ?

  • Speaker #0

    Il y a un autre roman, oui, qui est en cours. J'y travaille depuis quelques temps, depuis quelques années même. Ça prend du temps, mais ça arrive, ça arrive. On y bosse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous auriez fait ? Imaginons, vous n'êtes pas poète, vous auriez fait quoi ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'aurais pu être un chercheur en sciences sociales, sciences humaines, des choses comme ça. J'avais même entamé des études par rapport à ça, que j'ai fini par abandonner pour me consacrer à l'écriture. Mais j'aimais bien cette idée d'analyser, d'essayer de comprendre les phénomènes sociaux, le rapport entre les gens. Je pense qu'on le fait un petit peu à travers la littérature. Moi,

  • Speaker #1

    je vais vous proposer un truc très terre à terre. Je vais vous dire, on va imaginer que vous travaillez dans un café. Mais pour ça, j'ai trois questions à vous faire passer pour voir si on peut valider le fait que vous pouvez tenir un bar ou un café. On essaye ?

  • Speaker #0

    Let's go.

  • Speaker #1

    Alors déjà, pourquoi le thé est plus cher que le café ?

  • Speaker #0

    Ça, je n'ai jamais compris. Ça, je n'ai jamais compris.

  • Speaker #1

    C'est une terrible injustice pour les buveurs de thé.

  • Speaker #0

    Oui, ça, c'est une injustice. Mais bon, le café, c'est le plus important.

  • Speaker #1

    Je vous donne la réponse quand même. En fait, le thé est plus cher que le café parce qu'il se boit plus lentement. et donc le client reste plus longtemps à table et puis ça demande au delà du café ça demande une tasse à nettoyer ça demande un pot d'eau ça c'est n'importe quoi exactement je sais pas si vous êtes amateur de pastis mais la différence entre un pastis 51 et un Ricard ah

  • Speaker #0

    ouais ça je ne saurais pas dire vous buvez du pastis ? oui ça m'arrive ah bah

  • Speaker #1

    Donc le Ricard, la différence entre le Ricard et le Pastis 51, c'est que le Ricard a un goût légèrement plus fort et légèrement plus amer que le Pastis 51. C'est hyper important de le savoir. Ok,

  • Speaker #0

    je vais faire attention la prochaine fois.

  • Speaker #1

    Et j'en ai une dernière. Quelle est l'origine du Tiponche ? Je dirais, le Tiponche est né suite à un événement.

  • Speaker #0

    Ah, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Ce cocktail est né sur l'île de Marie-Galante, au sud de l'archipel de la Guadeloupe, dans la mer des Caraïbes, pour fêter le décret d'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848. Tous les habitants affranchis et libres ont célébré cette journée de fête en consommant toute la production de sucre et de rhum de leurs clients qu'ils ont mélangé dans le grand tonneau en bois.

  • Speaker #0

    Waouh, c'est incroyable. C'est festif. Waouh. Ah bah il faut en boire

  • Speaker #1

    Là on enregistre ce matin on va faire ça mais on va continuer au café finalement Du coup je suis pas éligible pour travailler dans un café Non mais c'est vachement bien d'être poète je pense que vous avez toute légitimité à continuer dans cette voie parce que vous êtes extrêmement talentueux et c'était un honneur de vous accueillir Jean d'Amérique, merci beaucoup d'être venu pour cette émission Un Café au Comptoir au café Floreal à Belleville

  • Speaker #0

    Mille merci Mille merci et buvons du café éternellement.

  • Speaker #1

    Vous avez écouté un café au comptoir. Petit mot habituel de chaque fin de podcast, allez sur Apple Podcast, mettez 5 étoiles, c'est encore mieux. Et puis surtout, laissez-nous un petit mot pour expliquer comment c'était bien ce podcast, comment vous l'avez aimé. Vous mettez n'importe quel pseudo, on s'en fout. En tout cas, ça nous offre de la visibilité. Allez partager ce podcast avec vos amis, vos collègues, votre famille, qui vous voulez. En tout cas, merci d'être ici et à très très très bientôt pour un nouveau Café au comptoir.

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  • vrai ou faux

    22:05

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